Avec un son clair et puissant, KING OF NONE déroule son Stoner Rock avec détermination. « In The Realm », deuxième album des Scandinaves, vient confirmer un travail de longue haleine mené depuis une bonne décennie maintenant. Très varié et parfois même surprenant, on se laisse embarquer dans un univers, où le Metal vient faire cause commune avec des passages très progressifs, le tout dans une harmonie convaincante. Spatial et charnu, le combo ouvre un nouveau chapitre avec brio.
KING OF NONE
« In The Realm »
(Argonauta Records)
Cinq ans après son premier opus, « Weightless Waters », qui faisait lui-même suite à trois EP, la formation d’Helsinki est de retour avec un deuxième effort, qui vient définitivement imposer une touche très personnelle. KING OF NONE avait déjà laissé entrevoir avec les singles « Speeder Approaching », « Lizards For Brains » et « Low’n’Slow » que ce « In The Realm » serait costaud et doté d’une bien belle production. Et c’est le cas, puisque les neuf titres qui s’étalent d’ailleurs sur près d’une heure, montrent autant d’énergie que de diversité et avec un souci de la mélodie omniprésent.
Est-ce parce qu’ils ont gardé le même line-up depuis leur création en 2013, mais KING OF NONE montre une belle unité, qui fait sa force. Derrière son frontman, Miiro Kärki, les deux guitaristes Aleksi Kärkkäinen et Juha Pääkkö et la rythmique gonflée à bloc par Juho Aarnio à la basse et Patrick Enckell derrière les fûts, le quintet a presque fait de son Stoner Rock un laboratoire, où se croisent des ambiances Desert Rock, Psych, Grunge, clairement Hard Rock et Heavy aussi et même alternatives.
Mais loin de se disperser, le groupe se montre au contraire très complet en réussissant à intégrer tous ces éléments dans un même élan, faisant de son Stoner Rock une machine aussi captivante que véloce et percutante. KING OF NONE cultive son art du riff sur des morceaux relevés, où le combo prend soin de ne jamais en faire trop (« DPD », « For The Ride », « Snail Train », « The Man… », « Crab Nebula »). Compacts et efficaces, les Finlandais livrent un très bon album et mettre le doigt dedans, c’est ne plus le lâcher !
Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.
FREDDY AND THE PHANTOMS
« Heathen Gospels »
(Target Group/SPV)
Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.
Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.
Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.
Avant de lire cette chronique de GUENNA, mettez-vous dans les oreilles les morceaux « Bongsai », « Dimension X », « Dark Descent » chanté par Elin Pålsson, « Ordric Major » et « Weedwacker ». L’intelligence à l’œuvre ici est assez unique et si on y ajoute une production excellente, on obtient un album plus que singulier. Les Suédois offrent un travail sur les voix incroyable, tout comme celui sur les guitares. Leur Stoner Rock, teinté de Prog, reflète tout ce que l’on peut attendre du registre. « Peak Of Jin’Arrah » frôle la perfection !
GUENNA
« Peak Of Jin’Arrah »
(The Sign Records)
Il y a de longues années maintenant, un premier album servait souvent de référence dans la carrière d’un groupe et il devenait même par la suite souvent le préféré des fans. De nos jours, la donne a changé et ceux-ci ont plutôt tendance à s’améliorer au fil du temps. C’est très bonne chose en soi, mais les coups d’éclats se font dorénavant très rares. Cela dit, GUENNA renverse la table dès son arrivée en signant son éclosion avec panache et aussi beaucoup de la maturité dans le jeu et la composition. Le feeling et la réflexion font ici cause commune.
Formé en 2019, le jeune quatuor avait déjà sorti un EP éponyme l’année suivante, avant de se faire remarquer part le label suédois The Sign Records, jamais avare de belles découvertes. Et GUENNA en est une très belle ! Il faut reconnaître que « Peak Of Jin’Arrah » démontre de manière éclatante tout le talent et l’inventivité de ces quatre anciens étudiants en musique. Et lorsque Nick Oliveri (Kyuss, QOTSA) va jusqu’à s’enflammer après un concert en première partie de Stöner, il y a de quoi se sentir pousser des ailes. Et c’est le sentiment qui domine ici.
L’originalité des Scandinaves, basés à Malmö, réside aussi dans le processus de leur approche de la musique. En effet, plusieurs morceaux sont directement nés sous forme de concept avant même la moindre note. Dès lors, on comprend mieux pourquoi les structures sont si élaborées et évidentes à la fois. Rien de superflu, tout est en place. Les riffs, les breaks, les solos, les incroyables harmonies vocales et quelques touches de folklores local : GUENNA a de quoi faire pâlir les vieux de la vieille. Sauf incident majeur, le quatuor est l’avenir du Stoner !
Avec « Supersonic Megafauna Collision », le quatuor grec s’impose définitivement comme l’une des références du Doom européen. Si l’ascension du groupe d’Athènes a été fulgurante, elle ne doit rien au hasard, mais à la passion et au travail de ses membres. Sans se reposer sur ses acquis, ACID MAMMOTH continue sa quête musicale, tout en installant un son et une touche dorénavant très personnels. L’univers reste Doom, mais le Metal et surtout le Stoner cette fois sont autant de terrains de jeu que la formation hellène maîtrise avec une rare élégance… et s’entretenir avec Chris Babalis Jr (chant, guitare) est toujours un réel plaisir.
– L’an prochain, ACID MAMMOTH fêtera ses 10 ans d’existence et le bilan est assez exceptionnel avec quatre albums, un split EP et une belle notoriété acquise. Non seulement la pandémie ne vous a pas arrêté et vous avez aussi conservé le même line-up, ce qui devient assez rare aussi. La satisfaction est-elle totale, ou referiez-vous certaines choses différemment avec le recul ?
