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Doom Metal Rock

[Going Faster] : Messa / Wyatt E.

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

MESSA – « Close » – Svart Records

Avec ce superbe album, MESSA assoit encore un peu plus son exponentielle notoriété. Le quatuor italien, fondé en 2014, n’aura pas mis longtemps pour s’extraire de l’underground Doom transalpin. Original, immersif et également délicat et puissant, le groupe surprend par sa maîtrise et surtout son côté expérimental du style. Guidé par sa frontwoman Sara dont la voix est d’une force incroyable, MESSA joue sur des aspects sombres, occultes, hallucinés et planants sur ce « Close » de toute beauté. Désormais au sommet de la scène Doom revival, le groupe peut tout se permettre comme cette présence obsédante et transcendantale du oud, qui libère des sonorités orientales fascinantes (« Orphalese », « Pilgrim »). « Close » est un joyau dont il serait dommage de se priver, tant il franchit toutes les limites du Rock et du Metal.   

WYATT E. – « Al Bēlūti Dārû » – Stolen Body Records

Après un premier EP en 2015, puis un album en 2017, la valeur montante du Drone Doom Oriental livre un nouveau format court basé sur deux morceaux approchant chacun les 19 minutes. Avec « Al Bēlūti Dārû », le trio belge se fait ensorceleur et captivant en repoussant les limites de son propre style. Les atmosphères développées par WYATT E. nous renvoient à la thématique de l’empire néo-babylonien à travers des boucles hypnotiques dans lesquelles se confondent technologie et instruments traditionnels. Avec une magistrale production signée Billy Anderson (Sleep, Om, Melvins), les Liégeois nous font passer dans un autre monde, jouant sur le côté solaire et l’aspect sombre de son registre. Entièrement instrumentale, la musique de WYATT E. nous invite à faire un bond dans le temps.

A noter que les deux groupes sont en tournée dans toute l’Europe et seront de passage le 19 avril au Michelet à Nantes et le 20 au Glazart à Paris.

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France Post-Metal post-Rock

Hangman’s Chair : l’histoire d’un concept [Interview]

Très attendu, le sixième album de HANGMAN’S CHAIR, « A Loner », n’a pas déçu, très loin de là ! Poussant toujours plus loin leur travail sur les sons, la production et l’aspect toujours très conceptuel de leur musique, les Franciliens ont livré un opus immersif et saisissant, en nous plongeant toujours un peu plus dans leur univers où se mêlent les styles et les atmosphères avec une minutie et une classe évidente. Rarement le Post-Rock et Metal aura montré autant de richesses et de variété. Rencontre avec Julien Rour Chanut (guitare) et Medhi Trepegnier (batterie), tous deux membres fondateurs du groupe, qui nous parlent d’une même voix de ce nouvel album.

– En l’espace de six albums, celui-ci compris, vous êtes passés du Sludge au Stoner avec aussi un côté Doom. Avec « A Loner », on a le sentiment que vous vous situez entre le post-Metal et le post-Rock avec un aspect Cold Wave. C’est aussi le regard que vous avez sur l’évolution musicale de HANGMAN’S CHAIR ?

Je pense que cela s’est fait très naturellement. Lorsqu’on a monté ce projet en 2005, on écoutait beaucoup de Doom, de Stoner et de Sludge et cela se ressent sur les deux premiers albums. Sur la durée, on a sans doute gagné en maturité humainement, et cela s’en ressent musicalement. On a plus assumé notre son et nous nous sommes un peu éloignés de ces registres-là. Cela dit, le Doom est toujours présent à travers la lourdeur des morceaux, par exemple. Petit à petit, on a affiné et aussi coloré notre musique à travers la recherche de sons. Le côté Gothic et Cold Wave est plus visible, c’est vrai. On travaille depuis quelques albums beaucoup plus sur les textures et les atmosphères. « A Loner » s’inscrit dans cette continuité. Par ailleurs, ce ne sont pas forcément des choses que l’on écoute. On suit quelque chose d’identique sur le concept au fil des albums finalement.     

– Avant de parler de ce nouvel album, est-ce que ces changements de registres vous ont aussi permis de conserver vos fans, de les faire grandir avec vous et même d’en gagner ?

Oui, ça marche avec, c’est vrai. Il y a les gens qui nous suivent depuis le début. Il y en a aussi forcément que l’on a perdu sur la route. Dans l’ensemble, les fans de base ont compris l’évolution musicale du groupe. Et puis, on en a gagné aussi et notre audience s’élargit. Tout ça est naturel. Il y a également tout ce qui entoure le groupe : le label, la visibilité, les médias, etc… Et comme les choses se font aussi plus sérieusement, tu y gagnes évidemment en retour.  

