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Walter Trout : incomparable

« Broken » est déjà la 31ème réalisation du grand bluesman WALTER TROUT, et pourtant il donne toujours cette impression d’émerveillement dans son jeu, tout comme dans le chant à travers lequel il se livre littéralement. Au-delà du simple Blues Rock qu’il pourrait se contenter d’interpréter et de composer avec la facilité qu’on lui connait, il se frotte ici au Boogie, au Country Blues, à des morceaux clairement Rock et d’autres toujours aussi poignants. Et puis, la participation de quelques guests triés sur le volet apporte une lumière réjouissante.

WALTER TROUT

« Broken »

(Provogue/Mascot)

Le parcours de WALTER TROUT parle de lui-même et ne peut qu’imposer, sans discussion aucune, le respect. Avec plus de trente albums à son actif, des collaborations avec tout ce que compte comme talents le monde du Blues et du Rock et une longue lutte contre ses démons personnels avec lesquels il a longtemps pactisé, l’Américain a gagné depuis bien longtemps sa place sur le mont Rushmore de la guitare Blues. Avec « Broken », il vient se frotter comme toujours aux émotions les plus authentiques. Et on ne peut que constater, et avec le sourire, qu’il n’y absolument rien de cassé dans son jeu. Le maître se tient debout.

Toujours produit par son ami de longue date Eric Corne, ce nouvel album va piocher dans les nombreux recours du style, passant par du Blues Rock tonique et exalté, à des titres plus Country Blues (« Turn And Walk Away ») ou du Boogie pour celui qui a côtoyé de très près John Lee Hooker (« Bleed »). WALTER TROUT fait étalage d’un savoir-faire, d’une virtuosité et d’un feeling qu’il est l’un des rares à posséder aujourd’hui. A 72 ans, on aurait presque pu envisager qu’il se repose un temps sur des lauriers acquis de longue date, mais c’est tout le contraire. Musclé ou bouleversant (« Love Is My Life »), il sait décidemment tout faire.

Au chant aussi, WALTER TROUT se fait plaisir comme sur « Breathe », écrit pendant le confinement par Richard ‘Bear’ Gerstein et ce n’est pas la seule surprise. L’album s’ouvre sur le morceau-titre, un splendide duo avec la grande Beth Hart, où ils arpentent ensemble des chemins vocaux rocailleux et savoureux. La présence du légendaire harmoniciste Will Wilde illumine également « Bleed », mais c’est celle de Dee Snider, leader de Twisted Sister, qui fait de véritables étincelles sur « I’ve Had Enough ». On ne l’attendait pas à ce niveau-là et le duo est explosif. Enfin, « Courage Is The Dark », « Heaven Or Hell », « Talkin’ To Myself », « Turn Away And Walk » ou « Falls Apart » régalent aussi.

Photo : Leland Hayward

Retrouvez la chronique de son album précédent, « Ride » :

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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Mike Zito : the Blues cure

C’est en s’immergeant dans ce Blues qu’il connait si bien que MIKE ZITO a décidé de conjurer la peine causée par la récente perte de sa femme. Avec « Life Is Hard », il revisite un répertoire plein d’émotion, bien sûr, et où la souffrance se mêle à l’espérance avec beaucoup de classe. Avec une honnêteté tellement perceptible, le musicien chante et fait sonner sa guitare avec le talent qu’on lui connait. Les frissons traversent les morceaux sur ce vibrant hommage, qui met aussi beaucoup de baume au cœur.

MIKE ZITO

« Life Is Hard »

(Gulf Coast Records)

Quelques mois après le décès de sa femme, MIKE ZITO revient avec un disque magnifique. Si certains pourraient penser que c’est rapide, il faut savoir qu’il avait scellé un pacte avec son épouse, lui promettant de continuer à faire ce qu’il fait de mieux : du Blues. Ainsi, deux ans après « Blues For The Southside » et plus récemment l’excellent « Live In Canada » des Blood Brothers avec son compagnon de toujours Albert Castiglia, le guitariste et chanteur présente « Life Is Hard », un retour en piste touchant, émouvant et aussi plein d’optimisme.

Pour le soutenir dans son effort et l’aider à traverser cette épreuve, MIKE ZITO a pu compter sur Joe Bonamassa et Josh Smith, qui ont produit l’album et sur lequel ils jouent également quelques parties de guitares. Une belle preuve d’amitié entre les trois bluesmen. Sûrement peu enclin à se lancer dans l’écriture d’une production complète, « Life Is Hard » est constitué pour l’essentiel de reprises, superbement adaptées, de chansons souvent douloureuses, mais pleines d’espoir. Et finalement, cet opus a quelque chose de réconfortant et de réparateur. Une sorte de thérapie.

Brillamment accompagné par les redoutables Reese Wynans (claviers), Calvin Turner (basse), Lemar Carter (batterie) et d’incroyables choristes, MIKE ZITO se montre lumineux dans son jeu de guiatre et au chant. Il signe d’ailleurs « Forever My Love » et « Without Loving You », deux des titres phares de « Life Is Hard », l’emblématique chanson de Fred James dont l’Américain signe une superbe cover. Puis, il enchaîne avec des morceaux de Little Milton, Tinsley Ellis, Tab Benoit, du révérend Gary Davis ou encore Stevie Wonder tout en Blues. Un bijou !

