Quand l’intelligence, la technique et le savoir-faire convergent et font sens dans un post-Rock Progressif qui allie puissance, mélodie et légèreté, ça donne « Pull ! », deuxième album du quatuor berlinois GLEN. Malgré la complexité du jeu et la précision des arrangements, le groupe évolue dans un registre instrumental très abordable, efficace et captivant. Un modèle d’authenticité en somme !
GLEN
« Pull ! »
(Anesthetize Productions)
Basé à Berlin, GLEN a pourtant la particularité d’être guidé par le multi-instrumentiste et compositeur de musique de film Wilhelm Stegmeier, de la Grecque Eleni Ampelakioutou (guitare, piano, percus), de la Gréco-autrichienne Maria Zastrow (basse) et de l’Américain Brendan Dougherty (batterie). Et le quatuor réserve encore bien des surprises sur cet addictif « Pull ! », qui s’écoute et se réécoute à l’envie.
Les cinq morceaux (enfin sur la version physique, celle qui s’écoute) oscillent en neuf et douze minutes, qui ne sont pas de trop pour poser les atmosphères qui font de ce deuxième album une sphère musicale où il fait bon se laisser aller. Cantonner GLEN a un simple groupe de post-Rock serait également réducteur, tant les quatre musiciens sont d’une musicalité pointue et minutieuse, mais sans jamais tomber dans une béatitude trop technique et démonstrative.
Mixé par le grand Reinhold Mack, « Pull ! » bénéficie d’une production à la hauteur des compositions des Berlinois. Outre un groove qui ne faiblit jamais, le travail effectué sur les guitares est exceptionnel et ne sombre pas dans des textures trop saturées. Cette légèreté apparente doit également beaucoup à la composante progressive et instrumentale de GLEN. Et même en l’absence de chant, le quatuor raconte pourtant de belles histoires.
L’envoûtement commence avec « Lecture » et son enchevêtrement de guitares, avant de se laisser porter par les percussions de « Korinth » dont le crescendo et le lead de la guitare sont particulièrement expressifs. La ligne de basse sur le très rythmé « Ahab » continue de captiver, avant le plongeon dans l’accrocheuse mélodie de « Davos ». Doux et léger, le morceau se fait plus planant grâce à des notes d’orgue très pertinentes. Enfin, GLEN se fait plaisir avec « Buffalo Bullet », reprise de John Cale et seul titre chanté de l’album.
Très travaillé et pourtant très accessible, « Pull ! » est d’une beauté renversante et saisissante. Efficace et entraînant, l’album met en lumière le talent des musiciens, qui portent l’ensemble et se mettent au service de morceaux dont la progression et la grande qualité des arrangements font des merveilles. GLEN joue sur les sensations avec un feeling tellement fluide qu’il en est irrésistible. Et il est aussi question de baleine… mais c’est une autre histoire !
Malgré sa jeunesse, le guitariste BEN RANDALL possède déjà une solide expérience. Ayant joué dans de nombreuses formations, le Britannique revient cette fois en solo avec un album où il parcourt différentes époques de ses expériences musicales. Son jeu et son style se font plus personnels au fil des morceaux à travers lesquels il propose de belles choses.
BEN RANDALL
« Before The Rain »
(Thoroughbred Music)
Le talent n’attend pas le nombre des années et BEN RANDALL vient confirmer l’adage. Loin d’être un clown savant de la six-cordes ou une petite bestiole qui ne jure que par la vitesse et la technique comme on le voit chaque jour, le guitariste base surtout et plutôt son jeu sur le feeling et le toucher que la technicité vient juste servir.
Ayant fait ses armes avec Code of Silence, 25 Yard Screamer et Chasing The Monsoon, BEN RANDALL explore avec « Before The Rain » toutes ces années au sein de ces formations, ainsi qu’en solo. Et entre Heavy Metal, Hard Rock bluesy et Rock Progressif, le registre du prodige anglais est vaste et instrumental pour l’essentiel, ce qui donne lieu à une grand expression musicale.
Avec « Dark Skies Over Babylon », BEN RANDALL propose le seul titre chanté de l’album par Joanna Ruiz et il sort d’ailleurs en single. Très expressif et progressif dans son jeu, le guitariste met en avant ses propres compositions, mélodiques et contrastées. Légèrement shred, mais pas trop, le Britannique brille surtout par son efficacité et son style très direct, cristallin et groovy.
