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Burn On The Bayou : swamp symphony

Diriger une maison de disques ne consiste pas seulement à sortir des albums, cela permet aussi de monter de beaux projets et, lorsqu’une collectivité artistique unie est à l’œuvre, cela offre aussi la possibilité d’avancer vers sur un dessein commun. Avec BURN ON THE BAYOU, une trentaine de ‘groupes maison’ s’est attelé à rendre un hommage hors-norme à Creedence Clearwater Revival de la plus heavy des manières qui soit. Masterisée par Kent Stump des légendaires Wo Fat, cette première compilation de Ripple Music est unique en son genre.   

BURN ON THE BAYOU

« A Heavy Underground Tribute To Creedence Clearwater Revival »

(Ripple Music)

C’est en 2021 que Todd Severin a décidé de fonder le label Ripple Music avec John Rancik. Basé à San Reno en Californie, il est aujourd’hui une instruction dans les domaines du Stoner, du Doom, du Heavy Rock, du Fuzz, du Metal underground, du Psych et affiliés. Avec une portée internationale, son catalogue en impose et compte parmi les incontournables du genre. Jamais à court d’idées, le boss a proposé à plusieurs groupes de sa belle écurie de reprendre à leur compte un morceau du mythique Creedence Clearwater Revival et voici BURN ON THE BAYOU, un double-album aussi surprenant que passionnant.

Cependant, c’eût été trop simple et évident de rendre un hommage à un représentant phare du registre de Ripple Music, dont l’influence aurait pesé sur tout le monde (oui, on pense aux mêmes !). Non, il fallait créer la surprise et Creedence Clearwater Revival et son appartenance au Bayou se sont rapidement imposés. A noter au passage l’excellente reprise du classique « Born In The Bayou », datant de 1969 sur l’album « Bayou Country », par Hot Spring Water. La grande majorité des artistes ici sont de près ou de loin attachés à la brume et la boue des marécages et c’est donc avec beaucoup de naturel que ces 32 morceaux brillent d’un nouvel éclat.

S’ils ne sont, bien sûr, pas de la génération de John Fogerty et sa bande, la majorité des formations ici présentes étant pour l’essentiel américaines, elles ont toutes plus ou moins grandi au son des hits des gars de la baie de San Francisco depuis leur opus éponyme en 1968. Evidemment, BURN ON THE BAYOU n’élude aucune de ces pièces maîtresses de l’Histoire du Rock. On retrouve donc sans surprise, mais avec beaucoup de plaisir, « Fortunate Son », « Suzy Q », « Rumble Tamble », « Bad Moon Rising », « Sailor’s Lament », « Proud Mary », « Heart It Through The Grapevine », « Cotton Fields », « Lodi », « Midnight Is The Right Time » et quelques autres.

Ce qui est étonnant, et très agréable aussi, c’est de voir avec quel respect chaque groupe interprète les morceaux de Creedence Clearwater Revival, tout en restant dans son propre registre qu’il soit Stoner, Doom, Psych, … Sur le papier, certaines covers sont aux antipodes des originales et pourtant l’ensemble est exceptionnel, d’une grande justesse et surtout dans l’esprit des compositeurs. Enfin, sur la trentaine de combos, on retrouve Bone Church, Great Electric Quest, Kind, High Priestess, Kabbalah, La Chinga, Thunder Horse, Void Vator, War Cloud, Curse The Son, Cortez… Du beau monde et des habitués du site !  

Todd Severin, patron de Ripple Music
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Sludge Stoner Metal

Sycomore : une violente secousse

Depuis un petit moment, l’Hexagone s’est forgé une solide scène en termes de Metal extrême et on peut affirmer sans mal qu’il se taille la part du lion dans bien des registres. C’est ainsi le cas avec SYCOMORE et son Sludge Metal fracassant, dont « Antisweet » vient démontrer à la fois la force, mais aussi la capacité à puiser dans d’autres styles pour durcir le sien. Sans limite donc, mais non sans unité et une ligne musicale radicale et foudroyante.

SYCOMORE

« Antisweet »

(Source Atone Records)

T’as vu la sucette et t’es venu chercher un peu de douceur, c’est ça ? Alors, passe ton chemin, car le power trio n’a toujours pas l’intention de câliner son auditoire, mais plutôt de sévèrement le bousculer. Oppressant, rugueux et sauvage, ce quatrième album (et le premier chez Source Atone Records) va encore plus loin que ce à quoi SYCOMORE nous avait habitué jusqu’à présent. Non que le groupe ait réduit son champ d’action pour livrer de nouvelles compos d’un brutal nihilisme, ce serait même plutôt l’inverse.

