Plus de 50 ans après sa création, la formation originaire de Washington D.C. nous fait le plaisir d’un nouvel effort, « Lightning In A Bottle », respectueux de ce son si particulier et de cette approche du Doom qui a influencé quelques générations. Au côté de son fantasque chanteur, on retrouve un casting de choix et de choc, qui redonne de l’allant à un PENTAGRAM qu’on peut presqu’imaginer immortel, malgré une existence défiant toutes les conventions. A la fois rebelle et provocateur, le quatuor continue de donner le ton et de montrer la voie.
PENTAGRAM
« Lightning In A Bottle »
(Heavy Psych Sounds)
Groupe pionnier et iconique de la scène Doom Metal, PENTAGRAM poursuit malgré tout, et comme souvent contre toutes attentes, sa carrière et présente un « Lightning In A Bottle » solide. Assez chaotique et finalement peu prolifique, la discographie des Américains a pourtant marqué l’histoire du genre dès les 70’s et surtout dans les 80’s. Difficile aussi d’énumérer les changements incessants de musiciens, sauf à confirmer que son leader et fondateur, Bobby Liebling, tient toujours les rênes, la même foi chevillée au corps.
Premier album depuis une décennie et « Curious Volume », ce neuvième opus affiche un PENTAGRAM a de quoi laisser rêveur, tant le frontman s’est entouré de ce qui se fait de meilleur dans le registre. Jugez vous-mêmes : Henry Vasquez (Legions Of Doom, Saint Vitus, Blood Of The Sun) est derrière les fûts, Scooter Haslip (Mos Generator, Saltine) l’accompagne à la basse et surtout on retrouve le grand Tony Reed (Mos Generator, Big Scenic Nowhere notamment) à la guitare en plus de produire « Lightning In A Bottle ».
Avec un tel casting, PENTAGRAM garde cependant le cap qu’il s’est toujours fixé, à savoir un proto-Doom aux saveurs Heavy Metal des origines qui vient garantir cette intemporalité assez incroyable. Et si le son est fidèle au combo, il n’en demeure pas moins très travaillé, laissant échapper des riffs tranchants et sombres sur un groove démoniaque. Au chant, Bobby Liebling entretient le mythe malgré l’emprise du temps qui se fait parfois sentir. L’ensemble est valeureux, énigmatique et inspiré. Les légendes ne meurent jamais !
Retrouvez l’interview de Tony Reed à l’occasion de la sortie de son album solo, « Funeral Suit » en 2021 :
Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…
– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…
En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».
– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?
C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.
– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?
Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.
– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?
Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.
– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?
On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.
– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?
Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.
– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?
(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.
– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?
Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.
– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?
Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.
– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ?
Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.
– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?
C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !
– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois, et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…
Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.
– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?
On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.
– Et donc, vous devenez un power trio…
Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.
L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.
La créativité des sœurs Lovell est suffisamment rare pour être soulignée. Alors que certains artistes peuvent connaître un moment d’essoufflement, chez LARKIN POE, l’enchaînement des albums semble plutôt leur faire du bien… Une sorte d’épanouissement comme le laisse entendre le titre de l’album, le huitième album des Américaines. De passage à Paris, Rebecca et Megan reviennent sur la conception de « Bloom », leur travail avec Tyler Bryant, cette connexion privilégiée avec leurs fans et, bien sûr, leur Grammy Award pour le ‘meilleur album de Blues contemporain’ l’année dernière…
– Avant de parler de « Bloom », votre nouvel album, j’aimerais vous féliciter pour votre Grammy Award remporté l’an dernier pour « Blood Harmony », et amplement mérité vu sa qualité et son succès. Il donne aussi l’impression d’arriver au bon moment dans votre carrière. Au-delà de la joie que cela procure, est-ce aussi une réflexion que vous vous êtes faite par rapport à votre parcours ?
Rebecca : En fait, c’est très rafraîchissant ! Et c’est assez fou de voir que 2025 marque aussi les 15 ans de LARKIN POE. Au fil des années, nous avons vécu un long et incroyable voyage avec de nombreuses expériences qui ont été très formatrices. On a vraiment eu la chance d’avoir le temps et l’espace pour vraiment déterminer les histoires que nous voulions raconter et cela nous a aussi construit en tant que groupe. C’est vrai que d’avoir tourné aussi intensément à la sortie de « Blood Harmony » nous a appris énormément de choses sur nous-mêmes. Alors, recevoir un Grammy pour cet album est véritablement un honneur. Et par ailleurs, c’est arrivé à un moment génial, car nous étions en pleine écriture de « Bloom », au mois de janvier de l’an dernier. Quand nous sommes allées à Los Angeles et que nous avons remporté ce Grammy, nous sommes juste rentrées chez nous pour terminer l’album. Finalement, je pense qu’il a eu un impact très positif d’un point de vue créatif dans son processus d’écriture.
– Justement, où en étiez-vous de la composition de « Bloom » lorsque vous avez gagné ce Grammy Award ? Et a-t-il changé quelques petites choses par rapport à l’album, voire lui a donné une nouvelle direction avec une perspective différente ?
Rebecca : Je pense que cela nous a donné la confiance de nous dire que nous étions sur le bon chemin. Tu peux parfois te retrouver sur une voie qui peut s’assombrir et tout à coup, tu aperçois cette petite lumière qui te rassure. Ce Grammy nous a donné la conviction que ce que nous faisions allait dans le bon sens.
Megan : Nous créons notre propre musique, nous la produisons nous-mêmes et nous la sortons sur notre propre label. Nous faisons exactement ce que l’on aime, sans essayer d’être influencées par des pressions extérieures. C’est même le contraire, on regarde beaucoup autour de nous pour essayer de trouver ce que nous voulons dire aux gens.
– Vous avez beaucoup tourné pour défendre « Blood Harmony ». Dans ces cas-là, est-ce que vous vous consacrez uniquement à la scène, ou trouvez-vous le temps aussi pour composer ?
Megan : Nous aimons écrire en saison, en quelque sorte. En fait, lorsque nous sommes en tournée, nous classons et répertorons toutes nos expériences. Et parce que nous sommes avant tout un groupe de scène, nous adorons les concerts. C’est ce qui conduit tout notre processus de création, cette idée de jouer et de communier avec les gens. Donc, nous avons pris beaucoup de notes de tous les moments spéciaux lors de la tournée de « Blood Harmony ». Et ensuite, nous avons pu tous les apporter en studio quand nous avons enregistré les chansons de « Bloom ». Et je dois dire que de tous les albums que nous avons faits, j’ai vraiment hâte de présenter celui-ci au public cette année. Nous avons vraiment hâte de revenir et de jouer ces nouvelles chansons.
