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Editions des Flammes Noires : les reliures de l’extrême [Interview]

Avec 7.000 livres vendus en l’espace de quatre ans, Emilien Nohaïc est parvenu à installer LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES parmi les maisons incontournables de la scène Metal et plus particulièrement extrême en France. Entre traductions de livres biographiques d’artistes incontournables et récits consacrés aux scènes nationales comme celles du Black Metal finlandais, d’Arménie et de France, le Breton a également édité des romans et de beaux livres plus graphiques comme ceux de Jeff Grimal. Si le domaine est réservé, la palette n’en est pas moins large ! Moments choisis d’une longue et passionnante conversation avec un vrai passionné, qui nous en dit plus sur son travail au sein de cette entreprise en plein essor.

– Parce que tout le monde ne connait pas encore LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, j’aimerais que tu nous dises quand est-ce que tu as créé la société, pour quelles raisons et combien de livres ont été publiés à ce jour ?

L’entreprise a été crée fin 2019 et le premier livre consacré à Rotting Christ est sorti en mars 2020. On vient de sortir notre quinzième livre autour de la scène Black Metal finlandaise. Nous faisons essentiellement des ouvrages autour du Metal et du Metal extrême. Cela peut être de la biographie, comme pour Behemoth très récemment, ou alors plus documentaire sur des scènes françaises et étrangères et également des beaux livres comme avec Jeff Grimal. D’ailleurs, on va en faire d’autres à l’avenir.

– Pourquoi as-tu jeté ton dévolu sur le Metal extrême, qui est plutôt un style de niche ? C’est un registre que tu affectionnes tout particulièrement, un univers qui te fascine ou c’est plus simplement pour combler un manque ?

Un peu tout ça finalement. J’écoute essentiellement et uniquement du Metal extrême comme le Black Metal et le Death Old School. Ce sont vraiment des styles que j’affectionne depuis de nombreuses années. Par ailleurs, je faisais déjà des traductions en 2015-2016 pour ‘Camion Blanc’, une autre maison d’édition, car j’avais beaucoup de temps libre à l’époque en étant prof de français à la FAC aux Etats-Unis. Et c’était aussi un désir personnel de développer des acquis dans le domaine de la traduction. En 2019, j’ai proposé le projet sur Rotting Christ, mais il y avait d’autres livres en cours et il aurait fallu attendre plusieurs années. Comme il y avait d’autres ouvrages dans le même style sur d’autres groupes du genre, je me suis dit que ce serait dommage qu’il ne sorte pas. Ça a été un déclic pour me pencher sur le travail d’entrepreneur, puisque l’Education Nationale ne me proposait rien d’intéressant. Et je me suis lancé très rapidement fin 2019. Je voulais aussi aller voir ce qui se faisait ailleurs, en dehors des groupes et des musiques plus grand public.

Au coeur des festivals, une présence devenue indispensable…

– Au départ, ton intention était d’abord de faire découvrir une musique très peu médiatisée, ou plutôt de faire découvrir de nouveaux auteurs, de belles plumes ?

Ni l’un, ni l’autre, figure-toi ! Je voulais tout d’abord faire des bouquins en français sur des groupes, dont on est tous fans dans le Metal extrême : Paradise Lost, Moonspell, Morbid Angel, etc… Ils ont tous une grosse communauté de fans dont beaucoup ne parlent pas anglais, ou n’ont pas envie de lire en anglais. Je voulais leur proposer ces livres-là et à des prix tout à fait corrects. Et le fait que cette musique ne soit pas très médiatisée n’est pas forcément un souci. Dans le Metal extrême, il y a des moyens de communication très efficaces à travers les réseaux sociaux, les webzines et les magazines, dont ‘Metallian’ qui m’a toujours soutenu. Donc, on n’a pas forcément besoin des gros médias nationaux.

– Quels sont tes critères pour décider d’éditer un livre et comment cela se passe-t-il ? Tu reçois un manuscrit ou une idée que tu peux éventuellement développer avec l’auteur ?

Ça, c’est valable uniquement pour les auteurs francophones. Pour les traductions, il faut que le bouquin me plaise, le groupe est assez secondaire finalement. Mais pour le français, il faut d’abord que la relation se passe bien avec l’auteur, puisque je suis seul à gérer tout ça. Il faut aussi qu’il y ait un bon accompagnement, c’est-à-dire que je puisse les aider et les guider et surtout que le projet m’intéresse. Par exemple, si on prend Pierre Avril qui travaille sur une série sur le Black Metal, son projet était très intéressant, notamment sur sa dimension. En revanche, quand il est arrivé, il m’a proposé 800 pages illisibles, qui partaient dans tous les sens. Je lui ai donc dit que je ne pouvais pas faire ce genre de livre, parce que c’était tout simplement imbuvable. Il a bien compris les choses. Je lui ai proposé de faire cinq chapitres répartis sur cinq livres différents. Et plutôt que d’avoir les pochettes d’albums, les mêmes logos, les mêmes photos présentes partout sur Internet, je lui ai proposé que ce soit un même artiste qui illustre chaque livre en intégralité. Et Maxime Taccardi a eu la gentillesse de travailler avec nous pour le premier et il a réalisé une quarantaine d’illustrations. Pour le deuxième, Von Kowen a interprété à sa manière les classiques gothiques de Gustave Doré. Et ça donne des livres qui sont concentrés sur des sujets très précis du Black Metal. L’idée est d’avoir un seul artiste qui va illustrer l’un des livres, ce qui apporte une cohérence et une âme à chaque fois. C’est très intéressant, car on a un travail différent sur les livres. Finalement, pour tous les livres, le travail est particulier et se distingue des autres.

– Récemment, tu as sorti la biographie de Behemoth, qui est donc une traduction. Dans ce cas-là, il y a des droits d’auteurs et j’imagine qu’il faut les obtenir ou peut-être même les acheter ? Comment cela se négoce-t-il ?

Effectivement, c’est un milieu très mercantile. Tout est monnayable. Donc à partir du moment où tu as les budgets, tu peux avoir globalement qui tu veux. Sans entrer dans les détails, pour Behemoth, c’était un véritable plaisir et un honneur de pouvoir avoir un groupe comme ça. Ils ont commencé très, très bas et aujourd’hui, ils sont au sommet de leur art et en tête d’affiche de tous les gros festivals. Ils seront d’ailleurs à la Philharmonie à Paris le 4 avril 2024. C’est un groupe qui est véritablement impressionnant. Qu’on n’aime pas leur musique, on peut le comprendre, mais leur parcours est exceptionnel. Pour la traduction, il a donc fallu acheter les droits, et c’est un budget ! Je n’ai pas le droit justement de donner les montants, car les négociations ont été compliquées. Et ce n’est pas Behemoth en tant que tel, ce sont les détenteurs des droits sur les livres. Dans certains cas, les groupes ne touchent pas forcément d’argent sur les ventes des livres, car le texte ne leur appartient pas. Et puis, ce n’est même pas non plus forcément l’auteur qui détient les droits. Ça peut être une maison d’édition, des agents… il y a des cas qui peuvent être assez complexes. Je n’ai pas traité avec Behemoth en tant que personne morale en direct, mais avec leur label américain ‘Metal Blade Records’, qui les produit depuis très longtemps.

– LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES publient les livres d’un ou de plusieurs auteurs, comme pour « Furie Arménienne », par exemple. Est-ce qu’il t’est déjà arrivé d’être à l’origine d’un projet, d’être le commanditaire en quelque sorte d’un ouvrage ?

Non, sauf quand je fais les démarches pour avoir les droits sur un livre dans une autre langue. Je fais part de mon intérêt et je fais une proposition avec aussi un pourcentage sur les ventes derrière. Ensuite, on négocie. Mais je ne fais pas d’appel à projet à proprement parler. J’ai déjà beaucoup de travail et de publications à sortir, et je n’ai pas encore le besoin d’en arriver là. De temps en temps, j’ai aussi des propositions intéressantes sur lesquelles je m’appuie.

« The Stoner Freaks Anthology », une bible pour tous les fans…

– En plus de l’édition, il t’arrive aussi d’être le distributeur d’un livre que tu n’as pas publié, comme c’est le cas pour « The Stoner Freaks Anthology ». On fait appel à toi pour ton réseau, ou c’est surtout pour développer ton activité ?

