Catégories
Blues International Southern Blues

Devon Allman : son & brother [Interview]

C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.

– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?

Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.

– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?

J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)

– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?

Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.

– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?

Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.

– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?

Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.

– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?

Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.

– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?

Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)

– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?

…Reste connecté ! (Sourires) – (J’aurais essayé ! – NDR)

– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?

C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !

L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.

Photo : Emma Delevante (2)

Catégories
Americana Blues International

Elles Bailey : un groove transatlantique [Interview]

Si l’univers d’ELLES BAILEY est constitué d’un Americana très roots aux sonorités et au groove bluesy et gospel, ne vous y trompez, la chanteuse, musicienne et compositrice nous vient de Bristol en Angleterre, d’où elle élabore depuis quatre albums maintenant une superbe discographie. Aussi émouvante que terriblement endiablée, elle joue de toutes les sensations, surfant sur toutes les émotions pour en extraire un registre authentique, touchant et positif. Avec « Beneath The Neon Glow », la Britannique nous régale une fois encore. Entretien avec une artiste vraiment attachante avant qu’elle n’entame une tournée automnale.

– Tu avais été contrainte par la pandémie d’enregistrer « Shining In The Half Light » dans les studios Middle Farm dans le Devon, plutôt que dans le Tennessee initialement prévu. Cette fois, c’est un choix délibéré, puisque tu as écrit des chansons de « Beneath The Neon Glow » à Nashville avant de rentrer en Angleterre. Est-ce que, finalement, ce n’est pas le bon compromis pour élaborer ton ‘Americana Britannica’ ?

Oui, j’ai écrit la majeure partie de cet album au Royaume-Uni, à l’exception de « 1972 » et de « Silhouette In A Sunset », qui ont été écrites à Nashville, après ma prestation à l’évènement ‘Americana Fest’ et juste avant de rentrer en studio chez moi en Angleterre. Je serai toujours inspiré par la musique américaine et j’aime à penser qu’il y a un son transatlantique dans ma musique.

– On te retrouve aussi avec la même équipe et notamment Dan Weller à la production. Est-ce que c’est cette complicité artistique qui te pousse à enregistrer tes albums en Angleterre et aussi conserver une certaine continuité musicale peut-être plus britannique ?

Je savais en faisant « Beneath The Neon Glow » que je voulais le faire avec la même équipe que pour « Shining In The Half Light » : le même producteur, le même ingénieur, le même groupe et le même studio. Mais je savais aussi que je ne voulais pas refaire le même disque. Et j’étais sûre que nous pouvions faire quelque chose de génial ensemble, c’est pour cette raison que j’ai choisi ces personnes en particulier. Chacun dans la pièce apporte ses propres influences et les fusionne pour m’aider à raconter mon histoire.

– Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de l’écriture de ce nouvel album, car tu passes par toutes les émotions ? Et malgré tout, l’ensemble est très positif et montre aussi beaucoup de sérénité. C’est ça le fameux ‘Enjoy Your Ride’ ?

Je pense que j’ai traversé toutes les émotions en écrivant cet album : l’exaltation comme les sommets de ma carrière mêlés à une profonde dépression. J’ai beaucoup lutté contre le syndrome de l’imposteur. Mais même si ce disque joue les montagnes russes des émotions que j’ai ressenties, il laisse heureusement toujours un sentiment d’élévation… Parce qu’il faut profiter du voyage, non ?!

– Ce quatrième album contient aussi beaucoup d’énergie et, même si tu travailles dorénavant avec Cooking Vinyl Records, est-ce que ton indépendance te donne une volonté supplémentaire pour aller de l’avant, te surpasser à chaque fois et aussi contrôler toutes étapes du processus d’un album ?

Je pense que peu importe avec qui je travaille, que ce soit avec mon label ou un autre, cela restera toujours mon objectif. C’est vraiment génial d’avoir le soutien de Cooking Vinyl derrière moi, une équipe tellement dynamique, mais je reste toujours aux commandes et je prends les décisions, ce que j’apprécie aussi ! (Sourires)

– Justement, tu es une chanteuse, une musicienne et une compositrice accomplie et reconnue dans le monde du Blues et de l’Americana. Par ailleurs, tes prestations live sont aussi très réputées. J’imagine que percer aussi aux USA fait partie de tes projets et de tes ambitions. C’est un marché et un univers plus difficile à conquérir, selon toi, pour une Anglaise dans ce style ?

Je n’ai jamais fait de tournée aux États-Unis et j’adorerais le faire. Cependant, en tant qu’artiste indépendant, je suis pleinement consciente des coûts que cela impliquerait pour percer là-bas, même les visas ont un prix que je ne peux pas me permettre pour le moment. Donc si quelqu’un a envie de m’aider à réaliser ce rêve, je suis toute ouïe ! (Rires)

– Depuis un peu plus de quatre ans maintenant, tu multiplies les récompenses avec un dizaine d’Awards en Angleterre. Comment est-ce tu reçois tout ça ? Fais-tu une différence et une réelle distinction entre la reconnaissance du public et celle de la profession ? Et y en a-t-il une plus importante que l’autre ?

Oh, wow, c’est une question délicate. J’ai eu la chance de recevoir de nombreux prix et ils m’ont ouvert des portes ici au Royaume-Uni et à l’étranger. Et s’il est important d’avoir la reconnaissance de l’industrie, car cela permet de faire connaître votre musique à un public plus large, pour moi, la reconnaissance du public est la plus importante. C’est lui qui écoute, qui vient aux concerts, qui se connecte avec moi en ligne et qui me soutient. Ce sont les vrais, vraiment les vrais, tout le reste n’est que de la poudre aux yeux !

– Un petit mot aussi sur ton émission hebdomadaire sur ‘Planet Rock Radio’. C’est assez rare de voir une artiste en présenter d’autres, surtout dans le même style musical. Quel plaisir prends-tu à faire de la radio ? Il y a l’aspect ‘découverte’ bien sûr, et le vois-tu aussi comme un tremplin pour la musique Roots américaine et britannique en Angleterre ?

C’est l’une de mes activités préférées. J’adore le fait de pouvoir mettre en avant des artistes émergents de l’Americana et du Rock à la radio. C’est une industrie très difficile, donc pouvoir donner aux autres la chance de se faire entendre sur une radio nationale est une immense joie pour moi. J’aime aussi entendre les auditeurs me dire à quel point ils apprécient la nouvelle musique ! Je suis très reconnaissante d’être sur ‘Planet Rock’ ! (Sourires)

– Enfin, tu vas commencer une tournée cet automne. J’imagine qu’aller sur scène à la rencontre de ton public est la plus belle récompense après des mois de travail en studio et de promotion. Est-ce que c’est le véritable poumon de ta vie d’artiste, ce que tu attends avec impatience après chaque sortie d’album ? 

Oui, j’ai vraiment hâte de partir sur la route, de rencontrer les fans et de fêter cet album ! Et ça fait longtemps que j’attends ça ! (Sourires)

Le nouvel album d’ELLES BAILEY, « Beneath The Neon Glow », est disponible chez Cooking Vinyl Records.

Retrouvez la chronique de l’album « Shining In The Half Light » :

Catégories
Americana Blues Rock International

Jax Hollow : la force de l’instinct [Interview]

Jeune artiste complète basée à Nashville, JAX HOLLOW est une musicienne dont la musique délivre une folle énergie et, par-dessus tout, une réelle et palpable sincérité. Authentique et directe, la guitariste et chanteuse écume les scènes américaines comme européennes depuis un moment déjà. Pointilleuse et perfectionniste, elle se trouve actuellement en studio pour l’enregistrement de son troisième album à paraître dans quelques semaines. L’occasion de faire un point avec elle sur ses nouvelles compostions et plus largement sur sa vision artistique. Entretien.

– Tout d’abord, parlons de ce moment un peu particulier, puisque tu es actuellement en studio pour l’enregistrement de ton troisième album, qui sera terminé fin-septembre. Alors comment cela se passe-t-il pour le moment ?

Tout d’abord merci de m’avoir invité ! Nous en sommes à peu près à la moitié de l’enregistrement du nouvel album et ça se passe très bien jusqu’à présent. Il est en préparation depuis un peu plus d’un an maintenant. Beaucoup de chansons ont été écrites, mais seule une poignée d’entre-elles ont émergé. Et même certaines, qui sont encore en cours de préparation, ne sont pas garanties de parvenir jusqu’aux oreilles des gens.

– Pour « Only The Wild One », tu étais accompagnée de musiciens brillants et expérimentés. A priori, tu as changé d’équipe pour ce nouvel album. Est-ce que tu peux nous les présenter et nous expliquer un peu de quelle manière tu as choisis le groupe qui joue à tes côtés cette fois ?

Bien sûr, j’essaie une nouvelle approche pour le nouvel album et il met en vedette mon groupe de tournée cette fois. J’ai emmené ces gentilshommes autour du monde avec moi et je voulais capturer l’alchimie que nous avons sur scène, en studio. Il y a donc Michael Lupo, qui est diplômé du Berklee College Of Music de Rhode Island et qui, non seulement joue de la batterie, mais compose aussi de la musique. Puis, j’ai Taylor Tuke aux claviers et aux chœurs. C’est un artiste incroyable, ainsi qu’un instrumentiste accompli, jouant du piano, de la guitare et de la basse. Il est originaire du Colorado. Ensuite, j’ai aussi les meilleurs de Nashville pour d’autres parties, notamment Tim Marks à la basse, Smith Curry à la Steel et Ross Holmes au violon, et encore d’autres à venir !

– On l’a dit, tu vas bientôt terminer les sessions d’enregistrement de ce nouvel album. Comment est-ce que tu procèdes ? Y a-t-il encore une part de créativité, d’écriture et peut-être d’imprévu en studio, ou est-ce que tout est soigneusement calé à l’avance avec une idée bien précise de ce que tu souhaites obtenir ?   

J’avais soigneusement planifié chaque étape de ce disque et j’ai depuis tout jeté par la fenêtre. Il n’y a tout simplement pas de bonne façon d’aborder l’art. Vous pouvez tout guider, vous pouvez travailler sur une chanson pendant des mois, l’aimer inconditionnellement, puis l’abandonner totalement pour des raisons imprévues. J’ai laissé tomber le contrôle, je m’accroche maintenant aux rênes et je vois dans quelle direction elles bougent naturellement. Puis, j’essaie d’attraper cette étincelle. Je la suis, j’essaie de rester fidèle à l’intention originale de chaque chanson lors de la création. Ensuite, je mets les meilleurs créatifs que je connais au premier plan et nous comptons tous activement sur notre instinct et notre talent pour créer le bon espace pour que chacun puisse respirer.