Quand il s’agit de regarder en arrière tout ce que nous avons fait jusqu’à présent, nous sommes clairement satisfaits. Nous vivons notre rêve, nous sortons des albums et nous donnons des concerts en dehors de notre pays. Même si ce n’est pas un travail, mais simplement un plaisir, nous vivons pour cela. Il y a certainement des choses encore à réaliser, nous avons beaucoup de projets pour l’avenir et nous travaillons tout le temps sur le groupe. Donc, il y a toujours quelque chose à l’horizon. Quand il s’agit des choses que nous ferions différemment, il y en a sûrement aussi. Cependant, chaque fois que nous y réfléchissons, on sait que nous l’avons fait, parce que c’est ce que nous ressentions à ce moment-là. Tout ce qui a été créé par le passé, on le ferait différemment maintenant, parce qu’on a changé et on a évolué. Mais il n’y a rien que nous regrettions.
– A la sortie de « Caravan », qui avait été entièrement réalisé pendant les confinements, tu m’avais dit que cette période avait finalement été très créative et même apaisante. Cette fois pour « Supersonic Megafauna Collision », cela fait suite à une belle série de concerts. Dans quel état d’esprit avez-vous composé et pris le chemin du studio ?
Nous avons composé et enregistré le nouvel album l’an dernier, tout en jouant dans toute l’Europe. On enregistrait, puis on prenait l’avion pour un concert. Et on revenait pour reprendre l’enregistrement, et ainsi de suite. Même si ce processus peut paraître intimidant à première vue, ce n’était pas le cas pour nous. Bien au contraire, cela nous a vraiment donné beaucoup d’énergie. Parfois, de retour chez nous après des concerts à l’étranger, nous avions un sentiment de vide, comme si quelque chose de beau était terminé et que nous devions retourner à notre routine quotidienne. Mais ce n’était pas le cas cette fois-ci, car chaque fois que nous terminions un spectacle et que nous devions rentrer, quelque chose d’aussi beau nous attendait à la maison : notre nouvel album !
– Je trouve que l’album présente une nouvelle dynamique à travers ses morceaux, comme si vous étiez totalement débridés. Est-ce que c’est justement le contact direct avec le public qui a changé vos perspectives et peut-être aussi la perception de votre jeu ?
Très certainement. Enregistrer un album après deux tournées a définitivement influencé la façon dont nous avons composer nos nouveaux titres. L’enthousiasme, l’énergie et tous les sentiments que nous avons ressentis sur la route ont joué un rôle crucial dans la définition du son des chansons du nouvel album. L’ensemble du processus semblait naturel lors de la composition. Nous n’avons ressenti absolument aucune pression, quant à savoir si elles seraient bonnes, ou pas. Et même si nous examinons toujours tout au microscope pendant le processus d’écriture et de production, le débat n’a jamais été de savoir si les morceaux seraient bons ou non, mais plutôt de savoir comment ils pourraient sonner encore mieux. Toute l’écriture de cet album a été remplie d’enthousiasme et de bonnes vibrations. Pas de stress, pas de pression, juste une envie de créativité et de plaisir à être et à jouer ensemble. Et quand on fait ce que l’on aime, il y a de fortes chances que quelqu’un d’autre l’appréciera aussi.
– D’ailleurs, « Supersonic Megafauna Collision » est beaucoup plus fuzz et donc Stoner que « Caravan », qui était très Metal. L’intention était d’être plus direct et frontal sur ce nouvel album ?
Pour être tout à fait honnête avec toi, en composant les chansons de ce nouvel album, nous n’avions pas de plan précis en tête, principalement parce que nous ne voulions pas tomber dans le piège du ‘il faut sonner comme ça’, car cela aurait peut-être pu être limitant et restrictif. Au lieu de ça, nous avons suivi le courant, nous avons simplement pris nos instruments et nous avons commencé à jouer. Et ce que tu entends sur le disque en est vraiment le résultat. Bien sûr, il y avait des choses que nous avions déjà en tête comme, par exemple, le concept de chaque chanson, les thèmes et l’atmosphère que nous voulions transmettre. Mais dans l’ensemble, tout s’est déroulé de manière assez organique et simple. Les nouvelles chansons ne sont pas l’assemblage de différents riffs. Une fois qu’une première idée de chanson était proposée, toute la structure se développait à partir de là jusqu’à finalement se couvrir de chair et d’os et prendre forme.
– Ce qui surprend aussi cette fois, c’est la progression que l’on ressent au fil des morceaux, un peu comme si vous développiez un concept sur l’album. Est-ce le cas ? Et y a-t-il un lien entre les chansons, une sorte de fil conducteur sur « Supersonic Megafauna Collision » ?
Bien qu’il n’y ait pas d’histoire globale sur tout l’album, au moins sur le plan musical, les chansons sont liées, car elles expriment nos sentiments au moment où elles ont été composées. En ce qui concerne les concepts derrière « Supersonic Megafauna Collision », chaque chanson a son propre thème et sa propre direction. Les ambiances que nous avions en tête ont ensuite joué un rôle crucial dans la composition de la musique. Nous avons fermé les yeux et nous nous sommes imaginés dans les situations que décrivent les morceaux. Cela nous a vraiment aidés à nous immerger dans ces histoires et à composer d’une manière sincère et sans retenue ce qui, selon nous, rend vraiment justice aux nouveaux titres.
