Après deux formats courts, les Transalpins passent enfin à la vitesse supérieure et après des années de travail durant lesquelles ils ont investi les Marsala Studios de leur ville de Gênes, voici « Shaping The Chaos ». Mêlant Heavy Stoner Psych et post-Rock progressif, IKITAN se fait très original et paraît avoir minutieusement assemblé ses nouvelles compos en prenant soin de chaque détail. Sur une production parfois rugueuse, mais lumineuse et organique, l’ensemble est fluide et très dynamique.
IKITAN
« Shaping The Chaos »
(Taxi Driver Records)
Découvert il y a cinq ans à l’occasion d’un EP audacieux, « Twenty-Twenty », constitué d’un seul titre de 20 minutes et 20 secondes, IKITAN avait ensuite récidivé l’année suivante avec « Darvaza y Brinicle », sorti en cassette à une poignée d’exemplaires. On retrouve d’ailleurs ces deux titres sur ce premier album que les Italiens travaillent depuis 2021. Ils y ont peaufiné leur Heavy Stoner Psych aux teintes post-Rock et progressives, et comme « Shaping The Chaos » est entièrement instrumental, il est franchement hypnotique.
Cette fois, le power trio propose près d’une heure de voyage sonore, où il nous offre sa vision d’évènements naturels ayant secoués la planète à des endroits bien spécifiques, neuf au total. Ainsi, ce concept commence avec « Chicxulud », qui fait office d’intro et livre le ressenti puissant et massif d’IKITAN sur le cratère de l’impact qui a tué les dinosaures. Deux minutes qui imposent « Shaping The Chaos » de belle manière. Et la suite nous mène dans la Vallée de la Mort, au Kenya, en Antarctique et même aux côté d’une baleine…
Toujours aussi progressif, variant les tempos et avec à un beau travail sur les tessitures, le groupe se montre particulièrement accrocheur. IKITAN monte en puissance au fil des morceaux, multipliant les riffs solides, les lignes de basse hyper-groovy et avec un batteur très aérien et parfois aussi assez Metal. D’atmosphères planantes en grondements sauvages, le combo fait preuve de beaucoup de créativité comme sur « Natron », pièce maîtresse du disque où s’invitent percussions et violon, ou encore le génial « 52Hz Whale ». Exaltant !
Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de sa première production :
VELVET RUSH pourrait bien être la belle et grande surprise de cette année en matière de Hard Rock estampillé 70’s. Le quatuor originaire d’Hambourg se présente avec un premier EP, « Euphonia », qui montre de solides fondations, des musiciens plus que confirmés et une dynamique implacable. Guidés par leur charismatique frontwoman, les Allemands ont de belles cartes en main et ne devraient pas tarder à se faire connaître bien au-delà de leurs frontières. Séduit par la sortie d’un premier single il y a quelques mois, c’était l’occasion de faire connaissance avec le groupe à quelques jours de la sortie de sa première réalisation.
– Comme beaucoup, j’ai été très agréablement surpris en octobre dernier à la sortie de votre premier single, « Euphonia », qui est d’ailleurs le titre de ce premier EP. Même si c’est votre première réalisation, on devine sans mal à vous entendre que vous êtes loin d’être des amateurs. Pouvez-vous nous faire un peu les présentations et revenir sur votre parcours et la création de VELVET RUSH ?
Merci beaucoup et c’est vrai qu’il y a en fait un aspect très magique, voire spirituel, derrière la création du groupe. Cela a aussi un peu à voir avec la composition et la signification de notre chanson « Aurora ». Mais nous y reviendrons plus tard. VELVET RUSH a été fondé par notre chanteuse Sandra Lian et Tim Black, le bassiste. Grâce à la vision de Sandra et à un peu de magie, VELVET RUSH a été lancé en un week-end. C’était comme si nous nous étions trouvés après une longue attente, un coup du destin. Dennis Henning s’est joint à nous à la guitare et Tom Zeschke à la batterie. Chacun d’entre nous faisait de la musique à un niveau professionnel depuis des années dans différents groupes, à l’international, sur les planches des théâtres, etc… Nous avons tous appris à nous connaître sur la scène musicale de Hambourg. Dennis et Tim avaient déjà joué ensemble auparavant. Sandra a fait de la musique toute sa vie, notamment en étudiant le chant, la danse et le théâtre. Tom a également joué de la batterie dans différents groupes durant des années. Nous savions dès le début qu’il y avait quelque chose de spécial entre nous.
– Avec VELVET RUSH, vous renouez avec un Hard Rock très 70’s auquel vous avez injecté un souffle très moderne et beaucoup de volume. L’idée première était-elle d’offrir un son brut et organique avec beaucoup d’impact, car vous ne levez jamais le pied, sauf peut-être sur « Aurora » qui joue plus sur l’émotion ?
Nous aimons le son du Hard Rock des années 70, très caractéristique de l’époque, et nous le combinons avec des éléments modernes, c’est vrai. Mais nous avons de nombreuses autres facettes. D’une part, nous voulons montrer à l’auditeur que nous avons beaucoup d’énergie, que nous pouvons appuyer sur l’accélérateur et d’autre part que nous voulons aussi servir un côté émotionnel. Nous sommes tous des rockers dans l’âme. Curieusement, beaucoup de gens autour de nous ont pensé que nous avions tendance à jouer une musique plus douce, mais nous aimons beaucoup les surprises. Nous vivons nos performances live pleinement et ces idées viennent simplement du plus profond de nous-mêmes, associées à des inspirations recueillies au cours d’une vie. La chanson « Aurora » est très émouvante, c’est vrai. Elle est dédiée à un être cher que Sandra a perdu peu de temps avant la fondation de VELVET RUSH. Cette chanson signifie beaucoup pour le groupe.
– D’ailleurs, pour rester sur le son de ce premier EP, vous avez confié la production à Eike Freese, dont on connait le travail avec Deep Purple, Slash ou Status Quo et l’ensemble a été réalisé dans les fameux studios Chameleon à Hambourg. Même si c’est votre ville d’origine, vous avez désiré mettre les moyens dès le départ pour obtenir cette sonorité très chaude et immédiate ?
Tout d’abord, il n’y a personne de meilleur qu’Eike Freese, selon nous. Tim connaît Eike depuis 2006, ce qui représente une longue période. C’est de là qu’est venue l’idée d’enregistrer avec lui. Lorsque Sandra et Tim sont venus spontanément dans le studio d’Eike, il a entendu parler de notre vision de nos chansons et de l’idée de fonder VELVET RUSH. Nous lui avons montré nos idées et il a été immédiatement impressionné et a voulu travailler avec nous. Le studio existe depuis les années 70 et une grande partie de l’intérieur rappelle encore l’époque d’autrefois. Il y a quelque chose de très magique dans ce lieu. Nous n’aurions pas pu faire un meilleur choix.
– Ce qu’il y a également de marquant sur les cinq chansons, c’est cette alchimie très palpable entre vous, comme si chacun était au service de l’autre. Bien sûr, Sandra est très solaire avec une puissance vocale incroyable, mais les guitares ne sont pas en reste, tout comme cette rythmique terriblement efficace. Le songwriting est très travaillé et on a presque le sentiment que ces chansons ont d’abord eu un traitement acoustique au moment de la composition. C’est le cas ?