– Juste avant de sortir « A Loner », vous étiez chez Spinefarm, un label très réputé. Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre Nuclear Blast ? C’était une décision de votre part, ou peut-être un désir de changement et de nouveau départ ?

On a vraiment été ravi que Nuclear Blast nous contacte, qui ne le serait pas ? (Rires) On savait que le bureau allemand nous suivaient depuis quelques années. Ils nous ont justement contactés au moment où cela ne se passait pas vraiment comme on le souhaitait avec Spinefarm. On a rompu le contrat et Nuclear Blast nous recontacté à ce moment-là. Avoir un label aussi prestigieux qui nous propose de collaborer pour la suite a été une très bonne chose, et après quelques discussions entre nous, la décision s’est faite très rapidement. Ils adorent ce que l’on fait, ils nous le font sentir et on voit déjà tout le travail qui a été fait en amont et l’investissement apporté. On ne peut qu’être ravi ! On attend avec impatience la suite, car nous n’en sommes qu’au début, mais pour un groupe comme nous, c’est difficile de trouver mieux.

– Très bien produit, « A Loner » reste dans des atmosphères mélancoliques, qui sont finalement aussi votre marque de fabrique. Loin d’être lancinante, votre musique reste toujours percutante. Ce côté Metal et Rock reste définitivement ancré ?

C’est vrai que c’est une approche pour faire passer des émotions. Ce qui nous intéresse, c’est l’équilibre dans tout ça. On vient de musiques plutôt extrêmes et on se nourrit de tout ce qu’on écoute, et c’est sur ce contraste qu’on aime jouer. Lorsque l’on commence à composer, on pense toujours à l’équilibre entre les émotions. On travaille beaucoup sur le son, le fait d’aérer notre musique et trouver cette balance. On aime ce côté brutal que l’on trouve dans le Metal, mais aussi des aspects plus planants. Cela fait partie intégrale de notre identité. On écoute aussi peut-être beaucoup plus d’autres choses qu’auparavant, et cela multiplie les influences qui se retrouvent sur l’album. Mais il y a toujours ce petit goût de Metal HardCore.

– La production de l’album est peut-être moins organique, mais toujours très soignée. On a presque l’impression que « A Loner » a été imaginé pour être écouté au casque pour plus d’immersion…

Oui, c’est aussi notre impression. Par ailleurs, le fait qu’on ait composé dans la période de confinement a joué. On a plus porté notre attention sur le son et l’ambiance, et cela a vraiment marqué l’album. Et c’est vrai qu’on l’a composé au casque ! (Rires) Cela a aussi été une nouvelle manière d’enregistrer et d’aborder ce nouvel album. C’est marrant que tu dises ça, parce que c’est exactement ce qu’il s’est passé ! (Rires) Il y a aussi beaucoup de travail sur les détails comme les effets stéréo, par exemple. Il faut peut-être être dans une bulle et s’isoler pour écouter ce genre de musique, c’est vrai.

– Il y a un aspect très cinématique sur l’album. Est-ce que vous avez conçu « A Loner » sur un concept précis, ou alors morceau par morceau, plus traditionnellement ?

Julien est arrivé avec un concept. Cela dit, chacun compose aussi beaucoup de son côté. Et ensuite, dans cette période qu’on adore et dans laquelle on est le plus à l’aise, c’est-à-dire l’écriture, il fallait se mettre autour de ce concept pour faire des morceaux et une entité complète à travers un album. Le côté cinématique a toujours été très présent chez nous. On a toujours composé dans ce sens-là, car on adore raconter des histoires à travers nos morceaux. Après, il a fallu en faire un album qui s’écoute de bout en bout comme pourrait se regarder un film. Et il y a la construction tout autour, qui commence par un titre en forme d’intro, un interlude et un morceau de fin aussi. Chaque titre a vraiment une place précise dans l’album. On ne pourrait pas se contenter de placer des singles, parce qu’il y a de très bonnes chansons qui vont pas dans un album, par exemple. C’est pour ça qu’on met certaines choses de côté aussi. Ce qui nous intéresse est surtout ce côté puzzle dans la composition d’un album avec toute la cohérence que cela implique.

– En amont de la sortie de l’album, vous avez également diffusé les clips des deux premiers singles, « Cold & Distant » et « Loner ». Très bien conçus et réalisés tous les deux, ils donnent aussi l’impression que le visuel compte beaucoup chez HANGMAN’S CHAIR. La vidéo est devenue un support incontournable pour vous, ou juste un support marketing finalement ?