– Tu viens de sortir un premier single, « Don’t Call Me Baby », qui est une belle ballade. Pour ton album précédent, c’était « Wolf In Sheepskin », une chanson également très calme. Tu aimes bien dévoiler les aspects peut-être les plus tendres, tranquilles et les plus sensibles de tes albums au public avant des titres plus nerveux et plus Rock ?

Ce ne sont peut-être que des coïncidences, mais je vois tout à fait ce que tu veux dire. Je me suis dit que le premier single de ce nouvel album devait être rythmé et entraînant. Puis j’ai réfléchi un peu plus et je suis arrivée à la conclusion : je ne suis pas sur un label. Rien de ce que je fais n’est jamais conforme aux habitudes de toute façon. Je n’ai donc pas à me conformer à l’idée qu’on ne publie jamais une ballade pour une premier single. Alors, j’ai encore suivi mon instinct. J’avais un fort sentiment à propos de « Don’t Call Me Baby ». C’est tellement brut, réel et intime. Je crois en cette chanson dans son ensemble.

–  D’ailleurs, je crois que tu n’as pas encore dévoilé le titre de ce troisième album. Est-ce que l’on peut savoir comment il s’appellera et surtout quand est-ce que sa sortie est prévue ?

Je pense que je l’appellerai « Come Up Kid ». C’est une biographie des deux dernières années de ma vie. De la standing-ovation en ouverture de Melissa Etheride au ‘Ryman Auditorium’ de Nashville jusqu’à la nuit à dormir dans ma voiture.

– J’aimerais qu’on fasse un petit flashback sur ton premier disque « Underdog Anthems », qui était très Rock. « Only the Wild One » avait une toute autre sensibilité et un aspect plus travaillé peut-être sur les arrangements et plus produit aussi. Est-ce que, justement, cela correspondait à des moments très différents en termes d’intensité dans ta vie personnelle et qu’on a retrouvé à travers tes chansons ?

J’avais une certaine colère sur « Underdog Anthems ». Depuis, j’ai été un peu humiliée par la vie, par l’industrie de la musique, par le monde… Chaque album est le reflet de l’endroit où se trouve un artiste à ce moment-là, mais celui-ci est différent. Cette fois, je n’ai pas peur de creuser certaines choses jusqu’ici désordonnées. Je ne suis pas opposée à prendre le long chemin du retour, je n’ai plus peur de ce qu’ils pensent. J’ai été sauvage trop longtemps. J’ai été sur la route à travers le monde, j’ai eu le cœur détruit et puis j’ai eu des aperçus de l’amour le plus incroyable que je n’ai jamais trouvé… il y a beaucoup de choses à creuser dans la vie de nos jours à travers la musique.

– « Only The Wild One » avait apporté un véritable vent de fraîcheur avec un style désormais identifiable fait de Classic Rock, de Blues et d’Americana sur un chant très personnel. Doit-on s’attendre à une certaine continuité avec ce nouvel album ?

La continuité est l’objectif, mais je me laisse davantage aller sur les chansons cette fois-ci. Je ne vais pas écrire un morceau Classic Rock juste pour en avoir un. Il faut que cela me plaise. J’ai déjà écrit des chansons de Heavy Rock pour cet album qui ne verront pas le jour, car elles ne m’ont pas donné cette confiance à 100 % pour que je croie réellement en elles.

– Tu es musicienne, chanteuse et compositrice. De quelle manière est-il plus naturel pour toi de faire passer des émotions à travers ta musique ? Plutôt par la voix, ou avec ta guitare ?

J’ai eu la chance d’étudier cette forme d’art dans des conditions intenses et de poursuivre ce voyage au-delà des murs du Berklee College Of Music et dans le monde réel. Celui-ci ne se soucie pas du fait que vous puissiez écrire à des moments inhabituels, ou jouer des gammes diminuées en ‘sweep picking’ sur le manche de votre guitare. Je pense que ce dont le monde a besoin aujourd’hui, c’est d’un sentiment d’unité, peut-être d’un certain soulagement  ​​dans le contexte d’une impression moins solitaire. Lorsque quelqu’un s’ouvre à une vulnérabilité totale, ou dit quelque chose sans s’excuser, je pense que cela inspire une réaction en chaîne. J’aimerais inviter les gens à aller à contre-courant et dans tous les aspects de la vie.

– Sur « Don’t Call me Baby », il y a le violon de Ross Holmes, qui apporte une touche légèrement Country. Etant originaire et résidente de Nashville, j’imagine que la tentation est grande tant la Country Music y est présente. Est-ce un domaine musical que tu as envie d’explorer, car il y a beaucoup d’effervescence dans le style depuis un moment déjà aux Etats-Unis et qui se propage ailleurs ?

La Country/Americana est un genre que j’explore, c’est vrai. Je suis à Nashville depuis un certain temps et je l’ai certainement intégré à mon style Et puis, cette fois-ci, je ne m’en tiens pas strictement au Rock. Je ne me suis jamais vraiment limité au Rock de toute façon, même sur « Underdog Anthems ». J’avais sorti une chanson Country toute simple sur l’album, « Drift Together », et je pense qu’il était facile de me mettre dans cette catégorie à ce moment-là. C’était Michael Wagener qui avait produit ce disque et il ressemble à ses disques de Hard Rock emblématiques. Cela dit, mes héros suivent de toute façon des chemins différents à travers les genres, donc tout ça peut être un peu flottant de toute façon.

–  On le sait, tu es vraiment dans ton élément lorsque tu es sur scène et on a vraiment l’impression que c’est le lieu de toutes les émotions pour toi et ta musique. Est-ce que pour ce nouvel album, tu te projettes déjà sur le rendu scénique au moment de la composition, ou c’est quelque chose qui arrive plus tard ?

J’adore être sur scène, c’est vrai ! J’ai eu la chance de jouer dans quelques grands festivals cet été et mes préférés ont été ceux de Blues en Belgique et aux Pays-Bas ! Faire une tournée avec les garçons a ouvert de nombreuses portes sur le plan créatif et nous voulons maintenant capturer un peu de cette magie en studio. Nous testons les nouvelles chansons depuis environ un an maintenant, elles sont donc presque prêtes à être enregistrées. Mais nous sommes aussi catégoriques sur le fait que chacune d’entre elles doit être parfaite. Donc, nous les réenregistrerons donc autant de fois que nécessaire.

– Tu enchaînes les concerts toute l’année, y compris en Europe où tu es venue à plusieurs reprises. D’ici, on imagine le terrain de jeu américain gigantesque et surtout peut-être plus réceptif à ta musique, qui n’est pas réellement notre culture. Y a-t-il des choses spéciales lors de tes tournées en Europe au niveau du public notamment ? Est-ce que ta musique est perçue de la même manière des deux côtés de l’Atlantique ?

Nous sommes mieux reçus à l’étranger. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Nous ADORONS le public européen : il est très attentif et il n’a pas peur de s’amuser ! Je ne connais pas les raisons pour lesquelles le marché européen est meilleur pour nous. Peut-être que le public apprécie davantage la vraie musique, les gens qui jouent de leurs instruments, sans pistes enregistrées… ?

– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises pour quelles raisons tu restes une artiste indépendante. Est-ce que c’est un désir de pouvoir contrôler ton processus créatif dans son entier et parce qu’aujourd’hui un label a moins d’impact qu’auparavant, ou plus simplement parce qu’il est plus difficile d’être signé en raison d’une situation devenue peut-être saturée ?

C’est une bonne question. J’ai ma petite idée là-dessus… Je vais en poser juste une : je peux être difficile à cerner en termes de genre ou de style. Les labels n’aiment plus prendre de risques. C’est vraiment dommage. J’ai beaucoup d’amis à Nashville qui composent de la bonne musique et il y a 30 ans, je parie que tous auraient été signés. C’est franchement un acte solitaire d’essayer de tout faire soi-même, mais je ne suis plus seule maintenant. J’ai rassemblé des gens formidables autour de moi. Et nous avons trouvé la solution de manière très simple : saisir la vie par les couilles au lieu d’attendre que quelque chose se passe. J’ai eu un label qui m’observait pendant que les gens tapaient sur les bancs du ‘Ryman Auditorium’ pendant deux minutes d’affilée pour une standing-ovation. C’était en première partie de Melissa Etheridge. Et ils m’ont TOUJOURS laissé tomber. Donc s’ils attendent juste que je devienne ‘rentable’, alors je passerai mon tour…

Le single « Don’t Call Me Baby » du prochain album de JAX HOLLOW est déjà disponible sur les plateformes et retrouvez-la aussi sur son site :

www.jaxhollow.com

Photos : Jon Duncan Photography (2 – 3 – 5)

Catégories
International Soul Southern Blues Southern Rock

Bywater Call : southern spirit [Interview]

Avec une telle signature vocale, il n’est pas si surprenant de voir BYWATER CALL gravir à ce rythme les échelons et surtout s’établir de belle manière sur une scène Southern Blues Rock, qui n’a pas été aussi vivante depuis des décennies. Guidée par sa frontwoman Meghan Parnell, elle-même accompagnée par un brillant sextet, la formation canadienne vient de publier son troisième album, « Shepherd », chaleureux, joyeux et dont il est difficile de se défaire. Enchaînant les concerts comme les distinctions, la chanteuse se livre sur l’approche musicale du groupe, sa liberté nouvellement acquise et le talent des musiciens qui forment cette belle entité ancrée dans une Soul renversante.

– Après votre premier album éponyme en 2019, puis « Remains » en 2022 suivi de l’EP « Beyond The Doorway » l’an dernier, vous revenez avec « Shepherd », qui est probablement votre réalisation la plus aboutie. Est-ce que BYWATER CALL a enfin, selon toi, complètement cerné son identité musicale à travers un style que vous aviez en tête depuis vos débuts ?

En fait, je ne sais pas si nous parviendrons un jour à définir pleinement notre identité musicale. En tant que groupe, nos influences et nos inspirations sont si diverses et en constante évolution que je pense, et j’espère, que notre son continuera d’évoluer au fil du temps. Nous sommes fiers de la diversité de la musique que nous créons. Je pense que cela nous permet d’emmener nos auditeurs dans un véritable voyage. Et j’espère que malgré cela, ou peut-être grâce à cela, nous avons, ou serons bientôt en mesure, de créer un son qui nous est propre.

– D’ailleurs, si « Shepherd » est si assuré et inspiré, est-ce le résultat de la centaine de concerts donnés à travers une dizaine de pays aux côtés de grands noms l’année dernière ? Est-ce que cette expérience acquise vous a aidé dans la composition de ce nouvel album, ou du moins dans son interprétation ?

Oui, je pense que tous ces concerts donnés ensemble au cours des 18 derniers mois nous ont vraiment aidés à nous fixer. Je crois que nous avons une confiance en notre musique et elle continue de grandir à mesure que nous nous appuyons sur nos points forts. Et bien sûr, les opportunités de côtoyer de grands talents, ou en devenir, ont certainement eu une influence. C’est toujours formidable de voir comment d’autres musiciens opèrent. Je crois que nous pouvons tous apprendre les uns des autres.