Merci beaucoup. En fait, les chansons n’ont pas été écrites sur une guitare acoustique, mais directement sur une électrique. Tim a composé toutes les chansons et Sandra a écrit les paroles et les mélodies vocales. Et Dennis a également contribué aux compositions avec ses solos de guitare.
– La voix de Sandra est très Rock et comporte aussi beaucoup de variations. Et même si l’ensemble paraît débridé de prime abord, on s’aperçoit très vite que la puissance n’est pas tout et que les textes sont également très importants. Quel est votre champ d’investigation à ce niveau-là, se dégage-t-il une certaine unité et peut-être un message à travers vos paroles ?
Sandra écrit seule les paroles. Elle y intègre ses expériences de vie et souhaite également transmettre un message, c’est vrai. Elle aime travailler avec des métaphores. L’EP « Euphonia » parle de laisser derrière soi le passé, où l’on a peut-être vécu des moments très éprouvants et formateurs, mais aussi d’un nouveau départ et cela se reflète dans ses textes. Il s’agit de retrouver son enfant intérieur et le chemin qui vous était destiné depuis le début. Cela a donc une signification très profonde, c’est vrai. « Euphonia » est une sorte d’oiseau qui représente la liberté, la force et l’énergie. Les chansons de l’EP sont très puissantes et ont un message clair et, bien sûr, la composante émotionnelle est très présente.
– Pour revenir sur l’aspect très 70’s de votre jeu, on assiste depuis un moment déjà à un véritable revival du genre dans le Hard Rock, mais aussi dans le Rock et le Metal de manière plus globale. Selon vous, est-ce que certains styles ont déjà montré leurs limites et que la vérité se trouve finalement dans ce registre intemporel né dans les années 70 et même 80 ?
Nous pensons que les nombreux styles musicaux, qui ont vu le jour au fil des années, trouvent leur origine dans le Rock’n’Roll et le Blues. Le Metal ne nous convient pas vraiment, en fait. On ne peut pas réinventer la roue de nos jours, mais on peut laisser son âme s’exprimer dans la musique pour créer son propre son. Nous adorons tout simplement ce son pur et honnête des années 70.
– Je dois vous avouer que les cinq chansons m’ont vraiment laissé sur ma faim. J’imagine qu’il peut y avoir des raisons économiques derrière le choix de sortir un EP, mais est-ce que vous avez envisagé aussi de réaliser un album complet, ou était-ce selon vous un peu tôt ? Il vous fallait d’abord mesurer le retour des fans et de la presse aussi peut-être ?
Nous voulions faire une première présentation au public le plus rapidement possible et partager nos chansons avec les auditeurs. Cet EP est une première impression des nombreuses facettes, qui se présenteront à eux dans le futur. Certaines opportunités se sont ouvertes, dont nous voulions vraiment profiter rapidement. C’est pourquoi nous avons d’abord opté pour un EP. Et bien sûr, nous ne voulons pas nous arrêter en si bon chemin. Nous sommes déjà en pleine phase d’écriture de notre premier album. Il y aura bientôt des nouvelles à ce sujet. Nous pouvons déjà proposer beaucoup de morceaux.
– D’ailleurs, les louanges dès la sortie de la chanson « Euphonia » ne se sont pas faites attendre, et VELVET RUSH a déjà su conquérir un large public assez rapidement. Vous vous attendiez à un tel accueil? Et quelles sont vos premières impressions, car c’est vrai aussi que VELVET RUSH dégage une énergie très positive ?
Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre. Nous voulions laisser le public venir à nous et nous étions très excités par le premier accueil du public. Nous sommes très reconnaissants d’avoir déjà une base de fans très internationale, qui nous soutient et nous accompagne tout au long de notre parcours. C’est incroyable pour nous d’avoir déjà touché une corde sensible avec notre premier single « Euphonia ».
– Ce premier EP sort ces jours-ci et, outre la vague de promo qui va suivre, j’imagine que le prochain objectif sera de partir en tournée présenter vos morceaux au public. Possédez-vous d’ailleurs un répertoire suffisamment conséquent, car un format court que le vôtre est souvent une carte de visite pour partir sur la route ?
Nous avons un tourneur renommé et formidable et nous sommes très heureux de déjà jouer dans de nombreux festivals cette année avec peut-être aussi une ou deux surprises ! (Sourires) Restez à l’écoute ! Et bien sûr, nous avons beaucoup d’autres chansons qui attendent déjà d’être partagées avec le public en concert.
– De ce que j’ai pu voir, vos prestations scéniques sont pour le moins enflammées et la présence à la fois sexy et charismatique de Sandra y est pour beaucoup. On imagine facilement des concerts passionnés et d’une folle énergie. Comment est-ce qu’on travaille cet aspect-là avant de sortir un premier EP ? Votre expérience individuelle est-elle aussi un atout majeur ?
Grâce à nos années d’expérience sur scène, il n’est pas difficile pour nous de transmettre l’énergie que nous portons en nous au public. Si vous aimez ce que vous faites et que vous vous amusez à le faire, le public le comprend. Sandra a le public de son côté en quelques secondes et oui, bien sûr, c’est une véritable boule de feu. Vous pourrez bientôt le constater par vous-même… (Sourires)
– Enfin, l’une des choses qui a aussi piqué ma curiosité, c’est qu’aucun label ne vous soutient encore. Vous êtes totalement indépendants, comme c’est beaucoup le cas aujourd’hui. Est-ce à dire que VELVET RUSH peut parfaitement mener sa barque et trouver son chemin seul ? Car vous avez certainement du être sollicités, non ?
Comme je te le disais, nous avons un très bon tourneur, qui nous offre de nombreuses possibilités et nous ouvre de multiples opportunités. Nous pourrions envisager de signer avec un label, mais tout dépend de l’offre. En tant que groupe indépendant, vous avez aussi plus de liberté de choix, mais nous ne dirons pas non à une offre appropriée.
Le premier EP de VELVET RUSH, « Euphonia », est disponible sur toutes les plateformes, mais aussi et surtout sur le site du groupe :
C’est dorénavant depuis la Belgique, où elle a pris son envol il y a quelques années, que MYLENE CHAMBLAIN déploie un Americana, teinté de Blues et de Folk, très personnel. Chanteuse, guitariste et compositrice, elle sort « Drive Me Mad », un album complet aux variations multiples et d’une fluidité envoûtante. Dans un univers fait avant tout de partage, elle s’affirme pleinement comme artiste et aussi en tant que femme libre et déterminée. La douceur de sa musique se mesure au caractère entier qu’elle distille sur ce nouvel opus très inspiré. Entretien (fleuve !) avec une artiste talentueuse qui met tout son cœur à l’ouvrage avec beaucoup d’émotion et de sensibilité.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais qu’on dise un mot de ton parcours qui est assez atypique. Tu es originaire de Toulouse et pourtant tu vis depuis 20 ans en Belgique. C’est un choix de vie personnel ou artistique, car on sait le public belge très réceptif à ton style de musique justement ?