Retrouvez d’autres chroniques d’albums de MIKE ZITO :

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Classic Hard Rock

Ace Frehley : vintage flash

Trahi par une production qui sonne très actuelle, « 10,000 Volts » aurait très pu être composé entre 1979 et 1983, tant le temps semble avoir figé notre guitar-hero dans une éternelle boucle spatio-temporelle. Pour autant, cette nouvelle réalisation n’est pas dénuée d’intérêt, ne serait-ce que pour les talents guitaristiques de l’ancienne comète de Kiss. Seulement, on n’en voit passer qu’une seule fois en une vie, des comètes, et le grand ACE FREHLEY ne se résout pas à l’accepter.

ACE FREHLEY

« 10,000 Volts »

(MNRK Music Group)

Alors que ses anciens camarades de Kiss sont allés vivre dans le Metaverse, c’est bel et bien en chair et en os qu’ACE FREHLEY sort son huitième effort solo, après les deux volumes « Origins », où il s’est fait plaisir à reprendre les standards qui l’ont marqué. C’est donc avec du matériel tout neuf qu’il a co-écrit et co-produit avec son ami Steve Brown (Trixter) qu’il se présente ici. Avec un jeu toujours aussi identifiable et une fibre Hard Rock hors du temps, il confirme qu’il n’a rien perdu de sa virtuosité.

Six ans après son dernier opus original, le guitariste et chanteur se montre toujours aussi électrique et il faut bien connaître que le New-Yorkais en a encore sous le pied. Fidèle à sa réputation, le ‘Spaceman’ n’est pas avare en riffs bien sentis et en solos sous haute tension. Cependant, on aurait pu s’attendre de sa part à un « 10,000 Volts » portant sur l’héritage de Kiss, ce qui aurait d’ailleurs été très légitime. Or, c’est clairement du côté d’Alice Cooper qu’ACE FREHLEY a trouvé l’inspiration. Et on ne saurait lui en vouloir.

Si la longévité de notre vétéran de 72 ans est plus que respectable et qu’on lui doit quelques monuments, cette nouvelle réalisation n’apporte malheureusement pas grand-chose de frémissant. L’aspect Old School et vintage est agréable et rassurant, mais quelques avancées et un brin de modernité dans l’écriture auraient été plus que bienvenus. Pourtant, ACE FREHLEY n’est pas en reste lorsqu’il s’agit d’envoyer quelques fulgurances dont il a le secret, mais elles sont bien trop rares (« Up The Sky », « Cosmic Heart », « Blinded » et « 10,000 Volts »).

Photo : Jayme Thornton
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Hard US Hard'n Heavy

Mick Mars : one-man-crew

Histoire d’être raccord, MICK MARS aurait pu patienter quelques jours pour sortir son premier effort solo. Plus sérieusement, voici enfin le très attendu « The Other Side Of Mars », qui marque les débuts de l’aventure en solidaire de l’ex-Mötley Crüe. Enfin, pas si seul que ça, puisque notre emblématique faiseur de riffs s’est entouré d’une équipe assez restreinte, mais terriblement efficace. Très moderne dans le son, les morceaux oscillent entre Hard et Heavy et offrent une belle diversité.

MICK MARS

« The Other Side of Mars »

(1313, LLC/MRI)

A priori l’ambiance glaciale et la bataille judicaire en cours depuis deux ans, suite à son départ pas complètement volontaire de Mötley Crüe, n’ont pas eu raison des velléités artistiques du guitariste. A l’œuvre plus de quatre décennies au sein du gang de Los Angeles, c’est un aspect de lui assez méconnu que présente MICK MARS sur son premier album solo, loin du Glam qui l’a accompagné tant d’années. Sorti sur son propre label et avec son ami Michael Wagener aux manettes, « The Other Side Of Mars » est aussi étonnant que sombre. L’homme en noir est fidèle à lui-même.

Avant même l’écoute, les titres des morceaux parlent d’eux-mêmes : ça sent la revanche, voire la vengeance. Assez discret par rapport à ses anciens camarades, l’Américain annonce donc un opus plus personnel et forcément assez différent de ce que l’on connait de lui. Pour l’épauler, MICK MARS a co-écrit les morceaux avec Paul Taylor (claviers, ex-Winger), tandis que Ray Luzier (Korn) est derrière les fûts et Chris Collier à la basse, ainsi qu’au mix et son travail est d’ailleurs musclé et dynamique. Une production qui ne manque pas d’éclat.

Au chant, Jacob Bunton, frontman de L.A. Guns, interprète l’essentiel du disque à l’exception de « Undone » et « Killing Breed » par Brion Gamboa. Même si, fondamentalement, cela ne change pas grand-chose, cela n’aide pas non plus à l’unité et à la cohérence musicale de l’ensemble. Car, à vouloir tout explorer du Heavy, il n’en ressort rien de très identifiable. On découvre plusieurs facettes de MICK MARS, certes, mais rien de très probant malgré quelques moments forts (« Loyal To The Lie », « Ready To Roll », « Ain’t Going Back »). Loin d’être renversant.

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Blues Rock France Southern Blues Southern Rock

LeanWolf : du Blues dans la bergerie [Interview]

Pour son deuxième EP, LEANWOLF a insufflé une touche Southern à son Blues Rock, quoi de plus normal finalement lorsque l’on vit en Languedoc-Roussillon. « Limbo » sent bon le sud, certes, mais plutôt celui des Etats-Unis. Quentin Aubignac, à l’état civil, a marié des saveurs sudistes à un jeu très groovy et percutant, mais également au parfum Soul. Avec une formule en quatuor, le songwriter, guitariste et chanteur s’exprime avec talent et beaucoup de liberté sur ce nouveau six-titres accrocheur. Entretien avec un musicien inspiré.

