Catégories
Classic Rock Hard 70's

The Damn Truth : truth serum

Il y a des rencontres qui font des étincelles et, d’une côte à l’autre, le Canada a permis la connexion entre THE DAMN TRUTH et le producteur Bob Rock, qui s’est totalement reconnu dans la musique du combo. Grâce à de belles guitares, une rythmique groovy et une frontwoman qui a gagné en assurance, la formation de la Belle Province fait le pont entre un Hard Rock 70’s et des sensations très contemporaines avec beaucoup de saveurs et un plaisir palpable.

THE DAMN TRUTH

« The Damn Truth »

(Spectra Musique)

Il y a quatre ans, THE DAMN TRUTH faisait exploser son plafond de verre montréalais avec « Now Or Nowhere », un troisième album qui l’a révélé et l’a mené un très long moment sur les routes. Il faut reconnaître que les Québécois avait frappé fort avec une version très actuelle et pleine d’audace de Classic Rock, le tout produit par le grand Bob Rock qui n’avait pas hésité un instant à appliquer sa propre recette sur des morceaux entêtants et particulièrement enthousiastes. Et ils sont aujourd’hui tous de retour avec la même envie.

Enregistré à Vancouver dans les Warehouse Studios de Bryan Adams sur une période de deux mois, « The Damn Truth » se révèle comme la réalisation la plus aboutie du quatuor et si elle est éponyme, c’est aussi parce qu’elle le représente et le définit le mieux. Accrocheurs, mélodiques et hyper-Rock, les onze titres sont d’une énergie fulgurante. Même si la guitariste et chanteuse Lee-La Baum fait de plus en plus penser à Beth Hart dans sa façon de chanter haut, THE DAMN TRUTH impose une réelle identité.

Déjà convaincant sur les quatre singles sortis (« Love Outta Love », « I Just Gotta Let You Know », « The Willow » et « Better This Way »), le groupe dévoile de nouvelles facettes de son jeu et l’excellent travail effectué sur le son apporte puissance et relief à l’ensemble. Sensible sur la power-ballade « If I Don’t Make It Home » ou plus frontal sur « Addicted », THE DAMN TRUTH brille par la qualité du songwriting et des arrangements. Avec ses sonorités familières et fédératrices, « The Damn Truth » modernise le Hard Rock… vintage !

Photo : Natali Ortiz

Retrouvez l’interview du groupe en 2021 à la sortie de « Now Or Nowhere »…

… Et la chronique de l’album :

Catégories
Hard Rock Heavy Rock

Big Canyon : le plein d’audace

L’ampleur et la dimension prises par le groupe sur ce nouvel effort éponyme semble marquer à elles seules le fossé qui le séparait de sa formule en trio. Sur « Big Canyon », son volume est décuplé et enfin à sa taille. Heavy Rock, Hard Rock, peu importe finalement tant les chansons respirent, cognent et deviennent familières en un claquement de doigt. Si le nouveau chanteur change forcément la donne, les autres musiciens de BIG CANYON donnent aussi l’impression d’être enfin à leur place. Tentaculaire et immédiat, il règne une proximité haletante pleine d’audace. 

BIG CANYON

« Big Canyon »

(Independant)

Que 2020 semble bien loin à l’écoute de l’album de BIG CANYON. A l’époque, le groupe évoluait encore à trois et sortait son tout premier EP. Il faut bien avouer que la métamorphose est saisissante et elle s’explique même assez facilement. Tout d’abord, l’arrivée au chant d’Andi Meacock apporte beaucoup de poids et de relief, au point de rendre le combo londonien presque méconnaissable. Un nouveau départ exaltant s’offre à lui et renforce son Heavy Rock en consolidant solidement ses fondations, grâce à une énergie folle et toute en nuances, qui vient flirter avec un Hard Rock très britannique.

