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Senser : perpetual rebellion [Interview]

Plus de 30 ans après le phénoménal « Stacked Up », qui les a révélé et aussi marqué toute une génération de fans curieux, SENSER n’a pas pris la moindre ride et, surtout, n’a pas dévié de son registre si atypique dans lequel certains ont pourtant tenté de s’engouffrer. Une intemporalité dans le son comme dans la forme, qui tient à une faculté d’adaptation hors-norme du sextet à se renouveler sans jamais trahir son ADN Rap et Metal. L’incontournable fondateur et frontman, Heitham Al-Sayed est toujours le garant de l’identité du combo britannique, tout comme tous les musiciens de l’explosive formation, dont le socle a très peu changé depuis le début. Avec « Sonic Dissidence », son septième album, le groupe joue encore et toujours sur les dualités : riffs acérés vs scratchs, voix féminine et masculine, le tout soutenu par un duo basse/batterie sans concession. Ce nouvel opus est à ranger parmi les meilleures productions de l’année, tant elle défie les genres avec talent et un impact qui ne faiblit pas. Entretien avec le rappeur et chanteur, qui fait le point sur la démarche hors-norme de SENSER et le chemin parcouru.

– On en parlait hors interview, et c’est vrai que votre premier album, avec des morceaux comme « Age Of Panic » ou « Eject », représente des moments de vie importants pour une certaine génération. Il y avait beaucoup de liberté dans ce premier effort. Quel est ton regard aujourd’hui sur cette époque et ce qu’elle a apporté ?

Les conditions étaient différentes dans le paysage musical, pas seulement pour les groupes. L’industrie et la technologie étaient telles que si tu avais quelque chose d’intéressant à présenter, il suffisait juste d’acheter un moyen de transport, d’y mettre tes instruments et de partir booker des dates. Et puis sur place, tu pouvais toujours imprimer des t-shirts, faire des cassettes pour créer des moments fun, le tout dans un esprit très DIY, comme à la maison. Tu ne pouvais peut-être pas totalement vivre de la musique, mais tu pouvais au moins créer quelque chose. Ensuite, il y avait plein de petits labels indépendants et c’était plus facile pour obtenir les contacts et avoir une présence dans le monde entier, créer des vidéos, etc… Il y avait tout un réseau qui faisait ça. Aujourd’hui, c’est très différent. Tu me parlais de la liberté de la musique. Elle a toujours été là, en fait. C’est un choix que nous avons fait. Mais on n’est pas toujours obligé de rester dans des choses révolutionnaires. Nous écoutons toujours plein de musiques différentes comme le Hip-Hop ou la Pop-Dance avec la même passion. Et nous avons tout incorporé dans notre musique. Et l’avantage qu’on avait aussi, c’est qu’on pouvait tout jouer en live, juste le guitariste et moi au chant et aux samples. On avait besoin de beaucoup moins de choses finalement. 

– Il y a un peu plus de 30 ans déjà, SENSER faisait irruption sur la scène britannique en brisant les codes, grâce à un Metal Fusion, jusqu’alors assez inédit. Que ce soit au niveau du Metal, du Rap ou de l’Electro, vous étiez au top de tous ces styles. Comment s’était formé le groupe, qui avait d’ailleurs des allures de collectif aussi à l’époque ?

Oui, il y avait cette impression car, comme beaucoup de groupes, on a souvent dû changer de musiciens. On a eu un premier batteur excellent, mais qui a eu des problèmes psychologiques, un DJ qui n’était pas vraiment dans le même univers que nous, etc… Donc, au début, il y a eu plusieurs changements. A partir de l’album « Staked Up », le line-up s’est stabilisé, même si Johnny (Morgan, batterie – NDR) et moi sommes allés sur d’autres projets. Mais, nous sommes toujours revenus. Et si tu prends SENSER aujourd’hui, c’est le même groupe à la seule différence du DJ. Cela fait un an et demi qu’il est avec nous. L’ancien s’était un peu radicalisé à l’extrême droite et nous, c’est quelque chose qu’on ne peut absolument pas revendiquer. C’est même tout le contraire de ce que je chante ! (Rires)

– Après quelques singles à succès et surtout l’album « Stacked Up », SENSER a explosé dans tous les sens du terme, puisque tu es aussi parti fonder Lodestar. Que s’était-il passé ? Un succès trop soudain ? Une pression devenue trop forte ?

Cela n’a pas été soudain, car on tournait depuis des années avec notre petit van. On a fait beaucoup, beaucoup de choses. Puis, on a enregistré l’album, nous avons tourné et tout cela a duré quelques années. Si tu fais le compte, entre le début de la conception de « Stacked Up » jusqu’à la fin du cycle, cela représente environ cinq ans de la vie du groupe. J’étais presque un ado et à la fin j’avais 25 ans et je n’en pouvais plus ! J’avais besoin d’une pause pour explorer quelque chose de différent. On avait pourtant commencé à composer un autre album dans la foulée, mais c’était comme un citron qu’on aurait trop pressé : ça ne venait pas naturellement. On ne voulait pas pour autant quitter le groupe. Et puis, il y a eu quelques pressions du mangement, qui a vu l’opportunité de faire deux projets. Ca voulait dire plus de ventes, des concerts, parfois de l’argent aussi et il nous a poussé à le faire en nous disant qu’on pouvait assurer les deux projets en même temps. Mais, on aurait peut-être dû prendre juste une pause. Ensuite, les autres membres étaient partants aussi. Et deux ans plus tard, nous sommes revenus pour SENSER et là on était prêts. Tout le monde a eu l’impression que ça a explosé mais, en fait, non… (Sourires)

– Malgré les deux albums suivants (« Asylum » et « Parallel Charge »), c’est avec « SHEMAtic » que vous retrouvez la lumière en 2004. Il aura fallu dix ans pour retrouver l’élan de vos débuts et cette inspiration. Y a-t-il eu un déclic ?