Photo : Arbre E. Saldana

– Tu avais sorti un EP en 2021 et tu récidives aujourd’hui avec « Limbo ». Le format court te convient mieux, ou ce sont les plus simplement les circonstances qui se sont présentées comme ça et t’y ont mené ?

J’ai préféré sortir un deuxième EP, car je ne me sentais pas prêt pour un album. Je suis perpétuellement en train de me chercher dans la composition, ça me sert de croquis en quelque sorte, même si cette fois, on est arrivé à quelque chose de beaucoup plus abouti. Il y a bien sûr aussi l’aspect financier qui entre en jeu, c’est beaucoup plus pratique de sortir un EP sur plein d’aspects.

– Pour conclure sur ce chapitre, le cap du premier album est toujours important pour un artiste. J’imagine que cela doit aussi te titiller, à moins que la scène soit véritablement ta priorité et non la production de disque ?

Oui complètement, c’est une forme d’aboutissement dans la recherche de son identité, je pense. Et aujourd’hui personnellement, je me sens prêt à sortir un album. D’ailleurs, j’ai commencé à y travailler. Bien sûr, il faudra trouver les fonds ! Mais pour l’instant, je dirais que la scène est ma priorité en effet. C’est devenu un peu le nerf de la guerre et il nous faut d’abord défendre ce nouvel EP avant de passer à autre chose.

– Avant de préparer cette interview, je me suis bien sûr replonger dans ton premier EP éponyme. Ce qui m’a tout de suite surpris, ce sont ces sonorités Blues assez ‘classiques’, tandis que « Limbo » sonne clairement plus Southern. Tu te cherchais encore à l’époque, ou c’était une volonté claire de creuser dans un registre au spectre peut-être plus large et moins caractérisé ?

Tu as complètement raison, c’est un peu des deux. Lorsque j’ai écrit mon premier EP, j’étais clairement à fond dans la musique Blues ‘classique’. Je cherchais vraiment à rentrer dans cette ‘niche’, car je pensais ne pouvoir faire que ça comme style. Donc bien sûr, je me cherchais, il s’agissait de mes premières compos, de mes premiers textes… Mais avec « Limbo », j’ai voulu sortir de ce carcan. J’ai été énormément inspiré par Marcus King, qui est très Blues dans son jeu de guitare et dans la voix, alors que ses morceaux pas du tout. D’autre part, ça m’est venu naturellement. Ce nouvel EP représente qui je suis aujourd’hui, et, au final, le voyage musical est une perpétuelle recherche de soi à mon sens.

Photo : Arbre E. Saldana

– LEANWOLF est un groupe assez jeune finalement, et pourtant vous affichez tous les quatre une assurance de vieux briscards et aussi et surtout une culture musicale conséquente, vu le registre. A quel âge êtes-vous tous tombés dans le Blues et le Southern Rock qu’on entend plus cette fois ?

Pour ma part, je suis tombé assez jeune dans le Blues. Dès mes premiers cours, mon prof m’a initié à Gary Moore, qui a été mon modèle pendant longtemps. Puis, de fil en aiguille, j’ai découvert Stevie Ray Vaughan, Jeff Beck et BB King. Ce n’est que plus tard que je suis tombé amoureux du Southern Rock, c’est même tout frais à vrai dire !

– Les six titres de « Limbo » sont remarquablement bien produits et bénéficient d’un volume important et d’un équilibre parfait. Il en émane aussi une énergie très live sur un son tout aussi organique. Dans quelles conditions a-t-il été enregistré, et est-ce le disque vous aviez en tête dès le début ?

Merci pour David Darmon (Mirador Sound Studio) qui a mixé notre EP et Joe Carra (Crystal Mastering) qui l’a masterisé. Pour commencer je dirais que oui : c’est le disque que nous avions en tête depuis le début. On voulait, à l’inverse du premier, un côté plus organique et live dans le son, et pour ça il n’y a pas 36 solutions : on devait l’enregistrer en live. Alors bien sûr, la voix a été enregistrée après coup, mais le reste était vraiment en live. Il y a donc des petites imperfections, qui rendent aussi le tout vivant.

– Faire du Southern Blues Rock est suffisamment rare en France pour être souligné. Si les influences sont assez évidentes et on pense à Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band et Gov’t Mule. Cela dit, je vous trouve aussi beaucoup de points communs avec la nouvelle génération et des groupes comme Blackberry Smoke, Robert Jon & The Wreck et Whisky Myers. Est-ce que tu as aussi le sentiment d’appartenir à cette lignée d’artistes ?

Oui complètement, en tout cas pour ce nouvel EP, on est vraiment dans cette lignée et je suis très fier de défendre cette musique trop peu présente à mon goût en France. Maintenant, je ne sais pas si la suite sera toujours dans cette lignée, car on ne sait pas de quoi demain sera fait et quelles seront mes inspirations. En tout cas, on n’en sera jamais très loin !

Photo : Arbre E. Saldana

– Il y a autre chose qui est assez surprenant. Les sonorités Southern sont très marquées et elles se mêlent habillement au British Blues Rock et notamment à celui de Gary Moore. Ca peut paraître étonnant d’avoir ainsi un pied dans les deux continents, et c’est également ce qui forge en partie ton identité musicale. C’est quelque chose d’inconscient ou au contraire de très travaillé ?

