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Hard Rock Hard'n Heavy

Storace : une flamme intacte

A la tête du plus grand combo de Hard Rock suisse de longues années, Marc STORACE s’active désormais en solo avec toujours beaucoup de classe. Sa vision actualisée du style qui a fait sa renommée libère un bel esprit de liberté sur ce « Crossfire », guidé de mains de maîtres par des musiciens chevronnés, qui ne manquent pas de créativité et qui gardent un Rock’n’Roll authentique et tonitruant chevillé au corps. Un modèle du genre et un exemple.

STORACE

« Crossfire »

(Frontiers Music)

Avec « Crossfire », STORACE livre l’album de Hard Rock le plus enthousiasmant de l’année… loin même devant le retour de certains cadors du genre. Avec à sa tête un frontman à qui ne triche pas et qui maîtrise depuis quelques décennies son sujet, le combo évolue avec une telle facilité que, dès la première écoute, les morceaux se révèlent vraiment familiers. Derrière le micro de Krokus durant quatre décennies, Marc Storace et son groupe ont fait leurs adieux en 2019, et depuis il mène donc sa barque en solo.

Après un premier effort, « Live And Let Live » (2021), plutôt bien accueilli, le frontman a monté un  nouveau line-up dans la foulée et a passé ces deux dernières années à composer ce « Crossfire » frais et décapant. Avec le guitariste Tommy Henriksen, membre du groupe d’Alice Cooper et qui produit aussi l’album, et son ami et batteur Pat Aeby (Krokus, Gotus), STORACE semble prendre une autre dimension. Pour le reste, le quintet fait parler sa longue expérience et dégage une sérénité à toute épreuve. 

Les Helvètes se font plaisir et appliquent un savoir-faire éprouvé depuis des lustres, tout en gardant une étincelle de modernité dans un registre intemporel et très fédérateur. Accrocheur et percutant, « « Crossfire » nous rappelle les belles heures du Hard Rock des 90’s au croisement d’autres légendes telles qu’Ac/Dc, Cinderella et Dokken pour le côté Heavy (« Screaming Demon », « Rock This City », « Love Thing Stealer », « Millionnaire Blues », « Sirens »). STORACE régale et incite à monter le volume.

Photo : Frank Kollby

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Death Metal France

Mercyless : le sens de l’éthique [Interview]

Pour beaucoup, MERCYLESS représente l’époque dorée du Death Metal français, une génération qui a posé les bases du genre dans l’hexagone. Cette bouillonnante scène des années 90 résonne encore chez beaucoup et, après plus de 30 ans de bons et loyaux services, le combo de Mulhouse a su garder cette rudesse, ce côté très obscur et robuste qui se déverse de manière brutale et incandescente. Sorte de gardien de l’institution extrême, il perpétue une certaine tradition musicale, faite de codes précis et d’une vision claire, qui paraît aujourd’hui intemporelle. Avec son huitième album, « Those Who Reign Below », le groupe consolide sa position de pionnier et aussi de pilier d’un genre immuable. Et c’est encore son fondateur, chanteur et guitariste, Max Otero, qui en parle le mieux…

– Notre première interview dans le Rock’n Force version papier date de 1992 à l’occasion de la sortie de votre premier album, « Abject Offerings ». A l’époque déjà, il avait marqué les esprits et il ne fallait pas être devin pour comprendre que l’aventure allait durer. Tu es le dernier membre de la formation originelle, quel regard portes-tu sur le parcours de MERCYLESS aujourd’hui ?

C’est un long parcours semé de beaucoup de choses ! (Rires) Dans les années 90, on a forgé notre style avec la sortie des deux premiers albums, qui nous ont marqué ainsi que pas mal de gens. Ensuite, on a pris une voie différente, car on voulait aussi découvrir d’autres horizons sans regarder en arrière. De 1995 à 2000, on était en dessous de ce qu’on aurait pu faire, mais c’était aussi une époque différente. Beaucoup de choses avaient aussi changé dans nos vies personnelles, dans notre façon de voir les choses et la musique. Ensuite, nous nous sommes mis en stand-by pour, peut-être, attendre le bon moment… et ça nous a pris 10 ans ! C’est long, mais cela nous a permis de continuer la musique, souvent ensemble d’ailleurs, sous une autre approche. En 2010, on est revenu encore plus fort avec de nouvelles convictions et l’envie aussi de reprendre l’histoire là où elle s’était arrêtée. Nous nous sommes donnés les moyens de continuer MERCYLESS dans la version des débuts, c’est-à-dire du Metal comme on savait le faire.

– « Those Who Reign Below » est votre huitième album et ce qui est impressionnant, c’est qu’il s’inscrit vraiment dans la continuité de votre discographie, à savoir un style très identifié dans les années 80/90 et une intention qui reste inchangée. C’est important pour toi de rester ancrer dans le Death Metal des origines ?

Oui, ça fait déjà un moment qu’on avait envie de réaliser un album comme celui-ci. C’est presqu’un hommage à cette scène et aussi à ce qu’on a pu vivre dans les années 90. Je pense que c’est dans ce domaine-là qu’on se sent le mieux, c’est-à-dire dans une musique directe, sans concession, violente et malsaine. On voulait vraiment rester dans ce crédo, car on y est bien et parce que c’est aussi ce qu’on sait faire de mieux. On ne cherche pas à faire autre chose, mais plutôt à garder cette ligne directrice qu’on a depuis les années 90. Et depuis 2010, nous gardons cette intention et ce cap. On persévère là-dedans, car je trouve qu’on a encore des choses à dire. Malgré ce qu’on peut croire, ce n’est pas une musique qui est renfermée. Il y a beaucoup à faire et on considère chaque album comme une pierre portée à notre édifice. On souhaite marquer les esprits à notre façon.

– Max Otero –

– Bien sûr, MERCYLESS a beaucoup évolué en plus de 30 ans d’existence, ne serait-ce que techniquement. Pourtant les thèmes abordés sont les mêmes à peu de choses près. On a l’impression que notre époque alimente plus que jamais votre propos. La colère est plus grande aujourd’hui qu’à vos débuts ?

Oui, je pense. On vit une époque où nous sommes très influencés par le monde extérieur, même si on essaie de se focaliser sur autre chose avec la musique, car elle nous le permet. Mais on a tellement de choses à faire sortir de nous que c’est une sorte d’exutoire, un vrai besoin et je crois que la colère représente exactement ce que nous avons au fond de nous. Et le meilleur moyen de l’exprimer est de jouer cette musique. Elle ne nous a jamais quittés, on ne lui a jamais tourné le dos. Au contraire, elle nous a toujours poussés à créer et à aller faire des concerts. Aujourd’hui, et plus que jamais, faire ressortir ce qu’on peut avoir de plus malsain en nous est encore plus important. 

– J’aimerais qu’on s’arrête un moment sur une chose. Cela fait deux fois que tu me parles de ce côté ‘malsain’. Qu’est-ce que tu entends par là ?

En fait, le Death Metal est une musique très revendicative par rapport à toutes ses influences, tout ce qu’elle a aussi engendré dans les années 90 et aussi ce qu’on a vécu. Le terme ‘malsain’ est une sorte d’expression pour définir ce qui en ressort. Elle a toujours eu ce côté fait de plein de paramètres à travers les riffs, les voix, les paroles, … Tout ça bouillonne et c’est un besoin qu’on a de vouloir exprimer une facette de notre personnalité. Et c’est vrai que c’est cet aspect qui ressort le plus souvent et il est proportionnel à ce que l’on voit autour de nous.