YAWNING SONS est une entité transatlantique née de la rencontre entre les Anglais de Sons Of Alpha Centauri (SOAC) et les Américains de Yawning Man. Dans un Desert Rock progressif devenu mythique, le groupe est une évasion musicale sans pareil entre longs jams et fulgurances Rock très instrumentales. Pour la sortie du très attendu deuxième album (après 12 ans !), c’est le britannique Nick Hannon, bassiste de SOAC et pilier du groupe, qui nous en dit un peu plus sur le génial « Sky Island ». Rencontre…
– J’aimerais tout d’abord que tu reviennes sur la création de YAWNING SONS. Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’est-ce qui vous avait poussé à enregistrer « Ceremony To The Sunset » à l’époque ?
Avec SOAC, nous travaillions sur notre deuxième album et Gary (Arce de Yawning Man) venait de sortir l’album « Dark Tooth Encounter », ou du moins les démos, et j’ai été complètement époustouflé. Nous l’avons contacté pour lui demander s’il serait intéressé pour s’impliquer sur le deuxième album de SOAC à l’époque. Il est venu en Angleterre et tout est devenu évident à son arrivée, tant l’alchimie musicale était phénoménale et complètement organique. YAWNING SONS était né.
– 12 ans séparent les deux albums. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant d’enregistrer « Sky Island » ? Ce sont vos emplois du temps respectifs qui ont compliqué les choses ?
Oui, Gary a été très occupé avec Yawning Man. Ils tournent autant qu’ils le peuvent et lorsque nous avons travaillé ensemble pour la première fois, seuls « Rock Formations » et le EP « Pot Head » étaient sortis. Depuis, ils ont sorti quatre albums, plusieurs live et entrepris de nombreuses tournées. De notre côté, nous avons travaillé sur de nombreuses versions en collaboration avec Karma to Burn, et ensuite un deuxième album, puis un album-concept avec Justin Broadrick. Alors oui, nous étions très occupés chacun de notre côté.
– Maintenant qu’on a un point de comparaison entre les deux albums, je trouve que « Sky Island » sonne très américain, alors que « Ceremony To The Sunset » avait une sonorité très anglaise…
Je suis heureux qu’il y ait cette perception de contraste. Après ce grand laps de temps, il n’aurait pas été judicieux, ni utile de livrer un second « Ceremony To The Sunset ». Chaque album doit avoir sa propre identité et le groupe ne pourrait pas survivre s’il était purement enraciné sur un seul album après tant d’années. C’est bien qu’il y ait ce contraste pour créer un certain équilibre.
– « Sky Island » est aussi moins instrumental que le précédent. C’était une envie commune d’avoir plus de chant et donc aussi du texte ? D’ailleurs, par qui sont-ils écrits ?
Avec deux groupes entièrement instrumentaux, pouvoir travailler avec des chanteurs est passionnant ! Les paroles sont écrites par eux-mêmes, et elles captent toujours des vibrations vraiment cool dans les morceaux, ce qui les rend tout à fait uniques.
– Est-ce qu’avec YAWNING SONS, tu t’autorises des choses que tu ne fais pas avec SOAC ?
Absolument. Nous avons tendance à explorer davantage de thèmes précis dans YAWNING SONS et à les poursuivre jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment organiques pour serpenter doucement d’une ambiance à une autre. C’est un processus progressif très naturel. La façon dont les deux guitares et la basse se lient est tout à fait unique et nous pousse à des performances différentes que nous ne ferions pas autrement dans nos groupes respectifs, je pense.
– Vous avez enregistré « Sky Island » à Joshua Tree et il en ressort d’ailleurs une atmosphère très particulière. Dans quelles conditions cela s’est-il passé et quels souvenirs gardez-vous de la conception de ce nouvel album ?
Ce fût un moment très agréable. Nous avions prévu que Bill Stinson soit à la batterie pour l’album, mais nous étions si loin dans le désert qu’il s’est perdu ! Du coup, nous avons demandé à Clive (notre producteur) s’il connaissait quelqu’un de la région qui savait exactement où nous étions et qui pouvait aussi jouer de la batterie. Et c’est Kyle (Hanson) qui s’y est collé et qui a rendu vraiment rendu l’album spécial. Gary (Arce) venait de rentrer de tournée et avait de très bonnes idées. Sur laligne de basse de ce qui est devenu « Shadows and Echoes », tout s’est parfaitement imbriqué. C’est ça aussi YAWNING SONS.