– ACID MAMMOTH conserve ici encore ce côté hypnotique et aérien sur plusieurs morceaux pour atteindre un sommet sur « Tusko’s Last Trip » et ses 12 incroyables minutes. Clore l’album avec un tel titre est une belle synthèse d’ailleurs. C’est aussi comme ça que vous l’avez écrit, avec cette ambition de terminer sur un moment très fort ?
Pour ce qui est de « Tusko’s Last Trip », ce qui est venu en premier était le concept, puis la musique s’est développée en conséquence. Cette histoire nous brise vraiment le cœur. ‘Tusko’ était un éléphant qui vivait dans le zoo d’Oklahoma City dans les années 1960. Il est mort tragiquement après de nombreuses souffrances dues à de cruelles expérimentations humaines, au cours desquelles des scientifiques lui ont injecté une gigantesque dose de LSD. Il ne l’a pas supporté, il a immédiatement eu des spasmes, il souffrait et ne pouvait plus respirer. Il a énormément souffert jusqu’à sa mort. Dans notre nouvel album, nous avons voulu lui rendre hommage en lui écrivant cette chanson, en racontant sa triste et tragique histoire. Nous sommes contre les expérimentations humaines sur les animaux, car elles leur infligent des douleurs et des souffrances, tant physiques que psychologiques, qui peuvent aller jusqu’à la mort. C’est dans cette optique qu’a été composé « Tusko’s Last Trip ». C’est une chanson triste, mais qui parle directement à notre cœur chaque fois que nous pensons à sa douleur, à sa peur et à son sentiment de désespoir dans ses derniers instants. Nous avions envie de raconter son histoire, et nous avons pensé qu’un morceau gigantesque comme celui-ci pour clôturer l’album était le moyen idéal.
– « Supersonic Megafauna Collision » est toujours aussi organique et authentique dans le son. Sur les deux albums précédents, vous aviez travaillé avec votre ami Dionysis Dimitrakos, dont tu me disais qu’il était le cinquième membre du groupe. Est-ce toujours le cas, car l’identité musicale d’ACID MAMMOTH est de plus en plus claire ?
Dionysis est définitivement le cinquième membre du groupe. C’est notre ingénieur du son et il est chargé de bien nous faire sonner. Il connaît très bien notre son et il sait exactement ce que nous voulons avant même que nous le lui disons. Il a rendu justice à nos albums et nous ne nous voyons pas travailler avec quelqu’un d’autre dans le futur. C’est l’homme idéal pour ce poste et nous ne pourrions être plus heureux que de travailler avec lui. On le dit souvent, mais c’est vrai : nous aimons toujours travailler avec les mêmes personnes pour chaque sortie, à savoir le même label, le même ingénieur du son, le même line-up et le même artiste pour la pochette de l’album ! Ainsi, Dionysis fait partie de ces personnes avec qui nous continuerons à travailler, car il est une partie très importante du groupe et de sa musique.
– D’ailleurs, en préparant l’interview, je me suis replongé dans votre discographie et l’évolution technique, comme purement sonore, est assez flagrante et c’est très normal. J’ai le sentiment qu’un cap avait déjà été franchi sur « Caravan » et qu’avec « Supersonic Megafauna Collision », vous vous affirmez beaucoup plus nettement dans un Doom très Stoner et Fuzz. L’équilibre est-il définitivement le bon à vos yeux ?
Chaque fois que quelqu’un nous pose la question, nous répondons toujours que nous faisons du Doom. Et c’est vrai que notre musique est fondamentalement ‘doomesque’. Cependant, nous ne pouvons pas nier le fait qu’elle comporte également des éléments de Stoner Rock. C’est d’ailleurs quelque chose qui s’est produit un peu accidentellement, sans un réel désir de l’incorporer directement. En ce qui concerne l’équilibre, on a l’impression que cela change d’un album à l’autre. Nous pensons que le nouveau, tout comme « Under Acid Hoof », contient définitivement des éléments Stoner, qui étaient absents sur « Caravan », qui était bien plus sombre et déprimant. Pour les prochains albums, nous pensons qu’il est temps d’adopter une approche plus ‘psychédélique’, ce qui nous semble très intéressant à expérimenter.
– Enfin, avec dorénavant quatre albums à votre actif, votre répertoire s’est considérablement élargi, ce qui vous laisse le choix pour concevoir des setlists très différentes pour vos concerts. Est-ce quelque chose à laquelle vous réfléchissez déjà ? Créer en quelque sorte des ‘concepts-concerts’ ?
Nous avons beaucoup de projets pour nos prochaines setlists, y compris ajouter de nouvelles chansons, ainsi que des plus anciennes que nous n’avons jamais jouées en live auparavant. Par exemple, mis à part les nouveaux titres, nous avons toujours voulu jouer en live « Eternal Sleep » de notre premier album éponyme, ainsi que d’autres comme « Black Dust » et « Under Acid Hoof ». Nous allons certainement faire quelques ‘concepts-concerts’ dans le futur. Peut-être même jouer l’un de nos albums dans son intégralité, comme nous l’avions fait l’année dernière à Athènes lorsque nous avons joué l’ensemble d’« Under Acid Hoof ». Nous verrons. C’est passionnant, car les possibilités sont multiples et elles sont toutes passionnantes à envisager !
« Supersonic Megafauna Collision », le nouvel album d’ACID MAMMOTH, est disponible chez Heavy Psych Sounds.
Retrouvez le groupe en interview, ainsi que la chronique de « Caravan » :
Formé il y a seulement cinq ans, à l’aube d’une pandémie qui leur a peut-être donné des idées, KARKARA poursuit sa route, chemine dans les antres du psychédélisme et se frotte au shamanisme musical avec de plus en plus de grâce et d’habileté. Plus inspirée encore, « All Is Dust » est une réalisation pertinente, obsédante et surtout interprétée et composée sans bride, ce qui lui offre et libère un sentiment de totale liberté. Alors, on se laisse aller, on se laisse prendre dans ce flux fantasmagorique et enchanteur… et le voyage est beau, bien que mouvementé ! Il y a même une certaine magie.