– D’accord, mais le mot ‘malsain’ a quelque chose de rédhibitoire, c’est quelque chose qu’on ne veut pas toucher, ni approcher…

Oui et je le revendique complètement. C’est quelque chose qui navigue en eaux troubles dans beaucoup de domaines que ce soit dans les croyances, dans les religions et dans la société actuelle. On essaie, en fait, d’évacuer ce qu’on ressent comme étant le pire de tout ça dans notre quotidien. C’est notre façon de dire que cette musique est malsaine, car elle est représentative de notre vision de tout ce qui nous entoure.

– Je situe mieux et je te comprends. Revenons à la musique avec le numérique, qui a pris le dessus sur la grande majorité des productions. Pourtant, « Those Who Reign Below » possède un son très organique, brut et presque live. C’est pour cette raison que vous avez fait appel à Raph Henry du Studio Heldscala ? Pour obtenir cette sonorité très roots et authentique ?

Exactement. On a travaillé presqu’un an sur cet album. On avait donc tous les morceaux avec la façon de les interpréter et on en avait déjà parlé avec Raph qu’on connait depuis des années. Il connait bien MERCYLESS et il aime ce qu’on a fait à nos débuts. On a beaucoup travaillé en pré-prod’ et on voulait vraiment faire ressortir ce côté très organique et très direct. On cherchait à retrouver cette espèce d’aura et de mysticisme, qui existaient dans les années 90. Et comme tu dis, il y a un côté très live, car on a très peu travaillé en numérique. On voulait justement obtenir des sons qui sortent de l’ampli, une édition très légère pour avoir une batterie qui colle justement à qu’on voulait vraiment avoir. On souhaitait retrouver le son de cette époque qui correspond complètement à MERCYLESS. Et Raph Henry a réussi à sculpter tout ça pour atteindre ce son profond et sombre. Et on retrouve aussi un peu ce son de K7, lorsqu’on mettait les premières démos de Morbid Angel ou Autopsy. On avait besoin de ça, alors qu’aujourd’hui, on a des productions de plus en plus surcompressées et très fortes, qui sont destinées à des écoutes plus modernes et numérisées. Nous avons voulu faire l’inverse. C’est même devenu assez difficile d’ailleurs, mais on a réussi à obtenir ce qu’on voulait.

– D’ailleurs, MERCYLESS est très attaché à ce son et ce style Old School. Qu’est-ce qu’il signifie et représente pour toi, et t’est-il déjà venu à l’esprit d’en changer comme d’autres ont pu le faire ? Ou est-ce que cette approche ‘moderne’ te laisse indifférent ?

(Silence)… Il y a une histoire de nostalgie peut-être derrière tout ça. Il y a quelque chose de rassurant et ça nous conforte dans ce que nous sommes. Et on a du mal à se retrouver dans toutes ces sorties qu’on voit presque tous les jours avec des centaines d’albums qui sont de plus en plus produits de la même manière sur l’édition, les applications, les plugins, … Ce sont très souvent les mêmes sons de guitares, de batterie surproduites et ainsi de suite. On voulait éviter ça, car ça ne correspond pas à notre vision de voir les choses, même si on est aussi plongé là-dedans. Le son de MERCYLESS est très cru et très bas et il n’a pas besoin de fioritures. On s’est aussi aperçu, en s’essayant à des sons plus modernes, que nous n’arrivions pas à obtenir quelque chose qui colle à notre personnalité. Avec cet album, on revient à l’essentiel et c’est ce qu’on voulait en restant dans une ligne directrice claire et très 90’s. Il y a toute une génération qui est habituée à un son très moderne, y compris dans les styles extrêmes, qui a sans doute du mal à entrer là-dedans, mais cela correspond vraiment à quelque chose pour beaucoup d’autres.

– Max Otero & Gautier Merklen –

– Et puis, l’autre nouveauté sur ce nouvel album est l’arrivée derrière les fûts de Johann Voirin, qui officie aussi chez Mortuary. Il se fond parfaitement dans le moule du groupe. C’était important aussi qu’il ait cette culture Old School et underground, d’autant qu’il livre une prestation incroyable et tout en puissance ?

Il y a eu un petit travail quand même au départ. Forcément, il vient d’un groupe plutôt axé sur le Brutal Grind Death pour faire court. Et MERCYLESS a un côté Old School avec des paramètres et une définition de jeu, qui demandaient un petit ajustement par rapport à Mortuary. Il a surtout fallu qu’on se comprenne au niveau de notre univers, pas au niveau technique évidemment. Il s’est ensuite très bien fondu dans le style, dans les arrangements et dans le travail sur les nouveaux morceaux. Et le résultat est exactement celui qu’on attendait, à savoir un aspect dynamique, vif et très direct.

– Chez MERCYLESS, et contrairement à beaucoup d’autres groupes dans le Death Metal, il y a une violence viscérale, qui est presque libératoire. Et la présence du diable et de la religion plus largement planent toujours autant sur « Those Who Reign Below ». Le sujet est inépuisable, surtout lorsqu’on voit l’état du monde actuel. Où te places-tu dans cette époque du règne des réseaux sociaux où tout n’est qu’apparence ?

On a totalement changé d’époque, c’est vrai. Je pense qu’on a aussi cette chance d’avoir ce recul et d’avoir connu les années 80/90, où il y avait beaucoup de découvertes et d’apprentissage, qui se faisaient sur la longueur. MERCYLESS est né et vient de là. On fait partie de ce temps où on enregistrait des démos nous-mêmes et on avançait petit à petit. Il n’y avait pas tous les contrats discographiques et toutes les sorties comme aujourd’hui. On a construit le groupe au fil des années, ce qui n’est pratiquement plus possible maintenant. Tout va tellement vite. Les réseaux sociaux s’emballent très vite pour tout et n’importe quoi et sans vraiment savoir où on va. Et la différence aussi, c’est que nous avons gardé cette liberté de ton. On utilise aussi les réseaux sociaux avec parcimonie, essentiellement pour promouvoir le groupe et garder le contact avec le public. J’ai su conserver un regard extérieur sur tout ça. Et puis, il y a un bouton ‘off’, si tu veux continuer à regarder le monde évoluer, sans pour autant avoir le nez dans les écrans comme on veut nous l’imposer. C’est difficile, car c’est très présent et ça fait aussi partie de l’évolution de cette société. Il faut faire avec et garder les outils qui sont à notre disposition. Mais en revanche, il faut conserver beaucoup de recul par rapport à tout ça. On tend vers un monde qui devient de plus en plus médiocre, parce qu’on laisse tout le monde s’engouffrer là-dedans sans garder ce qui est positif. On croit qu’on peut apprendre des choses, mais il y a un côté très abrutissant et bête à la base de tous ces réseaux sociaux et tout ce qu’il y a autour. Par moment, il faut vraiment décrocher de ça et garder une certaine distance. Sinon, ça peut très vite nous rendre fou.

– Yohann Voirin & Yann Tligui –

– Tu prêches un convaincu ! Justement, je reviens à la colère et à cette violence viscérale dont on parlait tout à l’heure et aussi au fait que les textes de MERCYLESS tournent essentiellement autour de la religion et l’idée du diable notamment. C’est un sujet qui ne vous lâche pas finalement ?

Non, pas du tout. Cela vient du début du groupe, en fait. Notre musique est liée à ça et, comme tu dis, le sujet est inépuisable. A une époque qui est basée sur les croyances et les religions dans le monde entier, on voit que ça mène vers des défiances, des déviances et des perversions terribles. Et il y a toujours derrière, en ligne de mire, ce besoin de croire et de se réfugier derrière quelque chose, en l’occurrence des textes sacrés, etc… Et tout ça ne mène pas forcément les gens vers un bien-être, ou un monde où on se laisserait réfléchir. Il y a, en effet, beaucoup à puiser dans tout ça. Quand on évoque les démons, par exemple, sur « I Am Hell », je parle des prêtres pédophiles qu’on a vus à la une de beaucoup de médias ces dernières années. L’Eglise catholique est devenue à un moment donné un refuge pour des gens qui sont de vrais dangers. C’est une façon de dire que le diable est souvent déguisé et se niche aussi chez l’être humain.  