Massif et fulgurant, le Sludge Metal des Amiénois se nourrit de ce que le monde d’aujourd’hui propose, à savoir de la colère et des frustrations qui émanent directement d’une atmosphère chaotique souvent étouffante. Pourtant, parmi les nombreuses déflagrations à l’œuvre sur « Antisweet », SYCOMORE laisse échapper quelques ambiances progressives et post-Metal, auxquelles se mêlent des sonorités Stoner bien sûr et plus étonnamment d’un Grunge très Noisy.

Ici, les dés ne sont pas pipés et dès « Eternal Watts », le combo ouvre sur l’une des rares éclaircies avant le déferlement musclé qui va suivre. La rythmique secoue et donne parfois le vertige, les riffs sont explosifs et épais, tandis que le duo vocal ne fait qu’un dans une énergie foudroyante. Agressif mais nuancé, SYCOMORE étend son travail de sape sur tout le disque (« Like Sulphur », « Drink Water », « Parallel Lines ») et livre même des instants Black Metal, avant de donner le coup de grâce avec « Captain Vitamin ». Rageur !  

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Heavy Stoner Rock

Dune Pilot : une alchimie très magnétique

Ce troisième opus de DUNE PILOT porte vraiment bien son nom. Accrocheuse, solide et véloce, la saveur très brute des titres de « Magnetic » brille par les multiples nuances à l’œuvre. Accélérations, changements de tempos, passages planants et breaks bien sentis, tout est réuni pour une invitation à un voyage musical intense et captivant. Entre Heavy Stoner et Hard Rock, le combo se fraye un chemin fascinant.

DUNE PILOT

« Magnetic »

(Argonauta Records)

Cela va faire dix ans que les Munichois peaufinent les réglages de leur Stoner Rock. Partagé entre le respect des classiques, on pense ici à Kyuss, Fu Manchu et Monster Magnet, et des envies plus libérées et sauvages façon Black Stone Cherry et Damn Junkees, DUNE PILOT a façonné un style où la puissance du fuzz se mêle au groove du Hard Rock. Et grâce à la voix rugueuse et imposante de son frontman et fondateur, Andris Friedrich, on est littéralement propulsé, et sans ménage, dans un univers hyper-Rock.

On doit très probablement ce sentiment d’urgence et d’immédiateté au fait que le quatuor enregistre ses albums en conditions live, comme il l’a fait pour « Wetlands » et « Lucy », ses premières réalisations. « Magnetic » ne manque donc pas de fraîcheur, malgré un aspect massif et dévastateur assez jubilatoire. Et si la rythmique se fond pour parfois se perdre dans un dédale aussi soutenu que brumeux de riffs incendiaires, DUNE PILOT lâche les chevaux et devient franchement indomptable.

Les Allemands ouvrent ce nouvel opus avec le morceau-titre, finalement très représentatif du contenu qui suit. Groovy et chaleureux, les morceaux s’enchaînent et même s’ils ont tendance à assommer avec ce côté très frontal, les mélodies prennent le dessus avec force (« Take Your Lies », « Next To The Liquor Store », « Vile », « Let You Down »). Tout en maîtrise et très inspiré, DUNE PILOT distille un Stoner Heavy à souhait et inspiré par un Hard Rock assez positif, qui lui donne un semblant de légèreté… un semblant seulement !  

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Heavy Psych Rock Stoner Blues

Ritual King : souverain

En moins de dix ans d’existence, le groupe de Manchester a pris tellement de hauteur qu’il atteint dès son deuxième effort des cimes inouïes. Sensible et authentique, le jeu de RITUAL KING offre une sensation de grande découverte et à la fois d’une évidence absolue. Maîtrisant toutes les facettes d’un registre très élargi, c’est vrai, le combo de Manchester s’ouvre des voies et des espaces musicaux hypnotiques et capables de déclencher aussi des instants de fureur parfaitement canalisés. « The Infinite Mirror » est rassembleur et tellement instinctif.

RITUAL KING

« The Infinite Mirror »

(Ripple Music)

Depuis 2016, RITUAL KING pose et impose son style sur la scène Stoner anglaise notamment. Dès « Earthrise », EP sorti en 2018, le trio n’a eu de cesse de faire reculer les frontières du genre. Il y a trois ans, c’est avec son premier album éponyme qu’il a véritablement affiné et peaufiné son style si particulier. S’inspirant des pionniers du genre en maintenant ce côté brut, souvent rugueux et sauvage, Jordan Leppitt (guitare, chant), Dan Godwin (basse) et Gareth Hodges (batterie) continuent leurs expérimentations à base de Psych, de Classic Rock et d’un Heavy Blues ravageur.