Mon arrivée en Belgique en 2005 n’émane pas du tout d’un choix de vie artistique, mais il l’est devenu aussi en prenant la décision de faire le grand saut en 2005, alors que je revenais justement d’un concert dans un grand festival Country en France. En cause, une autre histoire atypique et en plusieurs temps. C’est l’histoire d’une jeune fille française de 12 ans qui tombe amoureuse pendant ses vacances d’été 1992 d’un jeune garçon belge de la région liégeoise, venu passer ses vacances avec ses parents du côté de Fréjus, dans le sud de la France. A l’époque, il était âgé de 15 ans. Nous avons correspondu plus de 12 ans au total avant que cela devienne plus qu’un amoureux de vacances, puisqu’il est devenu le père de ma fille des années plus tard. Auparavant, nous nous étions retrouvés une nouvelle fois au moment de la sortie de mon premier album « Hold Fast », et après mon retour d’une date au ‘Festival Country’ de Craponne S/Arzon. A l’époque, j’envisageais de vivre aux pieds des Pyrénées, et je me voyais faire ma musique dans une maison en pierre, au calme, comme une vieille hippie. Puis, il est revenu dans ma vie. Je n’avais rien à perdre, lui tout (il était rangé avec job et maison) s’il venait vivre avec moi dans le Sud de la France. J’ai donc sacrifié ma vie en France, mais en sachant que les rencontres musicales en Belgique étaient tout aussi possibles, voire même pouvaient donner de belles opportunités. J’ai fait le grand saut en mars 2005 aux côtés de mon premier prince charmant et j’ai travaillé non-stop pour remettre mon projet sur pied en recrutant des musiciens belges. J’ai été bookée l’année suivante sur plus de dix dates en Belgique, et même en Lituanie pour l’énorme ‘Festival Visagino’, rassemblant plus de 10.000 personnes à l’époque. Je me souviens aussi de mon premier passage à la RTBF Classic 21 en 2006. Mon album « Hold Fast » avait été diffusé dans les découvertes Country pendant plusieurs semaines, un grand moment de reconnaissance pour moi. Depuis, bien des choses ont changé, ce prince charmant est donc devenu le père de ma fille, mais nous avons chacun refait notre vie. Je suis restée simplement pour être auprès de ma fille et ne pas la couper de son père.
– Tu as sorti ton premier album à 24 ans, fais une longue pause avant d’effectuer ensuite plusieurs collaborations, notamment avec Plain Jane. Et ce n’est qu’en 2021 qu’on te retrouve avec l’EP « Body & Soul ». Tu as ressenti le besoin d’écrire et de composer une musique qui te ressemblait peut-être plus à ce moment-là ?
Mon écriture a évolué en même temps que moi et lorsque j’écoute chaque titre, que ce soit les compositions Country-Blues de mon premier album, les titres Pop-Folk pour Plain Jane, ou les titres plus Americana de « Body & Soul » et « Drive Me Mad », tous les sons de chaque production correspondent parfaitement à une époque, un état d’esprit et des demandes particulières. C’était surtout le cas pour Plain Jane, où le process de création était assez différent, car il fallait que je me détache émotionnellement de mes créations pour qu’elles s’envolent avec le son de Plain Jane. Au gré des épreuves, du temps, de l’expérience, mon son révèle vraiment mon état d’esprit à chaque étape et celui plus ancré, plus roots, plus assumé d’aujourd’hui concorde parfaitement aussi avec la femme épanouie que je suis devenue. Et il révèle aussi la confiance acquise et le fait de savoir mettre des mots et des idées plus claires sur les arrangements de mes titres. Tout est venu en même temps. Mon retour à ma carrière en 2018, Plain Jane qui se créait et l’appel de Julie Compagnon pour collaborer sur ce projet.
Ensuite en 2019, j’avais déjà bien avancé pour moi, en parallèle à ce projet pour lequel je devais travailler sans trop travailler pour ne pas m’accaparer les morceaux. En tant qu’auteure-compositrice, c’était une opportunité pour moi de composer différemment pour un projet qui n’était pas le mien et ce n’était pas non plus inné et naturel pour moi, mais cela m’a tellement apporté aussi. Je vivais une période difficile et le projet Plain Jane m’a sans doute permis de trouver un autre échappatoire, un autre souffle avant de continuer. Il fallait néanmoins que je reprenne les rennes de ma vie et de mon projet de carrière musical personnel. J’ai dû choisir de me distancer du projet de Plain Jane, tout en suivant l’actualité du groupe et en étant présente sur scène avec eux. Ce sont mes amis et nous nous soutenons beaucoup.
Enfin, en 2020, le confinement m’a laissé du temps pour reprendre ce que j’avais entamé en 2018. Cette période m’a aidé à me focaliser sur mon projet et j’ai croisé la route de l’arrangeur, orchestrateur et producteur musical Cyril Orcel, qui a découvert mes compositions après la publication sur Facebook de mes nouvelles compos prévues pour « Body & Soul ». Il a voulu sublimer le style Americana que j’étais en train d’élaborer. Il a compris où je voulais aller et depuis nous n’arrêtons plus de produire ensemble.
– Plain Jane était assez différent de ce que tu fais actuellement et sur « Body & Soul », l’ensemble était déjà plus américain dans le style comme dans le son. Est-ce que ce sont toutes ces étapes, qui ont finalement forgé et affirmé ta direction musicale d’aujourd’hui ?
Les choses se sont déroulées naturellement. Je suis plutôt intuitive et je ne calcule rien. Je savais en collaborant sur le projet Plain Jane que la direction musicale allait être légèrement différente. La méthode de travail et le son n’allaient donc pas être les mêmes qu’en ayant un contrôle total sur ma musique. Les influences étaient suffisamment similaires pour permettre la collaboration. Je devais aussi vivre parallèlement le projet Plain Jane pour comprendre que j’étais déjà en train de prendre un autre envol dans ma vie et dans ma carrière. J’ai décidé aussi de sortir de la Folk et de la Country Music, tout en ne reniant absolument pas ce caractère musical que j’aime toujours énormément, mais qui ne prend plus le dessus sur un besoin de retrouver un son plus roots et organique.
J’ai mis ma sensibilité du moment dans les compositions de Plain Jane tout en prévoyant des titres pour ma propre carrière musicale en parallèle. Si on écoute « Don’t Swear », « Five », « Fire In The Shade » ou « Human Scale » composés en intégralité pour Plain Jane et arrangés par ses musiciens, on entend les influences Pop, Alt-Country et Americana, parce que les musiciens de Plain Jane sont aussi portés vers ces sonorités vintage et qu’ils ont à peine touché aux titres. Les mélodies sont restées intactes, mais elles ont été remaniées comme Julie Compagnon l’entendaient. Avec ce projet, j’ai compris que je devais juste effleurer du doigt la musique pour Plain Jane en dosant suffisamment pour ne pas trop y mettre la patte ‘Chamblain’.
Dans « Body & Soul », il y a toute ma vérité, ma façon de jouer, d’entendre mes morceaux, mon esprit et les mots qui illustrent mon vécu, une production personnelle et la liberté de créer mon son. Que ce soit « Last Long Road », « Losing Game » ou « Something Instead », je retrouve l’âme Americana et l’esprit de la Road Music, qui me collent à la peau depuis longtemps mais que je n’avais pas encore tout à fait exploré. Après ces 10 ans de pause, j’avais tracé ma route et forgé ma musique vers quelque chose de plus roots, plus ancré et plus abouti aussi. Tout est devenu plus précis, assumé et affirmé avec le nouvel album « Drive Me Mad ». J’aime proposer ma signature artistique, mais aussi une diversité portée par le Rock des années 70, le Blues, la Country, ainsi que le Pop-Rock. Et tout ça avec une bonne dose de guitares slide, dont le son m’emmène absolument là où je veux être. Je me sens à ma place et libre de m’envoler vers ce que je veux au gré de mes inspirations et de mes émotions sans chercher à plaire ou viser un public en particulier et tout en produisant quelque chose d’accessible et sans doute moins complexe musicalement.
