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France Hard US

Last Temptation : un puissant carburant [Interview]

Fort d’un deuxième album très réussi et rivalisant haut la main avec les meilleures productions de Hard US actuelles, LAST TEMPTATION livre un « Fuel For My Life » torride, musclé et accrocheur. Mené par son frontman Butcho Vukovic, une rythmique basse/batterie imparable et un Peter Scheithauer dont les riffs et les solos débordent d’une énergie brute, le quatuor possède tous les atouts pour s’imposer durablement. Puissant, créatif et mélodique, le groupe s’apprête maintenant à défendre ce bel opus. Son fondateur et guitariste nous en dit un peu plus…

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur ta déjà longue carrière. Tout d’abord, pourquoi es-tu revenu en France il y a un peu plus de dix ans, alors que tu étais reconnu et bien en place sur la scène américaine ?

Je vois que l’interview commence fort ! (Rires) En fait, je suis revenu faire des dates avec Killing Machine (AC/DC au stade de Nice et Stade de France), le Wacken Open Air, Graspop, Foire aux vins de Colmar, Bulldog Open Air, BloodStock, etc… Ma femme américaine est tombée amoureuse de l’Europe et voulait rester et avoir cette expérience, mais surtout avoir une vie plus sédentaire ! On est resté et trois ans après on a divorcé ! (Rires) Par la suite, j’ai séjourné entre la France et les Etats-Unis. C’est vrai qu’en ce moment, ça me manque.

– Tu as joué et enregistré avec le gratin mondial du Hard Rock et du Heavy Metal et partagé la scène avec des grands noms également. Est-ce que ce sont toutes ces rencontres et ces collaborations qui t’ont permis de trouver et d’affiner ton style, ton jeu et surtout ton son ?

Bien sûr, cela a joué un rôle dans ma façon d’approcher les solos, les grooves, les attaques médiator, etc… J’ai eu la chance de jouer avec Bob Daisley, et si au début on avait des prises de tête, il m’a beaucoup apporté. On en rigole maintenant. Puis, jouer avec des super batteurs tels que Eric Singer, Stet Howland ou encore Pat Torpey, tu n’as pas le choix que d’être en place. Mon oreille a changé au fil du temps. Vivre dans un pays qui baigne dans le Rock et Metal fait qu’elle s’habitue à certains sons et aussi certains grooves. Le meilleur exemple que je puisse donner, c’est le blues. Même s’il y a de bons bluesmen en Europe, on entend immédiatement la différence avec les Ricains. Bref, Robert Johnson ne vient pas d’Auvergne. Maintenant, le son de base vient de ton jeu, de ton attaque et de tes doigts. 

– Tu as traversé les années 90 avec Stream et Belladonna, les années 2000 avec Killing Machine et Temple Of Brutality et maintenant LAST TEMPTATION. Quel regard portes-tu sur ces différents groupes ? Tu vois ça comme des expériences à chaque fois différentes, ou plutôt comme une évolution naturelle de ta carrière ?

Bon déjà, Stream, depuis le début, c’est mon bébé. Je l’ai créé quand j’avais 17 ans, tout d’abord en France, et ensuite j’ai continué aux US. Je peux même dire que LAST TEMPTATION est dans la continuité de Stream (surtout de l’album « Nothing Is Sacred »).

Quant à Belladonna, c’est une histoire en soi. J’avais des maquettes que j’avais enregistrées à Los Angeles et je cherchais un chanteur. Je suis allé au Foundation (un peu le MIDEM du Metal à l’époque) et j’ai vu Joey. J’ai commencé à lui envoyer des maquettes et il me les renvoyait avec son chant. À l’époque, Stream avait un deal avec USG/Warner Brother, je leur ai donc proposé ce projet. On avait même déménagé à Syracuse pendant quatre mois. 

De retour à Los Angeles, toujours avec Stet, on répétait et on faisait la fête jour et nuit. On jammait sur des riffs et après quelques semaines, je trouvais que j’avais des morceaux assez Old School Metal pour faire un album dans cette direction. Quand on répétait, Mike Duda venait tenir la basse. Mike Vescera étant un ami à Stet, on avait notre chanteur. Killing Machine était né. On a sorti le premier album avec de bons retours de la presse. Quelques temps après, Stet ‘s’échappe‘ en Floride. Au même moment, je travaillais sur un nouveau Killing Machine avec David Ellefson, Jimmy DeGrasso et James Rivera (ce qui donnera « Metalmorphosis ») et j’ai suivi Stet en Floride. Il me l’a vendu comme le nouveau Paradis ! (Rires)  Bon, c’était effectivement paradisiaque. J’ai fait écouter à Ellefson, deux jours après, on le cherchait à l’aéroport direction le studio. Quant à Todd Barnes, je l’avais vu dans un club à L.A. (le Coconut Teaser) et j’ai adoré sa prestance scénique et sa voix puissante. Ce look redneck : ‘je vais te tuer, si tu souris’ ! (Rires) Cet album m’est très cher. Ce fut la première d’un groupe qui savait ce qu’il voulait : pas d’ego, ni de problème relationnel. Sur scène, c’était très fort et les tournées, c’était des vacances… fatigantes, mais fun ! (Sourires)   

Je vois cela plutôt comme tous les styles de Metal que j’aime. Bien entendu, chaque album et chaque tournée t’amènent de nouvelles expériences et cela te forge tant au niveau musical qu’humain. Evidemment, cela m’a fait évoluer musicalement, car tu joues avec des gens très différents et tu as la chance de pouvoir comparer différentes approches de travail et de jeu.

Peter Scheithauer – Photo : Joël Ricard

– Depuis trois ans maintenant et un très bon premier album éponyme, LAST TEMPTATION suit son chemin. Tu as monté le groupe avec Butcho Vukovic (ex-Watcha) au chant. Sur le précédent opus, il y avait des invités prestigieux. Quelle était l’idée de départ avec tous ces guests ?