– MERCYLESS, avec quelques autres toujours en activité, est un pilier et un pionnier du Metal extrême français. Contrairement à certains, vous n’avez pas dévié de votre trajectoire. Est-ce que vous courrez toujours après le même objectif, c’est-à-dire rester fidèle au milieu underground et le faire vivre ? D’ailleurs, comment le définirais-tu aujourd’hui ?

(Silence) … Bonne question. On peut en effet se poser beaucoup de questions car, aujourd’hui, parler d’underground, c’est presque se foutre de la gueule du monde. Actuellement tout est pensé et réfléchi par rapport à Internet, aux réseaux sociaux, etc… Tout part là-dessus et cela a vraiment changé la donne. Dans les années 90, tout se faisait encore avec les petites mains. Il fallait travailler beaucoup de choses : la musique, les textes, le disque, la distribution, la comm’, … C’était très compliqué et très long. Aujourd’hui, j’essaie toujours de rester connecter à ce monde-là et de le suivre. Et dans cette musique, il y a toujours de l’activité et c’est tant mieux ! Dans les années 2000, cela avait un peu disparu et maintenant, on a la chance d’avoir de nouveaux groupes qui sont là depuis un bon moment et qui sortent des albums de très bonne qualité. C’est là-dedans, et avec eux, que je me sens le mieux. C’est ce que j’écoute le plus, que ce soit en France ou à l’étranger. Je me tiens informer et j’essaie de partager tout ça du mieux possible, y compris au niveau des concerts. On continue d’ailleurs à tourner avec ce genre de groupes avec de petites conditions et dans des petites salles. On n’oublie pas d’où l’on vient et aussi que d’autres nous ont aidés. C’est une chose qu’on tient à faire à notre tour. Avec un peu de bouteille, on arrive à partager et à découvrir de nouvelles choses et ça me fait toujours autant plaisir ! Ce sont des groupes qui ont une certaine ‘grinta’ et une envie d’aller de l’avant. Je me dis que tout n’est pas perdu, même si le mot ‘underground’ ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui.

– Vous avez aussi récemment réédité « Abject Offerings » et une compilation de vos premières démos, ce qui est une bonne chose compte tenu de leur rareté. L’industrie musicale a été bouleversée depuis les débuts de MERCYLESS et elle est aujourd’hui méconnaissable. Comment est-ce que tu perçois l’envahissement du streaming et du tout-numérique ? Comment vous êtes-vous adaptés et est-ce que le Death Metal, au sens large, en a aussi subit les conséquences ?

Le Death Metal a quelque chose d’intemporel. Maintenant, par rapport au numérique et au téléchargement sur les plateformes qui diffusent la musique aujourd’hui, c’est vrai que c’est assez étrange. Cela dit, le Death Metal a ceci de particulier qu’il y a un réel attachement à l’objet à travers le vinyle, le CD, les K7, etc…. Ca a toujours existé et ça existe encore aujourd’hui. Personnellement, et ça concerne aussi plein de gens autour de moi, j’ai du mal à écouter un album sur une plateforme. J’ai toujours le réflexe de mettre un CD ou un vinyle. J’aime aussi prendre mon temps pour écouter ça dans de bonnes conditions. On est encore nombreux à avoir ce besoin de découvrir les choses en ayant le produit dans les mains. On a gardé cette fibre, qui nous anime encore. Aujourd’hui, c’est un autre monde. Et puis, je crois qu’on a aussi besoin de se retrouver dans ce petit espace bien à nous. On découvre plus facilement chaque petit arrangement notamment et le Death Metal permet ça. On s’y met aussi bien sûr, mais c’est un peu aller vers la facilité. 

– En France, on a vu émerger une nouvelle scène de Metal extrême, qui n’a pas grand-chose à voir avec celle qu’on a connu avec vous, c’est-à-dire MERCYLESS, Loudblast, Massacra, No Return et Agressor dans les années 90. Sincèrement, existe-t-il une sorte de famille entre les anciens que je viens de citer, et que penses-tu des nouvelles formations hexagonales ?

C’est un peu compliqué pour moi, car je ne me retrouve pas beaucoup dans les formations modernes pour toutes les raisons dont on parle depuis le début de l’interview. Le son, l’approche, la conception, etc… Je trouve même que le terme de groupe a complètement disparu. On a l’impression que ce sont des assemblages de personnes, qui sont là juste pour fabriquer quelque chose, être dans la ‘hype’ du moment et tirer sa petite épingle en se disant que c’est moderne, frais et neuf. Et alors, on y va. Ce n’est pas notre vision et elle peut même paraître austère pour certains. Mais on ne s’y retrouve pas dans tout ce mélange de styles extrêmes. Ca vient aussi de la vision et de l’interprétation musicale, qui a changé et qui est très différente. C’est le monde moderne qui leur amène ça et ils ont besoin d’être dans le truc du moment pour se sentir bien. Honnêtement, ça me passe sous le nez et ça disparait aussitôt ! (Rires)

– Pour revenir aux groupes français des années 90 cités plus haut, j’ai vraiment l’impression que depuis vous cinq, il n’y a pas eu grand-chose sur la scène hexagonale. Je ne vois pas d’héritiers directs… et j’avoue qu’un plateau vous réunissant serait assez génial !

Je crois que tu as raison, car on vient aussi d’une époque où chacun faisait un truc très, très différent de l’autre. Cela nous a tous amené vers des fan-bases opposées, qui pouvaient quand même se rejoindre. Mais chacun avait sa vision et son propre son. C’est vrai qu’aujourd’hui, il n’y aurait aucun problème à monter un plateau comme ça, au contraire, car nous sommes tous restés ancrés dans ce qu’on sait faire de mieux. Forcément, les héritiers derrière sont peu nombreux dans le sens où très peu de groupes et de personnes ont gardé cet esprit de concevoir la musique et ont plutôt évolué suivant les modes. Certains reconnaissent des influences chez nous. Mais pour ce qui est de perpétuer tout ça, il n’y a pas grand-monde, en effet. Et je pense que nous sommes nombreux à partager ce sentiment.

– Enfin, qui dit nouvel album, dit concerts. Est-ce qu’encore aujourd’hui, vous pouvez compter sur un réseau underground suffisamment solide pour monter une tournée par vous-mêmes sans passer par les tourneurs qui font la pluie et le beau temps en France ?

Carrément et c’est ce qu’on fait depuis des années ! On connait beaucoup de petits tourneurs, des gars à l’ancienne et très ‘DIY’, qui ont des réseaux de salles et de plus petits lieux. On y arrive bien et c’est la seule façon pour nous de ne pas lâcher des 7.000/10.000€ pour des supports tournées, où tu joues 25 minutes à 19h à l’ouverture des portes. Et puis, ça n’apporte plus grand-chose à des groupes comme nous, en tout cas. Après, c’est mon opinion. Mais on essaie de faire comme ça, parce qu’on s’y retrouve et qu’il y a une espèce d’osmose globale. C’est très bon pour le psychisme de tout le monde, car on rencontre des gens sympas. Et il y a une grande proximité. Ca demande forcément un peu plus de boulot, mais on s’en sort très bien. C’est sûr qu’on ne va pas faire 20 dates à travers 15 pays, mais on joue, on fait des festivals et des petites tournées aussi avec des groupes dans notre lignée, voire plus petits. Tout se passe très bien et le public répond présent.

Le huitième et nouvel album de MERCYLESS, « Those Who Reign Below », est disponible chez Osmose Productions.