Si le nouveau frontman conduit la formation avec beaucoup d’assurance et un talent indéniable, qu’il doit en partie à une puissance vocale et un grain aussi identifiable que chaleureux, il y a un autre élément important dans cette évolution sonore et musicale. Pour son premier opus complet, BIG CANYON a fait appel au producteur Dave Draper, connu pour son travail avec The Wildhearts (qui s’apprête d’ailleurs à faire son retour très bientôt) et Terrovision pour ne citer qu’eux, et ça change pas mal de choses. La puissance des guitares, la lourde rythmique et le chant trouvent un équilibre parfait.  

Si le quatuor n’élude pas quelques belles ballades, l’ensemble est plutôt costaud et fait également une place conséquente à des mélodies très travaillées, qui n’ont aucun mal à entrer dans le crâne pour ne plus en sortir. BIG CANYON a l’art de se faire fédérateur et très accrocheur et ses nouveaux titres sont franchement taillés pour la scène (« Rescue Me », « Mine In Another Time » », « Dominion Of Truth », « Beautiful Mind », « Captain Of Your Soul », « Devil In Disguise », « The Things You Do »). Bruts et authentiques, les Anglais manient les émotions avec subtilité et une implacable cohérence.

Catégories
Stoner Blues Stoner Rock

Shotgun Sawyer : sans détour

Brut et authentique, le Blues que parcourt SHOTGUN SAWYER a beau emprunter les mêmes chemins que la scène plus ‘traditionnelle’, le poids et la lourdeur de sa rythmique notamment, mais aussi de la guitare, viendront heurter, puis assommer les amateurs de l’aspect léger et délicat du genre. Ici, C’est tout de même le Stoner Rock qui domine l’ambiance bluesy et Rock’n’Roll de ce « Shotgun Sawyer » immersif. Entre des lignes de basse bien grasses et une batterie très appuyée, ça frappe et cogne sans retenue… et ça fait du bien !   

SHOTGUN SAWYER

« Shotgun Sawyer »

(Ripple Music)

Depuis 2016, SHOTGUN SAWYER livre sa vision du Blues depuis la petite ville d’Auburn en Californie et son premier effort, « Thunderchief », avait d’ailleurs tapé dans l’œil de Ripple Music, qui s’était empressé de le signer. Trois ans plus tard, « Bury The Hatchet » est venu confirmer l’assise et l’originalité du combo. Car si le trio évolue bel et bien dans un registre proche d’un Blues hyper-roots, c’est aussi du côté Stoner qu’il s’illustre tant les riffs épais et fuzz sont légions et traversent des compositions inspirées du Classic et même du Hard Rock.

Par la suite et comme pour beaucoup de groupes, le Covid a mis un coup d’arrêt aux activités de SHOTGUN SAWYER, menant même à une brouille entre le chanteur/guitariste Dylan Jarman et son ami et batteur David Lee. Celui-ci a d’ailleurs mis les voiles et c’est Cody Tardell de Slow Season qui est derrière les fûts depuis ce début d’année. Le power trio est donc de retour avec un troisième opus éponyme, très révélateur de son identité artistique. « Shotgun Sawyer » est toujours aussi rugueux, bluesy et terriblement Rock.

Finalement, ces cinq ans ont peut-être été bénéfiques aux Américains, dont les morceaux n’ont jamais été aussi élaborés et l’émotion aussi présente. En faisant aussi appel à quelques invités à l’harmonica et aux claviers, SHOTGUN SAWYER élargit son spectre musical et le travail de Patrick Hills des Earth Tone Studios à Sacramento y est pour beaucoup. La production est ample, généreuse et organique (« Cock N’ Bulls », « The Sky is Crying », « Tired », «  Isildur’s Bane », « Master Nasty », « Hopeless »). Imposant !

Catégories
Hard'n Heavy Old School

Desert Song : intuitif et expérimenté

Face à une industrie musicale et une scène Metal internationale plus formatées que jamais, où tout finit par se ressembler peu à peu, DESERT SONG prend tout le monde à revers pour faire un bond dans le temps. Si renouer avec la créativité du siècle passé n’est pas une mince affaire, recréer l’atmosphère avec un son organique et chaleureux est encore possible. Et le Hard Rock transgénérationnel et cette ambiance Old School dénotent avec brio des réalisations fadasses et bidouillées d’aujourd’hui.

