Originaire de la côte est américaine, CRAWLING MANIFEST se présente avec un très bon deuxième album. « Radical Absolution » s’inscrit dans la tradition Thrash Metal de la Bay Area combinée à des éléments Death et une production moderne et assez groove. La grosse rythmique, les riffs acérés et tranchants et la voix agressive distillés sur ce nouvel opus sont réjouissants.
CRAWLING MANIFEST
« Radical Absolution »
(Independant)
Formé en 2014 dans le Maryland, CRAWLING MANIFEST compte à son actif deux EP, un album et « Radical Absolution » est donc le deuxième opus des Américains, et il vient marquer un nouveau départ pour le groupe. Après plusieurs changements de line-up et des tournées aux côtés de Soulfly et Fleshgod Apocalypse notamment, les thrashers reviennent en force.
Seuls rescapés de la formation originelle, Andrew Gladu (chant, basse, batterie) et Trevor Layton (guitare) ont décidé de continuer l’aventure et de se recentrer sur leurs premières amours : le Thrash made in Bay Area. En y incorporant une dose de Groove Metal et de Death dans la voix, CRAWLING MANIFEST a même pris du volume et ce deuxième album renvoie aux belles heures du Thrash américain.
Puissant et assez intemporel, « Radical Absolution » est aussi engagé politiquement et dresse un constat brutal sur l’état de la société (« World War III », « Revolution »). A l’ancienne, CRAWLING MANIFEST a construit son album autour d’une intro instrumentale (« Land Of The Free ») et un dernier titre instrumental sur un groove presque bluesy (« Onslaught »). Le duo réussit le pari d’un disque sobre et agressif.
Elevé dans le chaudron, LOUIS MEZZASOMA fait partie de cette nouvelle génération, qui a parfaitement digéré la culture et l’Histoire du Blues pour être à même d’en proposer sa propre version. Créatif et audacieux, le Stéphanois a livré il y a quelques mois un troisième album, « Mercenary », aussi surprenant qu’envoûtant. Rencontre avec ce musicien pluri-cordistes très inspiré et à l’approche très personnelle du Blues.
– Tout d’abord, comment en arrive-t-on à incarner et ressentir autant le Blues lorsqu’on a à peine 30 ans et que l’on vient de Saint-Etienne, qui n’est pas vraiment le berceau du genre ?
A vrai dire, je ne me pose pas la question, je le fais ! Cette musique, c’est moi, c’est qui je suis. Il se trouve que cette musique s’appelle le Blues. Pour moi, c’est très important d’être soi-même, certains se sont trouvés en adéquation avec eux-mêmes en faisant de la poterie, du fromage de chèvre ou je-ne-sais-quoi. Pour moi, c’est sortir ce que j’ai au fond de mes tripes, au fond de moi-même. C’est ça, le blues. Je crois que je suis une espèce d’énergumène qui a tendance à foncer, à ne rien lâcher. C’est comme ça que j’ai fait ma place et que je continue de le faire.
Pour parler un petit peu de ma ville, oui, Saint-Etienne n’est pas vraiment le berceau du Blues, mais j’ai eu la chance de voir passer pas mal de monde dans le coin. Aussi bien des locaux que des artistes internationaux. Il faut reconnaître qu’on a quelques lieux encore bien friands de bon Blues.
– Ce troisième album marque un cap dans le son et aussi dans tes compositions. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic, une sorte de maturité atteinte. C’est aussi ton sentiment ?
Pour moi, ce nouvel album est vraiment un beau sommet atteint. J’écris mes chansons quand l’inspiration vient et non sur commande. Au fur et à mesure, on a arrangé et structuré le “guitare/voix” initial. Cet album n’est pas issu d’un déclic, mais bien d’une progression, d’une évolution et d’une affirmation de ma part, qui s’est faite au fil des années, à jouer, à écouter de la musique, à faire des concerts et à voir d’autres artistes en live… et petit à petit trouver ma place. Il s’agit vraiment d’un album produit pour lequel on a eu une vraie préparation, qui nous a permis d’être prêts pour le studio et d’aller chercher le son dans les détails. Je suis vraiment très fier de cet album « Mercenary ».