KARKARA
« All Is Dust »
(Le Cèpe Records/Exag Records/Stolen Body Records)
« All Is Dust » est typiquement le genre d’album (le troisième du groupe), qui fait plaisir à écouter et à savourer, car il va si bien à l’encontre des préceptes actuels et de cette frénésie à vouloir découper systématiquement un disque en singles, comme pour mieux en supprimer la substantielle moelle. KARKARA m’a donc rendu le sourire. En effet, pour qui déciderait d’en écouter quelques bribes en le parcourant nonchalamment, il passerait complètement à côté, car la démarche entreprise ici relate une quête quasi-survivaliste entre poésie et rage (« Monoliths », « On Edge », « Moonshiner » et ses oiseaux).
Il fait aussi et d’abord préciser que le style du trio s’y prête également très bien. Dans un Psych Rock oscillant entre Stoner et Desert Rock, il nous raconte une histoire, nous guide dans les pas d’un personnage dont l’épopée se comprend, se ressent et se vit justement en écoutant l’ensemble des six morceaux… dans leur entier et dans l’ordre. Ses étapes, ses rencontres et ses combats sont saisissants. Et je ne vous raconterai évidemment pas la fin de cette aventure aux multiples rebondissements narrée par KARKARA, mais la chute est aussi hallucinatoire que radicale et magnifique.
Plutôt que vintage, c’est une saveur rétro-futuriste qui englobe « All Is Dust » à travers de longs morceaux, qui sont nécessaires au déploiement de cette ambiance épique et hypnotique, ainsi que galopante et nerveuse. Très organique dans le son, tout comme dans son jeu, KARKARA jour sur les effets de basse et de guitare, ponctue ses titres de notes de synthés d’un autre temps et avance sur un chant aérien et désespéré aussi. Il se permet même l’incursion d’un saxophone démoniaque (« The Chase ») et d’une trompette solaire qui vient presque sonner le glas (« All Is Dust »). Terriblement humain, bravo !
L’une des particularités de THE QUILL est de savoir proposer à chaque réalisation un Hard Rock hyper-Stoner qui fait aussitôt penser à un véritable travail de groupe. On sent ses membres tellement soudés que l’on s’éloigne des productions actuelles, où les compositions semblent plus tenir de la performance que de l’œuvre créative. « Wheel Of Illusion » est cru, mélodique, brut et non dépourvu de beaux arrangements. Et c’est cette unité entre les vétérans du Rock, qui transpirent sur chaque note et qui les distingue encore aujourd’hui.
THE QUILL
« Wheel Of Illusion »
(Metalville Records)
A l’aube de ses 30 ans de carrière, THE QUILL sort son dixième album et les Suédois se montrent toujours aussi solides et inspirés. « Wheel Of Illusion » fait suite au très bon « Earthrise », sorti il y a trois ans, et qui était terrassant à bien des égards. Le quatuor enfonce le clou, grâce à un Heavy Stoner Rock original. Si la base reste Hard Rock avec des teintes 70’s, le style de la formation nordique s’engouffre dans un registre qui dépasse les époques et les tendances en se distinguant brillamment, grâce à une originalité et un son qui la rendent immédiatement identifiable.
L’aspect rétro-futuriste encore à l’œuvre sur « Wheel Of Illusion » fait toujours plus l’effet d’une petite bombe que celui d’une madelaine de Proust. Inventif, le quatuor continue d’envoûter et d’assener ses compos avec force et vigueur. Au chant, Magnus Ekwall se montre impérial, capable d’autant de douceur que de force. THE QUILL puise justement son originalité dans ce contraste et cette dualité entre l’aspect planant d’un Stoner Psych et des accélérations très Metal. Solide, la rythmique donne le ton et Christian Carlsson distille ses riffs et ses solos avec une ferveur constante.
Poussé par une énergie folle, les Scandinaves poursuivent leur voyage musical mouvementé débuté en 1995 et, plus surprenant, parviennent sans mal à réinjecter autant de puissance que de dynamisme à un genre très maîtrisé, qui va puiser chez ses pionniers. Dès le morceau-titre en ouverture, THE QUILL affiche ses ambitions et se montre imparable sur « Elephant Head », « L.I.B.E.R. », « The Last Thing » avant l’ultime assaut « Wild Mustang », véritable pièce maîtresse de ce nouvel opus. Conquérant et accrocheur, « Wheel Of Illusion » recèle de quelques trésors et devrait enflammer les prochains concerts.
Entrer dans l’univers de SUN Q est à la fois une aventure et un voyage musical assez unique, faits de rêveries qu’on lit dans les détails souvent vertigineux de ses morceaux. Entre Psych Rock et Stoner, la marque vintage domine, tandis que l’approche est résolument moderne. Sur « Myth », son dernier album en date, le duo russe, composé d’Elena Tiron et Ivan Shalimov, brise les codes et les frontières artistiques pour créer un style très personnel. La voix de la chanteuse flirte avec des couleurs chamaniques très aériennes, pour l’instant suivant déferler dans des fulgurances puissantes et captivantes. Rencontre avec une frontwoman inspirée, déterminée et d’une saisissante créativité.
– Sept ans se sont écoulés depuis votre premier album « Charms ». D’ailleurs à l’époque, vous vous présentiez comme un quatuor, contrairement à aujourd’hui, où vous vous affichez en tant que duo. Qu’est-ce qui a changé entre temps ? Vos chemins se sont séparés et vous avez préféré vous recentrer tous les deux ?
