Après des débuts en solo et plusieurs albums, puis une escapade avec Skilda, c’est dorénavant au sein de WIDILMA que le chant de Kohann se pose et continue de s’aventurer avec son partenaire Konan Morel, chef d’orchestre de ces balades celtiques intemporelles. C’est une nouvelle plongée depuis le néolithique jusqu’à l’âge de bronze que nous offre « Silina » sur fond d’Electro et de néo-Folk, où les instruments traditionnels guident et donnent la voie. Le monde de la formation bretonne paraît très proche dans sa modernité, tout en restant une transmission véritable et toujours très captivante.
WIDILMA
« Silina »
(Independant)
Deux ans après un premier album, « Brixtia », et un passage très remarqué à la dernière édition du festival Motocultor sur ses terres bretonnes, WIDILMA réapparaît avec une deuxième réalisation un peu spéciale. Le duo a en effet décidé de revisiter une partie de son répertoire avec une approche plus électronique, mais toujours aussi envoûtante. L’effet de transe est même augmenté sur certains morceaux et le voyage dans ces îles mystérieuses, sur les Hautes Terres de Kembre avec les créatures qui les habitent est encore saisissant.
Entourées par l’océan, à Uxsama, Silina et Siata, WIDILMA prolonge le plaisir de cette exploration tribale, où s’entremêlent les chants et les mots secrets distillés en gallois, breton et en gaulois. Très imagé, le langage emprunté évoque des temps anciens, même si la couleur musicale est résolument moderne. La chanteuse Kohann et le multi-instrumentiste et producteur Konan Mevel ont créé un univers personnel, pourtant universel, qui vient témoigner d’une culture civilisationnelle qui perdure et se réinvente au fil des morceaux.
Entre mythe et ésotérisme, des saveurs chamaniques pénètrent « Silina » et ce n’est pas un hasard si la chouette vient survoler le morceau « Hi Blaidd » ou l’aigle « Eryr », tandis que le pibgorn se fait aussi entendre sur « Runa Inis ». L’aspect parfois technoïde de certains passages rend l’atmosphère de certains titres moins contemplative, mais toujours très hypnotique. Celte et pagan, WIDILMA travaille son identité avec beaucoup d’originalité et la voix de Kohann nous berce et nous emmène dans une ambiance énigmatique réconfortante.
Dans un univers très personnel où se mêlent harmonieusement toutes les sonorités propres au Sud américain, ABBY BRYANT s’impose comme une artiste étonnante, autant par la maturité qu’elle dégage que cette force qu’elle va puiser dans une liberté affichée. Souvent autobiographiques, ses textes prennent vie dans une Soul très Rock, un brin vintage et aux saveurs Americana. Révélée sur « Not Your Little Girl », elle affirme son style sur « Glowing », un deuxième album chaleureux, attachant et enthousiaste. Alors que sa Caroline du Nord natale vient de subir les foudres de l’ouragan Hélène, c’était l’occasion de faire le point sur la situation dans la région et de parler, évidemment, de cette superbe et nouvelle réalisation.
– Avant de parler de ton nouvel album, j’aimerais que tu nous donnes des nouvelles suite à l’ouragan Hélène qui a frappé notamment la Caroline Du Nord où tu résides. Comment est la situation à Asheville ?
Merci de prendre de nos nouvelles ! Asheville fait face à une dévastation sans précédent depuis l’ouragan Hélène, et nous nous en sortons un jour après l’autre. Avec le groupe, nous allons bien, nos maisons et nos biens sont presqu’intacts, mais tant de gens ont tout perdu. Ces dernières semaines ont été difficiles, mais c’était aussi magnifique de voir les gens s’unir pour s’entraider avec autant d’amour. Notre communauté est incroyable et plus forte que jamais.
– Outre l’impact tragique sur la population, certaines structures comme les studios et les lieux musicaux ont-ils été beaucoup touchés et la vie artistique va-t-elle pouvoir reprendre normalement assez vite ?