– Depuis ton EP, tu travailles avec le directeur artistique Cyril Orcel. Comment est-ce que vous fonctionnez à deux et en quoi cela a-t-il pu changer ou faire évoluer ta vision artistique ?
Lorsqu’on écoute l’EP et le nouvel album, il y a une belle continuité musicale et de la maturité artistique. Lui, autant que moi, avons mutuellement appris de l’autre depuis cinq ans en nous écoutant notamment. On apporte nos compétences, mais aussi nos visions et notre ‘touche’ pour faire évoluer les morceaux. Ce travail a démarré à distance pendant le confinement et ce mode de fonctionnement a tellement bien fonctionné que nous avons continué à travailler ainsi, lui étant à Bruxelles, moi au sud de Liège. Il n’y a pas de pression, de contrainte de temps, mais un suivi et une façon de travailler très proactive. Nous nous adaptons bien aux journées de l’un et de l’autre.
Notre duo sur la composition, l’orchestration et les arrangements est la première étape et a prouvé son efficacité. Nous arrangeons ensemble le squelette de chaque titre, lui respectant la musicalité des compositions, de ce que je veux entendre mais en me proposant les arrangements qui vont pouvoir les faire s’envoler et prendre du relief. Ensuite, j’envoie les titres aboutis aux musiciens et on organise les enregistrements. Ils viennent chez Cyril pour les plus proches de Bruxelles, ou chez moi. On se partage les enregistrements de session et Cyril gère la plus grosse partie, ainsi que la phase finale du choix des pistes, du mixage et du mastering également. D’un point de vue stratégique et pratique, nous gagnons aussi beaucoup à créer ainsi. Et puis, le studio est prévu, mais ce sera pour travailler en live et retrouver ce côté humain et direct et accéder aussi à des sons qui libèrent encore plus les chansons.
– D’ailleurs, lorsqu’on écoute l’EP et le nouvel album, il y a une réelle continuité musicale avec aussi un côté plus roots et plus direct sur le nouvel opus. Tu as souhaité aller à l’essentiel en privilégiant les détails dans le songwriting à travers quelque chose de plus sobre et efficace ?
Oui tout à fait, je crois que « Drive Me Mad » révèle une certaine maturité et le fait que j’arrive à aller à l’essentiel, sans devoir réfléchir au moyen d’y aller. C’est certainement dû à l’âge, car ça a du bon d’avoir 45 ans et de ne plus avoir envie de perdre du temps et de l’énergie inutilement. « Body & Soul » était surtout la trace d’une vie qu’il fallait que je grave à jamais pour m’en libérer. L’écriture de ce cinq-titres a été influencée par un coeur, un corps et une âme meurtrie, c’est la trace d’une relation toxique et de violences qui m’ont marquée à vie et c’était nécessaire pour pardonner et passer à la suite. Tout est lié à mes émotions, la vie plus simple que je mène aussi et un état d’esprit apaisé. Disons que cela caractérise la vie qui a repris. Sûrement parce que je grandis encore et que la vie est une infinie suite de mouvements et ma musique évolue en même temps que moi. Aujourd’hui, je sens mon mental plus apaisé, moins complexe, je vais en effet plus à l’essentiel au quotidien et ce chemin psychologique se révèle dans mes écrits et ma façon de composer. Et je sais aussi que cette évolution artistique a été aidée par Cyril qui m’a dirigé artistiquement, doucement mais sûrement, en me conseillant de puiser en moi pour trouver une manière plus simple de composer pour marquer les esprits. Il m’a appris à écrire avec autant d’âme et de force et il a essayé de me pousser dans mes retranchements. Je croyais devoir calculer mes émotions, puis au fil des mois et des années, ma façon de penser a évolué et tout est devenu plus simple. Je pense avoir réussi à aller à l’essentiel pour moi et pour ma musique, sans pour autant perdre mon identité… et c’est un beau cadeau.
– Ce qui peut surprendre sur « Drive Me Mad », c’est la variété des styles qui vont de l’Americana à la Soul avec une légère touche Pop/Rock, et l’ensemble est relié autour du Blues, qui apparaît comme le point d’ancrage. Tu le considères comme ton influence première, celle qui guide l’ensemble ?
Oui, je pense que tu as vu juste. Si je devais choisir un style qui me résume, il y aurait toujours le mot ‘Blues’, bien que cela me gêne un peu étant donné que je ne fais pas du pur Blues, comme on peut l’entendre dans la musique des pionniers du Blues noir américain. Disons que les sons utilisés dans le Blues, les lignes et les blue notes doivent toujours être présentes dans ma musique, parce que je me sens profondément reliée à cette musique qui me parle depuis l’enfance, mais aussi aux sons et à l’âme du Blues. Il a été le point de départ de mon éveil musical. Et lors de mon passage à Clarksdale aux Etats-Unis en 2002, j’ai été complètement remuée, lorsque je suis entrée dans le bar qui a accueilli pour la première fois le grand B.B King à ses débuts. Quand j’écris, je me sens comme une âme solitaire, évoquant les injustices de ce monde, les besoins de liberté, d’égalité, mes chansons sont toutes des vieux Blues mis en musique avec les sons que je veux y mettre. C’est une recette avec des ingrédients de base essentiels. Cependant, je ne choisis jamais des instruments simplement pour que cela sonne Blues ou Folk. Ils vont surtout faire vibrer mes mots.
– L’album est aussi très organique, très bien arrangé et produit et avec une sensation d’immédiateté qui rappelle la scène. Est-ce que, justement, tu as en tête le rendu live de tes chansons au moment de la composition dans l’éventualité d’un échange avec le public ?
C’est ce que je voulais retrouver. Je suis très satisfaite et heureuse des choix réalisés avec Cyril mais il est vrai, et nous en discutons déjà, que je veux absolument retrouver ce son live et pourquoi pas, oui, en réalisant un album directement depuis la scène d’un concert. Tout est envisageable. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai enregistré l’album « Hold Fast » en 2004, pas en public mais en live avec tous les musiciens en studio. J’ai eu la chance à 24 ans d’être épaulée par deux membres du groupe de Blues Awek, qui ont très vite cru au potentiel de ma musique. Nous avons répété une seule journée avant de rentrer en studio et 11 titres ont été enregistrés en deux jours et en live. Certaines sessions ont été réalisées séparément, mais la méthode a été entièrement analogique et artisanale. Un enregistrement sur bande et un mixage en temps réels est une incroyable expérience à laquelle j’ai participé aussi. C’est l’ingénieur-son Roger Shepherd que l’on m’avait conseillé qui fait ses armes chez E.M.I Music à Glasgow, qui est venu installer son studio à Toulouse. Depuis cette expérience, j’aspire à la renouveler, mais les conditions financières sont problématiques et demande d’agir en conséquence. Une captation live vidéo est envisagée cette année et pourquoi pas un enregistrement sur vinyle ? Le top pour moi ! (Sourires)
– Une chose m’a intrigué sur « Drive Me Mad », c’est justement le titre « It Drives Me Mad » que tu as composé il y a 20 ans. Qu’est-ce qui a changé pour cette chanson au fil du temps ? Pourquoi ne pas l’avoir sorti plus tôt et a-t-elle beaucoup changé par rapport à la version originale ?
