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Blues Rock International

Samantha Fish : Jesse Dayton… et la foudre [Interview]

Dans un peu plus d’un mois, la fougueuse blueswoman américaine sortira un album avec son alter-ego Jesse Dayton, « Dead Wish Blues ». Cette réalisation originale a été composée à deux et fait suite à un EP de reprises, « The Stardust Sessions » paru en fin d’année dernière. Explosif, le duo souffle le chaud et le froid sur des morceaux souvent nerveux et parfois plus tendres et posés. SAMANTHA FISH montre ici toute la palette de son jeu, que ce soit à la guitare comme au chant. Récemment de passage à Paris, elle a répondu à quelques questions.

– En décembre dernier, tu avais déjà créé la surprise en sortant avec Jesse un EP de reprises, « The Stardust Sessions ». Même si vous vous connaissez depuis longtemps tous les deux, est-ce que c’est lors de ce premier enregistrement qu’est née l’envie de composer un album entier et original ensemble ?

Je pense que nous avions déjà tous les deux l’idée de faire un album complet avant de commencer la session de l’EP. C’était un peu une surprise, car nous sommes juste allés en studio pendant un après-midi pour voir ce que nous pouvions faire. Le label a pensé que c’était un bon moyen de présenter le projet au public avant la sortie d’un album complet. Puis, nous avons commencé à travailler sur l’écriture des chansons immédiatement après cette session.

– Avec Jesse, vous venez d’horizons musicaux assez différents et pourtant il y a une réelle alchimie entre vous sur l’album. Comment s’est passé le travail de composition ? Vous vous êtes proposé mutuellement vos propres chansons, ou vous avez fait les choses en commun ?

Nous avons fait une grande partie de l’écriture des chansons ensemble. La plupart des titres que nous partageons sont d’ailleurs créditées à nos deux noms. Nous n’en avons écrit que quelques-uns de notre côté et j’ai aussi fait venir mon partenaire de longue date, Jim McCormick, pour quelques morceaux.

– Si on connait déjà ta fougue naturelle, tu parais totalement débridée sur « Death Wish Blues ». Tu as abordé l’album comme une sorte d’exutoire ? Une grande récréation ?

Cet album a sa propre personnalité, je pense. Ma capacité à aller toujours plus loin vers quelque chose de différent est surtout venue de la collaboration de Jesse et Jon (Spencer – NDR). Parfois, cela vous pousse vers de nouveaux lieux en termes de création et cela enlève également une partie de cette pression de toujours rester dans un certain périmètre. Quand il s’agit uniquement de mes albums, je fais constamment des petits contrôles pour m’assurer que je reste fidèle à ma propre vision et à mon style… Mais cette fois, je me suis sentie libre de vraiment tout essayer.

– L’album a été enregistré en 10 jours à Woodstock et avec Jon Spencer aux commandes. C’est un rythme très soutenu pour un album complet et il sonne d’ailleurs très live. Il vous fallait faire vite pour délivrer et conserver cette impression d’urgence qui prédomine ?

La plupart de notre temps a été consacré à la pré et à la post-production. Et à peu près autant que pour l’écriture et la composition, tout comme pour le mixage, le mastering et la création des illustrations autour de l’album. Cela peut parfois prendre des mois. La musique elle-même consiste à capturer un moment spécial et précis. Certains de mes disques, parmi mes préférés, ont été faits en cinq jours. Ce n’est pas par négligence. Là, nous voulions immédiatement capturer et saisir cette foudre, donc cela doit être abordé d’une certaine manière.

Photo : Daniel Sanda

– D’ailleurs, comment s’est passé ce travail avec Jon Spencer, dont on connait les habitudes assez peu académiques ? Vous vous connaissiez déjà tous les trois ? Et a-t-il un peu bousculé ta façon de travailler en studio ?

Jesse et moi travaillions ensemble depuis un moment déjà et nous avions aussi commencé à co-écrire tous les deux et puis, il y a eu l’enregistrement de l’EP. Nous avons tous les deux rencontré Jon en studio. Je le considérerais un peu comme un prof, peut-être non-conventionnel dans son approche, c’est vrai. Il a passé beaucoup de temps derrière les consoles et il est également très intuitif sur la structure des chansons. Il a su comment tirer le meilleur son de chaque instrument. Je vais d’ailleurs certainement travailler dans ce sens avec ce que j’ai appris avec lui à l’avenir. J’ai aussi beaucoup appris sur le matériel, les magnétophones, etc… ainsi que sur la façon d’aborder les chansons pour en tirer le meilleur à chaque performance.