C’est un peu des deux. C’est vrai aussi qu’entre « The Stoner Freaks Anthology » et le Black Metal, plusieurs mondes les séparent ! En fait, les auteurs avaient lancé le projet avec un crowdfunding, qui avait cartonné et qui leur a permis de lancer l’impression de 750 exemplaires sur le premier volume. Quelques mois plus tard et parce qu’il y avait une grosse demande, ils m’ont proposé de reprendre le projet, de le publier sous le nom des FLAMMES NOIRES, mais sans toucher au texte et au prix. On a donc dû trouver des compromis avec l’imprimeur pour que ce soit viable avec un volume de livres assez conséquent pour que ce soit rentable aussi. On en a fait 1.000 exemplaires, qui sont partis sur un an et demi/deux ans. Il s’est donc vendu au total à plus de 1.700 exemplaires très rapidement. Sur le deuxième volume, ils ne voulaient pas gérer la logistique des envois et la réception, ce que je comprends bien. Pour l’anecdote, quand le premier volume est arrivé chez moi, cela représentait trois tonnes de livres ! C’est conséquent quand tu vis en appartement ! Et quand tu vois que tout est parti, c’est quelque chose qui fait vraiment très plaisir d’autant qu’il s’est passé la même chose sur le deuxième ! 

– L’été vient de s’achever avec de nombreux festivals Metal sur lesquels tu étais régulièrement en tant qu’exposant. C’est important d’aller au contact des fans de Metal et de pouvoir directement leur parler des livres des EDITIONS DES FLAMMES NOIRES ?

Complètement, parce qu’aujourd’hui sur les réseaux sociaux et même sur Internet plus largement, c’est difficile d’émerger et de se faire une petite place. On est noyé dans la masse et rien de concret ne se produit derrière. Et surtout, je ne vends que des objets physiques et c’est donc important d’avoir une relation physique avec les gens. Il faut qu’ils puissent le prendre dans les mains, le regarder, le feuilleter et toujours sans obligation d’achat. Les festivals sont nécessaires pour aller vers les gens, car ils ne viendront pas forcément vers toi. Il y a un choix devenu très important et très différent, et qui va bien au-delà des livres avec notamment du merchandising en tout genre, les vinyles et même les cassettes, par exemple.

L’histoire du Black Metal finlandais…

– Tu travailles essentiellement en faisant de la VPC et tu es donc présent sur les festivals, ainsi que dans quelques librairies. Quels sont les principaux obstacles que tu rencontres au niveau de la distribution ?

Une fois encore, c’est un peu plus compliqué que ça en a l’air. Au début, tout passait par moi et le site internet (lien en bas d’interview – NDR), où il y a l’ensemble du catalogue avec une grande variété d’ouvrages comme des romans également. Les principaux obstacles viennent du fait que l’auteur soit connu, ou pas, et que les ventes aient un volume suffisant, parce que cela coûte très cher. Pour le moment, je n’ai pas encore atteint le niveau de vente nécessaire ou de catalogue pour que ce soit intéressant pour les distribuer un peu partout. En 2024, il va y avoir du changement, car j’ai signé les contrats de distribution des livres avec la société Geodif, qui appartient à Gallimard (groupe Eyrolles – NDR). Et ça fait vraiment plaisir ! Ce sont donc eux qui vont gérer les stocks, assurer de la promotion des livres et de leur mise à disposition dans les librairies indépendantes, ainsi que les FNAC, Cultura, les points Leclerc, etc… C’est une super évolution et qui s’est faite en très peu de temps.

– Aujourd’hui, LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES sont focalisées sur les musiques extrêmes. Est-ce que tu envisages à l’avenir de t’ouvrir à d’autres registres, voire d’éditer des ouvrages d’un tout autre genre littéraire ?

Oui, non et pas du tout, en fait ! (Rires) Ma ligne éditoriale est très simple : il faut que ça parle de Metal et de Metal extrême. Si tu me proposes un bouquin sur Led Zeppelin, je te dirai d’emblée que je ne suis pas intéressé, car ça ne rentre pas dans ma ligne éditoriale justement. Ce n’est pas que je n’aime pas le groupe, c’est tout simplement que ce n’est pas ce que je veux. Et il y a d’autres maisons qui font ça très bien et qui le feront mieux que moi. Si quelqu’un vient avec un projet sur Nightwish, par exemple, qui est un groupe un peu plus grand public, et que c’est bien fait, que c’est intéressant, que ça se lit bien et qu’il y a plein de belles photos : je serai partant, alors que Nightwish n’est pas un groupe que j’apprécie. Il faut que ça reste dans cette optique-là. Le plus important est la pertinence par rapport à la ligne que je me suis fixée.

L’histoire des Norvégiens d’Ulver, le petit dernier…

– Il y a une chose de remarquable avec les livres que tu édites, c’est l’importance et le soin apportés à la mise en page et surtout à l’iconographie. Tu les places au même niveau que l’écriture dans le sens où un bon texte se doit d’être accompagné de visuels de qualité ?

Il faut que je prenne du plaisir avec mes bouquins et si je n’en prends pas, ça ne sert à rien. C’est aussi simple que ça. Les images et les photos permettent d’illustrer un texte et de prendre des respirations aussi. Si tu prends le livre sur Behemoth, l’image et le texte sont placés au même niveau, car ils sont complémentaires. L’image raconte aussi beaucoup de choses, qui ne sont pas forcément perceptibles dans le texte. C’est super de pouvoir visualiser ce que tu lis. Mes livres sont loin d’être parfaits, car il y a toujours des petites coquilles qui traînent, une mise en page qui peut être un peu trop tassée parfois ou des choix qui ne sont pas toujours judicieux. On apprend et on s’améliore au fur et à mesure. On apprend aussi de ses erreurs, tout simplement pour grandir. Je n’avais aucune expérience en commençant et j’ai appris en faisant les choses, en étant attentif aux détails. Pour les visuels, il faut toujours trouver le juste milieu, car il faut que ça respire. Et puis, étant aussi amateur de livre et de cette musique, j’ai envie de m’y retrouver et d’avoir envie de le lire. Cela nécessite également une prise de distance avec le temps, pour regarder les choses dans leur globalité. Et puis, chaque livre a sa propre identité et c’est exactement ce qui me plait. La recherche d’équilibre est toujours centrale finalement. Et cela n’empêche d’ailleurs absolument pas d’aborder un groupe sous des angles très différents, car il y a tout un monde derrière et autour des musiciens.

– Depuis la création de la maison d’édition, t’est-il déjà arrivé de refuser un manuscrit ou un projet et pour quelles raisons ?

Oui, j’en refuse régulièrement, car cela ne correspond, une fois encore, pas à la ligne éditoriale. On me propose du polar, de la science-fiction ou autre et je refuse, car cela ne m’intéresse pas. Et puis, il y a aussi le côté affectif. Il faut que je me sente en confiance avec l’auteur. C’est un bon point de départ, parce qu’on va s’engager sur plusieurs années et si le courant ne passe pas, ça peut vite devenir compliqué. Après, il y a forcément des moments de crispation, d’incompréhension et de malentendu. C’est normal, puisque qu’on parle de relations humaines. Il faut ensuite que ce soit bien pensé, viable et pertinent. Le parcours de l’auteur est aussi très important, car il apporte un témoignage sur quelque chose qu’il a vécu et/ou qu’il connait très bien. Ecrire un livre demande énormément de travail sur la longueur et beaucoup jettent aussi l’éponge. Des idées, on en a tous, mais les concrétiser est plus compliqué, car ça demande de la pugnacité, de l’engagement et de l’acharnement. Et puis, il faut aussi être en capacité de se voir dire non à de nombreuses reprises pour des raisons qui ne sont d’ailleurs pas toujours légitimes. Il faut savoir faire des choix et ensuite les assumer. Ce que j’ai vraiment appris, c’est que rien n’est jamais simple…. Et comme j’aime bien me faire chier, je suis plutôt heureux ! (Rires)

– Enfin, est-ce que lorsqu’on est éditeur, on a des désirs d’écriture ?

Au début, peut-être un petit peu, mais aujourd’hui pas du tout. Et puis, je n’ai pas le temps. Plus tard sans doute, j’aurais envie de me faire plaisir avec des groupes dont on ne parle peut-être pas assez. Pour le moment, je suis débordé et je n’ai pas la tête pour ça. J’ai déjà fait beaucoup de chroniques de livres, car j’ai tenu un blog pendant un moment, mais très éloigné du Metal. D’ailleurs, je préfère parler de présentation plutôt que de chroniques, et il s’agissait essentiellement de littérature américaine.