(Photos portraits live : Eddy Gheorghe)

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Folk Metal International Musique traditionnelle

Theigns & Thralls : legends & tradition [Interview]

D’abord à la production du premier album de Skyclad en 1991, Kevin Ridley a intégré le groupe quelques années plus tard en tant que musicien, pour en être aujourd’hui le chanteur et principal compositeur. Toujours très prolifique, le Britannique a multiplié les projets, devant comme derrière la console, avant de constituer en 2022 THEIGNS & THRALLS. Toujours dans une lignée Folk Metal teinté de Rock, le groupe présente aujourd’hui un deuxième album, « The Keep and The Spire », où il explore un univers lié à l’Histoire et aux légendes de la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. D’une authenticité toute médiévale autant que moderne, il détaille le projet de sa nouvelle formation et revient sur la conception de cette récente réalisation.    

– On a découvert THEIGNS & THRALLS il y a deux ans avec votre premier album éponyme. Au départ, il s’agissait d’un simple projet en marge de tes activités avec Skyclad et finalement, « The Keep And The Spire » sort aujourd’hui. Tu imaginais déjà l’aventure continuer ainsi à l’époque ?

Pas vraiment. Je pense que THEIGNS & THRALLS a dépassé toutes mes attentes. Au départ, j’avais prévu uniquement de faire quelques concerts avec des amis dans des pubs, etc… Mais le Covid a frappé et je me suis impliqué dans l’écriture et l’enregistrement de quelques chansons à la maison. Quand j’ai eu assez de matériel, j’ai pensé à le sortir moi-même, juste en ligne, via Bandcamp ou quelque chose comme ça. Mais ensuite, j’ai fait appel à une maison de disques et un groupe de tournée s’est constitué. Tout est parti de là.

– Tu avais déjà commencé l’écriture des morceaux de ce deuxième nouvel album au moment de la sortie du premier. C’était déjà pour THEIGNS & THRALLS, même peut-être inconsciemment, ou pour un autre projet solo, par exemple ?

Au moment où nous avons pu recommencer à nous produire en concert en 2022, j’avais déjà l’impression que le groupe jouait bien et que les choses semblaient très positives. Il m’a donc été facile de trouver une direction artistique et commencer à écrire des chansons destinées à THEIGNS & THRALLS. Cela a également été facilité par ma collaboration avec le parolier suédois Per Ablinsson.

– Les deux albums sont assez différents l’un de l’autre et « The Keep And The Spire » permet aussi de mieux cerner le groupe. Cette fois, il y a très peu de sonorités acoustiques et l’ambiance est aussi plus sombre. Est-ce que tu y vois tout de même une certaine continuité, ou l’idée était dès le départ de se distinguer du premier et d’élargir le spectre musical ?

Je pense qu’après avoir fait le premier album, j’avais encore quelques pistes à explorer, quelques chemins à suivre, pour ainsi dire. J’en ai parlé avec Per Ablinsson et j’ai eu l’idée de faire une série de chansons basées sur la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. Cela a en quelque sorte donné le ton de l’album, car j’avais déjà commencé à écrire des chansons comme « The Harrowing » et « The Seeker ». Il ne semblait pas y avoir beaucoup de place pour des chansons plus ‘acoustiques’, ou traditionnelles, sur cet album. Cependant, il y a quelques courts interludes acoustiques et faire d’autres chansons dans cette veine n’est pas quelque chose que j’ai complètement exclu. Et nous avons ajouté quelques ‘chansons de fête’ comme « The Grape And The Grain » et « The Mermaid Tavern » pour équilibrer l’album. Dans l’ensemble, je pense qu’il y a une certaine continuité avec le premier, mais je pense que le nouveau est plus ciblé et constitue une certaine progression également.

– Cette fois, le line-up est également clairement défini. C’était quelque chose d’important aussi de poser de réelles et solides fondations à THEIGNS & THRALLS et d’en définir les contours pour avancer ?

Oui. Comme je te le disais, nous nous sommes réunis après l’enregistrement du premier album. Et nous nous sommes sentis vraiment à l’aise en travaillant ensemble et il nous a semblé tout à fait approprié de progresser sur le nouvel album en tant que groupe. En plus de la batterie, de la basse, des claviers et des guitares, pour poser les bases des chansons, nous avons pu également ajouter du violon, du violoncelle, de la mandoline, du bouzouki, des sifflets, etc… pour aider à compléter les arrangements. Nous n’avions pas vraiment besoin de plus de musiciens. Nous avons décidé d’en inclure tout de même quelques-uns, simplement pour ajouter des textures et des approches différentes. C’est principalement pour les instruments que nous ne jouons pas, comme la vielle à roue par exemple, mais aussi pour certains styles de guitares précis aussi.

– Tu es le principal compositeur du groupe et les paroles, comme souvent avec toi, ont une thématique qui touche l’Histoire et de vieux poèmes celtiques et vikings. Tu ne te vois pas œuvrer dans un autre univers ? Le monde et la société actuelle ne t’inspirent pas plus que ça, même s’il y a parfois quelques parallèles dans ce nouvel album ?

Comme le nom du groupe le suggère, je m’intéresse principalement à l’exploration des histoires anciennes, de la poésie, de la littérature, de la fiction historique, des chansons traditionnelles, etc… Il ne s’agit pas uniquement de l’époque celtique ou viking. Mais j’aime penser que je peux trouver des contes et des chansons, qui ont encore de la pertinence et qui trouvent un écho auprès des gens d’aujourd’hui. Je pense qu’il existe encore des situations et des problèmes similaires dans notre société et que l’Histoire a peut-être quelques leçons à nous donner.

– Comme on l’a dit, il y a essentiellement des sonorités et des atmosphères celtiques et nordiques chez THEIGNS & THRALLS et cela se traduit par un Folk Metal et Rock très intemporel. Etant donné la richesse du sujet à travers les légendes et l’Histoire, le registre paraît inépuisable. Est-ce que tu penses qu’on puisse encore aujourd’hui le moderniser et l’actualiser, notamment avec des textes neufs et inédits, au lieu de puiser dans le passé ?

Comme tu le dis, il existe une richesse ‘inépuisable’ de sources au niveau des chansons traditionnelles et des journaux, en passant par les légendes et les contes populaires, qui peuvent tous être racontés, ou réimaginés. Mais il existe également de nouvelles œuvres de fiction historique, qui peuvent nous inspirer et de nouvelles recherches peuvent aussi élargir notre compréhension de l’Histoire. Nous devrions considérer la tradition populaire comme étant vivante et pertinente pour les gens, même dans le monde moderne d’aujourd’hui.

– Revenons à l’album. S’il est vrai qu’il est plus sombre et plus ‘sérieux’ que le premier, « The Keep And The Spire » contient aussi des chansons festives et joyeuses. C’est important aussi pour toi qu’il y ait cet équilibre ?

Oui, je pense que c’est important. En fait, l’album devenait assez sombre et sérieux et l’un des membres du groupe a fait remarquer qu’il fallait peut-être alléger un peu les choses. J’avais donc depuis un certain temps l’idée d’une chanson sur la Taverne de la Sirène et j’ai décidé de la terminer, puis j’ai composé « The Grape And The Grain ». En plus de cela, j’avais déjà collaboré avec Korpiklanni sur la chanson « Interrogativa Cantilena », et nous avons décidé d’en faire notre propre version sur l’album. Je pense que ces morceaux ont contribué à donner un certain équilibre entre des ambiances.

– Même si le groupe a dorénavant un line-up fixe et établi, cela ne vous a pas empêché d’inclure aux morceaux une multitude d’instruments comme la mandoline, le bouzouki, le bodhran, la cornemuse, du violoncelle, … J’imagine que cela doit aussi compliquer le mix, et est-ce que la texture des chansons est quelque chose sur laquelle tu travailles plus particulièrement ?