DESERT SONG

« Desert Song »

(Sleaszy Rider Records)

Prenez trois musiciens chevronnés issus d’Ensiferum, Spiritus Mortis, Amoth, Celesty et d’autres encore, mettez-les ensemble en studio et laissez-les se faire plaisir. C’est très précisément ce qu’ont fait Pekka Montin (chant, claviers), Kimmo Perämäki (guitare, chant) et Vesa Vinhavirta (batterie) pour donner naissance à DESERT SONG, power trio affûté, qui a décidé de retrouver la saveur du Hard Rock et du Heavy Metal des années 70 et 80. Et cette couleur très rétro se développe même jusque sur la pochette.

L’ambition première des Finlandais est de faire la musique dont ils ont envie depuis des années et de bien le faire. Pari réussi pour DESERT SONG avec ce premier album éponyme, qui nous renvoie aux belles heures de Blue Öyster Cult, Uhiah Heep et Deep Purple avec une pincée du Michael Schenker des débuts et de Rainbow. Sont injectés aussi quelques passages Doom, progressifs et AOR distillés dans des morceaux très bien écrits, aux structures solides et dont la production-maison est exemplaire et très naturelle.

En marge de leurs groupes respectifs, le combo se rassemble autour d’influences communes et intemporelles. Allant jusqu’à enregistrer sur du matériel vintage, les Scandinaves se partagent aussi le chant et trouvent un parfait équilibre musical. On imagine facilement que DESERT SONG n’a pas souhaité faire dans le clinquant au niveau du son et ce parfum de nostalgie n’en est que plus prégnant (« Desert Flame », « Rain In Paradise », « Another Time », « The Most Terrible Crime », « Cottage »). Un bain de jouvence !

Catégories
Hard'n Heavy

Kings Of Mercia : osmose transatlantique

Mélanger aussi habillement Heavy Metal et Hard Rock en y apportant une touche mélodique n’est pas forcément un exercice aisé. Mais lorsqu’il s’agit de ce qui peut s’apparenter à un super-groupe, cela devient presque facile. KINGS OF MERCIA présente sans doute l’un des meilleurs line-up actuels et avec de tels musiciens, lorsque la magie opère, cela devient une évidence. Avec « Battle Scars », la formation anglo-américaine confirme l’élan pris sur son prédécesseur avec toute la classe et la fougue qu’on peut légitimement attendre d’elle.

KINGS OF MERCIA

« Battle Scars »

(Metal Blade Records)

Ils ne se sont jamais rencontrés physiquement et pourtant l’alchimie entre eux est manifeste. Jim Matheos, guitariste de Fates Warning, et Steve Overland, frontman de FM, ont scellé une belle collaboration qui avait débouché sur un premier album éponyme sorti il y a deux ans. Fort de cette complicité artistique naissante, KINGS OF MERCIA se présente avec « Battle Scars », un digne successeur dont le style s’affine et qui se veut plus précis musicalement et désormais vraiment identifiable. Chacun semble avoir trouvé ses marques.

Travailler à distance n’est apparemment plus un rempart à la créativité, même si le Britannique admet sa préférence pour la proximité du studio. Et KINGS OF MERCIA s’en accommode d’ailleurs facilement. Cela dit, le duo est accompagné de Simon Phillips à la batterie et de Joey Vera à la basse, et ça aide beaucoup. En effet, très peu de groupes tirent leur épingle du jeu dans ce genre de configuration. Et les exemples ne manquent pas. A eux quatre, ils rivalisent de virtuosité jusqu’à ne faire qu’un.

Le quatuor livre un Hard Rock mélodique et s’éloigne aussi des prédispositions progressives de l’Américain. D’ailleurs, afin de mieux saisir l’énorme potentiel de KINGS OF MERCIA, plusieurs écoutes s’imposent en s’attachant aux détails de chaque instrument. Car, même s’ils ne se sont jamais réunis, les arrangements et la production de l’album surclassent bien des réalisations. Les riffs sont racés, les solos millimétrés, la rythmique impériale et Steve Overland se révèle dans un registre assez éloigné de sa formation d’origine. Une leçon !