Rebecca : D’ailleurs, je crois que c’est en France que nous avons le plus de dates dans toute l’Europe. Et cela va être une expérience vraiment cool de se connecter avec les gens à travers ces nouveaux morceaux.
– Si ce nouvel album est toujours aussi accrocheur, l’impression qui domine est que vous semblez plus ‘sérieuses’ dans la composition comme dans votre jeu. Il y a beaucoup d’assurance et de sérénité. Avez-vous le sentiment d’avoir encore franchi un nouveau palier ?
Rebecca : Oh, merci ! Je pense qu’en entrant dans la trentaine, nous avons réussi à définir ce que peut être le succès à nos yeux. C’est aussi dû à toutes les conversations que nous avons pu avoir entre sœurs, sur qui nous sommes en tant qu’individus, tout en réfléchissant sur nos vies intensément. Nous essayons de nous défaire des critiques extérieures ou de n’importe quelle autre pression. Et je pense, en effet, que l’âge que nous avons aujourd’hui se reflète dans les chansons de « Bloom ». C’est vrai que, par rapport à nos autres albums, l’expérience acquise dans la composition et l’enregistrement se ressent plus ici.
Megan : Notre principal engagement en entrant en studio a été de se dire que nous voulions écrire avec le plus d’honnêteté et de vulnérabilité possible. Parfois, on peut être tenté de composer avec le point de vue d’un personnage et cela ne nous ressemble pas forcément, car nous sommes vraiment empathiques et sensibles. Et je pense que c’est aussi ce qu’attendent les gens pour se retrouver dans nos chansons. Ainsi, lorsque l’on se met à écrire et à composer, nous voulons absolument que cela se rapproche le plus du réel.
– « Bloom » dans son ensemble est plus tourné vers le Blues Rock et vous y apportez beaucoup de fraîcheur avec un son plus massif. Il sonne d’ailleurs très live. C’était l’intention de départ ? D’avoir ce côté plus brut et très roots?
Rebecca : En fait, nos albums précédents étaient une sorte de ‘retour à la maison’. Nous avons été élevées dans la musique roots et nous avons joué très jeunes du Bluegrass, de la Country et toute la musique américaine en général. Et le Blues a eu une influence majeure pendant des années, tout au long de notre enfance.
Megan : Nos avons grandi au son du Allman Brothers Band et du Blues du Delta. Puis, nous avons éliminé beaucoup de paramètres autour de tout ça pour ne garder que ce qui représente les véritables aspects de nous-mêmes. Mais nous écoutons tous les genres de musique et nous les accueillons volontiers. Je pense que la plupart d’entre elles ressortent et se font entendre sur « Bloom ». Elles brillent à côté du Blues…
– Cet album est aussi très personnel et parfois même sociétal dans le propos. Et vous avez écrit et composé « Bloom » ensemble. Il semble très fusionnel. C’est le cas ou êtes-vous aussi peut-être à un moment de votre vie où vous vous posez de nouvelles questions ?
Rebecca : Je pense que cela vient sûrement avec l’âge aussi. L’expérience que nous acquérons tous les jours suit son cours et on continue à apprendre. On se construit petit à petit en faisant des erreurs. Et nous en ferons encore, tout en nous connaissant mieux en vieillissant. Je pense qu’aujourd’hui, à la trentaine, nous avons déjà vécu beaucoup de choses. En tant que sœurs, nous avons partagé de la joie et de la tristesse ensemble. Nous avons connu la paix et la lutte. Nos préférences et nos envies aujourd’hui vont vers plus de paix, d’empathie, d’entendement et de joie. Et je pense que nous pouvons écrire dans cette perspective, même en célébrant nos erreurs à travers tout ce que nous vivons. Ces expériences nous connectent profondément. Paradoxalement, nous nous sentons bien dans ce monde de chaos, avec cette information en continue qui ne fait qu’alimenter la peur chez les gens. La musique doit nous inspirer de la joie, du lâcher-prise et célébrer les petits moments de bonheur et toute la beauté de la vie. On le prend comme un grand cadeau pour nous-mêmes et on espère vraiment aussi que nos fans le percevront de la même manière.
– Tout en restant assez Heavy, « Bloom » a toujours cette saveur Southern avec des touches Country, Americana et 70’s. LARKIN POE a-t-il déjà trouvé le juste milieu, cet équilibre qui vous convient et vous caractérise ?
(Rires) Megan : Pour ce disque en tout cas, je pense que « Bloom » représente où nous en sommes et qui nous sommes aujourd’hui. Qui sait ce que l’avenir nous réserve… Nous essayons toujours de faire d’autres choses, donc nous verrons bien. Mais, pour le moment, c’est vrai que cet album représente un bel équilibre entre le Blues, la Country, la Folk et l’Americana… La musique, la musique, la musique !!! (Sourires)
– Et le Rock… !
(Rires) Megan et Rebecca : Oh oui ! Et le Rock, le Rock, le Rock !!! Un sacré paquet de Rock même ! (Rires)
– Rebecca, Tyler Bryant ton époux, est également très impliqué dans l’album et il le coproduit d’ailleurs avec vous. Est-ce que l’évolution musicale sur « Bloom » vient d’une collaboration plus étroite entre vous trois ?
Rebecca : « Bloom » est, je crois, le troisième ou le quatrième album sur lequel nous travaillons avec Tyler. C’est une expérience incroyable de pouvoir garder ça dans la famille et de l’avoir comme partenaire. C’est une ‘Dream Team’ ! Et au-delà de la connexion familiale, nous avons enregistré l’album dans notre studio à la maison. C’est un environnement très sécurisant et créatif pour nous. Et pour être honnête, c’est la meilleure façon pour nous d’écrire et de produire notre musique ensemble. De mon point de vue, Tyler est ma muse et je suis heureuse de pouvoir faire de la musique avec l’amour de ma vie ! C’est d’ailleurs aussi le cas avec Megan, qui m’inspire énormément. Et puis, Tyler a un réel respect pour Megan et moi en tant que groupe. C’est un grand fan de LARKIN POE et il n’a aucun intérêt à tenter de changer ce que nous sommes et ce que nous faisons. Il veut simplement nous soutenir. Je pense que nous faisons du bon travail ensemble, tous les trois, en tant qu’équipe. Je suis particulièrement fière de ce que nous avons co-écrit. « Mockingbird », « Little Bit » et d’autres chansons sont parmi mes préférées sur l’album et cela a quelque chose de très spécial de le faire en famille.