Pas vraiment, car nous avons toujours eu ça en nous. On voulait vraiment continuer à faire ce genre de musique ensemble. J’avais juste besoin d’un break, car le fait de tourner pendant cinq ans avec les mêmes personnes dans ces conditions-là est assez difficile. Nous n’étions pas le genre de super-groupe avec son propre bus, où tu vas jouer dans des villes où tu peux rester un peu, etc… C’était assez intense et j’ai eu besoin de lever le pied. Pendant ce temps-là, je me suis marié, j’ai retrouvé une sorte de vie normale et après j’ai déménagé à Paris aussi. Il fallait que je me retrouve un peu, avoir une relation plus saine avec moi-même pour renouer aussi avec l’inspiration qui m’animait sur le premier album. Mes batteries étaient vides à ce moment-là. On n’aurait pas fait tous ces albums et celui qui vient de sortir, si nous n’avions pas pris un peu de recul et procéder aussi à des changements dans notre quotidien. Nos vies n’étaient pas normales !

– L’une des particularités de SENSER est d’avoir toujours garder ce mélange de chant féminin et masculin. Est-ce que, selon toi, c’est aussi ce qui rend le groupe incontournable et unique en son genre ?

Oui, c’est quelque chose de très important. Dans le Hip-Hop, et dans le Metal aussi, tu peux compter sur les doigts d’une main le nombre de femmes au chant depuis les années 80 ! Dans le Rap, leur présence se résumait surtout à des featurings, où la chanteuse venait juste en soutien du chanteur. C’est le masculin qui dominait l’ensemble. Il y avait juste Digable Planets de Brooklyn et un ou deux autres, mais pas les plus connus. Et en ce qui nous concerne dans SENSER, nous sommes arrivés ensemble et ce n’est pas du featuring…. (Sourires)

– D’ailleurs, ce qui est surprenant en se replongeant dans « Staked Up » et en enchaînant directement sur « Sonic Dissidence », c’est que la fougue, la volonté et l’envie n’ont pas changé. Seuls le son et la production sont plus actuels. Aviez-vous, dès le début, le sentiment de créer une musique aussi intemporelle ?

Non, pas vraiment, dans le sens où je n’arrivais pas à me projeter. Franchement, j’ai toujours pensé que j’allais mourir à 27 ans ! Quant tu as cet âge-là, je ne pense que tu puisses imaginer concrètement ton avenir. Je suis vraiment très reconnaissant, car on a beaucoup de chance de pouvoir mener un projet aussi personnel et sans compromis pendant 30 ans ! Je me rends bien compte à quel point c’est rare et c’est génial. Il y a des gens qui sont toujours là, qui achètent nos disques et qui viennent aux concerts. Je trouve ça ultra-touchant, oui… (Sourires)

– D’ailleurs, depuis combien de temps êtes-vous sur la composition de ce sixième album, et est-ce que chacun apporte sa contribution, car votre style est très riche ?

Avant, quand on vivait dans tous dans le même pays, la même ville et presque les mêmes quartiers, il y a avait beaucoup de jams où tout le monde venait. Et ça, c’était épuisant ! On passait nos journées dans les salles de répétition, on faisait tourner des idées en boucle. C’était très difficile de sortir quelque chose à partir de séances, de bœufs improvisés. Alors, bien sûr, il y avait des contraintes et chacun faisait des petites démos chez lui. Je pense que la technologie d’aujourd’hui a libéré tout le monde. J’ai même fait des maquettes cette fois-ci sur mon téléphone ! Donc, il y a des démos qui viennent d’un peu partout et on se les repasse tous entre-nous. A partir de là, tu peux ajouter plein de choses et vraiment te lâcher, ou au contraire les mettre de côté. C’est plus facile aussi pour mettre tout le monde d’accord. On échange beaucoup de cette manière maintenant.

– J’aimerais qu’on parle aussi des textes, qui ont toujours été très engagés chez SENSER. Quelles différences notes-tu depuis vos débuts, et est-ce que les combats ne sont finalement pas un peu les mêmes dans une société, qui manque peu à peu de repères et de valeurs ?

Oui, il y a toujours eu de l’engagement dans SENSER. Mes premières influences viennent des premiers Rap que j’ai écoutés et qui étaient surtout constitués de breaks et d’électronique. Ensuite, ça a été Public Enemy, Run DMC, etc… . Ce n’est pas super engagé, mais il y avait quand même quelque chose de revendicatif. Public Enemy a été très important pour moi, ainsi que Crass (collectif d’artistes britannique d’anarcho-punk, fondé en 1978 – NDR). Là, j’ai compris que je pouvais aborder mes propres sujets. J’adorais ces groupes Punk et ce qu’ils exprimaient. Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes entre Crass et Public Enemy quand on y pense. Chuck D. s’est présenté avec du design sur l’image avec des logos simples et une grande éducation sur l’histoire politique du mouvement des droits civils aux Etats-Unis. Il y avait une pensée derrière, des idées. Très rapidement, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire, proposer une sorte de miroir de la société. Tout le monde regarde la télé, son téléphone ou va manifester pour s’exprimer. De mon côté, je voulais le transmettre à travers notre musique. C’est un processus très naturel, en fait, et un choix très conscient.

– J’allais justement y venir, car il y a vraiment le sentiment que ce nouvel album se fait le témoin de notre époque, avec toute sa noirceur et aussi sa luminosité. Est-ce dans ce sens que vous l’avez souhaité et composé ?

Oui, ça a toujours été ça ! En effet, c’est certainement une sorte de miroir au niveau des paroles. Il ne faut pas oublier que cela a toujours existé dans le Rap avec Public Enemy ou KRS-One, par exemple, mais pas à ce point, c’est vrai. C’était ultra-engagé, tout comme les groupes Punk d’ailleurs. Dans le Metal, c’est un peu différent. Il y a des groupes comme Napalm Death et d’autres où tu ne peux pas te tromper sur leurs idées politiques, leurs positions et leurs points de vue sur le monde, comme Sepultura aussi dans un sens. Même Slayer, si tu écoutes bien, fait un peu la même chose avec la religion dans un cadre plus morbide. Il faut voir sous quel angle ils tiennent le miroir sur ce qui est important. Ca a toujours été présent avec différentes manières de l’exprimer.  Et pour moi, le Rap s’y prête également, bien sûr. Après, le style s’est énormément matérialisé avec des gens comme Puff Daddy, et notamment ‘P. Diddy & the Bad Boy Family’ qui ont vraiment fait de la merde ! Mais, parallèlement, ils sortaient des trucs mortels, alors que le reste était conçu pour la grande consommation. Maintenant, je comprends très bien l’idée d’avoir du succès, de l’argent… et de fétichiser tout ça. Je comprends l’impulsion qui est derrière et ce désir de sortir d’une certaine situation socio-économique où l’on n’a pas peur de montrer son argent. Mais artistiquement, c’est vide !