– Les textes de « Mercenary » sont très personnels et plein d’émotion. Très souvent, les bluesmen s’inspirent de leur vie pour chanter le Blues. C’est ce que l’on ressent chez toi : une authenticité et une sincérité évidente. Qu’est-ce qui t’inspire ? Ton vécu ou est-ce que tout est fictif ?
Toutes les chansons sont inspirées d’histoires vécues. Je me permets, pour l’écriture, de narrer et de romancer, mais sans donner tous les détails de ce qui m’est arrivé. Ainsi, l’auditeur peut se faire sa propre interprétation de la chanson et éventuellement s’y projeter et voyager.
L’inspiration vient de mes rencontres, de voyages, des concerts que j’ai pu faire, mais aussi de ce que je peux ressentir à un moment donné. Certaines chansons viennent d’une expression, d’une phrase que j’ai entendue et qui m’a parlé, inspiré.
Pour faire le lien avec l’actualité, car l’album a été enregistré en Juillet 2020 en pleine pandémie. L’enfermement n’est, dans mon cas, vraiment pas propice à l’inspiration. C’est bien l’ouverture vers le monde, les autres et les différentes cultures qui sont sources de création.
D’autre part, je me rends compte (pour le côté stylistique), petit à petit, que j’aime beaucoup la musique de film (et notamment de western), et en effet mes chansons ont toujours eu tendance à nous plonger dans une atmosphère et un climat, que l’on peut retrouver dans le cinéma.
– Même s’il y a du monde sur ce nouvel album, tu as longtemps joué seul dans une configuration d’homme-orchestre. Qu’est-ce qui est le plus plaisant et le plus satisfaisant au final : être seul à la manœuvre ou jouer en groupe, ce qui grossit également le son ?
Ce qui est génial, c’est d’être seul à la manœuvre et de jouer en groupe. En effet, quand j’ai démarré en one-man-band, j’avais l’avantage de pouvoir amener mes chansons dans la direction que je souhaitais, et de me laisser porter par les émotions, le feeling du moment, notamment en fonction de la réaction avec le public. Nous avons fait quelques dizaines de concerts sous la nouvelle formule guitare/batterie, qui reste une formule réduite et dans laquelle je reste maître des changements harmoniques. La batterie me suit dans mes idées et surtout donne de l’épaisseur et de l’impact au son. Pour moi, cette idée de manœuvre est surtout valable pour la partie live, pour suivre les différentes improvisations et changement de structure s’il y en a. Pour un album, on se doit de fixer les choses et de les planifier, que ce soit seul ou en groupe.
– Justement sur « Mercenary », tu es accompagné du batteur et percussionniste Gaël Bernaud qui apporte de la puissance aux morceaux, ainsi que de l’harmoniciste Jean-Marc Henaux et des cuivres de Sylvère Décot et d’Anthony Tournier qui offrent tous beaucoup de chaleur et de diversité. C’est un large panorama dans lequel on voyage énormément. De quelle école ou famille du Blues te sens-tu le plus proche ou l’héritier ?
L’arrivée de Gaël Bernaud au sein du groupe devient vraiment officielle avec ce nouvel album. Faire un album, c’est pour moi l’occasion de présenter des nouveaux titres, mais aussi de proposer quelque chose que l’on ne trouvera pas dans le live, ou du moins pas de la même manière. C’est le moment de faire une recherche approfondie dans le son, et aussi de faire appel à d’autres musiciens. C’est pourquoi nous avons invité aux trompettes, Sylvère Décot et Anthony Tournier sur le titre « RustyMan », et Jean-Marc Henaux sur quatre autres chansons. Diversifier les instruments permet de la variété et surtout d’éviter la monotonie. J’ai toujours présenté des titres assez différents entre ballades et chansons bien énervées. Pour répondre enfin à la question, je pense venir de plusieurs familles de Blues assez différentes, mais avec une grosse influence par le Country-Blues notamment par mon jeux de fingerpicking. On va dire que mes techniques de jeu sont issues d’un Blues rural, plutôt originaire du sud des Etats-Unis. Cependant, mes manières d’amplifier les guitares font aussi le lien avec le Rock.
– On retrouve aussi cette diversité dans tes instruments que ce soit la guitare, le banjo, le dobro ou la cigar-box. Est-ce que tu les vois comme des vecteurs d’ambiances très distincts et avec lequel es-tu le plus familier et le plus inspiré ?