– On pourrait passer tout l’album en revue, car il contient d’excellentes chansons, mais j’aimerais qu’on s’arrête sur « Easy Love », qui est décliné en deux parties. L’avez-vous pensé comme la charnière du disque avec ses deux ambiances très différentes ?
Rebecca : C’est vrai qu’elles ont des atmosphères très différentes. Nous étions un peu réticentes à l’idée d’inclure les deux parties d’« Easy Love » sur l’album, parce que beaucoup de paroles se rejoignent. Mais je pense que c’est une expérience assez cool pour les auditeurs de démarrer le voyage avec la première partie, qui détaille le début d’une relation. La seconde va plus loin dans l’amitié. On a donc ces deux phases représentées dans l’album et cela me va très bien comme ça.
Megan : C’était assez amusant aussi de faire quelque chose de différent et d’inclure finalement les deux chansons sur le disque. C’est également un petit écart dans notre processus habituel de création. En fait, Rebecca et Tyler étaient en train de chanter la première partie et, au fur et à mesure, celle-ci est devenue la seconde. C’est un bel exemple de la façon dont les chansons peuvent se développer, grandir et changer. Elles sont devenues très différentes l’une de l’autre. C’est assez cool pour nous de pouvoir faire ça. La tension n’est pas la même sur les deux parties, alors qu’elles sont en fait une suite. C’est très intéressant à concevoir.
– Entre le travail sur toutes les cordes, guitares et violon, et sur vos voix, il y a énormément de soin porté aux arrangements. Est-ce que vous avez plus osé cette fois-ci, ou est-ce que, plus simplement, vous avez eu plus de temps pour vous investir pleinement ?
Rebecca : C’est une bonne question, car nous étions plus focalisées sur le chant au départ, Megan et moi. On voulait vraiment mettre les voix en avant et nous y avons beaucoup travaillé. On a passé beaucoup de temps à jouer les morceaux en acoustique avant d’entrer en studio. Nous étions concentrées sur les riffs, les ponts et la dynamique de chaque chanson. C’était important pour nous qu’elles soient déjà très fortes avant d’être produites. Cela nous a donné, à Megan et moi, l’occasion de nous assoir avec juste une guitare et un dobro pour les jouer encore et encore. Il fallait qu’elles soient vraiment terminées, complètement écrites avant d’être prêtes à être enregistrées. A mon avis, c’était une bonne idée d’avoir passé autant de temps en pré-production pour les développer.
Megan : Je pense que nous sommes surtout restées focalisées sur les structures des chansons et notamment leurs rythmes, avant même les voix et les arrangements. On voulait aussi limiter le temps passé à chanter en studio, afin de garder le plus d’authenticité et éviter de multiplier le nombre de prises pour rester le plus sincère possible. On ne souhaitait pas trop les interpréter pour essayer d’atteindre une certaine perfection, mais plutôt conserver l’aspect sincère de chacune d’elles. C’était très bien comme ça et c’est aussi une façon de donner plus d’importance au moment précis où l’on chante.
– Puisque vous êtes en France où l’on vous aime beaucoup, est-ce que l’ingénieur du son avec qui vous avez longtemps travaillé, David Benjamin, sera de cette nouvelle aventure et de votre prochaine tournée cet automne ?
Rebecca : Nous sommes tellement honorées d’avoir pu travailler avec lui. Combien d’albums avons-nous fait ensemble ? Trois, peut-être même plus si on inclue les EPs. Il est devenu au fil du temps un partenaire très important pour nous. A chaque fois que nous jouons à Paris, c’est un peu spécial, car il vit ici. S’il vient, il participera au concert, car il a laissé une empreinte importante sur notre musique. Et nous le remercions sincèrement pour toute l’énergie créative qu’il a apporté, car il a su développer notre son sur tous les albums que nous avons fait ensemble. Nous aimons David comme un frère. C’est une connexion familiale de plus avec ce beau pays qu’est la France et c’est fabuleux ! (Sourires)
– Une dernière petite question avant de se quitter. Vous qui avez de si jolis sourires, pourquoi êtes-vous toujours si sérieuses sur les photos et vos pochettes d’albums?
(Grands rires) Rebecca et Megan : On ne sait pas ! Quand on est devant des photographes, c’est toujours bizarre et parfois, il faut avoir un visage courageux et valeureux ! Mais on y travaille ! (Rires) Nous sommes des personnes très souriantes au quotidien et nous aimons rire et sourire ! Nous n’aimons tout simplement pas sourire aux photographes ! (Rires) Ok, alors regarde bien nos prochaines pochettes d’album ! (Rires)
« Bloom » est disponible sur le label du groupe, Tricki-Woo Records, distribué par Wagram Music en France.
La pandémie a eu l’effet de mettre WOLVESPIRIT sur les nerfs. Et la formation germanique en a profité pour se défouler, lâcher son ressenti et mettre les choses au clair sur sa nouvelle production. En effet, « Bullshit » traite de désinformation, de réalités parallèles et de son désir de s’en extraire. Musclé et fracassant, ces nouveaux titres sentent la poudre et, même s’ils sont toujours mélodiques, ils font l’effet d’une belle bagarre en règle. Une vraie tornade Hard, Metal et Stoner Rock pour le moins ravageur.
WOLVESPIRIT
« Bullshit »
(Spirit Stone Records)
Avec un tel titre, on pouvait difficilement faire plus explicite et c’est justement tout ce qui fait le charme du quintet allemand, qui ne manque jamais une occasion de se faire remarquer. Pour la petite histoire, WOLVESPIRIT a vu le jour en 2009 du côté de la Bavière sous l’impulsion des frères Eberlein, Richard et Oliver, rejoints par la chanteuse américaine Deborah ‘Debbie’ Craft. Basé sur un Hard Rock robuste mâtiné de Classic Rock et surtout de Stoner cette fois-ci, l’ensemble est explosif.
Il faut aussi rappeler que le groupe a fondé son propre label après avoir claqué la porte de Sleaszy Rider Records un an tout juste après la sortie de son premier effort. Il était simplement mécontent du travail fourni. Il y a donc du caractère chez WOLVESPIRIT et également dans sa musique. Et « Bullshit » va dans ce sens et suit le chemin tracé depuis le début, c’est-à-dire axé sur des riffs costauds, une rythmique en béton et surtout une frontwoman à la voix puissante et hyper-Rock’n’Roll.