Je pense que c’est inconscient, mais maintenant que tu le dis, oui ça fait sens, merci ! En tout cas, c’est vrai que Gary Moore a eu beaucoup d’influence sur moi.

– Outre des parties de guitares exceptionnelles, « Limbo » fait aussi la part belle à l’orgue bien sûr, mais aussi à ta prestation vocale. Est-ce que tu les as travaillé avec la même implication, ou as-tu une préférence claire pour l’une ou l’autre ?

Et bien, j’ai toujours plus travaillé ma guitare que ma voix, sachant que je suis complètement autodidacte au chant. Mais j’avoue qu’après avoir sorti « Limbo », j’ai senti qu’il fallait que j’améliore ma technique vocale. Donc, je la travaille beaucoup plus depuis, j’essaie de rattraper le coup pour être à 50/50, aussi bon avec les deux ! (Rires)

– Même si « Limbo » est assez Heavy dans l’ensemble, il y a aussi beaucoup d’aspects Soul. C’est important pour toi de placer les moments d’émotion au même niveau que les aspects plus musclés de ton Blues Rock ?

Oui, j’adore jongler entre deux extrêmes. C’est important pour moi d’exprimer ces deux types d’émotions qui sont, en gros, la colère et la mélancolie. C’est bien sûr plus compliqué que ça, c’est histoire de donner un exemple. Il y a un côté cathartique : les jouer en live et les enregistrer me permet de me sentir mieux, c’est une part de moi.

– Enfin, on t’imagine aisément écumer les scènes américaines. Est-ce quelque chose que tu as dans un coin de la tête, ou la France reste d’abord ta priorité ?

Alors oui, le rêve Américain sera toujours présent. J’y travaille tous les jours pour y arriver et peut-être qu’un jour… qui sait ! En tout cas, oui clairement, on va essayer de ‘conquérir’ la France pour l’instant ! (Rires)

Le nouvel EP de LEANWOLF, « Limbo », est disponible sur toutes les plateformes.

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Cody Jasper : free to rock [Interview]

Le Texan est typiquement le genre d’artiste à l’américaine, c’est-à-dire capable de s’approprier à peu près n’importe quel style sur une base Rock et Blues. CODY JASPER fait partie de ces musiciens débridés et inclassables, plein d’humour et surtout avec de redoutables qualités de songwriter. Après un album, deux EP et une flopée de singles, il s’apprête à réaliser sa première tournée européenne le mois prochain avec trois dates en France. Alors, avant d’aller le voir fouler les planches à Nantes, Paris et Beauvais, rencontre avec ce guitariste et chanteur à l’univers exalté.

– Tu as sorti ton premier album éponyme en 2014, mais tu n’étais pas vraiment novice, puisque tu avais déjà joué dans le groupe Moon Fever notamment. Comment avais-tu abordé cette première expérience solo à l’époque ?

Mon expérience passée dans le groupe m’a laissé un goût amer, alors que je voulais vraiment m’amuser et juste jouer de la musique par amour.

– Il a fallu ensuite attendre « Ministry Of Sadness » en 2022 avec sept morceaux très différents les uns des autres et avec des couleurs très différentes. On y retrouve même des sonorités très Pop anglaise, ce qui est assez étonnant. On a le sentiment que tu cherches toujours à surprendre en arrivant là où on ne t’attend pas. C’est le cas, et malgré une unité musicale toujours perceptible ?

(Rires) Oui, j’aime toutes les musiques et j’essaie vraiment de rester à l’écart des frontières. J’ai ce sentiment que l’art devrait toujours enfreindre les règles pour repousser les limites. Je ne peux pas imaginer devoir jouer un seul style de musique chaque soir. J’essaie de garder ça intéressant, et pas seulement pour les fans de musique, mais aussi pour moi-même.

– L’année suivante, tu sors « Geronimo », un EP de 6 titres. Avec le recul, ton passé et ta culture musicale, j’ai l’impression que c’est sans doute celui qui te ressemble le plus. C’est aussi ton opinion ?

C’était certainement le disque le plus proche de moi, en effet. Juste du Blues Rock…

– Ce qui est remarquable en parcourant ta discographie, c’est ce socle très fort ancré dans le Blues, la Country Outlaw et le Rock, bien sûr. Pourtant, tu y ajoutes aussi régulièrement des touches Pop, psychédéliques, Soul, Glam et même R&B. C’est le fruit d’un héritage musical varié que l’on retrouve d’ailleurs aussi dans ton Texas natal ?

Pas nécessairement, en fait. Tu sais, là d’où je viens, c’est vraiment difficile de faire quoi que ce soit à moins d’être une copie conforme de ce qui est populaire ici. Comme je te le disais plus tôt, j’aime toutes les musiques et je ne me vois pas jouer la même chose tous les soirs. J’aime la Soul, le Blues, le Rock’n’Roll, la Country et la liste est encore longue. Et qui a dit que je ne pouvais pas tout jouer ? (Sourire)

– Il y a aussi une chose qui est assez fascisante en traversant tes chansons, c’est une fondation très ‘Old School’ finalement, et traditionnelle aussi, sur laquelle tu poses de puissantes guitares et des sonorités très actuelles qui vont même jusqu’à des choses très dansantes. C’est cette liberté-là que tu recherches en premier lieu lorsque tu composes ?

