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Alternative Rock Power Rock Progressif

[Going Faster] : Increase The Anima / Visavis

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

INCREASE THE ANIMA – «Elisabeth » – Tunecore

Disponible uniquement en digital, INCREASE THE ANIMA est le projet solo du batteur et bassiste italien Davide Porcelli du groupe Egosystema. Fort d’une trentaine d’années d’expérience, le musicien livre avec « Elisabeth » un savant mélange de Rock, de Metal et de Hard Rock. Avec une touche italienne et quelques sonorités progressives, le multi-instrumentiste offre un large tour d’horizon musical entre Alternative Rock et Metal. Frais et dynamique, « Elisabeth » sonne à la fois intemporel et très moderne. Et en guests, INCREASE THE AMINA accueille notamment Marco Pastorino (Temperance, Virtual Symmetry), Luca Birocco (Egosystema), Luca Negro (Temperance) et quelques autres. Davide Porcelli a composé un bon premier EP, qui appelle maintenant une suite.  

VISAVIS – « Great! » – M&O Music

Rompu à la scène depuis de nombreuses années maintenant, VISAVIS avait fait parler de lui en 2018 avec « War Machine », un album plutôt orienté Hard Rock. Composé en pleine pandémie et à distance, « Great! » vient conclure en beauté des mois de travail. Ce nouvel EP de six titres se tourne cette fois vers un Alternative Metal ou un Power Rock musclé et accrocheur. Mixé par Fred Duquesne (Mass Hysteria), ce nouvel effort se veut positif et massif. VISAVIS montre un visage nouveau, très racé et dynamique. Efficaces et précis, les riffs comme les rythmiques sont marqués par une puissance que l’on retrouve sur six morceaux plein d’énergie et de détermination. Le quatuor de Tulle semble repartir sur de nouvelles bases, et on sent dans ces nouvelles compositions une farouche envie de les jouer en live, tant « Great! » est réellement taillé pour la scène.

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France Metal Fusion Metal Progressif Progressif

6:33 : une débordante énergie positive [Interview]

Il y a très peu de groupes dans l’hexagone osant braver les codes et briser les frontières des styles établis pour offrir un registre à la fois débridé et très créatif. Avant-gardiste, Fusion, Progressif, Rock et Metal, 6:33 avance sans complexe et propose un cinquième album où l’énergie très positive des morceaux nous transportent au cœur des années 80 et 90 avec enthousiasme, dextérité et sans barrière. Florent Charlet, chanteur de la formation, fait un point sur ce nouvel opus… et tombe le masque.

– Comme entrée en matière, j’aimerais que vous présentiez le groupe aux lecteurs qui ne vous connaitraient pas. On vous décrit comme un groupe de Metal Progressif, avant-gardiste et Fusion, ce qui résume assez bien 6:33, mais c’est encore ceux qui le font qui en parlent le mieux. Alors, comment vous définiriez-vous ?

C’est vrai que c’est un peu compliqué ! Et même pour un artiste en général, c’est assez difficile de définir son style. C’est plutôt aux gens de dire de ce qu’ils en pensent. Mais après avoir bien cherché, j’aime bien l’appellation de Funk Prog, dans le sens où on a une histoire à raconter et on les amène quelque part et c’est aussi très joyeux grâce à une énergie positive. Musicalement, on ne s’impose aucune limite. A la base, on fait du Metal Prog, mais nous explorons autant la Funk que le Jazz ou la musique de film, selon nos envies finalement.

– Vous sortez votre quatrième album, qui est encore bien différent des précédents. Il s’en dégage une thématique très 80’s avec un fil conducteur très cinématographique. Il est presque conçu comme une sorte d’opéra-Rock. C’était votre objectif de départ ?

Nous n’avions pas vraiment pensé à ce côté opéra-rock lorsqu’on l’a composé, mais beaucoup de gens nous disent que ça ressemble à une comédie musicale à la « Horror Picture Show ». C’est vrai qu’on voulait donner une couleur très 80’s et 90’s à l’album, parce que c’est ce qui nous a nourri depuis toujours, en fait. C’est ce qui nous a forgé en tant que musiciens et même en tant que personnes. Tout ça, on le ressort sur cet album, auquel on a vraiment eu envie de donner cette couleur-là. C’est un album-concept, c’est vrai, mais nous n’avons pas pensé à un Opéra-Rock ou à une comédie musicale. Il y a des personnages hauts en couleur, c’est vrai. Ce serait d’ailleurs mortel de monter ça comme une comédie musicale !

–  « Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome » est également très dansant, malgré des riffs toujours aussi présents et puissants. C’est quelque chose dont on n’a assez peu l’habitude finalement. Malgré des morceaux très structurés, on a le sentiment que c’est la mélodie qui compte le plus en fin de compte avec des refrains très accrocheurs. Rester accessible est quelque chose d’important pour vous ?

Oui ! Ce qui compte c’est la chanson ! C’est très fourni, car il y a beaucoup de choses qu’on n’entend pas forcément à la première écoute. Mais on voulait quelque chose d’assez digeste et d’immédiat dans le ressenti. C’est vrai que c’est complexe, mais la mélodie doit rester en tête. Sur cet album, on a eu envie d’aller chercher le côté chanson en étant peut-être plus direct. Mais ça reste très, très complexe. Il y a beaucoup de choses improbables quand on tend bien l’oreille.

L’album de 6:33, « Feary Tales For Strange Lullabies – The Dome » est disponible depuis le 1er octobre chez 33 Degrees/Universal Music France/Wormholedeath Records.

– L’album bénéficie d’une grosse production et surtout d’arrangements très soignés, ce qui est d’autant plus remarquable que vous êtes sept dans le groupe. Comment s’est passé l’enregistrement et surtout de quelle manière avez-vous articulé la composition pour obtenir un résultat aussi complexe ?

C’est notre guitariste Nicolas (Pascal : guitares, claviers, chant et mise en scène – NDR) qui compose toute la musique jusqu’aux lignes de chant, et je pose ensuite le texte dessus. Emmanuel (Rousseau : claviers et programmation des percussions – NDR), qui n’est plus dans la formation live du groupe, a aussi travaillé sur la création de l’album. Nous avons juste travaillé avec des personnes extérieures pour le mastering. Tout le reste, nous l’avons réalisé nous-mêmes.

– Depuis des mois, nous vivons une période assez sombre pour le monde du spectacle en général. Comment est-ce qu’on fait pour composer un album qui transpire autant la bonne humeur ?