– Il y a une autre nouveauté avec ce troisième album. Vous avez quitté votre label, Gypsy Soul Records, pour vous autoproduire. Même si on peut facilement comprendre votre envie de liberté, est-ce que le support d’un label a moins d’importance aujourd’hui dans une industrie musicale qui a beaucoup changé ?

Il y a bien sûr beaucoup d’outils à la disposition des artistes indépendants aujourd’hui C’est formidable pour tous ceuyx qui peuvent ainsi prendre leur carrière en main. Je pense que c’est important. C’est beaucoup de travail de sortir un album tout seul et il y a beaucoup d’opportunités qui peuvent être manquées ou négligées. Il est difficile de savoir si vous faites vraiment tout ce qu’il faut. Avec une maison de disques, c’est agréable de sentir que vous faites partie d’une équipe, qui a l’expérience et la sagesse, et qui connait la meilleure façon de sortir de la musique efficacement. Pour notre part, nous voulions vraiment essayer de faire quelque chose par nous-mêmes, ce que nous n’avions pas encore fait. C’est une grande entreprise et nous avons beaucoup appris.

– Vous avez donc enregistré « Shepherd » vous-mêmes et la production est littéralement éclatante et trouve un bel équilibre. Justement, est-ce que le fait d’avoir été seuls aux commandes cette fois vous a permis d’oser plus de choses ?

Nous avons eu beaucoup de chance que Bruce (McCarthy – NDR), notre batteur, ait un petit studio et une bonne expérience comme ingé-son et aussi en mixage. Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans cet album, il nous a gracieusement donné beaucoup de son temps et de son espace pour que nous puissions le mettre au point. Et oui, je pense que nous avons pu faire pas mal d’expérimentations grâce à ça. Nous savions que nous voulions une certaine esthétique pour certains morceaux et chez Bruce, nous expérimentions avec les micros et la façon de les utiliser, ainsi que les effets de lumière dans la production. Pour quelques chansons, nous voulions incorporer des percussions captivantes et Bruce a pu prendre le temps de jouer avec ça chez lui. De plus, grâce à la façon dont l’album a été conçu, Dave (Barnes – NDR) a pu enregistrer beaucoup de ses guitares chez lui, ce qui lui a donné beaucoup de liberté pour travailler sur la façon dont il voulait que ses parties sonnent.

– L’autre point fort de l’album est la puissance de ta prestation vocale, Meghan. On a le sentiment que tu guides vraiment ces nouveaux morceaux. Est-ce que cela est également dû au fait que vous ayez retrouvé une totale liberté artistique qui transparaît beaucoup plus dans ton chant ?

Ma voix sera toujours un élément important de n’importe quel morceau pour créer l’ambiance d’une chanson. Cependant, nous essayons de plus en plus de trouver l’équilibre idéal, les parties les plus fortes et les plus efficaces de ma voix, et de nous y concentrer au lieu de ressentir le besoin de nous mettre en valeur. Je pense que plus nous jouons et enregistrons, plus je suis à l’aise et confiante dans le fait que ma voix sera entendue, même dans les moments les plus tendres, délicats et décalés, et je pense que c’est tout aussi important. Au fur et à mesure que nous expérimentons, comprendre que je n’ai pas toujours besoin de chanter fort, et au plus haut de ma tessiture pour être entendu, nous aide vraiment à trouver des idées nouvelles et intéressantes.

– L’autre chose qui domine à l’écoute de « Shepherd », c’est cette ambiance très positive et joyeuse. L’esprit Southern est toujours l’élément principal et il y a aussi des sonorités typiques de la Nouvelle-Orléans, qui sont parfaitement incarnées dans « Sweet Maria », notamment. Cette chanson a-t-elle été une sorte de déclic pour conditionner l’atmosphère globale de l’album ?

Nous avons toujours voulu capturer la chaleur et la joie dans notre son. Nous pensons qu’il est important de faire ressentir quelque chose aux gens à travers notre musique et sur cet album, nous avons définitivement célébré cela dans de nombreux morceaux comme « Sweet Maria », « Turn It Around », « Roll » ou « For All We Know, Sign of Peace ». Toutes ces chansons ont une ambiance très positive et estivale.

Je crois que l’on peut dire que « Sweet Maria » a été le début de tout ça. La chanson nous a été apportée par John Kervin (claviers – NDR) et elle dégage une atmosphère tellement agréable dès le début. Il a eu la gentillesse de me laisser creuser vocalement et lyriquement cette idée de célébration, et avec un peu d’expérimentation, nous avons fini par obtenir « Sweet Maria ». C’était le premier nouveau morceau de l’album que nous avons enregistré et sorti en single aussi. Et il semble avoir donné le ton approprié à tout ce qui a suivi ensuite.

Nous avons écrit « Sign of Peace », le dernier morceau de l’album, il y a des années, au tout début de la création du groupe. Nous l’avons donc beaucoup joué et il a évolué au fil du temps, mais il ne nous a jamais semblé pertinent de l’enregistrer. Avec l’ambiance plus joyeuse de cet album et un penchant plus éclectique, cela semblait être le bon moment. Nous avons pensé que nous pourrions nous amuser un peu avec. Alors, Steve (Dyte, trompette –  NDR) a écrit un superbe chorus à quatre voix dans un premier couplet pour aider à capturer l’ambiance de la Nouvelle-Orléans et cela s’intègre parfaitement dans le paysage de « Shepherd ».

– L’orgue et les cuivres sont aussi plus présents sur l’album, ce qui lui donne un aspect plus Soul et un peu moins Rock peut-être. C’est une manière de jouer plus facilement sur les émotions avec plus de douceur dans l’approche musicale et le son ?

Exploiter les émotions est très important pour nous et nous nous efforçons toujours de nous améliorer. Chaque musicien du groupe est incroyablement talentueux, nous voulons donc nous assurer de mettre en valeur et de cultiver tous nos points forts. John est un claviériste incroyable et Julian (Nally, saxophone – NDR) et Steve (trompette) travaillent si bien ensemble. Il est donc important de mettre cela en valeur. Nous aimons faire bouger les morceaux… Mais nous aimons encore plus les moments très Soul, plein d’émotion et de joie. Et les cuivres et l’orgue contribuent à adoucir l’esthétique de la musique.

– On l’a dit, vous avez beaucoup tourné et notamment en Europe, où vous avez aussi participé à la ‘Sea Mediterranean Cruise’ de Joe Bonamassa. Aujourd’hui, cela vous vaut d’être nominés aux UK Blues Awards pour le prix du meilleur artiste international. C’est déjà une belle récompense, d’autant qu’elle arrive d’un autre continent. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et cela doit être également une grande motivation…

Cette nomination a été une surprise totale. Je l’ai découvert lorsque nous avons été tagués dans un post sur les réseaux. Venant d’un pays où nous n’avions eu l’occasion de faire qu’une seule tournée à ce moment-là, et considérant les artistes phénoménaux aux côtés desquels nous étions nommés, c’était vraiment un honneur. Etre mentionné aux côtés de Larkin Poe notamment est incroyable. Cela dit, je pense qu’il est important de ne pas accorder trop d’importance aux récompenses, il y a trop d’artistes fantastiques pour que tout le monde soit correctement reconnu… mais ça aide de savoir que notre musique est appréciée !

– Enfin, on assiste depuis quelques temps à un certain renouveau de la scène Southern Rock et Blues avec l’émergence de formations comme la vôtre d’ailleurs, qui ont vraiment su se faire une place. Qu’est-ce que cela t’inspire de voir ce style si emblématique trouver un second souffle avec une nouvelle génération pleine de talent ?

Je pense que c’est très encourageant de voir qu’il y a encore une place pour la musique live dans le monde numérique et celui des DJ d’aujourd’hui. Il y a une chaleur, une émotion et une humanité qui semblent souvent absentes dans une grande partie de la musique actuelle, du moins pour moi. Voir de nouveaux groupes dans des genres similaires au nôtre réussir à attirer un public est une victoire pour nous tous. Plus ce renouveau touche de fans, plus il y en aura de nouveaux à même d’écouter tous ceux qui tentent leur chance… Les adeptes de la scène Southern Rock et Blues, nouveaux comme anciens, ont beaucoup de place dans leur cœur pour les artistes établis et aussi émergents. Ils veulent juste faire partie de quelque chose de magique, comme nous.

Le nouvel album de BYWATER CALL, « Shepherd », est disponible sur le site du groupe, tout comme les billets de la tournée qui aura lieu du 2 octobre au 22 novembre prochain en Europe : www.bywatercall.com

Photos : Juan Perez-Fajardo (1), Erin Cosentino (2, 3), Mal Whichelow (4) et Zoran Veselinovic (5).

Catégories
Country International

Emily Nenni : Honky Tonk spirit [Interview]

Malgré son jeune âge, EMILY NENNI commence à se faire un nom dans la jungle musicale que représente Nashville en termes de Country Music. Indépendante, l’artiste est à l’image de sa musique et apporte beaucoup de fraîcheur à un style qui se tourne pourtant de plus en plus vers la Pop. Elle reste authentique et fidèle à un aspect assez classique comme le Honky Tonk notamment, auquel elle offre une version très personnelle, actuelle et sincère. Avec « Drive & Cry », son troisième album, elle se lance aussi à la conquête du public européen. Entretien avec une chanteuse, guitariste et compositrice pétillante et décidée, juste avant une prestation attendue au festival ’Americana Eldorado’ en septembre en France.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on évoque de ton parcours. Comment une Californienne comme toi en vient-elle à la Country Music et affiche aujourd’hui une telle maîtrise ? C’est un style de musique avec lequel tu as grandi ?

J’ai grandi en écoutant toutes sortes de musiques. Mon père travaille à la radio depuis l’université et mes deux parents ont toujours eu beaucoup d’amour et de respect pour la musique et les musiciens. J’ai souvent entendu Hank Sr, Patsy Cline, Willie Nelson et Johnny Cash, ainsi qu’Emmylou Harris et Lucinda Williams en grandissant. En tant que passionnée de musique, lorsque j’ai déménagé à Nashville, alors que j’avais tout juste 21 ans, je me suis complètement immergée dans la musique Country au ‘Robert’s Western World’ et au ‘Santa’s Pub’, ainsi qu’à travers toutes les vieilles vidéos que je pouvais trouver sur YouTube. Je voulais tout savoir, pas seulement de la musique, mais aussi des gens qui la composaient.

– Assez rapidement, tu as sorti ton premier album, « Hell OF A Woman » en 2017, puis l’EP « Long Game » trois ans plus tard. C’est assez étonnant comme trajectoire. D’habitude, les artistes testent la température avec un format court. Tu te sentais suffisamment sûre et prête pour te lancer tout de suite dans un album complet ?