Musicalement, le combo sort l’artillerie lourde dès « Titanium », qui ouvre les hostilités, suivi de « Robots » et du morceau-titre. L’entrée en matière est massive et la chanteuse donne de la voix de manière presque frénétique. Ce nouvel opus est probablement le plus ambitieux de WOLVESPIRIT qui part chasser sur des terres Stoner Rock, sans négliger ses racines Hard Rock et assez classiques (« Fire », « Starborn », « Screaming », « 666 »). Un brûlot sauvage et flamboyant mené de main de maître.
Révolutionnaire et exalté, BUMBLEFOOT fait partie d’une short-list de six-cordistes aussi novateurs qu’imprévisibles. Techniquement hyper-créatif, l’homme à la fretless double-manche ne cesse de se réinventer et d’aller vers l’inconnu pour libérer une musique qui n’appartient qu’à lui et qui semble si évidente à l’écoute. Sur « Bumblefoot… Returns! », il multiplie les surprises avec une incroyable fluidité dans des atmosphères changeantes et toujours très maîtrisées. Ces 14 nouveaux morceaux sont d’une audace totalement débridée et jubilatoire.
BUMBLEFOOT
« Bumblefoot… Returns! »
(Bumblefoot Music LLC)
Iconoclaste, fantasque et surtout virtuose, Ron Thal est un musicien étonnant, qui mène depuis plus de trois décennies une carrière qui lui ressemble finalement beaucoup. Après des débuts sous son propre nom, il adopte BUMBLEFOOT à la fin des 90’s et il se distingue aussitôt par son jeu hors-norme. En 2006, il intègre G N’R comme troisième guitariste, forme ensuite Act Of Anarchy, Sons Of Apollo et plus récemment le super-groupe Whom Gods Destroy. Et pourtant, son champ d’action est bien plus large et varié qu’il n’y paraît.
Du Breton Pat O’May en passant par Asia, il multiplie les collaborations en tant que producteur, compositeur et même enseignant, tout en prenant soin de ne jamais rester dans sa zone de confort. D’ailleurs, en a-t-il vraiment une ? BUMBLEFOOT est un technicien brillant doté d’une culture musicale complète et érudite. Sans virer à la démonstration, « Bumblefoot… Returns! » est un modèle du genre rassemblant à peu près tout ce qu’il peut faire avec son étonnant instrument, conçu sur mesure pour dépasser ses propres limites.
Cette nouvelle réalisation donne suite à « The Adventures Of Bumblefoot » sorti il y a tout juste 30 ans et qui présente l’Américain dans un registre entièrement instrumental, où il passe en revue tous les styles qui le font vibrer. BUMBLEFOOT transcende les genres (Metal, Rock, Blues, Acid Honky-Tonk, …), soigne les mélodies et présente ici quelques invités de choix comme Steve Vai, Brian May, Guthrie Govan et Ben Karas. Et surtout, complexe et pointu, l’album ne s’adresse pas qu’aux puristes. Une prouesse et une vraie gourmandise!
En 1987, en sortant l’album « Surfing With The Alien », JOE SATRIANI allait bouleverser le petit monde de la guitare et du Rock avec un disque entièrement instrumental et pourtant si fédérateur. Non pas qu’il fut le premier, ni même le plus technique, mais c’est ce feeling si particulier qu’il allait marquer plusieurs générations de musiciens et d’amoureux de musique, plus simplement. Depuis il n’a cessé d’expérimenter, d’innover et de se réinventer, tant en proposant des albums toujours accessibles malgré leur technicité. Aujourd’hui, c’est avec le G3, qu’il a fondé en 1996, qu’on le retrouve avec le line-up originel aux côtés de Steve Vai et Eric Johnson sur ce génial « Reunion Live ». Entretien avec le grand ‘Satch’, qui revient sur ce projet d’amoureux de la six-cordes.
– L’an dernier, c’était la première fois en 28 ans que G3 se produisait dans sa formation originelle avec Steve Vai et Eric Johnson. J’imagine qu’il devait y avoir beaucoup d’émotion et d’excitation pour vous trois. Est-ce que c’est cette magie retrouvée qui vous a poussé à enregistrer ce concert à l’Orpheum Theatre de Los Angeles ?
Oh, tu sais, l’histoire derrière tout ça est intéressante. Tout a commencé avec mon fils. Il avait l’idée de faire un film pour documenter sa première fois avec nous alors qu’il n’avait que quatre ans. C’était en octobre 1996, le tout premier ‘G3 Tour’. Et quelques jours plus tard, il s’est retrouvé avec nous dans le bus et ensuite il les a tous fait ! Il a donc voulu faire un film là-dessus et il a un peu utilisé G3 comme une sorte de véhicule pour expliquer son lien avec sa grande famille de guitaristes. Son père a un métier un peu bizarre et il connaissait aussi Steve Vai, Robert Fripp (le guitariste et fondateur du groupe Rock Progressif King Crimson – NDR) et tous ces grands musiciens depuis des années. Et même s’il est un bon guitariste lui-même, il n’a jamais voulu devenir professionnel. Son truc, ce sont les films. L’idée est donc venue sur la dernière tournée avec Steve et Eric et il ne voulait pas seulement filmer le concert. Le point culminant a été lorsqu’il m’a rejoint sur scène pour jouer « Summer Song ». Cela a vraiment été un moment magnifique pour nous nous deux, père et fils, de pouvoir la jouer tous les deux. Tout sera dans le film qu’il est actuellement en train de finaliser.
Et à la fin de cette tournée un peu particulière, earMusic, notre maison-de-disques, s’est montrée très intéressée pour sortir l’enregistrement d’un album. C’est donc à ce moment-là que les choses se sont faites et Steve, Eric et moi étions vraiment ravis. Tu sais, on ne reçoit plus beaucoup d’offres pour réaliser un album live. Mais on savait que le travail serait remarquable avec quatre vinyles et deux CD. C’est un projet magnifique, car le package est tellement beau et le set l’est tout aussi. Et puis, cela a été un peu comme une tornade, comme quelque chose de très excitant, car tout s’est réalisé très rapidement. Je pense que cela a ajouté encore plus d’énergie au projet, car tout a été très spécial pour nous.
– Depuis 1996, G3 a connu plusieurs lines-up et accueilli beaucoup de virtuoses de la guitare. J’aimerais savoir comment tu as choisi tous ces musiciens au fil des années ? D’abord parce que ce sont des amis, ou pour le simple plaisir de partager une fois la scène avec eux ?
C’est un processus vraiment intéressant. En fait, j’arrive avec des idées, uniquement basées sur la musique. Et ensuite, je me dis que ce sera génial d’avoir des gens vraiment différents les uns des autres, comme c’est le cas avec Steve et Eric. Je les ai d’abord contactés, parce que sont des gars qui font vraiment des choses uniques et qui sont en même temps tellement opposés dans leur jeu. Et je sais que la magie peut opérer. Ca ne sert à rien de mettre des gens qui font la même chose, comme on le voit tout le temps. C’est cette différence qui provoque et amène toute cette énergie.