Toujours aussi surprenants et créatifs, les Britanniques entretiennent une certaine tradition, qu’ils se sont tellement bien appropriés qu’ils en font aujourd’hui ce qu’ils veulent. « The Infinite Mirror » se présente donc comme un album très abouti, constitué de seulement cinq morceaux généreusement longs et faits de paysages sonores très changeants, dans lesquels on se plonge au gré des solos bluesy, des cavalcades rythmiques massives et de ce chant lointain et hypnotique. RITUAL KING n’a pas son pareil en termes d’approche, tant les territoires sonores sont multiples et uniques.

Expansifs et très immersifs, les Mancuniens prennent le temps de poser des atmosphères saisissantes et dès « Flow State », on découvre que « The Infinite Mirror » ne sera définitivement pas comme son prédécesseur. Faisant la part belle aux longues plages instrumentales, RITUAL KING s’exprime pleinement à travers des passages aériens captivants comme des solos brûlants, où le côté Heavy Blues prend le dessus grâce à son guitariste. Véritable kaléidoscope Psych et Stoner, ce deuxième opus brille par sa maturité et son sens narratif (« Landmass », « Tethered » et le morceau-titre). Magistral !

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Alternative Rock Heavy Rock Stoner Rock

Dirty Black Summer : les brisures de l’âme

Résolument moderne, les références des Niçois ont pourtant surgi quelques décennies en arrière, tournées vers un Rock Alternatif aussi explosif que rugueux et aux accents Stoner très prononcés. DIRTY BLACK SUMMER ne s’interdit d’ailleurs pas quelques sonorités Metal, ce qui n’a rien de surprenant étant donné le pédigrée de ses musiciens. Après un EP il y a deux ans, ce premier album, « Gospel Of Your Sins », est très consistant, vivifiant et il passe véritablement la Baie des Anges à la sulfateuse.

DIRTY BLACK SUMMER

« Gospel Of Your Sins »

(Nova Lux Production)

Créé au coeur de la pandémie par des membres de groupes de Metal extrêmes comme une sorte de palliatif à cette triste époque, DIRTY BLACK SUMMER avait pourtant apporté beaucoup de fraîcheur avec son premier EP, « Great Deception », un six-titre aussi fougueux que mélodique et accrocheur. Les azuréens ne cachaient d’ailleurs pas leur désir de retrouver leurs premières sensations musicales, lesquelles se situent dans les années 90 et chez des groupes comme Soundgarden et Pearl Jam notamment. Mais leur vision est plus sombre et très actuelle ici.

S’il reste un petit côté Alternative Rock légèrement mainstream, DIRTY BLACK SUMMER a considérablement durci le ton et le style affiché sur « Gospel Of Your Sins » est clairement ‘blackened‘. La tonalité du chant est également plus agressive et directe, même si le travail sur les voix est toujours aussi conséquent. Le quintet a mûri son registre et l’énergie déployée est franchement électrique. Le combo sort les crocs et les riffs très massifs et Stoner apportent une densité très solide aux dix titres. Le registre est aussi nettement plus personnel et les compositions plus percutantes.

Racé et tendu, ce premier opus est très organique dans le son et profondément humain dans les textes. DIRTY BLACK SUMMER explore nos failles et même si l’atmosphère est plus obscure, c’est une sorte de libération à laquelle il se livre. Le duo de guitaristes fait des merveilles et redouble de puissance, tandis que la rythmique martèle avec fermeté sur le chant acéré d’un Michael Khettabi très en verve et combatif (« All Saints », « Toxik Boy », « At The Devil’s Night », « Spit On My Grave », « Nothingness » et le morceau-titre). Monumental !

Retrouvez la chronique du premier EP :

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Doom Heavy Psych Rock Metal Stoner Doom

Occult Hand Order : une captivante noirceur

Sombre et ténébreux, « Silence By The Raging Sea » regorge de détails qui viennent se nicher avec une belle fluidité au creux des morceaux, qui se découvrent et se dévoilent un peu plus à chaque écoute. Stoner autant que Metal, le subtil Doom d’OCCULT HAND ORDER tend également vers le post-Rock et le Prog Rock 70’s avec une musicalité très organique. L’esthétisme poétique des Français peut paraître brumeux de prime abord et pourtant un bel éclat s’en échappe.

OCCULT HAND ORDER

« Silence By The Raging See »

(Independant)

Après des débuts remarqués avec un bon premier album éponyme en 2019, un an tout juste après sa formation, suivi du EP « The Chained, The Burned, The Wounded » qui a confirmé son intension et ses ambitions, OCCULT HAND ORDER semble décidé à passer à la vitesse supérieure. Pourtant autoproduit, le trio a confié le mastering de « Silence By The Raging Sea » au grand Magnus Lindberg, qu’on ne présente plus, pour un résultat très convaincant qui fait honneur aux morceaux de ce nouvel opus.