Lorsque « Hell Of A Woman » est sorti, je gardais certaines de ces chansons depuis déjà quelques années. En fait, la chanson-titre était l’une des dernières que j’ai ajoutées à l’album, avec « Baby Found The Bottle ». Mon état d’esprit concernant la sortie de ma musique, surtout de manière indépendante, était que je continuerai certainement à écrire et j’espérais continuer à apprendre et à m’améliorer. Alors, pourquoi ne pas sortir de ma musique telle qu’elle était ? Je n’avais pas une grande fan-base et je ne pensais pas que le disque irait quelque part, j’avais juste des chansons à partager.

– Puis en 2022 est sorti « On The Ranch » que tu as écrit dans le Colorado durant la pandémie. Finalement, est-ce que le fait d’être bloquée dans un endroit comme celui-là typiquement lié à la Country Music a été une immersion créative pour toi ? Une sorte de source d’inspiration ?

Je vivais dans un ranch avec cinq autres cow-girls, donc c’était une inspiration suffisante ! Écrire dans un endroit comme celui-là était en grande partie pour me vider la tête et m’éloigner de ma routine et de mon environnement habituel. C’est comme ça que j’aime travailler d’habitude. Une fois que ma tête est claire de toutes les choses que je dois faire, je peux réellement exploiter toutes mes pensées, mes sentiments et les mélodies qui les animent.

– Comme tu le disais, tu es arrivée jeune, à l’âge de 21 ans, à Nashville, la capitale de la Country Music. Est-ce que, selon toi, c’est un passage obligé pour tous les artistes, afin d’y obtenir une certaine reconnaissance artistique ?

Je ne pense assurément pas qu’il soit nécessaire d’être à Nashville pour faire de la musique Country. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir rencontré une véritable famille artistique ici, composée de musiciens talentueux et solidaires, et j’ai beaucoup appris d’eux. Désormais, les gens partagent leurs talents en ligne via Internet et ils sont embauchés de cette façon. Je trouve cela merveilleux, car Nashville devient de plus en plus cher pour y vivre, surtout pour les musiciens.

– On le sait, il y a énormément de concurrence entre les jeunes artistes, et pas seulement. Est-ce que Nashville, où tu vis aujourd’hui, provoque aussi une émancipation particulière et demande également peut-être plus d’efforts pour s’imposer et se distinguer ?

J’ai principalement appris en jouant avec des amis au ‘Santa’s Pub’. Au moins dans la communauté dans laquelle j’ai grandi au cours des dix dernières années, cela ne m’a pas semblé être une compétition. Nous voulions tous réussir, bien sûr, mais c’est tellement plus agréable de grandir avec ses amis. Bien sûr, il y a eu des gens qui ont pensé que seuls quelques-uns pourraient réussir, mais ce n’est pas le cas. Sans parler de la fatigue que représente de mener une carrière à bien.

– Justement, tu évolues dans un registre porté sur le Honky Tonk avec beaucoup de fraîcheur. C’est assez surprenant à l’heure où les chanteuses surtout ont tendance à produire de la Country Pop, non ?

J’adore le Honky Tonk. Et nous aimons jouer dans une salle devant deux personnes comme face à une foule tapageuse. Si nous avons une salle pleine de gens qui chantent et dansent, alors c’est une bonne soirée. Mes amis de ‘Teddy And The Rough Riders’, qui me soutiennent souvent, enflamment toujours la salle. Finalement, nous voulons juste passer un bon moment !

– Ce qui surprend aussi, même à travers ta courte discographie, c’est que tu sembles avoir immédiatement trouvé ton style. Alors que d’autres s’essaient à plusieurs courants, tu restes attachée à celui de tes débuts que tu ne cesses cependant de peaufiner. Tu as toujours eu une idée très précise de la musique que tu voulais jouer ?

Parfois, j’entends la musique de quelqu’un d’autre et je me suis dit : ‘Wow, j’aurais aimé écrire cette chanson !’. Mais surtout, j’écris simplement sur mes expériences, mes pensées et mes sentiments et je les associe à la mélodie qui en ressort. Quand cela est associé aux musiciens que je connais et que j’aime, cela me ressemble forcément. Il y a tellement de musique là-bas à Nashville que nous pourrions tous nous comparer les uns aux autres. Mais j’aime surtout entendre les gens faire une musique qui leur est personnelle.

– « Drive & Cry » a été pensé à la façon d’un vinyle avec ses deux faces. Est-ce que c’est aussi pour cette raison qu’on y trouve deux ambiances assez différentes ? Ta volonté était de pouvoir capter le plus de sonorités et d’approches musicales possibles ?

Je peux parfaitement me lancer dans l’écriture, ou l’enregistrement, avec une idée de la façon dont j’aimerais que cela sonne globalement, mais cela ne se réalise jamais vraiment. Cela fait partie de l’évolution des chansons. A mesure que vous enregistrez de plus en plus, vous obtiendrez, espérons-le, des sons que vous n’aviez pas auparavant. Travailler avec John James Tourville (qui a produit le disque) a été une expérience merveilleuse. Il a vraiment permis aux musiciens de jouer tout en restant fidèles à eux-mêmes. Ils jouaient pour les chansons et non pour eux, et ça s’entend vraiment.

– Malgré la qualité du songwriting et de la production de John James Tourville (The Deslonde), « Drive & Cry » conserve une savoureuse couleur ‘underground’. Est-ce que c’est quelque chose que tu cultives, ou vois-tu cela aussi comme une sorte de signature sonore ?

Nous nous amusions tous tellement à faire de la musique en studio. John James et moi étions sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la notion de ‘perfection’. Elle n’est pas forcément nécessaire. S’il y a une prise avec une imperfection, mais plus de sensations, on y va ! Ce disque a également été mixé par Matt Ross-Spang dans son studio ‘Southern Groove’ à Memphis, et il est un véritable maître en matière d’enregistrement faits de beaucoup de chaleur et de naturel.

– Enfin, tu seras à l’Eldorado Americana Festival en septembre à Vancé en France. J’imagine que tu dois être impatiente, même si la Country Music est assez confidentielle chez nous. Dans quel état d’esprit es-tu et y aura-t-il d’autres concerts ici en Europe ?

Nous allons commencer en Scandinavie, puis faire un show en Allemagne et une semaine ou deux au Royaume-Uni. Je ne suis allée en Europe qu’une seule fois, c’était l’année dernière. Et je me sens chanceuse de pouvoir jouer pour de nouveaux publics. J’ai même du mal à croire que nous ayons la chance de pouvoir jouer dans tous ces merveilleux endroits !

Le nouvel album d’EMILY NENNI, « Drive & Cry », est disponible chez New West Records et pour la première fois en Europe.

Photos : D.R., Sound Snap Photo (3) et Alysse Gafkjen (5)

La billetterie du festival ’Americana Eldorado’, qui aura lieu le 7 septembre à Vancé dans la Sarthe (72), est d’ores et déjà ouverte :

https://my.weezevent.com/eldorado-americana-festival

 

Catégories
Blues Rock folk International

Madison Galloway : independent youth [Interview]

Le talent n’attend pas le nombre des années et c’est avec beaucoup de maturité dans l’écriture, comme dans le jeu, que MADISON GALLOWAY présente son deuxième album éponyme. Très bien entourée et parfaitement produite, la Canadienne s’inscrit dans un Blues Rock très contemporain, plein de fougue et assez insouciant. Accrocheurs et vigoureux, les morceaux de la chanteuse et guitariste ne devraient plus tarder à taper dans l’œil des producteurs et organiseurs de concerts européens. Avec ce nouvel effort, elle s’affiche sans complexe et avec une belle assurance. Entretien avec une compositrice indépendante et volontaire.

– Tu n’avais que 19 ans lorsque tu as sorti ton album « Moon & Mercury » en 2019 et c’était même après un premier EP « Who Knows Where », paru quatre ans auparavant. C’est un parcours très précoce. Comment es-tu tombée dans la musique si jeune et à quel âge as-tu commencé à composer ?

Mes parents sont de grands fans de musique, donc elle a joué un rôle important dans ma vie. Nous écoutions toujours des disques, des CD, des cassettes ou la radio. Ils m’ont inscrite à des cours de piano à l’âge six ans et j’ai continué pendant 11 ans. Quand j’avais 12 ans, j’ai commencé à jouer de la guitare, ce qui m’a vraiment passionné. Très vite, j’ai participé à quelques concours de chant destinés aux jeunes talents et à 15 ans, j’ai fait ma première scène ouverte. J’en ai fait de plus en plus. Puis, j’ai commencé à organiser mes propres petits concerts dans des restaurants, des bars et lors d’événements en ville. J’ai grandi à partir de ça. Et la même année, à 15 ans, j’ai commencé à écrire mes propres chansons et j’ai sorti mon premier EP en juillet 2015.

– Après un EP, plusieurs singles, deux albums maintenant et un grand nombre de concerts à ton actif en une dizaine d’années, tu affiches un très beau début de carrière. J’imagine très bien que tout ça demande beaucoup de travail. C’est ce tu ambitionnais depuis toute petite ?

Tu as raison, c’est beaucoup de travail. Il y a tellement à faire en amont et je pense que beaucoup de gens ne s’en rendent pas toujours compte. Même si j’ai toujours aimé écouter et jouer de la musique, devenir artiste de scène n’était pas vraiment mon rêve quand j’étais petite. Au lieu de ça, je voulais être peintre. Le dessin, la peinture et les autres domaines des arts visuels ont toujours été mes passions. C’est lorsque j’avais 14/15 ans, en commençant à rechercher davantage d’opportunités pour réaliser des performances, que j’ai décidé de faire carrière dans la musique.

– Lorsqu’on se penche sur ta discographie, on remarque que tu es passée par la Folk, le Rock, le Blues avec une couleur musicale très américaine et parfois même légèrement Pop. Est-ce qu’aujourd’hui, tu penses avoir trouvé ton identité artistique personnelle, ou te reste-t-il encore des domaines à explorer ?

Je pense que j’en suis proche. Je veux continuer à développer mon son et mon style, mais j’ai l’impression d’avoir trouvé la direction que je veux prendre. J’ai cependant des goûts assez différents et aussi d’autres affinités musicales. Donc, je me vois bien explorer d’autres domaines, et même si cela se fait parallèlement à mes projets principaux.

– Tu es originaire de Fergus en Ontario, un Etat qui a aussi vu grandir des chanteuses comme Alannah Myles et Shania Twain pour en citer qu’elles. On retrouve d’ailleurs quelques similitudes dans certaines de tes intonations. Elles t’ont influencé, notamment Alannah, ou c’est juste parce que tu as grandi en les écoutant ?