Avec Butcho, on avait commencé sur un groupe un peu différent. Plus 80’s avec Affuso (Skid Row) et Rod (WASP). Au fur à mesure que je faisais des démos, j’avais beaucoup d’autres riffs qui sonnaient plus à la Sabbath ou Ozzy. Cela m’a donné envie de les envoyer à Bob Daisley (avec qui on s’est toujours dit que l’on referait un album ensemble). Il était excité à l’idée de faire cet album et les titres que je lui envoyais lui plaisaient beaucoup. Vient l’heure fatidique du chanteur. J’ai envoyé des démos à Butcho en lui précisant que Bob était très, très, très difficile au niveau vocal et guitare, et Bob a adoré. Le premier album est parti sur l’idée de « Nothing Is Sacred », donc avoir des musiciens auprès de nous que l’on a toujours appréciés et nous on fait ce que l’on est. C’était aussi très voulu à ce moment par notre label.

– De qui est aujourd’hui constitué LAST TEMPTATION ? Un certain Farid Medjane (ex-Trust, Face To Face) vient de vous rejoindre. Comment cela s’est-il passé ? C’est une recrue de choix…

Aujourd’hui, LAST TEMPTATION est une forte formation avec Butcho au chant, Julien ‘Baloo’ Rimaire à la basse, moi aux guitares et, maintenant, Farid a la batterie. J’avais vu des vidéos de Farid avant de faire le deuxième album et c’était mon premier choix. Mais j’étais persuadé qu’il vivait dans le Sud et je voulais une formation rythmique autour de Strasbourg, afin de pouvoir répéter assez souvent. On enregistre donc l’album avec Vincent Brisach à la batterie. Le Covid étant constamment présent, on n’a pas pu vraiment jouer live. En parlant avec Christian de l’agence No Name (avec qui l’on collabore en plus de Gérard Drout Productions), j’ai appris que Farid n’habitait pas loin de chez moi ! Le reste a coulé de source et est allé très vite. 

– « Fuel For My Soul » vient tout juste de sortir et c’est une belle et grosse claque ! Comment s’est passé l’enregistrement et avec qui avez-vous travaillé ? Il présente aussi un son très américain…

Merci beaucoup. On a beaucoup répété les titres que l’on avait sélectionnés sur toutes les démos que l’on avait. Puis, on est rentré en studio et on a enregistré l’album en une semaine, tous ensembles pour garder ce feeling live et groovy. Puis, overdubs chant et guitares. On a ensuite envoyé les prises à un mixeur. Le son nous définit vraiment bien. On savait comment on voulait faire sonner l’album et j’ai assez l’habitude de produire des guitares en studio. On voulait garder l’esprit live, mais avoir un son plus précis. Le fait que l’on donne le mix à une personne qui n’avait pas travaillé sur les enregistrements a donné une autre dimension. On lui donnait la direction globale du son, mais en plus il avait une écoute plus fraîche que nous.

– J’ai lu que vous aviez composé 40 morceaux avec Butcho pour ce nouvel album. Vous en avez finalement gardé 11 et ils sont tous aussi solides que percutants. A l’heure où fleurissent les EP, c’est énorme d’écrire autant de titres ! Vous en avez gardé quelques uns pour la scène, le prochain album, ou alors c’est la crème de la crème et le reste va disparaître ?

Encore une fois merci. Il y a de très bons titres dans le lot que l’on a mis de côté, car on voulait aussi avoir un certain flow. Mais pour répondre à ta question, on ne garde rien. On part du principe qu’à cette période, on avait une certaine vibe et donc un certain feeling au niveau de l’écriture. Nous sommes déjà sur le prochain et on remarque que c’est un autre album. Certes, c’est du LAST TEMPTATION, mais un autre album.

– Musicalement aussi, on sent que vous avez nettement pris une nouvelle dimension au niveau de l’écriture. C’est enfin le LAST TEMPTATION que vous vouliez afficher avec Butcho dès le départ ?

Comme dit le premier album, c’est un peu comme les premiers pas. On sait où on veut aller, mais ce n’est pas encore bien défini. Là, on a une vraie formation musicale, on est ensemble et on a pu répéter les morceaux avant de les enregistrer. Nous voulions un relief différent sur cet album. Tout comme nous aimerions avoir un autre relief sur le prochain. On arrive à cette homogénéité et avec l’arrivée de Farid, cela se confirme.

– Si les ombres de Zakk Wylde et de George Lynch, époque Dokken, se font sentir dans ton jeu, LAST TEMPTATION possède désormais un style très identifiable et un jeu explosif. Même s’il sonne très moderne, il y a un agréable parfum 90’s. Ce sont finalement les années que tu trouves les plus créatives et celles qui t’inspirent encore le plus ?

Décidément je n’arrête pas de te remercier ! (Rires) En fait, j’aime vraiment toutes les périodes des 70’s à maintenant. Si je devais définir les décennies pour moi, ce serait 70’s avec Iommi et Van Halen, 80’s : Lynch et 90’s : Dimebag et Cantrell. Ce mix fait surement partie intégrante de mon jeu et de mon écriture. En termes de groupes, cela va de Kiss à Pantera.

– Enfin avec un album aussi costaud et si bien réalisé que « Fuel For My Soul » sous le bras, j’imagine que la scène doit plus que vous titiller. Qui a-t-il de prévu de côté-là ?

Nous sommes comme des lions en cage ! (Rires) Tout d’abord, le Hellfest le 18 juin à 14:20 MainStage 2 (Et on y sera – NDR). On est super excités. Nous avons des choses de prévues, mais on ne peut pas encore les annoncer. Mais on a hâte de rencontrer tout le monde. Ça va faire du bien de pouvoir s’éclater à nouveau et reprendre là où on s’est arrêté en 2020 !

L’album de LAST TEMPTATION, « Fuel For My Soul », est disponible depuis le 20 mai Crusaders Records

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Hard Rock

CoreLeoni : modern vintage

Vétéran incontournable de la scène européenne depuis trois décennies, Leo Leoni a toujours son étincelante Gibson, et elle fait dorénavant briller son nouveau groupe CORELEONI depuis trois albums. Avec « III », les Suisses commencent à trouver leur véritable identité musicale, forgée dans un Hard Rock mélodique et relevé. Une éternelle jeunesse.

CORELEONI

« III »

(Atomic Fire Records)

Depuis 2018, le légendaire guitariste et fondateur de Gotthard, Leo Leoni, continue d’entretenir la flamme du Hard Rock classique et vigoureux qui brûle en lui. Après un « Greatest Hits, Part 1 », « puis « II », CORELEONI enchaîne assez logiquement avec « III » et tout de même avec quelques changements. L’excellent Ronnie Romero, parti chez MSG, laisse sa place à l’Albanais Eugent Bushpepa, qui s’avère être un redoutable vocaliste lui aussi.