(Rires) Peut-être que c’est aussi ce qui nous permet de passer cette période ? Cela dit, la composition avait commencé avant. Je crois que nous sommes tous, dans le groupe, très joyeux et positifs. On est une bande de sales gosses qui s’adorent ! Ensuite, si tu continues de t’attarder sur ce monde de fous, tu deviens dépressif ! Alors, pour lutter contre ça, rien de mieux que 6:33 ! (Rires)

– Il y a eu aussi quelques changements de line-up avec notamment l’arrivée d’un nouveau batteur, d’un nouveau bassiste et le retour avec une présence plus importante de Bénédicte au chant. Avec un tel registre musical, c’est difficile de trouver des musiciens qui partagent comme vous un univers aussi débridé ?

Ca n’a pas été simple de trouver un batteur et un bassiste (Cédric Guillo à la batterie et Manuel Gerard à la basse – NDR). Encore une fois, on a de la chance. On était également déjà amis, puisque nous avons joué ensemble dans d’autres groupes. Au moment des auditions, car on voulait que tout le monde puisse y participer, beaucoup se sont désistés, car la musique était trop complexe. Et puis, comme tu dis, il fallait que ces musiciens soient aussi éclectiques que nous et qui aiment autant la Funk que le Metal ou la musique de film. Ca n’a pas été simple, mais au final, il n’y a eu qu’un batteur et un basiste qui sont sortis du lot. Et humainement aussi, on se connaissait et s’appréciaient déjà. Enfin, il faut aussi avoir envie de faire cette musique-là et avoir le niveau technique requis. L’ouverture d’esprit est primordiale. Nous sommes tous bienveillants les uns avec les autres, il y a beaucoup d’amour dans ce groupe. On a tous cette volonté d’aller de l’avant dans une énergie positive et que nous voulons bien sûr transmettre. Et il y a peut-être aussi cette nostalgie de livrer cette musique des années 80 et 90 avec laquelle nous avons grandi.   

– Sur ce nouvel album, vous faites le grand écart entre des styles très variés, voire opposés. Il faut être sacrément ouvert d’esprit et avoir aussi une solide culture musicale pour  entrer dans votre univers. Vous n’avez jamais eu peur de perdre des fans en route, ou d’avoir des difficultés à en séduire d’autres ?

C’est vrai, mais je pense qu’aujourd’hui comme tout est très rapide et très éphémère, nous avons eu l’envie de rendre notre musique plus accessible et plus directe. C’est vrai qu’il faut creuser, ce que nous faisons aussi nous-mêmes. Peut-être que pour le public, ça vaut aussi le coup de faire cette démarche. Notre volonté était quand même de faire quelque chose de plus immédiat et de plus facile à aborder. On affine aussi notre patte, car on se connait aussi de mieux en mieux. Peut-être qu’on maîtrise aussi beaucoup mieux toutes nos influences.

– Jusqu’à présent, vous étiez masqués. Or, vous vous en êtes débarrassés, alors qu’on commence tout juste à voir la fin de la pandémie. C’est une sorte de pied-de-nez à la situation que l’on vit ? Montrer une liberté encore plus absolue ? 

En fait, on en avait marre des masques pour plein de raisons. Tout d’abord, ça nous coupait du public. On était plus dans la performance que dans l’échange, parce qu’il se passe aussi beaucoup de choses au niveau du visage à travers les expressions. Et puis, c’est assez contraignant. Ca nous amusait, car c’était un peu comme une pièce de théâtre. Lorsqu’on entrait sur scène, on avait les masques mais pas en dehors comme lors des interviews, par exemple. On n’était pas comme Daft Punk ou Slipknot. Et avec la pandémie où tout le monde a été obligé d’être masqué, ça n’était plus drôle. C’était le bon moment pour prendre ce virage avec le changement de line-up aussi. On s’est dit que les masques avaient fait leur temps, et que c’était plus cohérent avec ce que nous avions à proposer aujourd’hui. Sur les albums précédents, on avait un peu exploré le ‘Freak Show’ en jouant aux super-heros. C’était moins en phase avec ce nouvel album, et on voulait être plus proche de notre public.

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France Metal Progressif Rock

Pat O’May : une créativité très narrative [Interview]

Réaliser un album-concept était la seule corde qui manquait à l’arc très tendu du compositeur, guitariste et chanteur PAT O’MAY. C’est chose faite avec ce très bon « Welcome To A New World » toujours très Rock, où sur une heure, il nous fait voyager dans l’univers de No Face, personnage qui guide l’histoire musicale contée par le musicien. Progressif et lorgnant parfois sur le Hard Rock et le Heavy Metal, ce nouvel album révèle une fois encore la créativité débordante du Celte, qui a mené ce projet de main de maître.

Photo : Mat Minat

– Il y a eu « One Night In Breizh Land » en 2018, ton dernier album solo date de 2016 (« Keltia Symphonia ») et plus récemment tu as participé à United Guitars. Concernant cette dernière collaboration, comment as-tu appréhendé le projet, et est-ce que cela t’a donné l’opportunité de sortir un peu de tes habitudes ?

Oui vraiment, car c’était la première fois que je co-écrivais un morceau. Je n’avais jamais fait ça. Je l’avais déjà fait pour des textes avec James Wood, mais jamais au niveau musical. Du coup, c’était intéressant de travailler avec Ludo Egraz. On a fait ce morceau et on s’est bien marré ! Mais pour que ça reste exceptionnel, je ne participerai qu’une seule fois à United Guitars, sans exclure de venir jouer en live avec eux, bien sûr.

– Après de multiples collaborations, tu reviens en solo avec « Welcome To A New World ». C’est ton premier album-concept et on sait que c’est une démarche particulière au niveau de l’écriture. Comment as-tu construit cet album ? De manière globale ou, malgré tout, titre par titre ?

De manière complètement globale ! D’habitude quand j’écris des morceaux pour un album, je me demande ensuite dans quel ordre je vais les mettre pour que ce soit cohérent. Cette fois-ci, et comme j’aime bien raconter des histoires, c’est ce que je voulais encore faire mais sur une heure. Je suis parti sur cette idée-là et je suis aperçu que cela s’appelait tout simplement  un concept-album! (Rires) Comme je suis très spectateur de mon inspiration, quand ça me plait, je la fixe. Et c’est comme ça que je suis parti sur le premier titre. Ensuite, je voulais que tous les morceaux soient reliés par un sound design. Pour le second titre, j’ai juste pris ma guitare sur la nappe de fin, ce qui a donné naissance au morceau suivant. Et tout l’album s’est construit comme ça. C’est une sorte de fil d’Ariane que tu tires et l’ordre dans lequel tu écoutes l’album est le même que celui de l’écriture. Tout a été assez fluide en fait.  

Photo : Mat Minat

– Tu décris « Welcome To A New World » comme un album construit sur un design sonore. C’est d’abord la musique et son esthétisme, ou les textes, qui t’ont guidé ?