Pour être honnête, sur les albums précédents, on aurait adoré avoir cet outil promotionnel. C’est une très bonne chose d’avoir Nuclear Blast derrière toi qui te permet de débloquer des fonds pour travailler avec des supers réalisateurs pour faire des choses de goût. Ce n’est pas un domaine qui est notre fort, non plus, à la base. Mais on a toujours la main sur tout, du début à la fin. En tout cas, on essaie. C’est vrai qu’avant, on n’a jamais eu la possibilité d’habiller les morceaux avec de superbes images et de réaliser de beaux clips. Je pense qu’avec cet album, c’est quelque chose qu’on a réussi à faire. C’est très important aussi, que ce soit dans la pochette ou les vidéos, de préserver cette chartre graphique et que l’on soit fier du résultat. On a fait confiance et on a laissé carte blanche pour sublimer les morceaux en les mettant en image. C’est un vrai plus et on est hyper-satisfait du résultat évidemment. Cela dit, c’est vrai qu’on aime avoir la main sur tout, que ce soit le merchandising aussi. Tout ça prend du temps, car on passe par des graphistes, des illustrateurs… Beaucoup de groupes laissent leur label faire et ce n’est pas ce qu’on veut. En tout cas, on veut faire des choses à notre goût ! (Rires)

– D’ailleurs, et pour conclure, l’actrice Béatrice Dalle figure dans le clip de « Cold & Distant ». Comment cette collaboration et cette rencontre ont-elles eu lieu ? Et s’est-elle impliquée de son côté directement en apportant quelques idées, par exemple ?

Elle a fait son taff d’actrice avec brio. En fait, cela a été un concours de circonstance. On a travaillé avec un réalisateur qui s’appelle Oscar Bizarre, qui connait bien Béatrice Dalle. On avait tourné un clip avec lui, et on avait trois clips à faire au total. Il lui en a parlé et après avoir écouté le morceau, elle a accepté. On a du chambouler un peu notre planning, mais on savait qu’elle pouvait vraiment sublimer le clip. Elle s’est vraiment impliquée dans la mesure où tout tourne autour d’elle et de son jeu d’actrice. Oscar l’a dirigé, car nous étions encore en studio, en apportant ses idées auxquelles elle a complètement adhéré. Elle a parfaitement compris le concept du clip et on l’a remercie énormément. 

Le nouvel album de HANGMAN’S CHAIR, «  A Loner »,  est disponible depuis le 11  février chez Nuclear Blast.

Retrouvez également toutes les dates de concerts du groupe :

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Hard Rock Rock US

Warrior Soul : aux âmes perdues

Sauvage et déjanté, WARRIOR SOUL a en effet tout d’un groupe de guerriers. Kory Clarke, fondateur et leader du combo depuis plus de trois décennies, a une certaine idée du Hard Rock, qui irait des 70’s à notre époque avec quelques paramètres incontrôlables et parfois psychédéliques. Remuant à souhait ! Et la liberté, qui émane de « Out Of Bail », fait plus que plaisir à entendre.

WARRIOR SOUL

« Out On Bail »

(Livewire Records)

Cela fait des années que je suis les frasques de Kory Clarke, ancien batteur ayant officié chez les très bon Raging Slab, et de son groupe. Fondé à New-York en 1987, WARRIOR SOUL s’était rapidement fait un nom au début des années 90’s grâce à un Hard Rock pêchu et débridé, où le cogneur s’est emparé du micro pour devenir chanteur à part entière…. Tout en gardant ses baguettes en main.

Brut et sans concession, le combo s’articule aujourd’hui autour de Kory Clarke bien sûr, mais aussi de Dennis Post (guitare), de Christian Kimmet (basse) et des batteurs Ivan Tambac, John Besser et John Hogson. WARRIOR SOUL conserve ainsi une explosivité et une spontanéité, qui font de « Out On Bail » un album haut en couleurs et pour le moins percutant… à l’ancienne finalement !

Irrévérencieux et désinvoltes, les Américains s’inscrivent dans un Hard Rock très 90’s, aux frontières de l’Alternative et avec un côté Sleaze très urbain (« We’re Alive », « One More For The Road », « Cancelled Culture »). WARRIOR SOUL n’en fait qu’à sa tête et pourtant ce nouvel album est savamment orchestré (« End Of The World », « The New Paradigm »). Une bonne et vivifiante claque !

