Pour qui attendrait encore le renouveau d’une classieuse et référentielle vieille garde avec impatience, voire en vain, WHISKEY MYERS vient apporter la plus somptueuse des réponses avec « Whomp Whack Thunder ». Narrative et percutante, sincère et foudroyante, la formation texane est au sommet de son art et s’attèle avec ferveur à perpétuer l’esprit du Southern Rock dans son époque. Sur un groove tourbillonnant, des guitares lourdes et épaisses et un chant habité, le groupe œuvre dans une immédiateté scintillante aux mélodies imparables.
WHISKEY MYERS
« Whomp Whack Thunder »
(Wiggy Thump Records)
Le son est si brut et organique que, pour un peu, on se croirait au beau milieu du studio dans lequel les Texans se sont engouffrés. Alors qu’ils avaient autoproduit leurs derniers albums, dont le génial « Tornillo » il y a trois ans, WHISKEY MYERS a cette fois laissé les manettes au producteur awardisé Jay Joyce (Eric Church, Cage The Elephant) pour faire briller « Whomp Whack Thunder ». Et cette sage décision lui offre une dimension nouvelle, alors même qu’il est devenu incontournable en s’invitant aussi dans des B.O. sur petits et grands écrans.
Mené par son chanteur et compositeur Cody Cannon plus créatif et expressif que jamais, WHISKEY MYERS livre une septième réalisation guidée par le plaisir de jouer et un instinct qui explosent dans une belle débauche d’énergie. Accessible et décomplexé, « Whomp Whack Thunder » incarne l’idée-même du Rock Sudiste, où la Country se joint au Blues et à l’Americana dans une fusion spontanée. Avant tout très Rock’n’Roll, les Américains sont de plus en plus au service de leurs émotions et d’une honnêteté artistique sans faille.
S’il s’est, par le passé, essayé à différentes sonorités Southern, le sextet les englobent toutes sur « Whomp Whack Thunder », révélant ainsi l’audace et l’authenticité de son écriture. Nerveux et entraînant sur « Time Bomb », « Tailspin », « Icarus » ou « Ramblin’ Jones », plus Blues sur « Break These Chains », « Midnight Woman » et profond sur « Born To Do », WHISKEY MYERS fait un pas de côté et se pose en marge d’une industrie musicale, qui renvoie aux stéréotypes. Ce nouvel opus porte généreusement à l’âme et impressionne de volonté.
Alors que son premier album éponyme ne sera dévoilé dans son entier qu’en janvier prochain, MYND READER a déjà laissé s’échapper quelques six singles et le septième, « Birdsong », est attendu fin octobre. Fondé par un duo quasi-fusionnel, puis rejoint par des musiciens littéralement habités par cette musique qui les unie, les Américains font partie de cette catégorie de groupe qu’on adore d’entrée de jeu et qu’on attend presque plus. Porté par une émotion de chaque instant et des mélodies entêtantes, on entre en communion avec ce savoureux mélange de Classic Rock et de Southern redéfini dans un American Roots Rock authentique, sincère… et virtuose. Entretien avec un Brian Sachs, batteur et compositeur, très heureux et impatient de présenter prochainement ce « Mynd Reader » stellaire.
– MYND READER s’est formé relativement récemment et malgré quelques singles, on vous connait finalement assez peu. Est-ce que vous pourriez vous présenter à nos lecteurs ?
Tout d’abord, merci de nous donner l’opportunité de nous présenter à votre public français. MYND READER est une rencontre cosmique. Le groupe est composé de Tonin, notre multi-instrumentiste et source d’inspiration inépuisable, de l’incroyable Shelby Kemp, dont la voix et la présence font de lui un véritable leader moi-même à la batterie et à l’écriture. Nous sommes basés à Boulder, dans le Colorado, et le groupe s’est formé comme par miracle, né de l’amitié, d’une vision commune et d’un amour profond du Rock’n’Roll.
– On vous a donc découvert en octobre 2024 avec « Radio Warning », votre premier single. Depuis, vous les distillez au compte goutte et « Home », le dernier en date, est sorti en août. C’est une stratégie qui peut surprendre, notamment dans le monde du Rock. Est-ce une manière de faire durer le suspense et aussi d’être présent sur les plateformes en les alimentant régulièrement ?
Nous vivons dans ce que j’appelle une ‘économie du déficit d’attention’. Chaque jour, les gens sont bombardés d’informations, d’algorithmes et de distractions. Sortir un album complet d’un coup, aujourd’hui, même un album aussi monumental qu’« Abbey Road », pousse à se demander si serait vraiment efficace pour se démarquer.
Pour moi, la musique est faite pour être vécue. Mes disques préférés sont devenus la bande-son de ma vie parce que j’ai eu le temps de m’y attarder, de les revisiter et de les laisser respirer. En publiant notre musique progressivement, nous donnons à chaque morceau l’occasion de mûrir avec l’auditeur, de prendre du sens et de créer une véritable connexion au fil du temps.
– Votre premier album est attendu pour janvier prochain, soit plus d’un an après « Radio Warning ». Est-ce que, justement, vous vouliez d’abord voir les réactions du public, ou l’album est-il prêt depuis un bon moment déjà ?
En vérité, l’album est terminé depuis un bon moment et nous sommes déjà bien avancés sur le deuxième et le troisième album. Mais nous croyons en l’importance de construire une relation durable avec notre public. A une époque où la société semble plus divisée que jamais, nous voulons que notre musique mette en lumière ce qui nous unit, c’est-à-dire la joie, l’amour, le chagrin, la peur, l’isolement et la connexion.
Notre single « Home » a pour refrain ‘More life, please’, qui est devenu pour nous une sorte de prière. Peu importe les difficultés de la vie, nous en voulons toujours plus et partager ce sentiment avec nos auditeurs est quelque chose de sacré. Nous ne sommes pas pressés. Nous sommes là pour le long terme, pour créer une musique qui accompagnera notre public pendant des années… (Sourires)
– MYND READER présente un concentré d’une partie du Rock américain avec un aspect très roots, un peu vintage aussi, mais dans une production très actuelle. Est-ce votre manière de donner un nouvel éclat à vos racines musicales ?
J’ai grandi en vénérant le Classic Rock, à savoir Deep Purple, Rainbow, Elton John, Black Sabbath, les Beatles, Led Zeppelin, Pink Floyd… En tant que batteur, j’ai joué de tout, du Funk de James Brown aux orchestres de fosse, mais je n’avais pas touché à ce que j’appelle le ‘Rock d’arène’ depuis mon premier groupe de garage, lorsque j’étais enfant. Et c’est ce que je voulais faire revivre.