Les changements d’instruments à cordes et leurs différents accordages sont vraiment une source d’inspiration pour la composition de mes chansons. Et en effet ils apportent des ambiances très différentes, même si il y a un univers bien ciblé. Ma cigar-box est vraiment jouée sur des morceaux Rock, alors que ma guitare folk va plus être utilisée sur des ballades Country-Blues. Je réalise que mon dobro, joué en open D et au bottleneck, est peut être le plus polyvalent et me permet une amplitude de style entre ballade lancinante, Blues primitif ou Rock. C’est aussi l’instrument que j’ai le plus utilisé sur tous mes albums. Pour tout te dire, sur « Mercenary », j’ai utilisé sept guitares (ou instrument à cordes) différentes : folk, dobro, demi-caisse, électrique, 12 cordes, cigar-box et banjo
– Ton Blues s’inspire beaucoup des pionniers du genre, or il n’est jamais nostalgique ou passéiste, notamment dans le son. Comment alimentes-tu ton jeu à travers des influences si anciennes, même si elles sont intemporelles ?
Malgré le genre qui ne date pas de la veille, j’écoute beaucoup d’artistes de Blues et de styles proches (Folk, Country, Rock…) d’aujourd’hui, dont certains que j’ai vu en live. Le Blues, c’est notre histoire personnelle. Peut être que si je chantais le Blues des autres, ou un Blues à l’honneur des pères du genre, je serais nostalgique ou passéiste. Mais je joue mon Blues, donc les histoires sont d’actualité, du moins de mon actualité.
Je vais me faire engueuler en disant ça mais perso, les vieux albums comme Robert Johnson, c’est génial pour le collectage, pour l’Histoire, pour les chansons, pour le jeu de guitare, mais c’est très dur à écouter, le son n’est vraiment pas fou. Le parti-pris pour notre album était de garder l’authenticité de la musique et des instruments, mais de traiter le son de façon moderne. On a utilisé des bons vieux micros vintage à l’ancienne avec les bons préamplis. On a fait des vraies prises de sons de batterie en s’acharnant sur le choix et les réglages de la caisse claire en fonction de chaque morceau. J’ai chanté dans un micro fait dans un obus de la seconde guerre mondial, les guitares étaient branchées dans des amplis à lampes bien crades que l’on a poussé à fond. Jusque-là, ça aurait pu marcher pour un groupe de Blues traditionnel, mais le traitement du son, lui par contre, a fait la différence. On a joué sur les effets, tordu les sons. Je pense aussi que certains arrangements comme des guitares additionnelles, des banjos et les chœurs ont eu eux aussi leur importance pour donner ce côté moderne.
– Enfin, le Blues est une musique de communion et de partage. Comment vis-tu la situation actuelle et comment envisages-tu ton retour sur scène ?
Mal… Jouer, faire des concerts c’est ma raison de vivre, c’est ma passion, mais aussi mon gagne-pain et on est en train de nous enlever tout ça. Le statut est assez précaire, mais c’est un choix pour faire ce que l’on aime. On doit faire de nombreux sacrifices pour y arriver… C’est assez dur de devoir rester en stand-by en attendant mois après mois de pouvoir reprendre. Pour vivre de la musique live, ça implique de faire des dizaines de concerts par an et chaque concert est dur à programmer, c’est un travail de longue haleine qui se fait entre six mois et un an et demi à l’avance. Depuis plus d’un an, on reporte, annule et reporte des événements déjà reportés, et c’est sans parler des lieux, des salles de spectacle et des festivals qui ferment. Je ne parle pas des Zénith ou des artistes qui passent à la TV régulièrement. Je parle des scènes alternatives trop souvent oubliées par les médias, des petits et moyens festivals, qui survivent grâce aux organisateurs et aux nombreux bénévoles qui se battaient, et se battent toujours, pour offrir de la culture, de la joie, de la convivialité et du bonheur.
Et oui, le Blues est une musique de partage, une échappatoire à la dureté de la vie pour faire place à de l’expression et de la joie. J’espère que nous sommes dans la dernière ligne droite et que nous allons pouvoir présenter ce nouvel album, « Mercenary », sur les planches très rapidement…
« Mercenary » est disponible depuis le 5 mars chez Le Cri Du Charbon.