Oui, le groupe peut fournir lui-même beaucoup d’éléments et j’adopte toujours une approche consistant à avoir une base d’instruments Rock/Metal habituels. Puis, j’ajoute des instruments Folk ou traditionnels pour jouer les mélodies et ajouter des harmonies. Il faut donc en tenir compte lors de l’écriture et lors de l’arrangement des chansons, et gérer au mieux les différentes tonalités pour laisser de l’espace aux choses. Cela conduit à des mixages compliqués, car il faut faire attention à ne pas en faire trop. Mais nous pensons que cela en vaut la peine, en particulier pour impliquer le plus grand nombre possible d’instruments et de musiciens et ne pas utiliser de claviers ou d’échantillons.

– Ce nouvel album affiche aussi une production très organique, ce qui le rend très proche et vivant, à l’instar de la musique celtique d’ailleurs. Est-ce à dire que le style de THEIGNS & THRALLS convient autant à un gros festival qu’à l’ambiance d’un pub ?

Oui, je pense que c’est le cas. Nous avons déjà participé à quelques festivals et à des concerts plus importants, ainsi que dans des pubs et à des petits clubs. Et cela fonctionne bien dans les deux cas. Evidemment, il est plus facile de créer une bonne ambiance de fête dans un pub, mais je pense que nous pourrons aussi étendre notre approche dans les festivals. Peut-être qu’en faisant appel à quelques invités et en faisant un peu plus de pré-production, les festivals vous offrent l’opportunité d’explorer des choses à plus grande échelle. C’est quelque chose que nous pouvons espérer réaliser à l’avenir.

– Enfin, car tu n’y échapperas pas, quelles sont les nouvelles de Skyclad ? « Forward Into The Past » date déjà de 2017. La reprise est-elle pour bientôt ?

Comme tu le sais sûrement, les membres de Skyclad ont participé à de nombreux projets ces dernières années, ce qui me donne aussi l’opportunité de faire cette interview pour THEIGNS & THRALLS. Mais nous avons quelques chansons en cours et des idées, et nous espérons nous réunir bientôt pour travailler sur un plan de composition et établir un calendrier pour un nouvel album.

Le nouvel album de THEIGNS & THRALLS, « The Keep And The Spire”, est disponible chez Rockshots Records.

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France Metal Rock

[No One Is Innocent] : l’avenir en pointillé… [Interview]

Si NO ONE IS INNOCENT reprendra la route l’an prochain, son avenir discographique est, quant à lui, plus qu’incertain. L’engagement que cela demande en termes d’investissement personnel a fait naître chez Kemar et Tranber, historiques frontman et bassiste du groupe, cette réflexion sur l’avenir de leur énergivore combo. En attendant, c’est donc avec un ‘Best Of’ un peu particulier, que le quintet revient dans les bacs en proposant quelques inédits et surtout deux nouveaux titres, « L’Arrière-Boutique du Mal » et « Ils Marchent », qui ouvrent et ferment « Colères ». Au total, ce sont 16 morceaux qui ont marqué les esprits et la scène française durant ces 30 ans de combat musical. L’occasion de discuter avec Kemar de cette belle aventure, de ce disque, de notre époque et d’une suite tant espérée…   

– Sans entrer dans les détails des problèmes judicaires qui t’ont touché, NO ONE IS INNOCENT a vu son line-up éclater à ce moment-là. Comment est-ce que tu l’as ressenti et de quelle manière as-tu reconstruit le groupe ?

Avec Tranber, on a senti qu’émotionnellement, les autres l’avaient mal vécu. Et dans ces moments-là, il y a un peu d’animosité et certaines choses qui refont surface. Ça ne nous a pas plu et nous a même un peu refroidis. Il y a aussi eu des désaccords sur la façon de revenir, c’est-à-dire la date, les concerts et certains voulaient aussi lever le pied. Bref, trop de trucs lourds et au-delà de ça, le fait d’arrêter n’était pas vraiment au rendez-vous pour Tranber et moi. A un moment donné, il ne faut pas se forcer à remonter dans un bus et, finalement, faire croire aux gens qu’on est de super potes et qu’on aime jouer ensemble. Ça ne marche pas comme ça dans NO ONE ! Ensuite, ils ont décidé d’eux-mêmes de quitter le groupe. Et puis, on s’est dit aussi que ce n’était pas la première fois qu’on vivait ça. Les lines-up ont souvent été difficiles dans le groupe, parce que cela implique beaucoup d’énergie, de la fatigue, … Il faut pouvoir supporter tout ça aussi. Et puis, on ne raconte pas des choses anodines, non plus, et ça peut déboucher sur des débats un peu houleux. On s’est très vite retourné pour trouver d’autres musiciens, et voilà.

– On te sait combatif, mais est-ce que l’idée de mettre fin à l’aventure NO ONE IS INNOCENT t’a tout de même traversé l’esprit ?

Oui ! Avec Tranber, elle nous avait déjà traversé l’esprit. J’ai commencé à lui en parler bien avant. Nous sommes vraiment très liés et même au début de la composition d’« Ennemis », j’ai senti quelque chose. Il y aussi le fait de devoir assumer ce que demande physiquement NO ONE quand tu joues un concert parfois quatre fois par semaine. Tu perds des ‘points de vie’ et c’est une chose qu’on avait déjà abordé. Ce n’est pas forcément une question artistique, car on avait encore des morceaux et on n’avait pas envie de se freiner. Mais l’assumer sur scène, c’est vraiment différent ! On ne triche pas ! Faire un concert avec un pied de micro, c’est carrément impossible ! Je recherche une transe, c’est-à-dire l’inattendu et voir ce qu’il va se passer. Chaque concert est différent et cela demande une énergie énorme. Et puis, il y a aussi cette idée de faire l’album de trop. C’est quelque chose qui m’angoisse total ! Je n’ai pas envie d’être Kiss, Deep Purple ou Alice Cooper ! (Rires) On a peut-être une exigence scénique plus forte qui joue sur certains membres et c’est normal. Et c’est vrai qu’avec les gars qu’on a choisi, eux seraient partants pour continuer, sortir des albums et repartir sur la route ! Mais, ils ne sont pas à notre place.

Kemar & Tranber, piliers du groupe

– A en juger par les deux inédits « L’arrière-boutique Du Mal » et « Ils Marchent », NO ONE IS INNOCENT repart sur de solides bases. Il y a toujours cette culture du riff et ce son qui vous caractérise tant. J’imagine que les nouveaux membres connaissaient le groupe, puisque la ligne directrice est respectée et l’ADN très perceptible. Comment se sont  passées les discussions au moment de composer ?  

Si tu prends Fred Mariolle (guitare – NDR), il a toujours gravité autour de NO ONE, il a même fait des concerts avec nous et il a surtout co-écrit deux titres de « Propaganda » à l’époque. C’est la première personne qu’on a appelé ! Ensuite il nous a présenté Mathys (Dubois, batterie – NDR) qu’on avait déjà vu jouer en concert avec un autre groupe et il nous avait tapé dans l’œil. Et puis Marceau (guitare – NDR), c’est Mathys qui l’a rencontré dans un festival et qui lui a dit qu’on cherchait un guitariste. Et c’est parti comme ça ! C’est génial ! (Rires)

– Dans votre large discographie, il manquait un ‘Best Of’, c’est vrai. Est-ce que, justement, ce retour sous un nouveau line-up était l’occasion de marquer le coup, et surtout d’amorcer une nouvelle ère chez NO ONE INNOCENT, sans parler de nouveau départ ?