(Photo : Simon Ward & Jeremy Saffer)

Retrouvez la chronique du premier album du groupe :

Catégories
Heavy Blues Rock

Red Giant : insaisissable

Entre Rock brut, Heavy Blues et même Pop très British, RED GIANT présente un style, qui peut au départ décontenancer, mais qui devient très vite familier et attachant. Grâce à un frontman au caractère bien trempé et à une paire basse/batterie qui en impose, les Anglais montrent toute leur expérience et surtout un sens du songwriting étonnant et irrésistible. « Red Giant » est une réalisation à la production brute et virevoltante avec une assise solide, qui lui permet bien des écarts, toujours bien négociés.

RED GIANT

« Red Giant »

(Radio Silent Records)

Bâti autour de Dave Simpson, auteur-compositeur, guitariste et chanteur, RED GIANT est le nouveau combo du musicien, qui a déjà fait ses preuves et écumé les scènes du Royaume-Uni avec le Dave Simpson Trio et qui a décidé de prendre une direction artistique nouvelle. Sur ce premier opus éponyme, il a donc fait appel à John Joe Gaskin à la batterie, qui martèle avec un groove pour le moins massif ces nouvelles compositions. Première bonne pioche, puisque la seconde est la jeune bassiste Carina Powell, dont l’impact et la technique éclaboussent littéralement les morceaux. Le duo rythmique fait plus que de tenir la maison.   

Cependant, il y a eu un changement majeur dans le line-up actuel du groupe, car si Carina assure ici la basse et les chœurs, elle a quitté le groupe après l’enregistrement de « Red Giant » et a été remplacée pour le moment pour quelques concerts par Keira Kenworthy, une jeune bassiste de talent également, qui officie chez JoanOvArc. RED GIANT est donc d’humeur assez changeante. Et c’est un peu à l’image de cet opus, où s’entrechoquent des titres très Rock, Heavy Blues ou d’autres carrément dans la droite lignée d’une Pop anglaise convenue, sirupeuse et facile (« Why ? », « What It All My Fault ? »).

Mais au regard de l’album, il s’agit de détails, puisque les trois Britanniques livrent aussi et surtout des chansons très bien écrites, pleines d’émotion et avec un état d’esprit sauvage, tout en étant très sensible (« Tell Me », « Free Me », « The Dark Of Me », « You Say, I Say » et le bluesy « What You Gonna Do ? »). Assez introspectif, RED GIANT joue sur la corde raide avec talent et une efficacité redoutable, qui ne l’empêche pas de se montrer aussi très fin dans une interprétation parfois rugueuse. En jouant la carte de l’authenticité, au niveau des textes comme de la musique, « Red Giant » se montre complet et rafraîchissant.   

Dave Simpson (guitare, chant), John Joe Gaskin (batterie) et Carina Powell (basse, chœurs), qui a malheureusement quitté le trio, mais dont la prestation est exceptionnelle.

Catégories
Dark Folk

Thee Old Night : une lueur apaisante

Dans un climat très minimaliste, le trio offre un style très organique, essentiellement acoustique, qui ne met pas très longtemps à captiver. En tout cas, entre la Caroline du Nord, le Michigan et la Virginie, la connexion est établie et ce petit côté ‘au coin du feu’ donne une dimension étonnante à cette première réalisation des Américains. THEE OLD NIGHT a parfaitement su créer un environnement assez éthéré et pourtant d’une grande richesse artistique. Un charme mélodique ensorceleur.   

THEE OLD NIGHT

« Thee Old Night »

(Firelight Records)

C’est une Dark Folk mélancolique et très attachante que présente THEE OLD NIGHT sur son premier effort éponyme. Et l’histoire du trio en elle-même n’a rien d’ordinaire, non plus. Le projet est né de l’imagination et de la créativité d’Erik Sugg, qui fut le temps de trois albums et d’un EP, le leader, chanteur et guitariste de Demon Eye. Aujourd’hui dissous, le combo de Rayleigh, NC, a laissé de très bons souvenirs aux amateurs de Heavy Doom et il est même à ranger aux côtés des légendes du registre.