Merci et oui, je me suis lancé dans la musique grâce à la liberté qu’elle me donnait de créer. Je n’essaie pas d’être forcément ‘Old School’, mais je le suis tout de même. J’aime la vraie batterie, explorer les sons de guitare et les conserver de façon aussi analogique que possible.

– Il y a aussi ce sentiment d’éviter à tout prix de rentrer dans le rang et de rester inclassable en parcourant tous les genres que tu aimes au gré de tes envies. Comment est-ce que tu définirais le style CODY JASPER ? Et je pense notamment au public européen qui va bientôt te découvrir…

Eh bien… J’adore la musique, sous toutes ses formes. Et j’ai commencé à en faire quand j’étais enfant en raison du sentiment de liberté que cela me procurait à être qui je voulais. C’est plutôt incroyable. Tu peux prendre les quatre mêmes accords, mais la façon dont tu les joues peut changer toute la sensation d’une chanson. Et j’espère que cela a du sens. Et c’est vrai que j’aime trop la musique pour me limiter à un seul genre.

– En plus de « Ministry Of Madness » et de « Geronimo », tu as sorti de nombreux singles. Là encore, ils sont très différents dans le son, mais pas dans l’approche et ils ont souvent solaires comme « Run », « Jaded », « Benz », « Who You Are », « Disco Limonade » ou « Higher Power ». On a le sentiment que ce sont des instantanés de vie. C’est le cas ? C’est de cette manière que tu les as composés ?

Oui, la plupart de mes compositions sont thérapeutiques. Je reviens toujours à ma guitare en période de stress, de lutte ou même de bonheur. C’est le meilleur moyen que j’ai pour libérer ce que je ressens à l’intérieur de moi-même.

– J’aimerais qu’on dise un mot aussi sur ton attitude, qui est très libre comme on a l’a dit, mais aussi très irrévérencieuse finalement, et assez ‘Sleaze’ sur certains aspects, non ? Pourtant, tu sais aussi te montrer très touchant…

(Rires) J’essaie juste de m’amuser !

– L’an dernier, tu as signé avec le label Evil Teen Records, qui est celui du légendaire Warren Haynes. Un album est d’ailleurs prévu pour cette année. Qu’est-ce que représente cette signature pour toi ? C’est celle que tu attendais et souhaitais depuis longtemps ?

Absolument ! Jamais dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé me retrouver dans cette situation. Je suis reconnaissant chaque jour d’être entouré d’une si belle équipe.

– Justement, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur cet album à venir ? Est-il déjà composé et enregistré ? Et quelle en sera la couleur, le ton et l’état d’esprit général ?

A l’heure actuelle, l’album est en phase de mixage. Je l’ai enregistré avec Aleks von Korff. Il a travaillé sur de nombreux disques de légende. Tous ces gars sont des rockstars et je suis tellement heureux qu’il ait produit le disque. C’est définitivement un album Rock. C’est à peu près tout ce que je peux te dire sans trop en dire. C’est du putain de Rock !!!

– Le mois prochain, tu vas entamer une tournée européenne, qui passera par l’Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas. J’imagine qu’il y a beaucoup d’excitation bien sûr. Comment l’abordes-tu et est-ce que tu as réfléchis de manière différente pour tes set-lists, sachant que le côté roots de la musique américaine que tu joues est assez peu représenté ici ?

D’habitude, je n’aime pas trop les setlist, car ce sont juste toutes les chansons que nous connaissons finalement. Mais chaque soir, je joue devant un public différent et aussi comme je le sens. Je peux donc changer les trois premiers morceaux en fonction de l’ambiance. Avec mon groupe, on joue toutes sortes de trucs, alors si je remarque que la salle est un peu plus Blues, on aura certainement quelques titres Blues bien musclés dans notre poche.

– On sait aussi, via Internet pour nous, que tes prestations scéniques sont enflammées et dégagent beaucoup d’énergie. Doit-on s’attendre à quelques surprises, car on connaît aussi ton côté entertainer et show-man ?

Oh oui, j’essaie toujours d’offrir aux gens le meilleur spectacle. Je suis tellement heureux que le public soit venus me voir jouer que j’ai l’impression que le moins que je puisse faire est de leur donner tout ce que j’ai.

Toutes les infos et toutes les dates de concert sont disponibles sur le site de CODY JASPER : https://codyjasper.com/

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Tinsley Ellis : aux origines

Véritable guitar-hero du Blues, TINSLEY ELLIS est allé s’installer sur les rives du Mississippi pour composer l’essentiel de « Naked Truth », qui contient aussi trois reprises qu’on peut très facilement d’ailleurs qualifier de remerciements. Produit par ses soins, à l’exception d’une chanson par son voisin Eddie 9V, ce nouvel opus le dévoile, pour la première fois en plus de 40 ans de carrière, dans un  registre très épuré et acoustique. Une façon simple et évidente d’explorer un Folk Blues mâtiné de Country Blues avec une élégance toute naturelle.   