Maintenant, voici le partie la plus compliquée : en tant que leader de G3, c’est aussi mon travail de vendre l’idée à des promoteurs. Et ils doivent aussi apprécier les deux autres personnes que j’ai invitées. Alors, parfois, il peut y avoir des problèmes liés à des points de vue artistiques différents, notamment concernant ensuite la vente des billets, car ils peuvent ne pas y croire. Et c’est quelque chose que je dois gérer moi-même. D’habitude, un projet de G3 se met en place au bout d’un an, en raison de ce que veulent les promoteurs ou les artistes qui veulent, ou pas, venir jouer. Tu vois ? Car certains ne veulent pas jouer ensemble ! (Rires) Et puis, je recherche toujours une sorte de défi musical. Mais peu de gens pensent comme moi. Je veux aussi être aux côtés de guitaristes qui jouent mieux que moi. Certains veulent aussi être perçus comme les meilleurs et être les plus brillants chaque soir. Alors, je me demande toujours quel serait le meilleur show et si le public appréciera. Mais c’est une tension positive entre trois guitaristes, car on s’amuse vraiment beaucoup ! C’est un sacré challenge pour moi. Et j’apprends énormément. Beaucoup de gens ne l’imaginent pas, mais lorsque l’on sort d’un concert, on discute beaucoup de ce que l’autre a joué et à quel point c’était cool ! On est vraiment des gosses excités par la guitare ! (Rires)
– Je ne vais pas te demander quel a été le meilleur G3, j’ai ma petite idée, mais est-ce que tu penses que chaque formation correspond parfaitement à une époque précise où tous ces musiciens étaient alors à leur sommet ?
Ah oui ? (Rires) En fait, je pense que chaque G3 que nous avons fait était exceptionnel. A l’exception d’un seul… Malheureusement, j’avais énormément d’espoir pour celui que nous avions fait en 1998, je crois, avec Uli Jon Roth que je trouve brillant. On n’en d’ailleurs pas fait d’autres. C’était pourtant incroyable, car c’est quelqu’un de formidable. Et il y avait Michael Schenker, qui est un guitariste génial dont j’ai beaucoup appris et que je faisais d’ailleurs apprendre aussi à mes élèves comme Steve Vai et Alex Klonick. Ils l’adoraient ! Seulement tourner avec lui a été très difficile, ce n’était pas son truc, en fait. Ce n’était pas le bon espace pour lui. Ce que je n’ai pas oublié c’est qu’il y avait énormément de tension, pour ne pas dire plus, entre lui et Uli Jon Roth. On était toujours sur la brèche. Je pensais que tout ça était terminé entre eux, par rapport à Scorpions, mais en fait, les problèmes sont revenus. La tournée a été très compliquée et je me sentais mal vis-à-vis des fans, qui n’ont pas pu voir les mêmes amitiés et les émulations des autres G3. Mais bon, on a joué tous les concerts. Par chance, Patrick Rondat, qui est un excellent guitariste français, que je connais bien, nous a sauvés sur la date française. Et là, ça été génial… sans Michael Schenker ! D’ailleurs, la dernière fois que nous sommes venus en France, Patrick, nous a rejoint sur scène et a joué avec nous. C’est un très bon ami et les connexions entre nous ont été fabuleuses.
– Revenons à ce « Reunion Live », qui est un peu particulier par rapport aux autres, car il contient trois sets complets de chacun de vous avant une jam finale. C’était important pour toi que vous ayez tous un espace de liberté conséquent ?
Oui, je pense la clef de la création de G3 est de donner à chaque musicien suffisamment de temps pour qu’ils puissent tous apporter leur lot de magie au public. Au départ, j’avais imaginé des plans avec huit/douze guitaristes. On s’est vite rendu compte qu’il fallait qu’ils aient vraiment le temps nécessaire pour s’exprimer. Quand on s’est retrouvé à trois, on s’est aperçu que tout le monde pouvait vraiment jouer pendant une heure ses propres morceaux, ce qui les a ravis, car ils avaient le temps de délivrer leur message. Et c’est ça qui est vraiment intéressant. Cela leur donnait vraiment la possibilité de faire leur truc pleinement. Et on ne s’implique pas non plus dans les autres sets. La seule chose que nous faisons, c’est cette jam où nous reprenons des chansons que tout le monde connait et sur lesquelles nous pouvons aussi apporter chacun notre touche, car ce sont des titres qui s’y prêtent vraiment. Et on peut laisser parler notre folie ! Et puis, on peut aussi y inviter n’importe quel autre musicien. On décide de ça environ deux mois avant. Par exemple, quand on reprend Jimi Hendrix, tout le monde connait et c’est facile d’y inviter deux ou trois guitaristes et c’est d’ailleurs ce qu’on a fait sur les deux derniers concerts à l’Orpheum Theater à Los Angeles. On avait sept invités ! Il y avait notamment Brendan Small, Jason Richardson et Nina Strauss, et c’était super excitant ! Et Phil X est aussi venu, on s’est bien amusé. Ce sont les chansons qui permettent ça.
– D’ailleurs, comment as-tu composé ton set ? Est-il tout de même différent des derniers concerts que tu as donnés en solo ?
En fait, c’est plus court et il faut créer une vague d’intensité et donner un certain rythme aussi. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez amusant à faire et de voir si ça va prendre dans le public. Et puis, chaque personne se met sa propre pression. Steve doit ouvrir chaque concert et c’est quelque chose d’unique d’être le premier qu’on va voir sur scène. Ensuite, Eric doit le suivre et il peut y avoir quelque chose d’un peu effrayant. Il doit s’occuper de lui-même avec son jeu tellement unique et si différent. Et ensuite, c’est à moi de suivre ces deux excellents guitaristes (Rires). On se regarde tous jouer les uns les autres et on se demande à chaque fois comment on peut compléter les parties des autres, tout en apportant quelque chose de nouveau. En fin de compte, cela m’a aidé à trouver des éléments importants, comme la chanson « Sahara », qui possède une atmosphère très particulière et un peu étrange. J’ai aussi voulu faire « Big Dab Moon » où je chante, je joue de l’harmonica et de la slide guitare. C’est différent de d’habitude. Et puis, j’ai aussi désiré ce moment avec mon fils sur « Summer Song », qui est probablement l’une de mes chansons les plus connues. Il y a un peu de tout ça, y compris une belle ballade comme « Always With Me, Always With You » avec ensuite des trucs plus Rock très 80’s. C’est super intéressant. Enfin, on a aussi joué « Rasphberry Jam », sur laquelle on s’est vraiment amusé ! (Rires)
– Et puis, il y a les reprises d’Eric Clapton, de Jimi Hendrix et de Steppenwolf. Les avez-vous choisi ensemble et sur quels critères ? Et d’ailleurs, est-ce que trois guitaristes comme vous ont vraiment besoin de les répéter assidûment lors des préparations ?