C’est une période très incertaine pour tous les artistes de notre région en ce moment. L’un de nos principaux pôles artistiques, le ‘River Arts District’, a été presque complètement balayé, tout comme l’une de nos salles de concert préférées. Tout est différent maintenant et nous avons du mal à comprendre que certains lieux qui faisaient partie intégrante de nos vies et de notre communauté ont tout simplement disparu. Mais l’art survit en dehors de tout lieu et de nombreux artistes sont plus inspirés que jamais pour créer en ce moment.
– Pour conclure sur le sujet, on a vu Dolly Parton et Taylor Swift notamment faire des dons importants à des associations pour les deux Etats de Caroline. Il y a toujours une entraide incroyable aux Etats-Unis après ce genre de catastrophe, et c’est important que les artistes se mobilisent aussi. Va-t-il y avoir des concerts de soutien dans la mesure du possible prochainement ? Et est-ce que tu y penses de ton côté ?
Nous avons vu une générosité incroyable de la part de tous et nous apprécions énormément les importantes contributions apportées à la région par de grands artistes. Nous voyons également nos amis musiciens ici organiser de nombreux concerts de charité en ce moment. Nous avons notamment collecté des dons lors de nos concerts pour soutenir les personnes de l’Ouest de la Caroline du Nord, qui n’ont pas d’électricité et qui ont besoin de chaleur, d’abri et de fournitures à l’approche du froid. Les gens nous surprennent constamment par leur générosité.
– Revenons à toi. Tu es chanteuse, musicienne, auteure et compositrice et tu as sorti deux albums en trois ans. Est-ce tu avais aussi eu des expériences de groupes avant ces deux disques ?
J’ai d’une certaine manière fait de la musique en groupe depuis le tout début, depuis les ensembles à l’église quand j’étais enfant jusqu’aux chorales et aux groupes vocaux de mon université. Puis, j’ai continué à jouer dans les groupes d’amis pendant mes études avant de former le mien. Ainsi, même si ces albums sont mes premiers vraiment complets, jouer de la musique en groupe a toujours occupé une grande place dans ma vie.
– Ton style musical est dominé par une forte empreinte Soul, où l’on trouve aussi des sonorités Blues, Americana, Rock, Country aussi et avec une touche Funky. Au-delà de sa forte identité Southern, comment définirais-tu ta musique ? On a parfois l’impression que tu cherches à échapper aux cases…
Les nombreux styles qui ont influencé ma musique et mes racines sudistes sont profondément ancrés dans ma mémoire. J’ai tendance à puiser dans une grande variété de genres, il est donc difficile de décrire ma musique. J’évite souvent les limites de genre et je vais là où l’inspiration me mène. Mais je pense que beaucoup résumeraient ce style à quelque chose comme du Southern Rock Soul américain. Personnellement, il y a tellement de saveurs uniques dans ma musique qu’aucun terme de genre de base ne me satisfait. Je dis simplement aux gens qui me posent des questions de venir au concert et d’en faire l’expérience par eux-mêmes.
– Trois ans après « Not Your Little Girl », tu viens de sortir « Glowing ». Il y a une réelle continuité musicale entre les deux albums. Quelle était ta priorité en composant ce deuxième album ? Apporter une sorte de prolongement au premier ?
Le deuxième album me donne l’impression d’une exploration plus profonde, à la fois sonore et lyrique. Mon premier album abordait des thèmes de la jeunesse, comme quitter la maison, trouver ma propre identité en dehors de mon éducation traditionnelle, trouver et perdre l’amour, etc… Bien qu’il y ait certainement un certain chevauchement dans les expériences qui ont conduit à l’écriture de ce deuxième album, je pense que « Glowing » capture une sorte de croissance qui est née de beaucoup de difficultés et de la redécouverte d’une appréciation de l’expérience humaine. Après avoir survécu à des hauts et des bas majeurs et réalisé que je peux affronter n’importe quelle tempête, la vie devient plus facile. Je pense que nous sommes tous tellement chanceux d’être ici pour avoir le cœur brisé et ramasser les morceaux, de nous aimer profondément et de trouver la joie et l’espoir dans toutes les difficultés. J’apprends à accepter le voyage.