Tous les livres des EDITIONS DES FLAMMES NOIRES sont bien sûr disponibles sur le site : https://edt-flammes-noires.com

Retrouvez la présentation du livre consacré à Behemoth :

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Alternative Rock Pop Rock Power Rock

Amy Montgomery : une explosive dualité

Elle rayonne, elle rugit et elle envoûte une fois encore sur ce nouvel EP. Avec « Astil », AMY MONTGOMERY prouve qu’elle est aussi à son aise sur des morceaux massifs et rentre-dedans que sur des chansons poignantes. La spontanéité de la volcanique irlandaise fait des merveilles sur ce nouvel effort, qui promet un bel album à venir l’an prochain. 2024 sera sans nul doute son année et ces nouveaux titres sont autant de perles à déguster pour patienter… avant de l’accueillir sur les scènes françaises.  

AMY MONTGOMERY

« Astil »

(Independant)

Au printemps dernier, la déflagration Rock est venue de Belfast avec le single « Change Change » d’AMY MONTGOMERY qui, petit à petit et à force de tourner aux quatre coins de l’Europe, commence à se faire un nom. Il faut dire que la jeune chanteuse (et multi-instrumentiste) n’a pas froid aux yeux et se livre dans un registre explosif, mélodique et très rapidement addictif. Inspirée de figures féminines comme Alanis Morissette, Beth Hart et quelques autres, elle a su imposer son style, grâce à une forte personnalité et une combinaison de sons d’une puissance rare et d’une sincérité absolue.

Après un été passé sur les routes, l’Irlandaise est de retour avec « Astil », un nouvel EP qui nous permet de découvrir d’autres facettes de son jeu. Très bien autoproduit avec son partenaire Michael Mormecha, également touche-à-tout, le duo fait des étincelles en combinant les ambiances, des approches musicales différentes et une émotion qui se traduisent autant dans de délicates déclarations (« Forever And You ») comme sur des intentions plus guerrières (« Astil »). AMY MONTGOMERY ne s’interdit rien et se montre même d’une incroyable polyvalence.

Oser affirmer que la songwriter est l’incarnation-même du Power Rock moderne au féminin n’a flanchement rien d’extravaguant ou d’exagéré. Les morceaux d’« Astil » sont d’une telle variété que rien ne semble lui résister. Sensible et d’un dynamisme à toute épreuve, la frontwoman livre des morceaux très bien arrangés, où les guitares et sa voix percutent à l’envie, bien aidées par des synthés discrets et témoins d’une orchestration très maîtrisée (« Way For Free Limit », « Meet You In The  Sun »). Solaire et fougueuse, AMY MONTGOMERY fait bel et bien partie de ses futures très grandes, qu’on se le dise !

Le nouvel Ep d’AMY MONTGOMERY, « Astil » est disponible sur le Bandcamp de l’artiste :

https://amymontgomery.bandcamp.com/album/astil

Retrouvez également la longue interview qu’elle a accordé à Rock’n Force en mars dernier :

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Hard US Heavy Rock International Rock/Hard

Electric Boys : funky voltage [Interview]

Trois décennies de carrière, un long break, des projets annexes et ELECTRIC BOYS nous revient avec un huitième album toujours aussi musclé, festif et dynamique. Avec « Grand Explosivos », les Suédois font toujours vibrer cette corde très Hard 90’s entre Rock US et Glam pêchu. Toujours aussi peu disert et même assez taiseux, son fondateur, chanteur, guitariste et compositeur Conny Bloom revient sur cette nouvelle galette et se rappelle au bon souvenir d’une époque révolue. Entretien.

– Il y a deux ans, vous aviez sorti l’album probablement le plus sombre de votre discographie, « Up!de Down ». Composé en pleine pandémie, on peut comprendre votre état d’esprit d’alors. Qu’est-ce qu’il vous a vous apporté, selon toi ? Peut-être d’avoir abordé des thèmes dont vous n’aviez pas forcément l’habitude ?

Nous ne l’avons jamais considéré comme un album aussi sombre que ça. Cela dit, c’est vrai qu’il a été inspiré par ce qui se passait à l’époque, que ce soit du point de vue des paroles comme de la musique. Je pense qu’il en est ressorti de bons morceaux comme « Upside Down Theme », « Tumblin’ Dominoes », « It’s Not The End », « Twang Em & Kerrang Em »…

– « Grand Explosivos » est votre huitième album. Il y a eu ce long break entre 1994 et 2011 avec des projets solos et l’aventure Hanoi Rocks. Est-ce que, finalement, ELECTRIC BOYS n’est pas le groupe dans lequel tu peux artistiquement le mieux t’exprimer ?

En ce qui concerne la guitare, je dirais que ce sont plutôt mes trucs en solo, qui me donnent le plus de liberté. Mais tous les différents projets, auxquels j’ai participés, m’ont toujours apporté quelque chose de nouveau et d’enrichissant. Et puis, j’ai aussi passé de très bons moments à jouer avec Hanoi Rocks.

– On retrouve beaucoup d’efficacité dans le songwriting, tout en gardant cet esprit très fun et funky, puisque vous êtes acteurs de cette vague 90’s assez insouciante. On a l’impression que ce sont vraiment le plaisir et une certaine légèreté qui guident vos morceaux…

Hummm… Je ne sais pas trop, en fait. Je pense que je suis un peu perdu dans ma propre bulle la plupart du temps ! (Rires) Quand des idées de chansons me viennent, je les enregistre sur cassette, de la même manière dont j’ai travaillé sur « Ups!de Down » et comme tous les disques avant. Mais oui, je suppose que ce disque est assez ‘insouciant’ dans l’esprit. Pour « Grand Explosivos », c’est vrai que nous en avions assez de tout ce qui concernait la pandémie. On avait juste envie de retourner à la vie et de nous amuser.

Photo : Gabrielle Holmberg

– D’ailleurs, sur « Grand Explosivos », vous faites quelque clins d’œil sur « When Life Treats You Funky » aux Beatles et « I’ve Got A Feeling » sonne très Billy Idol, surtout dans la voix. Sans tomber dans la nostalgie, c’est une façon pour vous de retrouver cette folie et ce feeling, qui manquent peut-être un peu aujourd’hui ?

Comme tu le dis, il y a un côté très insouciant dans tout ça, Du coup, il n’y a aucune pensée plus profonde que ça, qui viendrait se cacher derrière ! Pour « I’ve Got A Feeling », j’ai commencé à chanter et quand je l’ai réécouté, j’ai pensé la même chose que toi, que la voix combinée aux guitares sonnait un peu comme Billy Idol. Et j’ai aimé ce son ! Quant au ‘Nanana’ sur « When Life Treats You Funky », ce n’était au départ qu’une blague, qui me faisait penser aux petites mélodies joyeuses de George Clinton notamment.

– Si on regarde de près votre carrière, il y a eu les fastes années 90 avec un premier album (« Funk-O-Metal Carpet Ride ») produit par Bob Rock, une grande présence sur MTV, qui était à l’époque une référence et un réflexe pour toute une génération, dont je fais d’ailleurs partie. Pourtant, depuis 2011, ELECTRIC BOYS renoue avec le succès et votre style semble plus intemporel que jamais. Comment l’expliques-tu? Les modes sont toujours cycliques ?

C’est une question difficile. Je suis très fier et reconnaissant que nous ayons réellement ‘un son’ propre à ELECTRIC BOYS. On peut jouer et varier beaucoup de choses avec mes riffs, ma voix et la batterie/basse qui sonnent comme personne. C’est vraiment ‘nous’ au final. En tant qu’auteur-compositeur, je ne suis jamais les tendances et je déteste l’idée d’être prévisible. Si cela ressemble trop à autre chose, nous le modifions immédiatement et volontairement pour éviter de tomber dans de vieilles habitudes. Et oui, pour te répondre, je crois que tout est plus ou moins cyclique, y compris dans la musique.

Photo : Gabrielle Holmberg

– ELECTRIC BOYS est une institution dans les pays scandinaves comme le Danemark et la Suède bien sûr. Qu’en est-il du marché américain, car en vous écoutant, on pense inévitablement au Los Angeles de la grande époque ? Ca reste un objectif ?

L’Amérique était un grand marché pour nous à une époque, c’est vrai. On a envie d’y retourner, mais cela nécessite une réflexion et une planification minutieuse de notre part. Au final, ce n’est pas une mince affaire !

– Enfin, ELECTRIC BOYS est un groupe très établi depuis des années, quel regard portes-tu sur la multitude, pour ne pas dire l’incompréhensible déferlante de sorties d’albums actuelle ? Sans se poser la question de savoir si elles sont toutes sont légitimes, ne frôle-t-on pas l’overdose ?