Le guitariste et chanteur MYLES KENNEDY ne tient pas en place, alors plutôt que de rester sans rien faire durant le confinement, il en a profité pour composer et mettre la touche finale à « The Ides Of March ». Revenu à un Rock US qui lui va si bien, l’Américain livre un deuxième album, qui fait beaucoup de bien.
MYLES KENNEDY
« The Ides of March »
(Napalm Records)
Contraint de rester chez lui en raison de la pandémie, le très prolifique MYLES KENNEDY a profité de l’annulation de ses tournées pour se pencher sur son deuxième album solo. Et après le très bon « Year Of The Tiger » en 2018, le frontman d’Alter Bridge et du projet solo de Slash livre « The Ides Of March », un opus plus électrique et moins intimiste, mais avec toujours autant de créativité et de sincérité.
Pour ce nouvel album, MYLES KENNEDY a électrifié et électrisé son jeu et distille un Rock US comme il en a l’habitude, et dont il reste un modèle du genre. Grâce à une voix puissante et idéale pour ses très accrocheuses mélodies, le chanteur n’en demeure pas moins l’excellent guitariste que l’on connait et, entre riffs entêtants et solos millimétrés bourrés de feeling, mène sa barque avec classe.
Accompagné de Tim Tournier (basse) et de Zia Uddin (batterie), MYLES KENNEDY a confié la production de « The Ides Of March » au producteur Michael Baskette, collaborateur de longue date. Entraînant sur « In Stride » et « Get Along », ou plus touchant sur « Tell It Like It Is » et « Worried Mind », l’Américain brille et excelle carrément sur le morceau-titre long de près de huit minutes. Une grande bouffée d’air positive et très Rock.
Etre le neveu d’un géant comme John Lee Hooker pourrait être un fardeau bien trop lourd à porter pour beaucoup. Et pourtant, c’est l’esprit de famille gravé dans le cœur et un amour immense du Blues qui poussent ARCHIE LEE HOOKER dans cette voie qu’il aurait, de toute façon, eu du mal à éviter. Vivre le Blues et le chanter est bien plus qu’une passion pour l’Américain, installé en France depuis une dizaine d’année. C’est une nécessité et presqu’un devoir. Entretien avec l’un des derniers grands musiciens et détenteur de l’âme première du Blues…
– Né dans le Mississippi, c’est pourtant en arrivant à Memphis, Tennessee, que tu t’es réellement investit dans la musique et notamment dans un groupe de Gospel où tu chantais. Qui avait-il de différent là-bas ? Le Mississippi est une terre très musicale pourtant aussi ?
Au Mississippi, la musique était une activité de week-end, parce que tout le monde travaillait dans les plantations pendant la semaine. La musique gospel était jouée dans les offices religieux, donc c’était surtout le week-end, et parfois le mercredi. Mais le dimanche était le jour le plus important pour les églises. Cela commencerait à 9 heures pour les enfants de l’école catholique, puis il y avait de la musique jusqu’à 13 heures et aussi à 15 heures généralement au deuxième office, où des personnes extérieures à l’église pouvaient venir. C’était une fête.
– Le Blues est finalement entré assez tard dans ta vie, en 1989. A cette époque, tu vis chez ton oncle, le grand John Lee Hooker, The Boogieman. Te souviens-tu de tes premiers sentiments à l’écoute de ses notes de Blues et dans quelles circonstances cela a-t-il eu lieu ?
Pour moi, écouter son blues revenait à écouter sa vie, son parcours et de la raison pour laquelle il était tel qu’il était. Sa musique racontait vraiment sa vie. Et écouter ses paroles se reflétait sur ma propre vie. Nous avions eu tous les deux une enfance similaire, car nous étions tous deux issus des plantations. Ecouter sa musique m’a aidé à faire des choix dans ma propre vie.
– Tous les bluesmen rêvent d’une telle initiation, ainsi que de pouvoir rencontrer les grands musiciens que tu as pu côtoyer à l’époque. Etais-tu conscient de la chance que tu avais et du privilège de pouvoir écouter et jouer avec de tels musiciens ?