Si l’ombre de son ancien groupe plane toujours sur CORELEONI, le six-cordiste se détache de plus en plus de son répertoire d’antan et parvient sans mal à se renouveler. Il faut reconnaître que l’arrivée de ce nouveau chanteur au style plus personnel apporte beaucoup de fraîcheur à ce troisième opus. Soudé, le quintet avance comme un seul homme sur des morceaux musclés, toujours très Rock, ainsi que des ballades plus délicates.

Fidèle à sa réputation, ça sent bon la Les Paul et les Marshall chez CORELEONI, ce qui maintient une certaine intemporalité dans les nouveaux titres des Helvètes. Classique et à la fois très actuel, « III » regorge de morceaux taillés pour la scène comme « Let Life Begin Tonight », « Purple Dynamite » ou « Guilty Under Pressure ». Et en plus des dix nouvelles compos, le groupe livre une version explosive de « Jumpin’ Jack Flash » et quatre autres de Gotthard.

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Dark Gothic Doom France Metal

GoneZilla : une poésie doomesque [Interview]

Sans afficher une lourdeur trop pesante, le Doom de GONEZILLA se précise au fil du temps et après deux EP et un album, les Lyonnais livrent leur deuxième réalisation, « Aurore », tout en accueillant la chanteuse Karen Hau. Venant contraster un growl ravageur, elle apporte un peu de douceur mélancolique au quintet, dont l’évolution gothique et progressive se précise aussi. Ce nouvel opus montre également une maturité évidente sur laquelle revient la frontwoman du groupe.

– Avant de parler du nouvel album, j’aimerais que l’on évoque ton parcours. Tu es arrivée au sein de GONEZILLA il y a moins de deux ans et tu œuvres toujours chez Octavus Lupus. Comment s’est passé ton arrivée et qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans cette nouvelle aventure?

En fait, j’étais en contact avec Julien (Babot, lead guitare – NDR) depuis cinq ans sur Facebook. Les groupes amateurs de Metal se connaissant tous un peu. Et il m’a contacté un jour sans savoir encore si c’était pour prendre le relais sur GONEZILLA, ou pour un side-projet. Il m’a fait écouter ce qu’il faisait et le côté sombre m’a immédiatement plu. Ensuite, il m’a envoyé un instrumental avec un texte. J’y ai posé des lignes de chant et Clément (Fau, basse – NDR) et lui ont été convaincus.

– Tu l’as vécu comme un challenge, ou plus simplement comme l’évolution naturelle de ton parcours de chanteuse ?

Plutôt comme une opportunité. Je ne viens pas du Doom Metal, mais plutôt du Rock, du Symphonic et du Progressif. Il a donc fallu que j’en écoute et que je m’en imprègne. Mais la musique que m’a envoyée Julien m’a vraiment touché et j’ai tout de suite adhéré.   

– L’album a été finalisé assez rapidement après ton arrivée. Tu as réussi à imposer ton style et tes idées, ou est-ce que « Aurore » était déjà entièrement écrit ?

En ce qui concerne l’instrumental, la plupart des morceaux était écrite et d’autres sont arrivés un peu plus tard. Pour les textes, Julien et moi les avons écrit au fur et à mesure. Comme le projet était ultra-motivant, tout s’est très vite enchaîné. On a tous été très réactifs et il y a eu une véritable émulation.

– Justement, pour rester sur le chant, GONEZILLA a la particularité de présenter des textes en français. C’est la volonté de se démarquer de la scène Metal et Doom hexagonale, sachant que peu de groupes osent s’y aventurer ? Ou alors pour faire aussi passer plus facilement vos paroles, puisque ton registre est clair ?

Il y a un peu des deux, c’est sûr. D’un côté, on voulait se démarquer et l’ensemble du groupe a aussi un certain goût pour la poésie française, tout simplement. La langue française permet aussi beaucoup de subtilités, déjà parce qu’on la maîtrise mieux, et aussi parce que je trouve, à titre personnel, qu’elle offre plus de nuances que l’anglais dans la majorité des cas.   

– Musicalement, le Doom de GONEZILLA est très sombre bien sûr, mais il contient aussi de nombreux passages assez progressifs et même post-Metal. C’était important aussi pour vous de vous distinguer en apportant peut-être un peu plus de lumière et une certaine légèreté ?

En fait, Julien a clairement des influences progressives, je pense. De mon côté aussi, j’ai grandi en écoutant Pink Floyd, Led Zeppelin, du Rock Progressif et plus récemment du Metal Progressif. C’est un bagage qu’on a tous en commun. Je ne dirai pas pour autant que c’est pour apporter consciemment de la lumière à notre style. C’est quelque chose de plus inconscient, à mon avis. 

– Votre album a également des aspects gothiques dans la musique comme dans les textes. C’est une extension assez naturelle lorsqu’on fait du Doom, car les deux univers sont souvent très différents ?

C’est vrai que l’on retrouve des influences gothiques qui sont venues naturellement, en fait. Même si nous ne sommes pas très, très fans des étiquettes, je pense qu’on peut quand même dire que GONEZILLA est un groupe de Doom Gothic, oui.

– Il y a aussi un gros travail d’effectué sur les atmosphères et les ambiances dans les morceaux, qui sont d’ailleurs assez longs. Vous travaillez vos textes en fonction, ou c’est la musique qui les inspire ?

En général, Julien compose et propose ensuite un squelette en précisant où se trouvent le chant féminin et le chant masculin, ainsi que l’ambiance attendue. A partir de là, j’écris les textes et on voit si cela correspond à ce qu’il avait en tête en composant le morceau. De mon côté, je fonctionne en écrivant d’abord le texte, la mélodie vient après.

– Justement sur le chant, il y a cette dualité entre ton chant clair et le growl de Florent (Petit – guitare, chant). De quelle manière construisez-vous ces deux aspects ? Y en a-t-il un qui guide l’autre ou il n’y a pas de véritable lead?