– Sur ton premier album, tu affichais déjà beaucoup de caractère, ne serait-ce que dans son titre déjà. C’est une manière aussi en tant que chanteuse, songwriter et de femme de s’imposer dans un milieu parfois difficile ou hostile ?
Mon premier album était clairement axé sur l’affirmation de mon indépendance et la recherche de ma propre voie, comme le suggère le titre. Le message est toujours aussi pertinent pour moi. Mais le deuxième album s’appuie sur une version encore plus douce et plus forte de moi-même, qui partage toujours les mêmes valeurs et la même volonté d’encourager les femmes à se lever et à s’exprimer. J’apprends au fur et à mesure à faire preuve d’amour dans tout ce que je fais et à m’entourer de personnes qui font de même, et le monde qui m’entoure me semble un peu moins dur.
– D’ailleurs, tu guides fermement « Glowing » et pas seulement vocalement. Il a aussi une saveur assez rétro et vintage, ce qui peut paraître surprenant de la part d’une jeune femme comme toi. C’est un son et une époque dans lesquels tu te retrouves plus que dans la scène actuelle et donc plus moderne ?
Je suis définitivement attiré par des sons plus rétro lorsque je crée, et je m’inspire souvent d’époques bien plus anciennes. J’aime faire partie de ceux qui font découvrir les trésors de notre passé aux nouvelles générations. J’ai remarqué que d’autres nouveaux artistes comme Sierra Ferrell et Billy Strings nous ramènent à nos racines. Et je pense que c’est une belle chose de remettre au premier plan des sons depuis longtemps oubliés par une grande partie de notre culture actuelle.
– J’aimerais qu’on revienne sur ta performance vocale. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte de déclic entre les deux albums. On te sent épanouie et tu dégages beaucoup de force et d’assurance. Cette liberté perceptible, la dois-tu aux retours positifs de « Not Your Little Girl » et/ou aux concerts donnés depuis trois ans ?
Je suis tellement reconnaissante de la façon dont « Not Your Little Girl » a voyagé si loin et s’est frayé un chemin jusqu’aux mains de tant d’auditeurs. Pour ce dernier album, je me suis sentie encore plus inspirée à me fier davantage à ma propre intuition, à la fois dans ma performance vocale et dans l’écriture des chansons elles-mêmes. Je pense que le tournant que tu as ressenti avec plus de force et de confiance est que je suis devenue autonome et que j’ai appris à me faire de plus en plus confiance. J’ai hâte de voir où cette évolution me mènera ensuite !
– Au niveau de la production, celle-ci a aussi gagné en dynamique et s’est considérablement éclaircie. C’est Dave Schools qui a réalisé celle de « Glowing ». De quelle manière avez-vous travaillé ensemble ? Tu avais certains impératifs ?
Travailler avec Dave Schools a été une expérience incroyable. Il a apporté un élément plus organique et brut à ce disque en l’enregistrant en live autant que possible et en laissant la synergie que nous avons ressentie en créant ensemble en studio nous guider. Tout s’est mis en place rapidement d’une manière qui ressemblait à de la magie, même si nous avions une équipe incroyable avec un talent fantastique dès le départ ! Dave nous a aidés à accepter la beauté de l’imperfection humaine et a permis au processus de se dérouler d’une manière qui semblait plus naturelle que n’importe quel enregistrement que j’avais fait auparavant.
– Par rapport à la composition elle-même, tu travailles toujours avec Bailey Faulkner. Comment fonctionnez-vous ? Tu apportes les idées et vous les mettez en musique ensemble, ou y a-t-il un effort collectif de tous les musiciens, car tu as gardé la même équipe, je crois ?