En fait, je n’ai pas beaucoup écouté Alannah Myles ou Shania Twain. Les deux artistes canadiennes qui m’ont vraiment inspiré sont Joni Mitchell et Alanis Morissette. Joni Mitchell est en fait l’une des premières artistes dont je me souviens avoir chanté les chansons et m’être dit : ‘Eh, j’aime chanter en fait !’.

– Parlons maintenant de ce deuxième et très bon album éponyme. Je le trouve assez différent de tes précédentes réalisations. Il est très Rock, très mature, accessible aussi et il dégage beaucoup d’énergie. Est-ce que tu as procédé différemment pour la composition et l’écriture de ces nouveaux morceaux ?

Quand j’ai écrit ces chansons, j’avais une idée de la façon dont je voulais qu’elles sonnent dans leur production finale. Et c’était plutôt dans un univers Blues Rock. J’ai commencé à faire beaucoup de collaborations pendant la pandémie et, par conséquent, presque toutes les chansons de cet album ont été co-écrites. C’est quelque chose de différent par rapport à mon précédent album « Moon & Mercury », qui n’en contenait qu’une seule.

– Tu joues également toutes les parties de guitare sur l’album. Par ailleurs, les refrains des chansons sont aussi très accrocheurs. Lorsque tu composes, tu pars d’un riff ou de la mélodie, car elles semblent vraiment guider les morceaux ?

Bien souvent, oui ! Mais cela dépend de la chanson. Parfois, je commence par les paroles, mais je pense que pour la plupart des morceaux de l’album, j’ai d’abord commencé par le riff de guitare. Puis, j’ai créé la mélodie et les paroles ensemble.

– Même si ce nouvel album est très musclé et plus solide aussi, tu restes très attachée à l’acoustique. On t’a d’ailleurs vu à plusieurs reprises seule à la guitare sur les réseaux sociaux à discuter avec tes fans. C’est une manière différente aussi d’aborder tes morceaux ? Et dans quelle configuration es-tu la plus à l’aise ? Et composes-tu également en acoustique ?

Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, je jouais toujours en acoustique. En ce moment, je me sens le plus ‘chez moi’, lorsque je joue avec ma guitare Godin à corps creux. Mais j’aime toujours jouer avec l’acoustique. Sur l’une de mes dernières chansons, je l’utilise beaucoup, car je n’ai pas besoin d’ampli. Et cela me permet aussi de composer plus facilement dans ma chambre, ou à l’extérieur.

– En plus de la composition des morceaux, du chant, de la guitare et de quelques percussions, tu as aussi coproduit l’album avec Ross Hayes Citrullo et Stacey Shopsovitz. C’est important pour toi d’être présente à toutes les étapes du processus ?

Oui, c’est important d’être présente à toutes les étapes de l’enregistrement. J’aime l’équipe derrière ce projet et je fais confiance à leur expertise, mais en étant là, je peux m’assurer que ma vision des chansons est respectée. Je souhaite également en savoir plus sur les aspects plus techniques de l’enregistrement. Donc, être impliquée dans toutes ces étapes me permet d’apprendre des personnes avec qui je travaille. Je pense que c’est l’un des avantages d’être une artiste indépendante !

– Justement en parlant de son, la production du disque est très organique, directe et vraiment live. L’album est donc très spontané dans l’interprétation également. C’est une manière aussi de présenter ce à quoi on peut s’attendre en concert ? Cet aspect très roots de ton jeu ?

Je pense que l’objectif de cet album, du point de vue de la production, était de créer des sons Rock organiques, mais avec quelques éléments modernes. J’adore les icônes du Classic Rock, en particulier Led Zeppelin, mais je suis aussi une grand fan de groupes plus récents comme The Black Keys, Larkin Poe et Tyler Bryant & The Shakedown. Je suis inspirée par la façon dont ils sont tous capables de fusionner différents aspects. J’adore ce style très charnel, plein de Soul et doté de nombreux sons granuleux sur des productions modernes, qui créent ces sons Blues Rock actuels et emblématiques. Et puis, je pense que ces chansons conviennent aussi naturellement au concert.

– Justement, un mot sur les concerts. Est-ce que le fait d’être en Ontario, une région anglophone du Canada, t’offre plus de possibilités pour jouer aux Etats-Unis qu’au Québec notamment ? Et te verrons-nous en France bientôt ?

En fait, je n’ai pas encore donné de concerts aux États-Unis, ni au Québec. Mais en ce moment, j’ai plus de contacts avec les États-Unis. J’adorerais jouer dans ces deux endroits. Et bien sûr, j’adorerais venir jouer en France et j’espère pouvoir le faire bientôt ! (Juste après cette interview, la Canadienne a annoncé assurer la première partie de ses compatriotes The Commoners en Angleterre dès le 19 juillet pour une dizaine de dates – NDR)

Le nouvel album éponyme de MADISON GALLOWAY est disponible sur toutes plateformes et, bien sûr, sur le site de l’artiste :

www.madisongalloway.com

Catégories
International Stoner Rock

Greenleaf : indestructible foundation [Interview]

A la tête de deux institutions, qui sont autant de locomotives du Stoner européen, Tommi Holappa mène de front les groupes Dozer et GREENLEAF. Alors que le premier a sorti « Drifting in the Endless Void » l’an dernier, c’est avec le très bon « The Head & The Habit » qu’il réapparait aujourd’hui, toujours animé d’une passion inébranlable et d’une bonne humeur contagieuse. Très prolifique, le guitariste et ses trois camarades de jeu livrent un nouvel album riche et compact, tout en restant véloces et accrocheurs. Ce neuvième opus est l’un des meilleurs des Suédois et il s’accompagne aussi d’un changement de label. Entretien avec un musicien toujours aussi créatif.  

– La première sensation qui ressort de l’écoute de « The Head & The Habit » est une impression d’aboutissement, une sorte d’apogée du style de GREENLEAF. C’est aussi ton sentiment, celui d’être aller au bout d’un processus de création fort ?

Je peux te dire qu’après avoir eu le mixage final de l’album pendant presque cinq mois avant sa sortie, j’aime toujours beaucoup l’écouter ! Habituellement, bien sûr, j’apprécie chaque nouveau disque que nous faisons, mais avec le temps, on finit par avoir quelques favoris et aussi des chansons qui ne se sont peut-être pas révélées aussi bonnes qu’on l’aurait souhaité. Cela peut, par exemple, être de petits détails dus au mixage, comme le son de la guitare qui n’est pas parfait sur un solo. Des choses comme ça peuvent parfois m’énerver, donc je ne peux plus supporter certains morceaux ! (Rires)

Mais cet album, je peux l’écouter du début à la fin et j’en suis très satisfait ! L’écriture des chansons est forte, la production est excellente, il y a beaucoup d’énergie et on a l’impression que tout le travail acharné que nous avons prodigué a payé ! Alors oui, pour le moment, j’ai l’impression que c’est probablement notre album le plus fort à ce jour. Redemande-moi dans un an et on verra s’il aura résisté à l’épreuve du temps ! (Rires)

– Vos précédents albums gardaient toujours un petit côté imprévisible, tandis que celui-ci est assez direct avec un songwriting plus resserré aussi. L’objectif de « The Head & The Habit » était d’aller à l’essentiel, de gagner en efficacité ?

Quand nous avons commencé à écrire des chansons, nous savions que nous voulions faire un album un peu plus ‘joyeux’. « Echoes From A Mass » était un album assez sombre, parce qu’Arvid était en instance de divorce et il se sentait déprimé pendant la composition. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de divorce et tout le monde était dans une bonne situation de vie personnelle. Donc, il s’est agit de passer un bon moment, de profiter de la compagnie de chacun et de composer le meilleur album possible. Bien sûr, les textes sont toujours aussi sombres, car Arvid ne peut pas écrire de paroles joyeuses ! (Rires) Mais la musique est plus énergique et un peu plus entraînante.

– On retrouve bien sûr l’ADN de GREENLEAF avec ce savant mélange de Fuzz, de Desert Rock et de Blues enrobé d’un Stoner Rock véloce et percutant. Et l’album est aussi très bien équilibré. Justement, comment avez-vous travaillé cette fois-ci, et est-ce que vous avez œuvré, dès le départ, pour trouver la manière de rendre l’ensemble le plus homogène et complet possible ?

Lorsque nous commençons à travailler sur du matériel pour un nouvel album, cela prend toujours du temps avant d’entrer véritablement dans le flow. Nous pouvons avoir deux ou trois bonnes idées, mais qui ne nous semblent pas géniales pour autant. Cela peut prendre des semaines, ou parfois des mois, avant d’avoir cette idée de chanson qui nous fait vraiment dire ‘Wow !’. Pour cet album, « Avalanche » a été la chanson qui a tout déclenché. Cela devient plus facile d’écrire tranquillement quand on a une idée de morceaux qui nous inspirent vraiment. Ensuite, le reste arrive naturellement et après un certain temps, on a en quelque sorte un fil rouge qui traverse tout cela, et on commence à entendre ce qui manque à l’album. Les deux dernières chansons écrites ont été « That Obsidian Grin » et « An Alabastrine Smile », parce que nous avions déjà des titres très rythmés et on voulait ralentir un peu les choses. Et la tracklist de cet album a été décidée avec l’idée du vinyle en tête, car nous voulions deux faces, qui se terminent toutes les deux par un titre plus doux. C’est vrai que nous consacrons beaucoup de temps à essayer de trouver l’ordre parfait des morceaux, car un bon album doit être comme un bon film : avoir des hauts et des bas, ainsi que te tenir en haleine et te captiver jusqu’à la fin.

– Comme pour « Echoes From The Mass » et depuis très longtemps maintenant, vous avez travaillé avec Karl Daniel Lidén, qui vous connait très bien. Pourtant, le son paraît plus clair sur « The Head & The Habit » et la production plus accessible et accrocheuse aussi. Est-ce que cela tient tout simplement au contenu de l’album et des textes, ou c’est le son que vous cherchiez à obtenir depuis un moment déjà ?

Oui, Karl Daniel est en quelque sorte le cinquième membre du groupe et il sait exactement ce dont les chansons ont besoin. Habituellement, lorsque nous arrivons à la moitié d’un album, nous faisons un enregistrement merdique des chansons en répétition et en direct avec nos téléphones, puis nous l’envoyons à Karl Daniel. C’est à ce moment-là qu’il élabore généralement un plan sur la façon dont l’album devrait sonner. Il écoute les chansons et commence alors à entendre dans sa tête comment devrait être la production. Il fait vraiment ressortir le meilleur de nous !

– Un mot aussi au sujet des textes qui sont très introspectifs et qu’Arvid Hällagård a écrit en se servant de son expérience personnelle avec des personnes en souffrance. Et c’est vrai que l’album a un aspect très narratif dans son déroulé. On a l’impression que vous avez voulu apporter plus de profondeur et d’émotion en explorant ces thématiques. Pourtant, l’ensemble est étonnamment lumineux. Votre envie était-elle de jouer sur ces contrastes ?