C’est vrai qu’un ‘Best Of’, ça pose une cloison et c’était voulu. Après les concours de circonstance font que cela se fait avec un nouveau line-up. Mais avec Tranber, on avait déjà décidé de mettre une fin au chapitre. Mais c’est peut-être aussi tant mieux que cela se fasse comme ça ! Il y a une espèce de fraîcheur. Lors du dernier concert qu’on a donné cet été en Belgique, on a eu l’impression avec Tranbert qu’on n’avait pas ressenti un tel enthousiasme depuis longtemps ! C’était vraiment cool !

– « Colères » balaie plusieurs périodes de vos 30 ans d’activités bien sûr, et présente aussi plusieurs titres live. C’était important pour un groupe de scène comme vous d’en mettre autant ? Et puis, l’énergie sur ces versions est incroyable…

En fait, ces morceaux ont beaucoup évolué sur scène par rapport à ce qu’ils pouvaient raconter sur les versions studio. Et puis, ce sont des titres qui marquent aussi une période de l’histoire du groupe. Je pense à « Nomenklatura », par exemple, qui nous figent dans notre combat contre les extrêmes que ce soit politiques ou religieuses. « Chile » est le fruit de notre voyage au Chili et en Argentine avec cette phrase de Pablo Neruda qui est scandé : « Nous gagnerons même si tu ne le crois », qui est pour moi très emblématique de ce qu’est NO ONE, en fait. Mettre ces versions-là avait beaucoup de sens.

– Et puis, il y a cette version de « Massoud » revisitée avec le Lahad Orchestra, ce qui lui donne un aspect encore plus oriental. Peux-tu nous en dire plus sur les conditions d’enregistrement et surtout la démarche en elle-même ?

C’est venu d’une rencontre faite par hasard avec un groupe de musiciens influencés par les musiques orientales et qui donnent des cours aussi. Leur répertoire est aussi constitué de chansons qui ne sont pas anodines et qui donnent même lieu à des débats un peu houleux. On leur a proposé de travailler avec nous sur la réorientation orientale de trois/quatre titres. Ils ont été super enthousiastes, d’autant que les morceaux de NO ONE ne sont pas forcément ce qu’ils écoutent tous les jours. Il y avait une espèce de challenge très intéressant et cela nous permettait aussi d’entendre nos chansons différemment. Et surtout, on a eu la chance de les jouer avec eux et ça a été magique ! C’est une seconde jeunesse pour ces morceaux. A un autre niveau bien sûr, il y a un petit côté Led Zep quand Page et Plant ont joué « Kashmir » avec The Egyptian Orchestra (dirigé par Hossam Ramzi – NDR).

– L’ombre de ‘Charlie Hebdo’ plane aussi sur « Colères » avec notamment un discours très poignant d’une des journalistes. Les conditions ce soir-là, à la Cigale à Paris, étaient très spéciales. Comment se sent-on à ce moment-là sur scène ? Entre émotion et colère ?            

Il y a tout qui se mélange à ce moment-là… Je sais que j’ai craqué ce soir-là avec le discours de Marika Bret de ‘Charlie Hebdo’. Et puis, c’était en plein concert, cela faisait déjà une heure qu’on jouait et nous étions en tension totale. L’adrénaline était à son max. Alors, quand elles sont venues parler… Et puis, il y a tout ce que cela a représenté pour nous aussi avec « Charlie ». Tous ces sentiments-là se sont mêlés. Avec Tranbert, c’est aussi notre génération et il y avait tous ces gens qui renvoyaient tellement d’affection en scandant ‘Charlie’. C’était une ode à la résistance, c’est peut-être dix fois plus fort que de jouer un morceau !

– C’est ce que j’allais te dire,  car ce n’est pas un morceau, mais un discours. Et puis, il est présent sur le ‘Best Of’ entre les chansons sans préparer de suite au disque…

C’était important ! Avec Tranber, on s’est dit qu’il fallait qu’on le mette, parce que c’est aussi un moment crucial de notre carrière. C’est tout ce qu’on a essayé de construire avec ce groupe. Et il exorcise l’horreur également, tout en étant un instant de résistance. C’est tout ce qu’on a toujours voulu faire avec NO ONE !

– Un mot quand même sur l’actualité, qui est un sujet viscéral chez NO ONE IS INNOCENT. Entre le FN (appelons-les par leur nom !) en France, l’extrême droite partout en Europe, les meurtres à Gaza et ailleurs, certaines chansons de votre répertoire ressurgissent. J’imagine qu’en ce moment les idées de textes ne manquent pas… Qu’arrive-t-il à nos sociétés ?

J’ai l’impression que le mot ‘Colère’ n’a jamais été aussi scandé, hurlé et évoqué qu’en ce moment. Il y a tellement de carences au niveau judiciaire, économique, sociétal… Tout s’entremêle et il y a une espèce de dérèglement. On parle de dérèglement climatique, mais il y a aussi celui-là dans nos sociétés. C’est ce dont je parle dans « Ils Marchent » et qui fait vraiment flipper. (Silence) Pour être honnête avec toi, j’ai l’impression qu’on est en sursis. Ce morceau est un témoignage qui dit ça, que nous sommes en sursis du pire ! Il faut que les lignes bougent… C’est aussi pour cette raison qu’on a décidé de l’interpréter de cette façon-là, sans mettre les watts à 12 pour le dire. Ce sont les gars qui m’ont dit spontanément que ce texte-là n’avait pas besoin d’être scandé. Et dans l’histoire du groupe, il y a aussi eu des morceaux très forts qui n’avaient pas besoin d’être joué les potards à fond. On avait envie de dire des choses et là, il y a une menace et une peur qui transpirent du morceau. Je pense que nous sommes très nombreux à le ressentir. J’espère que la chanson fera un peu mouche chez les gens qui sont sensibles musicalement et aussi au niveau du texte. Vraiment, cela fait 30 ans que NO ONE est là et je n’ai jamais ressenti ça… Et on a été de tous les combats pour lutter contre les extrêmes, le racisme, les blitzkriegs sociales, les fous de religions, … Mais ça là, ce sursis du pire, je ne l’ai jamais autant ressenti.

– Pour conclure et rester un court instant sur le sujet, il y a une question que je pose à certains groupes quand l’évidence est manifeste : est-ce qu’on peut écouter et apprécier NO ONE IS INNOCENT et être de droite ?

Ouais, bien sûr ! NO ONE n’est pas seulement un groupe à texte. Pourquoi un mec de droite n’aura-t-il pas envie de kiffer juste la musique ? En concert, je ne suis pas sûr que les gens devant nous soient tous de gauche…

– Vous leur mettez quand même plein la gueule…!

Oui… Mais je pense qu’il y a une façon de dire les choses. Si on était un groupe Punk premier degré, genre ‘Macron enculé !’ etc…, ce serait le cas, bien sûr. Il y a des mecs qui m’ont déjà dit : ‘je suis de droite, mais je vous écoute’. Alors, pourquoi je vais commencer à l’emmerder ? (Rires) C’est Kurt Cobain qui disait : « Je ne suis pas gay, même si j’aimerais bien, juste pour faire chier les homophobes ». Alors, que tu sois de droite ou de gauche, j’ai envie de dire que si tu viens nous voir, c’est avant tout parce que tu aimes la musique. Il ne faut pas oublier que NO ONE est un groupe qui fait de la musique et, après, qui dit des choses. Tu sais, à certains moments, je me suis trouvé un peu déstabilisé, parce qu’on ne me parlait presque plus de musique. Effectivement, il y a dans les textes des sujets souvent tellement lourds et importants. Alors forcément, cela rebondissait et les gens avaient envie de parler de ça. C’est quelque chose que je ressens encore. Et pour être complètement honnête avec toi, les politiques culturelles des mairies de droite sont parfois plus cool que celles de gauche. Ça nous ait arrivé des dizaines de fois en parlant avec des directeurs de salle qu’on nous dise qu’avec des maires de droite, on leur donnait les clefs et on faisait le point dans un an. Alors qu’avec la gauche, c’est souvent : ‘Attention, on veut avoir la main sur la programmation’. Une façon de dire que la culture, c’est nous. Ca existe et ce n’est pas une légende ! C’est aussi un détail qui veut dire beaucoup de choses…

Le ‘Best Of’ de [NO ONE IS INNOCENT], « Colères », est disponible chez Verycords.