Pour le lead, il n’y en a pas vraiment, car c’est Julien qui nous dit où chanter. Pour l’essentiel, c’est beaucoup de communication entre nous. Florent et moi avons réussi, malgré la distance, à tisser des liens humains très importants. Cela nous permet d’avoir une vraie collaboration et beaucoup d’échanges. C’est presque un duo.

– GONEZILLA a maintenant un peu plus de dix ans d’existence, et le line-up semble aujourd’hui stabilisé. « Aurore » est-il une nouvelle étape pour le groupe ? Est-ce que vous le voyez comme ça ? Comme un cap de franchi ?

Pour te donner le point de vue du reste du groupe, qui est là depuis bien plus longtemps que moi, GONEZILLA est aujourd’hui ce qu’il aurait du être depuis des années déjà !

– Enfin, maintenant que la situation est revenue à la normale et que la reprise des concerts bat son plein, comment allez-vous organiser votre set-list ? GONEZILLA compte deux EP et deux albums. Allez-vous vous focaliser sur le dernier, sachant que c’est ton premier avec le groupe ?

Oui, l’attention va être portée sur le nouvel album, que l’on commence tout juste à défendre sur scène. Nous avons aussi du faire des choix sur les morceaux qu’on voulait présenter. Plus tard, on envisage de reprendre certains titres plus anciens. J’ai commencé à en travailler certains. Avec Céline (Revol, l’ancienne chanteuse – NDR), on n’a pas tout à fait la même tessiture de voix, donc il y aura sûrement des choses que j’interpréterai différemment. Tout en respectant ce qui a été fait, il y aura des nuances sur le volume et mon ressenti, je pense. On y réfléchit !

L’album « Aurore » de GONEZILLA est disponible depuis le 22 avril chez M&O Music.

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Hard Rock Heavy metal Metal Rock

Motor Sister : à plein régime

Deuxième album pour MOTOR SISTER qui abandonne les reprises pour se lancer dans un répertoire original. Avec « Get Off », le super-groupe se dévoile un peu, sans pour autant affirmer un style encore très identifiable. En passant d’un Hard’n Roll musclé à des titres Thrash presque Punk et d’autres plus Heavy ou Rock, le quintet peine un peu à se trouver.

MOTOR SISTER

« Get Off »

(Metal Blade Records)

Au départ, le chanteur Jim Wilson voulait juste se faire plaisir avec quelques amis sur des reprises de son groupe Mother Superior. Plutôt bien entouré, l’Américain a tapé dans l’œil du label Metal Blade Records et un premier album de covers, « Ride », est sorti en 2015. Explosifs, les morceaux ont repris vie et finalement MOTOR SISTER s’est soudé autour d’un line-up assez haut de gamme.

Composé de la chanteuse Pearl Aday (Pearl), du guitariste Scott Ian (Anthrax), du bassiste Joey Vera (Armored Saint) et du batteur John Tempesta (White Zombie, The Cult), le combo a fière allure et s’est lancé dans la composition d’un album original, à l’exception d’une reprise de Mother Superior, « Rolling Boy Blues ». Pour le reste, MOTOR SISTER a fait dans la nouveauté et la fraîcheur.

Seulement en écumant le back-catalogue de son groupe, Jim Wilson savait où il allait et il avançait en terrain connu. S’il est légitime de vouloir écrire de nouveaux morceaux, notamment avec de tels musiciens, encore faut-il qu’il y ait une ligne directrice et une idée précise. Or chez MOTOR SISTER, ça part dans tous les sens et on s’y perd un peu. Tous les styles convergent sans véritablement se retrouver. Dommage.

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Blues Rock Classic Rock Hard Rock

Thunder : la marque des grands

THUNDER fait partie de ces groupes qui se bonifient avec le temps. Après un très bel opus l’an dernier, le quintet est déjà sur le pont avec un double-album dans les bras. « Dopamine » ne pouvait pas mieux résumer ce nouvel effort des Britanniques, tant il est varié et contient tout ce que le Classic Hard Rock a de meilleur. Heavy Rock, Blues, Southern : les Anglais font le tour de la question avec brio.

THUNDER

« Dopamine »

(BMG)

Décidemment, après plus de 30 ans de carrière, THUNDER semble plus prolifique que jamais. Après « All The Right Noise » sorti l’an dernier dans une période compliquée pour tous, les Anglais sont déjà de retour et cette fois, c’est même avec un double-album. Et à en croire son titre, « Dopamine », c’est bien ce qui parait avoir boosté le groupe. D’ailleurs, le contenu va dans le même sens, celui d’un Classic Hard Rock élégant.  

Sortir 16 morceaux sur un même disque est devenu une démarche plutôt rare de nos jours. Pourtant, contrairement à pas mal d’autres, THUNDER n’est pas allé fouiller dans ses archives ou ses fonds de tiroir pour nous proposer « Dopamine ». Les Britanniques se sont tout simplement révélés être particulièrement inspirés. Et le résultat est brillant, en plus de sa production, qui est remarquable en tous points.

Malgré le volume de l’album, THUNDER a pris le soin de peaufiner les arrangements de chaque morceau, que ce soit avec des notes de piano ou des chœurs féminins incroyables. Pour autant, le quintet a conservé son côté musclé et ses riffs aiguisés (« The Western Sky », « Black », « The Dead City »), ainsi que ses aspects bluesy et Southern (« Big Pink Supermoon », « Even If It Takes A Lifetime »). Classieux et racé.

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Hard US Rock US

Dorothy : la voix à suivre

Très Rock et toujours aussi pétillante, la frontwoman Dorothy Martin sort le troisième album de son groupe, « Gifts From The Holy Ghost », où elle s’impose dans un Rock Hard US costaud. Ce nouvel opus de DOROTHY confirme une volonté et une ardeur plus que jamais évidentes. Déterminé et fédérateur, le combo affiche une fraîcheur percutante.

DOROTHY

« Gifts From The Holy Ghost »

(Roc Nation)

Avec un album de cette trempe, DOROTHY devrait asseoir de manière pérenne son statut de très bon groupe de Rock Hard US. Basé à Los Angeles et mené par sa frontwoman d’origine hongroise Dorothy Martin, le combo livre à nouveau un très bon opus entre puissance et délicatesse. Quatre ans après « 28 Days In The Valley », la chanteuse affirme son style.