– Enfin, revenons à votre dualité vocale dans SENSER. Avec Kerstin Haigh qui s’est imposée, vous formez un tandem explosif et je trouve aussi qu’elle est plus présente sur « Sonic Dissidence » et que l’équilibre est parfait. De quelle manière travaillez-vous cette complémentarité ? Le faites-vous ensemble sur les lignes de chant, notamment ?

Sur les lignes vocales, oui, un peu plus. Mais sur les paroles : zéro ! (Rires) Sur les textes, on fait chacun notre truc, c’est ça qui est incroyable. On a déjà essayé de travailler ensemble sur des morceaux, une fois ou deux, et ça ne marche pas trop. Parfois, on reprend une ligne de l’autre, comme je peux le faire sur scène, par exemple. Et à d’autres moments, si mes lignes sont plus adaptées à elle, elle reprend certaines de mes paroles. Dans ces cas précis, ça marche, mais on expérimente rarement. En fait, on essaie de se suivre et de créer une continuité dans l’interprétation. Mais on n’écrit jamais ensemble, c’est bizarre, hein ? (Sourires)

Le nouvel album de SENSER, « Sonic Dissidence », est disponible sur le Bandcamp du groupe : https://senser.bandcamp.com/album/sonic-dissidence-2

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Hard'n Heavy

Saüc : en les profunditats

Globalement assez sombres, les Catalans n’usent pas pour autant d’une vélocité systématique pour afficher leur puissance. Dans un Hard’n Heavy solide et parfois même rugueux, leur explosivité se déploie essentiellement dans la force des riffs et une polyvalence du chant, qui se montre également plurielle avec quelques guests. « Catarsi », s’il reste contemporain dans le propos, se nourrit aussi de légendes pour intensifier certains titres à travers des atmosphères changeantes, sincères et parfois progressives.

SAÜC

« Catarsi »

(Independant)

Depuis sa création en 2017, SAÜC est devenu un fer de lance de la scène locale de Catalogne et même au-delà. Après un premier effort, « Eterna » en 2021, il vient concrétiser sa position avec « Catarsi » dans un style devenu plus personnel et plus élaboré également. Fort et fier de ses origines, c’est dans sa langue natale qu’il s’exprime et c’est aussi ce qui rend son mélange de Hard Rock et de Heavy Metal si particulier. Cela dit, cette spécificité convient parfaitement à une identité artistique inspirée d’un Metal traditionnelle en version actualisée.

Là où « Eterna » présentait quelques éléments Thrash qui lui confédéraient un côté Old School assez saillant, « Catarsi » prend tout le monde de revers à travers des passages très Alternative Metal, qui expliquent cette sensation plus moderne. SAÜC a aussi travaillé sur l’aspect mélodique de ses nouveaux morceaux, en étant par ailleurs plus progressif et émotionnel. Ces changements notables font apparaître une vision nette de l’évolution de la formation  ibérique. Et comme l’un ne va pas sans l’autre, la production est elle aussi très solide.

Enregistré, mixé et masterisé par Txosse Ruiz, « Catarsi » bénéficie de la présence de la chanteuse barcelonaise Kris Vega (Cobra Spell, Born In Exile) sur « Després Del Silenci » pour une belle dualité vocale, ainsi que Marc Storm, le frontman espagnol de Drakum et Icestorm, sur « Indibil I Mandori ». Outre ces deux très bons featurings qui viennent pimenter le disque, SAÜC livre des titres plus que convaincants (« Nèmesi », « Instinct », « Bestia », « Obstinació » et le plus délicat « Series Tu »). Le quintet prend du volume et s’affirme avec vigueur.

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Alternative Metal Alternative Rock

Faith In Agony : so alive

C’est dans un bel élan que FAITH IN AGONY donne une suite à « Drowned & Exalted », sorti en 2021. Très bien produit, « Insight » traduit avec efficacité une intensité introspective entre Rock et Metal. Très solide et tout en contraste, le combo n’élude pas une certaine vulnérabilité, qui se fond dans des morceaux d’une grande sincérité, souvent à fleur de peau. Sous l’impulsion de sa chanteuse, dont la performance surclasse beaucoup d’autres, la fraîcheur de la formation s’exprime dans une mixité très inspirée.

FAITH IN AGONY

« Insight »

(Independant)

Quelle audace ! Loin des productions hexagonales stéréotypées, convenues ou tellement prévisibles, le groupe signe un album intelligent et d’une grande variété. Même si l’on pourrait les ranger dans un style Alternative Metal/Rock, les Grenoblois œuvrent pourtant dans un registre bien plus large, dont les divers courants se conjuguent dans une belle harmonie. Autant que dire qu’avec « Insight », FAITH IN AGONY offre un grand bol d’air frais, et le paritaire combo fait preuve d’un éclectisme de plus en plus rare et très bienvenu.

Côté son, c’est Sébastien Camhi (Acod, Akiavel, Heart Attack, …) qui a enregistré et mixé ce deuxième opus au Studio Artmusic, lui assurant une belle puissance, du relief, ainsi qu’une mise en valeur des nombreux détails qui se nichent dans des arrangements très soignés. FAITH IN AGONY est donc sûr de son jeu et ses nouvelles compositions témoignent d’une maturité acquise et surtout d’une créativité qui ne s’interdit rien. Guidé par sa frontwoman Madie, passée un temps chez Nightmare, il avance avec force, délicatesse et assurance.   

Avec treize titres, « Insight » permet aussi au quatuor de multiplier les ambiances, les tempos et de dévoiler l’étendue de son univers. Doté d’une saveur très 90’s, ce deuxième effort complet reste très actuel. Tandis qu’Eva Riché (basse) et son frère Quentin (batterie) assurent un groove accrocheur, Guillaume Poupon distille des parties de guitares massives, percutantes et pleines d’émotion. Sur des sonorités Grunge, Fuzz et même bluesy, FAITH IN AGONY déploie une énergie phénoménale et montre une identité très personnelle. Complet et costaud !