Notre groupe est jusqu’à présent un projet non-commercial, ce qui signifie qu’il nécessite une énergie et des ressources importantes qui ne sont pas récompensées financièrement. Certains membres, à un moment donné, ont réévalué leurs priorités. Même si nous nous positionnions auparavant comme un quatuor, tout au long de cette période, le noyau et la force motrice derrière les idées ont toujours été nous deux. Cependant, nous sommes toujours heureux de partager le processus créatif avec des musiciens talentueux.
– Cela dit, lorsque l’on voit le line-up à l’œuvre sur « Myth », on constate que vous êtes encore très nombreux sur l’enregistrement de l’album. C’est dû au fait que vous composiez tout tous les deux, et qu’ensuite vous construisez le groupe au gré des compositions ?
Au départ, quand les idées et les éléments ont émergé, nous avons recherché des personnes qui s’aligneraient là-dessus. Nous sommes restés ouverts aux suggestions, surtout lorsque nous avons trouvé des musiciens, qui pensaient être en phase avec nous et qui partageaient notre sens du beau et du goût. L’album comprend plusieurs moments qui ont été apportés pour certains lors de l’enregistrement ou de la composition, et ils constituent une partie essentielle de notre création artistique. Néanmoins, le résultat final et les décisions que nous prenons constamment en cours de route restent entièrement de notre responsabilité.
– D’ailleurs, si l’on revient sur votre discographie, il y a eu cinq singles avant « Charms » et autant avant « Myth », même si l’on y retrouve que trois morceaux. Pourquoi n’y avez-vous pas intégrer « Severe » et « Searching The Skull » ? Ils n’entraient pas dans l’atmosphère générale de l’album ?
En fait, nous avons bien inclus « Searching for the Skulls » dans le nouvel album, mais dans une interprétation différente. Il s’intitule « Still Searching for the Skulls » et il vient souligner que nous les recherchons toujours ! (Sourires) Pour l’album « Myth », nous avons décidé d’utiliser des synthétiseurs analogiques vintage, uniquement parce qu’ils correspondent mieux à notre concept sonore. La version album de cette chanson penche davantage vers le genre Synthwave et est plus calme. Nous avons aussi eu l’idée de créer une ‘pause’ entre les deux parties de l’album. La version single est sortie, parce qu’un de nos amis avait entendu la démo et avait hâte de tourner une vidéo. C’était quelque peu impulsif.
Quant à « Severe », nous adorons cette chanson, mais nous ne la percevons pas dans le cadre d’un album. Elle est très indépendante à nos yeux et a été créé à l’origine pour être ainsi. D’ailleurs, le chœur gospel, qui apparaît sur « Severe », a également été enregistré en partie pour la chanson « Tree ».
– Justement, la force de SUN Q réside précisément dans les ambiances. Tout en empruntant un nombre assez conséquents de styles différents, il y a une réelle unité musicale qui forme un son original, varié, parfois même opposé, mais où l’on se retrouve toujours. Finalement, votre identité sonore est constituée de nombreux éléments avec le Rock comme moteur. Pour qui ne vous connaîtriez pas, comment définissez-vous l’univers de SUN Q ?
Merci pour cette question, car nous accordons en effet une grande attention à la création des ambiances. Elles ont parfois magiques, parfois rêveuses, passionnées, désespérées, voire étranges, mais toujours captivantes. A travers nos chansons, nous visons à plonger l’auditeur dans une atmosphère qu’il aura envie d’explorer. Nous voulons que notre musique soit vibrante et émotionnelle. Lorsque nous écrivons une chanson, nous ne nous concentrons pas sur le style ou le genre, dans lequel elle s’intégrera. Ce qui compte le plus, c’est que l’auditeur trouve cela intriguant et se demande ce qui va suivre.
– Vous avez enregistré « Myth », chez vous en Russie, puis le mix a été réalisé en Angleterre. C’était compliqué pour vous de tout faire en un même endroit, ou est-ce que vous avez senti le besoin d’avoir un regard extérieur, peut-être pour mieux canaliser votre musique, qui ne manque pas de sonorités en tous genres ?
Nous croyons fermement que les personnes qui partagent notre direction créative peuvent améliorer et enrichir notre musique. Une nouvelle perspective dans la musique est toujours importante, surtout lorsque vous êtes dans le processus de production depuis très longtemps. Nous avons cherché pendant des mois un tel spécialiste dans le monde entier ! Nous sommes reconnaissants envers notre ingénieur qui a réalisé le mixage, Sean Genockey, car son œil extérieur a revitalisé notre musique et l’a rendue plus belle.
– Si l’on prend en compte les variations Stoner, Psych, Blues, Prog et Heavy Rock, ce qui ressort de SUN Q est une sorte de côté théâtral, une mise en scène musicale où le texte semble guider les chansons. C’est cet aspect narratif qui a le dessus sur le reste ?
En fait, la musique russe met l’accent sur les paroles. Cela la distingue considérablement de la musique occidentale où, à notre avis, la musique joue souvent un rôle plus important. Même si nous penchons vers un concept occidental, il est intéressant de noter que notre musique donne toujours l’impression que les paroles prennent le dessus. En fait, nous apportons beaucoup d’efforts dans nos paroles, avec beaucoup d’attention pour chaque mot.
– Si l’on revient sur l’ensemble des musiciens qui vous accompagnent sur « Myth », on est assez surpris de voir à quel point tous se fondent dans un même élan, une même voie et ce grâce à un travail assez phénoménal sur les arrangements. Vous ne vous êtes trop arrachés les cheveux au moment du mix justement, au moment de faire une place à tout le monde ?