Dans mon esprit, nous sommes en 1978 et MYND READER est le plus grand groupe du monde, mais je veux aussi que ce sentiment résonne en 2025 ! (Sourires) Le Rock’n’Roll intemporel ne se démode jamais. Si « Animals » de Pink Floyd ou « Paranoid » de Sabbath sortaient aujourd’hui, ils sonneraient toujours aussi frais et révolutionnaires. C’est cette énergie que nous canalisons : un Rock sincère, sans filtre et qui semble éternel.
– Vous êtes donc originaires de Boulder dans le Colorado et c’est vrai que la musique de MYND READER est très Americana dans l’esprit avec une sensation très organique à laquelle la voix de Shelby Kemp donne littéralement une âme. L’idée était-elle aussi de donner une touche Southern à l’ensemble ?
Quand Tonin et moi avons commencé à écrire, nous savions que les chansons exigeaient une voix aussi audacieuse et pleine d’âme que celle de quelqu’un comme Chris Stapleton. Mais des voix comme celles-là sont rares. Mon ami Eddie Roberts de The New Mastersounds m’a fait écouter des morceaux de son groupe The Lucky Strokes, avec Shelby. Dès que j’ai entendu sa voix, j’ai dû m’arrêter net, car ça m’a figé. Puis je l’ai vu en concert et c’était indéniable : c’est une Rock Star, un point c’est tout ! (Sourires)
Lorsque Shelby est arrivé, nous avons enregistré « Radio Warning », « Simply Avanti » et « Falling Down » en une seule session. C’était un éclair, et soudain, tout a basculé. L’élément southern n’était pas intentionnel, c’était juste ce que la musique demandait. Shelby lui a donné cette âme et cette fougue et c’était comme accepter son destin.
– Comme j’ai eu la chance d’écouter votre album avant sa sortie, une chose m’a un peu étonné. Vous avez réalisé de très bons arrangements avec des cordes, des sons de sitar et d’autres plus sophistiqués. C’est très rassembleur et aussi très audacieux. L’objectif était-il aussi de donner une certaine intemporalité à cette première réalisation ?
Les chansons se sont révélées couche par couche. Chacune avait sa propre énergie, et nous avons suivi son chemin. Mon rôle consiste souvent à déceler les manques et à pousser jusqu’à ce que le morceau paraisse complet. Cordes, sitar, textures supplémentaires : tout cela n’était pas prévu, mais c’était simplement ce que les chansons exigeaient.
Et lorsque Michael Brauer a mixé l’album, il a su parfaitement utiliser ces couleurs pour amplifier l’émotion au cœur de chaque morceau. C’est de là que vient l’intemporalité, non seulement de l’instrumentation, mais aussi de la sincérité de l’émotion qui la sous-tend.
– Et puis, il y a également un gros travail sur les guitares qui posent les fondations de MYND READER. Cela a-t-il été le point de départ de la composition de l’album ?
Tonin capture constamment ce que j’appelle des ‘pépites’, ces petits riffs, fragments ou grooves. Il les oublie souvent, mais je suis le ‘cultivateur de pépites’. Mon rôle est de les assembler pour en faire des chansons complètes, avec mélodies et paroles. Sa musicalité permet aux chansons de s’écrire pratiquement toutes seules.
J’ai joué pendant des années dans un trio d’Acid Jazz sans guitare, et j’en mourais d’envie. Alors, quand on a lancé MYND READER, je n’arrêtais pas de dire : j’ai la fièvre et le seul remède, c’est plus de guitare. On voulait faire du pur ‘Guitarmageddon’ ! (Rires)
– J’aimerais que l’on dise aussi quelques mots sur la production et le mix de Michael Brauer (Coldplay, My Morning Jacket, The Rolling Stones), qui offrent beaucoup de relief et de profondeur à l’album en évitant brillamment de le surproduire. Est-ce cet équilibre entre un son organique et moderne que vous avez recherché en faisant appel à lui ?
Michael est un génie. Il ne se contente pas de mixer le son, il mixe l’émotion. Il joue les faders de tout son corps, à la recherche de l’expressivité de l’émotion musicale. Il prend des risques, mais il ne trouve pas toujours le juste milieu. Il aborde les artistes de deux manières : ‘Puis-je mixer ce morceau ?’ et là, il peaufine la vision de l’artiste, ou alors, c’est ’Je mixe !’, où il a une totale liberté créative. Nous lui avons accordé cette dernière option. Il a reçu sept Grammys pour cette raison-là. Nous voulions que Michael soit et fasse du Michael. Quand nous avons reçu les mixes, c’était comme réentendre les chansons pour la première fois. Il a toujours été parfait.
– L’album est très homogène, entraînant et est constitué de chansons accrocheuses. Et il contient également un morceau (presque !) instrumental qui porte le nom du groupe. Avouez que c’est assez intriguant. Que voulez-vous signifier et pensez-vous qu’il résume bien la musique et l’esprit du groupe, au point qu’aucune parole ne soit nécessaire ?
Quand Tonin et moi avons lancé MYND READER, nous pensions sincèrement que ce serait un simple projet instrumental. Juste deux gars improvisant sans attentes, comme des ados avec du matériel sophistiqué. Mais ensuite, de vraies chansons avec des paroles ont commencé à émerger et tout a basculé. Le morceau « Mynd Reader » reflète ces racines. Il rappelle la joie qui a tout déclenché : deux amis redécouvrant le pur plaisir de faire de la musique ensemble. Et cet esprit jeune, joyeux, libre est toujours au cœur du groupe ! (Sourires)
– Enfin, j’imagine qu’après ce long teaser et ce storytelling étonnant, vous devez être impatients de présenter ce premier album à vos fans et au public. Et est-ce que des concerts sont déjà prévus pour accompagner cette sortie ?
Oui ! (Rires) Nous terminons l’écriture du deuxième album et commençons même le troisième, mais sortir notre premier album est un rêve. C’est en fait un album conceptuel : un personnage en quête d’amour, de connexion et d’un sentiment d’appartenance. De « Radio Warning », où il déclare : ‘Il n’y a pas de joie à vivre seul toute sa vie’ jusqu’aux derniers morceaux, c’est un voyage à travers la vulnérabilité, l’amour, la perte et la rédemption.
Nous assurerons la première partie de l’album en live. Pour nous, les concerts ne sont pas que des performances, ce sont des rassemblements, une célébration de la communauté. Nous appelons cela ‘l’église du Rock’n’Roll’. Quand les gens quittent un concert de MYND READER, nous voulons qu’ils soient transportés, unis et chantent notre prière : ‘plus de vie, s’il vous plaît !’ (Sourires)
Le premier album éponyme de MYND READER sortira en janvier prochain. En attendant, n’hésitez pas à allez à la découverte des nombreux singles déjà disponibles sur les plateformes !