– Sur l’album, vous explorez avec Jesse des styles qui vont du Blues à la Country en passant par du Rock Garage et avec une énergie presque Punk parfois. Tu commençais à te sentir à l’étroit dans un registre que tu maîtrises parfaitement,  ou ce sont des musiques que tu as toujours écoutées et peut-être même déjà jouées ?

Je pense que mon style a toujours été très varié, mais définitivement ancré dans le Blues, c’est vrai. Cependant, il a pris des caractéristiques différentes d’un album à l’autre. J’ai une gamme assez large à travers la musique que j’écoute et c’était l’occasion de creuser un peu plus du côté agressif et Rock’n’Roll de ma personnalité.

Photo : Daniel Sanda

– A l’écoute de ce très bon et enflammé « Death Wish Blues », il y a une question qui vient tout de suite à l’esprit : y aura-t-il une suite à cette belle aventure ou s’agit-il juste d’un one-shot ?

Pour l’instant, nous avons fait ce disque et nous prévoyons de le jouer en concert, comme nous le faisons actuellement. Et puis, nous avons aussi nos propres projets en ligne de mire. Mais on ne sait jamais, nous pouvons très bien continuer et faire quelque chose de nouveau en chemin. Mais il faut d’abord sortir ce disque.

– On sait que tu tournes toujours beaucoup, mais est-ce que tu as déjà une petite idée du successeur de « Faster », sorti il y a deux ans ? Te sachant très active, est-ce que tu as déjà commencé à composer ?

J’ai quelques idées. J’ai recommencé à écrire. Parfois, il faut aussi se permettre de vivre sa vie. Bien qu’il s’agisse d’un disque de collaboration pour « Death Wish Blues », il m’a fallu la même quantité d’énergie pour l’écrire, autant que pour un album solo. Je m’investis totalement dans ma musique. Pour l’instant, je retourne un peu dans ma bulle pour commencer à écrire et composer, mais je n’en suis qu’au stade le plus précoce.

– Pour conclure, j’aimerais que tu me donnes ton regard sur la scène Blues féminine qui connait une incroyable effervescence depuis quelques années maintenant. Y a-t-il parmi toutes ces musiciennes certaines avec qui tu aimerais collaborer ? Des françaises aussi peut-être ? Je pense à Laura Cox, Gaëlle Buswel, Nina Attal, Jessie Lee, …

Je ne connais pas aussi bien que je le devrais tous les artistes de la scène contemporaine, hommes ou femmes. Je suis vraiment concentré sur mon travail et j’ai aussi écouté des artistes d’autres styles. Mais je sais qu’il y a plus de jeunes talents sur la scène Blues aujourd’hui qu’il n’y en a eu depuis longtemps. Je suis ouverte à toutes sortes de collaborations, tant qu’elles servent les chansons.

L’album de SAMANTHA FISH et de JESSE DAYTON, « Death Wish Blues », sortira le 19 mai chez Rounder Records et le duo fera une halte le 31 mai au Bataclan à Paris pour une soirée qui s’annonce déjà mémorable et brûlante !

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Heavy Blues Southern Blues

Dirty Deep : sans faux-semblants

Depuis ses débuts, DIRTY DEEP interprète ce type de Blues Rock qui vient coller à la peau de façon presqu’irréversible. Attachant, irrévérencieux et d’une liberté sans entrave, son jeu est aussi âpre qu’il est soigneusement mélodique pour finalement devenir irrésistible. Avec « Trompe L’œil », les trois musiciens vont à l’essentiel, sans far et avec une fluidité de chaque instant.

DIRTY DEEP

« Trompe L’Œil »

(Junk Food Records)

Après l’excellent « Foreshots », dernière réalisation unplugged du groupe sortie il y a trois ans, DIRTY DEEP remet les doigts dans la prise avec ce « Trompe L’Œil » de haute volée. Les 13 morceaux de ce nouvel album renouent avec le Heavy Blues explosif du trio. La chaleur du son du Delta heurte de plein fouet un Rock musclé et très Garage, qui repousse encore un peu plus le style si distinctif des Strasbourgeois entre harmonica et grosse guitare.