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Alternative Metal Alternative Rock Metal Fusion

[Going Faster] : Matrass / Corey Taylor

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

MATRASS – « Inner Wars » – La Tangente

C’est de manière intelligente et créative que MATRASS se présente avec une deuxième réalisation particulièrement bien produite. Avec « Inner Wars », le quintet bordelais remet habillement la Fusion à l’honneur mélangeant une vision musicale très moderne pourtant héritée de groupes comme RATM, Faith No More et d’un soupçon de Living Coloür. Mariant la puissance du Metal et des ambiances post-Rock où se mêlent growl et chant clair, MATRASS est techniquement imparable et met beaucoup de relief à des compositions, qui prennent aussi le temps de respirer et pour être ensuite très incisives (« The Tide », « Y », « Soldier »). La fougue et la polyvalence de sa chanteuse, Clémentine Browne, apporte une singularité très colorée à ce « Inner Wars », dont les arrangements sont, par ailleurs, très soignés. Une formation à ne surtout pas manquer !

COREY TAYLOR – « CMFB… Sides » – Roadrunner

On a beau être habitué aux grands écarts de COREY TAYLOR, ça ne l’empêche pourtant pas de jouer à nouveau aux montagnes russes avec « CMFB… Sides ». Le chanteur de Slipknot et de Stone Sour navigue ici entre reprises, unplugged et versions live de ses compositions. Côté covers, le frontman s’essaie à Metallica (« Holier Than You ») et à Kiss comme on peut le voir sur la pochette (« Got To Choose »), et c’est franchement réussi.  Avec un respect des institutions et sa touche personnelle, COREY TAYLOR joue l’équilibriste. Pour le reste, on retrouve ses versions de titres de John Cafferty, Eddie Money et des Dead Boys très énergiques, puis beaucoup de délicatesse sur « Kansas » et « Halfway Down ». Eclectique et soigné, « CMFB… Sides » mérite bien plus qu’une simple écoute.

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Alternative Rock

Kris Barras Band : un Rock très affûté

Loin des octogones qui ont fait sa réputation pendant plus d’une décennie, KRIS BARRAS se fait désormais un nom dans le monde du Rock, où le Blues et la Country ne sont jamais bien loin. Avec « Death Valley Paradise », c’est dans un registre plus musclé et très alternatif que jaillissent le Britannique et son BAND.

KRIS BARRAS BAND

« Death Valley Paradise »

(Mascot Records)

Cinq ans après le très bon « The Divine And Dirty », KRIS BARRAS BAND refait surface et il a quelque peu durci le ton… ce qui n’est pas étonnant pour un ancien combattant de la MMA. Ainsi, son Blues Rock countrysant laisse ici place à un Alternative Rock, parfois Metal, qui se rapproche des répertoires de Nickelback et du Bon Jovi de la belle époque. Par conséquent, « Death Valley Paradise » est un album plutôt costaud et vigoureux.  

Et si les nouvelles compositions de KRIS BARRAS sonnent aussi bien et si elles ont pris autant de relief, c’est que le Britannique a très bien su s’entourer. La production est signée Dan Weller (Enter Shikari, Bury Tomorrow) et elle offre beaucoup de volume aux morceaux écrits en collaboration avec Jonny Andrews (Three Days Grace), Bob Marlette (Alice Cooper, Airbourne, Rob Zombie), Blair Daly (Black Stone Cherry) et Zac Maby (Tyler Bryant).

Fidèle à lui-même, KRIS BARRAS ne manque ni de punch, ni de fougue et mène « Death Valley Paradise » avec brio. Même s’il est plus sombre dans l’approche, l’Anglais distille toujours autant de titres fédérateurs et mélodiques, brillamment interprétés par son BAND (« My Parade », « Dead Horses », « These Voices », « Chaos »). Le quatuor est désormais véritablement installé et la passé sportif du chanteur-guitariste semble loin derrière lui.

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Rock Progressif

Marillion : un élan lumineux

Limpide et tout en émotion, MARILLION livre un album très attendu, qui se révèle être la plus inspirée de ses récentes réalisations. A travers un propos très sociétal, le quintet britannique se montre très entreprenant en mettant en avant une musicalité incroyable et des mélodies somptueuses. « An Hour Before It’s Dark » fait assurément partie des joyaux du groupe, grâce aussi à un Steve Hogarth éblouissant.