En choisissant de quitter la Californie pour se délocaliser en Georgie et en faisant le choix d’un producteur multi-awardisé, ROBERT JON & THE WRECK a bousculé ses habitudes et le résultat s’entend sur ce « Heartbreaks & Last Goodbyes » d’une folle énergie, d’une fluidité incroyable et surtout d’une créativité de chaque instant. Ce nouvel album des Américains est complet et sobre tout en étant d’une grande richesse musicale. Le groupe a franchi une à une les étapes, et près de 15 ans après sa création, il se montre épanoui dans un Southern Rock devenu très personnel. Robert Jon Burrison, guitariste et chanteur du quintet, revient sur ce dixième album et les efforts accomplis ces dernières années par sa formation.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur ces cinq dernières années, car « Last Light On The Highway » semble vraiment avoir été un déclic dans votre carrière. En l’espace de cinq ans, vous avez sorti cinq albums studio et deux live, sans compter un nombre impressionnant de concerts. Est-ce que, pour vous aussi, tout s’est soudainement accéléré à ce moment-là ?
Oui, je dirais que depuis « Last Light On The Highway », nous n’avons jamais été aussi occupés. Avant l’album, nous n’avions pas de réel représentant aux Etats-Unis. Après notre partenariat avec Journeyman Records et Intrepid Artists ici, et notre collaboration de longue date avec Teenage Head Music pour l’Europe, il était donc naturel de travailler davantage et surtout de faire davantage ce que nous aimons.
– « Heartbreaks & Last Goodbyes » est votre troisième album chez Journeyman Records, le label de Joe Bonamassa. Est-ce que cette signature aussi a changé le quotidien du groupe et pu ouvrir les portes que vous escomptiez ?
Cela nous a surtout permis de bénéficier d’une véritable équipe sur laquelle nous pouvons compter pour presque tout. Cela nous a aussi permis de continuer à progresser tout en faisant tout le reste en même temps. Notre relation est excellente, car les deux parties s’entraident en poursuivant l’effort dans la direction que nous jugeons la plus appropriée au bon moment.
– Sans remettre bien sûr en cause le travail de Kevin Shirley sur « Red Moon Rising » et celui de ses prédécesseurs, c’est cette fois le grand Dave Cobb qui signe la production de l’album. Vu son incroyable parcours, il apparaît comme l’homme de la situation. Comment a eu lieu la première prise de contact et votre rencontre ? Et est-ce vous qui êtes allés vers lui ?
Il était dans le collimateur du groupe depuis longtemps, sachant qu’il avait produit des artistes comme Rival Sons dès 2009. On avait donc toujours ce nom en tête, tout en continuant à avancer dans la vie, à faire de la musique, à rencontrer des gens et à trouver le bon soutien. Puis le moment est arrivé et on a enregistré deux morceaux avec lui pour le double EP « Ride Into The Light ». On a super bien travaillé ensemble, donc on savait qu’on voulait renouveler l’expérience avec lui sur un album complet un jour ou l’autre. Après « Red Moon Rising », l’opportunité s’est présentée et ça a marché !
– D’ailleurs, la production sonne très live et organique et est vraiment le reflet du groupe sur scène. Avez-vous l’impression, comme moi, qu’il a parfaitement su saisir votre identité artistique et musicale ?
Oui, je pense que cet album reflète parfaitement qui nous sommes. Nous avons pu rester ensemble tout au long du projet, nous y consacrer pleinement, sans trop de distractions, et nous avons tout donné. Nous travaillons en cohésion sur de nombreux aspects de l’écriture, qu’il s’agisse des paroles ou des parties instrumentales. Si quelqu’un a une idée, nous la développons tous ensemble. Je pense donc que cet album reflète vraiment l’identité artistique de ROBERT JON & THE WRECK.
– Pour l’enregistrement de l’album, vous avez aussi quelque peu changé vos habitudes puisque vous êtes restés à Savannah en Georgie durant tout le processus. J’imagine que cela renforce aussi la cohésion d’un groupe et peut-être également votre modèle de composition. En quoi cette immersion complète a pu vous faire évoluer ?
J’en ai un peu parlé, mais oui, c’était différent pour nous. Avant, quand on enregistrait à Los Angeles, on allait au studio le matin et on rentrait chez nous tous les soirs. C’est toujours agréable d’être en famille, et aussi difficile d’être loin d’elle aussi longtemps. Mais c’est également une bonne chose de se concentrer uniquement sur l’album et d’en faire son seul objectif pendant une semaine environ. De plus, en étant tous réunis, on avait l’impression d’être tous sur la même longueur d’onde pendant l’enregistrement, ce qui, je pense, a contribué à la cohésion du son de l’album.
– Je ne sais pas si Dave Cobb vous a permis d’avoir un regard neuf sur votre travail en vous délivrant ses précieux conseils, mais on vous sent beaucoup plus libérés, plus spontanés aussi et surtout vous offrez différentes facettes du groupe avec la même intention dans le jeu. Est-ce que le maître-mot de « Heartbreaks & Last Goodbyes » a été d’être plus le plus brut, direct et authentique possible ?
Oui, nous voulions être aussi authentiques que possible. Et comme nous progressons aussi constamment en tant qu’auteurs-compositeurs et musiciens, il faut vraiment avoir cette volonté d’être bruts et directs, car ce n’est pas toujours si facile.
– Peut-être est-ce l’effet combiné de votre collaboration avec Dave Cobb, et aussi Greg Gordon pour le mix, et le fait que vous soyez restés en Georgie tout l’enregistrement, mais vos racines Southern ressortent beaucoup plus avec des sonorités Country plus présentes et un côté Classic Rock moins visible. Est-ce que tu penses que tout cela est lié d’une certaine manière ?
Je pense qu’il est difficile de ne pas ressentir ces racines sudistes et ces sonorités Country quand on est, en fait, dans le Sud et à la campagne. Pour moi, c’est assez simple : l’endroit où l’on se trouve influence vraiment nos décisions, la sonorité de notre musique et les décisions que nous prenons. Tout est donc lié, et si nous avions enregistré le même disque à Los Angeles, il aurait sonné différemment. C’est indéniable.
– Et il y a aussi cette collaboration avec John Oates que l’on connait pour son légendaire duo avec Daryl Hall, qui a coécrit « Long Gone » avec vous. C’est l’un des moments forts de l’album et il raconte une belle histoire. Comment cela s’est-il passé au niveau de l’écriture ? Avez-vous travaillé le texte et la musique ensemble ?