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Blues Rock Classic Rock Hard 70's

Silverflame : ardent Spanish Rock

Entre Rock 70’s, Blues Rock et saveurs Southern, la formation ibérique nous replonge avec talent quelques décennies en arrière pour revenir avec beaucoup de certitudes et de savoir-faire à l’essence-même du genre. Grâce à une frontwoman qui libère une lumière positive sur SILVERFLAME, « Fly On » passe brillamment le cap du deuxième opus avec une forte intensivité et une émotion authentique. Un combo rompu à l’exercice depuis un bon moment déjà et dont l’approche très live respire la sincérité d’un style si fédérateur.

SILVERFLAME

« Fly On »

(Independant)

Né des cendres de La Banda Del Yuyu, qui a œuvré durant une quinzaine d’années du côté de Gérone en Espagne, SILVERFLAME reprend depuis 2017 les choses là où elles en étaient et offre une suite à « First Flight », premier effort sorti il y a sept ans. Plus aguerri encore et plus personnel aussi, le sextet livre son deuxième album, où il fait bien plus que de rendre hommage à un Classic Rock intemporel et teinté de Blues. Et puis, l’arrivée du claviériste Fran Esquiaga l’année dernière lui offre également beaucoup de relief et de chaleur.

Gorgé de soleil et délicat, « Fly On » s’est aussi se faire plus robuste et musclé. Pour se faire, SILVERFLAME tient en Jep Vilaplana et Jordi Turon, deux très bons guitaristes. Et avec une rythmique aussi groovy que celle formée par Javi Galván (basse) et Jordi Vila (batterie), on peut affirmer que ça ronronne tout seul chez les Espagnols. Certes, quelques influences comme celle de Free et d’autres formations plus Southern sont présentes, mais elles sont particulièrement bien assimilées.

Enfin, l’un des atouts majeurs de SILVERFLAME est sa chanteuse Sheila Endekos, qui apporte une autre dimension dans un registre où les femmes sont finalement assez peu nombreuses. Energique, l’aspect bluesy de sa voix libère un côté très organique et langoureux aux titres de « Fly On ». Et avec un univers où l’esprit jam n’est jamais bien loin, le groupe se fait vraiment plaisir… et nous avec (« Some More Blues », « Here For Nothing », « Echoes Of The Void », « Forbidden Innocence » et le sudiste « Snake »). Une réussite !

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Americana Blues International Soul / Funk

Laura Evans : le scintillement d’une étoile [Interview]   

« Out Of The Dark » est un album qui emporte par ses mélodies soignées, cette voix aussi proche qu’attachante et une osmose de chaque instant sur des compositions aux arrangements très soignés. Entre Americana et Blues Rock, LAURA EVANS glisse quelques touches vocales Pop malicieuses et sensuelles. L’univers de la Galloise est aussi vaste qu’authentique et si ce n’est pas la précision et le feeling des guitares qui vous saisissent, ce sera à coup sûr ce chant aussi puissant que familier et troublant. La frontwoman et compositrice affiche aujourd’hui un style très personnel, qui vient se nourrir de vécu et de musiques aux horizons variés. Entretient avec une artiste, qui a façonné un disque où elle va à l’essentiel dans une liberté totale.

– Beaucoup de gens vont te découvrir avec ce nouvel album, « Out Of The Dark », dont tu as déjà sorti quelques singles. Pourtant, l’aventure a commencé en 2014 avec ton premier EP « Remember When ». Le style était plus épuré et très acoustique. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur tes débuts ?

Je repense à cette époque avec beaucoup d’émotion. « Remember When » a été mon premier véritable pas dans le partage de ma musique avec les gens. A l’époque, le son acoustique et épuré me semblait la manière la plus authentique de m’exprimer. Je n’avais ni de grande équipe, ni une production élaborée. J’étais seule avec les histoires que je voulais raconter. Ces débuts étaient purs et bruts, et ils ont véritablement posé les bases de tout ce que j’ai fait depuis.

– Tu as ensuite sorti deux singles en 2020 avant ton premier album « State Of Mind » deux ans plus tard. C’est à ce moment que tu as rencontré le producteur et multi-instrumentiste Josiah J. Manning du Kris Karras Band. Sachant que tu es aussi auteure et compositrice, qu’est-ce qui a changé à ce moment-là dans ta manière de concevoir ta propre musique ?

Ma rencontre avec Josiah a été un tournant pour moi. J’avais écrit tellement de chansons pour l’album suivant, et Josiah m’a encouragé à oser mes arrangements et à me tourner vers des textures plus naturelles et organiques, qui me plaisaient naturellement. Cela a insufflé une nouvelle énergie à mon écriture et m’a aidé à façonner « State of Mind » en quelque chose d’authentique mais de plus vaste.

– D’ailleurs, de toutes tes réalisations, « State Of Mind » est celle qui possède le son le plus brut et le plus roots. L’album t’a aussi distingué du reste de la scène féminine de l’époque. Etais-tu guidée par le désir d’une sorte de retour aux racines sans fioritures de l’Americana, du Blues et du Rock ?

Absolument. A ce moment-là, je voulais me débarrasser de tout artifice superflu et me concentrer sur l’essentiel des chansons : l’émotion, la narration et la musicalité. Je voulais aussi me démarquer en tant qu’artiste. Avec « State of Mind », je pense que j’ai pu apporter ma touche personnelle au son Blues Rock, et je pense que c’est cette honnêteté qui le distingue.

– On te retrouve donc aujourd’hui avec « Out Of The Dark », qui porte d’ailleurs très bien son nom, puisque ce deuxième album est très lumineux et propose aussi une production plus claire et moderne. L’idée première était-elle de faire sonner un registre intemporel avec un aspect très actuel ?

Oui, c’était vraiment l’objectif. Je voulais créer quelque chose qui conserve la chaleur et la sincérité de mes premiers travaux, mais en les transposant dans un espace plus contemporain. « Out Of The Dark » marque un nouveau chapitre, tant sur le plan personnel que musical. Il était donc naturel de viser un son à la fois intemporel et frais, capable de trouver un écho auprès des auditeurs de longue date comme auprès du nouveau public. Je voulais aussi faire quelque chose de différent pour moi-même : j’ai été profondément inspiré par de nombreuses musiques et sonorités nouvelles, et c’était tellement excitant de créer et de me dépasser avec cet album.

– Cette fois, c’est avec le producteur Ian Barter (Amy Winehouse, Paloma Faith) que tu as travaillé et on te découvre aussi dans d’autres tonalités. Ton talent de conteuse est intact et ta musique offre une autre dynamique et un nouvel élan. Avais-tu besoin d’un nouveau collaborateur pour faire évoluer un peu plus tes chansons ?