Comme je te le disais, Arvid a du mal à écrire des paroles ‘joyeuses’ sur les voitures rapides, les filles et l’alcool ! (Rires) Nous laissons ça à d’autres groupes, qui le font mieux que nous. Sur cet album, les textes parlent principalement de problèmes de santé mentale et de dépendance et nous avons pensé qu’il était intéressant d’avoir des contrastes entre la musique et les paroles. La chanson peut être entraînante et dansante, mais ensuite les mots peuvent te transporter dans un endroit totalement différent.

– Ces dernières années, tu avais pu te consacrer uniquement à GREENLEAF et l’an dernier Dozer a aussi fait son retour (et quel retour !) avec le très bon « Drifting In The Endless Void ». De quelle manière mènes-tu les deux groupes de front ? Je pense surtout à la composition, à ton jeu de guitare et à ton son ? C’est facile de passer de l’un à l’autre ? Et est-ce que ta configuration personnelle est différente sur ton instrument et sa sonorité ?

En fin de compte, c’est facile car Fredrik (Nordin – NDR) et Arvid travaillent tous les deux de manière différente et ce sont des chanteurs très distincts aussi. Si je soumettais une idée de riff à Fredrik, puis la même à Arvid, cela donnerait deux chansons totalement différentes. Mais bien sûr, il y a des parties de guitare dans GREENLEAF, qui pourraient être celles de Dozer et inversement. Les trucs les plus Blues que je propose vont toujours à GREENLEAF et les trucs plus durs à Dozer. Et par ailleurs, je ne travaille pas sur des chansons pour les deux groupes en même temps, ça prêterait à confusion, je pense. Un album à la fois et avec un seul groupe. Et puis, j’ai la chance de travailler et de faire de la musique avec deux grands chanteurs.

– D’ailleurs, les albums de GREENLEAF et de Dozer sont assez proches dans leur sortie respective. Comme allez-vous défendre « The Head & The Habit » sur scène, est-ce que l’on pourrait rêver à une affiche regroupant les deux groupes, comme on a déjà pu le voir avec d’autres musiciens ?

C’est une bonne idée ! Mais je pense que Sebastian (Olsson – NDR), qui est aussi le batteur des deux groupes, et moi mourrions sur scène si nous faisions deux sets d’affilée ! (Rires) Et ce ne serait pas juste envers le groupe qui joue en dernier d’avoir Sebastian et moi après deux ou trois heures de scène dans les pattes ! (Rires)

– Tu es à la tête de deux groupes majeurs de la scène Stoner européenne, qui se distinguent dans des approches différentes et créatives. Même si les journées ne font que 24h, est-ce que tu pourrais avoir l’envie, ou juste l’idée, de créer une autre entité dans une nouvelle déclinaison Stoner ?

On m’a demandé de rejoindre différents projets, mais pour le moment, je n’ai pas le temps. Jouer dans ces deux groupes, avoir un travail quotidien, puis une famille et une fille m’occupent 24 heures. Mais un jour, je monterai un groupe avec Karl Daniel et Peder de Lowrider. Nous en parlons depuis des années. Nous sommes tous des gens très occupés, mais dans le futur, cela arrivera. C’est sûr !

– Enfin j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label. Vous avez quitté Napalm Records pour Magnetic Eye Records. Pour quelle raison et est-ce un label qui répond plus et mieux à vos attentes et qui s’éparpillent aussi peut-être moins dans son catalogue ?

Nous avons changé de label, parce que nous avions fait trois albums avec Napalm. Ils ont fait du bon travail, mais il était temps d’essayer autre chose. Nous voulions revenir à un label un peu plus petit, où nous serions l’un des plus grands groupes au lieu d’être un petit groupe de Stoner parmi beaucoup de groupes de Power Metal. Jusqu’à présent, tout se passe très bien avec Magnetic Eye Records ! Nous sommes heureux et eux ont l’air de l’être aussi… C’est un accord parfait !

Le nouvel album de GREENLEAF, « The Head & The Habit », est disponible chez Magnetic Eye Records.

Retrouvez la chronique de l’album précédent de GREENLEAF…

…Et les deux interviews de Tommi pour DOZER :

Catégories
Hard'n Heavy International

Euge Valovirta : revival vibrations [Interview]

Pour sa troisième réalisation en solo, le multi-instrumentiste, et surtout guitariste, a vraiment voulu se faire plaisir. Au menu, pas moins de sept chanteurs et amis invités sur des titres taillés sur mesure dans un Hard’n Heavy inspirés des années 80/90, où les références ne manquent pas. Cependant, la production très actuelle de l’ensemble offre un relief étonnant à ce « Hardtones », qui rappelle de belles sensations et de beaux souvenirs d’une époque où la créativité et l’enthousiasme n’avaient guère de limites. Le Finlandais qui nous en dit un peu plus sur sa démarche et cet album.

Photo : Kia Valovirta

– Avec « Hardtones », tu fais un sérieux lifting au Hard’n Heavy des années 80 et 90. C’est une époque que tu regrettes, même si on ne ressent d’ailleurs aucune nostalgie sur l’album ?

Merci, cela fait vraiment plaisir à entendre ! Est-ce que je regrette les années 80 et 90 ? Pas vraiment. Je suis né au milieu des années 70 et j’ai été initié au Rock dans les années 80. C’était une époque incroyable ! J’adore la musique des 80’s et des 90’s, car j’ai grandi avec et je voulais apporter ces vibrations aux années 2020, mais avec un petit lifting, comme tu l’as dit.

– Tu es l’actuel guitariste de Cyhra et tu as également joué dans Shining, Suburban Tribe, Children Of Bodom, Ensiferum, Hevisaurus et d’autres encore. Et ce sont des groupes aux styles très différents. Est-ce que sur « Hardtones », tu as enfin pu jouer la musique qui te ressemble le plus ?

J’ai été membre de Shining et de Suburban Tribe, mais les autres étaient des boulots de ‘mercenaires’. Cela dit, je les aime tous, car j’ai toujours apprécié différents styles de musique, que ce soit en tant que musicien, mais aussi comme auditeur. J’ai toujours joué la musique que j’aime. Et cette fois, j’avais tout simplement envie de faire ce genre d’album. (Sourires)

Euge aux côté de Samy Elbana (Lost Society), qui interprète deux chansons de l’album.

– Tu possèdes ton studio en Suisse où tu enregistres et produis aussi d’autres artistes. Est-ce que c’est aussi là que tu as conçu et réalisé « Hardtones » et comment cela s’est-il passé avec un nombre aussi important de musiciens ?

Oui, j’ai enregistré toutes les guitares et les basses dans mon studio. La batterie a été enregistrée aux Etats-Unis dans le studio de Devin James, qui joue sur tout l’album. Ensuite, tous les chanteurs ont enregistré leurs parties dans leurs home-studios en Finlande et en Suède. Puis, j’ai mixé et masterisé l’album chez moi. Et enfin, Jacob Hansen m’a un peu aidé aussi pour le mastering, surtout pour le vinyle, et tout ça a très bien fonctionné.

– On retrouve sur l’album des chanteurs qui évoluent dans des groupes mélodiques et d’autres plus rugueux, mais tous dans leur registre habituel. Tu n’as pas eu envie de les faire sortir un peu de leur zone de confort ? Cela aurait pu être une expérience différente aussi pour eux…

Pas vraiment, en fait. La raison pour laquelle je voulais ces gars-là, c’est parce que j’aime ce qu’ils font, ou ont fait. Et tu connais le vieil adage : ‘pas besoin de réparer ce qui n’est pas cassé’. (Sourires)

Euge aux côté d’Olli Herman (Reckless Love), interprète du single « Living, Slow Suicide ».

– Ce qui est également étonnant, c’est que « Hardtones » est très homogène avec une réelle unité à travers les onze morceaux. C’était important pour toi de garder la cohérence du style sans trop se disperser ? Et puis, qu’ils soient aussi tous scandinaves et Finlandais pour beaucoup ?

Je suis très content d’entendre ça, merci ! Pour être honnête, je n’y ai pas vraiment pensé. Je suppose que c’est parce que j’ai co-écrit les morceaux avec les chanteurs. Et puis, je joue les aussi de deux/trois instruments sur les chansons, ce qui donne probablement cette unité. En fait, je voulais tout simplement avoir ces gars-là et il se trouve que la plupart d’entre eux sont finlandais.

– Musicalement et notamment au niveau de la guitare, on sent que tu te fais vraiment plaisir. Tu n’as pas été tenté de chanter sur l’un des morceaux ?

Tu as tout à fait raison. J’ai eu tellement de plaisir à faire cet album. Je fais les chœurs sur presque tous les morceaux, mais je ne suis pas suffisamment bon pour interpréter le chant principal. Et comme je te le disais, j’ai aussi tout écrit avec un certain chanteur en tête, et c’est également avec eux que j’ai finalisé l’écriture des titres.

Photo : Kia Valovirta

– Est-ce qu’avec un si bon album entre les mains, tu envisages de le défendre sur scène, même si tu ne parviens pas à réunir tous les guests ?

Nous venons de faire deux concerts pour la sortie de l’album en Finlande et tout le monde, sauf Jake E, a pu y participer. Et c’était génial ! Ce serait super de faire plus de concerts à l’avenir, avec ou sans tous les chanteurs d’ailleurs, mais nous sommes tous tellement occupés avec nos groupes respectifs que c’est assez difficile à organiser. Mais on verra !

– Un mot enfin à propos de Cyhra avec qui tu as sorti « The Vertigo Trigger » l’an dernier. Quels sont les projets du groupe ? Des concerts ou déjà la composition d’un nouvel album ?

Nous avons quelques festivals cet été, puis une tournée scandinave avec Evergrey en septembre-octobre et probablement une autre à travers l’Europe ensuite. Sinon, nous écrivons tous et tout le temps. Je pense que, plus tard dans l’année, nous nous réunirons pour voir ce que nous avons pour le prochain album.

L’album d’EUGE VALOVIRTA, « Hardtones », est disponible chez Gramophone Records/Warner Records Finland.

Catégories
Desert Rock International Space Rock Stoner Rock

Fu Manchu : un mythe intact [Interview]

Pilier et pionnier du Stoner Rock aux saveurs largement Desert et Space Jam dans l’esprit, FU MANCHU mène une carrière exemplaire, parvenant sans cesse à rester très prolifique au sein-même du groupe comme en dehors. Avec « The Return Of Tomorow », le quatuor du sud de la Californie est parvenu à une synthèse parfaite de l’évolution musicale qui les caractérise depuis toutes ces années. Lourd, aérien, délicat et accrocheur, ce nouvel opus s’apprête à déferler sur scène et c’est encore son guitariste, Bob Balch, qui en parle mieux.