Mais même s’il persiste toujours quelques touches doomesques chez le songwriter, c’est un tout autre chemin qu’il emprunte ici en plongeant dans ses racines musicales profondes, faites d’éléments psychédéliques, de Folk légèrement bluesy et de Country classique avec une noirceur enveloppante et, finalement, assez réconfortante. Car « Thee Old Night » n’a rien de lugubre et ne baigne pas non plus dans une tristesse absolue. Au contraire, il y a quelque chose de contemplatif et de méditatif chez THEE OLD NIGHT.

Et pour mener à bien cette nouvelle aventure, Erik Sugg a fait appel à la talentueuse violoncelliste Anne Polesnak. Elle apporte beaucoup de relief aux chansons grâce à un jeu de grande classe. Puis, c’est Kevin Wage Inge, rockeur dans l’âme, qui enveloppe de sa steel guitare et de claviers des ambiances assez atmosphériques, qui viennent compléter le spectre musical de THEE OLD NIGHT (« Precious Blood », « The River The Mountain », « Red Light Crimson », « Sibyl » et « Darling » avec l’irrésistible trémolo dans la voix). Envoûtant.

Catégories
Folk Metal International Musique traditionnelle

Theigns & Thralls : legends & tradition [Interview]

D’abord à la production du premier album de Skyclad en 1991, Kevin Ridley a intégré le groupe quelques années plus tard en tant que musicien, pour en être aujourd’hui le chanteur et principal compositeur. Toujours très prolifique, le Britannique a multiplié les projets, devant comme derrière la console, avant de constituer en 2022 THEIGNS & THRALLS. Toujours dans une lignée Folk Metal teinté de Rock, le groupe présente aujourd’hui un deuxième album, « The Keep and The Spire », où il explore un univers lié à l’Histoire et aux légendes de la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. D’une authenticité toute médiévale autant que moderne, il détaille le projet de sa nouvelle formation et revient sur la conception de cette récente réalisation.    

– On a découvert THEIGNS & THRALLS il y a deux ans avec votre premier album éponyme. Au départ, il s’agissait d’un simple projet en marge de tes activités avec Skyclad et finalement, « The Keep And The Spire » sort aujourd’hui. Tu imaginais déjà l’aventure continuer ainsi à l’époque ?

Pas vraiment. Je pense que THEIGNS & THRALLS a dépassé toutes mes attentes. Au départ, j’avais prévu uniquement de faire quelques concerts avec des amis dans des pubs, etc… Mais le Covid a frappé et je me suis impliqué dans l’écriture et l’enregistrement de quelques chansons à la maison. Quand j’ai eu assez de matériel, j’ai pensé à le sortir moi-même, juste en ligne, via Bandcamp ou quelque chose comme ça. Mais ensuite, j’ai fait appel à une maison de disques et un groupe de tournée s’est constitué. Tout est parti de là.

– Tu avais déjà commencé l’écriture des morceaux de ce deuxième nouvel album au moment de la sortie du premier. C’était déjà pour THEIGNS & THRALLS, même peut-être inconsciemment, ou pour un autre projet solo, par exemple ?

Au moment où nous avons pu recommencer à nous produire en concert en 2022, j’avais déjà l’impression que le groupe jouait bien et que les choses semblaient très positives. Il m’a donc été facile de trouver une direction artistique et commencer à écrire des chansons destinées à THEIGNS & THRALLS. Cela a également été facilité par ma collaboration avec le parolier suédois Per Ablinsson.

– Les deux albums sont assez différents l’un de l’autre et « The Keep And The Spire » permet aussi de mieux cerner le groupe. Cette fois, il y a très peu de sonorités acoustiques et l’ambiance est aussi plus sombre. Est-ce que tu y vois tout de même une certaine continuité, ou l’idée était dès le départ de se distinguer du premier et d’élargir le spectre musical ?