– Sur ce nouvel album, il ressort une couleur sonore étonnante, une ambiance musicale profonde et pleine de relief. C’est le son que vous souhaitiez donner à YAWNING SONS dès le début ?
La profondeur du son et l’ambiance sont plus définies sur ce deuxième album. Tant que cela reste organique et planant, alors c’est cool. Les retours et les critiques ont été incroyables, et nous avons travaillé dur pour capturer cette atmosphère rare, mais constante, en sachant que l’ambiance est la chose la plus importante.
– Est-ce que vous suivez vos carrières respectives, et quel regard portez-vous sur vos derniers albums à savoir « Continuum » pour SOAC et « Macedonian Lines » pour Yawning Man ?
Eh bien, je ne peux parler que pour SOAC, même si bien sûr je suis un grand fan de mes frères de Yawning Man. Pour moi, « Continuum » a été un grand pas en avant pour SOAC. Nous avons réuni un Rock Ambiant et Progressif dans un voyage instrumental. Nous avons vraiment apprécié de pouvoir faire les choses vraiment librement et sans contrainte. Il est imprévisible, enfin j’espère ! Je ne pense vraiment pas que nous ayons un style immédiatement identifiable.
– Pour conclure, une question s’impose : considérez-vous toujours, et tous, YAWNING SONS comme un side-project ou un groupe à part entière ?
Ce deuxième album contribue certainement à élargir l’horizon de ce qu’est YAWNING SONS. Ce n’est plus seulement une simple idée ou un projet : c’est un groupe. Cependant, c’est un concept rare et précieux et j’espère que les astres s’aligneront à nouveau un jour …
L’excellent « Sky Island » est disponible depuis le 26 mars chez Ripple Music.
C’est dans les grands espaces canadiens que HEAVY TRIP, qui porte bien son nom, est allé puiser l’inspiration pour livrer un Stoner Heavy et Doom de haute volée. Dès son premier album, le trio se fait aussi hypnotique que fracassant et laisse place à toute sorte de rêveries malgré l’épaisseur de son jeu. Une grosse, grosse claque !
HEAVY TRIP
« Heavy Trip »
(Burning World Records)
En livrant un premier album de cette trempe, HEAVY TRIP met tout de suite les choses au clair. Ça joue et en bons Canadiens, ça envoie du bois. Le trio de Vancouver propose un opus éponyme en forme de gigantesque jam, où la lourde rythmique combine avec une basse groove et des guitares flamboyantes. Entièrement instrumentaux, les quatre longs morceaux sont aussi Acid que Psych.
Grasse et aérienne, la déferlante de riffs s’abat massivement dès les premières notes de « Lunar Throne » que HEAVY TRIP réussit parfaitement à faire monter en puissance avec une assurance qui fait vite oublier qu’il ne s’agit que de sa première réalisation. La production très organique de l’ensemble invite au voyage et on se laisse perdre dans les interminables et transcendants solos (« Mind Leaf »).
Peu à peu, l’esprit s’envole et les pensées vont se nicher dans les montagnes de la côte de la province de la Colombie-Britannique, où HEAVY TRIP a façonné son Stoner Psych aux frontières du Doom et du Heavy (« Treespinner »). Mélodique et addictif, le trio est plus que généreux en riffs hallucinatoires et la rythmique métronomique prend des allures de marteau-pilon sur « Hand Of Shroomr », le coup de grâce.
Si beaucoup verront dans cet album de BRUIT ≤ une sorte de laboratoire musical, ce premier opus (au nom interminable) va bien au-delà et présente au contraire une unité et une progression musicale saisissante, dans un style qui voit se télescoper de multiples émotions. Les Toulousains font preuve d’une créativité et d’une musicalité incroyable.