Absolument. Je pense qu’il est important d’évoluer et de se remettre en question sur le plan créatif. Travailler avec Ian a apporté une perspective différente à ma musique. Il a une excellente oreille pour mélanger des éléments organiques et modernes, et il m’a vraiment poussé à explorer de nouvelles textures et dynamiques. C’était rafraîchissant d’entrer en studio avec quelqu’un qui avait un parcours musical et une vision différents. Cela a permis aux chansons de se développer de manière inattendue et magnifique.

– La première chose que l’on remarque sur « Out Of The Dark » est ton incroyable performance vocale. Il y a beaucoup plus de liberté et de puissance dans ta voix. Comment as-tu travaillé cet aspect et est-ce que Ian Barter est pour quelque chose dans ce qui ressemble à une véritable éclosion ?

Merci, ça me touche beaucoup. Vocalement, j’ai abordé cet album avec plus d’assurance. Ces dernières années, j’ai beaucoup progressé en tant qu’interprète et j’ai appris à vraiment faire confiance à ma voix. Ian a grandement contribué à créer un environnement, où je me sentais libre d’expérimenter et de repousser mes limites. Il m’a encouragé à abandonner mes idées préconçues et à chanter, et cette liberté transparaît vraiment dans les enregistrements.

– D’ailleurs, « Out Of The Dark » rassemble plusieurs couleurs musicales qui vont du Blues Americana aux ballades plus Soul, en passant par des ambiances plus Pop, Rock, Funky, ainsi que Country et Southern. C’est dans l’assemblage de tous ces styles que tu trouves ta véritable identité artistique et que tu te révèles vraiment ?

Oui, à 100 %. Je ne me suis jamais sentie confinée à un seul genre, et « Out Of The Dark » m’a donné l’occasion de m’y immerger pleinement. Tous ces styles font partie intégrante de mon ADN musical, et les mélanger m’a semblé naturel plutôt que forcé. Pour moi, le fil conducteur est la narration. Quel que soit le style, les chansons sont authentiques. Cet album m’a permis de révéler d’autres facettes de moi-même et, d’une certaine manière, de révéler ma véritable identité artistique.

– On l’a dit, tu écris toutes tes chansons et notamment les textes. Est-ce que tu as voulu installer uns sorte de fil conducteur sur « Out Of The Dark », car il y a une réelle unité dans l’aspect musicale et dans les paroles, et tout s’enchaîne parfaitement ?

Oui, il y a clairement un fil conducteur. « Out Of The Dark » parle de croissance, de résilience et de retrouver la lumière après des moments difficiles. Même si les styles musicaux varient, les thèmes ont tous un lien entre eux : c’est un voyage, tant au niveau des paroles que de la sonorité. J’ai voulu créer un album cohérent, où chaque chanson participe à un récit plus vaste.

– Ce deuxième album est très fédérateur et complet. Est-ce l’objectif que tu t’étais fixé dès le départ, et est-il aussi le plus personnel des deux ?

C’est vrai. Dès le départ, je voulais que cet album soit une œuvre complète, un reflet de qui je suis aujourd’hui, en tant qu’artiste et en tant que personne. Il est clairement plus personnel. Beaucoup de chansons sont nées d’expériences réelles et de moments de découverte personnelle. Je pense que c’est ce qui le rend si rassembleur. Il est sincère du début à la fin.

– Enfin, tu es aussi actrice, même si la musique semble passer aujourd’hui au premier plan. Qu’en est-il de ce côté-là ? Accordes-tu définitivement la priorité à ton activité actuelle, au-delà de la sortie de l’album, ou tu ne fermes aucune porte ?

La musique est sans aucun doute ma principale préoccupation en ce moment, surtout avec la sortie de « Out Of The Dark » et tout ce qui va avec. Mais le métier d’acteur a toujours fait partie de moi, et je ne le considère pas comme quelque chose que je vais abandonner. J’aime garder les portes ouvertes et suivre mon énergie créative. Pour l’instant, cette énergie est principalement centrée sur la musique, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ! (Sourires)

Le nouvel album de LAURA EVANS, « Out Of The Dark », est disponible sur le site de l’artiste : https://thelauraevans.com/shop

Photos : Rob Blackham

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Heavy metal Old School

Wings Of Steel : changement de dimension

Tenace, motivé et inspiré, WINGS OF STEEL enchaîne les nouvelles productions sur un rythme effréné depuis assez peu de temps finalement, et surtout  gagne en qualité à chaque fois. Si les débuts étaient déjà prometteurs, l’ascension est assez fulgurante. Vocalement, le Scandinave reste puissant et a même élargi son panel, tandis que l’Américain multiplie les riffs acérés et les solos virtuoses sans faire cependant de « Winds Of Time » une production démonstrative. Au contraire, s’il y a plus de sérieux dans le ton, la fougue reste intacte.

WINGS OF STEEL

« Winds Of Time »

(Independent/High Roller Records)

Depuis son premier EP éponyme en 2022, WINGS OF STEEL avance au pas de charge et c’est pied au plancher qu’il sort son deuxième album. « Winds Of Time » fait donc suite à « Gates Of Twilight » (2023), et le groupe s’était même fendu d’un témoignage de sa venue dans l’hexagone avec le détonnant « Live In France », capté dans la bouillonnante cité lilloise. Ainsi, le frontman suédois Leo Unnermark et le guitariste américain Parker Halub mènent une aventure aussi véloce que leur Heavy Metal, bâtit dans la tradition la plus pure.

Fort d’une nouvelle collaboration avec High Roller Records, WINGS OF STEEL garde tout de même son indépendance sur ce nouvel opus et s’affiche dorénavant officiellement en quintet. Pour autant, c’est toujours le créatif duo américano-suédois qui reste aux commandes et se montre garant de l’identité artistique à l’œuvre depuis quelques années maintenant. D’ailleurs, de ce côté-là, l’épopée Old School suit son cours et se peaufine. Moins direct que ses prédécesseurs, « Winds Of Time » révèle enfin une personnalité nette.