Toujours aussi roots et rugueux, DIRTY DEEP reste toujours aussi accrocheur et enivrant, et balance des refrains entêtants et souvent grisants. Authentiques et sincères dans leur démarche, les Alsaciens ont cette fois confié la production de leur sixième albums à François ‘Shanka’ Maigret, qui a posé ces nouvelles compos dans un bel écrin. Et le style du combo, quant à lui, reste intact et fidèle à son identité première entre fougue et moments paisibles.

Très Rock, légèrement Southern, et presque Stoner sur « Broken Bones » et « Juke Point Preaching » qui ouvrent l’album ainsi que sur le surpuissant « What Really Matters », DIRTY DEEP joue aussi sur les émotions avec des titres beaucoup plus Blues et enveloppants comme « Donama », « Your Name », « Hold On Me », le bel interlude « Impbreak III » et le touchant « Medicine Man ». Une fois encore, la partition est parfaite en légèreté et fracas.

Photo : P-mod
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Blues Blues Rock

Peter Storm & The Blues Society : modern & roots

Soufflant le chaud et le froid avec des titres Blues Rock fougueux et d’autres plus langoureux et feutrés, PETER STORM & THE BLUES SOCIETY est parvenu à s’inscrire une empreinte originale avec deux réalisations en trois ans, qui comportent étonnamment de nombreuses reprises. Avec « Second », les Portugais font preuve d’une grande diversité et de beaucoup de feeling.

PETER STORM & THE BLUES SOCIETY

« Second»

(Naked/Doner Productions)

Fleuron de la scène portugaise, le quatuor, en l’espace de trois ans, a braqué les projecteurs sur lui. Après quelques belles premières parties d’artistes internationaux et une prestation remarquée au fameux European Blues Challenge à Malmö en Suède, PETER STORM & THE BLUES SOCIETY semble avoir pris son allure de croisière et commence à se faire un nom au fil des concerts.

Simplement intitulé « Second », ce nouvel album fait suite à « First » (forcément !) où le groupe se présentait avec trois compositions originales et six reprises de Jimmy Burns, Carey Bell, James Harman et Sonny Boy Williamson. Des choix assez éclectiques qui en disent long sur PETER STORM & THE BLUES SOCIETY, ses influences et surtout le chemin qu’il a choisi d’emprunter.

Cette fois encore, les Lusitaniens se sont encore fendus de deux covers (« I Feel Like Breaking Up Somebody’s Home » d’Al Jackson et Timothy Matthews et « Beatrice » de Philip Walker). Le combo réalise une belle synthèse entre un Blues classique et un registre plus contemporain. PETER STORM & THE BLUES SOCIETY montre de beaux et solides arguments et devrait très vite s’imposer sur la scène européenne.

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Blues Rythm'n' Blues Soul / Funk

Bai Kamara Jr & The Voodoo Sniffers : la révolte par les notes

Figure atypique du monde du Blues, BAI KAMARA JR marie avec talent ses racines africaines avec l’école américaine initiée par le grand John Lee Hooker notamment. Engagé, l’artiste appuie là où ça fait mal avec des textes aussi incisifs qu’ironiques. « Travelling Medicine Man » est un voyage musical bercé par un chant accrocheur et une musique élégante.

BAI KAMARA JR & THE VOODOO SNIFFERS

« Travelling Medicine Man »

(Mig Music/UVM)

BAI KAMARA JR est un homme du monde… du monde entier. Originaire du Sierra Leone, il a grandi en Angleterre et vit depuis plus de 25 ans à Bruxelles d’où il compose un Blues d’une inspiration très américaine. Car si la base de son jeu prend racine dans le Delta avec les pionniers du genre, il est aussi et surtout teinté de rythmes et de couleurs africaines. Afro-Blues ou World Blues, c’est selon.

Entouré d’un quatuor de haut vol dont deux très bons six-cordistes, c’est donc autour de trois guitares que se forge le Blues ensoleillé de BAI KAMARA JR & THE VOODOO SNIFFERS. Et pour ce dixième album, le musicien se présente avec 13 nouveaux morceaux et il est difficile de se défaire de ce très bon « Travelling Medicine Man ». Très narratif et délicat, le style du Sierra-Léonais est aussi épicé que chaleureux.