Oui, je travaille toujours avec Bailey et mon groupe. Nous écrivons toujours des chansons ensemble, parfois aux côtés d’autres excellents co-auteurs quand nous le pouvons. Nous avons chacun des approches différentes de l’écriture des chansons, mais qui semblent très complémentaires. Bailey commence souvent par une progression d’accords ou un groove et se laisse guider par le feeling sur les paroles et la mélodie. Pour ma part, je commence souvent par un sujet ou un message comme élément de base pour la mélodie. Une fois que nous avons une idée plus développée que nous avons construite ensemble, nous apportons la chanson au reste du groupe. Et ils ont souvent de bonnes idées à ajouter pour l’instrumentation, la performance, les arrangements, etc… On forme vraiment tout un village.
– Tu as donc sorti deux albums en indépendant et en te produisant. Vu la qualité des deux disques, tu aurais pu être approchée par un label, non ? Est-ce un choix de ta part, ou est-ce difficile aux USA aussi de se faire signer sur un label ?
Nous avons autoproduit notre premier album et avons fait appel à Dave pour produire le deuxième, mais nous avons sorti les deux albums de manière indépendante. C’est difficile de trouver le bon label avec lequel s’associer et nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’explorer cette option. Pour l’instant, rester indépendant a été notre meilleure option, même si nous continuerons à chercher un partenaire idéal.
– Enfin, un petit mot sur tes projets à venir. Bien sûr, la situation actuelle a figé et stoppé beaucoup de choses. Penses-tu reprendre les concerts rapidement et peut-être même partir en tournée ?
Nous avons continué à donner autant de concerts que possible. Et bien que de nombreuses opportunités locales ne soient actuellement pas disponibles, nous jouons hors de la ville la plupart des week-ends et nous demandons à notre public de soutenir la Caroline du Nord occidentale en apportant des dons que nous pourrons ramener chez nous à Asheville. Nous espérons reprendre un rythme de tournée régulier d’ici le printemps et continuer à faire des tournées pour le nouvel album.
Les Australiens ont toujours eu d’excellents représentants dans le vaste monde du Rock brut et instantané avec un petit côté vintage savoureux, une petite madelaine qu’on déguste sans sourciller. Et c’est exactement ce qui se produit avec STARCRAZY qui, malgré sa jeunesse, a opté pour un Glam Rock réoxygéné, mélodique et percutant. Après deux formats courts, c’est avec un dix titres complet qu’il donne sa vision très neuve et clinquante du genre. Et c’est une réussite.
STARCRAZY
« Starcrazy »
(Independant)
Fondé il y a seulement quatre ans à Sydney, STARCRAZY fait déjà beaucoup parler sur son île-continent et les concerts à guichets fermés attestent de l’élan pris par le groupe. Après deux EPs, « Played For Suckers » (2021) et « Another Day, Another Squalor » (2023), place enfin à ce premier album éponyme, véritable concentré d’énergie positive. En s’engouffrant dans un Glam Rock coloré et punchy, le quatuor avance un pied dans les années 70/80 et l’autre solidement ancré dans son époque avec une approche très actuelle.
Si on pense, par réflexe, à T-Rex et Alice Cooper, voire Cream et Poison, il faut bien reconnaître que STARCRAZY s’en démarque aussi habillement grâce à une dynamique et surtout un son très moderne. Irrévérencieux à souhait, il se présente avec une réalisation très mature, très bien produite et qui libère une fraîcheur pleine de vigueur et d’une douce sauvagerie. Le petit côté rétro planant sur « Starcrazy » va même plus loin qu’un simple effet revival. Le style ici ne manque pas d’originalité et encore moins d’impact.
A la fois glamour et déjà charismatique, STARCRAZY offre une explosion de riffs aiguisés et des refrains entêtants à des morceaux qui accrochent immédiatement. Dès les premières notes de « The Fire », on entre dans le vif du sujet, puis « I Feel Free », « What’s Worth », « Nighttime », « Ain’t That Crazy ? », « Fanzine » » et « Jar Of Dirt » valident l’ensemble. En marge, le combo n’élude pas quelques belles ballades, preuve qu’il maîtrise son propos avec beaucoup de personnalité. Un premier effort très concluant et pour le moins audacieux.