MARILLION

« An Hour Before It’s Dark »

(Ear Music)

J’avoue ne pas avoir été conquis par un album de MARILLION depuis bien longtemps. Inspiré par la crise sanitaire, on aurait pu imaginer un album très sombre, voire mélancolique, mais les Anglais proposent une autre version de cette époque trouble pour faire jaillir de « An Hour Before It’s Dark » une lumière apaisante et vraiment teintée d’espoir. Enregistré dans les studios de Peter Gabriel au Real World, ce nouvel opus rayonne littéralement.

Pour ce seizième album sous l’ère Steve Hogarth, les Britanniques font parler leur longue expérience, ainsi que cette fluidité qui a fait sa réputation. Ouvrant sur le dynamique « Be Hard On Yourself », sur lequel la rythmique menée par Ian Mosley et Pete Trewavas fait des merveilles, MARILLION prend son envol de manière relevée et dense. Et le groupe enchaine avec « Reprogram The Gen » et « Murder Machine », affichant un bel enthousiasme.

Si d’aucuns diront que le quintet ne sort pas des clous et se contente de jouer son Rock Progressif avec le même raffinement et la même sophistication, mais sans sortir de sa zone de confort, il n’en est rien… ou pas seulement. Entre murmures et envolées lyriques, Steve Hogarth se meut avec un grand talent dans un registre très maîtrisé et toujours envoûtant (« Sierra Leon », « Care »). MARILLION se montre sensible, touchant et d’une grande sincérité.

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Blues Rock Southern Rock

[Going Faster] : Dan Patlansky / The Kenneth Brian Band

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

DAN PATLANSKY – « Shelter of Bones » – Virgin Music Label/Artist Services

Dixième album pour le Sud-Africain DAN PATLANSKY, dont le talent de guitariste et de chanteur, mais aussi de compositeur, a largement dépassé les frontières de son pays depuis son premier album, « Standing At The Station », sorti en 1999. Depuis, le bluesman n’a eu de cesse de peaufiner son Blues Rock et il faut reconnaître que « Shelter Of Bones » est irrésistible. Le musicien, qui produit également son album, a mis trois ans à élaborer ces nouveaux morceaux avec, dans un coin de la tête, un style à la fois percutant et mélodique. Et l’objectif est atteint avec classe. Frais et dynamique, le Blues Rock de DAN PATLANSKY est moderne, tout en restant intemporel. En sortant des sentiers classiques du genre grâce à une touche assez musclée, il parvient à sortir brillamment du rang.

THE KENNETH BRIAN BAND – « Keys To The Kingdom » – Southern Shift Records

En l’espace de 20 ans, KENNETH BRIAN s’est taillé une solide réputation, mais a surtout élaboré un style bien à lui. Chanteur, guitariste et songwriter, l’Américain présente un Southern Rock très particulier auquel il a insufflé des touches de Blues, d’Alternative Country et d’Americana. Un cocktail explosif que le musicien mène à son sommet sur ce très bon « Keys To The Kingdom », qu’il a été enregistrer avec le producteur du Allman Brothers Band, Johnny Sandlin, au fameux studio Rancho de la Luna à Joshua Tree en Californie. Et il n’a fallu que cinq jours à KENNETH BRIAN et son groupe pour élaborer son nouvel album et le rendre littéralement magique. « Keys To The Kingdom » est un petit bijou teinté du mojo du désert de Mojave. Soul et incendiaire.  

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Hard 70's Rock

Beth Hart : aux commandes du dirigeable

Même pour la grande BETH HART, reprendre Led Zeppelin est un beau challenge. Et l’Américaine, malgré un accent souvent trop marqué, fait plus que de s’en sortir : sa performance est impressionnante et la tracklist franchement à la hauteur. Portée par un casting de rêve, la chanteuse est remarquable et d’une justesse incroyable. Presqu’une promenade de santé pour la Californienne.

BETH HART

« A Tribute To Led Zeppelin »

(Provogue/Mascot Label Group)

Après le très bon « War In My Mind », qui demeure l’un des meilleurs albums de la Californienne, BETH HART s’est retrouvée privée de tournée. Et à force de tourner en rond, elle a succombé à la proposition de longue date du producteur Bob Cavallo (Green Day, Linkin Park, …) de consacrer un disque en hommage à Led Zeppelin, dont elle reprend d’ailleurs des morceaux sur scène depuis des années.

Certes, choisir neuf titres parmi l’imposante discographie du dirigeable n’a pas du être aisé pour la chanteuse, même si sa voix reste un atout majeur pour ce nouvel exercice. Et il faut bien avouer que la prestation de BETH HART est plus que convaincante, tant elle semble très à son aise, elle qui fut même adoubée par Robert Plant, Jimmy Page et John Paul Jones themselves lors d’un live en 2012.