« Gifts From The Holy Ghost » se distingue par un sentiment d’urgence qui le rend plus pêchu et plus rentre-dedans que ses deux prédécesseurs. Produit par le très expérimenté Chris Lord Alge (Avenged Sevenfold), les influences Rock, Heavy et bluesy de DOROTHY resplendissent et se fondent dans une unité que le groupe n’avait encore jamais atteint.

Avec le soutien de Keith Wallen, Jason Hook, Scott Stevens, Phil X, Trevor Lukather et Joel Hamilton, cette nouvelle réalisation se veut aussi solide qu’accrocheuse et la chanteuse prend une envergure nouvelle (« Beautiful Life », « Top Of The World », « Black Sheap », « Made To Die »). Entre punch et mélodies imparables, DOROTHY semble libérée et sur de bons rails.

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Melodic Rock

Godo & : libre et solaire

Intemporel, sensible et tout en émotion, « On Time » propose un voyage transatlantique, des côtes anglaises à la Californie, à travers un Rock parfois Pop ensoleillé et relevé. Derrière GODO & se cache, à peine, le compositeur, guitariste, claviériste et chanteur Claude Gaudefroy, connu comme le loup blanc dans le milieu pour ses multiples casquettes. Et ce premier album est une réussite à tous les niveaux !

GODO &

« On Time »

(Bernerie Hills production/ Inouïe Distribution)

Voilà un album qui fait du bien ! Tour à tour journaliste, consultant, patrons de magasins d’instruments ou encore choriste, il fallait bien qu’un jour ou l’autre Claude Gaudefroy livre sa propre vision et son feeling personnel du monde musical qu’il a toujours côtoyé. Et c’est donc avec « On Time » et sous le pseudo de GODO & qu’il prend son envol. Et avec la manière ! Chaque détail est minutieusement soigné grâce à de fins arrangements.

Entièrement écrit, composé et produit par ses soins et avec Michel Taitinger aux manettes, « On Time » réussit le tour de force d’apporter à des compositions très bien ciselées un son et un mix à la hauteur. Car GODO & se présente avec des titres dont la qualité de la réalisation ne souffrirait pas la médiocrité sonore, d’autant que la pléiade d’invités laisse franchement rêveur. C’est un casting très haut de gamme qui accompagne le musicien.

Sans les citer tous, Craig Blundell (Steven Wilson), Adam Holzman (Miles Davis), Stu Hamm (Joe Satriani) ou encore Simon Phillips (Toto) sont de la partie et offrent tous une couleur incroyable et un relief saisissant aux morceaux de GODO &. Entre Rock légèrement Pop où se mêlent des sonorités british un peu prog, jazzy ou bluesy dans les guitares, « On Time » embrasse le plus souvent des airs de Rock californien avec une élégance rare.

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Alternative Metal Alternative Rock

Stone Broken : l’heure de vérité

STONE BROKEN livre un troisième album étonnant où le piano et quelques éléments electro viennent s’immiscer, mais surtout où les guitares et les tempos se sont alourdis au profit d’un style qui se veut plus percutant. Avec « Revelation », le quatuor britannique se montre plus musclé tout en conservant des mélodies accrocheuses et enthousiasmantes.

STONE BROKEN

« Revelation »

(Spinefarm Records)

Après deux albums tout à fait honorables d’’un Rock relativement costaud, les Anglais de STONE BROKEN ont décidé de passer à la vitesse supérieure. La première étape a consisté en une étroite collaboration avec le guitariste de SikTh et producteur Dan Weller, dorénavant reconnu pour son travail avec Enter Shikari, Bury Tomorrow ou encore Young Guns. De solides bases donc, pour mieux aller de l’avant.

L’intention du quatuor des Midlands est par conséquent de durcir le ton et d’apporter plus de puissance à ses morceaux. Et c’est plutôt réussi sur ce « Revelation », dont les guitares ont pris beaucoup de volume et la rythmique basse-batterie une ampleur qui lui manquait. STONE BROKEN n’a pas froid aux yeux et même si le chant de Rich Moss reste mélodique, il y a aussi apporté plus de tranchant.

Si le quatuor britannique présente une certaine exaltation, elle se fait pourtant de manière plus sombre, mais tellement plus dynamique (« Black Sunrise », « Revelation », « Over The Line »). Avec cette nouvelle approche, que l’on peut largement apparenter à celle de groupes comme Nickelback et Seether, STONE BROKEN franchit un cap certain et s’engouffre dans un Alternative Metal Rock pêchu et fédérateur. Convaincant au final !

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France Groove Metal Post-Metal

Stengah : entre deux turbulences [Interview]

A force d’un travail acharné, les Lillois se présentent avec un album incroyable de créativité et osent à peu près tout à travers un registre où viennent s’entrechoquer des ambiances et des fulgurances étonnantes. STENGAH, en reprenant le titre d’un classique de Meshuggah comme nom, vise très haut et « Soma Sema » laisse entre voir le meilleur pour le quintet. Entretien avec Eliott Williame, batteur et compositeur du groupe.

Photo : Earlawakes

– STENGAH est un nouveau venu sur la scène Metal française et dès votre premier album, vous mettez tout le monde d’accord en affichant une puissance phénoménale. Avant de parler de « Soma Sema », pouvez-vous revenir sur votre parcours, ainsi que sur votre signature chez Mascot Records pour vos débuts ? 

Merci pour ce retour ! On a débuté le projet en 2013 en cherchant un line up stable et cohérent pour prendre le temps aussi de définir une identité précise et personnelle. C’est vraiment en 2016 que le groupe a commencé à exister avec les premiers concerts et la démo « Mechanic of the Sphere », sortie en avril la même année. En 2017, nous avons été sélectionnés et avons remporté le ‘Metal Battle France’, qui nous a envoyé jouer au ‘Wacken Open Air’, ce qui a été un gros tremplin pour nous faire repérer et gagner en visibilité. Ça nous a ouvert pas mal de portes, et de plus en plus de monde a commencé à s’intéresser à STENGAH. On a été très encouragé et très soutenu pendant la création de l’album jusqu’à tomber dans l’oreille d’un certain Richard Gamba, aujourd’hui notre manager et ami. Il nous a appris des milliers de choses et nous a accompagnés dans un premier temps pour sortir « Soma Sema » sur un label. Ce qui a fait la différence avec Mascot Records, c’est qu’ils se fichent un peu de savoir si le groupe est déjà connu, ou seulement émergent. Ce qui les intéresse avant tout, c’est la proposition artistique et le potentiel qui va avec. Ils y vont un peu au coup de cœur, et c’est pour ça qu’ils nous ont signé à l’époque. Honnêtement, c’est une des plus belles reconnaissances qu’on ait pu avoir sur ce disque. 