Je pense qu’après avoir fait le premier album, j’avais encore quelques pistes à explorer, quelques chemins à suivre, pour ainsi dire. J’en ai parlé avec Per Ablinsson et j’ai eu l’idée de faire une série de chansons basées sur la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. Cela a en quelque sorte donné le ton de l’album, car j’avais déjà commencé à écrire des chansons comme « The Harrowing » et « The Seeker ». Il ne semblait pas y avoir beaucoup de place pour des chansons plus ‘acoustiques’, ou traditionnelles, sur cet album. Cependant, il y a quelques courts interludes acoustiques et faire d’autres chansons dans cette veine n’est pas quelque chose que j’ai complètement exclu. Et nous avons ajouté quelques ‘chansons de fête’ comme « The Grape And The Grain » et « The Mermaid Tavern » pour équilibrer l’album. Dans l’ensemble, je pense qu’il y a une certaine continuité avec le premier, mais je pense que le nouveau est plus ciblé et constitue une certaine progression également.

– Cette fois, le line-up est également clairement défini. C’était quelque chose d’important aussi de poser de réelles et solides fondations à THEIGNS & THRALLS et d’en définir les contours pour avancer ?

Oui. Comme je te le disais, nous nous sommes réunis après l’enregistrement du premier album. Et nous nous sommes sentis vraiment à l’aise en travaillant ensemble et il nous a semblé tout à fait approprié de progresser sur le nouvel album en tant que groupe. En plus de la batterie, de la basse, des claviers et des guitares, pour poser les bases des chansons, nous avons pu également ajouter du violon, du violoncelle, de la mandoline, du bouzouki, des sifflets, etc… pour aider à compléter les arrangements. Nous n’avions pas vraiment besoin de plus de musiciens. Nous avons décidé d’en inclure tout de même quelques-uns, simplement pour ajouter des textures et des approches différentes. C’est principalement pour les instruments que nous ne jouons pas, comme la vielle à roue par exemple, mais aussi pour certains styles de guitares précis aussi.

– Tu es le principal compositeur du groupe et les paroles, comme souvent avec toi, ont une thématique qui touche l’Histoire et de vieux poèmes celtiques et vikings. Tu ne te vois pas œuvrer dans un autre univers ? Le monde et la société actuelle ne t’inspirent pas plus que ça, même s’il y a parfois quelques parallèles dans ce nouvel album ?

Comme le nom du groupe le suggère, je m’intéresse principalement à l’exploration des histoires anciennes, de la poésie, de la littérature, de la fiction historique, des chansons traditionnelles, etc… Il ne s’agit pas uniquement de l’époque celtique ou viking. Mais j’aime penser que je peux trouver des contes et des chansons, qui ont encore de la pertinence et qui trouvent un écho auprès des gens d’aujourd’hui. Je pense qu’il existe encore des situations et des problèmes similaires dans notre société et que l’Histoire a peut-être quelques leçons à nous donner.

– Comme on l’a dit, il y a essentiellement des sonorités et des atmosphères celtiques et nordiques chez THEIGNS & THRALLS et cela se traduit par un Folk Metal et Rock très intemporel. Etant donné la richesse du sujet à travers les légendes et l’Histoire, le registre paraît inépuisable. Est-ce que tu penses qu’on puisse encore aujourd’hui le moderniser et l’actualiser, notamment avec des textes neufs et inédits, au lieu de puiser dans le passé ?

Comme tu le dis, il existe une richesse ‘inépuisable’ de sources au niveau des chansons traditionnelles et des journaux, en passant par les légendes et les contes populaires, qui peuvent tous être racontés, ou réimaginés. Mais il existe également de nouvelles œuvres de fiction historique, qui peuvent nous inspirer et de nouvelles recherches peuvent aussi élargir notre compréhension de l’Histoire. Nous devrions considérer la tradition populaire comme étant vivante et pertinente pour les gens, même dans le monde moderne d’aujourd’hui.

– Revenons à l’album. S’il est vrai qu’il est plus sombre et plus ‘sérieux’ que le premier, « The Keep And The Spire » contient aussi des chansons festives et joyeuses. C’est important aussi pour toi qu’il y ait cet équilibre ?