Nous étions terriblement inquiets de la façon dont l’ingénieur gérerait cette tâche, car nous avions parfois vraiment l’impression d’en faire trop. Néanmoins, il était important pour nous de transmettre notre musique telle que nous la souhaitions et avec tous les instruments, chacun apportant sa propre couleur.
– On l’a dit, le son de SUN Q est résolument Rock, avec de multiples variantes. Et pourtant, on y retrouve du saxophone, de la trompette, du violon, du violoncelle, du trombone et même (plus étonnant !) de la nickelharpa, un instrument traditionnel suédois. Toutes ces idées sont venues au fur et à mesure de la composition, ou plutôt au moment de l’enregistrement ?
Toutes ces idées sont apparues au cours du processus de composition, mais assez spontanément. Comme « Jane Doe » a un côté très Soul, nous avons pensé que ce serait une bonne idée d’enregistrer une section de cuivres. Dans « Crystal Doors », le saxophone a véritablement ajouté une ambiance noire sur la fin. Les autres cuivres ont rendu le tout plus épique. Ces idées sont venues indépendamment les unes des autres. Cependant, conceptuellement, cela a parfaitement fonctionné : l’album commence et se termine par des cuivres. Les cordes ajoutent une touche Folk sombre et même une touche plus underground.
Et lorsque nous avons découvert l’existence du nyckelharpa, il n’était pas nécessaire de discuter de l’endroit, ou de la manière dont il sonnerait. Nous avons vite réalisé que, sans son caractère médiéval, la chanson « Animals » ne serait pas complète. Nous sommes également très satisfaits de « I Am The Sun », où nous avons réussi à mélanger des percussions africaines, des parties de synthétiseur très 80’s, du Disco, des chœurs et des couplets très sombres. L’objectif n’était surtout pas de rassembler des éléments disparates, bien au contraire, tout s’est produit de manière très organique et naturelle.
– Et puis, il y a aussi cet esprit très 70’s qui domine et qui, par son atmosphère, libère une production très organique justement sur l’album. C’est aussi quelque chose qu’il était important pour vous de conserver ?
Oui, nous considérons le son vintage et le style Rock de cette époque comme le fondement de notre musique, que nous complétons ensuite avec d’autres éléments. Le son vintage possède une crudité, une authenticité et une imperfection que nous apprécions profondément et qui nous manquent dans le Rock moderne.
– Un mot tout de même sur ta voix, Elena, qui l’un des atouts majeurs de SUN Q. On te sent très à l’aise dans de nombreux registres, qui vont d’une douceur incroyable à des éclats plus bruts. C’est toujours très instinctif dans la perception qu’on en a, et aussi très captivant. Est-ce que cela vient de cet esprit psychédélique, parfois chamanique, qui parcourt ce nouvel album ?
Merci beaucoup ! Je m’efforce d’utiliser ma voix pour transmettre ce que nous considérons comme l’une des techniques les plus puissantes de la musique : le contraste. Je suis ravie que tu aies ressenti cet esprit chamanique, cela signifie que tout n’a pas été vain. Dans les régions du Nord de la Russie, plusieurs groupes ethniques entretiennent encore des traditions chamaniques et communiquent avec les forces de la nature. Cette ambiance correspond à notre désir de créer des images de cet héritage à travers nos chansons. Nous donnons beaucoup d’importance à toutes ces anciennes traditions, où il y a toujours quelque chose de magique. Il y a en elles un grand pouvoir qui nous inspire.
– Enfin, sans entrer dans des considérations politiques, car ce n’est pas le lieu, est-ce que la guerre en l’Ukraine et la pression internationale ont mis un frein à l’activité artistique en Russie ? Et surtout, est-ce que cela vous a impacté directement ?
Oui, cela a un impact. La scène musicale a considérablement diminué en Russie. Les musiciens se retrouvent dans une situation délicate, soumis à une forte censure. Ils doivent surveiller attentivement chaque mot qu’ils prononcent, mais il y a toujours un risque de se retrouver sur les listes de ‘groupes interdits’, qui circulent dans les clubs du pays, interdisant les représentations. Nous sommes véritablement préoccupés par l’orientation de la culture musicale russe. Simultanément, des services comme Spotify ont quitté le pays et les labels internationaux retirent aussi leur musique des catalogues, ce qui rend difficile l’accès aux nouveautés étrangères. Nous pensons que les échanges culturels sont cruciaux et, malheureusement, ils ont considérablement diminué. Après le début de la guerre, il s’est avéré que la seule chose qui nous a aidés à faire face à l’état de choc et d’horreur a été de commencer à composer de nouvelles chansons. Elles seront sur notre prochain album, que nous espérons sortir malgré tout.
Le dernier album de SUN Q, « Myth », et les autres sont disponibles sur le Bandcamp du groupe, ainsi que les singles :
Les Limougeauds continuent leurs explorations Stoner Doom avec un nouvel effort, qui vient faire suite à « Leeches », sorti il y a deux ans. Sur une production-maison très organique, GREYBORN côtoie le lugubre sans s’apitoyer et en se montrant plutôt obstiné. En s’immergeant aussi dans des atmosphères Space Rock, « Scars » avance dans cette introspection torturée, où seule la voix de son batteur libère quelques éclaircies, même fragmentées.
GREYBORN
« Scars »
(F2M Planet)
Avec « Scars », son deuxième EP, GREYBORN continue son cheminement dans un style où, forcément, le gris est teinté d’autres variations de gris. Une façon aussi et sûrement pour le power trio de ne pas se perdre dans le trop sombre, ou dans le trop lumineux, mais d’évoluer dans des ambiances claires-obscures et de bénéficier d’un champ d’action bien plus vaste. Comme pour « Leeches », le groupe s’est encore attelé à l’enregistrement et au mix de son nouveau format court, une manière de garder la main sur un univers très personnel, où la lourdeur des notes et la clarté du chant font cause commune.