Excellemment entourée de musiciens de renom, la musicienne brille sur « Whole Lotta Love », « Kashmir », « The Crunge » et « Black Dog », puis propose deux medleys très réussis (« Dancing Day/When The Levee Breaks » et « No Quarter/Babe I’m gonna Leave You »). Le seul bémol vient de sa version de « Stairway To Heaven », où l’accent américain de BETH HART dénote complètement. Une très belle prouesse tout de même !

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France Metal Punk Rock

Darcy : instantané d’une époque [Interview]

Il y a un peu plus de cinq ans, DARCY sortait « Tigre », sorte de plébiscite pour un esprit Punk Rock bien vivant. Quelques années ont passé et le son comme l’attitude ont aussi gagné en maturité. « Machine de Guerre », sous ses allures Metal et brutales, vient sonner la charge. Remontés comme jamais, les Rennais livrent un album solide, forcément politisé et surtout musicalement très abouti. Entretien avec Irvin, chanteur et guitariste, du furieux quatuor.  

Photo : Laurent Franzi

– Tout d’abord, je vous ai senti presque métamorphosés sur ce nouvel album, très matures et musicalement beaucoup plus techniques et carrés. C’est cette très bonne prod’, qui vous donne ce volume conséquent ?

Merci, c’est gentil ! Non, ce n’est pas spécialement la prod’. On a vraiment évolué !  Premièrement, on a investi dans du matériel et ensuite, on a changé nos manières de travailler notamment sur les structures des morceaux et le son. On savait exactement où on voulait aller, alors que sur « Tigre », on avait plus tendance à se laisser porter, c’était un instinct presque animal. Là, nos choix étaient clairs dès le départ et on s’est donné les moyens de les réaliser.

– Musicalement toujours, on sent un virage, ou une évolution, beaucoup plus Metal qu’avant. Là encore, c’est pour le côté massif et impactant ?

Ce n’est plus le même duo qui a composé cet album. « Tigre » est une composition de Clément et moi. Pour « Machines de Guerre » c’est Vincent et moi qui nous y sommes collés. Vincent est un grand mélomane, qui écoute de tout. Alors tout naturellement, il a proposé des styles différents : du Metal, du Rock, du Punk, du Grunge… C’était un beau challenge parce que, de mon coté, ça m’a sorti de ma zone de confort au chant et j’ai dû donner le meilleur de moi-même pour être au niveau des riffs qu’il m’avait proposés.

– Justement un petit mot sur cette très belle prod’ à la fois puissante et qui offre un bel équilibre entre l’instrumental et vos textes, qui sont toujours très clairs dans leur compréhension. Même si DARCY a bien sûr un message fort, c’est quelque chose à laquelle vous teniez et sur laquelle vous avez insisté à l’enregistrement ?

Oui, tout à fait ! C’est notre exigence première avec DARCY. Quand tu fais du Rock en français, tu as cette obligation de ne surtout pas mixer à l’anglaise, où la voix sera toujours un peu derrière dans le mix. Tandis que dans le Rock français, on a tendance à mettre la voix en avant pour pouvoir écouter les paroles, qu’elles soient le plus intelligible possible, malgré des guitares qui sonnent de partout. C’est sûrement dû à ce grand héritage que les producteurs aiment pousser les voix qui chantent en français. C’était notre envie et Maz (l’ingé son de l’album qui a également enregistré Tagada / No One / Lofo) et Bernard (qui a masterisé l’album) l’ont super bien réalisée !

– Le titre de l’album, « Machines de Guerre », est très fort. C’est plus le reflet de votre état d’esprit ou celui d’une attente dans cette société amorphe ?

C’est les deux. On a écrit cet album avec la rage et l’envie de tout casser sur notre passage, comme une machine de guerre. Mais c’est aussi une référence à l’état du monde dans lequel nous vivons, qui semble pris d’assaut par des guerres de plusieurs formes : économiques, écologiques, idéologiques, financières, climatiques, sanitaires, civiles, militaires… La guerre est partout aujourd’hui !

Photo : Laurent Franzi

– Bien sûr, DARCY se distingue par ses textes et leur message. Ce qui est remarquable sur « Machines de Guerre », c’est cette fluidité mêlée à des punchlines (mot que je déteste !) bien placées et surtout tellement évidentes dans leur sens. Comment procédez-vous ? Vous accumulez les carnets de notes au quotidien, ou pas du tout ?