Oh que oui ! Il est devenu très difficile de faire entendre sa voix de nos jours. Quand nous avons commencé, il n’y avait que quelques chaînes de télévision comme MTV et la radio KNAC. Si tu passais chez eux, les choses se produisaient et cela avançait bien, car tout le monde était à l’écoute. De nos jours, la musique est vraiment partout. On doit juste continuer à faire ce en quoi nous croyons. J’espère que les gens en parleront autour d’eux et que la musique d’ELECTRIC BOYS pourra circuler normalement et le plus possible.

Le nouvel album d’ELECTRIC BOYS, « Grand Explosivos », est disponible chez Mighty Music.

Retrouvez le chronique de l’album précédent :

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International Rock Progressif

Eloy : dans les arcanes de l’Histoire [Interview]

La boucle est bouclée pour Frank Bornemann, guitariste, chanteur et compositeur d’ELOY. La trilogie autour de la vie de Jeanne d’Arc arrive donc à son terme avec le troisième volet de cette folle aventure avec « Echoes From The Past ». Faisant suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », ce nouvel opus se présente dans une ambiance légèrement différentes des précédents, puisqu’on y retrouve une touche très personnelle et propre au groupe allemand. Son leader nous en dit plus sur cette épopée musicale moyenâgeuse, et pourtant si actuelle dans le son et les morceaux.

– « Echoes From The Past » a une saveur un peu particulière, puisqu’il est non seulement le 20ème album studio d’ELOY, mais il est aussi le dernier volet de la ta trilogie consacrée à Jeanne d’Arc. Quel regard portes-tu sur cette carrière bien remplie ?

Etonné par sa durée, ému par la grande attention qui a été accordée à la musique d’ELOY, reconnaissant pour une si grande communauté de fans autour du globe qui m’a permis de faire cette carrière et d’être toujours en forme et en bonne santé.

– Ce nouvel album fait donc suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », une aventure débutée en 2017. Comment as-tu fait évoluer la narration dans un premier temps ? Et est-ce que cette trilogie a été écrite en une seule fois, ou au fur et à mesure ?

Dès le début, j’ai eu l’intention de créer une œuvre absolument authentique et historiquement correcte dans tous ses détails. Pour ce faire, j’ai consulté différents historiens, dont Régine Pernoud et Olivier Bouzy, le directeur du Centre Jeanne d’Arc à Orléans. C’est ainsi que je suis devenu un fin connaisseur de son histoire. Pour m’inspirer, j’ai visité de nombreux lieux où elle avait vécu et travaillé. Puis, j’ai commencé à travailler sur l’œuvre. J’ai d’abord cherché un titre intéressant et je l’ai trouvé avec « La vision, l’épée et le bûcher », et je me suis lancé. Comme il s’agit d’une œuvre très complexe, je l’ai divisée en deux albums et je me suis d’abord concentré sur le contenu du premier, qui est sorti en 2017 et a été très remarqué. Il a eu un grand succès et s’est placé dans plusieurs charts.

Encouragé par ce succès, j’ai immédiatement travaillé sur le deuxième volet, qui est sorti en 2019 et a également eu du succès en se classant aussi dans plusieurs charts. Au début, je n’avais pas pensé à un troisième album. Plus tard, je me suis rendu compte que le conteur, Jean de Metz, n’avait pratiquement rien dit de ses impressions, pensées, peurs et sentiments sur les deux albums. J’ai donc décidé de créer un troisième volet, dans lequel il serait le protagoniste des événements aux côtés de Jeanne d’Arc et refléterait les événements dans sa mémoire. C’est devenu un album très émotionnel que j’ai intitulé « Echos du passé ». Et l’album marche aussi très bien.

– Musicalement, de quelle manière es-tu parvenu à trouver cet équilibre, car les trois albums montrent une belle unité ?

Je ne sais pas. J’ai simplement composé, écrit des textes et je me suis mis dans la peau de Jean de Metz. Je me suis donc totalement identifié à lui. Je devais penser et ressentir comme lui, sinon cela n’aurait pas été possible. En ce qui concerne la musique, j’avais plus de liberté que dans les deux précédents. Ainsi, lors de la composition, des éléments typiques d’ELOY ont été introduits dans la musique, ce qui a probablement rappelé aux fans d’anciens albums. Pour moi, il était important que la musique s’accorde avec les deux premiers, malgré ses moments de force, de sensibilité et d’émotion variables. L’accueil positif réservé à « Echoes From The Past » me montre que j’ai probablement réussi à terminer la trilogie sur une bonne note.

– Ta fascination et ton admiration pour Jeanne d’Arc ne sont pas récentes, car tu avais déjà composé les morceaux « Jeanne d’Arc » en 1992 et « Company Of Angels » en 1994. Est-ce qu’à l’époque, tu avais déjà imaginé créer une telle épopée musicale ?

Oui, j’y pensais déjà lorsque j’ai composé le premier titre sur le thème de Jeanne d’Arc en 1990. Mais c’était trop tôt pour une grande œuvre conceptuelle, car je n’avais pas le temps et la tranquillité nécessaires à l’époque pour composer et produire un tel opus. C’est pourquoi nous en sommes restés sur une seule chanson. « Company of Angels », en 1984, était prévu pour un film américain, mais il n’a jamais vu le jour. J’ai donc placé ce titre sur l’album « The Tides Return Forever ». Ensuite, j’ai eu une période très chargée, avec de nombreuses productions dans mon studio, et je n’ai pas eu le temps de m’attaquer à une œuvre aussi importante. Ce n’est que bien plus tard que j’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve.

– « Echoes From The Past » semble t’avoir pris plus de temps, puisqu’il n’y avait que deux ans entre les deux premiers albums. Cela est-il dû au Covid, ou l’album t’a-t-il demandé plus de travail ?

Oui, le problème a en effet été le Covid. Les musiciens et les ingénieurs du son étaient constamment absents. La production de cet album a été très éprouvante. Je suis d’autant plus heureux de ce succès.

– Comment pour les deux précédents, Jean de Metz, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, est le protagoniste principal de l’histoire. Tu n’as pas été tenté de faire parler ton héroïne cette fois ?

Non, car cet album était dédié à Jean de Metz et à ses pensées et sentiments. Jeanne s’exprimait déjà sur « The Vision, the Sword & the Pyre Part 1 » avec la voix d’Alice Merton.

– Musicalement, ton Rock Progressif sonne très moderne aussi, tout en conservant ce côté intemporel propre à ELOY. Est-ce que le changement de line-up sur « Echoes From The Past » t’a également apporté un nouvel élan dans le jeu, la production et peut-être même dans la composition ?

Il n’y a pas eu de changement de casting, mais seulement des absences. Pendant la période de production, j’étais très souvent seul dans le studio. Les deux claviéristes, Hannes Folberth et Michael Gerlach, n’étaient pas là, et Steve Mann n’a pu participer aux claviers que pendant une période limitée, car il devait faire des tournées aux Etats-Unis, au Japon et en Angleterre en tant que guitariste. Au cours de la production, j’ai donc été très souvent seul en studio et je n’avais que sporadiquement des musiciens invités, auxquels j’expliquais ce qu’ils devaient jouer. Il n’y a eu aucun problème pour la basse et la batterie. Matze et Stephan ont apporté de superbes accents, qui ont donné un profil supplémentaire à l’album. Néanmoins, c’était une production épuisante et souvent solitaire pour moi, et finalement, j’ai dû mixer toute la musique et créer un pré-master.

– Ce qui est assez incroyable avec ELOY, c’est que tu as abordé des registres allant du Hard Rock au Space Rock en passant par le Krautrock, le Symphonique et bien sûr le Progressif. Pourtant, le style et le son du groupe sont immédiatement identifiables. Est-ce que c’est parce tu es le détenteur de cette identité depuis le début et que, finalement, ELOY ne pourrait pas continuer sans toi ?

Ce que tu supposes est vrai. J’ai effectivement fondé le groupe, j’ai fortement influencé son style par mes compositions et mon travail de production. J’ai également navigué à travers tous les changements de line-up. J’ai toujours tenu à ce que le groupe conserve son identité, et les fans m’ont largement récompensé pour cela.

– Enfin, lors de notre dernière interview, tu me disais que tu ne souhaitais pas faire de concerts autour de cette trilogie, mais un spectacle musical interprété par des artistes français. Où en est le projet aujourd’hui ?