Fait-maison et enregistré live pour l’essentiel, ce premier opus des trois musiciens de la capitale devrait ravir les amateurs de Stoner Doom/Sludge. Les atmosphères vaporeuses un brin incantatoires de « Bloodstained » montrent déjà un groupe déterminé et adepte des morceaux d’une bonne longueur. En abordant des climats très changeants, ODA évite pourtant de se perdre et se montre même vraiment costaud et captivant. Des débuts très encourageants.
ODA
« Bloodstained »
(Independant)
Fondé en 2021 seulement, Cyril Thommered (batterie), Emmanuel Brège (basse) et Thomas Féraud (chant, guitare) n’ont pas tardé à se mettre à l’ouvrage et à construire leur propre univers musical. Le fond est Doom et Occult, tandis que la forme se dessine dans un Stoner Rock rugueux et très Fuzz. L’objectif d’ODA est d’assembler toutes les pièces de cet appétissant puzzle et de donner vie à des morceaux qui sont autant d’invitations à un voyage à la fois sombre, chaotique et envoûtant.
Tout en travaillant d’arrache-pied et en donnant quelques concerts, le trio parisien se forge vite un son et une identité. Avec « Bloodstained », ODA s’affirme déjà comme une formation solide et cette première réalisation autoproduite en dit long sur ses ambitions. Enregistrée au coeur de la forêt de Brocéliande, l’ambiance mystique qui l’entoure semble même avoir offert un supplément d’âme à l’atmosphère profondément mélancolique et terriblement organique, qui règne sur les six titres.
Oscillant entre six et onze minutes, les morceaux de « Bloodstained » réservent quelques surprises. Si la lourdeur et l’épaisseur de sa doublette rythmique donne du corps, le côté massif bascule d’une lenteur ténébreuse dans des fulgurances Sludge au groove gras, d’où émerge au lointain un chant tout à coup presque délicat. Inquiétant et âpre, ODA ne néglige pas pour autant les mélodies… comme pour mieux nous renvoyer dans les cordes (« Children Of The Night », « Rabid Hole », « Mourning Star » et le saisissant « Zombi »). Prometteur !
Même si les influences sont manifestes, tout comme l’intention d’ailleurs, la formation de l’Est de la France nous embarque 50 ans en arrière au temps des pionniers et des légendes du Hard Rock et du Classic Rock. Pourtant, le propos de WINECRAFT est très actuel, seule sa musique libère une couleur vintage. Costaud et mélodique, il invoque les névroses de notre époque et ne boude pas son plaisir à faire de ces tensions des envolées inspirées et entêtantes. Une entrée en matière très réussie avec ce « Witchcraft’n Excess Wine » relevé.
WINECRAFT
« Witchcraft’n Excess Wine »
(Independant)
De toute évidence, il souffle un air de revival sur le Rock actuellement (c’est cyclique, comme dirait l’autre !) et la scène française commence à tirer son épingle du jeu dans le domaine. Bien sûr, on ne peut ignorer les deux beaux représentants issus des terres bretonnes, Komodor et Moundrag (et leur fusion !), et il faut dorénavant mentionner également WINECRAFT, dont le premier effort s’inscrit dans cette même veine. Le Classic Rock du quintet évoque bien entendu, et avec beaucoup d’efficacité, les 70’s et leur grain de folie.
Récemment rassemblés du côté de Strasbourg, les membres du groupe se sont déjà aguerris au sein d’autres formations, puis ont enchaîné avec quelques concerts. Car, c’est justement l’ADN et le nerf de la guerre chez WINECRAFT : la scène ! Ça l’est même au point que « Witchcraft’n Excess Wine » a été enregistré dans des conditions live, afin de capter au mieux l’énergie et la fougue de ses six morceaux… auxquels il faut d’ailleurs ajouter un septième issu en l’occurrence d’une prestation en public (« Who’ll Make It Out Alive ? »).
Bien produit, ce premier EP, long d’une bonne demi-heure tout de même, expose ce son brut et organique, qui constituait la saveur et l’authenticité de cette époque bénie si créative. WINECRAFT maîtrise et connait son sujet, ce qui lui offre une évidente légitimité et une belle crédibilité dans ses compos. Musicalement, l’ambiance renvoie à Led Zeppelin, l’orgue à Deep Purple et certaines parties vocales à Motörhead. Autant dire qu’on s’y sent bien et « Witchcraft’n Excess Wine » régale (« A Protest Love Song », « Back In Town »).