– Entre Groove et post-Metal, votre style est aussi créatif que technique, ce qui rend votre album saisissant à tout point de vue. Vous jouez aussi sur les atmosphères avec un côté très progressif. STENGAH est un concentré de beaucoup de choses. Comment canalisez-vous toute cette énergie ?

Il y a un jeu de nuance que je retrouve principalement dans le Rock Progressif et le Jazz, où chaque moment va être impactant parce qu’il vient contrebalancer des couleurs musicales différentes. Ici, on joue sur le même plan, c’est-à-dire qu’un passage doux dans un morceau va renforcer énormément le suivant qui sera beaucoup plus agressif, ou inversement. Quelque chose de très sombre et très compacté va être mis en avant, parce qu’il va entrer en collision avec quelque chose de très lumineux et ouvert. Même si ça ne dure pas longtemps, ça suffit à ce que tout dans un morceau soit mis en valeur. Il y a des morceaux qui nous laissent, le public et nous-mêmes, totalement à bout de souffle. Et ça marche parce qu’il y a un temps de respiration avant ou après. Le défi évidemment est d’arriver à rendre tout ça très cohérent. Là, il faut y aller au feeling, tester, prendre des risques et se sentir satisfait quand ça fonctionne. 

– « Soma Sema » fait vraiment penser à un voyage musical aussi chaotique que précis et très structuré. Quel est le point de départ de vos compositions ? Vous partez d’un thème mélodique, ou vous vous laissez guider par le texte ?

En général, il y a un thème qui me vient en tête, que je n’arrive pas forcément à identifier et qui me prend par surprise, puis en vient un autre, etc… Je dis souvent qu’il y a un côté accidentel. Je me laisse moi-même surprendre par la composition, ce qui demande beaucoup de concentration pour arriver mentalement à tout assembler comme un puzzle, en recherchant les bonnes transitions et le meilleur équilibre. Le texte peut arriver avant, pendant ou après. Il est un peu composé comme une guitare ou une batterie en attendant d’être restitué par le chant. Cette idée de voyage, de chaos et de structure, c’est tout à fait ça. Les trois cohabitent en permanence et forment un tout très personnel, et en même temps très ouvert et très contemplatif. 

– Ce qui surprend aussi sur l’album, c’est l’approche presque animale des morceaux et leur aspect très moderne. C’est sur cette dualité que se basent le style et la démarche de STENGAH pour l’essentiel ?

Oui, je dirais que ça vient de la somme de nombreuses influences musicales et même d’autres formes d’arts, comme la peinture ou plus récemment la danse. Quand on ressent le mouvement de l’artiste dans sa production, je trouve ça saisissant.  De même, il est très important pour moi de ressentir le musicien derrière son instrument dans la musique de STENGAH. C’est une manière de raconter quelque chose de sincère, qui prend aux tripes dès qu’on se laisse embarquer. 

Photo : Earlawakes

– Vous avez également un côté très avant-gardiste, malgré des riffs très Metal et tendus. A l’écoute de « Soma Sema », on a presque le sentiment que le Métal ne vous suffit pas et qu’il vous faut franchir d’autres caps. C’est le cas ? 

A l’époque où le groupe s’est fondé, il était question de monter un ‘groupe de musique’,  sans vraiment parler de Metal ou autre. J’aime préciser que le style Metal s’est imposé de lui-même à travers la composition et à mesure que le line-up s’est créé, notamment avec l’arrivée du chanteur qui est capable d’aller très loin en termes d’intensité musicale. Aujourd’hui, et je pense que c’est la grande force de STENGAH, on a un style musical très ouvert, qui va pouvoir se permettre d’emprunter à tous les genres musicaux. C’est une musique qui transpirera toujours notre amour pour le Metal sous toutes ses formes, mais qui a le potentiel d’évoluer constamment et de surprendre tout en restant cohérente. 

– J’aimerais qu’on parle de la production et du mix qui présentent un parfait équilibre entre les deux guitares, la rythmique et le chant. Dans quelles conditions et avec qui avez-vous travaillé ? Et est-ce que le résultat est à l’image de ce que vous aviez en tête au départ ?

Je pense que ce qui donne cette sensation d’équilibre, c’est que nous nous sommes acharnés à donner un aspect ‘Live’ aux enregistrements studios. À la batterie, je ne cherche pas à coller absolument au clic. Le métronome est plus là en guise de repère. Je considère la basse comme une extension de la batterie, et vice versa. Donc même chose, dans quasiment tous les passages de l’album on joue seulement à deux, et non pas à trois avec le clic. On a bossé avec Thomas Jankowski au Sound Up Studio à Tourcoing, qui est aussi notre ingé-son live. L’avantage est que Thomas est lui-même batteur, ce qui lui permet de comprendre facilement cette approche rythmique un peu hors du temps et des mesures. Autre exemple, j’ai parfois fait refaire les parties de guitares, car elles étaient trop précises avec le tempo, ce qui donnait un aspect mécanique à certains riffs parmi les plus techniques. 

– Vocalement, il y a aussi beaucoup de changements de tons et de tessitures. Comment adaptez-vous la voix à la ligne musicale ? Elle-t-elle le lead sur les morceaux ?

Pour le chant, on a enregistré au studio d’Alex Orta, qui est plus tard devenu guitariste au sein du groupe. À l’époque, nous avons enfermé Nicolas dans un tout petit espace, comme s’il se retrouvait lui-même piégé dans la thématique de l’album (qui parle d’un esprit piégé dans son propre corps). Je te rassure, on a pris soin de lui quand même ! Mais l’idée a été pour lui de s’immerger totalement dans les textes et la musique, et de mon côté, je lui racontais des paysages entiers, des rêves, avec des couleurs et des sensations. En quelque sorte, on a un peu joué avec le principe de synesthésie… Finalement, Nico s’est approprié tout ça et en a fait sa propre interprétation. C’est vraiment là que la voix s’est parfaitement intégrée dans la musique, à travers quelque chose à la fois d’écrit et de spontané. Ça nous a permis d’aller explorer tout un tas d’émotions qui sont parfaitement retranscrites dans son chant, et donc avec tout un tas de sonorités parfois même inattendues. On l’entend essoufflé dans « Swoon » ou à bout de souffle à la fin de « Blank Masses Inheritance », et ce n’est pas du bluff. C’est le fruit d’un engagement corporel et mental énorme de la part de tous à l’intérieur de cette musique. 