Nous avons rencontré John lors d’une des nombreuses croisières de Joe Bonamassa, ‘Keeping The Blues Alive At Sea’, auxquelles nous avons participé. De là, nous avons discuté de l’idée d’écrire quelque chose ensemble et le timing était parfait pendant l’un de nos séjours à Nashville. Nous nous sommes donc retrouvés et nous avons travaillé sur quelques idées. J’adore le résultat qu’on a obtenu, car la chanson a connu de nombreuses évolutions, en passant du Swing bluesy au Rock pur et dur, et l’incroyable esprit de Dave (Cobb – NDR) l’a amenée là où elle est aujourd’hui.
– Pour « Heartbreaks & Last Goodbyes », vous avez à nouveau présenté la moitié de l’album avec plusieurs singles avant la sortie officielle. C’est vrai que les plateformes numériques ont changé la donne et les réseaux sociaux aussi, mais ne regrettez-vous pas l’époque où l’on découvrait l’ensemble d’un disque à sa parution ? Aujourd’hui, est-ce que cette présence constante est devenue presque obligatoire, selon toi ?
C’est une question d’essais et d’erreurs. Avec l’industrie musicale actuelle, je ne pense pas qu’il y ait franchement une ‘bonne’ façon de procéder. On a testé cette nouvelle idée de sortir des singles, à cause du fonctionnement d’Internet, avec tous ces algorithmes et ces trucs que je ne comprends pas vraiment. Mais bon, il faut essayer, sinon on ne saura jamais. Le prochain album sera-t-il livré de la même manière ? Peut-être, ou peut-être pas. On le saura quand on y sera. Je pense qu’il y a tellement de gens dans le monde que chacun a une idée différente de la façon dont la musique devrait être diffusée, ou consommée. Notre espoir est que les gens se connectent à notre musique et ressentent quelque chose en l’écoutant.
– Enfin, avec ce rythme effréné entre les concerts et les enregistrements, avez-vous pris dorénavant l’habitude de composer surtout en tournée ? Finalement, cette énergie n’est-elle pas la meilleure source d’inspiration pour vous ?
Je pense que la route est une source d’inspiration majeure pour le groupe, mais je crois que nous composons la plupart de nos morceaux à la maison. Nous avons bien sûr profité des balances avant les concerts pour lancer des idées et voir ce qui colle, puis nous rentrons à la maison pour tout mettre en place. On n’a pas autant de temps qu’on le pense sur la route pour se poser et réfléchir. Mais nous aurons bientôt un peu de repos bien mérité cet automne grâce à l’arrivée de nouveaux membres dans nos familles, alors nous avons hâte de nous remettre à l’écriture.
ROBERT JON & THE WRECK
« Heartbreaks & Last Goodbyes »
(Journeyman Records)
En faisant appel à Dave Cobb pour la production de son nouvel album, le quintet s’est adjoint les services de celui qui lui manquait sûrement le plus depuis ses débuts. Reconnu pour son travail avec Chris Stapleton, Brandi Carlile, John Prine, Sturgill Simpson, Whiskey Myers pour le côté Country et Southern, mais aussi Rival Son, Halestorm, Slash, Sammy Hagar ou Greet Van Fleet dans des registres plus musclés, il est le producteur dont avait besoin ROBERT JON & THE WRECK, dont les derniers disques étaient peut-être un peu lisses.
« Heartbreaks & Last Goodbyes » incarne littéralement cette nouvelle vague sudiste dont les Californiens sont devenus en peu de temps des fers de lance. Plus bruts et organiques, les nouvelles compositions sont resplendissantes, accrocheuses, vivifiantes et l’osmose entre les musiciens est encore plus palpable. Si les singles ont déjà offert un bel aperçu de ce nouvel opus, les autres titres à découvrir sont autant de belles surprises, qui s’imbriquent parfaitement dans un ensemble rayonnant et finalement très attachant et chaleureux.
Photos : Rob Bondurant (1, 2, 3, 4) et Denis Carpentier (5)
Décontractés et solaires, le songwriter et ses musiciens apportent du grain à un Rock Sudiste, qui peut étonner de prime abord tant il s’éloigne parfois des standards habituels. Direct et enveloppant, « Ain’t Rocked In A While » a un côté marécageux qui libère un volume incroyable dans des atmosphères très variées. C’est le style de BRENT COBB & THE FIXIN’S et il est aussi riche qu’attachant. Une pierre de plus à un édifice Southern Rock, qui se renouvelle encore et toujours.
BRENT COBB & THE FIXIN’S
« Ain’t Rocked in a While »
(Ol’ Buddy Records/Thirty Tigers)
Originaire d’Ellaville en Georgie, BRENT COBB est profondément ancré dans une culture sudiste, dont il maîtrise tous les contours. Auteur-compositeur, il a travaillé pour Luke Combs, Miranda Lambert, Whiskey Myers, Little Big Town, Kenny Chesney et bien d’autres. Cette fois avec son groupe THE FIXIN’S, il engage une parenthèse Rock, mettant entre parenthèse son bagage Country pour des sentiers plus bruts et rugueux. Et dans ce domaine aussi, il excelle en s’engouffrant dans des sonorités d’une réelle authenticité.
Et cette sincérité qui émane de « Ain’t Rocked In A While », on la doit tout d’abord à la production de ce septième album très roots. Réalisé en collaboration avec le très réputé Oran Thornton, BRENT COBB & THE FIXIN’S ont immortalisé ce nouvel opus lors d’un enregistrement en condition live au Black Palace de Springfield dans le Missouri. Fusionnel et incandescent, le quatuor développe une saveur très 70’s irrésistible. Sans complexe, il salue ses racines à sa façon et avec beaucoup de diversité.
En ouvrant avec une version lointaine et presque psychédélique au piano de « Beyond Measure » (qu’on retrouve électrifié en toute fin), BRENT COBB amorce un développement très chaleureux et une narration captivante. Le Sud reste présent tout au long de « Ain’t Rocked In A While » sur un groove très Soul et épais, qui va même flirter avec des ambiances Garage Fuzz. Honorant un héritage assumé, THE FIXIN’S surprend en restant assez classique (« Bad Feelin’ », « Do It All The Time », « Even It’s Broken », « Take Your Neds »).