La formation basée à Los Angeles laisse dorénavant respirer ses morceaux, à commencer par le morceau-titre qui ouvre les hostilités, culmine à dix minutes et nous rappelle au bon souvenir du Queensrÿche de la grande époque. Des changements d’ambiance qui viennent donc confirmer la force et la maturité acquise par WINGS OF STEEL. Plus varié et doté d’une approche plus actuelle sur des compos plus lumineuses font de « Winds Of Time » un disque à mettre entre toutes les bonnes mains et à écouter sans modération. L’élan est beau !

Retrouvez aussi l’interview du groupe pour la sortie de « Live In France » et la chronique de « Gates Of Twilight » :

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Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Birds Of Nazca : tellurique

Si l’intention de BIRDS OF NAZCA a toujours été de prendre son envol à la découverte de territoires et de panoramas hors-normes, le fait qu’il évolue dans un registre instrumental laisse à chacun le loisir de faire voguer son imagination au gré de sa perception personnelle. Avec « Pangaea », le voyage passe par des terres gelées, de montagnes majestueuses et de grands espaces qu’on a le sentiment de survoler au fil d’intempéries retentissantes, et qui viennent se fondre dans des ambiances captivantes. Spontané et épais, le Stoner des Nantais prend ici un essor organique plein de rebondissements. 

BIRDS OF NAZCA

« Pangaea »

(Independant)

Pour avoir vu éclore et évoluer le duo depuis ses débuts en 2020 avec un album éponyme déjà prometteur, BIRDS OF NAZCA prend avec « Pangaea » une toute autre dimension. Son style s’est réellement peaufiné et il affiche aujourd’hui une identité propre, qui demeure d’ailleurs toujours aussi délicieusement complexe. Pas de profond changement dans l’approche musicale, mais plutôt une maîtrise affinée des tessitures et des textures des morceaux qui composent ce deuxième opus, où le son est nettement plus massif.

Grâce à une production profonde, le tandem joue surtout sur les reliefs dans un climat aride, du aussi à sa formation très resserrée et qui, sans effet supplémentaires, se veut aussi rêche que rugueuse. Pour autant, BIRDS OF NAZCA n’écrase pas toujours tout sur son passage, malgré des fulgurances Doom musclées, et s’échappe également dans des envolées plus légères et épurées. Guillaume Kerdranvat (guitare) et Romuald Chalumeau (batterie) ont enregistré « Pangaea » en condition live pour plus de vérité et le ressenti est bien présent.

Hormis quelques samples de chant d’oiseau (évidemment !) ou de la nature plus largement, l’approche du groupe est toujours aussi brute et directe, ce qui offre à son Heavy Stoner Psych un aspect compact aux nuances plus subtiles qu’il n’y parait. BIRDS OF NAZCA  multiplie les ponts et les breaks, transite par des élans aériens avec toujours en ligne de mire un travail minutieux sur le riff, servi par un batteur au service d’escapades sonores parfois brusques. « Pangaea » montre une maturité certaine et une assurance sans faille.

Photo : Bérénice Tatoo

Retrouvez la chronique de « Héliolite », ainsi que celle du premier album sur Facebook :

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Classic Rock Hard 70's Heavy Rock

Red Cloud : un Rock herculéen

On assiste depuis quelques temps déjà à un revival du Classic Rock avec de beaux clins d’œil au Hard 70’s et l’hexagone n’est pas en reste. Depuis cinq maintenant, RED CLOUD assène son Heavy Rock débridé et la densité de cette nouvelle production témoigne d’un caractère bien trempé et d’une volonté aussi brute et organique que les morceaux qui composent « This Is Not An Album ». Et l’électrisante frontwoman du combo offre aussi une dimension supplémentaire à un registre inspiré et de plus en plus personnel.

RED CLOUD

« This Is Not An Album »

(Independent)

Poser ses fondations sur ce qu’on a fait de mieux en termes de Rock au sens large est le credo des Parisiens qui, après un premier album éponyme il y a deux ans, sont de retour avec « This Is Not An Album ». Comme l’indique son titre, ce nouvel opus est aussi une sorte de pied à une industrie musicale en pleine déliquescence. Solidement ancré dans un Heavy Rock délicieusement vintage, qui fait la bascule entre Classic Rock et Hard Rock, RED CLOUD a trouvé sa voie et enveloppe la légende d’une modernité rafraîchissante.

Pour ce deuxième effort, le groupe s’est lancé le défi de sortir un single par mois pendant huit mois. Une façon de rompre la monotonie, certes, mais surtout un challenge relevé haut la main qui nous renvoie aujourd’hui à « This Is Not An Album », une entité fougueuse et mélodique. Par ailleurs, Laura Luiz (orgue) a cédé sa place à Amy Prada, qui vient renfoncer la section guitare de RED CLOUD aux côtés de Rémi Bottriaux. Autant dire que l’accent est porté sur les riffs… Et on ne s’en plaindra pas, bien au contraire !

Situé quelque part entre Led Zeppelin et Rival Sons, « This Is Not An Album » présente des ambiances assez différentes, sans doute en raison du processus d’écriture. Sur un groove épais aux teintes bluesy, la voix de Roxane Sigre fait le liant entre un mur de guitare imposant et une rythmique soutenue. RED CLOUD sait aussi se faire plus aérien (« For Those Who Died Dancing »), comme pour mieux délivrer cette intensité qui fait son ADN (« Naked Under My Breath », « Black Sunlight », « Werewolf »). Une force qui s’affirme !

Retrouvez la chronique du premier album :

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Post-Metal

Absence Of Colors : abondance de nuances

Atmosphérique et jouant sur une vélocité explosive, ABSENCE OF COLORS évolue cette fois sur la longueur et les cinq titres interprétés ici confirment la signature du groupe, qui acte aussi l’arrivée d’un troisième membre. Malgré une apparente rugosité, « Poison On Your Lips » devient très vite immersif et nous embarque sur des mélodies tout en finesse, qui ne manque pourtant pas d’épaisseur dans le ton. En multipliant les ambiances, l’homogénéité se créé d’elle-même et passe d’une dimension à l’autre avec beaucoup de fluidité.

ABSENCE OF COLORS

« Poison On Your Lips »

(Weird Noise)

Après « Cycles » en 2022, un premier EP très réussi qui a révélé l’univers et l’approche singulière du groupe français, ABSENCE OF COLORS livre « Poison On Your Lips » avec quelques changements. A commencer par le line-up, puisque Damien Bernard (batterie) et Olivier Valcarcel (guitare) accueillent en renfort le bassiste et claviériste Brice Berrerd. Et comme les trois musiciens sont également adeptes d’arrangements soignés et d’effets variés, de nouvelles possibilités s’offrent à eux et elles donnent à cet album volume et profondeur.