Je l’ai composé en 2003 et je la jouais seule à Toulouse avant d’enregistrer l’album. Je ne l’avais pas vraiment terminée et c’était plus un défouloir pour moi. Je ne me sentais pas encore assez proche de ce morceau qui parlait d’une histoire d’amour. Je n’aimais pas cette relation et cette époque. J’ai voulu écrire cette chanson sans qu’elle m’accompagne vraiment. Et puis, trois ans plus tard, je l’ai rejoué avec un détachement émotionnel total, en concert avec les musiciens belges que j’avais recruté à mon arrivée. En récupérant mon projet, je n’ai pas tout de suite pensé reprendre ce titre qui ne me correspondait pas vraiment au temps de « Hold Fast », ni de « Body & Soul », mais avec le temps, j’ai remis sur pied de nouveaux arrangements. Je l’ai ensuite joué plus de deux ans à la fin de mes concerts et j’ai réalisé que le public adorait ce morceau. Comme je voulais inclure un titre plus Rock à ma musique, « It Drives Me Mad » était une évidence. Sans toucher à mes arrangements, ma mélodie et mes riffs, Cyril a rendu ce morceau plus abouti et nous avons compris qu’il serait parfait pour débuter l’année 2025 et lancer l’album en tant que single.
– D’ailleurs, « It Drives Me Mad » est un moment fort de l’album et on imagine facilement l’impact en concert avec ce côté Classic Rock. Pourquoi l’avoir placé en toute fin du disque ? C’est un choix qui peut surprendre…
Je n’ai rien calculé, ni planifié. Je crois que tout coulait de source, « It Drives Me Mad » ayant été finalement choisi pour lancer l’album. Je le trouve néanmoins toujours très bien à sa place, en dernière position, comme en concert où il emporte le public et clôture sur une note dynamique, positive et un mouvement Rock qui permet à tout le monde de danser, de chanter et de se défouler. Retenir ce morceau en fin d’album était aussi évident que de présenter l’album avec lui.
– L’album dégage aussi beaucoup de féminité et de sensualité et cela correspond d’ailleurs parfaitement à notre époque où les femmes sont enfin mieux représentées dans le monde du Blues, de l’Americana et même de la Country. Est-ce que cela veut aussi dire que c’est plus facile de s’exprimer aujourd’hui dans le milieu de la musique ? Et est-ce que c’est quelque chose que tu ressens aussi en tournée ?
Naturellement, je n’ai jamais cessé de produire ma musique avec foi et conviction, tout en sachant que déjà que c’était difficile de s’imposer d’abord en tant qu’artiste dans cette société. Ce n’est qu’après que j’y ai vu encore d’autres difficultés, c’est vrai. M’exprimer n’a jamais été difficile, mais être acceptée dans ce milieu n’a pas toujours été chose aisée. Ma difficulté était plus portée vers le fait que nous sommes toujours entourées d’hommes, que ce soit le public, les organisateurs ou les musiciens. Les hommes sont là et, en tant que femme, il est très difficile de passer à travers cette masse, sans se faire toucher les fesses. C’est une image un peu facile, mais c’est toujours bel et bien une réalité. La musique d’une femme passera un peu après l’intérêt physique qu’elle suscitera. Avec les années, ce qui est bien, c’est que j’ai non seulement gagné en confiance en moi, mais aussi en féminité, en sensualité, je m’assume beaucoup plus à 45 ans en tant que femme et ma sensualité se dégage davantage dans ma musique. Maintenant, j’ai aussi forgé un caractère, des moyens de défendre mes intérêts et surtout les mots pour me faire respecter. Ainsi, mon corps ou ma sensualité m’appartiennent, rendent service à mes compositions, mais je tiens à surtout rester certaine que ce soit bien par ma musique qui suscite d’abord de l’intérêt.
Je ne crois pas que ce soit plus facile en tant que femme de faire de la musique aujourd’hui en comparaison au temps de Ma Rainey ou d’Elizabeth Cotten. Mais ce que je réalise, c’est que les choses ne changent pas réellement à ce niveau. Nous devons toujours faire des efforts. Je sais, vu mon expérience, que nous devons encore et toujours faire nos preuves, présenter et proposer plus que les hommes ne le font. Il faut être séduisante en plus de proposer quelque chose de technique et artistique. La difficulté est toujours présente et le côté naturel et le produit abouti ne suffissent parfois pas. Il faut être charismatique, jolie et envoyer du lourd. Une femme doit avoir ce petit truc qui excite l’intérêt des organisateurs et s’il faut être honnête avec ça, il est évident que pour percer, une femme devra être tellement originale que son physique n’aura alors plus d’importance.
Nous sommes encore dans cette ère où la femme doit dégager sa sensualité en plus de réaliser une belle musique. Nous devons naturellement plus nous battre pour nous immiscer dans le milieu et nous imposer. Regardons les affiches de festivals et on comprend aisément que l’homme est bien plus représenté. En Belgique, nous devons d’ailleurs nous sentir fières de participer à des festivals 100% Women ! Etre fière de recevoir des subventions, parce que nous veillons à la parité homme-femme en tant qu’organisateur et organisatrice.
Nous avons juste une épreuve de plus à franchir, je pense, avant d’arriver sur scène. A nous de voir si nous considérons plus facile de jouer le jeu, de miser sur un jeu de séduction malsain, ou juste aimer sa sensualité et être soi. S’il faut accepter certaines conditions ou plutôt nous battre et résister à ce principe tout en nous imposant. Du caractère, il en faut indiscutablement plus que les hommes en plus d’avoir des choses à dire.
– Il y a des moments très intimes sur l’album et une vraie réflexion sur notre société notamment, et un morceau comme le très touchant « Lion Son » peut résonner aussi de bien des manières. Tu abordes tout ça de façon très personnelle, ou c’est l’aspect assez universel de ces thématiques qui t’importe le plus ?
Pour te répondre sincèrement, je ne sais pas écrire ou composer sans y mettre toute mon âme. Si ce n’est pas personnel ou n’émane pas d’une histoire vécue, d’une émotion ressentie, d’une rencontre qui a du sens ou d’une réflexion personnelle sur le monde, il est difficile pour moi d’y mettre la force, la profondeur et la sincérité nécessaire à rendre mon titre en vraie résonance. C’est aussi parce que je ressens ma musique comme un tableau à peindre librement, un paysage à visualiser, une émotion à partager et aussi parce que j’aime que la musique permette une certaine liberté de projection. Je fais en sorte que chacun puisse se retrouver dans un texte, une musique et que la mienne appartienne à tout le monde, que chacun puisse trouver un peu de soi dedans et l’emporte avec lui, malgré les histoires très personnelles qui se trament autour. Je veille aussi à préserver une certaine intimité en n’utilisant que des images, car les choses dites trop directement, sans amplitude, ferment naturellement cette porte que je veux ouvrir au monde, à mon public. Si je parle de ma souffrance, on me laissera ma souffrance, on ne voudra sans doute pas écouter et partir avec moi en voyage. Ce sera bien trop personnel si, comme pour « Lion Son », j’explique clairement ce qui a inspiré cette chanson, la source réelle de l’émotion. Par discrétion aussi, je prends souvent le parti de ne résumer qu’une partie de l’histoire en me focalisant sur un détail et parfois, les choses dures peuvent éclairer le chemin et donner la possibilité de mettre en lumière la beauté plutôt que la douleur.