C’est d’abord la musique. Et c’est au quatrième morceau que ce personnage de No Face est arrivé. Je voulais écrire ce voyage-là, mais je me suis demandé au bout d’un moment qu’elle était la thématique. Je bricolais pour faire une pochette et je suis tombé sur ce fond vert, puis sur ce businessman sans visage, sans rien. Alors, je suis allé dans mon Photoshop. (Rires) Et puis, j’ai commencé à faire cette pochette-là et tout le texte est venu comme ça. J’ai compris que c’était ça qu’il fallait que j’exploite.

– Comme toujours, on retrouve dans ton jeu différentes sonorités musicales et même plusieurs langues. C’est important pour toi de conserver cette universalité ?

Ah oui, bien sûr ! Pour moi, tous les styles sont des outils, au même titre que la guitare. J’essaie de ne jamais faire de la guitare pour faire de la guitare. Ca ne m’intéresse pas. Si j’ai besoin de deux notes, j’en mets deux. Si j’en ai besoin de 40, je travaille pour avoir la technique pour pouvoir en utiliser 40. Pour la musique, c’est la même chose. Si j’ai besoin d’un truc plus Metal pour raconter quelque chose, c’est ce que je vais prendre. Parfois, je suis seul avec une guitare nylon, parce que c’est ce qu’il faut à ce moment-là.

– Tu signes l’intégralité de l’album, tu l’as co-mixé avec Bryan Roudeau et il a été masterisé à Abbey Road, un gage de qualité supplémentaire. C’est important pour toi d’être présent à toutes les étapes de la réalisation et aussi de produire l’album ?

Ca commence à devenir une longue histoire avec Abbey Road, car c’est déjà le quatrième album que je masterise là-bas avec Alex Wharton. C’est aussi devenu une histoire d’amitié. C’est un magicien du mastering. Pour moi, il fait partie du top Ten mondial, c’est véritablement un artiste. Il n’est pas là pour faire en sorte que tout rentre dans la boîte, il y apporte vraiment son sens artistique. Il pousse ce que tu lui as amené. Pour la production, quand je suis parti en solo, je me suis acheté ma liberté. Je peux faire ce que je veux. Je n’ai pas de compte à rendre à une esthétique de groupe, par exemple. Et c’est vrai que maintenant, j’aime maîtriser la production, l’enregistrement et le mix. En revanche, pour le mastering, c’est au-delà de mes compétences. J’ai aussi fait le artwork. Ce n’est peut-être pas le meilleur du monde, mais c’est celui qui correspond le mieux à l’album et c’est ce que je voulais raconter.

Photo : Mat Minat

– L’album sonne très Progressif avec des touches Hard Rock et Classic Rock. Est-ce qu’un album-concept offre une plus grande liberté et nécessite aussi d’une certaine façon de se recentrer sur son jeu en se livrant un peu plus ?

Pas forcément, parce que je suis très spectateur de tout ça. Je suis juste là pour mettre en forme les idées qui me viennent. Il faut d’abord que ça me fasse vibrer, sinon ça n’a aucun sens.

– Une tournée va suivre. Est-ce que tu penses déjà à une mise en scène particulière, étant donné qu’il s’agit d’un album-concept ?

Oui, on a une scénographie qui est en place et sur laquelle on a travaillé tous les aspects avec un éclairagiste, etc… On vient de finir une résidence de plusieurs jours à Nancy avant la date parisienne (ce soir au Café de la Danse – NDR). Il y aura aussi des vidéos… sur lesquelles j’ai aussi travaillé évidemment ! (Rires) J’adore ça, ça me passionne ! Ce qui m’excite le plus, c’est la création. Je ne vois pas l’intérêt de faire deux fois le même album. J’essaie de toujours faire quelque chose de différent. Il n’y a aucun jugement de valeur sur les autres groupes, c’est juste ma façon de faire, toujours avec des choses neuves. Par exemple, sur « Welcome To A New World », c’est la première fois qu’on enregistre tout le monde en live. On l’a fait à l’ancienne, car je voulais vraiment retrouver un son très organique. Et puis, j’ai deux musiciens fabuleux et nous sommes vraiment connectés. Au-delà de la musique, il y a du poids dans les notes.

– Justement étant donné le format de l’album, vas-tu le jouer dans son intégralité et chronologiquement ?

Complètement ! Et puis, on n’a pas le choix, sinon ça n’aurait pas de sens, l’histoire serait biaisée. On va le jouer dans son intégralité et après on fera un petit rappel d’une quarantaine de minutes ! (Rires) On va jouer d’anciens morceaux que les gens ont envie de retrouver, d’entendre et nous aussi de jouer. 

– Pour conclure, sur « Welcome In A New World », comme dans l’ensemble de ta carrière, il y a toujours un lien avec la Bretagne ou le monde celtique. Comment est-ce que tu définirais cet attachement et la nécessité de sa présence dans ta musique ?

Je crois que c’est devenu atavique. Je pense que je ne le contrôle pas, en fait. On me le fait souvent remarquer, alors que je ne m’en rends même plus compte. Et c’est vrai que ce soit dans les chorus ou les progressions d’accords, on retrouve la musique celtique. C’est très intéressant d’ailleurs. C’est un style de jeu construit année après année… dans un dur labeur. L’effort, quoi ! (Rires)

L’album « Welcome To A New World » de PAT O’MAY est disponible depuis le 17 septembre chez ArtDisto/L’Autre Distribution.

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Post-Metal Progressif

Sons Of Alpha Centauri : tremblement de terre

Les Britanniques de SONS OF ALPHA CENTAURI changent leur fusil d’épaule en accueillant pour la première fois un chanteur, ainsi qu’un second batteur. Suite à des collaborations avec Karma et Yawning Sons notamment, le sextet met un terme à son aventure instrumentale pour se plonger dans un post-HardCore Alternatif et Progressif incandescent et percutant. Un régal de créativité et de maîtrise.

SONS OF ALPHA CENTAURI

« Push »

(Mainstream Records)

Depuis sa création il y a deux décennies, SONS OF ALPHA CENTAURI ne cesse de surprendre en multipliant les expériences musicales et les collaborations diverses, tout en faisant évoluer son style sans jamais s’en détourner. Après un premier album progressif et atmosphérique en 2007, les Britanniques amorcent un nouveau virage avec « Push », qui marque aussi la fin de leur période instrumentale.

Même si ce n’est que le troisième opus sous l’entité de SONS OF ALPHA CENTAURI, en marge des autres productions avec d’autres groupes, celui-ci accueille pour la première fois un chanteur. Et ce n’est ni plus, ni moins que Jonah Matranga, frontman des combos post-HardCore Far et Gratitude, qui vient se greffer sur « Push » accompagné également du batteur Mitch Wheeler (Will Haven, Ghostride …).