Il est de facto impossible d’interpréter une telle œuvre uniquement avec une formation de groupe sous forme de concert avec de grands chœurs et des scénarios orchestraux. Dès le début, j’ai eu l’idée et l’intention de présenter « The Vision, the Sword and the Pyre » (sans « Echoes From The Part » et d’abord en France) comme un spectacle musical, à savoir un mélange de théâtre et de musique. Tous les dialogues et les paroles qui mènent l’action doivent provenir d’une troupe de comédiens français, qui se produisent sur scène. Les textes doivent bien sûr encore être écrits. Pour cela, je vais bientôt travailler avec un écrivain français. Il n’y aura pas de dialogues chantés, comme c’est le cas pour les comédies musicales. Si des représentations ont lieu à un moment ou à un autre dans d’autres pays, les textes parlés seront interprétés dans la langue du pays par une troupe de théâtre locale. Tu vois, le chemin à parcourir reste encore long et il n’est pas du tout certain que nous y parvenions. Croisons les doigts !

Le dernier album d’ELOY, « Echoes From The Past », est disponible chez Drakkar Entertainment.

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Heart Line : conquérant [Interview]

Deux ans après le début de l’aventure, HEART LINE n’a plus rien à prouver comme en témoigne la qualité artistique et technique des albums du quintet. Avec « Back In The Game » et plus récemment « Rock’n’Roll Queen », le groupe apporte beaucoup de fraîcheur et de modernité à un style qui peine pourtant à se faire une place en France. Cependant, les efforts des Bretons portent leurs fruits, puisque l’accueil de leurs deux réalisations est unanime et les projets ne manquent pas. Etat des lieux et plongée dans l’avenir de HEART LINE avec Yvan Guillevic, son guitariste, producteur et compositeur.  

Photo : Cédric Andreolli

– Lors de notre dernière interview à la sortie de « Back In The Game » il y a deux ans maintenant, on avait beaucoup parlé de la création du groupe et de vos objectifs. Quel bilan dresses-tu aujourd’hui de l’aventure HEART LINE ?

Le bilan est super positif, car on a fait deux albums en un an et demi et on a quand même réussi à tourner. D’ailleurs, nous sommes actuellement toujours sur la route. On a fait quelques festivals et d’autres arrivent bientôt. L’objectif premier, qui était de faire un vrai disque avec un vrai groupe et pas quelque chose de collaboratif, est rempli. On fait de la scène et des albums et nous allons également sortir, en accord avec le label (Pride & Joy – NDR), un EP en décembre. Nous sommes très contents, car l’accueil du deuxième album est encore meilleur que pour le premier et tout ça est vraiment très positif !

– Dès le début, vous avez signé chez Pride & Joy, label sur lequel vous êtes toujours bien sûr. Finalement avec le recul et les très bonnes retombées des deux albums, est-ce que tu penses qu’un label français aurait été aussi efficace ?

Non, car il n’y en a pas dans le genre de toute façon. Et puis, je n’avais pas du tout visé la France pour le premier album. On a juste contacté un gros label, et sur recommandation, qui nous a répondu des mois et des mois plus tard. Alors que sur 10/12 envois ciblés, j’ai eu des réponses positives et il n’a fallu que six jours pour signer avec Pride & Joy ! Le constat est là et je crois que la France n’est toujours pas concerné par le Rock/Hard mélodique et c’est toujours aussi compliqué. Donc, je pense que nous avons eu raison de signer là-bas.

Photo : Steph Pictures

– Justement pour rester sur la France, on sait que le style n’a jamais eu de représentants ayant percé ou marqué les esprits, même à la grande époque. Je pense que HEART LINE possède très largement tous les atouts pour tenir cette place. Quelles seraient les choses à améliorer ici, selon toi ?

C’est compliqué, en fait. Par exemple, on a le ‘Hellfest’, qui est un festival énorme et il y a un gros réservoir de personnes qui écoutent du Metal en France. Ce n’est pas comme si on n’en écoutait pas. En gros, ce sont les médias, qui ne s’intéressent absolument pas à ce genre de musique. De temps en temps, pour faire un petit sujet, ils vont te parler de Metallica ou de Gojira, puisque c’est le seul groupe français vraiment costaud dans le monde. On a de très bons groupes, de très bons musiciens, ce n’est pas le souci. Mais pour les gros médias, ça reste quelque chose de bizarre, d’un peu rigolo et il n’y a donc aucun support. La France n’est pas un pilier Rock. Dès qu’on se promène ailleurs, on le voit bien. Quand on entre dans un bar ou un hôtel, on entend du Rock et du Hard Rock, mais pas chez nous. On est vraiment sous-représenté, et notamment en termes de Hard Rock.

– Malgré deux très bons albums, c’est dommage que HEART LINE ne tourne pas plus dans l’hexagone. Ne serait-ce pas le bon moment pour vous d’aller voir à l’étranger, dans des pays plus demandeurs ?

On a eu quelques opportunités qui ne se sont concrétisées, mais qui étaient vraiment réelles. Aujourd’hui, on en a d’autres. Je ne veux pas en parler tant que ce n’était pas fait, mais il ya des choses très intéressantes, qui sont en route en Europe. On travaille actuellement beaucoup là-dessus. Pour ce qui est de la France, le réseau est compliqué. La musique ici a toujours été un peu mise de côté. Pourtant, il y a du public. Il suffit de voir le ‘Hellfest’ une fois encore. Dernièrement, je suis allé voir Ghost à Rennes et c’était rempli ! Il y a des gens pour aller aux concerts, il faut juste les mobiliser.

Et puis, sans tirer dessus puisque j’ai eu un ‘Tribute Band’ pendant un moment, les organisateurs ne prennent plus aucun risque et ils ne programment plus que ça. Donc, pour ceux qui font qui font de la musique composée, ça devient très difficile. C’est une vraie épidémie ! C’est un peu dommage, parce qu’ils feront quoi dans 10/15 ans ? Ils vont reprendre qui ? Il n’y aura plus personne ! (Sourire) C’est un peu ce qu’on vit en France, car les organisateurs vont au plus simple. Il n’y a plus de recherche d’artistes, comme il pouvait y en avoir avant. Il reste bien sûr des festivals et des programmateurs qui jouent le jeu. Mais c’est vrai pour tout le monde, et pas uniquement pour nous, à ce niveau-là.

Photo : Mat Nina Studio

– Revenons à « Rock’n’Roll Queen » qui, musicalement et au niveau de la production aussi, élève encore le niveau d’un cran. Est-ce que sa conception et sa réalisation ont suivi le même processus que pour « Back in The Game » ?

Oui, c’est exactement le même processus et la même façon de réaliser. Cette fois, on a eu plus de temps, on a été plus attentif aussi pour ne pas refaire les mêmes petites erreurs que sur le premier. « Back In The Game » est très frais, rapide, composé en trois semaines et enregistré assez vite. Il y avait un côté très intéressant qu’on ne regrette absolument pas. Pour « Rock’n’Roll Queen », on voulait quelque chose de plus construit, de plus travaillé et surtout prendre notre temps. On a fait des concerts, des résidences et on se connait beaucoup mieux aujourd’hui. Cela nous a permis de nous focaliser aussi sur certains titres et travailler plus en profondeur nos morceaux.

– Et on te découvre aussi comme producteur, dorénavant confirmé. C’est un domaine dans lequel tu t’épanouies également ?

J’ai toujours produit mes disques et ça en fait beaucoup. C’est vrai que personne ne s’en est vraiment aperçu. Et on est aussi dans un métier où il faut commencer à savoir tout faire soi-même, car être dépendant des autres devient très compliqué. Et puis, j’ai toujours fait de la prod’ pour pas mal d’artistes. Cette fois et avec l’aide de Jorris Gilbaud, qui a une oreille en or, cela nous a permis d’affiner tout ça. La production est quelque chose que j’aime énormément et que je tiens à continuer de faire. Parfois, c’est un peu pénible de tenir les deux rôles, à savoir guitariste et producteur, mais au final, cela te permet aussi de contrôler l’ensemble. Car cela peut aussi arriver que, lorsque tu vas en studio et que tu laisses quelqu’un d’autre produire, tu perdes des choses. Mais pour HEART LINE, comme je sais que je veux entendre, je pense que c’est plus sage de rester le producteur du groupe.

Yvan et Patrick Rondat à l’Océanis de Ploemeur le 23 septembre dernier
Photo : YD – Photographies

– Patrick Rondat, grand guitariste et rare ‘guitar-hero’ français fait également une apparition sur l’album. Comment s’est faite votre rencontre ?