Sur six titres étendus, les Lyonnais prennent le temps de poser des atmosphères sur des structures psychédéliques et progressives qui se distinguent par des passages faisant l’équilibre entre des moments rugueux et dynamiques et d’autres légers et aériens. OCCULT HAND ORDER parvient à définir et distinguer son univers unique forgé de Stoner et de Metal avec beaucoup de précision, grâce également à une très bonne production. Très Doom, « Silence By The Raging Sea » a également des saveurs 70’s très envoûtantes.  

Sur des ambiances occultes (forcément !) et ésotériques, le power trio parvient rapidement à captiver et le chant lointain se fait même incantatoire et parfois légèrement chamanique, tant il donne l’impression de s’évaporer. De plus, OCCULT HAND ORDER étonne encore sur la richesse instrumentale qu’il affiche malgré une formation assez restreinte. Les teintes sont multiples, les fulgurances transcendent et les mélodies portent l’ensemble avec générosité (« Sink », « Pyre », « Fever », « Tidal Waves »). Renversant !

Photo : Quentin Dassibat
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Desert Rock post-Rock Psych

Yawning Balch : vers de nouveaux paysages

L’inspiration est hors-norme, la production ne souffre d’aucune lacune et l’ensemble est techniquement imparable. Avec ces deux volumes issus d’une journée unique, où les membres de Yawning Man et Bob Balch de Fu Manchu se sont rassemblés, non pour batailler mais pour communier, YAWNING BALCH révèle des aspects musicaux insoupçonnés de la part de ces quatre musiciens très expérimentés. Le voyage est total et les images défilent…   

YAWNING BALCH

« Volume Two »

(Heavy Psych Sounds Records)

Suite à un somptueux « Volume One » en juillet dernier, voici la suite et elle est aussi exceptionnelle que l’entame. Pour rappel, Gary Arce (guitare), Billy Cordell (basse) et Bill Stinson (batterie) de Yawning Man ont convié il y a un an presque jour pour jour le guitariste et claviériste de Fu Manchu, Bob Balch, à une belle et longue jam à Joshua Tree dans le désert californien. De ces cinq heures, YAWNING BALCH en a extrait deux albums vraiment incroyables, où il s’est livré à de multiples expérimentations.

Toujours entièrement instrumental, ce « Volume Two » tient bien sûr toutes ses promesses et il s’inscrit dans une continuité, dont la créativité reste le moteur principal. Balch et Arce s’étaient juste entendus sur le fait qu’ils souhaitaient tous les deux multiplier les effets de guitares en utilisant un maximum de pédales. Et le résultat est saisissant. Sur une base Desert Rock, YAWNING BALCH nous replonge dans un post-Rock psychédélique, dont l’élan semble si naturel qu’on peine toujours à croire à une simple jam.

Rien de calculé donc, le quatuor se laisse simplement aller à une improvisation que le talent des Américains rend incroyablement immersive et rapidement addictive. Avec seulement trois morceaux (« A Moment Expanded (A Form Constant) », « Flesh Of The Gods » et « Psychic Aloha »), qui s’étendent sur 40 magnifiques minutes, YAWNING BALCH envoûte comme personne et réalise la jonction parfaite entre Desert Rock, post-Rock et psychédélisme. Ces quatre-là savent y faire et le plaisir est tellement bien partagé.

Retrouvez la chronique du « Volume One » :

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France Heavy Stoner Rock

Appalooza : pur-sang [Interview]

Depuis son premier effort éponyme en 2018, l’ascension d’APPALOOZA est fulgurante et en l’espace de seulement trois albums, le trio s’est forgé une identité musicale très personnelle. Basé sur un Stoner Rock rugueux et massif que des sonorités et des sensations très tribales viennent percer, le style des Brestois s’affine au fil du temps et « The Shining Son » montre à quel point l’évolution est plus que palpable. Enigmatique, solaire et dévastatrice, cette nouvelle production surclasse les précédentes grâce à des envolées sismiques, des éclaircies acoustiques radieuses et un chant captivant. Sylvain, aka ‘Wild Horse’, guitariste et chanteur, revient sur l’univers du groupe et à travers lui la vision singulière de l’entité du combo.

– Il y a deux ans, beaucoup vous ont découvert avec votre deuxième opus, « The Holy Of Holies ». Quelques mois plus tard, vous reveniez avec l’EP « Live At Smoky Van Sessions ». Quels étaient l’intention et l’objectif de ce format court juste après l’album ?