Malgré cette mutation dans le line-up, les Anglais gardent leur identité initiale tout en se dirigeant vers un post-HardCore teinté de Metal Alternatif et de cette touche progressive inimitable. Un peu moins aérien, « Push » insiste sur les riffs lourds et acérés, qui viennent mettre en lumière un chant écorché et puissant. SONS OF ALPHA CENTAURI ne cesse de ravir et d’enchanter à chacun de ses albums.

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Metal Metal Progressif Progressif

Leprous : place au chef d’œuvre

Il existe très peu d’albums qui transpirent la classe et l’élégance à chaque note jouée, et c’est bel et bien le cas avec cette nouvelle réalisation de LEPROUS. Outre la sublime production (un vrai studio, ça change tout !) et l’époustouflante prestation vocale d’Einar Solberg, tous les morceaux « Aphelion » sont d’une justesse et d’une créativité sans faille.

LEPROUS

« Aphelion »

(InsideOut Music)

Malgré la beauté de son titre, « Aphelion » est probablement l’album de LEPROUS le plus chaotique dans sa réalisation. Enregistré dans trois studios norvégiens différents, ce nouvel opus est aussi certainement l’un des plus personnels et les plus fluides du quintet scandinave. Composée par son maître à jouer, chanteur et claviériste Einer Solberg, cette nouvelle réalisation dépasse toutes les attentes.

Magnifiquement écrit et méticuleusement arrangé, « Aphelion » ne devait être au départ qu’un EP tant donné la situation sanitaire. Par bonheur donc, LEPROUS s’est attelé à enregistrer un album complet et celui-ci ne souffre d’aucun écarts en se montrant même très intuitif, créatif et d’une variété surprenante et majestueuse. En termes de Metal Progressif, « Aphelion » surclasse les productions de l’année par son intensité et sa précision.

Cette fois-ci, les Norvégiens se sont éloignés du format de concept-album, qui fait pourtant sa force. Conçu morceau par morceau, « Aphelion » multiplie les ambiances et les atmosphères tout en maintenant une direction artistique incroyable. Intimiste et subtil, LEPROUS scintille véritablement que ce soit sur « Running Low », « Silhouette », « All The Moments » ou « Nighttime Disguise » dont le point commun reste une belle luminosité. Brillant, tout simplement.  

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International post-Rock Progressif

Glen : une minutieuse simplicité [Interview]

Même instrumentale, la musique de GLEN ne manque ni de poésie, ni d’expression. Le Post-Rock Progressif du groupe berlinois prend une dimension nouvelle sur ce deuxième album, « Pull ! », parfaitement interprété et superbement bien produit. Parvenant à captiver à travers des morceaux pourtant assez longs, mais très rythmés et accrocheurs, le quatuor présente de multiples facettes dues aux parcours singuliers de ses membres. Entretien avec  Wilhelm Stegmeier et Eleni Ampelakioutou pour évoquer ce nouvel opus, mais pas seulement…

– On sait que Berlin est une capitale culturelle cosmopolite et GLEN avec son line-up international en est la preuve. Comment vous êtes-vous rencontrés et sur quelles bases et quelles influences musicales avez-vous décidé de bâtir votre répertoire ?

Wilhelm : Eleni et moi sommes des collaborateurs de longue date, tant dans la musique qu’au cinéma. Nous avons collaboré sur plusieurs projets de films : Eleni en tant que réalisatrice, et moi comme compositeur de longs métrages, de documentaires et de films abstraits expérimentaux. Brendan Dougherty nous a été présenté. En plus d’être batteur, il travaille dans le théâtre en tant qu’artiste sonore et a collaboré avec l’Ensemble de danse Meg Stuarts, « Damad Goods », ainsi qu’avec divers autres groupes de danse et de performance. Nous connaissons aussi Maria Zastrow depuis assez longtemps. Elle a animé une émission dans une station de radio indépendante à Berlin, où elle nous avait invité à présenter notre précédent album « Crack ». Elle s’est demandé pourquoi nous ne lui avons pas demandé de jouer de la basse. Et comme elle avait déjà participé à un autre projet musical avec nous, on lui a simplement proposé.

– Vous venez de sortir « Pull ! », votre deuxième album et il est cette fois entièrement instrumental. Le choix de se passer de chant a été une décision que vous aviez prise dès le départ, ou est-ce venu naturellement ? Les morceaux se suffisant à eux-mêmes finalement ?

Wilhelm : Au sein du groupe, il y a toujours eu un terrain d’entente. Il y a une forte influence de l’élément narratif épique issu de la musique cinématographique, la création de nouveaux espaces sonores et de structures ouvertes aux musiques expérimentales ; et d’autre part, celle de la puissante dynamique et l’énergie du Noise, du Drone et du Rock Progressif également. Nous ne voulons pas nous limiter à produire de la musique qui contribue à un genre spécifique. Il y a une transformation constante au sein du groupe.

– Bien qu’instrumental, « Pull ! » se présente comme un album-concept. Est-ce que  vous pouvez entrer dans le détail pour nous l’expliquer, et est-ce que le fait de se priver de textes complique les choses pour le côté narratif ?

Eleni : Le titre « Pull ! », ainsi que chaque titre de l’album ouvre la voie à une ambiguïté délibérée. Le morceau « Ahab » et ses illustrations font référence à Mocha Dick, une célèbre baleine agressive, mentionnée pour la première fois en 1839 dans une histoire publiée dans « The Knickerbocker » et « New-York Monthly Magazine », et qui ont probablement été une inspiration pour « Moby Dick » de Melville. Par ailleurs, il se dégage d’autres thèmes comme les personnages mythiques à domination masculine dans « Ahab », les efforts insurmontables sur « Korinth » et le bouton de rose comme énigme de « Davos », entourés de la « Montagne magique » de Thomas Mann accueillant le Forum Economique Mondial, et « Buffalo Ballet », qui est le témoin des batailles historiques de l’urbanisation, sont ouverts à de multiples interprétations. Autant, chacun de ces titres signifie quelque chose pour nous, autant ils laissent suffisamment d’espace à l’auditeur pour de multiples interprétations. Et c’est ce que nous voulions.

– Wilhelm, toi qui viens de la composition de musiques de films, tu as dû être peut-être plus à l’aise dans l’écriture de ces nouveaux morceaux, non ?

Wilhelm : Je suis venu à la musique de film, car j’étais fan de musique de film. J’aime les aspects narratifs des compositions et les paysages sonores de compositeurs comme Ennio Morricone, Pierre Jansen, Georges Delerue, Jerry Fielding ou Michael Small pour n’en citer que quelques-uns. J’aime les images que crée cette musique, même sans regarder le film. Travailler comme compositeur de film, c’est un rêve devenu réalité d’une certaine façon. D’un autre côté, c’est un engagement, car il faut servir les images du réalisateur, bonnes ou mauvaises. En travaillant sur la musique sans ces limitations, je peux servir et orchestrer mes propres images personnelles. Au-delà de cela, travailler en tant que compositeur peut aussi être une entreprise solitaire. Mais j’aime collaborer dans un contexte de groupe et apporter à la musique l’élan des autres musiciens.