– Enfin, un petit mot sur la scène, car avec la qualité des groupes français actuels, on peut imaginer de très beaux plateaux. Avec quelles formations seriez-vous ravis de partager l’affiche?

Il y a tellement de groupes… J’ai envie de dire à peu près tout le monde, même dans des styles un peu différents, on est toujours très ouverts quelque soit la nature du groupe. Si on reste en France, je dirais Igorrr, Hangman’s Chair, Gorod, Benighted ou même Gojira… des projets déjà bien connus, mais c’est vrai qu’il y a un paquet de belles découvertes à faire en France ou chez nos voisins en Europe. Et depuis qu’on a repris les concerts, c’est intéressant de découvrir comment tous ces groupes ont évolué durant les deux ans de stand-by général. J’ai envie de citer Oddism ou The Lumberjack Feedback qui sont de chez nous, ou Huntsmen (US) et Loathe (UK). Nous allons prochainement retrouver un groupe de Rock Prog semi-acoustique à Bordeaux, qui s’appelle Qlay, avec qui nous partageront une date là-bas le 14 Novembre 2022. On va mélanger les genres, et ça va être énorme. On serait encore ‘hors Metal’, mais mon plus grand rêve serait de partager un jour la scène avec le groupe français légendaire Magma, mené par Christian Vander. 

« Soma Sema », l’album de STENGAH, est disponible depuis le 18 mars chez Mascot Records.

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Knuckle Head : une liberté absolue [Interview]

Les Alsaciens de KNUCKLE HEAD ont créé leur propre style : la Dark Country. A base de Country bien sûr, de Southern Rock et de Stoner, l’incandescence de leur musique est manifeste et prend toute son ampleur en concert. Loin des stéréotypes, le duo travaille à l’ancienne, en analogique, et son nouvel album, « Holsters And Rituals », est véritablement pensé et taillé pour la scène, qui reste leur terrain de jeu favori. Rencontre avec Jock, batteur virevoltant, libre et puissant de ce combo hors-norme.    

– Pour vous resituer un peu, KNUCKLE HEAD a sorti un premier EP, « First Drive » en 2016, puis l’album « II » en 2019 et aujourd’hui « Holsters And Rituals ». Pourquoi êtes-vous restés indépendants toutes ces années ? Des labels ont pourtant du se manifester, non ? C’est pour conserver une liberté artistique totale ?

Exactement, c’est pour garder notre liberté. On travaille avec Dominique Bérard de Muzivox, qui fait le travail de tourneur-manageur, car nous n’avons pas ces contacts-là. Comme nous, il est aussi en indépendant, ce qui fait que nous sommes vraiment en famille. Et on garde aussi notre droit à l’image. On n’a jamais eu ce genre de contrat, et on ne veut pas ce que cela change. Il y a tellement de groupes qui changent au fil des années à cause du marketing. On veut rester seul à faire notre truc.

– D’ailleurs, un petit mot sur la campagne de crowdfunding mise en place pour ce nouvel album, qui a d’ailleurs très bien fonctionné. Vous pensez que cela peut devenir une solution viable sur le long terme ?

On évite quand même ce genre de projet, mais cet album nous a énormément tenu à cœur. Et pour sa progression, on a été malheureusement obligé de le faire comme ça. Là où nous avons été surpris, c’est par la fan-base, car tout a été très vite. Nous sommes très satisfaits et nos fans aussi. Pour le long terme, comme nous partons sur une certaine indépendance, il y a aura un moment où nous aurons de l’argent de côté pour le mettre nous-mêmes. L’avantage avec ce système est bien sûr la précommande, car les gens ont pu réserver le vinyle et les boxes en version très limitée, car cela est parti très vite. C’était mieux pour eux. Mais sur le long terme, on évitera de faire ce genre de campagne. C’est aussi beaucoup de travail, car on fait tout nous-mêmes, même si ça reste un plaisir !  

– Comme votre nom l’indique, vous faites partie du monde des bikers. En quoi cela vous inspire et qu’est-ce qu’il évoque plus largement et musicalement ?

C’est le symbole de la liberté ! La moto est un plaisir et une liberté absolue. C’est aussi un moyen d’évacuer, d’oublier ses problèmes et c’est exactement le même principe que lorsque je suis sur ma batterie. C’est un réel exécutoire ! C’est ce qui touche vraiment à notre musique. Les deux ont un rapport très, très fort, d’où le nom du groupe.

– L’une de vos particularités est aussi d’évoluer en duo. C’est un choix qui s’est imposé de lui-même ? Ca ne vous intéresserait pas de jouer au sein d’une formation plus conséquente ?

Non, car notre son est suffisamment travaillé pour qu’il n’y ait pas ce manque justement. Sur scène, Jack bosse avec trois amplis : un Fender, un Orange, un ampli basse et tout est branché ensemble. Et puis, le fait d’être à deux comporte beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, parce qu’on fonctionne un peu comme un couple. Il n’y a jamais eu de souci entre nous, et les choses se règlent beaucoup plus simplement. Pour caler une date, il suffit très souvent d’un seul coup de fil et c’est bon. Par ailleurs, Jack fait partie de ma famille, comme je fais partie de la sienne : il est comme mon frère !  

– Ce qu’il y a de surprenant chez KNUCKLE HEAD, c’est que vous intégrez à peu près tous les styles de musique peu représentés en France, comme la Country même si elle est Dark, ainsi que certains aspects d’Americana en version très musclée et du Stoner bien sûr. Comment avez-vous bâti votre univers sonore au départ ?