L’objectif était de proposer une version live de trois titres issus de notre second album, « The Holy Of Holies ». Nous avons toujours aimé ces deux dimensions chez un artiste. En studio, il y est proposé quelque chose de complet, de produit, de colorisé. En live, il y a peut-être moins d’éléments, mais cela est compensé par l’énergie et une certaine puissance qui peut combler une seconde guitare ou d’autres arrangements.

– Vous sortez aujourd’hui « The Shining Son » toujours chez Ripple Music, légendaire label américain dédié notamment au Stoner et ses dérivés. Qu’est-ce que cette signature a changé pour vous ces dernières années ?

Nous sommes heureux d’être aux côtés d’autres artistes et groupes de cette scène, car cela permet de s’ouvrir et d’exister également dans une communauté d’artistes. C’est ce que nous avons chez Ripple Music. Nous avons également trouvé un accompagnement que nous recherchions sur du long terme, en ce qui concerne le rétro-planning lié à un album (singles, clip vidéos, etc). Il y avait aussi un souhait de réaliser des vinyles de bonne facture et de qualité, c’est en partie ce pourquoi nous avons voulu travailler avec Ripple Music.

– Avec « The Holy Of Holies », vous aviez dévoilé une identité visuelle forte que vous développez cette fois encore sur « The Shining Son ». Peux-tu nous en parler un peu plus d’autant qu’elle définit aussi le concept d’APPALOOZA ? D’ailleurs, c’est toi qui la signes…

Je suis en effet artiste plasticien et tatoueur sous le pseudonyme de ‘Wild Horse’. Lorsque j’étais enfant, je scrutais les vinyles et je découvrais les pochettes d’albums en grand format. Je passais de longues heures à contempler les visuels, chose que je ne faisais pas vraiment avec les CD à cause de leur petite taille. Inconsciemment, j’ai compris que ce format signifiait d’avantage en ce qui concerne l’art et le concept d’un album. La musique et l’univers graphique ne font qu’un.

J’aime raconter des histoires musicalement et visuellement parlant. Il m’a donc paru nécessaire d’illustrer la musique que nous réalisons. Et en ce qui concerne la technique plastique, les visuels sont réalisés à l’encre de chine en dotwork (pointillisme) et aquarelle pour les couleurs et textures. Il y a un côté autant réaliste que graphique que j’aime lier.

– Revenons à votre musique et ce nouvel album, où l’on retrouve votre empreinte et les thématiques présentes sur le précédent disque. Votre volonté au départ était de relier les morceaux entre-eux pour les faire tenir dans une même histoire ?

Relier les morceaux et créer une sorte de concept-album n’a jamais été réalisé consciemment. Les choses viennent comme elles viennent et les chansons se composent dans la majeure partie des cas naturellement. Pour « The Shining Son », je ne savais pas vraiment s’il allait être question d’une suite. Mais j’ai plutôt été amusé de me rendre compte qu’inconsciemment tout cela racontait plus ou moins la suite des évènements de « The Holy Of Holies », tout en gardant un double-sens dans les paroles.

Le premier album, « Appalooza », raconte la bêtise de l’homme et tout ce qui en découle, c’est-à-dire la manipulation, l’exploitation de l’homme par l’homme, l’obsolescence programmée, mais aussi le temps qui passe.

« The Holy Of Holies » traite de l’absence de Dieu sur terre dû à la déception de ce dernier vis-à-vis de l’être humain. L’homme, en colère, va donc réveiller un démon pour le vénérer.

« The Shining Son » raconte comment il exerce son pouvoir sur Terre, mais aussi comment il va être terrassé par le fils prodige, le sauveur. Il y a un double-sens avec le manipulateur, le rapport de force dans un couple, la tyrannie et comment l’enfant est souvent mis à rude épreuve, comment il doit malheureusement prendre parti et se battre pour sauver sa mère des griffes du père violent et tyrannique, aka ‘The Horse’/’Azazael’. Mais il y a toujours cette bêtise humaine qui est traitée, l’homme étant l’ennemi de l’homme, à travers les guerres de religions, les génocides autochtones…

– A propos d’histoire, ‘The Horse’ semble véritablement être le quatrième membre du groupe, à moins qu’il n’incarne justement l’entité d’APPALOOZA. Peux-tu nous en dire un peu plus à propos de ce ‘démon’ ?

A vrai dire, ‘The Horse’ est le premier membre du groupe. Nous nous amusons à raconter que c’est lui qui nous a réunis. Il est en fait celui qui tire les ficelles. Mais c’est également une sorte de bouc émissaire. Il est le producteur qui crée un groupe de Rock, il représente la société de consommation et l’obsolescence programmée. Il est le père de famille tyrannique et manipulateur. Il est le démon qui exerce son pouvoir sur Terre. Il est le colon qui décime un peuple tout entier. Il représente la mort et le temps qui passe. Au final, il est la réincarnation, le fantôme et le spectre de tout ça à la fois.