– Le fait aussi que les nouveaux titres soient assez longs doit faciliter l’installation d’ambiances musicales grâce à une plus grande liberté, notamment pour un album-concept, non ?

Wilhelm : Tu as tout à fait raison. Certains effets ont besoin de temps pour se développer et s’élever. Par exemple, le rythme répétitif de « Yoo Doo Right » du groupe Can crée un vortex hypnotique qui dure 20 minutes. Cela créé une atmosphère qui rappelle la transe des percussions tribales. Sunn O))) a aussi créé un environnement transcendantal sacré avec son Drones et son volume massif. Pour ce genre de compositions, le temps est une partie essentielle de la musique. C’est un concept complètement différent d’une chanson Pop de trois minutes.

– Musicalement, l’univers de GLEN est assez vaste, même si on peut vous définir comme un groupe de Post-Rock Progressif. C’est une façon de brouiller les pistes, de ne pas se restreindre à un style ?

Eleni : Comme Wilhelm l’a mentionné précédemment, nous ne voulons pas contribuer à la musique d’un genre spécifique. On ne pense jamais à ça. Le terme « Post-Rock » contient tellement de musique et de styles différents que nous nous sentons assez à l’aise pour être définis comme tel, même si nous n’aimons vraiment pas être cataloguer de quelque manière que ce soit.

– Etonnamment, « Pull ! » est un album très technique musicalement et pourtant il est très abordable et ne présente pas de complexité apparente à l’écoute. C’est important pour vous d’être le plus « lisible » possible ?

Wilhelm : Pour moi, la musique est avant tout une expression émotionnelle et non une représentation de virtuosité et de technique. C’est une autre forme de communication. C’est merveilleux quand cette connexion émotionnelle se produit. Donc être « lisible », c’est probablement souhaité par n’importe quel musicien. Cela dit, nous ne changerons jamais un morceau ou une partie pour la rendre plus « lisible » ou consommable. En écoutant notre précédent disque, un ami a été surpris de pouvoir même danser sur notre musique… Je lui ai dit : eh bien danse ! D’un autre côté, Morricone, même avec ses compositions les plus expérimentales pour le cinéma et avec le collectif de compositeurs d’Avant-Garde Gruppo Di Improvvisazione Nuova Consananza ou The Group, a toujours réussi d’une manière ou d’une autre à créer des « Hits », en tout cas selon moi.

– Un dernier mot aussi sur votre travail avec le grand Reinhold Mack, qui a mixé l’album. Comment s’est passé votre collaboration et comment le contact a-t-il eu lieu ?

Wilhelm : Pour faire court, nous avons grandi dans le même petit village dans le sud profond de l’Allemagne… mais pas exactement au même moment. Sa famille avait un magasin de piano à côté de la maison de mes parents. Quand j’étais petit, il avait déjà du succès dans le monde de la musique. Dans le magasin de piano, ses parents avaient exposé une collection de ses disques d’or et je me tenais devant la fenêtre quand j’étais jeune, pensant qu’il y avait une sorte de sortie par là… Je me souviens juste de l’avoir sans doute vu une fois avec mon père quand j’avais peut-être trois ans dans la rue. Il portait un long manteau et des cheveux longs avec un autre gars dans le même style. Je les pointais du doigt en disant « Deatels », ce qui était censé signifier « Beatles ».

De nombreuses années plus tard, j’ai reçu un e-mail surprenant de sa part. Il était à Los Angeles et il venait de rentrer d’Allemagne. Il a allumé la télévision et a regardé un film allemand découvrant mon nom dans le générique de fin pour la musique… Calculant alors  que nous étions autrefois voisins… Nous avons alors eu des contacts sporadiques. Quand on travaillait sur « Pull ! », il m’a contacté pour tout autre chose. Nous avons parlé un peu de musique et de business, je lui ai parlé de GLEN et du fait que nous travaillions sur un nouvel album.

De retour au studio, Eleni et moi étions coincés sur un morceau et on avait tendance à en faire de trop. J’avais nos échanges en tête et je lui ai dit : « Qu’aurait fait Mack ? », en pensant à la simplification parfaite de « Another One Bites the Dust ». Nous avons écouté la chanson et avons été subjugués par la parfaite production. Je lui ai alors écrit et il m’a répondu : « Si vous avez un problème, envoyez-le moi ». C’est ainsi qu’a commencé la collaboration, qui a été une belle expérience et vraiment un grand plaisir ! Au final, il a mixé l’intégralité de l’album et nous lui en sommes très reconnaissants ! Ce qui est drôle, c’est que nous ne nous sommes jamais rencontrés en personne jusqu’à présent… sauf par incident quand j’étais petit garçon… peut-être.

L’album « Pull ! » est disponible chez Anesthetize Productions depuis le 7 mai.

https://anesthetize.fr/produit/glen-pull

Bandcamp : https://glen1.bandcamp.com/album/pull

Et retrouvez la chronique : https://rocknforce.com/glen-lumineux-et-elegant/

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Death Metal International Progressif

Luna’s Call : d’une rive à l’autre sans complexe [Interview]

Après avoir sorti son deuxième album l’an dernier de son côté et entre deux déconfinements, le groupe a été approché par Listenable Records pour la distribution de « Void », petit bijou de Death Metal Progressif. LUNA’S CALL a dorénavant les coudées franches pour avancer plus librement et surtout s’adresser à un plus large public. Il faut dire que « Void » est étonnant et percutant, tout en étant très technique. L’occasion était donc trop belle pour en parler avec son chanteur et guitariste Neil Purdy.

– En dehors du fait que vous ayez sorti votre premier album « Divinity » en 2016 et que vous êtes anglais, on vous connait malheureusement assez peu en France. Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions s’est créé LUNA’S CALL et ce qu’il représente musicalement pour vous ?

En effet, nous sommes un quatuor de Death Metal Progressif originaire du Lincolnshire, au Royaume-Uni. Tout a commencé en 2012, c’était mon projet solo alors que j’étudiais à l’université. J’ai écrit et enregistré une démo et j’ai demandé à mes colocataires de l’époque, Brad et James, s’ils aimeraient me rejoindre pour réenregistrer les parties de basse et de batterie. J’avais déjà fait partie de plusieurs groupes avec Brad (Laver – basse) et James (Batt – batterie), donc je savais que nous aurions une bonne base pour le groupe. Puis, nous avons rencontré Liam (Underdown – guitare), lors d’un concert, où il jouait avec un autre groupe. On a tout de suite su qu’il devait rejoindre LUNA’S CALL. Ironiquement, alors que nous avons tous des goûts musicaux différents, nous n’écoutons pas beaucoup de Death Metal Progressif. En fait, nous faisons la musique que nous aimerions écouter !