Oui !!! (Rires) Je vais parler pour moi-même. J’aime répéter, car c’est toujours une exploration et j’aime ça. Quand tu es jeune et que tu commences, tu t’entraînes pour la mémorisation, pour développer la coordination et les bonnes techniques. Et cela dure même toute la vie. Mais après, peut-être quatre ou cinq ans plus tard, il faut espérer que tu maîtrises tout ça, les notes, les accords… Finalement, il faut que ça permette à tout ce travail de te donner ensuite toute la liberté d’explorer la musique en général. Mentalement, c’est la chose la plus difficile. Les limites que nous avons posées dans notre esprit vont répéter ce que nous pourrons, ou pas, jouer ensuite. Donc, répéter pour un musicien expérimenté permet d’aller de l’avant et de détruire tout ce qui est préconçu et qui pose des barrières. On choisit de jouer « Spanish Castle Magic » et « Crossroads », car ce sont des chansons que tout le monde connaît. Alors, comment les jouer différemment ? Doit-on faire ce que tout le monde attend, ou au contraire laisser nos sentiments personnels prendre le dessus ? Et c’est là que la pratique aide vraiment, parce qu’on détruit nos propres restrictions et on laisse parler notre feeling ! (Rires) Tu sais, à chaque concert, on joue tous les trois quelque chose de différent et c’est à moment-là qu’on voit les yeux des gens se tourner. Et que ce soit, Steve, Eric ou moi, c’est toujours un grand moment de plaisir, car nous nous lançons dans une exploration inédite pour nous. Et c’est vraiment ce qu’on adore faire !
– Ce qu’il y a aussi d’étonnant chez G3, c’est qu’au-delà de jouer ensemble, vous donnez l’impression aussi de le faire les uns pour les autres. C’est cette forte amitié qui vous lie qui efface si facilement les egos ? Ou c’est une question que vous ne vous posez même pas ?
Oh oui ! Ce n’est pas seulement une question d’amitié, c’est surtout l’immense respect que nous avons les uns pour les autres ! Cela comprend notre travail, notre créativité et l’originalité que nous avons chacun choisi de suivre. C’est aussi difficile de rester très vigilant et authentique vis-à-vis de notre rêve et de notre vision musicale. C’est compliqué, car nous vivons notre seule et unique vie sur cette seule planète et cette vie est difficile… C’est quelque chose d’assez fou ! Et si tu peux rester concentrer et continuer à créer ton propre monde, c’est assez remarquable. C’est pour ça que le respect que nous avons les uns pour les autres est extrêmement important. Jouer pour l’autre est aussi la raison pour laquelle nous sommes là. Etre présent pour tout le monde, peu importe la situation qui peut se produire sur scène. Même quand nous sommes moins bons ! On est là pour se rattraper aussi ! (Rires)
– Il y a une question que je me pose depuis des années. Tu n’as jamais envisagé de sortir un album studio de compositions originales de G3 ? C’est essentiellement une question d’emploi du temps, ou le groupe a-t-il une vocation uniquement live ?
C’est quelque chose d’assez inconcevable pour trois guitaristes comme nous de trouver du temps et de se retrouver en studio pour composer et enregistrer un album. Même si quelqu’un venait et nous dise qu’il nous donne assez d’argent pour faire le disque qu’on voudrait. L’une des principales raison est que Steve, Eric et moi avons des standards super élevés. Et puis, nous sommes vraiment entièrement dédiés à notre propre musique et ce que l’on peut faire en solo. Je sais que d’autres pourraient le faire, car ils sont à l’aise à ça, mais nous ne le ferons jamais. Nous prenons la musique de chacun très au sérieux. Il faudrait que nous faisions des enregistrements et des compositions dont nous soyons sûrs que c’est ce que nous voulons et il faudrait aussi que cela s’adapte à notre trajectoire et à nos carrières solos. Pas juste pour avoir quelque chose à vendre. Tu vois ce que je veux dire ? Cela dit, trouver le temps et abandonner le travail que nous faisons pour nous y consacrer ne s’est jamais présenté. Mais on ne le fera jamais, car nous prenons tout ça vraiment au sérieux.
Cela dit, c’est vrai que Steve et moi travaillons ensemble sur un album studio et c’est la première fois que nous le faisons. Et nous allons le faire du mieux possible ! (Rires) Nous avons terminé trois chansons et il y en a une vingtaine sur lesquelles nous travaillons. Nous allons essayer de tout terminer pour le mois de mars. Et puis, nous avons aussi quelques obstacles, car nous travaillons avec d’autres groupes et maintenant, il y a cette catastrophe à Los Angeles… Je n’ai d’ailleurs pas les mots, car cela va nous éloigner aussi du projet. Mais nous y travaillons ! Mais imaginer que nous arrêtions tous les trois ce que nous faisons pour nous consacrer à un album n’est pas envisageable pour le moment. Dans un monde idéal, j’adorerai, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal ! (Rires)
– Lors d’un concert à Paris il y a des années, j’avais été très surpris de voir le public chanter les mélodies de tes morceaux, alors qu’ils sont instrumentaux. Est-ce aussi quelque chose qui t’étonne et te touche aussi ?
Oui et j’adore ça, c’est vraiment incroyable ! C’est une expérience fantastique et c’est le rêve de tout artiste. On m’a toujours demandé si je voulais faire partie d’un groupe de Rock et c’est amusant, car j’ai déjà vécu cette expérience. Mais il n’y a rien de similaire que de travailler dans le monde entier et de jouer devant des milliers de gens qui ont mémorisé la mélodie et qui la chantent ! Que ce soit à Paris, à New-York, à Numbai en Inde… Il se passe la même chose partout où nous jouons. Et c’est la plus belle chose pour moi de vivre de pareils moments.
– J’aimerais aussi qu’on parle de SATCH/VAI que tu as monté avec Steve. On a pu découvrir la première partie de « The Sea Of Emotion » l’an dernier. Quand est-ce que vous allez sortir la suite et y aura-t-il un album complet dans la foulée ?