Loin du Heavy Stoner Blues de Blackbird Hill, l’autre formation menée par Maxime Conan (guitare) et Théo Jude (chant, batterie – ex-Mama’s Gun), GREYBORN évolue sur un Doom écrasant et épais, tout en restant dans un Stoner Rock massif. Ils sont accompagnés par le bassiste Guillaume Barrou (ex-Mama’s Gun), une nouvelle histoire entre amis qui se connaissent bien en somme. Le groupe tire ici sa force d’une rage et d’une violence à l’œuvre sur les quatre morceaux, auxquels s’ajoute « Tetany », une virgule instrumentale suspendue, qui apporte une note de légèreté dans ce sombre océan.
Malgré une formation assez récente, GREYBORN a déjà parfaitement cerné les contours de son style et pour mieux en saisir l’entièreté, rien de mieux que d’écouter les deux EP dans l’ordre. C’est le gros et ultime défaut de ce genre de réalisations car, en l’occurrence, le groupe se savoure sur la longueur. Dès le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet et « Ravenous » vient confirmer cette densité presque hypnotique, qui se forme dans un fuzz appuyé. Plus véloce sur « A Thousand Dreams Away », c’est « The Grand Design » qui clot ce chapitre d’un Doom solide. On attend maintenant impatiemment le premier album.
Retrouvez la chronique du premier EP du groupe, « Leeches » :
Originale, percutante, hors-norme : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la musique du quatuor de Lausanne. Avec « Welcome To The Machine », on replonge dans cet univers singulier, fait de Stoner et de Metal, de Rock et de Psych, le tout dans une dynamique progressive aux redoutables crescendos. Toujours instrumentaux, les morceaux de MONKEY3 interpellent et les riffs, comme les solos, valent souvent mieux qu’un trop long discours. C’est justement Boris, guitariste (virtuose) du groupe, qui revient sur ce nouvel album aux teintes Space-Rock et inspiré de classiques SF du grand écran. Entretien.
– A l’écoute de « Welcome To The Machine », l’atmosphère rétro-futuriste, façon « Blade Runner », est omniprésente et devient rapidement hypnotique. Pourtant, vous restez très Rock, c’est-à-dire direct et avec des guitares très incisives notamment. Celles-ci donnent presque l’impression d’être le narrateur. C’était l’objectif en composant l’album ?
L’objectif était de raconter une histoire autour de la thématique homme-machine. Pour ce faire, nous avons tenté d’opposer et/ou de juxtaposer les sonorités électroniques aux sonorités purement analogiques, afin de développer un son particulier et de créer une atmosphère un peu futuriste. Je dirais que le narrateur est l’auditeur. Chacun peu imaginer sa propre histoire, son propre monde, sa propre aventure. Cet album pose des questions plus qu’il ne donne de réponses.
– Même si la composition de l’album est très précise, tout comme les arrangements d’ailleurs, il reste une touche que l’on peut interpréter comme étant l’esprit jam dans ces nouvelles compositions. Est-ce que c’est ce qui leur donne cet aspect de liberté, selon toi, et auquel vous tenez peut-être aussi ?
Dans notre cas, la jam est très souvent un point de départ pour la composition, mais ensuite nous passons beaucoup de temps à élaborer les morceaux afin de trouver un équilibre satisfaisant à notre goût. Au moment de l’enregistrement, peu de choses sont laissées au hasard. En situation de live, c’est par contre différent, les morceaux continuent d’évoluer à chaque concert.
– Avec ce septième album, vous avez dit vous être inspirés du 7ème Art, et notamment de films mythiques comme « 2001 : l’Odyssée de l’Espace », « Matrix » ou « Solaris ». Est-ce que, et spécialement lorsque l’on fait de la musique instrumentale, une certaine approche visuelle est aussi importante dans le processus de création ?
La chose la plus importante, lorsque nous écrivons de la musique, est que nous puissions ressentir l’histoire que nous voulons raconter et nous imaginer voyageant dans une sorte de paysage fait de sons et de textures.
– Comme « Welcome To The Machine » vous a été inspiré par un certain cinéma, celui de la SF, est-ce que vous avez déjà été tenté par la musique de film, sachant aussi que cela n’offre pas forcément de partage direct avec le public comme un concert ?
Composer une BO de film est un rêve absolu que nous aimerions réaliser un jour. Ce serait pour nous une sorte d’aboutissement complet.
– Ce nouvel album est une réflexion sur l’avenir de l’humanité à travers la dualité entre l’homme et la machine. C’est justement un sujet qui est au cœur des préoccupations actuelles autour de l’Intelligence Artificielle notamment. Cela vous a-t-il aussi inspiré et d’ailleurs, vous basez-vous sur une sorte de synopsis écrit pour composer ?
Au début de l’écriture de ce nouvel album, nous avons privilégié la spontanéité en laissant l’esprit libre d’orientations musicales et stylistiques. Nous avons composés la plupart du temps de manière collective. Au fur et à mesure de l’avancée des morceaux, le concept de l’album a commencé à apparaître. C’est à ce moment-là que nous nous sommes inspirés de certains films qui abordent ces thèmes, comme « Matrix » ou « 2001 : l’Odyssée de l’Espace » et des livres tels que « 1984 » ou « Le Meilleur Des Mondes ». La thématique du disque portant, entre autre, sur la dualité homme-machine, nous avons volontairement poussé en avant l’aspect électronique de notre son, afin que l’histoire racontée se ressente et s’exprime au travers de la texture sonore, des mélodies et de l’impact rythmique.