Photos : Guihal Nicko (2), Erwan Raphalen (4) et zOz (5).

Retrouvez l’interview de Kemar à la sortie de « Ennemis » et la chronique de l’album :

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Hard'n Heavy

Sebastian Bach : really back !

C’est en s’isolant tous les quatre dans la même maison en Floride et en bénéficiant à l’envie du studio de leur producteur que SEBASTIAN BACH et ses musiciens ont élaboré ce très bon « Child Within The Man ». Une très bonne idée pour un résultat vraiment à la hauteur. Frais, dynamique et solide, ce nouvel opus du légendaire frontman est exactement ce qu’on attendait de lui depuis des années. Enthousiasmant, vif et plein d’émotion, il se surpasse et s’épanouit vraiment.

SEBASTIAN BACH

« Child Within The Man »

(Reigning Phoenix Music)

Après le récent départ du Suédois Erik Grönwall de Skid Row, on aurait pu penser que les planètes étaient enfin alignées pour que SEBASTIAN BACH retrouve ‘son’ groupe. C’est finalement la chanteuse Lzzy Hale de Halestorm qui prend pour le moment le relais. Mais à l’écoute de « Child Within The Man », c’est franchement une joie de constater que le chanteur est au meilleur de sa forme et qu’en solo, il surclasse sans peine ses anciens camarades de jeu sur ce superbe album. Aucun regret, donc, bien au contraire.

C’est vrai qu’il aura fallu attendre dix ans depuis « Give ‘Em Hell » pour qu’il nous livre de nouvelles compos. Espérons aussi qu’il tourne enfin la page, même s’il est le principal artisan du succès de son ancienne formation, devenue un cover-band. Aujourd’hui, SEBASTIAN BACH offre un opus Hard’n Heavy moderne et addictif que la production de Michael ‘Elvis’ Baskette (Alter Bridge, Mammoth WVH) rend brillant à plus d’un titre. La puissance vocale et le plaisir sont intacts sur ce très bon « Child Within The Man ».

Superbement accompagné par Devin Bronson (guitare), Todd Kerns (basse) et Jeremy Colson (batterie), SEBASTIAN BACH est aussi inspiré qu’irréprochable au chant. Le combo enchaîne les morceaux avec une fluidité incroyable. Et il accueille aussi quelques amis qui dynamisent l’ensemble : John 5 (« Freedom »), Steve Stevens (« F.U. »), Orianthi (« Future Of Youth ») et Myles Kennedy qui a co-écrit « What Do I Do To Lose ». Entre chansons musclées et power ballades, la prestation est robuste et plus que conforme aux attentes. Un retour en force !

Photo : Jim Louvau
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Blues Rock Contemporary Blues Hard Blues Southern Blues

Troy Redfern : inner fire

Délicieusement rugueux et joliment âpre, le jeu de TROY REDFERN s’aventure avec une facilité déconcertante dans les moindres recoins du Rock sur un Blues éternel et enflammé. Il y a quelque chose d’hypnotisant chez le guitariste, qui est à même de s’engouffrer dans des ambiances presque voodoo, puis retrouver un Hard Blues très roots toujours précis et instinctif. « Invocation » reflète tous les éléments qu’il détient dans sa vaste créativité.

TROY REDFERN

« Invocation »

(RED7 Records)

L’explosif et très prolifique TROY REDFERN est toujours aussi incandescent et c’est peu de le dire ! Troisième album en trois ans pour le maître de la slide anglaise et « Invocation » s’inscrit non seulement dans les pas de « The Fire Cosmic ! » et  (2021) et « Wings Of Salvation » (2022), mais il confirme aussi que le spectre musical du musicien va bien au-delà des frontières du Blues Rock. Son style se précise encore un peu plus et il dévoile ici des sonorités qui nous ramènent à la scène californienne des années 90.

Beaucoup de gourmandise donc au menu de ce huitième opus qui sent la poudre. Comme à son habitude, TROY REDFERN a conçu et livré l’intégralité en six petites semaines après s’être isolé au Pays de Galles pour poser les fondations de ces nouveaux titres. Et le résultat, toujours aussi organique et direct, dévoile une performance où la diversité rivalise avec la virtuosité du Britannique. Ayant fait appel à la même équipe de production, il laisse échapper « Invocation » avec beaucoup de liberté dans l’interprétation.

Sur un rythme effréné, TROY REDFERN nous balade du Sud des Etats-Unis à L.A. en passant par son île natale avec une fougue et un grain de folie que l’on n’a plus entendu depuis quelques années… Et là encore, il faut chercher du côté du Texas. Rock, Glam, Hard Rock et bien sûr Blues rocailleux, le guitariste va où bon lui semble, guidé par une énergie sans limite et aucun territoire ne lui résiste (« Van Helsing », « Getaway », « The Native », « The Strange »). « Invocation » s’approprie le Rock’n’Roll avec une classe débridée.

Photo : Jason Bridges

Retrouvez les chroniques des deux derniers albums :

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Crossover Funk Metal Metal Fusion

Sonic Universe : living souls

Alors que Living Coloür a repris la route, son chanteur s’offre une petite escapade avec SONIC UNIVERSE, nouveau groupe ultra-dynamique, qui évolue dans un style pas si éloigné. Entre Metal et Funk, « It Is What It Is » se montre d’une créativité gourmande guidée par quatre cadors, qui font parler leur expérience avec talent et spontanéité. Très vivant et tout aussi sensible, l’ensemble assène une bonne claque revigorante !

SONIC UNIVERSE

« It Is What It Is »

(earMUSIC)

Eternel frontman de Living Coloür depuis 1994, Corey Glover réapparait avec un nouveau projet très ambitieux et qui aurait même presque pu être une nouvelle réalisation de sa formation d’origine. Mais la touche et le son de son emblématique fondateur et guitariste Vernon Reid ne sont pas de la partie. Cependant, SONIC UNIVERSE ne manque pas de piquant et vient réoxygéner un registre à bout de souffle. Car, il est ici encore question d’un Crossover Metal Funk de haut vol.

Cette fois encore, le frontman est très bien entouré, puisqu’il a fondé le groupe avec le six-cordiste Mike Orlando d’Adrenaline Mob et les très, très bons Booker King à la basse et Tyakwuan Jackson à la batterie. SONIC UNIVERSE, c’est du lourd et la technicité du quatuor en est presqu’étourdissante. Le groove de la rythmique percute autant qu’il envoûte et, même si le jeu hyper-shred d’Orlando se perd parfois un peu, l’intense fraîcheur dégagée prend toujours le dessus. 

Et face à cette déferlante décibélique et cette avalanche de riffs, la voix gorgée de Soul de Glover surnage et son authentique émotion fait le reste. Comme toujours, ses textes prônent la tolérance et appellent à l’unité dans une Amérique plus fascisante que jamais. De rebondissements en rebondissements, SONIC UNIVERSE évolue avec une folle énergie, tout en se forgeant une identité forte (« I Am », « My Desire », « Life », « Higher », « I Want It All » et le morceau-titre). Une première qui atteint des sommets !