Pour « Lion Son » ou « Losing Game », je m’aperçois que la musique a clairement bien fait son travail car les émotions, dont on me fait part à leur écoute, révèlent que nous comprenons que la dureté du fond est captée émotionnellement et que la forme musicale choisie a permis d’alléger et faire que ces morceaux sont ressentis de manière intime, belle et sans être dérangeant. J’ai alors réussi ce que je voulais. Quant à « Lion Son », j’aurais l’occasion de la mettre davantage en lumière cette année, si le single sort en radio officiellement. Cette chanson compte beaucoup pour moi, mais aussi pour quelqu’un pour qui je l’aie écrite, suite à une bouteille à la mer lancée il y a deux ans sur la toile. Une vraie histoire, un vrai hommage.
– Un petit mot aussi du duo ‘Two Women Blues’ que tu as monté avec Geneviève Dartevelle. Vous tournez d’ailleurs ensemble en marge de vos projets. Peux-tu nous en dire un peu plus ? S’agit-il de compositions personnelles et est-ce qu’un projet discographique est dans un coin de vos têtes ?
Ce projet vient d’une idée naturelle de faire tourner mes chansons en version duo pour plus de facilité de programmation en Belgique pour les petits lieux, mais cela nous permettait aussi de nous rejoindre sur un fantasme de jouer du Blues simplement en duo. Elle comme moi, voulions depuis longtemps essayer cette formule, sans même nous connaître et alors qu’elle est à temps plein dans mon projet avec le band, cela coulait de source de devoir s’y pencher plus concrètement en parallèle. Je sais que je n’ai déjà plus beaucoup de temps à consacrer à un autre projet, puisque je donne déjà 200% de mon âme, de mon temps, de mon argent, de mon corps et de mon énergie à ma carrière et que Geneviève multiplie les répétitions et les concerts avec les nombreux groupes de Blues qui l’appellent.
Ce duo marche bien et reçoit des éloges en plus de remplir à bloc les salles de 100 à 150 personnes sans difficulté. Mais il faut parfois prendre du recul, avoir le temps de le travailler correctement et c’est là que les choses deviennent plus dures à installer en ce moment. Nous avons décidé de travailler sur un répertoire purement Blues arrangé à notre sauce, avec du Blues féminin aussi, mais pas uniquement, et tout en complétant les sets avec mes chansons, car il a fallu faire vite entre l’annonce du projet et la première proposition de concert. Tout est allé très vite et l’intérêt pour le duo a été fulgurant. C’est certainement le seul duo Blues féminin Harmonica/guitare-voix d’Europe et il suscite donc de l’intérêt, vu sa singularité.
Nous avons été bookées sur pas mal de concerts et de festivals Blues en 2024, tout en étant en tournée sur mon projet. Mais depuis la production et la sortie de mon album, je suis non-stop sur la promotion auprès des médias et en recherche de booking en France et à l’étranger et j’avoue ne pas savoir pour l’instant comment gérer les deux projets de front. Nous devions organiser des captions vidéos, un enregistrement aussi et puis, prises par nos projets parallèles, tout est assez compliqué à organiser mais tout viendra à point au moment opportun. Nous aimerions aussi participer au ‘Blues Challenge Festival’ et nous gardons bien nos projets en tête pour cette raison-là aussi.
– Enfin, depuis tes débuts, tu t’es toujours autoproduite. C’est une question de liberté artistique, devenue d’ailleurs plus compliquée aujourd’hui, qui te permet aussi de naviguer dans cette industrie musicale mangée par le numérique ? Ou, au contraire, il est devenu difficile de trouver un bon label ?
J’ai toujours été très indépendante et autonome dans l’âme et dans ma liberté de mouvement, ma capacité à avoir le contrôle sur ma vie ou mes projets depuis toujours. Et surtout, il m’a fallu une bonne dose de confiance dans ce système pour lâcher mes ‘bébés’ ou mettre mon projet entre les mains de labels ou de managers. J’ai fait quelques expériences, mais je ne sentais aucune vie, aucun mouvement et je fais confiance à mon rythme avant tout, à ma cadence. Même si c’est le rêve de tout artiste de déléguer les nombreux rôles que nous devons jouer en tant qu’indépendants, il n’est pas simple de tomber sur des gens honnêtes et bienveillants. Et surtout, si tu n’es pas un artiste bankable, je sais que l’intérêt premier d’aider à développer notre carrière sera ce que cela pourra récolter. Comme les choses changent tout le temps et que l’industrie musicale et les réseaux engendrent un marché concurrentiel presque impossible à défier, il faut soit accepter de se faire transformer pour devenir la poupée de l’industrie, soit resté libre, se battre, se surpasser et risquer alors de prendre plus de temps pour s’imposer.
Je pense que la musique que je fais actuellement est plus aboutie, mais le monde est plus exigeant encore et la musique Americana en Europe est une prise de risque, dont il faut assumer les conséquences. Mais comme je le dis, je ne compose pas pour plaire ou être dans le rang de ce qui se fait, je compose cette musique, parce que je l’ai en moi. Je ne suis peut-être pas née sur le bon continent ou à la bonne époque tout simplement. Alors quitte à ce que ce soit compliqué, je préfère mener ma barque et la contrôler.
J’essaie de voir comment faire en sorte d’amener le public à moi plutôt que de courir après lui outre-Atlantique. Une évasion nouvelle sur le continent américain n’est pas à exclure néanmoins. J’ai ma petite voix intérieure qui me dit que comme j’ai trouvé mon identité musicale, je vais pouvoir en parler bien mieux qu’avant et donc trouver les bonnes cibles. La musique doit voyager et pour moi le voyage a commencé.
Par ailleurs, il se trouve qu’un booking en France est en pourparler. J’ai des contacts qui s’intéressent à moi avec la sortie de l’album, ainsi que des labels et quelques festivals qui commencent aussi à me connaître. Ma patience, ma persévérance et le discours que je tiens maintenant semblent ouvrir de belles opportunités que je suis en train d’étudier. C’est un nouvel album, et surtout une nouvelle énergie. « Drive Me Mad » est une commande passée à l’univers. Si l’on me voit guitare brandie vers le ciel, ce n’est pas pour jouer au guitar-hero, mais bien pour illustrer ce vœu, cette volonté, cette fougue et cette passion qui me guide. Peut-être que la magie est en train d’opérer ? En tout cas, j’y aurais travaillé peu accompagnée, mais avec de belles rencontres-clefs, des manifestations en cours et je commence à récolter le fruit d’un long travail. J’observe, j’écoute, je prends, je garde ou je recommence… Rien ne doit être vu comme un obstacle ou une limite.
« Drive Me Mad », le nouvel de MYLENE CHAMBLAIN, est disponible sur le site de l’artiste :
C’est encore avec une grande discrétion que THE BOY THAT GHOT AWAY présente son quatrième effort, un peu comme s’il voulait s’éviter une trop forte exposition, une lumière aveuglante. Pourtant, le potentiel est énorme, le style racé et costaud et « Peacetime » devient même très vite addictif. Jouant sur la densité du Stoner Rock et l’intensité émotionnelle du Grunge originel, les musiciens évitent pourtant les sonorités trop 90’s et s’inscrivent même parfaitement dans leur temps. Solide, nerveux et accrocheur, il est difficile de ne pas succomber à cette authentique immersion hyper-Rock.