Oui, l’album est en cours. Les trois parties de « The Sea Of Emotion » sont terminées et nous avons déjà présenté la première. Cet album va être fou ! Je ne sais pas encore quelle chanson sera le prochain single. Ce sera d’ailleurs peut-être avec un chanteur, mais je ne peux pas t’en dire plus pour le moment. C’est encore un peu tôt pour en parler, mais ça arrive ! (Sourires)
– Vous serez aussi en tournée cet été en Europe tous les deux pour le « Surfing With The Hydra Tour » avec un passage par la France. De quoi seront composés les concerts de ce ‘G2’ ? Avec de tels répertoires personnels, comment avez-vous bâti votre set-list ?
Oui, c’est une sorte de ‘G2’ ! (Rires) Nous n’avons pas encore défini la setlist, c’est un peu prématuré ! (Rires) Nous avons créé ce groupe et Steve et moi serons sur scène ensemble. Nous jouerons ses chansons, les miennes et les nouvelles de Satch/Vai. Nous travaillons vraiment dessus et la tournée est presque totalement bookée. Je sais aussi que quelques dates ont été ajoutées en Europe de l’Est. Et nous avons le groupe au complet, c’est fait. Il nous reste à trouver un bus de tournée, réserver les hôtels et les vols ! (Rires) Notre principale préoccupation aujourd’hui, et c’est ce sur quoi nous travaillons, est de finir l’album. Je pense que nous ferons les premiers concerts en mars.
– Pour conclure et justement à propos d’Hydra, que penses-tu de cette nouvelle, incroyable et presque folle guitare de Steve, et t’a-t-il laissé l’essayer ?
Tu sais quoi ? Je suis resté autour de cette ‘chose’, cette ‘Hydra’, pendant plusieurs semaines, même quelques mois ! (Rires) Et puis, j’ai vu Steve en jouer… Et je n’arrive toujours pas à croire ce qu’il fait avec ! C’est tellement étrange pour moi d’imaginer écrire une chanson avec cet instrument qui a trois manches, des cordes différentes, etc… mais c’est tellement Steve Vai ! Elle lui ressemble ! C’est assez marrant pour moi, car je me souviens d’un Steve, qui avait 12 ans et qui venait à la maison prendre des cours ! (Rires) J’ai toujours su que c’était un génie. Je le vois sur scène, je le vois jouer et c’est vraiment quelque chose. Mais pour te répondre, je n’ai jamais voulu toucher cette guitare si spéciale. Si je l’avais fait, je l’aurais peut-être gardé ! (Rires) C’est quelque chose de spécial pour Steve, quelque chose qui lui est propre et qui représente aussi beaucoup d’espoir pour son jeu. Alors, je le laisse faire ! (Rires)
– Et toi personnellement, tu n’as jamais été tenté de jouer sur une guitare à double-manche, voire plus ?
Non, en fait, j’adore les guitares classiques avec six cordes et les basses avec quatre ou cinq. Et je suis toujours à la recherche d’une nouvelle… mais avec un seul manche ! (Rires) D’ailleurs avec cette ‘Hydra’, Steve devra la mettre sur un stand pour jouer, car il n’arrivera pas à la porter sur un concert ! (Rires) J’ai fait de rares expériences avec des guitares un peu curieuses à double-manche et autres avec Chickenfoot et il faut souvent les poser pour en jouer car, quand tu commences, ça peut durer des heures ! (Rires)
Le nouvel et double-album de G3 sera disponible chez earMUSIC dans quelques jours.
JOE SATRIANI et STEVE VAI défendront leur nouveau projet, ‘Satch/Vai’, en France avec un concert au ‘Hellfest’ à Clisson le 21 juin, le lendemain au Palais des Congrès de Paris, puis au Festival ‘Guitare en Scène’ à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) le 18 juillet.
Photos : Max Crace (2, 7) et Jen Rosenstein (3, 5).
La formation de Besançon n’élude pas la violence sur son premier album, mais elle le fait avec beaucoup de finesse à travers son post-Metal, et en fait même un terrain de jeu tourmenté et souvent aérien. Très organique dans le son, HØLLS avance sur un line-up costaud : basse, batterie, deux guitares et une frontwoman habitée par des textes forts et sensibles. Avec « Ill », le combo explore les consciences et dépeint une époque trouble et incertaine avec beaucoup de conviction et d’aplomb. Le début d’une belle aventure.
HØLLS
« Ill »
(Independant)
Avec tout juste deux ans d’existence, HØLLS se présente avec un premier opus plutôt audacieux. Sombre et jouant sur un clair-obscur bien maîtrisé, le quintet nous propulse dans un post-Metal aux multiples facettes, qui nous parcourt de sensibilité Screamo et même Sludge, dès lors que sa rythmique accélère la cadence. A la tête du combo, on retrouve la chanteuse Sandra Chatelain dont la palette vocale navigue entre chant clair et saturé, ce qui libère véritablement l’empreinte musicale des Francs-Comtois, dont l’originalité est palpable et souvent insaisissable.
Car, si ce Metal tout en nuances passe d’atmosphères très progressives à des coups de massue explosifs, c’est bel et bien la frontwoman qui donne le ton et sert de marqueur à un registre chaloupé, véloce et mélodique. Cela dit, HØLLS prend le soin de ne pas se perdre, et nous avec, dans ces méandres noirs et mélancoliques dans lesquels il se meut avec une fluidité autant musicale que vocale. Les thèmes abordés ici semblent coller à cette génération, qui raconte sans far de légitimes inquiétudes sur la santé mentale, qui se détériore à travers toute une société.
Entre colère et détresse, il émane beaucoup de force des six morceaux, qui s’enchaînent après une intro délicate. Et comme pour mieux porter son propos, HØLLS prend le soin d’éviter tout formatage. Sur « Ill », les titres sont d’une longueur qui prend justement le temps d’installer des ambiances travaillées, souvent progressives, qui ne manquent pas de nous emporter et où détresse et souffrance côtoient un espoir souvent caché, mais bien réel. Le groupe affirme une identité solide que l’on retrouve sur des compositions bien structurées et envoûtantes (« Fall Into Decay », « Thorns », « Upsetters », « EndlessNight »).
Chaque nouvelle réalisation de WARDRUNA, et c’est la sixième, paraît toujours plus fascinante que la précédente. Quatre ans après « Kvitravn », le collectif articulé autour de Selvik et de Hella, grands artisans de cette quête mémorielle artistique, s’ouvre encore de nouvelles perspectives grâce à des rituels et des récits mythologiques saisissants et d’une rare authenticité. Plus que jamais, les Européens sont incontournables et surtout inégalables avec ce magnifique « Birna ».