– Si on retrouve toujours cette atmosphère où des sonorités Grunge et Alternative Rock se mêlent à votre Stoner Rock, « The Shining Son » semble plus Heavy que « The Holy Of Holies ». L’idée était de durcir le ton, ou c’est le contenu de vos textes notamment qui est peut-être plus sombre ?

Nous avons toujours trouvé intéressant de voir comment certains groupes évoluaient au niveau de leur son. Nous n’avons jamais vraiment trouvé grand intérêt chez certains à recréer le même album. L’idée ici était de ‘synthétiser’ le son d’APPALOOZA. Dans le premier opus nous avons affaire à un son puissant, assez ‘rentre-dedans’. Le second présente quant à lui un son peut-être ‘haché’ et ‘agressif’, mais Pop. C’est avec cet album que nous avons d’ailleurs commencé à nous amuser en terme de production, on y retrouve des colorisations, des atmosphères et des sonorités plus travaillées. Et le troisième, ce sont les deux à la fois.

– L’une des particularités d’APPALOOZA réside également dans les percussions qui sont de nouveau très présentes. Vous avez beaucoup tourné aux Etats-Unis et à deux reprises, est-ce que c’est un élément que vous avez ramené de là-bas ? Elles dégagent un côté très tribal et chamanique, qui fait écho au peuple amérindien…

Il y a quelque chose de bestial dans l’approche des percussions. Elles sont utilisées pour colorer certaines chansons et leur donner une personnalité. Elles représentent l’esprit, la liberté, la menace. Nous aimons particulièrement les sons ethniques et les percussions peuvent en effet faire références aux peuples autochtones d’Amérique. Dans les crédits, il est d’ailleurs indiqué que les percussions sont jouées par ‘The Horse’, fantôme et représentant d’un peuple autochtone exterminé. 

– Pour « The Shining Son », vous avez aussi changé de studio d’enregistrement et d’ingé-son. C’était dans l’optique de faire évoluer votre son, d’expérimenter de nouveaux spectres sonores, ou c’est plus simplement une question d’opportunité et de rencontre ?

Pour « The Shining Son », nous avons fait la rencontre d’Arthurus Lauth de Brown Bear Recordings et après une longue discussion, nous avons décidé de travailler avec lui. Il a rapidement compris où nous voulions aller, quelque chose de certes plus massif, mais plus naturel. Il y a eu un travail de pré-prod et de prise de son pour avoir un rendu peut-être plus aéré que les précédents albums. Je pense également que chaque artiste cherche à améliorer certains points d’albums en albums.

– Avec ce troisième album, votre répertoire devient conséquent et il va falloir faire des choix, peut-être difficiles, pour vos setlists. Allez-vous mettre en avant « The Shining Son » comme tous les groupes qui ont de nouveaux morceaux à défendre, ou y a-t-il aussi des incontournables chez APPALOOZA ?

Il est en effet difficile de choisir et d’établir une setlist, surtout en festival, où les temps de passage sont réduits. Nous aimons proposer de nouveaux titres au public et voir leur réaction, mais il y a également des titres des deux premiers albums qui, pour nous, sont toujours un réel plaisir à jouer sur scène. Varier les setlists suivant les concerts me parait être la meilleure option.

– Enfin, et les affiches sont belles, vous êtes programmés sur les ‘Ripplefest’ de Berlin et de Cologne en novembre et décembre prochains. J’imagine que vous attendez ces dates avec impatience ?

Nous sommes très heureux de pouvoir nous produire dans ces deux festivals en Allemagne. Nous avons réalisé deux tournées américaines, mais il ne nous était encore jamais arrivé de jouer en Europe.  Nous avons vraiment hâte !

Le nouvel album d’APPALOOZA, « The Shining Son », est disponible chez Ripple Music et sur son Bandcamp :

https://appalooza.bandcamp.com/

Retrouvez la première interview du groupe…

… et la chronique de « The Holy Of Holies »

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France Grunge Heavy Rock Stoner Rock

7 Weeks : d’une ardente authenticité [Interview]

Le malheureux timing subi par l’excellent « Sisyphus » il y a deux ans est loin d’avoir refroidi 7 WEEKS. Bien au contraire, le trio fait de nouveau sensation avec « Fade Into Blurred Lines », un album certes moins solaire que le précédent, mais qui livre une vérité musicale comme on n’en voit peu. Le Heavy Rock teinté de Stoner et un brin Grunge des Français dévoile beaucoup de fragilité dans un sens, mais elle vient renforcer une puissance émotionnelle sincère et intense, qui se fond dans des sonorités Blues très personnelles. Julien Bernard, chanteur et bassiste, revient sur le récent parcours du groupe et l’élaboration de ce sixième opus. Entretien.