C’est un peu comme ça que je procède désormais, oui. Sur « Tigre », j’avais tendance à me poser devant un fichier Word, après avoir lu un article ou regardé un reportage qui m’indignait. J’écrivais pendant 15/20 min et je sortais un texte entier. Maintenant, je fonctionne par punchlines, qui me tombent dessus sans prévenir, je les tape dans mon téléphone pour ne pas les perdre, et généralement un texte prend forme autour. C’est une manière très différente de travailler pour moi, qui est moins contraignante et stressante que la première qui m’obligeait à écrire très vite pour ne pas perdre l’émotion première.

– Evidemment, il y a toujours cette opposition frontale et légitime au FN. Seulement dans les faits, il y a maintenant Zemmour, Macron qui n’est pas très loin et Pécresse pour le côté 80’s rétrograde. DARCY est un groupe spontané, qui suit aussi l’actualité sociétale et politique. J’ai envie de vous demander si vous n’avez pas déjà un nouvel album en tête avec ce qu’il se passe ? A moins que vous ayez prévu d’actualiser vos morceaux sur scène ?

Pour être honnête, on est déjà sur l’écriture du troisième album, qui est même plutôt bien entamé ! On sait déjà la couleur qu’il va avoir et il risque d’être plus violent encore que « Machines de Guerre », plus brut, avec moins de concession, et effectivement, c’est le contexte qui veut ça ! La société est de plus en plus violente, alors nous aussi…

– Une petite question en interlude : la démarche de DARCY est-elle finalement plus politique que musicale ? Vous n’avez pas 4h… 😉

Toute démarche qu’on entreprend musicalement est politique. Et hop, une copie parfaite avec une seule punchline : 20/20 !

– On l’a dit, vos textes font très souvent allusion au FN et aux Le Pen, car ils représentent beaucoup de choses même si le danger n’est pas imminent et peu probable. Mais au-delà, il y a la dénonciation de tout un système et surtout un appel à l’éveil des consciences. J’y crois comme vous, mais n’est-ce finalement pas utopique ?

D’un point de vue personnel, j’ai toujours fonctionné comme un homme de mots. Durant toute ma vie quand j’ai eu des problèmes, il n’y a que les mots qui ont su me soigner. Et je fonctionne comme ça avec tout. Dès que quelqu’un arrive à trouver les mots justes sur quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui m’indigne, qui me révolte ou même qui me fait du bien, ça me fait un déclic. Tout le monde n’est pas forcément comme ça, mais si jamais on arrive à toucher une seule personne, qui ne comprend pas le danger que représente le FN avec une punchline, je considère qu’on aura gagné et que cela n’aura pas été une utopie.

Photo : Laurent Franzi

– On a beaucoup parlé politique, parce que c’est tout de même l’objet principal de l’album, mais une dernière question s’impose : est-ce que ça vous arrive d’être inspirés par le programme d’un politique ou d’un parti à l’occasion ?

Je ne peux pas parler au nom du groupe, mais pour ma part, pas vraiment. Les discours ne sont même plus écrits par celles et ceux qui les scandent dans les médias ou dans les meetings. Plus rien n’est incarné, tout est pensé pour te toucher en fonction du dernier fait d’actualité. C’est devenu du marketing. Seuls des chroniqueurs ou des journalistes arrivent à me faire vriller la tête maintenant, et encore c’est assez rare.

– Il y a aussi chez DARCY ce côté très fraternel et de camaraderie au sens noble du terme, qui va clairement au-delà de l’esprit de clan. Finalement, vous êtes hyper-amicaux, tout en étant révoltés ?

C’est exactement ça. Quand je chante « Ensemble la lutte peut être une fête » dans « Solution », ça résume ce que tu décris. Chanter la colère, mais dans la bonhomie. Quand j’étais étudiant et que je bloquais ma Fac, ou quand ma mère m’emmenait en manif quand j’étais gamin, il y avait toujours ce bon esprit qui prouve qu’on peut lutter avec le sourire. Et DARCY, c’est ça. Déjà entre nous, il y a une très bonne entente, l’ambiance en répétition ou dans le camion est toujours un plaisir et une raison de se lever le matin. Aller à la rencontre du public, des bénévoles, des programmateurs, des journalistes, c’est aussi une des raisons qui nous poussent à continuer la musique et la jouer partout en France.

– D’ailleurs, vous parlez plutôt d’indignité que de révolte ou de révolution. Ce n’est pas un peu fataliste finalement ?