TINSLEY ELLIS

« Naked Truth »

(Alligator)

Habituellement plutôt échaudé à un Blues enflammé et flamboyant, c’est en toute intimité que TINSLEY ELLIS se présente cette fois avec un album qui lui tient à cœur depuis de longues années et qu’il a enfin pris le temps de réaliser. Intimiste donc, même si l’on retrouve toujours cette ardeur légendaire, « Naked Truth » est le 21ème album du bluesman et il est entièrement acoustique. Le musicien basé à Atlanta s’est imprégné d’un Folk-Blues très traditionnel, qui puise ses racines chez Muddy Waters, Robert Johnson ou encore Skip James. Une plongée dans ce que l’Amérique a de plus profond et emblématique. 

Avec ce disque, dont le titre parle de lui-même, on ne met pourtant pas bien longtemps à retrouver la vigueur et la passion de TINSLEY ELLIS à l’œuvre sur ces morceaux récemment composés, auxquels s’ajoutent trois reprises pour le moins significatives de son parcours. Enregistré dans des conditions live, le songwriter est simplement accompagné d’une Martin de 1969 offerte par son père et d’un dobro National Steel O Series de 1937, les amateurs de cordes scintillantes apprécieront… Entre slide et picking, ce n’est pas tant la technique qui impressionne ici, mais surtout ce côté sans fard et d’une extrême fluidité. 

Toujours très appliqué bien sûr, il plane cependant un air de récréation sur « Naked Truth » où la joie de jouer, et de finalement se laisser guider par les morceaux, jaillit des doigts de TINSLEY ELLIS. Il s’amuse et l’on devine son sourire. Majestueux sur les covers de Son House (« Death Letter Blues »), Willie Dixon (« Don’t Go No Further ») et du grand Leo Kottke (« The Sailor’s Grave On The Prairie »), il brille sur « Devil In The Room », qui ouvre le bal sur un rythme d’enfer. Délicat sur les instrumentaux « Silver Mountain », « Alcovy Breakdown » et « Easter Song », l’Américain est impérial de bout en bout (« Windowpane »).

Photo : Kirk West

Retrouvez la chronique de son album précédent :

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Blues

Louis Mezzasoma : bumpy Blues

On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.

LOUIS MEZZASOMA

« Good Or Bad Time »

(Le Cri Du Charbon)

Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même,  tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.

Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.

Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.

Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :

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Blues Rock Heavy Blues International

Thomas Frank Hopper : génération crossover [Interview]

THOMAS FRANK HOPPER fait partie de cette génération d’artistes qui s’est nourrie d’un vaste spectre musical, et qui a su en garder le meilleur. Résolument Rock dans ce qu’il a de plus ‘Classic’, à savoir les bases posées dans les 70’s et qu’il a fortement modernisé, le Belge évolue pourtant dans un Blues nerveux et actuel. Avec « Paradize City », son dernier album en date, le guitariste et chanteur revitalise un genre, qui fait d’ailleurs son retour sur le devant de la scène. Entretien avec un passionné de musique, bien sûr, et aussi d’instruments et à l’univers très personnel.     

Photo : Nathalie Paesmans

– Avant de parler de « Paradize City », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours, qui n’est pas vraiment linéaire. Avant de te lancer en solo, tu as joué notamment dans Cheeky Jack que tu avais fondé et dans un registre plus Pop. Avec le recul, tu penses que c’était une sorte de tremplin ?

Tout d’abord, merci de m’accorder cette interview. Il est important que les artistes ‘locaux’ aient accès à différents médias pour s’exprimer. Merci donc à toi !

Donc, oui, absolument. Cheeky Jack a été mon premier groupe avec lequel je me suis fait les dents. Nous étions six musiciens et ce fut une grande expérience pour moi. Nous étions jeunes à l’époque, avec des désirs différents les uns des autres. A la fin, les tensions étaient trop palpables et, personnellement, je ne me retrouvais plus trop dans le style que nous jouions sur scène (une espèce de Pop-Rock plutôt groovy). Mais j’en garde un bon souvenir.

– Ensuite, il y a eu l’EP « No Man’s Land » et l’album « Searching Lights ». La direction musicale était encore différente. Cela t’a paru complexe de trouver ton style ? Tu as ressenti le besoin d’expérimenter encore un peu plus et dans divers courants musicaux ?

Pour moi, ce sont des essais. Sortes d’ébauches pour trouver ma voie. J’en parle rarement, car elles ne correspondent pas vraiment à ce que je propose à mon public aujourd’hui. A l’époque, je n’avais pas vraiment trouvé mon style, ni même les musiciens dont j’avais besoin. J’ai travaillé avec plusieurs artistes d’horizons très différents. Par conséquent, ces deux compilations musicales sont un ‘mach-up’ de plusieurs compositions très variées. Cela m’a permis de trouver ma véritable identité musicale.

Photo : Loreta Mander

– J’ai pu lire que c’est un voyage au Pays de Galles qui a en quelque sorte révélé, ou réveillé, ton identité musicale. En dehors de la découverte de la guitare Weissenborn, dont on reparlera, en quoi le pays a-t-il déclenché en toi le besoin de composer une musique plus roots et surtout plus authentique ?

Je ne pense pas que ce soit le Pays de Galles en tant que tel qui ait éveillé mon identité musicale. Je pense que c’est le voyage en lui-même. Dans ma famille, nous avons tous la bougeotte. Mes sœurs et moi aimons voyager. Et nous avons beaucoup bourlingué. C’est un héritage que mes parents nous ont légué depuis que je suis né. Ils nous ont toujours emmenés dans leurs périples, en Afrique notamment. Ma mère y travaillait alors comme institutrice et mon père en tant qu’ingénieur-architecte.