Photo : Thom Cooper

– L’an prochain, FU MANCHU célèbrera ses 40 ans d’existence et un très beau parcours. Vous avez commencé en jouant un Punk Hard-Core avant de côtoyer ses sonorités plus Hard Rock pour enfin donner naissance au Stoner et au Desert Rock. Que retiens-tu de cette évolution ? Te paraît-elle assez naturelle avec des étapes finalement nécessaires ?

J’ai rejoint FU MANCHU en 1997, donc le son était déjà plutôt bien établi à ce moment-là. Tu sais, je connais des tonnes de musiciens, qui sont passés du Punk Hard-Core au Heavy Rock des années 70. Pour ma part, j’ai commencé avec des groupes de Heavy Metal de la fin des années 70, puis j’ai découvert le Punk Rock, donc c’est un peu l’inverse me concernant, mais mélanger les deux styles fonctionne totalement !

– Ca, c’est pour l’aspect musical de FU MANCHU, mais qu’en est-il des textes et des thématiques que vous abordez ? Est-ce que, de ce côté-là aussi, il y a eu de profonds changements et peut-être des remises en questions à un certain moment ?

En ce qui concerne les textes, ce serait plutôt une question à poser à Scott Hill. D’après ce que j’en comprends, il s’agit principalement d’inspiration de films de série B et de blagues internes, des sortes de ‘private jokes’. Mais je pense que cela va bien plus loin que cela.

Bob Balch – Photo Visions In Pixels

– Est-ce que lorsqu’on fait parti du processus de création du Stoner/Desert Rock, comme c’est le cas pour FU MANCHU et quelques autres, on se sent un peu le gardien du temple ? Ou du moins le garant d’un style qu’il faut peut-être préserver, mais également faire évoluer ? 

Pas vraiment, en fait. Au départ, nous n’avions pas vraiment l’intention de créer un son Stoner Rock. Le terme ‘Stoner Rock’ nous est même venu plus tard. Et puis, je pense que chaque style doit également évoluer. Je suis super content quand j’entends un groupe qui pense et qui joue en dehors de son genre d’origine en allant toujours de l’avant.

– Il a fallu attendre six ans pour que vous livriez ce 14ème album, « The Return Of Tomorrow ». Pourtant, FU MANCHU a été très actif avec un album live, des rééditions, trois Eps et même la bande originale d’un documentaire, sans compter vos tournées. Vous êtes vraiment un groupe d’hyperactifs, et on reviendra aussi sur tes projets personnels plus tard. Est-ce qu’avec toutes ces activités, il vous fallu trouver le bon moment pour vous poser et composer ces 13 nouveaux titres ? Attendre l’accalmie en quelque sorte…     

Tu sais, nous nous réunissons pendant environ trois heures tous les jeudis. Ce sont trois heures vraiment très productives. Nous repartons généralement avec un morceau complet, ou au moins la moitié d’une chanson. Nous écrivons ensemble depuis si longtemps que c’est devenu une machine bien huilée à ce stade de notre carrière.

Photo : Visions In Pixels

– FU MANCHU est aussi réputé pour être un groupe qui va sans cesse de l’avant. C’est ce que vous avez voulu signifier avec ce titre « The Return Of Tomorrow » ? Que rien n’est figé et vous êtes résolument tournés vers l’avenir ?

Carrément ! Et puis, tu sais, je reste vraiment conscient de notre incroyable longévité et je suis très reconnaissant à tous nos fans.

– Parlons plus précisément de ce nouvel et très bon album. Il est la quintessence parfaite du style FU MANCHU avec encore et toujours des nouveautés dans les compositions et bien sûr dans le son, qui ne cesse d’évoluer lui aussi. Il y a un énorme travail sur le ‘Fuzz’ comme souvent chez vous. Est-ce que, finalement, ce n’est pas la chose qui vous importe le plus ? Le faire grossir et lui faire prendre des directions différentes et nouvelles ?

Nous cherchons toujours à nous améliorer, c’est un fait établi. Ce sont les chansons qui comptent le plus, bien sûr. Mais si nous pouvons obtenir les meilleurs sons possibles, en tout cas pour nous et à nos oreilles, c’est ce qui compte le plus ! Par ailleurs, c’est très important pour nous dans le groupe que notre bassiste, Brad Davis, fabrique et conçoive ses fameuses pédales fuzz ‘Creepy Fingers’.

Scott Hill – Photo Visions In Pixels

– « The Return Of Tomorrow » est aussi très particulier dans sa construction, puisqu’il est scindé en deux parties. La première est très Heavy et Fuzz et la seconde est plus Desert avec aussi un côté Space Jam. C’était l’ambition de départ ? De livrer des atmosphères opposées et aussi de pouvoir vous exprimer le plus largement possible ?

Oui, nous en avons discuté dès le départ. Quand nous avons commencé à écrire, nous avons essayé des chansons très lourdes, puis plus douces pour voir quel style servait le mieux les chansons. C’était d’ailleurs très amusant pour nous d’aborder ce disque avec l’idée que nous allions ensuite le diviser en deux.

– Est-ce que, dans le cas de FU MANCHU, cela demande d’être dans un certain esprit pour aborder au mieux ces ambiances très différentes ?

Pas vraiment, finalement. Personnellement, si je me sens inspiré, je vais en tirer le meilleur parti à ce moment précis et je vais composer autant que possible. Mais chaque semaine quand nous nous réunissons, c’est toujours dans l’idée de nous déchaîner et de nous défouler au maximum !

Photo : D.R.

– D’ailleurs, comment allez-vous composer vos setlists pour les concerts à venir ? Elles seront plutôt axées sur le côté Heavy du groupe, et allez-vous intégrer ces nouveaux morceaux plus ‘légers’ comme des interludes, par exemple ?

Probablement, un peu des deux et le plus possible. C’est vrai que nous pourrions aussi en changer soir après soir. Et puis, cela dépend également s’il s’agit d’un concert spécifique de FU MANCHU ou d’une configuration en festival. Si c’est notre propre show, nous jouerons davantage le nouvel album, c’est certain.

– Justement, parlons des concerts, vous serez en tournée en Europe à l’automne, mais d’abord en juin avec un passage au Hellfest, votre deuxième, je crois. Votre dernière venue date de 2019. C’est un festival que vous appréciez particulièrement ?

Oui, le Hellfest est super fun ! La première fois que nous avons joué là-bas, je n’ai regardé ni la scène, ni le public jusqu’à ce que nous montions sur scène. Je me détendais tranquillement dans les coulisses en regardant l’émission « Showdown ». Et quelques minutes plus tard, nous jouions devant des milliers de personnes. C’est un contraste saisissant et jubilatoire !

Photo : Thom Cooper

– Enfin, Bob, j’aimerais que l’on parle aussi de tes multiples side-projets. Il y a Big Scenic Nowhere dans un registre Desert/post-Rock Progressif, Yawning Balch dans un registre assez proche et plus Psych et enfin Slower, qui est un album de reprises de Slayer dans des versions Doom étonnantes. C’est très varié et assez éloigné de FU MANCHU. Tu as besoin de te lancer ce genre de défi, ou c’est plus simplement un désir d’explorer d’autres styles, dont tu es aussi fan ?

Tu sais, mes influences sont très diverses. De plus, j’ai acheté une ‘Universal Audio OxBox’, qui me permet d’enregistrer très facilement mes guitares avec la qualité d’un album à la maison. Cela m’a aussi aidé à devenir plus prolifique. Big Scenic Nowhere et Yawning Balch sont un peu arrivés par hasard, et je n’ai pas su refuser. Je suis un grand fan du jeu de guitare de Yawning Man et de Gary Arce. J’ai secrètement toujours voulu collaborer avec eux. Je suis ravi que cela se soit produit et que cela continue d’exister. Yawning Balch va d’ailleurs bientôt sortir deux albums. L’idée que je m’en fais est plus posée et je me suis aussi bien amusé à faire le premier disque. Et nous avons presque terminé le deuxième. J’ai des tonnes de morceaux originaux cette fois-ci, et c’est génial.

– Enfin, et puisque l’on parle de tes projets annexes, est-ce que tu te consacres déjà à d’autres choses, ou es-tu essentiellement focalisé sur FU MANCHU et ce nouvel album pour le moment ?

FU MANCHU est mon activité principale. Nous tournons énormément pour soutenir « The Return Of Tomorrow » et j’en suis franchement ravi ! J’ai vraiment hâte que les gens l’entendent. Je pense que nous nous sommes vraiment surpassés sur celui-là !

Le nouvel album de FU MANCHU, « The Return Of Tomorrow », sera disponible le 14 juin sur le propre label du groupe, At The Dojo Records.

Catégories
Blues Rock International Soul

Eliza Neals : la tolérance par le Blues [Interview]

Chanteuse, musicienne et productrice accomplie, ELIZA NEALS vient tout juste de sortir son troisième album, « Colorcrimes ». Cette nouvelle réalisation, toujours très Blues Rock mais aussi très Soul, est une sorte de plaidoyer pour la tolérance tant la situation qu’elle vit au quotidien dans sa ville de Detroit la touche. Très pointilleuse également, la frontwoman se renouvelle ici avec beaucoup de talent et une inspiration qui ne la quitte jamais. Retour avec elle sur ses nombreuses collaborations et la création de ce nouveau disque haut en couleur… avec toujours le même plaisir !

– Notre dernière interview date d’avril 2020. Nous étions en pleine pandémie, en plein confinement et tu venais juste de sortir ton album « Black Crow Moan ». Il n’a évidemment pas reçu la lumière méritée, mais as-tu pu le défendre normalement sur scène par la suite et comment a-t-il été accueilli ?

Heureusement, il a été ajouté sur ‘Sirius XM Bluesville Worldwide’ à 37 millions d’auditeurs coincés à la maison, donc je dirais que ce fut un énorme succès après tout. De nombreuses personnes ont été choquées et effrayées en se réfugiant chez elles. J’avais juste besoin de répondre à la tristesse et à l’inquiétude du monde avec ce nouvel album « Black Crow Moan ». J’ai eu la chance de pouvoir faire appel à une icône du Blues Rock et un ami, M. Joe Louis Walker, qui a chanté, joué de la guitare et produit également. Il a insufflé l’intensité parfaite à l’ambiance générale de « Black Crow Moan » et sur « The Devil Don’t Love You ». Il m’a également invité à jouer quatre fois à ‘Musitique Island’, une île privée appartenant au riche et célèbre Mick Jagger. Alors, je me suis dit pourquoi ne pas sortir « Black Crow Moan », puisque je possède mon propre label avec mon partenaire et que je peux guérir certaines âmes. J’essaie toujours de transformer les citrons en limonade (expression typiquement anglo-saxonne : « When life gives you lemons, make lemonade » – NDR).