Photo : Marie d’Emm

– Il y a trois ans vous commenciez la série « Sisyphus » avec un très bon album, suivi de l’EP « What’s Next ? » l’année suivante. Avec le recul, qu’en retiens-tu ? La période a été pénible et malgré tout, 7 WEEKS sort deux très belles productions…

Ca a été une période très productive, on a compensé le fait de ne pouvoir jouer l’album sur scène par des projets annexes, c’est-à-dire l’EP, des sessions live acoustiques, des livestreams, etc… On ne pouvait pas tout laisser s’arrêter, on a tenu bon et notre structuration en label indépendant autogéré nous a permis de faire ça, là où tout le monde était en ‘sommeil’. Si on avait été sur un autre label, ou une major, jamais on aurait pu le faire. Ca montre aussi qu’en cas de crise, les petits arrivent à survivre là où les grosses productions s’arrêtent. Le problème est quand ça repart, les ‘gros’ trustent tout ! (Sourires)

– Est-ce qu’après la pandémie, vous avez pu reprendre le chemin des concerts normalement et enfin défendre votre album dans les meilleures conditions ?

Oui, on a réattaqué les dates dès juillet 2021 et on a fait une belle tournée sur l’automne, puis une nouvelle série de concerts jusqu’à l’été 2022, avant de s’attaquer au nouvel album.

Photo : Jérémie Noël

– Vous revenez aujourd’hui avec « Fade Into Blurred Lines » sur lequel vous vous affirmez encore plus. Quand avez-vous commencé sa composition, car on le sent très spontané ?

Les premières idées datent de début 2021, mais le travail réel sur l’album s’est fait à partir de janvier 2022. Puis à la fin août, notre clavier a décidé de ne pas repartir sur un nouvel album. On s’est donc retrouvé à trois et nous avons tout repensé et composé dans cette dynamique de trio. C’est effectivement assez spontané dans le sens où on a voulu faire ça de manière très organique, très live.

– Malgré la puissance qu’il dégage, ce nouvel album a aussi un côté encore plus personnel et aussi très intimiste. Comment combinez-vous ces deux aspects, car on vous sent aussi très libérés dans le jeu ? Et il y a l’importance accordée aux textes également…

Exactement, pour la première fois, j’ai pu déléguer la guitare, que je faisais jusque-là sur quasiment tous les albums. J’ai donc vraiment pu me concentrer sur l’écriture dans sa globalité avec mes instruments de prédilection, à savoir le chant et la basse. J’ai travaillé les textes avec une amie anglaise (Katy du groupe Lizzard) et on a été assez loin. On a pris le temps de comprendre ce que je voulais exprimer et trouver la bonne formulation, celle qui sonnerait le mieux avec la musique. Les textes sont écrits de manière à vraiment se livrer en les chantant, d’où le côté intimiste sur des morceaux comme « Mute » ou « Shimmering Blue ». De manière générale, chacun a pu se concentrer sur son instrument et sur la manière d’exprimer au mieux l’état d’esprit ou l’émotion du morceau. Et le fait de se retrouver à trois pour bosser en profondeur sur les titres a permis une musicalité qui est très expressive.

Photo : Romain Mouneix

– Pour « Fade Into Blurred Lines », vous avez enregistré l’album en condition live, ce qui lui confère un son très organique, et d’ailleurs la sincérité et l’authenticité qui s’en dégagent sont éclatantes. En quoi cela était-il important pour vous, car la production et les arrangements sont également très soignés ?

On tenait à capturer des prises live très brutes dans le jeu et le feeling pour ensuite ajouter les arrangements, sans se soucier de savoir si on pourrait les jouer sur scène. Si les prises brutes fonctionnent, les arrangements ne sont que la cerise sur le gâteau et non un cache-misère.

– Votre Heavy Rock est toujours teinté de Stoner, légèrement de Grunge et cette fois, il y a également des éléments bluesy qui viennent se greffer. Ca va dans le sens et dans le propos général de l’album ? Ou est-ce juste une volonté artistique et sonore ?

Il me semble qu’on a toujours eu cette fibre Blues, dès « Carnivora » en 2013 sur un morceau comme « Shadow Rider », par exemple. Peut-être était-elle moins ressentie, car la production des disques qui était moins organique. Cette influence-là est logique vu la musique que l’on fait. Mais c’est vrai que cet album s’y prête beaucoup. Le Blues est une forme d’expression, c’est chanter et jouer ce qu’on ressent ou ce qu’on vit de manière très crue. En ce sens-là, nous faisons du Blues sur ce disque. Simplement, nous ne sommes pas du Mississipi ou de Chicago. La forme est différente, mais pas le fond.