Oui, je pense que c’est important. En fait, l’album devenait assez sombre et sérieux et l’un des membres du groupe a fait remarquer qu’il fallait peut-être alléger un peu les choses. J’avais donc depuis un certain temps l’idée d’une chanson sur la Taverne de la Sirène et j’ai décidé de la terminer, puis j’ai composé « The Grape And The Grain ». En plus de cela, j’avais déjà collaboré avec Korpiklanni sur la chanson « Interrogativa Cantilena », et nous avons décidé d’en faire notre propre version sur l’album. Je pense que ces morceaux ont contribué à donner un certain équilibre entre des ambiances.

– Même si le groupe a dorénavant un line-up fixe et établi, cela ne vous a pas empêché d’inclure aux morceaux une multitude d’instruments comme la mandoline, le bouzouki, le bodhran, la cornemuse, du violoncelle, … J’imagine que cela doit aussi compliquer le mix, et est-ce que la texture des chansons est quelque chose sur laquelle tu travailles plus particulièrement ?

Oui, le groupe peut fournir lui-même beaucoup d’éléments et j’adopte toujours une approche consistant à avoir une base d’instruments Rock/Metal habituels. Puis, j’ajoute des instruments Folk ou traditionnels pour jouer les mélodies et ajouter des harmonies. Il faut donc en tenir compte lors de l’écriture et lors de l’arrangement des chansons, et gérer au mieux les différentes tonalités pour laisser de l’espace aux choses. Cela conduit à des mixages compliqués, car il faut faire attention à ne pas en faire trop. Mais nous pensons que cela en vaut la peine, en particulier pour impliquer le plus grand nombre possible d’instruments et de musiciens et ne pas utiliser de claviers ou d’échantillons.

– Ce nouvel album affiche aussi une production très organique, ce qui le rend très proche et vivant, à l’instar de la musique celtique d’ailleurs. Est-ce à dire que le style de THEIGNS & THRALLS convient autant à un gros festival qu’à l’ambiance d’un pub ?

Oui, je pense que c’est le cas. Nous avons déjà participé à quelques festivals et à des concerts plus importants, ainsi que dans des pubs et à des petits clubs. Et cela fonctionne bien dans les deux cas. Evidemment, il est plus facile de créer une bonne ambiance de fête dans un pub, mais je pense que nous pourrons aussi étendre notre approche dans les festivals. Peut-être qu’en faisant appel à quelques invités et en faisant un peu plus de pré-production, les festivals vous offrent l’opportunité d’explorer des choses à plus grande échelle. C’est quelque chose que nous pouvons espérer réaliser à l’avenir.

– Enfin, car tu n’y échapperas pas, quelles sont les nouvelles de Skyclad ? « Forward Into The Past » date déjà de 2017. La reprise est-elle pour bientôt ?

Comme tu le sais sûrement, les membres de Skyclad ont participé à de nombreux projets ces dernières années, ce qui me donne aussi l’opportunité de faire cette interview pour THEIGNS & THRALLS. Mais nous avons quelques chansons en cours et des idées, et nous espérons nous réunir bientôt pour travailler sur un plan de composition et établir un calendrier pour un nouvel album.

Le nouvel album de THEIGNS & THRALLS, « The Keep And The Spire”, est disponible chez Rockshots Records.

Catégories
Heavy metal Old School

Blitzkrieg : indomptable

44 ans d’existence, cinq reformations et une dizaine de disques, le bilan peut paraître chaotique. Et pourtant, BLITZKRIEG n’a pas rendu les armes, bien au contraire. Souvent dans l’ombre d’une scène anglaise effervescente, le combo de Leicester a régulièrement été précurseur et a même inspiré une grande partie de la mouvance Speed/Thrash/Power, qui a suivi. Avec ce nouvel opus éponyme à la production irréprochable, il revient à l’assaut et il serait vraiment dommage de manquer ce renouveau spectaculaire et tellement actuel.