J’étais reconnaissant de pouvoir les écouter tous. Non seulement d’écouter leur musique, mais aussi d’écouter les histoires qu’ils racontaient. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer autant de musiciens de Blues qui comptent parmi les plus grands.
– Est-ce que c’est à ce moment-là que tu as vraiment trouvé ton chemin et surtout le ton, les sonorités et le style que tu voulais donner à ton jeu ?
Oui, quand j’ai rencontré tous ces différents musiciens, ils ont tous projeté leur art d’une manière différente. Et c’est là que j’ai décidé de trouver ma propre voie, de ne pas les copier, mais de trouver mon truc. Etre naturel et concret. Quand vous touchez et approchez ces musiciens, vous vous rendez compte de qui ils sont, et qu’ils sont bien réels au sens de qui ils sont véritablement. Et c’est ce que je voulais faire moi-même !
– Est-ce que, dès le départ, ton intention a été de te démarquer de cet immense héritage familial, ou au contraire d’apporter une pierre supplémentaire à l’édifice ?
C’est ce que j’essaie de faire, c’est-à-dire de garder vivant ce que faisait John et d’y ajouter quelque chose de personnel au lieu de prendre quelque chose qu’il aurait déjà fait. Je ne veux pas le copier. Quelque part dans notre lignée, un autre membre de la famille prendra le flambeau et le portera encore plus loin, du moins c’est ce que j’espère !
– Il y a 10 ans, tu as décidé de venir t’installer en France. C’est assez surprenant de quitter la patrie du Blues. Pourquoi la France a-t-elle été ta destination privilégiée ? Tu as eu un feeling particulier, ou est-ce juste par exotisme musical ?
C’était une suggestion de John. Si je voulais faire du blues, je devais voyager en Europe ! Je lui ai demandé où et il a dit qu’il ne pouvait pas me le dire, mais que je le saurais une fois que j’y serai. Et c’est arrivé en France et c’est ici que la roue a commencé à tourner en ma faveur. Cela aurait pu être n’importe où, mais pour moi c’était la France. Ce n’était pas quelque chose de prévu, c’est simplement arrivé naturellement ! Et j’aime ça !
– C’est après une tournée européenne avec Carl Wyatt & The Delta Voodoo que tu as décidé de monter ton propre groupe. Que cherchais-tu que tu ne trouvais pas à ce moment-là musicalement ?
Je cherchais à me trouver véritablement, ce qu’il y avait au fond de moi. Je cherchais des musiciens qui pourraient projeter le son que j’avais en moi dans un groupe. Carl est mon frère et nous sommes encore de très bons amis. Il a son style et je l’adore, mais pour mon groupe, je cherchais un son différent. Je voulais jouer mon propre style. La musique que je fais aujourd’hui est celle que j’entendais quand j’étais jeune. C’est pourquoi j’ai décidé de créer le Coast To Coast Blues Band. Juste pour jouer ce que j’ai dans le cœur et dans la tête…
– Justement aujourd’hui ton groupe, le Coast To Coast Blues Band, est constitué de musiciens brésiliens, français et luxembourgeois, le tout mené par un Américain. Comment as-tu monté ce casting éclectique et tellement complémentaire ? Le Blues n’a donc pas de frontières ?
Non, le Blues n’a pas de frontière. C’est pour ça que je n’ai pas choisi les musiciens d’après leur pays d’origine, mais juste pour leur talent. Et comme ils venaient tous de régions côtières différentes, le nom du groupe est venu naturellement. Tout le monde vient d’une partie du monde différente, tout le monde a eu une enfance différente et écouté de la musique différente. Tout cela s’infiltre dans le son d’un océan à l’autre. Nous avons réussi à réaliser ce que nous voulions vraiment. Nous avons tous un rêve et se retrouver pour jouer cette musique est magnifique.
– Après « Chilling » en 2018, « Living In A Memory » vient de sortir et il respire le Blues, la Soul avec toujours ce petit côté Gospel. Comment composes-tu et qu’est-ce qui t’a guidé cette fois dans tes compositions ?