BRUIT ≤
« The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again »
(Independant)
J’ai toujours eu un faible pour les groupes qui vont à contre-courant en brisant les codes et les règles établies. Dans le cas de BRUIT ≤, c’est même un sacré coup de cœur. Pour commencer, même si le sens du titre de ce premier album est limpide, il faut s’y prendre à plusieurs fois pour le mémoriser. Ensuite, le quatuor toulousain a décidé de le sortir et de le rendre disponible uniquement sur Bandcamp, sans maison de disques.
Ainsi après un premier EP en 2018, « Monolith », voici le premier album du groupe qui, à travers quatre morceaux s’étalant sur 40 minutes, présente un registre post-Rock (presqu’instrumental) franchement immersif et parfaitement interprété. Grâce à une production et des arrangements très soignés, BRUIT ≤ parvient à nous emporter dans un monde musical aux contours cinématographiques et à la poésie évidente.
Autour d’éléments électroniques discrets et quelques éléments de musique classique, ce premier album s’écoute comme on regarde un film tant les quatre morceaux montrent une progression musicale étonnante. Conçu comme un conte philosophique sur la chute et la renaissance des civilisations, cet opus vient marquer les solides convictions humanistes de BRUIT ≤. Saisissant, le quatuor apaise et invite aussi à la réflexion. Une réussite totale.
Chaque nouvel album de GOD IS AN ASTRONAUT est un petit événement en soi. Le post-Rock des Irlandais a de quoi séduire et pour son dixième album, « Ghost Tape #10 », le groupe a délaissé les sons électroniques pour revenir à l’essence même de son style organique et épuré. Une petite merveille.
GOD IS AN ASTRONAUT
« Ghost tape #10 »
(Napalm Records)
Voilà maintenant près de deux décennies que GOD IS AN ASTRONAUT mène sa barque de façon assez discrète, toute en ayant fédéré un grand nombre de fans de son post-Rock instrumental. Respecté comme étant l’un des groupes référence du registre, le quatuor irlandais se démarque à nouveau avec un dixième album créatif et immersif.
Fondé par les frères jumeaux Niels et Torsten Kinsella, on éprouve toujours autant de plaisir à suivre l’inspiration du guitariste et pianiste Jamie Dean, qui fait autant preuve d’imagination que de dextérité (« Adrift », « Spectres »). Tout en mouvement, GIAA peut aussi compter sur son second guitariste, Jimmy Scanlan, qui apporte une belle férocité à « Ghost Tape #10 ».
Bruts et profonds, des morceaux comme « Burial », « In Flux » ou « Barren Trees » développent des atmosphères saisissantes, captivantes qui sont la patte très personnelle de GIAA. Frôlant la transe, les Irlandais nous promènent dans des contrées musicales presque méditatives (« Luminous Waves ». Et on notera enfin la présence de l’incroyable violoncelliste Jo Quail qui illumine l’album.
Suffisamment originale pour être remarquée, la démarche du trio italien IKITAN sur son premier EP est une réussite totale. Son Stoner Psych Rock rayonne sur un seul et même morceau, « Twenty-Twenty », dont les solides fondations permettent aux Transalpins de belles évasions sonores. Rencontre avec des musiciens libres et décomplexés…
– Avant de parler de « Twenty-Twenty », j’aimerais que vous nous présentiez le groupe en quelques mots…
IKITAN est un un trio instrumental de Gênes en Italie, et nous jouons un genre qui peut être défini comme du post-Rock lourd avec une pincée de Stoner et de Progressif. Le groupe est né en septembre 2019, et est composé de Luca Nash Nasciuti (guitares), Frik Et (basse) et Enrico Meloni (batterie). Notre nom vient d’une source non-certifiée trouvée par Luca sur le Net un peu par hasard. Ca signifie « Le Dieu du son provenant des pierres ». Il a vraiment adoré et c’est une source d’inspiration depuis, et il sonne parfaitement pour le groupe. Depuis, nous avons appris que cette signification n’existait pas… Mais cela n’a plus vraiment d’importance. IKITAN est le Dieu du son des pierres, point final. (Rires)
– « Twenty-Twenty » est votre premier EP. Pourquoi avez-vous décidé de ne proposer qu’un seul morceau, même s’il dure 20 minutes ? Et rassurez-moi, vous en avez d’autres dans votre répertoire ?