On se connait depuis très longtemps sur les réseaux, mais finalement sans bien se connaître. Et puis, je suis fan de sa musique et de son jeu. Je l’avais fait venir il y a plus de 20 ans dans un masterclass ici en Bretagne. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’il s’en rappelle ! En fait, c’est lui qui me l’a proposé. Il m’a dit qu’il avait beaucoup aimé le premier album et qu’il adorait ce genre de musique. Il voulait faire quelque chose sur le prochain disque et je n’ai pas été long à lui répondre que j’en serai ravi ! Pour être honnête, je ne suis pas trop fan des guests sur les albums. Quand il y en a trop, tu perds aussi de l’identité du groupe. Mais quand Patrick te propose de jouer sur ton album, tu te débrouilles ! (Sourire) On avait un morceau dans les tiroirs, qui pouvait parfaitement coller avec ce désir de Patrick de faire de l’AOR. Je lui ai envoyé le titre et il m’a très vite rendu sa partie. Tout s’est fait vraiment très simplement.

– Pour conclure, parlons un peu de cet EP prévu pour décembre. Quand penses-tu mettre tout ça en boîte, à moins que ce soit déjà fait, et quel en sera le contenu ?

Je ne peux pas en dire trop pour le moment, si ce n’est que ce sera un cinq-titre et que sa sortie est prévue pour le 8 décembre. Il n’est pas encore enregistré, nous allons le faire courant octobre et toujours chez Pride & Joy. Pour le reste, je tiens à garder un peu de suspense… (Sourire)

L’album « Rock’n’Roll Queen » de HEART LINE est toujours disponible chez Pride & Joy.

Retrouvez la première interview du groupe…

… et la chronique du nouvel album :

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France Metal

Darken : de l’ombre à la lumière [Interview]

Après un break de trois décennies, les Lavallois ont décidé de reprendre du service et l’idée est plutôt judicieuse. Après deux démos le siècle dernier, DARKEN réalise enfin son premier album, « Welcome To The Light », un titre en clin d’œil à une époque révolue. Révolue, car le quintet a fait sa mue pour revenir dans un Metal très moderne, toujours aussi Heavy et aussi mélodique que rentre-dedans. Très bien produite, cette nouvelle réalisation est annonciatrice d’un renouveau musical éclatant, ce que nous explique Lorenzo, guitariste et fondateur du combo mayennais.

– DARKEN a évolué entre 1987 et 1991 sur une scène française, qui a d’ailleurs beaucoup changé depuis. Quels souvenirs gardes-tu de cette époque-là ?

De très bons souvenirs, car c’était mon premier projet musical. Et puis, on a pu faire de bonnes scènes comme deux fois le festival à la Roche-sur-Yon avec Vulcain, Squealer, Loudblast, Massacra, No Return, Jumper Lace et tous les groupes qui tournaient à l’époque. Ce sont vraiment de bons moments. On avait aussi été jouer aux Pays-Bas, en Allemagne et on a fait le Gibus à Paris. Tout ça, quand tu es gamin et que c’est ton premier groupe, te donne l’envie d’aller plus loin.

– D’ailleurs, quelles ont été vos principales motivations pour reformer DARKEN ? Et avez-vous continué à faire de la musique tous les trois, même chacun de votre côté ?

De mon côté, j’ai toujours continué. Après DARKEN, j’ai monté ‘We Don’t Care’ sur Laval et ensuite, je suis allé sur Nantes pendant plusieurs années dans une autre formation, qui a sorti deux albums. Après tout ça, j’ai monté plusieurs groupes de reprises. Et comme j’avais un peu de matériel de côté, l’idée de remonter DARKEN a surgit et j’ai contacté Stéphane (le chanteur – NDR). Au départ, il n’était pas très chaud, car il n’avait pas chanté depuis 25 ans. C’est au moment du Covid, avec l’arrêt des concerts, que ça s’est débloqué. Avec Stéphane et Philos (guitariste – NDR), je me suis dit que ça pouvait repartir. On a fait quelques essais, j’ai embarqué mon fils Liam à la batterie et j’en ai parlé à HP (le bassiste – NDR) que je connais très bien. Et nous en sommes là avec la sortie de l’album !

– Est-ce que le fait que des groupes comme Titan ou ADX, par exemple, aient aussi repris du service a pu peser, même inconsciemment, dans la balance pour ce retour, d’autant qu’on assiste aujourd’hui à un nombre incalculable de sorties, qui nous font même frôler l’overdose ?

Pas du tout ! Je ne devrais peut-être pas dire ça, mais je n’ai jamais été très intéressé par la scène française, en fait. Ce ne sont pas des groupes que je suis et, pour certains, je ne savais même pas qu’ils avaient arrêté ou s’étaient reformés. Non, ça n’a eu aucune influence sur l’idée de reformer DARKEN.

– Après plus de 30 ans de silence, vous revoici avec votre premier album, « Welcome To The Light », où l’on retrouve donc trois membres fondateurs et deux petits nouveaux. Cela n’a pas été possible de reconstituer le line-up originel ? Et comment s’est effectué le recrutement de cette nouvelle rythmique ?

Non, puisque le batteur a arrêté depuis des années, je pense, car on ne se voit plus. Nous avons relancé le bassiste, Michael, mais il est reparti en Bretagne. Il était venu sur Laval, à l’époque, uniquement pour DARKEN. Il vit aujourd’hui entre Brest et Morlaix avec sa petite famille et il a aussi son groupe, plutôt axé Punk Rock. Ce n’était donc pas possible pour lui. Sinon, comme j’ai un batteur à la maison (Liam, batteur de Sujin – NDR), cela aurait été dommage de s’en priver. Et il a tout de suite été conquis à l’idée de jouer avec son père. Quant à HP (bassiste de The Discord – NDR), depuis le temps qu’on se croise, on avait vraiment envie de jouer ensemble.

– Votre dernière démo en 1991 s’intitulait « Welcome To The Dark » et cette fois-ci, vous souhaitez la bienvenue à la lumière. J’imagine que c’est en rapport avec votre retour sous les projecteurs ?

Oui, bien sûr, et « Welcome To The Dark » correspondait surtout à notre état d’esprit d’alors et ça ne l’est plus aujourd’hui. Alors, Stéphane a pensé à ce fil conducteur entre les deux époques, ce qui a donné « Welcome To The Light ».

– DARKEN distille toujours un Heavy Metal solide et, même s’il reste quelques sonorités 90’s, vous l’avez considérablement modernisé. S’il y a eu une évolution technique évidente ces dernières années (instruments, studios, …), est-ce que votre approche dans l’écriture a elle aussi changé ?

Oui, carrément ! A l’époque, on se retrouvait en répétition, on composait tous ensemble et ça allait forcément moins vite. Aujourd’hui, je compose les musiques à la maison, j’envoie tout ça à Stéphane, qui pose des lignes de chant jusqu’à ce que nous soyons satisfaits tous les deux. Ensuite, on envoie ça aux autres qui valident, ou pas, et posent leurs instrus. Je pense qu’on va beaucoup plus vite. Et puis, nous sommes dans un registre complètement différent aujourd’hui, car il était hors de question de refaire du vieux Heavy Metal. On se situe dans un style entre Modern et Alternative Metal…. En tout cas, c’est du Metal !

– Musicalement, il s’est passé beaucoup de choses en 30 ans dans le Metal avec l’émergence de nouveaux courants notamment. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces trois décennies et qui vous aurait peut-être influencé parmi ces nouveaux groupes et styles ?

Pour ma part, j’aime beaucoup la scène Grunge et notamment Alice In Chains. Korn a également apporté quelque chose de neuf et de différent. Ensuite, cela dépend du moment. Je peux écouter Pearl Jam aujourd’hui, et Rammstein demain. C’est très varié.

– « Welcome To The Light » comporte onze morceaux que vous êtes allés enregistrer dans le très bon studio du Dôme à Angers. Quelles étaient les conditions sine qua none lors de l’enregistrement de l’album ? Et êtes-vous pleinement satisfaits du résultat ?

La première condition était déjà d’être prêt pour entrer en studio. On y était déjà allé avec nos maquettes, qui étaient très abouties et presque trop propres. Et nous sommes hyper-satisfaits ! Cela va même au-delà de nos espérances. Quand j’écoute l’album aujourd’hui, j’étais loin de penser qu’on sortirait un tel produit. David Potvin, ingé-son du Dôme Studio, a fait un travail extraordinaire et on ne le remerciera jamais assez ! Pour relancer une machine comme DARKEN, qui est une petite machine à la base, il est parvenu à ressentir ce qu’on voulait, mettre l’ensemble dans des sonorités très actuelles, ce qu’on désirait absolument. On a vraiment insisté là-dessus, car on voulait éviter le côté Old School et vintage.