THE BOY THAT GOT AWAY
« Peacetime »
(Independant)
La pochette est ténébreuse, vierge de toute indication sur le nom du groupe et le titre de l’album. Et cela caractérise finalement assez bien la démarche très DIY et indépendante des trois Danois. Pourtant, cela fait maintenant plus de dix ans que THE BOY THAT GOT AWAY œuvre à l’explosion de son Stoner Grunge graveleux et massif. On peine à croire que le reste du monde ne s’en soit pas aperçu un peu plus tôt. Car « Peacetime » est tout de même le quatrième effort du power trio et la maîtrise et l’intelligence des morceaux sont incontestables et captivantes.
Dès « Influx », titre d’introduction instrumental qui vient poser l’ambiance, THE BOY THAT GOT AWAY instaure un climat d’une grande froideur. Enregistré, mixé et produit par Tue Madsen, la production se veut brute et très organique. Pas de superflu donc et encore moins d’effets de manche, le morceau-titre ouvre les hostilités et la puissance affichée montre un combo expérimenté et décidé. L’impression d’un Desert Rock typiquement nordique s’entend peu à peu pour nous envelopper d’une harmonie étonnamment familière et attachante, malgré un propos assez noir.
Sombre et emprunt de mélancolie, il se dégage pourtant une force incroyable de « Peacetime », due à un groove épais oscillant entre colère et quiétude. Bien sûr, THE BOY THAT GOT AWAY rappellera les premiers QOTSA avec des clins d’œil à Soundgarden, mais c’est sans compter sur l’originalité des Scandinaves. Car, quand ils lâchent les chevaux, le ton monte et les décibels grimpent en volume (« Sleepwalker », « The How », « Aesel », « Homecoming »). Et c’est la chanson semi-acoustique chantée en danois, « Boy », qui vient clore cette belle réalisation. Enthousiasmant !
L’ampleur et la dimension prises par le groupe sur ce nouvel effort éponyme semble marquer à elles seules le fossé qui le séparait de sa formule en trio. Sur « Big Canyon », son volume est décuplé et enfin à sa taille. Heavy Rock, Hard Rock, peu importe finalement tant les chansons respirent, cognent et deviennent familières en un claquement de doigt. Si le nouveau chanteur change forcément la donne, les autres musiciens de BIG CANYON donnent aussi l’impression d’être enfin à leur place. Tentaculaire et immédiat, il règne une proximité haletante pleine d’audace.
BIG CANYON
« Big Canyon »
(Independant)
Que 2020 semble bien loin à l’écoute de l’album de BIG CANYON. A l’époque, le groupe évoluait encore à trois et sortait son tout premier EP. Il faut bien avouer que la métamorphose est saisissante et elle s’explique même assez facilement. Tout d’abord, l’arrivée au chant d’Andi Meacock apporte beaucoup de poids et de relief, au point de rendre le combo londonien presque méconnaissable. Un nouveau départ exaltant s’offre à lui et renforce son Heavy Rock en consolidant solidement ses fondations, grâce à une énergie folle et toute en nuances, qui vient flirter avec un Hard Rock très britannique.
Si le nouveau frontman conduit la formation avec beaucoup d’assurance et un talent indéniable, qu’il doit en partie à une puissance vocale et un grain aussi identifiable que chaleureux, il y a un autre élément important dans cette évolution sonore et musicale. Pour son premier opus complet, BIG CANYON a fait appel au producteur Dave Draper, connu pour son travail avec The Wildhearts (qui s’apprête d’ailleurs à faire son retour très bientôt) et Terrovision pour ne citer qu’eux, et ça change pas mal de choses. La puissance des guitares, la lourde rythmique et le chant trouvent un équilibre parfait.
Si le quatuor n’élude pas quelques belles ballades, l’ensemble est plutôt costaud et fait également une place conséquente à des mélodies très travaillées, qui n’ont aucun mal à entrer dans le crâne pour ne plus en sortir. BIG CANYON a l’art de se faire fédérateur et très accrocheur et ses nouveaux titres sont franchement taillés pour la scène (« Rescue Me », « Mine In Another Time » », « Dominion Of Truth », « Beautiful Mind », « Captain Of Your Soul », « Devil In Disguise », « The Things You Do »). Bruts et authentiques, les Anglais manient les émotions avec subtilité et une implacable cohérence.
Il n’aura fallu que quelques singles savamment distillés pour que XIII DOORS fasse déjà parler de lui. Le temps de peaufiner son premier effort, qui sort en indépendant, et le combo semble plus que d’attaque pour conquérir le monde du Hard Rock tant la dynamique à l’œuvre sur « Into The Unknow » est renversante. Avec la percussion de vieux briscards, les Irlandais montrent déjà un visage assuré, jonglant habillement avec l’adrénaline de chansons gorgées d’énergie et d’où émanent quelques légères touches celtiques et arabisantes gravées dans un infranchissable mur de guitare. Une réelle prouesse !
XIII DOORS
« Into The Unknown »
(Independant)
Cela faisait un petit moment que la belle terre d’Irlande n’avait vu émerger un groupe de Hard Rock de ce calibre. Et il pourrait bien que XIII DOORS soit celui qui vienne enfin réveiller l’île. Ayant déjà reçu les louanges de Joe Elliot de Def Leppard qui s’est enthousiasmé à leur écoute, c’est cette fois les oreilles de Michael Schenker qui se sont mises à vibrer, puisque l’Allemand vient de les inviter à ouvrir ses concerts de Dublin et de Belfast en mai. Une reconnaissance qui arrive assez tôt, mais qui ne doit rien hasard, bien au contraire. Car le talent est là et il est éclatant. Une sorte de diamant brut.
Originaire de Shannon, le quatuor évolue dans la veine moderne du genre, dans la lignée d’Alter Bridge, par exemple, avec un petit côté alternatif qui lui offre cette facilité à développer des refrains entêtants, le tout sur des guitares musclées, un duo basse/batterie au taquet et un chanteur qui a déjà tout d’un grand. Bref, XIII DOORS entend ne pas perdre de temps et a entre les mains tout ce qu’il faut pour retourner et ravir les fans du monde entier. Et l’autre surprise vient aussi du fait que « Into The Unknown » soit autoproduit… ce qui ne devrait pas durer, non plus !
Dès les premières notes de « Unleash The Beast » le bien-nommé, les Irlandais nous embarquent dans un univers très personnel et explosif. L’ensemble est très soigné, la production irréprochable et véloce, et le quatuor livre une véritable démonstration de force. L’intro orientale de « Make A Life Again » laisse place à des guitares massives pour l’un des moments forts et sombres de l’album. La qualité des riffs et l’impact des solos, combinés à l’incroyable prestation du frontman, imposent XIII DOORS de très belle manière (« Face The Truth », « Inside » et le morceau-titre). Quand le trèfle sort les épines !
Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…
– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…
En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».
– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?
C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.
– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?
Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.
– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?
Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.
– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?
On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.
– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?
Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.
– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?
(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.
– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?
Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.
– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?
Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.
– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ?
Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.
– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?
C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !
– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois, et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…
Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.
– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?