Pour produire un tel premier opus, fut-il composé de seulement quatre morceaux, il faut un minimum d’aplomb et surtout, en plus des qualités techniques et d’interprétations inhérentes, une solide envie de bousculer quelques codes établis. C’est précisément l’intention qui anime LE GRAND DECLIN et qui rend sa musique si attirante. Le travail sur les voix et les guitares est remarquable, tandis que la rythmique nous porte vers des sommets avec une puissance et une finesse redoutable. A suivre donc de très près…
LE GRAND DECLIN
« Le Grand Déclin »
(Independant)
La tendance actuelle est au format court, mais il en sort tellement qu’il devient difficile d’en faire le tri, le plus souvent aussi de se faire une idée d’un groupe et surtout d’émerger de ce flux incessant. Cependant, à l’heure où certains publient des albums dépassant tout juste la demi-heure, d’autres font de même avec un EP de quatre titres. C’est donc à travers des morceaux assez longs (de six à huit minutes) que LE GRAND DECLIN a décidé de diffuser son premier effort éponyme. Et le post-Metal qu’il propose est captivant à bien des égards.
C’est la rencontre entre Lussi (MyPollux, Lussi In The Sky) et MaaAx (The Etherist, Dawn Of The Tigers) qui a donné vie à ce nouveau combo de la scène française, et l’audace dont il fait déjà preuve laisse augurer d’un avenir plus que prometteur. D’autant que le duo n’a pas fait les choses à moitié, puisqu’il a confié le mix au grand Chris Edrich (Leprous, Klone, The Ocean, TesseracT) pour un résultat largement à la hauteur de ses compostions. D’entrée de jeu, LE GRAND DECLIN prend déjà de la hauteur et c’est une très bonne chose.
Homogène et bien structuré, « Le Grand Déclin » doit aussi beaucoup à l’état d’esprit peu conventionnel de la formation. Car, outre Lussi au chant et MaaAx à la guitare et à la basse, le duo créateur (et créatif) accueille aussi Aurélien Ouzoulias (Mörglbl, Satan Jokers) derrière les fûts et il offre beaucoup de relief à l’ensemble (« The Church of Blasphemy », « Black Star »). Aguerri, LE GRAND DECLIN se meut dans des atmosphères aussi mélancoliques que polymorphes, guidé par des voix claires et growlées. Des débuts savoureux et saisissants.
Un pied dans la Soul Rock et l’autre dans un Americana Bluesy, ABBY BRYANT a trouvé sa voie et donne surtout de la voix sur ce deuxième album aux sonorités agréablement rétro. Très bien écrites, les dix chansons de « Glowing » dévoilent une artiste accomplie très créative et qui a vraiment soigné sa deuxième réalisation. Egalement à la guitare, elle incarne une nouvelle génération qui n’a pas froid aux yeux et qui fait preuve d’audace dans ses choix artistiques.
ABBY BRYANT & THE ECHOES
« Glowing »
(Independent)
Trois ans après le très bon « Not Your Little Girl » sur lequel la chanteuse avait déjà présenté un univers très personnel, « Glowing » est la suite attendue d’un répertoire affirmé et de plus en plus convaincant. D’ailleurs, elle s’est entourée de la même et brillante équipe pour prolonger cette belle aventure. Produit par Adam Schools de Widespread Panic, également à la basse, ABBY BRYANT retrouve Adam MacDougall (Chris Robinson Brotherhood) aux claviers et John Kimock (Mick Gordon Band) à la batterie.
Basée à Asheville en Caroline du Nord, la musicienne évolue assez naturellement dans un registre marqué par l’atmosphère Southern, où elle déploie un Americana teinté de Soul, de Blues et de Rock. Les saveurs vintage qui émanent des compositions d’ABBY BRYANT se montrent à la fois légères et feutrées, tout en affichant beaucoup de caractère, notamment dans les textes. Les mélodies à l’œuvre sur « Glowing » deviennent vite entêtantes et les références musicales très américaines apportent aussi un côté roots très authentique.