– Votre deuxième album, « Void », est sorti en août 2020 et la situation due à la pandémie a bouleversé beaucoup de choses. C’est pour cette raison que vous le ressortez actuellement chez Listenable Records ?

Listenable Records nous a contacté fin 2020 et nous a demandé si nous serions intéressés pour rééditer « Void ». La raison pour laquelle nous les avons rejoint est que nous voulions que notre musique atteigne un public beaucoup plus large. Le fait qu’ils prennent en charge nos ventes physiques me libère plus de temps pour travailler sur d’autres choses, comme l’écriture et l’enregistrement de nouveaux morceaux. La pandémie nous avait en fait aidé à prendre du recul par rapport à la pratique, et à nous concentrer davantage sur la promotion en ligne de « Void ».

– Par rapport au premier album, « Void » est nettement plus abouti et il semble aussi que vous soyez vraiment parvenu à définir votre style et votre son. C’est aussi votre sentiment ?

Écrire les chansons de « Void » nous a semblé beaucoup plus naturel. Après de nombreuses années à jouer ensemble, il est bon de connaître ses forces, mais aussi ses faiblesses, pour savoir comment avancer musicalement. « Divinity » était plus une expérience personnelle pour voir comment je pouvais me dépasser en tant que guitariste. « Void » a un son plus défini, mais cela changera, espérons-le, encore une fois sur le prochain album. Nous voulons continuer à être un groupe ‘Progressif’, de par la nature même de ce terme. On veut grandir, se développer et modifier notre son au fur et à mesure.

– Ce nouvel album est particulièrement bien réalisé et sa production est toute aussi massive. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré, avec qui et quelle a été votre degré d’implication dans les différentes étapes du processus ?

Nous avons réalisé la majorité de la production nous-mêmes. L’album a été écrit en l’espace d’un an et demi environ, puis on est entré en phase d’enregistrement en 2018. Nous voulions faire tout ça près de chez nous et enregistrer autant que nous le pouvions nous-mêmes. La batterie a été enregistrée dans notre studio de répétition. Nous l’avons réservé pendant cinq jours d’affilée et avons essayé d’enregistrer autant que possible. On n’avait pas de date limite pour l’album, et avec les concerts et le travail à temps plein, on a du espacer l’enregistrement de toutes les instruments. Il a parfois fallu plusieurs semaines entre les prises !

Ces courtes pauses m’ont permis de réfléchir à chaque morceau et de continuer à expérimenter d’autres idées, telles que les percussions ou les éléments orchestraux. Ce n’est que lorsque tout a été enregistré et terminé que nous avons demandé à Russ Russell de mixer et de masteriser l’album. Nous savions que Russ ferait un travail incroyable et que le disque était entre de bonnes mains. J’ai eu la chance de passer quelques jours avec lui à le regarder mixer les morceaux et dans l’ensemble, j’ai eu très peu de choses à lui demander. Dès le début, il était clair qu’il savait ce que nous essayions de réaliser avec cet album, et il est même allé au-delà.

– La musique de LUNA’S CALL est assez complexe notamment dans la structure des morceaux et à travers son aspect très technique. De quelle manière travaillez-vous et combien de temps vous a pris l’écriture de « Void » ?

Il y a une grande partie de moi qui souhaite pouvoir être un musicien capable de s’asseoir dans une pièce avec d’autres et jouer. Mais le compositeur solitaire que je suis préfère rester avec ses idées et les sculpter lentement. Habituellement, j’essaie d’intégrer dans les démos ce qui va ressembler à l’idée finale avant de les envoyer au reste du groupe. Puis, il y a encore beaucoup d’apports et de changements dans l’étape de pré-production et même pendant l’enregistrement. L’album n’ayant pas de date limite, nous avons pu expérimenter et essayer différentes approches des chansons et des arrangements.

– Votre Death Metal Progressif emprunte autant à un style très brutal qu’à des composantes de Rock Progressif plus classiques. On a souvent l’impression que contrairement à d’autres groupes, vous tenez presque à séparer et distinguer les deux registres. C’est quelque chose qui vous a paru important dans vos morceaux et sur l’ensemble de l’album ?

Il n’a jamais été dans mon intention de séparer les différents styles en deux registres. J’ai toujours essayé de me mettre au service de la chanson et cela a été un objectif majeur dans l’écriture de « Void ». Je voulais que les chansons possèdent une sensation et un flux naturels, plutôt que de se sentir forcés de passer d’une section Death Metal à du Rock Progressif. L’idée était qu’elles se fondent l’une dans l’autre. Être étiqueté comme groupe progressif me donne certainement la liberté artistique d’expérimenter et d’inclure toutes ces idées.

– LUNA’S CALL se distingue aussi à travers le chant qui est tantôt clair, tantôt growl. Est-ce parce que vous tenez à ce que certains textes soient plus compréhensibles afin de faire passer certains messages, par exemple ?

C’est un point de vue intéressant ! Je suppose que je fais ce qui sonne le mieux pour la chanson. J’essaie souvent différentes approches du chant (clean ou growls) dans certaines parties et je garde la version qui me convient le mieux au final.

– Techniquement, à travers «  Void », vous êtes assez étourdissants tout en maintenant une grande cohésion sur tout l’album. Vous n’avez jamais peur d’en faire trop ? Ou au contraire, est-ce que vous vous freinez même un peu ?

On a voulu que « Void » ait des moments très techniques et extrêmes propres au Metal. Cependant, l’équilibre est quelque chose que nous voulions maintenir tout au long de l’album. Nous aimons le Death Metal Technique et même les formes extrêmes de musique progressive, mais un album entier peut, selon moi, souvent paraître épuisant et un peu fatiguant pour l’auditeur. Nous voulions que « Void » l’emmène dans un voyage, un peu comme dans un film. Il y a des moments extrêmes et d’autres plus calmes tout au long de l’album. L’essentiel est que les choses soient fraîches et intéressantes.

– Enfin, j’ai lu beaucoup d’articles sur LUNA’S CALL et tous vous comparent sans cesse à Opeth. Si le lien existe, c’est indéniable, c’est assez hallucinant et très restrictif de s’en contenter. De votre côté, vous êtes amusés ou agacés par le manque d’imagination et finalement de culture musicale de certains médias Metal ?