Cela a été beaucoup de recherches au fil des années, en fait. On voulait faire quelque chose qui se démarquait des autres. A l’époque, j’étais très Country avec Johnny Cash, Willie Nelson et d’autres, et Jack était très Stoner et Sludge. On a commencé à mélanger tout ça pour obtenir, et je le dis sans narcissisme, sans doute notre meilleur album aujourd’hui. Le temps passe, on mûrit et on arrive à se trouver parfaitement. Nous avons travaillé deux ans sur cet album et j’en suis vraiment très fier. Il représente vraiment le Stoner et la Country mélangés.

– Vous qui tournez beaucoup, comment s’est déroulé l’enregistrement de « Holsters And Rituals » ? Vous avez réalisé l’essentiel de l’album lorsque tout était à l’arrêt ?

Oui et finalement, cela a été un grand avantage, bien plus qu’un inconvénient. On a eu beaucoup de temps pour tout préparer. Il y avait aussi beaucoup moins de stress. Comme nous faisons tout nous-mêmes, c’est assez tendu parfois d’enchainer les concerts, de revenir le lendemain en studio, puis repartir, etc… Là, on a eu tout notre temps pour travailler sur l’album. Ca s’est super bien passé, même si cela a été énormément de travail, car nous avons aussi enregistré tout en analogique sur bande. Tout est fait à l’ancienne et en direct, c’est-à-dire batterie et guitare dans un premier temps, les voix et les arrangements arrivant après. Alors, si tu foires ta prise, c’est toute la bande qui est à jeter. Et puis, nous jouons sans click. Il y a un peu plus de stress, mais cela te donne une autre qualité sonore que peu de gens connaissent finalement.

– Un petit mot aussi sur la production de l’album, qui est particulièrement massive et qui, je trouve, reflète parfaitement l’énergie de vos concerts. C’était important pour vous de restituer un son finalement très live et assez brut ?

Ah oui ! Je pars du principe que nous ne sommes pas un groupe à écouter en streaming. On est un groupe à voir en live ! Quand on construit la tracklist de nos albums, tout est d’abord travaillé pour le live. Il faut toujours garder cette énergie et ce son-là avec ce bourdon venant de l’ampli de Jack. On nous dit souvent qu’il ressemble à un gros nid d’abeilles. Il faut que les gens qui ne peuvent pas nous voir ressentent l’énergie des morceaux.

– Par ailleurs, les arrangements de « Holsters And Rituals » sont particulièrement soignés et offrent beaucoup de profondeur et de relief à l’album, et lui confère une ambiance singulière. Même si vous n’êtes que deux, ce troisième opus est dense et très riche. En plus d’être efficaces, vous semblez aussi très pointilleux…

Exactement. On ne voulait pas faire un album remplis d’arrangements derrière, car il fallait qu’on puisse le faire en live. Sur scène, Jack travaille avec des samples et il fonctionne avec un système de pédaliers, donc c’est comme jouer du piano. En concert, les gens sont très surpris, car ils ont le sentiment que nous sommes beaucoup plus nombreux. En fait, c’est ce qui a été le plus à travailler, car il fallait pouvoir tout contrôler et garder ces mêmes arrangements en concert. On a passé des jours de résidence à jouer et répéter 7/7 jours, et nous sommes aujourd’hui très fiers du résultat. Le retour des gens est incroyable et ça me fait un immense plaisir, car on se cale sur eux ! Quand on a autant de retours positifs, constructifs, de la bonne humeur et de la bonne entente, c’est sublime ! Je ne peux qu’être fier.

– Il y a également un guest de renom sur l’album avec la présence au chant d’Albert Bouchard, ex-Blue Öyster Cult, sur le morceau « Existential Anger », qui est aussi un moment fort du disque. Comment cela s’est-il passé ? Vous vous connaissiez déjà ?

Pas du tout, c’était n’importe quoi ! (Rires) Lorsqu’on a rencontré Dominique, notre patron actuel chez Muzivox, on parlait des groupes que l’on aimait. Je lui ai dit que, pour moi, il y a avait Depeche Mode, Black Sabbath et Blue Öyster Cult. Et il m’a dit qu’il avait travaillé pendant 15 ans avec Blue Öyster Cult. Et lors des pré-prod’ de l’album, je lui ai demandé s’il pensait que ce serait possible de faire un featuring avec l’un des membres du groupe. Il m’a dit qu’Albert Bouchard, l’un des fondateurs, était un très bon ami. Il lui a envoyé un mail, alors qu’il enregistrait son album à San Francisco. Et trois jours après, je recevais sa réponse et c’était carrément fou ! (Rires) J’en ai chialé le matin au réveil lorsque je l’ai lu. Il était hyper-positif en disant : « Ces mecs sont super bons. La musique est phénoménale et ce serait bien sûr un plaisir et un honneur de pouvoir chanter pour eux ». Ca s’est fait comme ça, et c’est pour moi le summum ! C’est l’une des grandes fiertés de l’album, c’est clair !

– Enfin, vous êtes un groupe de scène comme on en trouve assez peu en France. J’imagine que vous avez déjà pu interpréter une bonne partie de ce nouvel album en concert. Quel est l’accueil fait aux chansons ? Se fondent-elles facilement dans le reste de la set-list ?

On a été assez surpris, car l’album change quand même des précédents, même si nous nous sommes vraiment trouvés sur celui-ci. Il y a toujours cette touche KNUCKLE HEAD qui est là, mais en beaucoup plus sombre et plus Stoner aussi, voire un peu psyché, gothique et occulte dans un certain sens. Et l’accueil est très bon. Au départ, on avait un peu peur pour le visuel sur scène, car il y a des vitraux et une grande croix derrière, et puis aussi avec celui de l’artwork de l’album. L’ambiance générale est beaucoup plus sombre qu’auparavant. Après un an de travail là-dessus, le retour des gens est vraiment incroyable ! Et honnêtement, je n’en reviens pas ! On est les seuls à faire cette musique en Europe, et elle est à nous… pour le moment (Sourires).   

L’album, « Holsters And Rituals » est disponible depuis le 18 mars chez Knuckle Head Prod (www.knuckle-head.com).

Retrouvez la chronique de l’album : https://rocknforce.com/knuckle-head-electric-road-trip/

Photos live prises le 16 octobre 2020 à la salle Cap Caval de Penmarc’h (29) par François Alaouret – Rock’n Force.