Vocalement irrésistible, ABBY BRYANT chante avec passion et ose nettement plus de choses que sur « Not You Little Girl ». Elle semble vraiment tenir fermement les rênes de ce nouvel opus, et même si quelques singles ont précédé sa sortie, il reste quelques belles surprises à découvrir (« One Year », « How Can I Trust You », « Say The Word », « Sing Me A Song », « No Good »). La frontwoman impose son style avec talent et commence véritablement à s’installer dans le paysage musical avec évidence.
Avec une incroyable justesse, Anne-Claire Rallo signe son premier effort solo d’une beauté souvent renversante et, même si elle est particulièrement bien entourée, c’est bien elle qui porte « A Brand New World », comme pour conjurer le sort et aussi repartir de l’avant. Un nouveau départ musical en forme d’escapade émotionnelle, dont la narration souvent intense est aussi bouleversante qu’enthousiasmante. FRANT1C est aussi une formation très familiale, où l’on perçoit même les instruments d’un grand musicien qui, tel un ange, est venu hanter avec bienveillance et douceur ce premier opus majestueux.
FRANT1C
« A Brand New World »
(Independant/FTF-Music)
Suite à la disparition de son mari, Eric Bouillette, la reconstruction paraissait l’étape suivante, à la fois évidente et nécessaire pour Anne-Claire Rallo. Musicienne, compositrice et parolière de talent, c’est forcément dans la musique et l’écriture qu’elle s’est replongée pour trouver un nouveau souffle. Et quel souffle ! Avec FRANT1C, son nouveau projet, c’est entouré de sa famille musicale qu’elle s’est remise à l’œuvre pour ce premier album. Et « A Brand New World », dont le titre fait évidemment écho, annonce aussi une belle renaissance artistique dans un Rock Progressif, au sein duquel elle s’est toujours épanouie.
Pas question ici de retrouver les effluves, pourtant délicates, de Nine Skies ou de Solace Supplice. Anne-Claire ouvre un nouveau chapitre bâti sur celui d’un nouveau monde, où l’on va suivre sur plus d’une heure les aventures de Hope, incarnée par l’enchanteresse chanteuse de Sun Q, Helen Tiron, et de Charlie porté par Martin Wilson, le frontman de The Room. Côté textes, celles et ceux qui connaissent ses écrits à travers ses livres et son blog y retrouveront un univers familier. Et puis, l’équipe de FRANT1C est constituée de proches, humainement comme artistiquement, entièrement dévoués à la mise en lumière de l’album.
Comme une évidence, cette première réalisation est conceptuelle et narre une histoire dans laquelle on est vite immergé. Ils sont une dizaine de musiciens à évoluer sur « A Brand New World », se mettant avec application au service des morceaux de FRANT1C. Difficile dans ce type de production se faire ressortir une chanson plutôt qu’une autre, mais on retiendra « The Awakening », « People In Their Cage », « Where Have You Been », « Sweet Confusion », « On The Run », « Take A Little Time » et l’incontournable « The Ballad Of Peggy Pratt » qui, du haut de ses 13 minutes, domine l’ensemble avec beaucoup de force et de délicatesse.
(Photo : Philippe C. Photos)
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Ca va faire bientôt dix ans que la formation de l’Illinois élabore un Heavy Progressive Metal peu conventionnel, qui inclue des influences et des références si opposées qu’elles finissent par se retrouver et réellement donner sens, et naissance, à un registre assez exaltant et plein de surprises. Techniquement et artistiquement, BLACK SITES se donne carte blanche et tire magistralement son épingle du jeu avec « The Promised Land ? », une production pleine de contradictions et surtout de feeling.