BLITZKRIEG

« Blitzkrieg »

(Mighty Music)

Certains se souviennent peut-être qu’en 1984, un jeune groupe californien nommé Metallica reprenait sur son single « Creeping Death », puis sur « Garage Inc. », le morceau éponyme de BLITZKRIEG, le faisant ainsi et un peu plus tard entrer définitivement dans la légende. C’est vrai qu’en reprenant un titre de ce groupe anglais pas plus âgé que lui, l’impact des Américains allait le faire entrer dans la légende et surtout le propulser au rang d’influence majeure pour beaucoup d’autres. Par la suite, les deux formations n’ont bien sûr pas connu le même destin… Loin de là !

BLITZKRIEG est donc une espèce de mythe que tout le monde semble connaitre sans s’être vraiment plongé dans sa discographie pour autant. Membre (trop) discret de la fameuse NWOBHM, le combo mené par le frontman Brian Ross, dernier rescapé de l’aventure originelle, a pourtant laissé quelques albums, qui ont posé d’épaisses fondations au style (« Court Of The Act », « A Time Of Changes », « Absolute Power », « Theatre Of The Damned » ou encore « Back From Hell » et « Judge Not »). Une petite dizaine de réalisations, qui a pourtant remué les scènes des plus grands festivals.

Composé aujourd’hui du fils de Brian, Alan Ross, de Nick Jennison avec qui il forme un duo explosif et essentiel à la guitare, de Liam Ferguson (basse) et de Matthew Graham (batterie), BLITZKRIEG ne fait franchement pas son âge. Moderne et solidement ancré dans son époque, le Heavy Metal des Britanniques avance avec force et puissance. C’est simple, pour un peu, on a presque l’impression de découvrir un nouveau groupe. Racé et féroce, l’aspect traditionnel du genre n’a pas disparu, mais a subi un époustouflant lifting. Acéré et mélodique, le quintet frappe fort et on souhaite vraiment que ce ne soit qu’un début.

Catégories
Dark Folk Heavy Stoner Doom Stoner Doom

Moon Womb : transcendental

L’une des premières choses qui surprend chez MOON WOMB, c’est cette production à la fois rugueuse et sauvage, et pourtant très lumineuse, qui se caractérise par une volonté d’authenticité et d’une certaine pureté. La délicatesse presque vulnérable de la voix fait face à des distorsions guitaristiques où l’étrangeté musicale reste étonnamment familière et transcendante. Les Américains donnent le sentiment d’avoir totalement électrifié un registre acoustique pour lui donner du corps et le résultat est plus qu’ingénieux.   

MOON WOMB

« Moon Womb »

(Firelight Records)

Rangé derrière une étiquette Heavy Rock un peu étriquée, MOON WOMB fait partie de ses groupes complètement atypiques, qui semblent avoir un don inné pour désarçonner leur auditoire. Car sur ce premier album éponyme, les frontières stylistiques sont abattues pour laisser libre-court à l’inspiration du duo, qui nous embarque dans un périple musical contemplatif, globalement assez sombre, mais toujours pertinent et original. Ici s’entrechoquent Folk et psychédélisme sur fond d’ésotérisme et de magie.

Originaire de Woodland en Caroline Du Nord, Brandy (chant, batterie et cymbales) et Richard Flickinger (guitare et amplification) se sont créé un univers très personnel, composé de paysages sonores aux reliefs saisissants. Très organique dans le son, « Moon Womb » est guidé par la voix de sa chanteuse, qui n’a pas son pareil pour donner aux morceaux des aspects presqu’incantatoires avec une douceur enchanteresse. MOON WOMB se montre très intimiste dans l’approche et même assez minimaliste dans la composition.

Le tandem est en symbiose totale et si la voix semble ouvrir le chemin, la guitare baryton aux sonorités brutes et singulières donne le ton aux ambiances qui s’engouffrent dans des passages très sombres et atmosphériques. On est proches d’une Dark Folk où se mêlent contes de fées et folklore dans une ode à la nature. La lenteur des compositions de MOON WOMB libère d’étonnantes impressions de liberté et d’espace et des éléments empruntés au Drone, voire au Doom, se joignent à ce mélange artistique créatif et inattendu.         

Photo : Agatha Donkar Lund