Un peu des deux je suppose ? Nous sommes ravis de la comparaison avec Opeth, et il me semble que tous les groupes qui impliquent à la fois du clair et de l’extrême leur seront désormais comparés par défaut. Nous avons eu cette discussion d’innombrables fois, et nous ne voyons pas d’autres raisons que celle d’avoir une gamme vocale et un style similaires. Bien que nous ne puissions nier qu’Opeth nous ait influencé en tant que musiciens, ils ne représentent qu’une petite partie du nombre d’artistes que nous aimons et par lesquels nous sommes influencés.

L’album « Void » est disponible chez Listenable Records depuis le 30 avril.

Bandcamp : https://lunascall.bandcamp.com/

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France Progressif Rock

Nine Skies : des paradoxes qui prennent sens [Interview]

Parce qu’on n’est jamais assez prudent et qu’il vaut mieux être sûr d’être entendu, NINE SKIES ne sort pas un, mais deux albums simultanément : « Live @Prog En Beauce » et son troisième album studio « 5.20 » (Anesthetize Productions). Prolifique, mais pointilleux, le groupe de Rock Progressif français revient sur ces deux sorties et ce nouvel opus plein de surprises. Entretien avec Alexandre Lamia (guitare, piano) et Anne-Claire Rallo (claviers).

– Deux ans après « Sweetheart Grips », vous revenez avec une double-actualité : « 5.20 », votre troisième album studio, et aussi « Live @ Prog En Beauce ». Commençons par ce dernier. Dans quelles conditions a t-il été enregistré et surtout pourquoi le sortir simultanément ?

Alexandre : Le « Live @ Prog En Beauce » a été enregistré directement depuis la table de mixage du concert, donc rien n’a été ré-enregistré après, et tout est spontané !

Anne-Claire : La campagne Kickstarter pour financer l’enregistrement et la production du nouvel album « 5.20 » a rencontré un franc succès. Nous avons donc décidé d’ajouter de nouvelles récompenses en guise de remerciement. Il s’avère qu’Alexandre venait de remasteriser le son de la vidéo du live au ‘Festival Prog en Beauce’ et que nous recevions parallèlement des demandes pour avoir l’objet en CD (en plus de la vidéo YouTube déjà en ligne). C’est ainsi que le live a vu le jour en digipack, et c’est pourquoi les deux albums sortent en même temps.

– Vous qui êtes toujours très pointilleux sur le son et notamment le mix, ça n’a pas été trop déroutant de ne pas avoir pu le travailler un peu plus en profondeur, notamment piste par piste ?

Alexandre : Oui, quelque peu, même si nous n’avions pas le choix. J’ai simplement fait un mastering du mieux que j’ai pu pour pouvoir ouvrir un peu plus les fréquences et les rendre plus précises et que le son global soit également plus punchy et puissant. Mais le son d’arrivée n’est pas mauvais de base non plus !

– Malgré les distances qui vous séparent tous au sein du groupe et les changements de line-up après « Return Home », on vous sent très unis et très complices sur ce Live. C’est aussi cette sensation qui vous a motivé à sortir cette prestation sur disque ?

Alexandre : Exactement, nous avions tous très envie de pouvoir immortaliser ce concert qui est en même temps la consécration des albums, mais aussi le plaisir de jouer nos albums en live pour la première fois, en se faisant plaisir avant tout. Nous y avons mis énormément de sérieux pendant toute une résidence, et malgré la distance, nous avons pu répéter la setlist pour qu’elle soit la plus fun à jouer et la plus agréable à écouter !

Anne-Claire : Malgré les divers changements de line-up depuis le premier album, les membres du groupe ont toujours été très unis et la complicité tient un rôle très important pour nous, au-delà de la simple complicité musicale, et cela se ressent certainement de l’extérieur !

– Parlons maintenant de « 5.20 », votre troisième et nouvel album. Depuis quand travaillez-vous sur ces nouvelles compos et est-ce que la situation due au Covid vous a retardé dans l’écriture, car il y a encore un gros travail de composition ?

Alexandre : La composition de « 5.20 » a commencé environ quand l’album précédent (« Sweetheart Grips ») est sorti, comme tous les albums que nous produisons. Certaines idées viennent directement à la fin de chaque album, mais l’arrivée d’Achraf a également beaucoup boosté le processus de composition, car nous sommes désormais trois et plus seulement deux à composer les idées principales de l’album. Le Covid ne nous a pas affecté sur ce processus, car nous avons l’habitude de travailler à distance.

Anne-Claire : Cette pandémie nous a tous bien sûr affecté, mais elle a plus touché les groupes, qui avaient prévu de tourner. Nous venions de réaliser le Prog en Beauce, mais n’avions pas encore de tournée programmée. Nous avons eu deux dates annulées, mais nous avons certainement été moins touchés sur ce point-là que d’autres groupes. Nous nous sommes vraiment concentrés sur la réalisation de « 5.20 ».

– Autour du noyau dur présent sur « Sweetheart Grips », vous accueillez aussi Achraf El Asraoui au chant et à la guitare. Alors que le line-up de NINE SKIES est déjà étoffé, qu’est-ce qui vous a poussé à l’inviter à vous rejoindre, et quel est son parcours ?

Alexandre : Achraf possède un univers qui lui est propre, et quelque part, c’est ce que nous recherchions. Nous voulons avant tout que NINE SKIES soit une surprise, autant pour les auditeurs que pour nous-mêmes. Nous cherchons à surprendre et à nous surprendre, et nous renouveler constamment. Achraf a une voix et un timbre très personnels, un formidable feeling et une superbe ouverture d’esprit. Ce qui nous permet d’étendre nos horizons de composition toujours plus loin.

Anne-Claire : Son projet solo se nomme « Achelas ». On y retrouve toutes ses influences et je vous invite fortement à découvrir ce fabuleux mélange musical.

– La principale particularité de « 5.20 » est qu’il se présente comme un album acoustique. Là encore, pourquoi ce choix ? C’était un moyen pour vous d’explorer d’autres sphères musicales, peut-être moins artificielles ?

Alexandre : Exactement. Nous avons toujours été touchés par les instruments, les vrais. Et nous voulions le concrétiser dans cet album purement acoustique, et expérimenter ce qui est possible de faire avec les instruments que l’on utilise tous les jours, sans artifice, et sans alternative. NINE SKIES se veut en constant mouvement, et dans différentes phases d’exploration musicale à chaque album.

– L’autre nouveauté est la présence d’un quatuor à cordes, qui apporte des sonorités très orchestrales et organiques. L’objectif était de franchir les frontières du Rock et de donner une couleur plus intemporelle à l’album ?

Alexandre : Oui et également de pouvoir appuyer le côté acoustique, cinématique et introspectif de l’atmosphère. Il y a un côté magique à intégrer un quatuor de cordes, comme si l’on ajoutait de la magie, de l’étincelle harmonique à une composition.

Anne-Claire : De par sa formation initiale de violoniste, Eric a pu penser des parties de cordes sur les démos et les enregistrer. Nous avons ensuite fait appel au talent de Cath (Lubatti) pour enregistrer les violons et l’alto et Lillian (Jaumotte) le violoncelle en studio.