– D’ailleurs, vous n’avez pas attendu la sortie de l’album pour remonter sur scène. Pourquoi une telle impatience et avez-vous eu de bons retours ?

Il fallait absolument qu’on fasse cette date pour plusieurs raisons (concert à La Fabrique à Bonchamp-lès-Laval, le 18 mars dernier – NDR). C’est vrai qu’on était très impatient. Il y avait aussi de la demande par chez nous et nous avions besoin d’images pour la promotion du groupe. On n’avait rien en dehors de quelques photos et aujourd’hui, avoir une vidéo est devenu essentiel. Comme l’album n’était pas encore réalisé, nous n’avions pas de son, non plus. On s’est dit qu’il fallait faire un premier concert et le filmer. On a mis les moyens nécessaires et avec des gens qu’on connait. Il y avait plusieurs caméras, un drone et on a sorti quelques images de tout ça pour faire des petites vidéos de promo. Les retours ont été très bons. Les gens ont été surpris et tout s’est très bien passé que ce soit au niveau du son comme des lights. L’identité et la présence du groupe ont très bien fonctionné.

– Pour conclure, vous sortez « Welcome To The Light » en autoproduction. Vous n’avez pas voulu trouver de label, ou est-ce que vous teniez à garder les mains libres pour ce premier album, qui marque aussi et surtout votre retour ?

On y a pensé, bien sûr, et on regardé autour de nous ce qui se passait à ce niveau-là. On ne voulait surtout pas perdre de temps. Et qui aurait signé un groupe qui n’a rien à proposer et pas de dates de concerts ? On a donc décidé de partir en autoproduction pour le premier album et faire nous-mêmes nos vidéos, caler nos concerts et on verra ensuite si l’on peut signer sur un label digne de ce nom.

« Welcome To The Light » sera disponible à partir du 29 septembre sur le Bandcamp du groupe :

https://darken-official.bandcamp.com/

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Rock Progressif

Nine Skies : frogressive land

Après la tragique disparition d’Eric Bouillette, l’un des principaux maîtres d’œuvre de la formation, on aurait pu s’interroger sur la suite qu’auraient donné les membres de NINE SKIES, et à juste titre d’ailleurs. En lui dédiant « The Lightmaker », le groupe de Rock Progressif opte donc pour la poursuite de leur si belle entreprise et on ne saurait que les en remercier. Très varié, aérien et parfois même aux frontières du Metal, les Français montrent une créativité toujours aussi féconde et basée sur une histoire saisissante.

NINE SKIES

« The Lightmaker »

(Independant/FTF Music)

Depuis ses débuts en 2017, NINE SKIES ne cesse de surprendre en se réinventant au fil des albums. « The Lightmaker » est le quatrième des Français en studio, auquel il faut ajouter « Live @ Prog En Beauce », sorti en 2021. Suite à la disparition de son multi-instrumentiste et compositeur Eric Bouillette, le groupe évolue aujourd’hui autour d’un cercle de six musiciens chevronnés, dont notamment la parolière, musicienne et créatrice du concept de l’album, Anne-Claire Rallo, et Alexandre Lamia (guitares, claviers), qui s’est aussi chargé de l’ensemble de la production dans ses moindres détails.

Suite à « 5.20 », entièrement acoustique, NINE SKIES revient avec un album-concept électrique de haute volée, qui voit se côtoyer de nombreux courants du Rock Progressif. Et si l’éventail musical est large, la liste des invités conviés sur « The Lightmaker » est également impressionnante et d’une qualité toujours aussi éclatante. On y retrouve Marco Minnemann, Adam Holzman, Kristoffer Gildenlöw, John Mitchell, Riccardo Romano, Martin Wilson, Charlie Bramald, Arnaud Quevedo et Laura Piazzai. Autant de talents qui font rayonner cette nouvelle réalisation.

C’est même devenu une marque de fabrique et une habitude qui offrent une belle diversité cette fois encore à des morceaux d’une rare élégance, où l’on retrouve d’ailleurs des aspects très percutants sur des morceaux relativement longs (« The Explorer », « The Dreamer », « The Chaotic », « The Lost », « The Architect »). Désormais incontournable sur la scène progressive hexagonale, le sextet livre un brillant opus, et c’est donc assez naturellement qu’ils s’exprimeront très prochainement ici même pour une explication plus en détail de la conception et de l’enregistrement de « The Lightmaker ». A suivre…

Retrouvez les précédentes interviews :

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Blues Rock

When Rivers Meet : foudroyant

En pleine ébullition depuis quelques années, le Royaume-Uni a vu émerger beaucoup de talents et se trouve aujourd’hui avec une génération d’artistes aguerris et très créatifs. WHEN RIVERS MEET fait maintenant partie des incontournables, tant son ascension a été fulgurante. Toujours sur son propre label, le couple se présente avec un nouvel opus encore très convaincant, frais, différent et musclé, « Aces Are High ».

WHEN RIVERS MEET

« Aces Are High »

(One Road Records)

Lorsque que Grace et Aaron Bond sont apparus avec leur premier album « We Fly Free » fin 2020 ici même, la suite de l’aventure a été limpide et sans embuche. Le couple proposait un Blues Rock original en mettant un sacré coup de jeune à la scène anglaise. Ensuite, le groupe a accumulé les récompenses en remportant sept Awards en deux ans. WHEN RIVERS MEET a confirmé son potentiel sur « Saving Grace » quelques mois plus tard et l’an dernier, on a pu savourer leurs prestations scéniques sur l’excellent « The Flying Free Tour Live ».

C’est donc un grand plaisir de parler de « Aces Are High », troisième réalisation studio des Britanniques. Et cette fois encore, ils surprennent en se dévoilant sous un jour nouveau. Bien sûr, on reste dans le domaine du Blues Rock, plus que jamais même, mais il est bien différent de ce qu’ils nous ont proposé jusqu’à présent. Toujours indépendant, WHEN RIVERS MEET décide de son évolution, expérimente et n’a de compte à rendre à personne, si ce n’est bien sûr à des fans de plus en plus nombreux.

La grande différence avec « Aces Are High » tient dans cette production très brute et épurée. Loin de certains aspects feutrés décelés sur leurs premiers opus, le duo se montre beaucoup plus Rock, très rentre-dedans, libérant un Blues très urbain et parfois même assez froid (« Infected », « Play My Game », « Ace Are High », « Train To Avalon », « The Secret »). Pour autant, WHEN RIVERS MEET garde toute son intensité et l’on retrouve beaucoup de chaleur sur « Golden » et « By Your Side » notamment. Renversant !

Photo : Rob Blackham

Retrouvez les deux interviews du groupe :

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Southern Rock

Robert Jon & The Wreck : through West coast eyes

Génial et infatigable groupe de scène, ROBERT JON & THE WRECK aime également beaucoup les studios. Avec cette troisième réalisation (dont un Live) en quelques mois, le quintet viennent compléter « One Of A Kind » avec quatre nouveaux très bons titres, qui sentent bon le Southern Rock de la côte ouest américaine, dont le soleil brille tout au long de ce « Ride Into The Light », malgré tout un peu court.

ROBERT JON & THE WRECK

« Ride Into The Light »

(Journeyman Records)

L’incroyable ascension de ROBERT JON & THE WRECK ne doit rien au hasard. Il y a le talent bien sûr, mais aussi et surtout le travail. Et être aussi prolifique tout en maintenant un tel niveau d’exigence est remarquable à plus d’un titre. Depuis leur signature sur le label de Joe Bonamassa, Journeyman Records, les Californiens ont sorti l’EP « One Of A Kind » et le « Live At The Ancienne Belgique » à quelques semaines d’intervalle seulement, tout en assurant de très nombreux concerts.