Généreuse, cette nouvelle réalisation traverse donc bien des registres à l’instar du précédent « Salone » sorti en 2020, qui lui a valu une belle reconnaissance et un succès mondial. Mais loin de s’endormir sur ses lauriers, BAI KAMARA JR va encore plus loin dans sa quête  artistique et le résultat est brillant (« Shake It, Shake It, Shake It », « Good, Good Man », « Enemies », « Star Angel », « Mister President », « It Ain’t Easy »). Rayonnant !

Photo : Bjorn Comhaire
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Blues Folk/Americana Soul / Funk

Eric Bibb : la lumière d’un sage

C’est la résonance d’un peuple opprimé qu’ERIC BIBB a voulu faire entendre sur « Ridin’ », où le musicien se fait l’écho de siècles de lutte des Afro-Américains avec un positivisme incroyable chevillé au corps et aux cordes. Précieux et précis, ce disque est autant un voyage qu’une réflexion sur les mouvements populaires actuels et passés, le tout distillé à travers des chansons sensibles et émouvantes et en évitant toute noirceur. Un modèle d’optimisme et d’une incroyable sobriété musicale.

ERIC BIBB

« Ridin’ »

(Dixiefrog)

La captivante voix de velours d’ERIC BIBB opère toujours comme par magie sur ce superbe « Ridin’ », et cela fait même cinq décennies et près de 40 albums que l’Américain installé à Londres régale de son jeu plein de finesse et si expressif. Teinté de Folk, d’Americana et d’un brin de Country, le bluesman a aussi conservé dans son répertoire ses racines Soul et Gospel, qui rendent cette nouvelle réalisation d’une grande et apaisante douceur. 

Librement inspiré de la peinture d’Eastman Johnson (« A Ride For Liberty » – 1862), la pochette de « Ridin’ » évoque sans détour l’espoir, la détermination et le courage de la communauté afro-américaine au fil du temps. C’est donc sur la base de ce concept qu’ERIC BIBB a bâti son nouvel opus où il exprime sa conception d’un racisme systémique et la façon de le purger du monde. Le songwriter est un humaniste, ainsi qu’un passeur.

Musicalement aussi, le songwriter ne s’interdit rien et nous promène dans des contrées funky, groovy et chaloupées dans un Blues dépouillé et très acoustique. Inspiré et délicat, il aspire à transmettre son espérance dans un voyage plein d’amour et de volonté. Et histoire de faire briller « Ridin’ » encore un peu plus, ERIC BIBB accueille les stellaires contributions de Taj Mahal, Jontavious Willis, Russell Malone et Habib Koité. Indispensable !      

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Blues Rock Hard Blues Southern Blues

The Answer : flamboyant

Savoureuse et chaleureuse, cette nouvelle réalisation des Anglo-irlandais est attendue depuis des années. Il faut reconnaître que THE ANSWER fait un parcours sans faute depuis plus de deux décennies maintenant. Entre Hard Rock et Blues Rock, le combo régale une fois encore avec ce lumineux « Sundowners » à la fois pêchu et délicat.

THE ANSWER

« Sundowners »

(Golden Robot Records)

Sept longues années se sont déjà passes depuis « Solas », dernier opus des Britanniques de THE ANSWER. Depuis sa création en 2000, le quatuor originaire de Newcastle d’un côté et de Downpatrick en Irlande du Nord de l’autre s’est forgé un solide répertoire commencé avec le phénoménale « Rise », qui a marqué les esprits et lui a permis d’écumer toute l’Europe avec les plus grands dont Ac/Dc.

Soudés depuis le début, Cormac Neeson (chant), Paul Mahon (guitare), Micky Waters (basse) et James Heatley (batterie) ont donc remis le bleu de chauffe et « Sundowners » est d’une incroyable fraîcheur. Le Rock Hard teinté de Blues ou le Blues mâtiné de Hard Rock, c’est selon, de THE ANSWER semble inusable et intemporel, niché quelque part entre Led Zeppelin et The Black Crowes.