Cela dit, le trio ne bouche pas le spectre sonore, mais laisse respirer son post-Metal pour obtenir un son élaboré et organique. Toujours en mode instrumental, ABSENCE OF COLORS ponctue cependant « Poison On Your Lips » de quelques samples vocaux, qui viennent accentuer la sensation déjà très narrative des cinq morceaux. Polymorphe, le jeu de la formation de Chambéry montre beaucoup de relief, s’aventure aussi dans des voies où le Stoner côtoie le Doom, l’Indus et le post-Rock. Autant de courants qui ne finissent par ne faire qu’un.

Moins sombre que son prédécesseur, « Poison On Your Lips » s’étend pourtant sur un espace ténébreux, mais plus lumineux. Et il doit sans doute cet éclat à une vision distincte et plus personnelle de son style. ABSENCE OF COLORS fait habillement le lien entre l’aspect poétique de sa musique et des éléments plus brutaux et sauvages. Dès « Ignorance Is Strength », on plonge dans un précipice sonore, où l’expérimentation est aussi intense que maîtrisée (« Fury Room », « Death From Alone » et ses chœurs, « Perfect Storm »). Complet et captivant.

Photo : Bruno Belleudy

Retrouvez la chronique de « Cycles » :

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Classic Rock International Roots Rock Southern Rock

Mynd Reader : to the roots of the soul [Interview]

Alors que son premier album éponyme ne sera dévoilé dans son entier qu’en janvier prochain, MYND READER a déjà laissé s’échapper quelques six singles et le septième, « Birdsong », est attendu fin octobre. Fondé par un duo quasi-fusionnel, puis rejoint par des musiciens littéralement habités par cette musique qui les unie, les Américains font partie de cette catégorie de groupe qu’on adore d’entrée de jeu et qu’on attend presque plus. Porté par une émotion de chaque instant et des mélodies entêtantes, on entre en communion avec ce savoureux mélange de Classic Rock et de Southern redéfini dans un American Roots Rock authentique, sincère… et virtuose. Entretien avec un Brian Sachs, batteur et compositeur, très heureux et impatient de présenter prochainement ce « Mynd Reader » stellaire.

– MYND READER s’est formé relativement récemment et malgré quelques singles, on vous connait finalement assez peu. Est-ce que vous pourriez vous présenter à nos lecteurs ?

Tout d’abord, merci de nous donner l’opportunité de nous présenter à votre public français. MYND READER est une rencontre cosmique. Le groupe est composé de Tonin, notre multi-instrumentiste et source d’inspiration inépuisable, de l’incroyable Shelby Kemp, dont la voix et la présence font de lui un véritable leader moi-même à la batterie et à l’écriture. Nous sommes basés à Boulder, dans le Colorado, et le groupe s’est formé comme par miracle, né de l’amitié, d’une vision commune et d’un amour profond du Rock’n’Roll.

– On vous a donc découvert en octobre 2024 avec « Radio Warning », votre premier single. Depuis, vous les distillez au compte goutte et « Home », le dernier en date, est sorti en août. C’est une stratégie qui peut surprendre, notamment dans le monde du Rock. Est-ce une manière de faire durer le suspense et aussi d’être présent sur les plateformes en les alimentant régulièrement ? 

Nous vivons dans ce que j’appelle une ‘économie du déficit d’attention’. Chaque jour, les gens sont bombardés d’informations, d’algorithmes et de distractions. Sortir un album complet d’un coup, aujourd’hui, même un album aussi monumental qu’« Abbey Road », pousse à se demander si serait vraiment efficace pour se démarquer.

Pour moi, la musique est faite pour être vécue. Mes disques préférés sont devenus la bande-son de ma vie parce que j’ai eu le temps de m’y attarder, de les revisiter et de les laisser respirer. En publiant notre musique progressivement, nous donnons à chaque morceau l’occasion de mûrir avec l’auditeur, de prendre du sens et de créer une véritable connexion au fil du temps.

– Votre premier album est attendu pour janvier prochain, soit plus d’un an après « Radio Warning ». Est-ce que, justement, vous vouliez d’abord voir les réactions du public, ou l’album est-il prêt depuis un bon moment déjà ?

En vérité, l’album est terminé depuis un bon moment et nous sommes déjà bien avancés sur le deuxième et le troisième album. Mais nous croyons en l’importance de construire une relation durable avec notre public. A une époque où la société semble plus divisée que jamais, nous voulons que notre musique mette en lumière ce qui nous unit, c’est-à-dire la joie, l’amour, le chagrin, la peur, l’isolement et la connexion.

Notre single « Home » a pour refrain ‘More life, please’, qui est devenu pour nous une sorte de prière. Peu importe les difficultés de la vie, nous en voulons toujours plus et partager ce sentiment avec nos auditeurs est quelque chose de sacré. Nous ne sommes pas pressés. Nous sommes là pour le long terme, pour créer une musique qui accompagnera notre public pendant des années… (Sourires)

– MYND READER présente un concentré d’une partie du Rock américain avec un aspect très roots, un peu vintage aussi, mais dans une production très actuelle. Est-ce votre manière de donner un nouvel éclat à vos racines musicales ?

J’ai grandi en vénérant le Classic Rock, à savoir Deep Purple, Rainbow, Elton John, Black Sabbath, les Beatles, Led Zeppelin, Pink Floyd… En tant que batteur, j’ai joué de tout, du Funk de James Brown aux orchestres de fosse, mais je n’avais pas touché à ce que j’appelle le ‘Rock d’arène’ depuis mon premier groupe de garage, lorsque j’étais enfant. Et c’est ce que je voulais faire revivre.

Dans mon esprit, nous sommes en 1978 et MYND READER est le plus grand groupe du monde, mais je veux aussi que ce sentiment résonne en 2025 ! (Sourires) Le Rock’n’Roll intemporel ne se démode jamais. Si « Animals » de Pink Floyd ou « Paranoid » de Sabbath sortaient aujourd’hui, ils sonneraient toujours aussi frais et révolutionnaires. C’est cette énergie que nous canalisons : un Rock sincère, sans filtre et qui semble éternel.