Son groove est inimitable, tout comme le son de sa basse. Véritable institution du Rock Sudiste dans sa branche la plus musclée, proche du Hard Rock, Greg T Walker fait un retour discographique marquant avec la première réalisation de TWO WOLF. Puissant et rebelle, le jeu du quatuor fait feu de toutes parts avec des duels guitaristiques éclatants, une rythmique sismique et trois chanteurs explosifs. La Floride reste une place forte du Southern Rock, version survoltée.
TWO WOLF
« Two Wolf »
(Cleopatra Records)
Il aura fallu une dizaine d’années au légendaire Greg T Walker pour fixer enfin un solide line-up à TWO WOLF. Et s’il dirige l’ensemble, il faut reconnaître qu’il s’est entouré de fines gâchettes, à savoir l’excellent Lance Lopez et le non-moins électrisant Kris Bell. Les deux guitaristes, qui mènent de solides carrières de leur côté, se partagent le chant avec le Floridien et surtout rivalisent de fougue et de fraîcheur sur des riffs sauvages et des solos où ils se répondent brillamment dans une belle tradition sudiste respectée.
Derrière les fûts, c’est Rusty Valentine qui hypnotise le groove avec le patron et offre une belle dynamique à ce premier album éponyme. Cela dit, l’emblématique bassiste, passé chez Lynyrd Skynyrd et surtout fondateur de Blackfoot, ne reste pas très éloigné de sa formation originelle. En effet, TWO WOLF reprend « Too Hard To Handle » et « Diary of A Working Man » (issus de l’album « Marauder », sorti en 1981) et « Fox Chase » (« Tomcattin’ » – 1980) dans des variantes qui sentent la poudre et prennent ici un bon coup de jeune.
Outre l’envie très compréhensible de revisiter ces morceaux avec cette belle armada, Greg T Walker se montre toujours aussi impressionnant sur des titres composés par Kris Bell (« Will I Believe », « The Wrong Road », « Livin’ For Tomorrow ») Lance Lopez (« Romeo »), ou co-écrits (« Traveler » avec feu-Jackson Spires et « Great Spirit » avec R Luciano). Entre un Hard Rock brut et un Southern Rock intemporel, TWO WOLF traverse les générations et fait le pont entre l’héritage de Blackfoot et l’énergie d’un Black Stone Cherry avec classe.
Situé entre The Black Crowes et Chris Stapleton, AMERICAN MILE a rapidement défini son propre style, autour d’une Country-Rock très Southern et plutôt musclée. Efficace et entraînante, cette deuxième réalisation est le reflet d’un registre en pleine évolution et qui s’oxygène à travers les vibrations d’un Rock américain traditionnel. Rompu à l’exercice scénique, les quatre musiciens se montrent également impressionnants et vifs sur disque. A suivre de très près.
AMERICAN MILE
« American Dream »
(Independant)
Alors que le rêve américain a sérieusement du plomb dans l’aile depuis quelques mois maintenant, AMERICAN MILE parvient avec facilité et beaucoup de fraîcheur à nous y faire croire encore un peu, le temps du moins de ce très bon « American Dream ». Cinq ans après « The Longest Road », le groupe vient confirmer les belles choses entendues sur son premier album, en franchissant avec panache le cap du deuxième effort brillamment. Grâce à un Southern Rock qui fait l’équilibre entre Americana et Country, le quatuor a trouvé sa voie.
Bien qu’originaire de la région de Los Angeles, AMERICAN MILE laisse aussi traîner ses oreilles du côté de Nashville et a aussi parfaitement digéré les classiques du Allman Brothers Band et du Marshall Tucker Band notamment. Servies sur un plateau par la production de Bruce Witkin et Keith Nelson, les neuf nouvelles compos laissent éclater une audace et une énergie débordantes. Guidé par leur chanteur et guitariste, les autres membres donnent aussi de la voix dans une belle harmonie, et c’est un vrai plus mélodique.
Entre slide, pedal steel et orgue, l’éventail est large et complet, et AMERICAN MILE fait preuve de beaucoup de maturité dans l’écriture. Tournant de manière intense ces dernières années, le combo se montre très affûté et multiplie les ambiances à l’envie, tout en restant accrocheur et puissant dans le jeu (« Get Up & Fly », « Photograph Of You », « Waiting On A Sunday », « American Dream », « Wiggle For Me », « Straight From The Hearland »). Toujours sans label, le Roots Rock très sudiste des Californiens devrait vite se répandre.
Faire dans la nouveauté à Nashville n’est pas l’exercice le plus facile, c’est vrai. Cependant, élever le niveau et produire un album de qualité en jouant sur une monumentale expérience et un talent qui n’est plus à prouver depuis longtemps est largement dans les cordes de THE SPEAKER WARS. Son Classic Rock teinté de Southern ne souffre d’aucune faille et le plaisir des protagonistes s’entend même sur chaque chanson. « The Speaker Wars » est de ces disques à mettre entre toutes les mains.
THE SPEAKER WARS
« The Speaker Wars »
(Frontiers Music)
Il y a des rencontres qui font des étincelles et qui semblent même être le fruit du destin. Celle entre le songwriter texan Jon Christopher Davis et l’emblématique Stan Lynch en fait clairement partie. Pour rappel, ce dernier est membre du Rock And Roll Of Fame, a fondé les célèbres Heartbreakers de Tom Petty avec qui il a œuvré durant deux décennies avant d’écrire, avec succès, pour des artistes comme les Eagles, Don Henley, The Byrds, Toto ou The Fabulous Thunderbirds. Les bases sont donc solides chez THE SPEAKER WARS.
Les deux compositeurs se sont rapidement attelés à l’écriture, à Nashville, puis se sont mis en quête de musiciens. Aux côtés de Jan Michael Smith (guitare), Brian Patterson (basse), Steve Ritter (percussions) et Jay Brown (claviers), Jon Christopher Davis a pris le micro et Stan Lynch retrouve enfin sa batterie avec un sens du groove imparable. Autant dire que ça ronronne et nos deux têtes pensantes ont fait de THE SPEAKER WARS un groupe vraiment efficace et dont ce premier album éponyme ne devrait être qu’un début.
C’est à Denton, Texas, que le sextet a enregistré ce très organique « The Speaker Wars » d’où émane une douce nostalgie, celle d’un Classic Rock entre tradition et saveurs sudistes. Et si l’on retrouve quelques références notables, THE SPEAKER WARS tire magnifiquement son épingle du jeu. Après une entame très Rock et relevée, les Américains présentent une seconde partie plus Southern avec émotion et sur des mélodies entêtantes (« It Ain’t Easy », « Never Ready To Go », « When The Moon Cries Wolf », « Sit With My Soul »). Savoureux !