– Sur « Black Crow Man », tu avais travaillé avec Joe Louis Walker et Derek St Holmes sur les morceaux et sur la production de l’album. Pour « Colorcrimes », c’est avec Barrett Strong Jr et Michael Puwal. Comment se sont faites ces rencontres, car on sent une réelle complicité entre vous autour des chansons ?

J’avais contacté Joe Louis Walker pour produire et figurer sur quelques chansons de mon album après l’avoir rencontré à New York, via mon ami et bassiste Lenny Bradford, un autre musicien emblématique du Blues. Il a réagi avec une véritable sympathie pour moi en tant qu’artiste et auteur-compositrice, ce qui m’a été d’une grande aide dans le milieu, car il est une icône. Derek St. Holmes est quant à lui une Rockstar de Detroit et un phénomène mondial connu pour avoir joué de la guitare et chanté avec Ted Nugent. Je venais de le contacter avec mon coproducteur et ami Mike Puwal, qui vivait à Nashville à l’époque, tout comme Derek, et il a dit oui. Il a adoré jouer sur mon album après s’être renseigné sur moi et écouté ma voix.

– D’ailleurs, « Colorcrimes » a des sonorités très différentes de « Black Crow Moan ». C’est aussi ce que tu cherchais en changeant d’équipe et de collaborateurs ?

Oui, je me réinvente toujours d’album en album tout en restant dans le Blues moderne et le style Blues Rock américain. Je travaille également avec le meilleur coproducteur, guitariste, auteur-compositeur et ami depuis 20 ans et qui se trouve également être l’ingénieur du son : Michael Puwal. Je l’avais embauché pour travailler à la fin des années 1990 dans le studio d’enregistrement de Barrett Strong. C’était en 1997, date depuis laquelle nous sommes amis et collaborateurs. Mike Puwal est avec moi depuis de nombreuses années et nous continuons simplement à faire ce que nous faisons. Les sons ne sont pas planifiés, ils viennent naturellement. Si je débute seule au piano, alors cela m’amène à l’idée suivante, mon orgue Hammond B3, puis les chœurs teintés de Gospel et ensuite la guitare glissée encore et encore. Je l’entends se développer dans ma tête. L’ambiance a été une sensation très clairsemée, ouverte et aérée et une sorte d’hymne nostalgique pour le morceau « Colorcrimes ». Je l’ai joué sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ juste avec mon piano et avec le groupe, nous sommes entrés très lentement en augmentant l’intensité de la chanson. C’est ainsi que j’ai abordé l’enregistrement. L’arrangement a été créé sur scène devant des milliers d’auditeurs attentifs, qui attendaient tous une sensation forte et nouvelle. Ils se sont immédiatement connectés avec moi sur le plan spirituel avec « Colorcrimes » et beaucoup ont été émus aux larmes. J’ai su immédiatement que ce serait mon nouveau single et mon inspiration pour tout l’album.

– Et comme pour l’album précédent, tu t’es entourée de nouveaux musiciens encore très, très bons. Comment as-tu effectué tes choix pour « Colorcrimes » ?

C’est toute une vie de travail et de relations avec les meilleurs musiciens du monde venus de Detroit et maintenant d’autres régions. Depuis que je tourne en tant qu’artiste de Blues Rock, je vais dans différents endroits pour enregistrer et s’ils sont là, ils font la session. Je sais qui a le sens des chansons, alors je les contacte. J’ai appris du meilleur auteur-compositeur et producteur que la ‘Motown’ avait à offrir et qui est mon mentor : le légendaire Barrett Strong Jr. Il m’a toujours dit que si je pouvais faire jouer les meilleurs musiciens avec moi sur mes disques, alors il fallait le faire. Et je suis ses conseils dans tout ce que je fais. Il est le maître de la production et de l’écriture de chansons. Cela fonctionne. Il a un ton parfait et son oreille entend tout. Si quelqu’un est hors ton, il est remis en place. Alors oui, c’est une expérience un peu humiliante et c’est ce que j’ai aussi appris à faire en studio.

– Est-ce aussi pour cette raison que tu as été enregistrer à Nashville, dans le New Jersey et dans le Michigan ? Tu es à nouveau allée à l’encontre des musiciens ?

Oui, ça marche comme quand je suis en tournée, je travaille sur des chansons en fonction des sessions et des musiciens en ville. Donc oui, je planifie tout, car la plupart des gens se trouvent dans différentes régions. Si on ajoute New-York, par exemple, j’y ai quatre studios d’enregistrement disponibles répartis sur quatre spots et avec des musiciens stellaires dans mon équipe. C’est une entreprise très coûteuse, donc si j’ai de très bons amis qui sont également des musiciens professionnels de studios, c’est parfait. Barrett Strong me disait aussi toujours que si vous écrivez la chanson, vous êtes également le producteur, parce que vous savez comment ça se passe mieux que quiconque. Donc, jusqu’à présent, ça a fonctionné pour moi. Je suis ouverte à travailler avec d’autres producteurs, mais je ne leur donnerai pas 20.000 $ pour faire ce que je sais faire. Tout cet argent doit être récupéré dans mon budget grâce aux ventes de disques et à la radio.

– D’ailleurs, et ce qui est même assez étonnant, c’est que la production de l’album est très homogène, malgré les différents studios et le nombre importants de musiciens. Le mix et le mastering ont dû être assez longs, j’imagine ?

Non, au contraire, la plupart des gens me regardent et pensent « Oh, vraiment ! C’est une productrice, je parie que ce n’est pas très bon ! ». Ensuite, ça arrive sur les ondes et c’est immédiatement ajouté à toutes les stations de radio et à Sirius XM. C’est donc que ça doit être bien, qu’elle fait quelque chose de bon. Lorsque vous étudiez l’art de la production de The Great Barrett Strong Jr. pendant plus de 20 ans, on acquiert des connaissances de ce génie musical. Il m’a appris comment embaucher des musiciens, comment produire ma propre musique, comment placer les choeurs, comment enregistrer ma voix en studio pour un album, comment mixer, comment obtenir certains sons à la batterie, etc… Tout est réglé dans ma tête et dans mes oreilles. Je suis une Américaine d’origine arménienne et nous sommes une nation de musique. J’ai obtenu un diplôme spécialisé en musique, j’ai étudié la direction d’orchestre, l’opéra, le piano et j’ai fait une tournée mondiale dans une chorale d’élite en compétition pour le chœur du monde à la ‘Wayne State University’. J’ai étudié avec le maître lui-même, M. Barrett Strong, qui a écrit, produit et arrangé la crème de la crème. Je sais comment faire en sorte que chaque chanson fonctionne avec la suivante, car c’est un sentiment et une ambiance que je ressens en studio juste en écoutant. Si c’est enregistré correctement avec d’excellentes performances et bien sûr que la chanson est bonne, vous ne pouvez pas vraiment vous tromper. Michael Puwal a également appris de Strong. C’est un musicien extrêmement talentueux, qui joue de tous les instruments et lui et moi avons travaillé ensemble en toute harmonie.  

– Est-ce que, pour les concerts à venir, tu gardes le même dur noyau dur de musiciens, c’est-à-dire ceux qui t’accompagnaient déjà sur l’album précédent ?

J’ai différents musiciens partout dans le monde qui sont les meilleurs du genre. De nos jours, garder la même équipe coûte très cher, car il faut avoir un bus, acheter de la nourriture, payer les hôtels, etc…. Même les artistes avec de grandes maisons de disques font faillite en faisant des tournées. Tout dépend de combien vous dépensez en amont et gagnez ensuite au final.

– J’aimerais que tu me parles de la genèse de « Colorcrimes » et aussi de son titre. Est-ce que la pandémie, notamment, a eu impact sur l’écriture des textes, car ils sont paradoxalement très positifs ?

« Colorcrimes » a été écrit il y a longtemps sous l’influence de Mr. Strong. Nous avions même un chœur Gospel dessus, lorsque nous l’avons enregistré. Je l’ai écrite sur mon piano et il a adoré. J’ai grandi dans la banlieue de Detroit, où le racisme et l’intolérance sont bien vivaces. Je le ressens tous les jours, que cela s’adresse à moi également, parce que je suis blonde, arménienne, femme et aussi à mes amis noirs, musulmans et à d’autres minorités. Je me suis toujours sentie à l’aise avec les minorités, je ressens le besoin d’aider mes amis s’ils sont maltraités par un autre groupe ethnique. Et la plupart du temps, ce sont les suprématistes blancs. Je suis blanche, mais ne vous laissez pas tromper par l’extérieur. Par ailleurs, pour le morceau, j’ai senti qu’il y avait besoin d’une refonte des arrangements et je l’ai faite sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ l’hiver dernier. Les gens étaient en larmes, car cela a touché une corde sensible. Donc, je savais qu’il fallait insister sur le fait que nous avions encore des imbéciles racistes et sexistes sectaires à soigner dans ce monde. Alors, j’espère qu’ils entendront tous « Colorcrimes ».

– Un mot aussi sur l’atmosphère globale de l’album, qui est moins Blues Rock et plus Soul avec d’incroyables parties d’orgue et de piano encore. Et tu as également interprété l’intégralité des voix, c’est-à-dire incluant les chœurs. C’est ce côté très solaire que tu recherchais ?

Oui, j’adore le mélange de l’orgue B3, du piano et de ma voix qui est bluesy, Rock avec un soupçon de Soul. Donc oui, je suis contente de ce son global. Barrett Strong m’a appris à empiler les voix pour que cela ressemble à une chorale, c’est ce que j’ai fait. Tous les chœurs sont de moi. Je sais aussi comment apporter un son plus religieux. Je suis très heureuse de l’album dans son ensemble. Si je peux l’écouter et que je ne m’en lasse pas, alors j’ai réussi.

– Enfin, j’aimerais qu’on parle aussi de ta venue en France en septembre prochain au ‘Léman Blues Festival’ et en tête d’affiche d’ailleurs. Quels sont les sentiments qui t’animent et surtout vas-tu en profiter pour donner d’autres concerts ici, ou ailleurs en Europe ?

J’attends avec impatience le ‘Léman Blues Festival’ le 13 septembre prochain et je vous apporterai mon vaudou de Détroit ! Merci beaucoup ! La France est un endroit que j’ai toujours voulu visiter. Lorsque le festival m’a appelé, j’ai été très heureuse d’accepter. Il inclura des amis et des musiciens fabuleux dans une ambiance Blues Rock et Soul de Detroit et ce sera quelque chose que vous n’avez encore jamais entendu.

L’album d’ELIZA NEALS, « Colorcrimes », est disponible chez E-H Records LLC et sur toutes les plateformes de streaming.

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

Et une première interview réalisée avant la création du site sur Facebook…

https://www.facebook.com/share/p/F54EuQRA3LaztXh5

… Tout comme la chronique de « Black Crow Moan » :

https://www.facebook.com/share/p/LSZ2j1YWgpKJpvNn