– Vous êtes donc originaires de Boulder dans le Colorado et c’est vrai que la musique de MYND READER est très Americana dans l’esprit avec une sensation très organique à laquelle la voix de Shelby Kemp donne littéralement une âme. L’idée était-elle aussi de donner une touche Southern à l’ensemble ?

Quand Tonin et moi avons commencé à écrire, nous savions que les chansons exigeaient une voix aussi audacieuse et pleine d’âme que celle de quelqu’un comme Chris Stapleton. Mais des voix comme celles-là sont rares. Mon ami Eddie Roberts de The New Mastersounds m’a fait écouter des morceaux de son groupe The Lucky Strokes, avec Shelby. Dès que j’ai entendu sa voix, j’ai dû m’arrêter net, car ça m’a figé. Puis je l’ai vu en concert et c’était indéniable : c’est une Rock Star, un point c’est tout ! (Sourires)

Lorsque Shelby est arrivé, nous avons enregistré « Radio Warning », « Simply Avanti » et « Falling Down » en une seule session. C’était un éclair, et soudain, tout a basculé. L’élément southern n’était pas intentionnel, c’était juste ce que la musique demandait. Shelby lui a donné cette âme et cette fougue et c’était comme accepter son destin.

– Comme j’ai eu la chance d’écouter votre album avant sa sortie, une chose m’a un peu étonné. Vous avez réalisé de très bons arrangements avec des cordes, des sons de sitar et d’autres plus sophistiqués. C’est très rassembleur et aussi très audacieux. L’objectif était-il aussi de donner une certaine intemporalité à cette première réalisation ?

Les chansons se sont révélées couche par couche. Chacune avait sa propre énergie, et nous avons suivi son chemin. Mon rôle consiste souvent à déceler les manques et à pousser jusqu’à ce que le morceau paraisse complet. Cordes, sitar, textures supplémentaires : tout cela n’était pas prévu, mais c’était simplement ce que les chansons exigeaient.

Et lorsque Michael Brauer a mixé l’album, il a su parfaitement utiliser ces couleurs pour amplifier l’émotion au cœur de chaque morceau. C’est de là que vient l’intemporalité, non seulement de l’instrumentation, mais aussi de la sincérité de l’émotion qui la sous-tend.

– Et puis, il y a également un gros travail sur les guitares qui posent les fondations de MYND READER. Cela a-t-il été le point de départ de la composition de l’album ?

Tonin capture constamment ce que j’appelle des ‘pépites’, ces petits riffs, fragments ou grooves. Il les oublie souvent, mais je suis le ‘cultivateur de pépites’. Mon rôle est de les assembler pour en faire des chansons complètes, avec mélodies et paroles. Sa musicalité permet aux chansons de s’écrire pratiquement toutes seules.

J’ai joué pendant des années dans un trio d’Acid Jazz sans guitare, et j’en mourais d’envie. Alors, quand on a lancé MYND READER, je n’arrêtais pas de dire : j’ai la fièvre et le seul remède, c’est plus de guitare. On voulait faire du pur ‘Guitarmageddon’ ! (Rires)

– J’aimerais que l’on dise aussi quelques mots sur la production et le mix de Michael Brauer (Coldplay, My Morning Jacket, The Rolling Stones), qui offrent beaucoup de relief et de profondeur à l’album en évitant brillamment de le surproduire. Est-ce cet équilibre entre un son organique et moderne que vous avez recherché en faisant appel à lui ?

Michael est un génie. Il ne se contente pas de mixer le son, il mixe l’émotion. Il joue les faders de tout son corps, à la recherche de l’expressivité de l’émotion musicale. Il prend des risques, mais il ne trouve pas toujours le juste milieu. Il aborde les artistes de deux manières : ‘Puis-je mixer ce morceau ?’ et là, il peaufine la vision de l’artiste, ou alors, c’est ’Je mixe !’, où il a une totale liberté créative. Nous lui avons accordé cette dernière option. Il a reçu sept Grammys pour cette raison-là. Nous voulions que Michael soit et fasse du Michael. Quand nous avons reçu les mixes, c’était comme réentendre les chansons pour la première fois. Il a toujours été parfait.

– L’album est très homogène, entraînant et est constitué de chansons accrocheuses. Et il contient également un morceau (presque !) instrumental qui porte le nom du groupe. Avouez que c’est assez intriguant. Que voulez-vous signifier et pensez-vous qu’il résume bien la musique et l’esprit du groupe, au point qu’aucune parole ne soit nécessaire ?

Quand Tonin et moi avons lancé MYND READER, nous pensions sincèrement que ce serait un simple projet instrumental. Juste deux gars improvisant sans attentes, comme des ados avec du matériel sophistiqué. Mais ensuite, de vraies chansons avec des paroles ont commencé à émerger et tout a basculé. Le morceau « Mynd Reader » reflète ces racines. Il rappelle la joie qui a tout déclenché : deux amis redécouvrant le pur plaisir de faire de la musique ensemble. Et cet esprit jeune, joyeux, libre est toujours au cœur du groupe ! (Sourires)

– Enfin, j’imagine qu’après ce long teaser et ce storytelling étonnant, vous devez être impatients de présenter ce premier album à vos fans et au public. Et est-ce que des concerts sont déjà prévus pour accompagner cette sortie ?

Oui ! (Rires) Nous terminons l’écriture du deuxième album et commençons même le troisième, mais sortir notre premier album est un rêve. C’est en fait un album conceptuel : un personnage en quête d’amour, de connexion et d’un sentiment d’appartenance. De « Radio Warning », où il déclare : ‘Il n’y a pas de joie à vivre seul toute sa vie’ jusqu’aux derniers morceaux, c’est un voyage à travers la vulnérabilité, l’amour, la perte et la rédemption.

Nous assurerons la première partie de l’album en live. Pour nous, les concerts ne sont pas que des performances, ce sont des rassemblements, une célébration de la communauté. Nous appelons cela ‘l’église du Rock’n’Roll’. Quand les gens quittent un concert de MYND READER, nous voulons qu’ils soient transportés, unis et chantent notre prière : ‘plus de vie, s’il vous plaît !’ (Sourires)

Le premier album éponyme de MYND READER sortira en janvier prochain. En attendant, n’hésitez pas à allez à la découverte des nombreux singles déjà disponibles sur les plateformes !

Photos : Lisa Siciliano (Dog Daze Photo)