Et dans ma vingtaine, j’avais l’habitude de partir seul avec mon sac à dos pendant des semaines, en auto-stop, pour me perdre dans des contrées inconnues. Je pense sincèrement que nos voyages dans cette vie ne sont pas aléatoires ou désordonnés. Au contraire, ils sont tissés de manière complexe, nous menant aux endroits et aux gens que nous sommes destinés à rencontrer. Chaque personne que nous rencontrons, chaque expérience que nous vivons avec d’autres, ou seul dans la nature, nous façonnent et donne un sens à notre vie.

Photo : Yves Maquinay

– Est-ce que c’est ce ‘déclic’ qui t’a plongé plus profondément dans le Blues, le Classic Rock et le Blues Rock, ou est-ce que c’est une culture musicale que tu possédais déjà ?

Quand j’étais enfant, dans la voiture de mon père, j’écoutais déjà le Blues de Lightnin’ Hopkins ou de Ray Charles, mais également le Rock de Supertramp, The Rolling Stones, Janis Joplin, The Doors, Pink Floyd ou Genesis. Alors bien sûr, aujourd’hui encore, je suis inspiré par ces formidables musiciens. Cela dit, je dois bien avouer que le Rock n’a jamais cessé de battre dans mon cœur depuis le jour où j’ai découvert « Nevermind » de Nirvana, seul dans ma chambre d’adolescent sale et désordonnée. Je fais partie de cette génération ‘crossover’, où les styles musicaux se sont fortement mélangés, parfois avec des résultats surprenants. Adolescent, j’ai donc beaucoup écouté des groupes légendaires comme Led Zeppelin, Aerosmith, Guns N’Roses et des artistes comme John Butler, Ben Harper, Alanis Morissette, Sheryl Crow ou Lenny Kravitz. Mais également des groupes comme RHCP, Foo Fighters, Limp Bizkit, Blink 182, NOFX, System Of A Down, RATM ou même Deftones. Ainsi que quelques groupes de Rock français comme Noir Désir, Louise Attaque ou Mathieu Chedid. Quel que soit le style, tous ces musiciens ont contribué à nourrir ma passion, et certains d’entre eux m’inspirent encore énormément aujourd’hui. C’est pour cela que je définis ma musique comme un véritable ‘Crossover’ entre du Blues et du Rock.

– Parlons de cette fameuse et galloise Weissenborn, qui s’apparente à une lapsteel. Est-ce que c’est un type d’instrument que tu avais déjà pratiqué, toi qui est guitariste ?

Comme je le disais, j’ai beaucoup voyagé. Et une année, je me suis donc retrouvé au Pays de Galles. Par hasard, je suis tombé sur une famille de luthiers, qui fabriquait des Weissenborn. Cela m’a rappelé que certains des artistes que j’ai toujours admirés utilisaient, et utilisent encore, cet instrument incroyable, dont le son m’est si cher. Je suis revenu en Belgique avec une Weissenborn sur le dos. Et depuis, elle ne me quitte plus. Je ne cesse d’apprivoiser cet animal mystérieux.

– Par rapport à une guitare classique, en quoi l’approche est-elle différente pour toi ? Elle te permet d’explorer des sonorités particulières qui manquaient jusqu’alors à ton registre ?

En réalité, la Weissenborn est une marque hawaïenne de guitares en bois de koa, un bois originaire d’Hawaï justement. Personnellement, j’utilise peu la Weissenborn sur scène. J’utilise plus la lapsteel électrique. Mais que ce soit la lapsteel ou la Weissenborn, j’adore le son que cela produit et la façon dont la Steelbar glisse sur les cordes. On ne pince pas les cordes ici, on fait glisser la steelbar dessus, ce qui donne le côté slide. Et effectivement, les couleurs que cela produit sont différentes d’une guitare classique. Et j’adore !

– Pour l’anecdote, je t’ai vu jouer sur une lapsteel conçue sur une planche de skateboard. Quelles sont les sensations que cela procure, car c’est plutôt insolite ? Et est-ce que, dans un autre registre, tu fais un parallèle avec la cigarbox ?

L’instrument a été fabriqué par un ami luthier dans son atelier de Bruxelles, Rafael Van Mulders (Jug Instruments). C’est un instrument inhabituel, en effet. Avant de devenir un instrument de musique, cette planche a été utilisée comme skateboard. Véridique ! C’est en quelque sorte une seconde vie qu’on lui donne ici. Les gens sont toujours intrigués lorsque je l’utilise sur scène. J’ai décidé de l’appeler la ‘lapboard’, car c’est un mélange entre la lapsteel et le skateboard. Par ailleurs, j’aime beaucoup la cigarbox que j’utilise d’ailleurs dans un des titres du nouvel album, « April Fool ». Et en effet, le son de ma lapboard est très proche de celui d’une cigarbox, même si je trouve qu’il est plus complet.

Photo : Loreta Mander

– « Paradize City » est sorti il y a quelques semaines et il donne l’impression que tu as réalisé l’album qui te ressemble sans doute le plus. Il marie un Classic Rock nerveux et moderne avec des touches de Blues appuyées, authentiques et savamment dosées. La production est également très organique et brute. C’est le disque que tu en avais en tête dès le début ?