BLACK SITES
« The Promised Land ? »
(Independant)
Comme toujours avec BLACK SITES, il faut plusieurs écoutes avant d’en saisir l’entièreté, puis la multitude de details et de sensations qui s’en dégage. Et comme il s’agit de la suite d’« Untrue » paru en 2021, l’idéal est donc de s’y replonger afin de s’imprégner au mieux de la musique et de l’atmosphère singulière du trio. Pourtant, son univers est abordable et ressemble même sous certains et lointains points aspects à l’éclectisme et à l’état d’esprit de Faith No More dans les variations et les nuances, et pas forcément dans le style… quoique !
Car au niveau du style, BLACK SITES est résolument Metal. Seulement, en affichant des intentions aussi différentes que le Heavy traditionnel façon Dio ou Judas Priest, plus Technical Thrash à la Voivod et progressif dans les structures, on peut parfois s’y perdre. Mais la formation de Chicago sait se faire rassembleuse et, guidée par son maître à penser Mark Sugar (chant, guitare), elle se montre imperturbable et d’une redoutable efficacité. En ce sens, « The Promised Land ? » est un vrai modèle du genre.
D’une fluidité totale, ce quatrième album met une fois encore l’accent sur des parties de guitares somptueuses que ce soit sur le travail de riffs racés et accrocheurs que sur des solos finement ciselés et magnifiquement exécutés (« Descent », « Dread Tomorrow », « World On Fire », « Chasing Eternity »). BLACK SITE donne cependant l’impression de jouer le pied sur le frein, mais lorsqu’il se laisse aller, on a le droit au monumental morceau-titre, qui trône du haut de ses douze minutes. Un disque convaincant et captivant.
Elevée au Gospel dès son plus jeune âge dans l’une des églises de Peachtree Street à Atlanta, DIANE DURRETT chante le Blues et la Soul comme on respire, c’est-à-dire avec instinct et précision. Toute l’âme du sud des Etats-Unis se diffuse dans « Sweet Georgia Blues », sur lequel elle clame toute sa reconnaissance à ses racines dans une chaleur réconfortante et une sincérité plus que palpable. Entourée de virtuoses, la blueswoman oscille entre un style American Roots et un Blues très Soul attachant et très personnel.
DIANE DURRETT
« Sweet Georgia Blues »
(Independent)
Figure incontournable dans sa ville et bien au-delà dans le monde du Blues, DIANE DURRETT est une chanteuse, compositrice et productrice comme on en rencontre peu. Saluée également pour son action avec ‘Women In Blues’, un évènement auquel elle se consacre pleinement, elle nous revient avec un dixième album, « Sweet Georgia Blues », qui fait suite à l’excellent « Put A Lid On It », sorti en 2022. Et une fois encore, on se régale de sa voix de velours et du panache des musiciens qui l’accompagnent, car ils sont venus nombreux apporter un relief saisissant de spontanéité à cette belle réalisation.
Et ce somptueux groove sur lequel DIANE DURRETT chante avec une passion non-dissimulée, on le doit à son groupe, le ‘Soul Suga’, composé de la batteuse Melissa Junebug, du claviériste Yoel Yehuda et du bassiste Fuji Fujimoto. Et si « Sweet Georgia Blues » atteint un tel niveau d’émotion et d’authenticité, c’est qu’il est solidement ancré dans la culture musicale de Georgie. Et c’est donc en voisins que Tinsley Ellis, Eddie 9V, Joey Sommerville et Mike Mattison sont venus lui prêter main forte avec un extraordinaire feeling pour atteindre des sommets de délicatesse et de souplesse.
Dès « Child Of The Blues » qui rend un hommage très positif à son ancien compagnon de route Yonrico Scott, DIANE DURRETT éblouit par sa voix d’une grâce absolue, toute en nuances et capable de balancer un Blues soutenu comme de s’élever dans des sphères plus Soul (« Sweet Georgia Blues », « Chasing Sunsets », « Black Cat In New Orleans » avec le trombone de Craig Klein). On se laisse bercer et envoûter par des mélodies pleines de feeling (« The River Sings To Me ») jusqu’à « Amazing Grace » a cappella et de toute beauté, qui surgit avant un « Look For Me », plein de sensualité.