Le live est souvent l’épreuve de vérité et un passage obligatoire pour tous les musiciens, au-delà d’un plaisir total et d’un certain aboutissement. L’échange avec son public, une fois gravé, peut être à double-tranchant. Cependant, THE COMMONERS a réalisé de belles captations qui mettent en valeur, en relief et en perspective ce dont il est capable sur scène. L’énergie déployée sur ce « Live In The UK » gomme à elle seule quelques imperfections tout à fait acceptables et carrément pardonnables.
THE COMMONERS
« Live in the UK »
(Gypsy Soul Records)
Même si leurs débuts datent de 2016 avec « No Stranger », les Canadiens ont réellement pris leur envol avec « Find A Better Way », six ans plus tard. Depuis, ils ne cessent de tourner et ont sorti le très bon « Restless » l’année dernière. C’est justement lors de cette venue en Europe, en notamment en Angleterre, qu’ils ont enregistré ce « Live In The UK », fruit de plusieurs concerts. Et c’est vrai que les prestations de THE COMMONERS sont franchement explosives. On y retrouve toute l’énergie et l’enthousiasme de ses disques, le tout en symbiose avec son public.
Alors que le groupe s’apprête justement à fouler à nouveau les planches des salles du Royaume-Uni en élargissant cette fois sa venue en Europe à d’autres pays, ce « Live In The UK » tombe à pic, même s’il ne doit évidement rien au hasard. Passé ces considérations marketing, THE COMMONERS propose neuf morceaux issus de ses deux derniers témoignages et l’on découvre un quintet qui prend toute sa dimension sur scène. Et si l’on connait la précision et le soin apporté en studio, la fougue et l’aspect brut de ses titres sont tout aussi réjouissants.
Sans rien enlever à l’émotion qui transparait du répertoire de la formation de Toronto, son approche scénique est tout autre, et demeure très intéressante. Loin du confort du studio, c’est l’instantanéité de son jeu qui prend ici le dessus avec une sincérité et un côté très instinctif, qui nous ramènent aux fondamentaux de ce Southern Rock très roots. Finalement, c’est la communion avec ses fans qui prend tout son sens, peu importe le style, et de ce côté-là, les Nord-Américains montrent une authenticité qui nous transporte au cœur de la fosse avec un état d’esprit et une attitude hyper-Rock’n’Roll.
Photo : Halukgurer
Retrouvez justement les chroniques des deux derniers albums studio :
Décidemment, il semblerait que tout le monde se tourne vers la scène du Sud et peu importe le style. Certes, dans le Blues, il paraît assez normal et évident d’aller vers des origines avérées. Quand les musiciens issus du milieu du Metal, et pas des plus tranquilles, s’y mettent, on y regarde tout de même à deux fois… et en scrutant le pédigrée de l’aventurier. MARK MORTON, six-cordiste en chef de Lamb Of God, fait mieux de s’immiscer dans un genre pourtant loin de ses (bonnes) habitudes. Grâce à un jeu brut et direct, son côté roots fait même de son album une belle surprise. « Without the Pain » est un disque bien exécuté et convaincant.
MARK MORTON
« Without The Pain »
(Independant)
Tout d’abord, je tiens à rassurer les fans de Lamb Of God et ceux de Country Music aussi car, contrairement à ce que j’ai pu lire dans un très, très fameux magazine rocailleux français, MARK MORTON n’a pas sorti d’album de Country. Enfin, pas encore à ce jour, il me semble… Donc, histoire de rectifier un peu le tir hasardeux plein de graviers de notre belle presse nationale, le guitariste et chanteur s’est essayé (et plutôt bien !) au Rock Sudiste, c’est-à-dire au Southern Rock pour être le plus politiquement correct possible. Désolé, mais comme je sais que l’heure est aux fake news, je tenais à apporter quelques précisions. Direction donc le Sud des Etats-Unis avec ce « Without The Pain » de très bonne facture.
Alors, c’est vrai que notre tendre métalleux s’est fait plaisir en invitant quelques jolis noms plutôt associés au genre, comme le leader de Cadillac Tree, Jaren Ray Johnston, la chanteuse Country Nikki Lane, le rugueux Texan Matt James des Blacktop Mojo, le jeune Travis Denning de Georgie, ainsi que Charlie Starr et Jason Isbell de Blackberry Smoke, le très Outlaw Cody Jinkx, la jeune et talentueuse guitariste Grace Browers déjà chroniqué ici, ‘Mr Larkin Poe’ Tyler Bryant, le frontman de Clutch, Neil Fallon, le guitariste de Blues Rock Jared James Nichols et enfin le bassiste et chanteur de Mastodon Troy, Jayson Sanders… Il manque donc Dolly Parton à cette grand-messe de la Country orchestrée par MARK MORTON !
Assez éloigné donc des Miranda Lambert, Lainey Wilson et autres Carrie Underwood, on est plutôt ici dans les pas du Pride & Glory de Zakk Wylde, voire plus récemment de Cory Marks. Ne nous y trompons pas, le musicien originaire de Virginie, a mis le cap au Sud en sortant les muscles, et on n’en attendait pas moins de lui. Il prend à bras le corps le Southern Rock avec l’héritage très Metal qu’on lui connaît. Et ça sonne ! Les riffs épais et tranchants, un songwriting aux petits oignons et des solos de grande classe font de ce deuxième effort en solo de MARK MORTON un moment bien pensé et agréable. Proche des standards du genre, il lui manque cependant encore un peu d’identité franchement Southern. Propre et soutenu.
Bientôt deux décennies que les Lyonnais de DIESEL DUST distillent leur Southern Rock à travers l’hexagone. Sorti l’an dernier, « Just Another Day… » est probablement l’album le plus abouti du sextet, tant dans la qualité des compositions que dans sa production très soignée. Guitariste et fondateur du groupe, Raphaël Porcherot est l’un des garants de ce temple aussi rassembleur que généreux, et où les guitares rivalisent avec un harmonica devenu aussi emblématique de sa couleur musicale. Tout en revendiquant des références américaines, le groupe a également su trouver ses marques pour devenir une valeur sûre de la scène française. Entretien avec le principal compositeur d’une formation fraîche et pêchue.
– Il y a un peu moins d’un an, DIESEL DUST sortait son troisième album complet près de 20 ans après « Ghost Dance » en 2006. C’est un disque positif et volontaire, qui résume finalement assez bien votre parcours et votre état d’esprit, je trouve. Est-ce aussi ton sentiment : des passages d’obstacles et l’envie comme moteur ?