Entre ses tournées aux Etats-Unis et les allers-retours en Europe, ROBERT JON & THE WRECK ne se laisse pas vraiment de répits. C’est donc avec un certain étonnement que j’ai pris la nouvelle de la sortie de « Ride Into The Light » il y a quelques semaines. Déjà ? D’autant que chez Bonamassa, on n’est pas du genre à faire les choses à moitié et la qualité prime toujours sur la quantité. D’ailleurs, les artistes qu’il a signé sont là pour l’attester. Et puis, tout s’est éclairé…

Un rapide coup d’œil sur la tracklist suffit à comprendre que le quatre-titres sorti en mars a été complété par quatre inédits. On ne va pas s’en plaindre, mais ça va mieux en le disant, surtout que « Ride Into The Light » ne dure qu’une petite demi-heure. A la décharge de ROBERT JON & THE WRECK, ces nouveaux morceaux sont admirablement bien produits (Don Was, Dave Cobb, Kevin Shirley, Bonamassa et Josh Smith). Reste maintenant à se régaler des concerts à venir et attendre patiemment le prochain album…

Photo : Blackham Images

Le groupe se produira le 29 septembre prochain à la salle Cap Caval de Penmarc’h (29) et les billets sont toujours disponibles :

www.seetickets.com/fr/d/event/robert-jon-the-wreck/salle-cap-caval/9478321

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Blues Blues Rock International

Gráinne Duffy : modern & celtic roots [Interview]

Avec ce cinquième album, GRAINNE DUFFY entre définitivement dans la cour des grand(e)s avec une classe et une personnalité très affirmée, qui rayonnent littéralement sur « Dirt Woman Blues ». La songwriter, chanteuse et guitariste irlandaise livre un opus d’où émane beaucoup de force, de caractère sur des sonorités où ses racines celtes se fondent dans un groove très américain. La musicienne est partie sous le soleil de Californie enregistrer ces morceaux très roots et modernes à la fois dans lesquels sa voix s’impose avec puissance, dynamisme et délicatesse. Rencontre avec une artiste brillante.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Trois ans après le très bon « Voodoo Blues », tu reviens avec « Dirt Woman Blues » qui est beaucoup plus roots et rugueux. Est-ce qu’après un peu plus de 15 ans de carrière, tu penses que c’est l’album qui te ressemble le plus ? C’est en tout cas l’impression qu’il donne…

Oui, je pense qu’il me ressemble beaucoup, parce qu’il combine mon amour pour le Blues et ses racines et la musique celtique. Les deux ensemble. C’est une réelle unité à travers le son et les éléments. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu représenter dans ma musique.

– Tu as co-écrit l’album avec ton mari Paul Sherry. Comment se traduit ce travail ? C’est plutôt une opposition de styles ou une complicité qui grandit au fil du temps ?

C’est clairement une complicité qui grandit au fur et à mesure. C’est une sorte de travail artisanal que l’on fait tous les deux. Nous sommes très ouverts et, même si nous avons chacun notre style, on s’ouvre à celui de l’autre pour en faire quelque chose qui nous ressemble aussi. Au fil du temps, mon état d’esprit a changé également et aujourd’hui, nous sommes très complices musicalement, c’est vrai.

Photo : The Bedford Blackham Images

– « Dirt Woman Blues » emprunte de nombreuses directions à travers le Rock, un Blues souvent Old School, des éléments d’Americana aussi et pourtant l’ensemble sonne très moderne. On a l’impression que ton côté ‘vintage’ est une sorte de façade pour aller encore plus loin dans l’expression de ta musique. C’est le cas ?

Oui, c’est vrai qu’il y a un côté beaucoup plus ‘vintage’ qui s’exprime sur cet album. Cela dit, je suis très ouverte à la scène Blues contemporaine et j’espère même en faire partie, car je suis une artiste de mon temps. Mais c’est vrai que j’écoute beaucoup de musiques plutôt anciennes et les vieux bluesmen, qui ont forgé ce style. Et je pense que ce côté un peu ‘Old School’ vient de là, c’est même certain.

– Tu es originaire de la ville de Monaghan dans le nord de l’Irlande et il se trouve que son nom signifie ‘Les petites collines’. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, mais plutôt une explication à ton style si mouvant et plein de contrastes. Qu’en penses-tu ? Il y a une part d’inconscient ?

Monaghan est une petite ville, un petit coin qu’on appelle aussi ‘Les petites Collines’, c’est vrai. Je pense que l’endroit où tu vis se reflète forcément à travers ses paysages et son atmosphère dans ce que tu écris et composes. Ca rythme aussi ta vie de manière inconsciente avec ses hauts et ses bas. Vivre dans un endroit comme celui-ci a bien sûr une influence, qui va bien au-delà de la musique.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour rester en Irlande, on retrouve plusieurs inspirations dans la narration de tes morceaux surtout, ainsi que cette fougue qui habitait aussi Rory Gallagher. Dans quelle mesure penses-tu que l’empreinte celtique se lise et influence ton jeu ?

Rory Gallagher fait partie de notre histoire nationale. Et il faut aussi y ajouter Van Morrison, les Cranberries, les Coors et beaucoup d’autres qui ont apporté leur influence à travers leur musique. Je pense que c’est ce que les gens appellent ’celtique’ et je le prends aussi pour moi-même. Je ne sais pas vraiment dans quelles mesures on peut entendre ces influences sur le dernier album notamment, mais j’en suis ravie. Ce mélange est notre héritage. Parfois, tu ne sais pas vraiment d’où ça vient, mais c’est là. C’est naturel et c’est une partie de ce qu’est être irlandais. Et pour revenir à Rory, sa musique m’a beaucoup influencé au même titre que toute cette période avec Gary Moore également, bien sûr.

– Parlons de ce nouvel album que tu es partie enregistrer en Californie. Pourquoi ce choix ? Est-ce parce que les musiciens qui t’accompagnent et ton producteur se trouvent aux Etats-Unis, ou juste pour y trouver certaines sensations et vibrations ?

Oui, c’est un choix de mon nouveau producteur, qui a cherché de nouvelles personnes pour l’album. C’était très important pour nous de trouver des musiciens qui partagent aussi notre vision du Blues, afin d’aller dans le même sens. Il a monté une équipe de très, très haut niveau. L’album a été enregistré à la fois à domicile dans mon studio et dans un studio à Encinitas, en Californie et ce sont Chris Goldsmith (Ben Harper) et Marc Ford (The Black Crowes) qui ont produit l’album. Nous sommes accompagnés du guitariste Marc Ford (The Black Crowes) et de la session rythmique de Gary Clark Jr. composée du batteur et percussionniste JJ Johnson et du bassiste et claviériste Elijah Ford (Le fils de Marc). Tout le monde a pu apporter sa touche et on s’est tous très, très bien entendus.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Vous n’avez pas forcément la même culture, mais vos influences pourtant convergent. Comment as-tu présenté tes morceaux et, malgré leur talent, est-ce que leur adaptation à un Blues moins américain que leurs racines a été rapide ?

Les vibrations et le groove sont très américains, je pense. C’est vrai qu’il y a un mix entre les deux cultures. Les morceaux les plus rapides sonnent plus anglais, alors que lorsqu’ils sonnent américain, ils sont plus cools et plus relax. Cela vient aussi surtout du son et de l’ambiance californienne, je pense. L’album combine bien les deux avec des compositions plus britanniques et celtiques sur un son typiquement américain, en effet. Nous avons beaucoup aimé travailler sur ces deux aspects et c’était très agréable de se retrouver tous ensemble et pouvoir confronter nos influences et nos envies.

– D’ailleurs, le Blues américain et le British Blues sont très distinctifs l’un de l’autre et très reconnaissables. Or, sur « Dirt Woman Blues », c’est difficile à définir. C’est ce qui se passe quand une Irlandaise enregistre aux Etats-Unis avec des musiciens américains, ou juste une simple volonté de ta part de te démarquer ?

Oui, je pense que c’était une décision très réfléchie, en tant que femme, d’aller enregistrer aux Etats-Unis avec des musiciens américains. Ce n’est pas facile de se mettre à nu lorsque l’on est une femme irlandaise dans un tel contexte. Nous nous sommes vraiment concentrés sur le son et le côté organique des morceaux. Je voulais aussi mettre en valeur ma voix, bien sûr, mais aussi mes parties de guitare.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour conclure, j’aimerais que l’on parle de la pochette de l’album. Je la trouve très sombre et emprunte d’une certaine tristesse, alors que l’ensemble de « Dirt Woman Blues » est très lumineux et souvent même enjoué. Quel message, s’il y en a un, as-tu voulu faire passer ?

Je voulais une pochette différente des précédentes avec un design bien précis. Il y a un côté ‘Old Woman Blues’, qui se démarque de ce que l’on peut voir habituellement sur les albums réalisés par des femmes. C’est vrai qu’il y a un côté assez sombre, qui représente aussi une partie de notre Histoire. Elle montre les aspects opposés qui fondent aussi la condition féminine, que ce soit comme mère de famille et également en termes d’émancipation et de liberté. C’est peut-être aussi une autre vision de ce qu’est une blueswoman aujourd’hui.

Le nouvel album de GRAINNE DUFFY, « Dirt Woman Blues », est disponible sur son Bandcamp :

https://grainne-duffy.bandcamp.com/album/dirt-woman-blues