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Hard Rock Rock Hard

Peter Wilson : une leçon de résilience

« Freedom’s Door » résonne presque comme une délivrance, un cri du cœur, et de colère aussi, lancé par STEVE WILSON qui a traversé de multiples épreuves lors de la création de son aventure en solo. D’origine jamaïcaine par son père, il n’est pas resté insensible à la montée de l’extrême droite chez l’Oncle Sam entre autres, et est parvenu à canaliser cette rage sur des morceaux dynamiques et puissants, en livrant ses sentiments sans détour sur des mélodies accrocheuses. Beau boulot !

PETER WILSON

« Freedom’s Door »

(Dr. Music Records)

Pour son premier album solo, le chanteur de Four Trips Ahead sera passé par toutes les émotions, les plus belles comme les pires. Composé durant la difficile période de pandémie et alors que les Etats-Unis connaissaient de grosses tensions sociales et politiques, il a également subi la perte de ses deux parents avant de devenir père lui-même presqu’au même moment. Et cet ascenseur émotionnel se ressent sur les 12 titres de « Freedom’s Door », auxquels PETER WILSON offre une performance vocale exceptionnelle.

Nul doute que l’ensemble de ces évènements est directement lié à l’intensité qui règne sur cette nouvelle réalisation. Par ailleurs, le frontman et songwriter s’est entouré de musiciens hors-pair pour faire briller ses morceaux, et PETER WILSON a également fait appel à une équipe cinq étoiles pour les réaliser. Derrière la console, on retrouve Roger Lian (Pantera, Slayer, Rush), au mix Nick Cipriano (Twisted Sister, Dream Theater) et enfin Nik Chinboukas (Trans Siberian Orchestra) à la production. Autant dire que ça sonne !

Musicalement, le New-Yorkais présente son registre comme du Hard Rock moderne, et ce n’est faux en soi. Seulement, et même si l’énergie et l’explosivité des chansons parlent pour lui, « Freedom’s Door » est plus Rock que Hard, ce qui n’enlève absolument rien à la qualité du disque. Au niveau du chant, PETER WILSON n’est pas sans rappeler Corey Glover de Living Coloür et Ayron Jones dans le ton et le timbre, avec un soupçon de Paul Rodgers pour la fougue. Ce premier effort de l’Américain s’écoute sur la longueur et avec plaisir !

Photo : Maria Vullo
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Alternative Metal Alternative Rock

Scott Stapp : combatif

Frontman iconique de Creed, puis d’Art Of Anarchy deux petites années, SCOTT STAPP mène également une carrière sous son nom depuis 2005 et cinq ans après « The Space Between The Shadows », son dernier fait d’armes, il signe « Higher Power » au moment-même où toutes les planètes sont alignées. Le Floridien démontre qu’il demeure un chanteur hors-norme, déterminé et toujours capable de livrer des lignes vocales imparables. Percutant, il combat ses tourments dans un disque très personnel et toujours fédérateur.

SCOTT STAPP

« Higher Power »

(Napalm Records)

Alors que Creed va enchaîner les concerts avec 3 Doors Down, Daughtry et quelques autres, puis avec Mammoth WVH en remplacement de ce dernier, son leader revient avec un nouvel album solo, son quatrième, comme pour mieux sonner la charge. Et ce cumul de bonnes nouvelles nous replonge à l’aube des années 2000, où l’Alternative Metal/Rock submergeait les Etats-Unis et un tout petit peu l’Europe aux côtés des inévitables Nickelback. Et l’autre bonne nouvelle est que SCOTT STAPP est en pleine forme.

Toujours marqué par les séquelles de son accident à Miami en 2006, le chanteur semble avoir mené à terme son combat contre la dépression et la dépendance. D’ailleurs, « Higher Power » vient clore en quelque sorte ce chapitre, même si les textes sont, pour l’essentiel, assez sombres et ténébreux. Mais SCOTT STAPP affiche beaucoup de détermination et celle-ci se traduit par une performance vocale puissante et toujours très mélodique. Certes, le virtuose Mark Tremonti n’est pas de la partie, mais d’autres ressources sont à l’œuvre.

Entouré d’une belle équipe de production, dont il fait partie, l’Américain surfe sur une sorte de Hard Rock moderne et accrocheur, pêchu et assez mid-tempo aussi sur la seconde partie de « Higher Power ». La présence du guitariste grec Yiannis Papadopoulos sur trois titres et le duo avec Dorothy Martin (« If These Walls Could Talk »), ainsi que la collaboration de Steve McEwan, faiseur de hits, à l’écriture donnent un souffle de fraîcheur à cette réalisation solo d’un SCOTT STAPP revigoré, entreprenant et qui se bonifie avec l’âge.

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Hard'n Heavy

Bruce Dickinson : escapade en solitaire

Dans ses interviews comme dans son écriture, BRUCE DICKINSON a toujours eu une forte tendance à intellectualiser les choses et la musique notamment, et c’est en soi très honorable au regard de beaucoup d’autres. A ceci près qu’il en oublie ce brin de folie propre au Metal (au sens large) et c’est précisément ce qui manque cruellement à « The Mandrake Project », où ce côté trop ‘mature’ ne dégage aucune envie, ni éclat au point même de s’époumoner sur certains titres. On plonge dans un style convenu, ancré dans une zone en tous points très confortable.

BRUCE DICKINSON

« The Mandrake Project »

(BMG)

Quel site indigne serait Rock’n Force si l’album de l’intouchable BRUCE DICKINSON n’y était pas chroniqué ! Car, en parcourant quelques écrits de confrères, il apparaît que « The Mandrake Project » est déjà en lice pour figurer parmi les meilleures productions de l’année. Rien que ça ! On ne doit pas avoir le même degré d’exigence. Alors après tout, et comme il m’est souvent reproché de parler uniquement en bien des groupes, je me suis (vraiment)  longuement penché sur cette septième merveille du chanteur anglais, qui pointe le bout de son nez 19 ans après la précédente. Presqu’une génération !

En effet, il faut remonter à « Tyranny Of Souls » pour retrouver trace du dernier effort en solo du frontman d’Iron Maiden. On ne va pas se mentir, j’ai au moins un point commun avec BRUCE DICKINSON : je suis délicatement ‘Old School’ et subtilement ‘vintage’, moi aussi. Ainsi, lorsque le streaming de « The Mandrake Project » est arrivé, le fait de l’écouter sur une page Internet n’a pas aidé. Ensuite, les fichiers numériques n’y ont rien changé. Mais lorsque le CD est arrivé, la lumière est revenue. Il manquait le son pour constater et percevoir la qualité de la production… qui est bonne.

Photo : John McMurtrie

Et avec du matériel adéquat, les choses s’éclaircissent et mettent en évidence les nouvelles, enfin presque, compositions du Britannique associé à son ami de longue date Roy Z (Roy Ramirez) à la guitare et à la production justement. L’entame est très plaisante et solide (« Afterglow Of Ragnarök », « Resurrection Man », « Mistress Of Mercy »). BRUCE DICKINSON en profite aussi pour récupérer « Eternity Has Failed », paru en 2015 sur « The Book Of Souls » de Maiden sous le titre « If Eternity Should Fail », qu’il a réarrangé et dont il a modifié quelques paroles. Et Gus G. y livre d’ailleurs un beau solo.

Alors, bien sûr, les titres sont bien goupillés, très bien interprétés et « The Mandrake Project » tient évidemment la route. On est assez loin, sans l’être de trop non plus, de ce qu’il a l’habitude de faire avec la Vierge de Fer, mais on reconnaît la touche personnelle de BRUCE DICKINSON dans cette écriture très narrative (« Shadows Of The Gods », « Sonata (Immortal Beloved) ». Pour autant, si le registre entre Hard et Heavy est comme toujours très maîtrisé, il y manque cette étincelle qui ferait décoller un peu l’ensemble pour le rendre plus pertinent surtout, et mémorable aussi.