Photo : Marc Auger

– « 5.20 » est aussi plus intimiste que ses prédécesseurs, alors que NINE SKIES n’a jamais compté autant de musiciens dans ses rangs. C’est assez paradoxal, non ? C’était une sorte de challenge ?

Alexandre : Cela s’est fait naturellement, et effectivement nous ne comptons jamais le nombre de membres dans nos albums, et nous privilégions plutôt ce qu’un membre, même ponctuel, peut apporter à une atmosphère. Nous avions pensé, par exemple, ajouter un joueur de Oud à un moment pour cet opus, ou une harpiste. Peut-être pour les prochains !

– Comme d’habitude, l’album compte des guests prestigieux. Comment s’est porté votre choix cette fois-ci, et quelle a été leur liberté de création à chacun sur ces nouveaux morceaux ?

Alexandre : Nous sommes encore sous le choc d’avoir à nos côtés Steve et John Hackett, ou encore Damian Wilson. Ca a semblé comme une évidence de les appeler car, bien évidemment, nous admirons leur talent et les musiciens qu’ils sont, et leur sensibilité se rapproche énormément de la direction que l’on voulait prendre sur cet album. Quel bonheur qu’ils aient accepté !

Anne-Claire : Ils ont bien évidemment été totalement libres d’apporter leurs idées et leur talent créatif sur les chansons. Ce sont des musiciens hors du commun et ils ont une extraordinaire capacité à cerner l’ambiance musicale et l’atmosphère d’un morceau. Damian (Wilson) m’a d’ailleurs aidé à apporter quelques améliorations ‘bien anglaises’ au texte de « Porcelain Hill ». C’était une expérience extraordinaire.

– Un dernier mot au sujet du titre de l’album, « 5.20 », qui a une connotation très moderne contrairement à la pochette et son visuel très classique. Décidemment, NINE SKIES est fait de contrastes et de paradoxes une fois encore…

Alexandre : Je pense que c’est la définition même de NINE SKIES, composer des paradoxes, à l’image de la vie. Quand nous sommes libres et que nous ne mettons aucune barrière à notre art, les paradoxes viennent d’eux-mêmes, mais nous les laissons envahir notre univers car c’est aussi grâce à ça que les gens peuvent être touchés par les choses de la vie, ou l’art en général. C’est un concept qui peut se vouloir absurde, mais il prend tout son sens si l’on peut interpréter ces paradoxes pour nous-mêmes.

Anne-Claire : c’est aussi la magie d’une atmosphère onirique comme celle-ci. La poésie et les métaphores qui rentrent en jeu au-delà de la musique permettent une lecture à plusieurs niveaux et chacun peut y trouver son compte, parfois même redécouvrir sa propre interprétation au fil des écoutes.

Les albums de NINE SKIES sont disponibles sur leurs sites :

http://www.nineskiesmusic.com/

https://nineskies.bandcamp.com/music

Chez Anesthetize Productions : https://anesthetize.fr/

Retrouvez également les chroniques et une interview du groupe sur Rock’n Force :

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Progressif Sludge

Somnuri : le grand plongeon

Audacieux et percutant, SOMNURI aurait tout du parfait combo HardCore de Brooklyn, si le trio n’avait jeté son dévolu sur un Sludge Progressif dévastateur. Rugueux et sans compromis, « Nefarious Wave » propose pourtant une harmonie musicale addictive et sans complexe. Furieux et terriblement groovy, les Américains déferlent avec une énergie contagieuse.

SOMNURI

« Nefarious Wave »

(Blues Funeral Recordings)

Forgé et endurcit par la rudesse de son quartier de Brooklyn, le trio de Sludge Progressif SOMNURI explose, dans tous les sens du terme, sur ce deuxième album qui fait suite une première autoproduction qui avait déjà fait beaucoup de bruit. Cette fois, c’est un déluge de décibels nourris de riffs plus imposants les uns que les autres que déversent les New-Yorkais, sans jamais lever le pied.

Si Justin Sherrell (guitare, chant), Philippe Armon (basse) et Phil SanGiocomo (batterie) donnent l’impression de pousser le bouchon un peu loin avec « Nefarious Wave », c’est qu’ils le font vraiment sur cet album dégoulinant d’adrénaline. Assommant et virulent, SOMNURI possède une réelle vision musicale, laquelle se balade entre des déflagrations hyper-Heavy et des envolées progressives captivantes.

Mixé par son survolté batteur, « Nefarious Wave » est aussi massif que polymorphe, tant le trio s’amuse à multiplier les changements de tempos et les progressions guitaristiques. Tenu par un groove compact et agressif, SOMNURI ne se facilite pas la tâche et s’en sort grâce à une technicité hors-norme (« Tied To Stone », « Desire Lines », « Watch The Lights Go Out », « In The Grey »). Cataclysmique !    

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Progressif Stoner/Desert

Hippie Death Cult : peace, love & death

En l’espace de trois ans, HIPPIE DEATH CULT est parvenu à conquérir la scène de Portland et le quatuor ne compte pas s’arrêter là. Après un premier album (« 111 »), une participation à une compilation en hommage à Black Sabbath et à la bande-son du film « All Gone Wrong », le combo de Stoner Psych Prog débarque avec un deuxième album addictif.  

HIPPIE DEATH CULT

« Circle Of Days »

(Heavy Psych Sounds Records)

Sous de faux airs sabbathiens, le quatuor de Portland explore bien d’autres sphères musicales, qui vont du Heavy aux riffs bien gras à un Psych Progressif tirant sur le Doom et le Classic Rock. HIPPIE DEATH CULT propose sur « Circles Of Days » une synthèse pertinente entre Metal et Rock après seulement trois ans d’existence. Il faut dire que les Américains ne sont pas restés les bras croisés, loin de là.

Et c’est cette faculté à fusionner les genres qui rend la musique du groupe aussi efficace et rassembleuse. Le quatuor s’amuse des styles et des époques pour livrer des morceaux intemporels et pourtant bien ancrés dans leur temps. Composé de seulement cinq titres et s’étirant sur près de 40 minutes, « Circles Of Days » montrent aussi un beau panel du registre de HIPPIE DEATH CULT, à commencer par le morceau-titre de l’album.

Dès le brumeux « Red Meat Tricks », le combo nous enveloppe avec un son à la fois lointain, langoureux et massif. Le clavier vient apporter une touche apaisante à la solide rythmique des Américains (« Hornet Party », « Eye In The Sky »), qui est guidée par la touchante et captivante voix de Ben Jackson. HIPPIE DEATH CULT est aussi véloce qu’extatique et est surtout capable de belles variations (« Walk Within »).