Nous avons commencé à jouer dès notre première rencontre début octobre 2019. Et certains riffs de « Twenty-Twenty » proviennent même de ces jams ! Nous enregistrons toujours ce que nous jouons, car chaque note est importante et peut devenir une chanson à part entière. Les erreurs sont particulièrement cruciales et peuvent parfois mener à quelque chose de complètement nouveau. En ce qui concerne le morceau, au printemps 2020, nous avions suffisamment de matériel pour sortir trois chansons différentes. Mais compte tenu de la situation causée par le Covid, nous nous sommes dit que c’était une chance de mettre le mot fin à cette première partie de l’histoire du groupe. Et comme personne ne savait ce qui allait se passer par la suite, nous avons voulu inscrire ce moment sur CD. Au final, la chanson dure 20 minutes et 20 secondes. L’album est intitulé « Twenty-Twenty » et il est sorti le vendredi 20 novembre 2020. Ca fait beaucoup de 20 ! (Rires)
Pour rendre le projet encore plus spécial et aller au bout de notre effort, nous l’avons sorti sous forme de digipack en édition limitée avec une affiche et un autocollant. L’ensemble a été réalisé par Luca Marcenaro qui a fait un travail formidable. Et puis, nous ne nous soucions pas beaucoup de tout ce qui est commercial ou adapté pour la radio. Mais nous avons pris les choses au sérieux en décidant de nous en tenir à nos premières intentions.
Nous voulions faire quelque chose d’unique, nous différencier dans cet océan de groupes et faire nos débuts avec cette chanson difficile à approcher, mais totalement écoutable, et c’est sûrement la chose dont les gens se souviendront d’IKITAN ! De plus, nous sommes de grands fans du post-Rock et de Progressif, où si votre chanson ne dure pas au moins 10 minutes… vous n’êtes vraiment personne ! (Rires) L’idée vient aussi de là.
Et bien sûr que nous avons plus de chansons ! Beaucoup de riffs sympas ont dû être laissés de côté quand nous nous sommes concentrés sur cette idée de 20 minutes 20 secondes. Ils trouveront donc leur place dans de futures versions.
– Ce qui ressort d’IKITAN est ce très fort esprit Jam qui règne dans le groupe. Ca vient votre façon de composer ? D’être complètement libre ?
Jammer est une chose très naturelle pour nous. Nous avons tous eu beaucoup de groupes dans nos vies, et il y a toujours eu cette approche dans l’apprentissage d’une chanson. De fait, la phase de composition est totalement libre et axée sur le jam. Quand nous entrons en répétition, aucun de nous n’offre de chansons complètes ou d’idées définitives aux autres. Nous laissons toujours la musique nous guider et l’improvisation joue donc un rôle-clé. Et puis, nous nous amusons beaucoup. (Rires)
N’oublions pas, quand on parle de liberté, que nous sommes un groupe instrumental. Ne pas avoir de chanteur nous donne une totale latitude dans l’approche intro-couplet-refrain. Nous avons donc une belle opportunité, avec IKITAN, d’expérimenter et de rassembler une large gamme de styles. Ce qui est cool, c’est que nous avons appris à nous écouter attentivement. De cette façon, nous parvenons à avoir un son cohérent.
Nous partageons aussi l’amour de certains groupes, le plus important étant probablement Tool. Mais à part cela, nous avons des antécédents variés et tout cela se mélange dans un mix un peu dingue de post-Rock, de Progressif, de Metal, de Stoner et de Desert Rock. C’est tout ce que nous aimons et nous essayons de varier notre musique le plus possible.
– Sur « Twenty-Twenty », vous alternez les ambiances passant d’un Stoner Psych à des moments plus Heavy et presque Desert Rock. Ce morceau était aussi l’occasion de montrer toutes les facettes d’IKITAN ?
Cet album n’a pas été construit avec la ferme intention de mettre en valeur la variété de ce que nous jouons, certainement pas. Il se trouve que nous jouons de cette manière, car nous avons un fond artistique commun. « Twenty-Twenty » peut être considéré en trois chapitres que nous avons voulu simplement assembler en une chanson. Nous visons à être aussi différents dans nos futurs morceaux. Il n’y a pas de limite.