WARDRUNA
« Birna »
(Columbia/Sony Music)
Celles et ceux qui connaissent, ou vivent, en écoutant de la musique traditionnelle, d’où qu’elle vienne, savent l’impact et l’effet souvent viscéral qu’elle produit. Pour les autres, il peut y avoir un côté magique, surnaturel et transcendant qui peut surprendre et séduire aussi. Et c’est vrai qu’Einar Selvik, ex-Gorgoroth, est un maître en matière de transmission et de conservation d’une culture ancestrale qu’il parvient aussi à rendre très moderne dans son approche. WARDRUNA représente par conséquent la vie qui continue.
Souvent assimilée simplement à de la néo-Folk/Ambient, la musique des Norvégiens va au-delà en ce sens qu’elle n’a rien d’expérimentale. A l’instar d’un ‘scalde’, le poète scandinave, le leader du groupe s’inspire autant de sons de la nature que d’instruments traditionnels à qui il a d’ailleurs souvent lui-même redonné vie. Et depuis ses débuts, l’objectif de WARDRUNA est de proposer une reconnexion à la Terre et ce qui lui appartient. Et sur « Birna », c’est l’ours qui est le centre du projet.
Animal emblématique de la culture nordique, il est donc ici le sujet du disque, auquel il donne d’ailleurs son titre en vieux norrois. Toujours aussi introspectifs, les nouveaux morceaux traitent autant des forces que de la vulnérabilité de l’ours et WARDRUNA sait toujours aussi bien se faire hypnotique (« Ljos Til Jord »), intense (« Hertan », « Birna »,) et bien sûr Pagan et poétique (« Tretale », « Hibjørnen »). Et entre la voix rauque et profonde de Selvik et la dimension céleste de celle de Linda-Fay Hella, le voyage se fait instantanément.
De l’autre côté du Rhin, BONFIRE retrouve sa vigueur et sa créativité d’antan. Après quelques problèmes de santé, son leader Hans Ziller renoue avec l’inspiration en arborant un ardent Hard Rock très Heavy. Hyper-affûtés, les cinq musiciens créent la sensation grâce à une intensité constante et s’autorisent même une bonne reprise du « Rock’n’Roll Survivors » de leur précédent disque avec panache et dans des circonstances appropriées. « High Ground » est solide, vif et massif.
BONFIRE
« Higher Ground »
(Frontiers Music)
Depuis plus de quatre décennies, BONFIRE est une institution du Hard Rock et du Heavy Metal allemand aux côtés de Scorpions ert Accept notamment. Même s’il n’a pas connu autant de succès et la même reconnaissance que ses compatriotes, il n’en demeure pas moins un groupe incontournable de la scène germanique et européenne. Pour son 18ème album studio, le quintet fait son arrivée chez Frontiers Music en livrant l’une de ses réalisations les plus enthousiasmantes avec ce virulent « Higher Ground ».
Toujours guidé par son guitariste et compositeur Hans Ziller, BONFIRE donne une suite musclée à « Fistful Of Fire », qui fut comme un nouveau départ il y a cinq ans. Aux côtés de Dyan Mair (chant), Frank Pané (guitare), Ronnie Parkes (basse) et Fabio Alessandrini (batterie), le six-cordiste ouvre la voie et avec un tel line-up, la machine est bien huilée. Dans un Hard’n Heavy qui tire même sur le Power Metal, le combo ose bouleverser ses vieilles habitudes et s’il se fait souvent sombre, il reste captivant.
C’est vrai que le BONFIRE des années 80, sa période faste, est à mille lieux de ce que propose « Higher Ground ». Hans Ziller envoie des riffs racés et fracassants et son entente avec Frank Pané est étincelante, tout comme la rythmique très resserrée qui avance sur un groove impressionnant (« I Will Rise », « Lost All Control », « I Died Tonight », « Fallin’ » et le morceau-titre). Agressif et très Heavy, cette nouvelle réalisation fait plaisir à entendre et remet aussi la formation au centre de l’échiquier. Costaud et intense.
La confiance affichée sur ce nouvel opus de LARKIN POE fait plaisir à entendre ! Déterminées et sensibles, les Américaines s’affirment avec force, que ce soit dans des morceaux très, très appuyés ou des petites douceurs plus délicates et très sudistes. La chaleur du son, la pertinence du songwriting et l’interprétation de chaque membre du groupe vient confirmer, si c’était nécessaire, que le duo familial est là pour durer et l’instantanéité de son jeu est plus éclatante que jamais. « Bloom » ne triche pas et dispatche des saveurs live irrésistibles. On en redemande.
LARKIN POE
« Bloom »
(Tricki-Woo Records/Wagram Music)
Tout juste auréolées d’un Grammy Award l’an dernier pour leur album « Blood Harmony », les sœurs Lovell font déjà leur retour avec un septième album, qui se veut plus mature que son prédécesseur. Il y a une tonalité plus grave sur ce « Bloom », ce qui n’en fait pas pour autant un disque sombre ou triste. C’est surtout dans le jeu que ça se sent, comme si LARKIN POE jouait avec plus de sérieux, laissant de côté (du moins en partie) les envolées de Megan et sa lap-steel pour un Blues Rock plus carré et peut-être un peu moins pétillant, mais plus élaboré et engagé, et avec aussi une certaine nostalgie.
Toujours magistralement accompagné par Tarka Layman à la basse, Caleb Crosby à la batterie, Michael Webb à l’orgue, Eleonore Denig au violon et Tyler Bryant à la guitare rythmique, à la basse et qui co-produit également « Bloom », Rebecca et Megan livrent probablement l’une des réalisations de LARKIN POE les plus abouties. Très Rock et brut, l’énergie très Southern se propage à une vitesse folle dès « Mockingbird » et se diffuse sur l’ensemble des 11 chansons. Les riffs sont toujours aussi accrocheurs, les voix entraînantes et l’authenticité plus présente que jamais.
Leurs influences Country et 70’s sont cette fois plus manifestes aussi, comme si les deux musiciennes avaient le désir de revenir à leur tendre enfance bercée par le Bluegrass et le soleil de leur Georgie natale. « Easy Love », déclinée en deux partie, semble la chanson charnière de l’album, qui éblouit ensuite grâce à « Bluephonia » et « If God is A Woman », les deux morceaux incontournables et emblématiques de « Bloom ». LARKIN POE dévoile un potentiel qu’on soupçonnait déjà, bien sûr, mais qui prend ici une nouvelle dimension (« Pearls », « You Are the River », « Bloom Again », « Nowhere Fast »). Addictif !