Oui, je pense que cela résume exactement l’état d’esprit du groupe. Le retour de DIESEL DUST puise son fondement dans le confinement dû au Covid et les épreuves qui lui ont été liées. Isolement, enfermement, décès, etc… Pendant cette période difficile, j’ai écrit et composé quelques morceaux pour dire les choses et évacuer les idées noires, particulièrement le décès de mon père. Ce sont ces premiers morceaux qui m’ont fait décrocher le téléphone et demander à Nico (l’harmoniciste – NDR) si ça lui disait de reprendre le groupe. Sa réponse a été immédiate et positive. Ainsi, l’écriture a continué avec cette envie viscérale d’entendre à nouveau le groupe déverser son Rock. Bon, nous faisons du Rock en France, qui plus est du Southern Rock, alors les obstacles sont nombreux. Mais l’envie est à son maximum ! (Rires)
– Justement, le Rock Sudiste en général a quelque chose d’intemporel qui vient de ses fondations-mêmes. Etonnamment, c’est la réflexion que je me suis faite en écoutant « Ghost Dance », puis « Just Another Day… » dans la foulée. Il y a une réelle continuité dans le son comme dans les morceaux. Est-ce le fruit d’une démarche artistique qui s’est imposée d’elle-même et qui résume l’essence de DIESEL DUST ?
L’intemporalité nous sied à merveille, elle permet d’effacer, en quelque sorte, ces années pendant lesquelles nous avons mis le groupe au repos. (Sourires) La continuité dans le son, les messages et l’expression de DIESEL DUST ont plusieurs facteurs. Le fait que je sois jusqu’alors le seul à écrire et composer en est un. Mais le groupe fonctionnant comme une famille, on trouve un équilibre certain en live, dans la vie en général et bien entendu lorsqu’il s’agit des arrangements des morceaux. C’est la source de notre couleur artistique. Enfin, la volonté de vouloir respecter le style, avec ses origines multiples teintées de Blues, de Country et de Rock, oriente notre musique vers une véritable signature sonore qui fait que DIESEL DUST se reconnait facilement et est accepté par tous comme un véritable combo Southern Rock.
– Raphaël, tu es le principal compositeur du groupe depuis ses débuts. On peut donc affirmer que DIESEL DUST porte ton empreinte. Pourtant, vous êtes six musiciens. Es-tu le seul à avoir des velléités d’écriture, et est-ce que certaines structures ou arrangements peuvent aussi se faire de manière collégiale parfois ?
J’ai effectivement écrit l’intégralité des précédents albums, mais la nouveauté avec le line-up actuel fait que les membres de DIESEL DUST ont aussi des velléités de composition. Nous sommes donc actuellement dans une démarche de création musicale de groupe et c’est un plaisir fantastique que d’être ensemble à chercher des idées et les mettre en forme. Cela va enrichir d’autant la palette ‘Dieseliste’ et promettre un futur album encore plus enraciné dans la continuité moderne de notre son et de nos influences diverses. Je pense que nous allons intégrer ces nouvelles compos à la setlist des lives au fur et à mesure de leur finition, afin de les présenter au public.
– Comme presque toujours dans le Southern Rock, les parties de guitares sont essentielles et DIESEL DUST ne déroge pas à la règle. Outre les riffs, les solos sont primordiaux et vous n’êtes pas en reste, loin de là. Ils font d’ailleurs souvent l’objet de beaux duels sur scène. Est-ce que vous les travaillez dans ce sens avec une marge d’improvisation pour les concerts ?
Plus que des duels, ce sont de véritables voyages en communs que représentent les chorus et les questions-réponses des solos. C’est l’un des aspects magiques indéniables du Southern Rock. Les chevauchées solistes des instruments sont permises et encouragées, comme à l’époque de ses origines, dans les 70’s. Il suffit d’écouter un live des Allman Brothers ou le « Free Bird » de Lynyrd Skynyrd pour l’entendre. Cela permet à chacun de s’exprimer pleinement et de mettre ses particularités de jeu au service de l’entité du groupe. Nous avons la chance d’avoir deux guitares et un harmonica qui peuvent envoyer des solos puissants et nous en profitons. Côté improvisation, pour le moment, nous laissons peu de place à cet aspect, même si parfois nous nous offrons la liberté de sortir du chemin tracé. Nous sommes dans une période où nous souhaitons imposer l’album « Just Another Day… » et nous faisons tout pour que le public reconnaisse les différentes parties, notamment les solos qui sont écrits note par note. Mais oui, l’impro reste une merveille sur scène et nous comptons bien lui donner plus de volume à l’avenir. C’est aussi ça l’essence du Rock, ne pas rejouer les albums à l’identique.
– J’aimerais que l’on dise un mot de l’univers visuel du groupe. L’imaginaire américain est très présent avec les peuples amérindiens également. Comment s’est fait ce choix et est-ce que c’est plus ou moins incontournable dans le Rock Sudiste, selon toi ?
Comme je le disais, nous respectons le style dans lequel nous évoluons. Le Southern Rock est né dans le Sud des Etats-Unis, là où effectivement l’image de l’Amérique est quasi sacro-sainte avec ses certitudes et ses exagérations. Ce que je retiens de cet aspect des USA dans les textes est surtout du domaine des routes poussiéreuses et du sentiment de liberté intense, réelle ou imaginaire. Le volant d’un pick-up entre les mains, du Rock Sudiste à fond dans les oreilles et on fait des milliers de kilomètres sans s’en rendre compte avec le sourire aux lèvres. C’est mon image de l’Amérique, rassurante et sans aucun doute idéalisée. Les Amérindiens ont régulièrement été évoqués dans les textes de Southern Rock, mais plutôt de manière mythologique ou poétique, souvent loin de la réalité. Toutefois des groupes comme Blackfoot ont carrément intégré dans leur chanson leur héritage, musicalement évidemment, mais aussi dans leurs traditions, ne serait-ce qu’en rappelant leur rapport à la Terre. C’est ce qui m’a frappé dans la découverte de cette culture. Elle inspire nombre de mes textes. La sagesse des lettres de Sitting Bull m’a littéralement ouvert les yeux sur ces peuples. La capacité à respecter la nature et ce qu’elle offre. La résistance de la grandeur du cœur devant les horreurs comme le massacre des familles Cheyennes à Sand Creek en 1864. De même, la générosité tribale et la force de la famille sont autant de sujets, qui font que les Amérindiens font partie intégrante de notre musique, car c’est une source d’inspiration pour tenter d’ouvrir les yeux sur les dérives de notre civilisation actuelle.
– Contrairement à ce que l’on peut penser dans l’inconscient populaire, vos textes dégagent beaucoup de générosité avec des messages de paix et de tolérance, comme c’est d’ailleurs très souvent le cas dans le registre. Est-ce que l’actualité de notre société nourrit aussi vos paroles, ou ont-elles un aspect plus intemporel et universel ?