Et ce septième album s’inscrit dans ce que le groupe a fait de meilleur. Dès l’envoûtant morceau-titre qui ouvre somptueusement les festivités, THE ANSWER prend les choses en main sur un groove imparable. Avec une production très soignée, l’équilibre entre les instruments est parfait et sert idéalement des chansons entêtantes (« Blood Brother », « California Rust », « Want You To Love Me », « Get On Back »). Classieux !

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Blues Rock

Ally Venable : déjà grande

En quelques années, ALLY VENABLE est passée d’un statut de star montante à celui d’artiste confirmée. Sans donner dans le démonstratif, la Texane, qui ne renie pas l’influence du grand Stevie Ray Vaughan, fait preuve de beaucoup de feeling dans un esprit délicieusement Southern. Avec « Real Gone », la jeune musicienne fait des étincelles et s’affirme avec classe.

ALLY VENABLE

« Real Gone »

(Ruf Records)

A quelques jours de son 24ème anniversaire, ALLY VENABLE sort déjà son septième album, si l’on inclue le sept-titres « Wise Man » paru alors qu’elle n’avait que 14 ans ! Et cet enfant prodige du Blues Rock ne s’arrête plus depuis et peaufine son jeu au fil du temps. Rien d’étonnant pour cette dernière considération, si ce n’est que son registre devient également de plus en plus personnel.

Guitariste et chanteuse de grand talent, ALLY VENABLE est aussi une songwriter accomplie et réalise même l’ensemble de « Real Gone ». Une maturité qui ne surprend pas plus que ça d’ailleurs lorsque l’on connait la portante courte carrière de la jeune femme. Et pour ce nouvel opus, elle s’est même offerte la collaboration du producteur Tom Hambridge (Susan Tedeschi, Kingfish, …).

Outre les deux moments que constitue la participation de Joe Bonamassa (« Broken And Blue ») et du géant Buddy Guy (« Texas Louisiana »), « Real Gone » regorge de pépites et la musicienne mène l’ensemble avec une élégance rare. Punchy sur le morceau-titre, « Justifyin’ », « Kick Your Ass » et « Two Wrongs », ALLY VENABLE se montre aussi très délicate sur « Gone So Long » et « Blues Is My Best Friend ». Une désormais grande dame !

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Blues Rock Southern Blues

Harlem Lake : sensible et virtuose

Avoir autant de talent et de créativité dès ses débuts, c’est suffisamment rare pour être souligné. Le Southern Blues Rock teinté de Soul de HARLEM LAKE est aussi fin et pertinent qu’il est techniquement irréprochable et irrésistible. Après un  premier opus de haut vol, les Néerlandais présentent « Volition Live », dont la qualité de la captation est le parfait reflet de leurs très belles compositions.

HARLEM LAKE

« Volition Live »

(Independant)

Découvert il y a deux ans lors de la sortie de leur excellent premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 », les Hollandais ne cessent depuis de faire parler d’eux et l’aventure de cette jeune formation prend une très belle tournure. Auréolé d’une victoire à l’European Blues Challenge l’année dernière, HARLEM LAKE n’a pas attendu un deuxième enregistrement studio pour livrer déjà un premier opus live.

Enregistré le 27 août dernier au Culemborg Blues Festival aux Pays-Bas, « Volition Live » montre le groupe en pleine possession de ses moyens et surtout incroyablement inspiré. La scène révèle HARLEM LAKE avec éclat et les compositions de « A Fool’s Paradise Vol.1 » prennent une ampleur et un volume déjà perceptibles sur l’album. Et une autre surprise attend encore l’auditeur.

En effet, c’est en version XXL que le groupe s’est produit ce soir-là avec le soutien de choristes et d’une session cuivre qui vient augmenter le groove déjà l’œuvre sur les versions originales. Porté par la voix pleine d’émotion de Janne Timmer, le feeling de Sonny Ray à la guitare, des parties d’orgue Hammond de Dave Warmerdam et par une rythmique imparable, HARLEM LAKE prend un envol majestueux d’une classe monumentale.

Photo : Rob van Dalen
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Blues Blues Rock Ethnic

Moonlight Benjamin : volcanic voodoo

Rageuse et tellement libre, la nouvelle réalisation de MOONLIGHT BENJAMIN libère une énergie où tout paraît connecté. Explosif et saturé, le Blues ensorcelé de la Queen haïtienne illumine par une volonté fascinante de parvenir à un dessein musical unique. Et c’est chose faite avec « Wayo », qui claque autant qu’il rassemble dans un melting-pot d’influences variées et universelles.