La vie ! C’est elle qui m’a guidé. Je la revis, car je regarde en arrière pour voir ce que j’ai vécu, les routes que j’ai parcouru et emprunté pour me souvenir de tous ces jours et les mettre en mots. Beaucoup de gens dans ce monde pourraient vivre la même chose que moi et s’ils peuvent apprendre de mes erreurs, alors j’aurais fait la meilleure chose qu’on puisse faire sur cette planète : j’aurais aidé quelqu’un d’autre. Si quelqu’un passe par la même chose que moi, il peut apprendre de mes erreurs et ne pas avoir à en faire l’expérience lui-même.
– Cet album sonne très américain, même après 10 ans passés en France. Le son européen n’a pas eu d’influence sur ton jeu ou même tes envies de création ?
Le son européen est différent, c’est vrai. Je dirais que notre son est américain, mais surtout américano-européen ! (Rires) Le son du groupe vient de ce que les musiciens ont entendu dans la musique américaine et de la manière dont ils l’ont traduit dans leur façon de jouer. Et c’est vraiment ce qui la rend très excitante pour moi.
– Est-ce que tu suis un peu la scène Blues française, et quel regard y portes-tu ? Il y a des groupes que tu apprécies tout particulièrement ?
Oui, j’écoute la scène française. Les musiciens prennent la musique américaine et se l’approprient, ce qui est génial. Je prendrais comme exemple Fred Chapellier, Bâton Bleu, Charlie Fabert ou Dom Ferrer pour n’en citer que quelques uns.
– Enfin, j’imagine que tu gardes aussi un œil sur la scène américaine. Quels sont les talents émergents qui ont attiré ton regard dernièrement ?
La jeune génération, celle qui est dans la trentaine, a grandi avec le Blues traditionnel et elle retourne à ses racines. Phillip Michael Scales, Christine Kingfish Ingram de Clarksdale sont très jeunes, mais ils jouent tous un Blues traditionnel. Le simple fait de les voir se l’approprier et ne pas le laisser mourir me rend heureux. Le Blues, c’est l’histoire de l’Amérique. C’est ce qui a permis au pays de rester uni, car c’était la musique qui les avait réunis. Ce sont nos racines.
« Living In A Memory » est disponible depuis le 16 avril chez Dixiefrog/PIAS.
Excellent batteur ayant joué avec les plus grands, l’Américain retrouve cette fois les baguettes pour un projet solo, qui nous plonge dans un Hard Rock musclé, simple et très rentre-dedans. TOMMY’S ROCKTRIP respire le Rock’n’Roll et cela s’entend sur chaque note. Un bon et joyeux moment, qui combat aussi toute nostalgie !
TOMMY’S ROCKTRIP
« Beat Up By Rock’N Roll »
(Frontiers Music)
Qu’est-ce qui a poussé un batteur comme Tommy Clufetos à se lancer dans une aventure solo en marge de ses prestigieuses collaborations ? Le plaisir, pardi ! Et c’est sous le nom de TOMMY’S ROCKTRIP que le cogneur vient nous présenter « Beat Up By Rock’N Roll », véritable concentré de tout ce qui l’a influencé depuis les débuts de sa déjà longue carrière. Et à travers onze titres, le musicien de Detroit se régale et nous régale par la même.
Avec un CV comme le sien, on peu aisément comprendre que des envies d’ailleurs et d’une certaine liberté se fassent sentir. Batteur pour Ted Nugent, Rob Zombie, John 5 et surtout Alice Cooper, Ozzy Osbourne et Black Sabbath, TOMMY’S ROCKTRIP peut être perçu comme un retour aux sources pour cet éclectique et très talentueux rockeur du Michigan. Et les soupçons se dissipent rapidement au fil des titres.
L’Américain s’est offert un casting efficace en confiant le chant à Eric Dover (Slash’s Snakepit, Alice Cooper), même s’il pousse lui-même la chansonnette sur « Make Me Smile », le morceau-titre et « The Power Of Three ». Aux guitares, Hank Schneekluth et Nao Nakashima se partagent la tache bien aidés par Eliot Lorengo à la basse et Doug Orguan à l’Hammond. Impulsif, dynamique et enjoué, ce premier album de TOMMY’S ROCKTRIP libère de belles ondes.
Basé à San Diego en Californie, NIGHTSHADIOW sort son premier album et sonne déjà comme de vieux briscards. Elancé et déterminé, le Heavy Metal du quintet resplendit sur « Strike Them Dead », remarquablement bien produit et inspiré. Les Américains se montrent solides et créatifs et dégagent une folle énergie.