Photo : Jérémie Noël

– J’aimerais que tu nous dises un mot sur cette très belle pochette, ce qui est d’ailleurs une habitude chez vous. Quelle est ton interprétation de cette statue étonnante et très expressive de Don Quichotte ? Elle est d’ailleurs présente dans le clip de « Gorgo ». Et de qui est-elle l’œuvre ?

Nous avons effectivement la chance de travailler avec Gilles Estines, qui est un ami et qui fait quasiment tous nos visuels. Il nous sort toujours des choses magnifiques. Pour cet album, on lui avait donné plusieurs pistes, dont celle d’un Don Quichotte, qui en en rapport avec le morceau « Windmills ». Après plusieurs propositions, il nous a semblé que ce visuel très fort conviendrait parfaitement au sentiment général du disque et à son titre. Pour le titre « Gorgo », on a eu cette idée de créer la statue en vrai pour la filmer dans le sable pour mieux coller au texte. Puis, on a demandé à une connaissance, Loïc Delage de Hom’ort, de s’inspirer de la pochette et il a crée ce personnage. C’est un sculpteur sur métal très doué. On adore sa statue et elle trône dorénavant dans mon jardin !

– Depuis vos débuts, vous avez produit six albums et deux EP via votre label F2M Planet, et vous gérez également vous-mêmes vos tournées. On comprend facilement votre désir d’indépendance et de liberté, mais est-ce que ce n’est pas trop contraignant dans la mesure où cela pourrait empiéter sur la création musicale ?

Ca empiète surtout sur nos vies personnelles ! (Sourires) C’est une somme de travail considérable, mais ça nous permet de faire les choses comme on l’entend. On respecte les gens qui font ça et on est respecté aussi pour ça. On ne lâche rien et on est honnête dans notre démarche.

– La sortie de « Fade Into Blurred Lines » correspond au démarrage de la première partie de votre tournée. C’est important de le livrer en live, tant qu’il est encore ‘chaud’ ?

Oui, on a hâte de rejouer. Le premier concert était un vrai soulagement après tous ces mois de travail et d’attente. Le trio fonctionne très bien en live et les nouveaux morceaux sont super à jouer.

Le nouvel album de 7 WEEKS, « Fade Into Blurred Lines » est disponible chez F2M Planet.

Retrouvez la chronique du précédent EP du groupe :

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Heavy Stoner Rock Psych

Kadabra : l’heure des certitudes

En seulement trois petites années d’existence, KADABRA a su émerger de manière éblouissante avec une première réalisation ambitieuse et très réussie. Niché au cœur des grands espaces de l’état de Washington, le combo a pris encore plus de volume, tout en ayant peaufiné une approche très personnelle de son Heavy Stoner Psych, un brin progressif et totalement addictif. « Umbra » vient confirmer toute la créativité déjà manifeste sur « Ultra », sorti il y a deux ans.

KADABRA

« Umbra »

(Heavy Psych Sounds Records)

La découverte du trio américain avec son premier album « Ultra » en 2021 avait déjà été une belle surprise. Et avec « Umbra », KADABRA fait bien plus qu’attester ses débuts tonitruants et vient même clamer haut et fort qu’il va falloir compter sur lui à l’avenir. Heavy et Psych, le Stoner Rock du groupe prend une nouvelle dimension et montre toute l’expérience acquise en tournée et surtout un sens plus affûté du songwriting, sans pour autant perdre cet esprit jam si particulier.

Sur « Umbra », KADABRA va beaucoup plus loin musicalement pour livrer des compos encore plus précises et affinées. D’ailleurs, l’évolution est d’autant plus notoire et palpable que Dawson Scholz est toujours à la production. Très bien réalisé, ce deuxième opus révèle un jeu nettement plus fluide, une meilleure maîtrise des atmosphères déployées et surtout l’incroyable complicité à l’œuvre entre Garrett Zanol (chant, guitare), Ian Nelson (basse) et Chase Howard (batterie).

En ouvrant « Umbra » avec l’instrumental « White Willows », KADABRA donne une forte indication quant au contenu du disque. Cette fois encore, le combo nous propose un voyage très Psych, progressif et tellement musclé qu’on plonge parfois dans des profondeurs presque Doom. Grâce à des chorus envoûtants, des guitares épaisses et un chant entêtant, ces nouveaux morceaux sont particulièrement immersifs (« High Priestess », « The Serpent I & II », « Battle Of Avalon », « Mountain Tamer »). Eclatant !

Retrouvez la chronique du premier album du groupe :