Les deux. Nous vivons dans un monde qui n’a rien appris des leçons du passé, et qui est au bord de l’effondrement à cause de la haine, de la différence, de la religion et de l’égoïsme. Autant de sources d’aveuglement et de dissentions qui poussent les hommes à oublier que leur planète est fragile, et leur vie et leur existence encore plus. Le Southern Rock est souvent critiqué et soupçonné de diverses dérives en particulier à cause du drapeau confédéré arboré par nombre de groupes du genre. S’il est historiquement un symbole de rébellion du Sud de l’esclavage dans la guerre de Sécession, il est aujourd’hui une bannière musicale pour nous. Depuis toujours, beaucoup de musiciens du genre ont diffusé des messages d’unité et de tolérance à l’instar du Allman Brothers Band. On trouvera toujours des textes pour dire le contraire, chaque artiste est maître de ses propres mots, mais de manière générale, les messages sont plutôt positifs. Le Rock Sudiste est complexe. Il reflète la richesse de la culture du Sud d’une part et les tensions raciales des Etats qui le composent d’autre part, et il s’en trouve donc décrié. C’est pour cela que je trouve qu’il est le véhicule idéal pour prêcher la bonne parole du respect des hommes, de la tolérance et de la défense de cette mère qu’est la Terre.
– Le Southern Rock de DIESEL DUST est assez complet et ne penche pas véritablement d’un côté en particulier, comme c’est souvent le cas avec certains qui portent plus sur l’aspect Blues, le Hard Rock ou la Country. Est-ce un choix qui s’est fait dès le départ, assez naturellement, ou c’est un équilibre qu’on trouve au fil du temps ?
C’est un véritable équilibre naturel depuis la création du groupe, qui prend encore plus de sens avec le line-up actuel. Même si nous surfons toujours sur les racines du Southern Rock originel, nous intégrons nos différences pour enrichir et moderniser notre musique. Avec David (guitare) qui joue du Joe Satriani, Micka (basse) qui vient de école Punk et Jazz-Rock, Joss (batteur) qui évolue dans le Metal, Max (chant) qui est issu plutôt du Rhythm’n’Blues, Nico (harmonica) du Blues et Southern rocker convaincu, et moi-même (guitare) emprunt de Blues et de musique 70’s, il y a de quoi faire des recettes détonantes et savoureuses. C’est un aspect extraordinaire du style, car il se nourrit et s’enrichit sans cesse de toutes les musiques : Jazz, Rock, Blues, Country, irlandaises, traditionnelles, etc…
– DIESEL DUST a aussi la particularité de compter dans ses rangs un harmoniciste, Nico, et pas de manière anecdotique. C’est suffisamment rare pour être souligné. Il intervient d’ailleurs un peu en électron libre. C’est un instrument que l’on entend assez peu souvent dans le Southern Rock et il forge aussi votre identité. C’est une manière de souligner votre côté bluesy et peut-être de palier l’absence de claviers ?
Il est clair que Nico apporte une identité bluesy marquée et nécessaire dans notre style. Il ne pallie pas l’absence de claviers, il est un instrument libre à part entière, qui répond tantôt au chant, tantôt joue en solo ou crée des nappes de soutien. Il apporte de la richesse à notre palette sonore. Cela fait 20 ans que nous partageons la scène et la joie de jouer ensemble est intacte. Du coup, son harmonica est indispensable à la sonorité particulière de DIESEL DUST.
– « Just Another Day… » dispose d’une très bonne production dans un ensemble équilibré et des arrangements très soignés. Et puis, il a été masterisé aux studios Abbey Road. C’était important pour la touche finale d’apporter un certain éclat ? Et en quoi cela fait-il la différence, selon toi ?
C’est un choix dès le départ que de soigner l’ensemble de la production de l’album. C’est un investissement lourd, mais notre souhait était d’offrir un joyau, tant au niveau sonore qu’au niveau design. Les arrangements sont très importants pour nous, parce qu’ils permettent de mettre un écrin autour de la composition. Le design de la cover a été concocté par Pegpixel, un jeune créateur talentueux qui s’est appliqué à marier le texte de « Just Another Day… » à l’imagerie de DIESEL DUST et c’est une parfaite réussite. Le choix d’Abbey Road, pour la seconde fois déjà, réside dans le fait que ce studio représente pour moi en particulier, mais pour nous tous, la légende du son Rock, dans lequel j’ai été bercé et aussi une certaine fierté, reconnaissons-le. (Sourires) Mais aussi et surtout, la qualité de travail hors normes qui est la leur, a mis en valeur ce que le studio de la Soierie, où nous avons enregistré et mixé, a magistralement mis en boite. Abbey Road a fabriqué les laques pour presser le double vinyle, ce qui lui confère une qualité sonore irréprochable. Le CD et les pistes pour les plateformes numériques ont aussi été édités par eux. C’est en quelque sorte une véritable déclaration d’amour au public, qui écoutera notre album, que de travailler avec des monstres techniques pareils.
– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot sur la scène Southern française. Elle frémit tout doucement, mais reste bien trop discrète. Quel regard as-tu sur sa situation ? Te donne-t-elle parfois des envies d’ailleurs, surtout lorsqu’on voit l’effervescence de la scène américaine ?
Il y a tant à dire sur la France et le Rock. Trouver des dates et des débouchés dans notre pays quand on officie dans le Rock est un parcours semé d’embuches, et dans le Southern Rock, une voie presque sans issue. Ce n’est pas dans la culture de notre pays que de mettre le Rock en avant, même si on voudrait tous que cela change. Il est certain que nous avons envie d’ailleurs, de ces pays comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne pour ne citer qu’eux en Europe, qui ont un véritable amour du Rock et de tous ses styles. ‘Ailleurs’ nous apparait plus ensoleillé, c’est certain. Pourtant le Southern Rock en France possède des groupes tels que Natchez, Calibre 12, Bootleggers pour parler des plus connus, mais aussi The Owl Band, The Redneck Roots Band, Mainstreet, Gunsmoke Brothers Band et bien d’autres. C’est la confidentialité de la diffusion du genre, qui donne l’impression que ce style est peu représenté dans l’hexagone. Il faudrait que les festivals se dérident un peu dans leur programmation en arrêtant de tous programmer les mêmes choses et, pourquoi pas, que nous puissions avoir en France un véritable festival de Southern Rock. A méditer…
Le dernier album de DIESEL DUST, « Just Another Day… » est disponible chez Brennus Music.