NIGHTSHADOW
« Strike Them Dead »
(Independant)
Malgré un EP éponyme en 2017, cela fait pourtant des années que les Américains travaillent sur leur premier album, « Strike Them Dead », qui voit enfin le jour en autoproduction. Depuis sa création il y a presque dix ans, NIGHTSHADOW a eu tout le temps de peaufiner son Heavy Metal et le combo est devenu une vraie machine, un rouleau-compresseur décibélique.
Dans une belle dynamique, le groupe de San Diego développe un Heavy racé et massif et puise ses influences autant chez les pionniers européens que chez les cadors américains. NIGHTSGADOW affiche aussi un niveau de jeu élevé avec une rythmique en béton, deux guitaristes qui se relaient et se répondent à merveille et un chanteur puissant et inspiré. Le groupe se montre très affûté.
Avec le même line-up depuis ses débuts, le quintet conforte une complémentarité et une complicité de chaque instant. Dès « Legend » en passant par « Ripper », « False Truths » ou « Blood Penance », NIGHTSHADOW est tranchant, incisif et les deux six-cordistes se renvoient le lead avec aisance sur des solos millimétrés et véloces (« Love & Vengeance », « Mistress Of The Pit »). Une bonne claque !
Après le très bon dernier album de Maceo Parker (sur ce même nouveau label de Mascot), c’est au tour de DUMPSTAPHUNK de rendre à la Nouvelle-Orléans son audace musicale et toute sa splendeur issue de la Funk et du Rythm’n Blues avec un côté Rock dynamitant. Le combo des Neville et Meters n’a rien perdu de son panache.
DUMPSTAPHUNK
« Where Do We Go From Here »
(The Funk Garage/Mascot Label)
Alors qu’on s’attendait à un double-album après la sortie en single du morceau-titre en août dernier, c’est finalement un album dense et conséquent que présente DUMPSTAPHUNK, énorme machine à Groove de la Nouvelle-Orléans. Sept longues années s’éparent « Where Do We Go From Here » de son prédécesseur et Ivan Neville et sa bande sont plus enthousiastes que jamais.
Politiquement engagés, les Américains mettent leur Funky-Beat très Rock au service de revendications fortes (« Justice 2020 »). Entre modernité et héritage Soul et Rythm’n Blues de la Nouvelle-Orléans, DUMPSTAPHUNK fait la jonction et rend ces morceaux, parfois des reprises, d’une étonnante intemporalité (« Let’s Get At It », « United Nation Stomp », « Make It After All »).
Si les guitares sont très présentes (à noter la présence de Marcus King), les cuivres ne sont pas en reste et offrent une couleur resplendissante à ce « Where Do We Go From Here », plein de groove et très enjoué. Puissant et créatif, DUMPSTAPHUNK avance avec un énorme respect pour la Funk de sa ville, tout en se réinventant avec pertinence (« Itchy Boo », « Dumpstamental », « Sons »). Un vrai rayon de soleil !
Si pour de nombreux musiciens, c’est aux Etats-Unis que se joue et se vit le Blues, certains font le chemin inverse. C’est le cas du songwriter, chanteur et guitariste américain JAY RYAN, établi en France puis une trentaine d’années. Avec « Le Cœur Sec », cinquième album du musicien, il s’exprime en français dans un Blues très Rock et Americana. Un côté brut authentique.
JAY AND THE COOKS
« Le Cœur Sec »
(Juste Une Trace/Socadisc)
Eternel baroudeur, le songwriter américain a posé ses valises en France, en Provence, avant de venir s’installer près de Paris à Saint-Denis. Après avoir joué dans de nombreuses formations, JAY RYAN a réuni ses COOKS, groupe constitué de proches avec qui il revient aujourd’hui avec un album qui brille notamment par la grande qualité de son line-up. Le sextet a fière allure et les compos s’en ressentent.
Dans un registre à dominance Blues, le chanteur et guitariste livre le cinquième album de JAY AND THE COOKS. Entièrement écrit en français, « Le Cœur Sec » sonne très Rock et jette un regard acide sur notre société et la situation actuelle (« Presque Foutu », « Travailleurs Essentiels », « Je N’ai Pas Vu Les Signes »). Authentique et sincère, les morceaux de l’Américain s’inscrivent dans un style très brut et avec humour (« La Seine S’en Moque », « Branché Bio »).