MOONLIGHT BENJAMIN

« Wayo »

(Absilone/Socadisc)

Entre poésie et chamanisme, la chanteuse prêtresse avance sur ce troisième album dans un cyclone Blues et Rock libérant un cri de liberté pour son île meurtri et même au-delà. Dans sa voix, MOONLIGHT BENJAMIN semble également se faire l’écho des multiples catastrophes naturelles et les régimes politiques désastreux qu’a subi Haïti à travers un style aussi intemporel que moderne. Ce disque est un séduisant voyage chaotique. 

De cet esprit caribéen omniprésent et même si l’on retrouve aussi des rythmes typiquement africains, il émane une charge émotionnelle incroyable puisée dans la force insulaire de ses origines. MOONLIGHT BENJAMIN a fait sienne la puissance vaudou et l’impact sur ses propres textes chantés en créole est saisissant. Elle envoûte par un chant hypnotique qui se fond dans un Blues torturé. « Wayo » (cri de douleur en haïtien) prend ici tout son sens.

Intenses et spirituelles, ces onze nouvelles chansons produisent un relief étonnant et s’inscrivent dans une sorte de rituel où se croiseraient comme par magie The Black Keys et Rokia Traoré. Mais c’est sans compter sur la singularité vocale de MOONLIGHT BENJAMIN qui marie les genres avec une grande ferveur. « Wayo » est vraiment initiatique dans son approche très mystique, où la lourdeur des tempos accompagne des incantations magistrales.  

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Americana Blues Rock Classic Rock International

Bourbon House : le Rock à pleine gorgée [Interview]

Qualifier la musique de BOURBON HOUSE uniquement de Blues Rock serait bien trop réducteur. Sur un groove irrésistible, le quatuor du Wisconsin alimente son style de touches d’Americana et de Classic Rock, porté par la voix chaude et puissante de Lacey Crowe. A quelques semaines de la sortie du troisième album du groupe, la chanteuse fait les présentations et nous en dit un peu plus sur la démarche de BOURBON HOUSE qui, je l’espère, ne tardera pas à séduire le public français. Entretien.

Photo : Jocelyne Berumen

– J’avoue vous avoir découvert récemment et un peu par hasard. En poussant un peu des recherches, je me suis aperçu que depuis 2017, vous aviez déjà sorti un EP, deux albums et plusieurs singles ces derniers mois. Est-ce que le fait que BOURBON HOUSE soit si prolifique tient d’une certaine urgence à composer et à jouer ?

Oui, parce qu’on a toujours envie de travailler sur quelque chose de nouveau. Je pense qu’en musique, il est difficile d’attendre, car il y a tellement de choses à faire entre l’écriture et l’enregistrement, ainsi qu’avec les tournées, les tournages de clips, etc… Créer de nouvelles choses est toujours quelque chose de très excitant.

– Votre premier EP éponyme était déjà annonciateur de votre Blues Rock si particulier. On a le sentiment que vous saviez dès le départ qu’elle était la voie à suivre. C’est le cas ?

Quand Jason (Clark, guitare – NDR) et moi avons commencé à écrire des chansons ensemble, il était plus qu’évident que nous étions sur la même longueur d’onde. Je pense que notre signature sonore a à voir avec notre combinaison en tant qu’auteurs-compositeurs. Ça tient aussi du fait que nous complétons très bien nos créations respectives. Je ne pense pas que je pourrais écrire ce genre de musique avec quelqu’un d’autre.

Photo Jocelyne Berumen

– D’ailleurs, BOURBON HOUSE a conservé le même line-up, je crois. Cette unité entre vous se ressent aussi à travers vos morceaux qui sont très spontanés et qui sonnent aussi très live sur disque. C’est important pour vous de garder cet aspect très direct ?