Sans prétention, nous aimons que notre musique ait du caractère, et soit même surprenante si possible. Nous voulons créer des paysages et des voyages sonores. Parfois ça vient du post-Rock, d’autres fois c’est plus Progressif ou alors totalement Stoner… En gardant cet esprit de liberté, nous pourrions avoir des chansons plus courtes ou même avec des voix à l’avenir… qui sait ! (Rires)
– Depuis quelques temps maintenant, l’Italie occupe une place de choix en ce qui concerne le Stoner en général avec de très bons groupes et labels. Qu’en pensez-vous et quel regard portez-vous sur cette scène émergeante et même très installée ?
L’Italie a en effet une scène Stoner formidable et dynamique. Ce que vous pouvez voir de l’étranger n’est que la pointe émergée de l’iceberg. En Italie même, certaines choses sont de véritables joyaux cachés. Beaucoup de groupes sympas sont autoproduits, donc ils ne sont pas couverts par les médias grand public, ou même par des blogs ou des sites Web gérés par des fans.
Nous sommes de Gênes et ici la scène Stoner et Rock (sans parler d’autres scènes comme celle du Prog qui est également très active) compte d’excellents groupes, tels que Isaak, CRTVTR, Stalker, Burn the Ocean, Kurt Russhell, NAAT et beaucoup d’autres. Rassurez-vous, l’Underground est incandescent par ici !
« Twenty-Twenty » d’IKITAN est disponible en édition limitée (200 copies) sur Bandcamp : https://linktr.ee/ikitan
Guitariste reconnu et devenu incontournable dans l’hexagone, Yarol Poupaud a contribué à l’explosion de FFF avant de multiplier les collaborations aussi diverses que variées. Et curieusement, UNITED GUITARS est un projet qui l’a surpris à bien des égards…
– Tout d’abord, dans quelle mesure la participation à un project collectif est-elle différente d’un projet solo ? Même si là aussi, tu composes le morceau…
Il y a pas mal de choses qui diffèrent. Par exemple, je ne connaissais pas les musiciens de la section rythmique avec qui j’allais travailler. Déjà, j’étais ravi de les rencontrer et de bosser avec eux. Et puis la différence aussi, c’est qu’on n’avait pas tout un album à faire ! (Rires)
– Est-ce que le fait de figurer aux côtés d’autres guitaristes aussi talentueux créé une forme d’exaltation, une envie de se dépasser ou un désir d’impressionner techniquement les autres musiciens ?
En fait, je suis passé par plein d’états d’esprit. Quand j’ai dit oui à Ludovic (Egraz – réalisateur de l’album – NDR), je me demandais ce que j’allais faire. Ce n’est pas ma tasse de thé la musique instrumentale. En général, je fais des chansons ou des choses en groupe. J’étais un peu paniqué au départ. Et c’est vrai que la barre était très haute au niveau des autres participants. Ensuite, le riff est venu en faisant un jam lors de l’un de mes rares concerts de cet été, et puis on a développé le thème. En ce qui concerne les autres guitaristes, soit je me mettais une pression de dingue ou alors je passais à autre chose, et c’est ce que j’ai fini par faire.
– Cette participation à « United Guitars » a-t-elle aussi été l’occasion pour toi de sortir de ton registre ou de bousculer certaines habitudes ?
Ah oui, je ne fais jamais de morceaux instrumentaux comme je te le disais. Ensuite, mon registre musical est tellement vaste que je ne réfléchis pas de cette manière. Je fais aussi bien des disques de Reggae que des albums de Country, de Punk Rock ou de la musique Electro. Je ne suis pas figé dans un style. C’est sûr que guitaristiquement, j’apporte ma patte et mon identité et j’espère que cela s’entend. Mais c’est vrai que je suis sorti de ma zone de confort pour composer ce morceau et faire un titre instrumental qui tienne la route.
– Parmi, les talentueux guitaristes qui figurent sur ce volume 2 de « United Guitars », avec qui aurais-tu vraiment eu envie de faire un duo si l’occasion s’était présentée ?
Il y en a plein, car je fonctionne par rencontre. Malheureusement, je n’ai pas croisé grand-monde sur le projet et j’espère qu’on aura vite l’occasion de faire un concert avec tout ce beau monde. C’est vrai qu’avec Fred Chapellier, on se connait bien depuis les « Vieilles Canailles » et on s’entend très bien. J’aime beaucoup Nina Attal aussi. Elle a vraiment du talent et fait plein de choses intéressantes.