Cette poésie urbaine est également teintée de Country et d’Americana comme sur l’étonnante reprise de Gainsbourg (« Je Suis Venu Te Dire Que Je M’en Vais »), où JAY AND THE COOKS offre une version très personnelle et singulière de ce classique de la chanson française. S’il est vrai qu’il faut parfois tendre l’oreille pour saisir toute la subtilité des textes, le chanteur rend une copie remarquable et touchante.
Rien ne semble pouvoir arrêter VOID VATOR, qui livre un deuxième album hyper Rock’n’roll dans l’attitude et terriblement Heavy Metal dans le son. Le trio de Los Angeles s’est nourri de la situation actuelle pour pondre neuf titres costauds, libérés et addictifs. « Great Fear Rising » est en tout point une réussite.
VOID VATOR
« Great Fear Rising »
(Ripple Music)
Si vous aimez autant Thin Lizzy et Van Halen que Pantera et les Ramones, vous devriez tomber sous le charme de VOID VATOR. Depuis 2014, le trio déploie une audace particulière à travers un Heavy Metal fulgurant et accrocheur. Après un EP et un premier album, les Californiens remettent le couvert avec « Great Fear Rising », où le combo déverse une rage et une virulence très concentrées.
Après avoir travaillé avec Ulrich Wild (Pantera, Deftones), Bill Metoyer (Slayer, Body Count), c’est Michael Spreitzer (DevilDriver) qui est aux manettes de ces neufs nouveaux titres. Nettement plus nerveux et incisif, le trio s’est nourri de ses frustrations dues à la pandémie, mais aussi des déboires de visa de son batteur contraint de rentrer en Allemagne. VOID VATOR revient donc très remonté mais toujours aussi efficace.
Mixé et masterisé par Nick Bellmore (Toxic Holocaust), « Great Fear Rising » sonne nettement plus robuste, et le trio distille toujours autant de mélodies accrocheuses, de riffs tranchants et de solos super-Heavy. Brut et sans concession, VOID VATOR sait aussi rester fun et enthousiaste : c’est ça la Californie ! Les morceaux s’enchainent et s’écoutent en boucle (« I Can’t Take It », « I Want More », « Mc Giver’s Mullet », « Infierno »).
Songwriter de grande classe et brillant musicien, STEPHEN FOSTER incarne l’âme Southern dans toute sa splendeur et son large spectre. Avec son groupe HOWLER, basé à Muscle Shoals en Alabama, le musicien, qui a sorti huit albums cette dernière décennie, livre un « Southern » qui rappelle ô combien le sud américain est inspirant.
STEPHEN FOSTER & HOWLER
« Southern »
(Thoroughbred Music)
Les fans de Blues et de Southern Rock connaissent STEPHEN FOSTER. Le guitariste, claviériste et songwriter de génie est une légende et œuvre depuis cinq décennies au service de la musique made in Muscle Shoals. Cette agglomération d’Alabama est mondialement connue pour ses studios qui ont fait les belles heures des charts américains. Proche de Memphis et de Nashville, ce haut lieu résonne toujours.
Compagnon de jeu de Percy Sledge et compositeur pour Lynyrd Skynyrd, STEPHEN FOSTER a travaillé avec le gratin et revient aujourd’hui avec son groupe HOWLER. Constitué de musiciens ayant joué avec Little Richard et Jerry Lee Lewis, le quatuor a une allure de grosse machine… et c’en est une ! Combinant, Blues, Rock, Americana et Boogie-woogie, les Américains portent l’âme et le son du sud des Etats-Unis avec brio.
« You Can’t Take Me Home », premier extrait de « Southern », a été écrit en hommage à son ami Ronnie Van Zant disparu tragiquement en 1977. A l’écoute du morceau, on comprend mieux la complicité et le passé commun que STEPHEN FOSTER partage avec Lynyrd Skynyrd. L’album est d’une grande sincérité et les morceaux sont aussi brûlants qu’ils peuvent être touchants et profonds (« Little Things », « Cathead Blues », « Biloxi », « Arkansas »).