Merci beaucoup. On est très content du résultat final. Pourtant, ça n’a pas été simple de sortir cet album. On a pas mal hésité sur les voix et le mix. Notre ingénieur du son, Alexandre Leroy, a fait un boulot formidable. Encore une fois, c’est un beau travail d’équipe. Nous nous sommes pas mal inspirés de groupes mythiques actuels que nous écoutons régulièrement comme Rival Sons, Queens of the Stone Age, Larkin Poe, Dewolff… Et le résultat est très satisfaisant.

– S’il y a un gros travail sur les guitares, il y a également un grand soin apporté aux parties vocales. Tu as donné autant d’attention à l’une et à l’autre, ou as-tu privilégié l’un des deux aspects ? Car tu évolues aussi en quintet avec un second guitariste…

En réalité, nous avons enregistré tous les instruments au studio Six, à Bruxelles. On fait du Blues Rock moderne, donc il nous faut une belle ‘room’ pour les grattes et la batterie. Pas de click, pas d’auto-tune (beurk !) et, excepté pour les solos guitares et quelques rajouts post-prod’, on a enregistré les instruments simultanément, c’est-à-dire qu’on joue tous ensemble.

Pour les voix, j’ai tout fait chez moi. J’ai besoin de ma bulle, mon espace et ma machine à café à porter de main. Quand je m’attaque à l’enregistrement des voix, je n’aime pas être dérangé. J’ai besoin de me couper du monde. Cela m’aide à sentir les couleurs des morceaux. Je peux alors donner le meilleur de ce que j’ai.

Photo : Marc Gilson

– Cette formule électrique sur l’album te va très bien et tu joues aussi régulièrement en formule acoustique en concert. Dans quel registre es-tu le plus à ton aise ? Et ce dernier t’ouvre-t-il d’autres possibilités artistiques ?

La scène nourrit l’esprit et le corps de tout musicien. Donc peu importe la formule, on est toujours heureux d’être sur scène. Alors, il est vrai que de temps en temps, nous proposons le duo, lorsque la situation s’y prête. C’est très agréable, car le jeu en acoustique crée une atmosphère chaleureuse et intime. Cela donne beaucoup d’espace à ma voix et je peux varier davantage les couleurs. Mais pour découvrir un album en concert, il n’y a rien de mieux qu’un groupe au complet. C’est lorsque nous sommes cinq sur scène que toute l’énergie vitale et l’âme du projet se révèlent.

 – Enfin, alors que « Paradize City » a une dominance plus Rock que Blues, as-tu dans un coin de la tête l’idée de faire un album entièrement Blues à l’avenir ?

Mmmmm… Pas sûr. Je vais décevoir les puristes de Blues ! (Rires) Mais je ne suis pas un musicien de Blues, du moins je n’ai pas la prétention de l’être. Je fais ce que je sais faire de mieux, c’est-à-dire un mélange de Blues et de Rock : un ‘crossover’. Finalement, ma musique n’est que le reflet de mon âme. Une âme nourrie par tous mes voyages et qui trouve de l’inspiration à travers les œuvres de ces artistes de Blues, de Rock et de ceux qui ont judicieusement mélangé les styles, ajoutant ainsi des couleurs à une palette déjà existante.

Encore plus d’infos sur le site THOMAS FRANK HOPPER :

www.thomasfrankhopper.com

Retrouvez la chronique de l’album :

Catégories
Blues

Bjørn Berge : steel got the Blues

Entre compos et covers, c’est avec un « Introducing SteelFinger Slim » un peu spécial et inattendu dans son contenu que BJØRN BERGE fait courir ses doigts d’acier sur son instrument. Si la voix inimitable et la liberté absolue dont il a fait sa réputation sont bel et bien intactes, on aurait peut-être apprécié un peu plus de titres originaux, même si sa manière de défourailler les morceaux des autres conserve toujours quelque chose d’assez mystique et de jouissif.      

BJØRN BERGE

« Introducing SteelFinger Slim »

(Blue Mood)

Fidèle à lui-même c’est seul que le Norvégien revient avec un nouvel album, son treizième, et le solitaire bluesman fait de nouveau des étincelles parant son jeu de ses plus beaux atouts. L’acier de son dobro vibre sous son toucher si singulier, passant du picking à la slide avec la dextérité qu’on lui connait et venant se joindre à cette voix profonde et unique avec laquelle BJØRN BERGE nous berce et nous envoûte depuis tant d’années. Et c’est toujours le cas avec « Introducing SteelFinger Man ».

Voix, guitare et stompbox, il n’en faut pas plus au ténébreux Scandinave pour livrer un Blues mâtiné de Rock dans une formule acoustique et métallique si particulière par sa froideur sonore. Pour autant, il se dégage beaucoup de chaleur de ce nouvel opus grâce à des morceaux simples en apparence, mais toujours très bien sentis et d’une personnalité qui fait de BJØRN BERGE l’un des rares artistes de Blues à savoir, et pouvoir, capter l’attention et captiver à chacun de ses disques.

Son timbre guttural nous embraque cette fois sur dix titres qu’il a tenu à enregistrer en une seule journée, une façon d’aller l’essentiel avec autant de spontanéité que de justesse possible. Et BJØRN BERGE sait y faire. Cependant, et même si c’est toujours aussi bien réalisé et arrangé, le fait de reprendre « Get It On » de T. Rex, « Like A King » de Ben Harper, « Spoonful » de Willie Dixon et « Black Night » de Deep Purple dans des versions certes revisitées parait un peu beaucoup sur une production studio.

Photo : Tor Nilssen