« Indignez-vous qu’il disait » que je scande dans « Police Partout ». L’indignité est le premier pas de la révolte et de la révolution.

– Pour revenir à l’album, vous accueillez Kemar de No One Is Innocent sur « Viens chercher pogo », Niko de Tagada Jones sur « L’Etincelle Au Brasier » et Pierre de Merzhin sur « Notre Hymne ». Il reste une belle unité au sein de cette scène française qui revendique et qui appelle au changement, non ?

Un très belle unité ! Quand il y a des dates en commun, ou des festivals sur lesquels on se retrouve, je propose toujours de partager un morceau sur scène ensemble et c’est toujours fait avec un grand plaisir. Ca a été pareil pour ces duos, ils ont accepté avant même d’entendre les titres, parce qu’ils savent qu’on partage les mêmes valeurs, qu’on a un message à chanter et que ce message est toujours plus fort quand il est gueulé à plusieurs voix !

– Une petite chose en passant, êtes-vous conscients que pour que votre voix porte, il faut nécessairement entrer et presqu’infiltrer le système ? Etes-vous armés et prêts pour ça, ou seule la musique vous importe ?

Tout nous importe, mais notre seul outil, en tant que groupe, ça reste la musique. Après forcément, ça dépasse un peu. On nous a envoyé plusieurs fois des photos de pancarte « Nique son père la Marine » dans des manifs, on a nous a invités à des concerts de soutien pour le MRAP, Utopia 56 ou des scènes Antifa. Tout ça fait sens.

– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises un mot sur le dernier morceau de l’album, « Eva », entièrement acoustique et très touchant. C’est un titre très en contraste avec le reste de l’album. Quelle est l’intention de ces paroles émouvantes, qui présente une belle tranche de vie ?

L’intention première c’est de dire que même si DARCY est avant tout un groupe qui chante la colère, il ne faut jamais oublier le reste. C’est déjà un message qu’on avait voulu faire passer avec deux titres acoustiques, qui étaient cachés en bonus tracks sur « Tigre », et là on a voulu l’assumer un peu plus en l’intégrant à la tracklist de l’album. Et c’est dingue le nombre de retours que nous avons sur ce titre. Bizarrement, c’est même la frange la plus Punk de notre public, qu’on imaginait les plus durs, qui a le plus partagé ce titre pour le moment. Comme quoi, y’a des cœurs d’artichaut qui battent sous les perfectos et les tatouages de keupons !

« Machine de Guerre » de DARCY est disponible chez AT(h)OME depuis 11 février.

Retrouvez le groupe : https://www.facebook.com/darcymusic

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Post-Metal Punk Rock

The Neptune Power Foundation : love is all

S’il n’est pas question d’amour vache sur ce nouvel album des Australiens de THE NEPTUNE POWER FOUNDATION, on en est pas très loin. En effet, « Les Démons de l’Amour » est une ode et une belle déclaration de la part du tonitruant quintet de Sydney à travers un Rock psychédélique, Metal et progressif réellement addictif et aux mélodies contagieuses, le tout dans une atmosphère 70’s sauvage et solaire.

THE NEPTUNE POWER FEDERATION

« Le Demon De L’Amour »

(Cruz Del Sur Music)

A l’aube de ses 10 ans d’existence, le quintet australien surgit avec un cinquième album constitué de chansons d’amour et très justement intitulé « Les Démons de l’Amour » (en français dans le texte). Jugeant le style un peu désuet, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION a composé de huit morceaux d’amour, certes, mais d’un point de vue féminin, sans doute celui de sa prêtresse de chanteuse Screamin’ Loz Sutch, et il est pour le moins débridé.

Sur ce nouvel opus, les cultes obscurs, les meurtres et des histoires d’hypnotisme sont au menu de la vision très Rock et Metal qu’ont les Australiens. A grand renfort de riffs musclés, de lourdes rythmiques et d’une indomptable frontwoman, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION offre un album à la fois démoniaque et ensorceleur dans un univers musical très 70’s, proche d’un proto-Metal façon Led Zep et Black Sabbath.

L’aspect Psych, Prog et vintage rend ces nouvelles compos entêtantes, bourrées de tension et dégageant une énergie folle. Il faut dire que les deux guitaristes rayonnent tout autant que leur diablesse de chanteuse, qui livre une prestation exceptionnelle en illuminant littéralement « Les Démons de l’Amour » (« My Precious One », « Loving You Is Killing Me », « Stay With Three »). THE NEPTUNE POWER FOUNDATION donne des preuves d’amour exaltées.