On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.
– Et donc, vous devenez un power trio…
Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.
L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.
Révolutionnaire et exalté, BUMBLEFOOT fait partie d’une short-list de six-cordistes aussi novateurs qu’imprévisibles. Techniquement hyper-créatif, l’homme à la fretless double-manche ne cesse de se réinventer et d’aller vers l’inconnu pour libérer une musique qui n’appartient qu’à lui et qui semble si évidente à l’écoute. Sur « Bumblefoot… Returns! », il multiplie les surprises avec une incroyable fluidité dans des atmosphères changeantes et toujours très maîtrisées. Ces 14 nouveaux morceaux sont d’une audace totalement débridée et jubilatoire.
BUMBLEFOOT
« Bumblefoot… Returns! »
(Bumblefoot Music LLC)
Iconoclaste, fantasque et surtout virtuose, Ron Thal est un musicien étonnant, qui mène depuis plus de trois décennies une carrière qui lui ressemble finalement beaucoup. Après des débuts sous son propre nom, il adopte BUMBLEFOOT à la fin des 90’s et il se distingue aussitôt par son jeu hors-norme. En 2006, il intègre G N’R comme troisième guitariste, forme ensuite Act Of Anarchy, Sons Of Apollo et plus récemment le super-groupe Whom Gods Destroy. Et pourtant, son champ d’action est bien plus large et varié qu’il n’y paraît.
Du Breton Pat O’May en passant par Asia, il multiplie les collaborations en tant que producteur, compositeur et même enseignant, tout en prenant soin de ne jamais rester dans sa zone de confort. D’ailleurs, en a-t-il vraiment une ? BUMBLEFOOT est un technicien brillant doté d’une culture musicale complète et érudite. Sans virer à la démonstration, « Bumblefoot… Returns! » est un modèle du genre rassemblant à peu près tout ce qu’il peut faire avec son étonnant instrument, conçu sur mesure pour dépasser ses propres limites.
Cette nouvelle réalisation donne suite à « The Adventures Of Bumblefoot » sorti il y a tout juste 30 ans et qui présente l’Américain dans un registre entièrement instrumental, où il passe en revue tous les styles qui le font vibrer. BUMBLEFOOT transcende les genres (Metal, Rock, Blues, Acid Honky-Tonk, …), soigne les mélodies et présente ici quelques invités de choix comme Steve Vai, Brian May, Guthrie Govan et Ben Karas. Et surtout, complexe et pointu, l’album ne s’adresse pas qu’aux puristes. Une prouesse et une vraie gourmandise!
La formation de Besançon n’élude pas la violence sur son premier album, mais elle le fait avec beaucoup de finesse à travers son post-Metal, et en fait même un terrain de jeu tourmenté et souvent aérien. Très organique dans le son, HØLLS avance sur un line-up costaud : basse, batterie, deux guitares et une frontwoman habitée par des textes forts et sensibles. Avec « Ill », le combo explore les consciences et dépeint une époque trouble et incertaine avec beaucoup de conviction et d’aplomb. Le début d’une belle aventure.
HØLLS
« Ill »
(Independant)
Avec tout juste deux ans d’existence, HØLLS se présente avec un premier opus plutôt audacieux. Sombre et jouant sur un clair-obscur bien maîtrisé, le quintet nous propulse dans un post-Metal aux multiples facettes, qui nous parcourt de sensibilité Screamo et même Sludge, dès lors que sa rythmique accélère la cadence. A la tête du combo, on retrouve la chanteuse Sandra Chatelain dont la palette vocale navigue entre chant clair et saturé, ce qui libère véritablement l’empreinte musicale des Francs-Comtois, dont l’originalité est palpable et souvent insaisissable.
Car, si ce Metal tout en nuances passe d’atmosphères très progressives à des coups de massue explosifs, c’est bel et bien la frontwoman qui donne le ton et sert de marqueur à un registre chaloupé, véloce et mélodique. Cela dit, HØLLS prend le soin de ne pas se perdre, et nous avec, dans ces méandres noirs et mélancoliques dans lesquels il se meut avec une fluidité autant musicale que vocale. Les thèmes abordés ici semblent coller à cette génération, qui raconte sans far de légitimes inquiétudes sur la santé mentale, qui se détériore à travers toute une société.
Entre colère et détresse, il émane beaucoup de force des six morceaux, qui s’enchaînent après une intro délicate. Et comme pour mieux porter son propos, HØLLS prend le soin d’éviter tout formatage. Sur « Ill », les titres sont d’une longueur qui prend justement le temps d’installer des ambiances travaillées, souvent progressives, qui ne manquent pas de nous emporter et où détresse et souffrance côtoient un espoir souvent caché, mais bien réel. Le groupe affirme une identité solide que l’on retrouve sur des compositions bien structurées et envoûtantes (« Fall Into Decay », « Thorns », « Upsetters », « EndlessNight »).
Elle a cherché la guérison et le renouveau et c’est à travers sa musique qu’elle y est parvenue… et de très belle manière. Forcément très intime, la chanteuse américaine se fait conteuse sur un premier opus qui en dit long sur son talent. S’il s’en dégage une certaine froideur malgré le registre, OLIVIA WOLF montre beaucoup de force dans sa musique comme à travers ses mots. « Silver Rounds » possède un aspect conceptuel dû au sujet global, et pourtant chaque chanson garde un côté unique et surtout attachant.
OLIVIA WOLF
« Silver Rounds »
(Independant)
Cataloguée parmi les artistes de Country Music, OLIVIA WOLF s’en détache pourtant grâce à un style assez singulier, qui se distingue de la scène actuelle américaine. Et ce premier album qu’elle sort en indépendant est d’une étonnante profondeur. Dans son propos tout d’abord, car la chanteuse a vécu une tragédie qui la guide tout au long de « Silver Rounds ». Elle a, en effet, lutté en son for intérieur pour faire face à la perte de son fiancé deux semaines seulement avant leur mariage. Un deuil qu’elle fait ici en musique avec beaucoup d’élégance et une grande pudeur face à cette épreuve de la vie.
Elle qui a grandi dans le nord de la Californie au son du Bluegrass , également nourrie de la richesse musicale des Appalaches, s’est créée un monde très personnel et ce sont les circonstances de ce destin qui se traduisent dans cette Americana sombre, langoureuse et à fleur de peau. Dépeinte comme une version féminine de Sturgill Simpson, OLIVIA WOLF mélange les styles et les ambiances avec une délicatesse de chaque instant. Très spirituels, ses textes traversent de sombres pensées, s’ouvrent à l’univers tout entier, questionnent sur l’inquiétude, l’acceptation et l’abandon avec un esprit rebelle chevillé au corps.
Pourtant, « Silver Rounds » évite la tristesse et la lamentation avec finesse. Entre la lumière et l’obscurité, OLIVIA WOLF a trouvé la faille et s’y engouffre avec beaucoup d’émotion. Produit par Sean McConnell avec qui elle a co-écrit plusieurs morceaux, l’ensemble offre un relief saisissant, où elle passe d’une Americana très Bluegrass à des moments de Rock appuyés ou une Country-Rock captivante (« Cosmic Appalachian radio », « Lucky One », « Weed King », « Good Smoke Too », « Meet You At The Cross », « The Wild » ou « High Life » en duo avec Taylor McCall). L’imagerie est ici puissante et radieuse aussi.