– Puisqu’on évoque l’IA, est-ce que c’est quelque chose que vous envisageriez pour composer, alors que votre son est si organique ? Il y aurait une sorte d’antagonisme, non ?
Jamais, nous n’utiliserons l’IA pour composer de la musique. La beauté, l’intérêt et le charme de la création et de la composition musicale réside, selon moi, dans l’émotion et l’intention que chacun y met et dans l’imperfection propre à l’humain, ce qui rend chaque œuvre totalement unique.
– « Welcome To The Machine » s’inscrit clairement dans un registre progressif et psychédélique. Vous vous imprégnez autant de Stoner que de post-Metal, ce qui confère un aspect très futuriste à l’album. C’est une connexion très fluide. Comment travaillez-vous sur cet équilibre, à moins que cela se fasse naturellement, sans calcul ?
Cela se fait assez naturellement. En général, nous ne faisons pas très attention à l’orientation stylistique. Nous nous concentrons plutôt sur les atmosphères et les sonorités que nous cherchons à développer, afin de raconter une histoire de la manière la plus cohérente possible.
– J’aimerais aussi que l’on dise un mot de la production. Elle est à la fois aérée et âpre et mélange des passages parfois contemplatifs et d’autres souvent très fulgurants et sombres. Comment avez-vous travaillé sur cette profondeur sonore à l’œuvre sur l’album ?
Le travail des sonorités synthétiques et électroniques fourni par dB (claviers) a permis de développé un son beaucoup plus large et profond. Je pense que cela a été la clef du son de ce disque. Il y a eu aussi beaucoup de travail effectué sur les textures sonores des guitares, afin qu’elles fonctionnent bien avec les murs de claviers, et que le mélange amène de la dynamique à l’ensemble. Mais tout commence par une fondation solide, autant sonore que du groove basse-batterie.
– Vous avez aussi la particularité, comme d’autres dans ce registre, de composer des morceaux assez longs et sur « Welcome In The Machine », ils sont cinq à osciller entre 6 et 12 minutes. Est-ce qu’être plus concis et directs vous paraît inapproprié au regard de votre style, ou au contraire l’idée est toujours de poser un climat sur la longueur ?
La longueur d’un morceau est toujours dépendante de l’atmosphère et de l’impact que nous cherchons à créer, donc cela peut varier. Nous ne suivons pas de canevas particulier. Tout format est approprié du moment que l’histoire est racontée dans le bon sens.
– Etant donné que « Welcome To The Machine » est un album conceptuel, et c’est vrai qu’il s’écoute dans son entier et dans l’ordre, la mise en place de vos prochaines setlists risque de virer un peu au casse-tête, non ? A moins que vous ne pensiez, au contraire, que les liens entre les morceaux ne soient pas un obstacle…
Nous sommes en pleine phase de préparation des concerts et, effectivement, l’intégration des nouveaux morceaux est pour le moment un peu un casse-tête. Nous avons le désir de proposer un panachage entre anciens et nouveaux titres et nous devons trouver la bonne formule, afin de pouvoir raconter l’histoire de manière cohérente et fluide pour que le live show soit agréable à suivre.
Le nouvel album de MONKEY3, « Welcome To The Machine », est disponible chez Napalm Records.
Peut-être dû à la rudesse du climat, les pays du Nord de l’Europe ont toujours eu une réelle prédisposition pour le Stoner Rock et, de fait, un talent certain. Venant s’incruster avec insistance dans le crâne, les morceaux de « Ravenous », deuxième effort studio des Scandinaves, marient avec beaucoup d’habileté la dureté du style avec une voix féminine qui captive, mais n’apaise pas pour autant les choses. WASTE A SAINT tient un line-up performant, qui sert des compos grisantes.
WASTE A SAINT
« Ravenous »
(All Good Clean Records)
WASTE A SAINT a réellement pris son envol il y a deux ans avec « Hypercarnivore », un premier album qui lui a permis de sillonner sa Norvège natale et de roder son style. Après quelques concerts, le quatuor est d’ailleurs aussitôt retourné en studio. Avant cela, il avait sorti un EP, « At Quarter Speed » en 2017, puis quelques singles épars. Avec « Ravenous », le combo fusionne avec force des inspirations qui vont du Hard Rock au Psych Rock avec quelques touches bluesy et surtout à travers un Stoner Rock mélodique et accrocheur.
Solide et épais, le registre des nordiques peut s’apparenter, même de loin, à celui de QOTSA pour ce qui est de l’efficacité des refrains, qui deviennent vite entêtants. Mais l’ensemble est beaucoup plus âpre et rugueux. Et cet atout résolument solaire et fédérateur, on le doit notamment à Bogey Stefandottir, la frontwoman de WASTE A SAINT. Cependant, si elle apporte une belle dose de féminité au Stoner Rock du groupe, grâce à un entrain véloce, elle se montre tout aussi capable de durcir le ton et de montrer les crocs.
« Ravenous » démontre que l’on peut faire un Stoner accessible, sans forcément en renier ses fondements et jouer au bulldozer. Mais que tout le monde se rassure : la puissance est bel et bien au rendez-vous. Les riffs appuyés d’Alexander Skomakertsen et le duo basse/batterie formé par Ole Nogva et Øivind Fossem viellent au grain. Moderne et entraînant, WASTE A SAINT est la vraie bonne surprise du moment (« Schizofriendia », « Sore Spot », « Femme Fatale », « Avoid My Wits », « Aeronaut »). A suivre de très près !