En fait, il y a eu quelques fluctuations en ce qui concerne notre section rythmique. Mais Jason et moi avons toujours été les auteurs-compositeurs, c’est pourquoi ça sonne toujours comme du BOURBON HOUSE. Le son ‘live’ auquel tu fais référence est un peu intentionnel même s’il est également assez inconscient. Nous avons beaucoup grandi en ce qui concerne l’enregistrement depuis notre premier EP, donc nos productions sont bien meilleures. Mais, nous apprécions toujours autant l’authenticité. Nous ne surproduisons pas, nous n’éditons pas, nous ne quantifions pas, nous ne corrigeons pas la hauteur, etc… Donc si un morceau nécessite cent prises pour être bon, c’est ce qu’il faut faire. Il est important pour nous que l’humain ne soit pas supprimé de la chanson pendant la production. Les petites imperfections sont belles aussi.

– Vu d’Europe, la musique du groupe faite de Blues, de Rock, d’Americana et de quelques sonorités Southern apparaît comme très roots. Est-ce que vous vous sentez un peu dépositaires et surtout héritiers d’un style typiquement américain ?

Je pense que tout est lié. Nous n’aimons pas nécessairement nous enfermer dans un style et nous utilisons des éléments de différents types de musique, mais au cœur des chansons de BOURBON HOUSE se trouvent les sons roots du Blues, de l’Americana et du Rock’n’Roll qui, je pense, influencent tant d’autres genres de toutes les régions du monde aussi.

Photo : Che Correa Photography

– Ce qui ressort aussi de votre discographie, c’est que vos compositions et votre jeu s’affinent au fil de vos réalisations, même si « Into The Red » est beaucoup plus Rock que les autres. On a presque l’impression que chaque album est une nouvelle page blanche. C’est aussi comme ça que vous le percevez et l’appréhendez ?

Oui, absolument. Nous n’avons aucun intérêt à créer des variations d’une même chanson. Et même si nous avons une signature sonore à défendre et que nous écrirons toujours ces chansons Blues Rock solides et efficaces pour nos fans, nous avons toujours le désir de composer en allant encore plus loin et approfondir chaque morceau.

– Depuis juillet dernier, vous avez sorti quatre singles (« Resonate », « Out For Blood », « High Road Gypsy » et « Blue Magic »). Pourquoi ce choix et est-ce que ces chansons se retrouveront sur un album à venir prochainement ?

Oui ! En fait, nous en sommes maintenant à cinq singles depuis un an, si on inclue le dernier, « 20 to Life ». Il est tout simplement plus facile de commercialiser un album, lorsque tu as déjà sorti cinq singles. En fait, on travaille dessus depuis la sortie de « Resonate ». Notre quatrième album sortira au printemps et comprendra les cinq singles, deux versions acoustiques et quatre titres inédits.

– J’aimerais aussi que l’on parle de ta voix, Lacey, qui est aussi puissante que délicate. Est-ce que tu écris tes textes, car on te sent réellement habitée et très investie dans leur interprétation ?

Merci ! J’écris les paroles, oui. Non seulement parce que cela m’aide à transmettre le message à un niveau personnel, mais il est également important pour moi sur le plan sonore que les mots sonnent bien de la façon dont je les chante.

– D’ailleurs, la complicité qu’il y a entre ta voix et les riffs de Jason est très souvent explosives. De quelle manière travaillez-vous ce bel équilibre entre la voix et la guitare ?

En fait, si tu écoutes bien les riffs, il n’y a aucune raison pour que je les couvre avec ma voix. Pourquoi le ferai-je d’ailleurs ? C’est aussi une question de respect mutuel. Aucun de nous n’a un énorme ego et on croit toujours que tout ce qui est bon pour la chanson est ce qui doit être fait. Les voix et les guitares doivent se compléter et ne pas se concurrencer ou s’opposer.

– Enfin, il y a une chose qui me laisse un peu perplexe. Comment un groupe comme BOURBON HOUSE n’a-t-il pas encore signé sur un label ? C’est un désir d’indépendance et de pleine liberté ? Ou un manque d’opportunité ?

Je suppose que c’est un peu des deux. Nous avons eu des offres et avons même été signés brièvement. Nous voulons garder le contrôle et nous ne savons pas vraiment ce qu’un label pourrait faire de plus pour nous. L’industrie de la musique est si différente maintenant que les labels ne sont plus nécessaires pour réussir. En bref, nous ne cherchons pas à être signés. Mais si un gros label nous proposait la bonne offre, nous l’étudierions bien sûr.

Retrouvez BOURBON HOUSE et toute son actualité sur son site :

https://www.bourbonhouserocks.com/