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Sludge Stoner Rock

Blackbird Hill : attiser un souffle nouveau

Changement ou évolution naturelle, une chose est sûre : le duo bordelais dégage une impression de grande liberté à travers « Embers In The Dark ». Ce revirement n’a rien de vraiment anodin. Il est le reflet des sentiments qui animent BLACKBIRD HILL depuis ces deux dernières années. Du Blues Rock au Stoner, le cap est franchi et quelques fulgurances Sludge s’invitent même à la fête.

BLACKBIRD HILL

« Embers In The Dark »

(Lagon Noir/Kaa Production/Alter K)

De son Blues Rock originel, il ne reste plus grand-chose, si ce n’est quelques effluves enveloppants qui viennent adoucir ce deuxième album des Bordelais. Après « Razzle Dazzle » sorti en 2020 et stoppé net en plein élan, BLACKBIRD HILL a décidé de durcir le ton, une manière peut-être de faire front aux évènements subis. Et c’est dans un Stoner Rock solide que le duo a décidé dorénavant d’officier.

Etonnamment, les confinements et l’absence de concerts ont conduit Maxime Conan (chant, guitare) et Théo Jude (batterie, chant) à se poser des questions et à y apporter les bonnes réponses. Plus lourd et plus épais, « Embers In The Dark » vient se poser de façon massive pour libérer une puissance folle que le Blues Rock d’antan de BLACKBIRD HILL n’aurait sans doute pas permis.

Désormais, la guitare se fait baryton et très amplifiée, tandis que le groove, s’il reste intact, a lui aussi pris du volume (« Black Feathers », « Flatine », « Beat The Retreat »). Costaud et imposant, « Embers Inn The Dark » dévoile même une certaine mélancolie dans la voix, façon folk singer. BLACKBIRD HILL avance sans retenue et fracasse à tout-va avec méthode (« Reset », « The Colder The Better »). Incandescent !

Photo : Florent Pinsault
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France Progressif Stoner Doom

Oaks : une puissance organique sculpturale [Interview]

Fort d’un premier album très réussi, OAKS propose une aventure musicale singulière en évoluant dans des atmosphères progressives et Metal, dominé par un Stoner Doom lourd et épais. Le trio parisien se déploie dans un registre entièrement instrumental avec un travail sur le son très pertinent. Pleine de relief, la musique du groupe se fait aussi envoûtante que percutante, et c’est son guitariste, Thibault, qui nous en dit un peu plus sur cette première réalisation qui en appelle déjà d’autres.

– On vous a entendu pour la première fois en février dernier avec votre premier single « The Void », suivi de « The Chasm » en juillet. Avant de parler de l’album, pouvez-vous revenir sur votre parcours respectif et la création d’OAKS ?

Nous nous connaissons avec Julien (basse) depuis 20 ans. Nous sommes tous les deux de Strasbourg et nous avons joué dans de nombreux groupes avec des potes communs, mais finalement jamais ensemble. Naturellement, quand nous nous sommes retrouvés tous les deux à Paris, on a voulu créer un groupe. Nous voulions qu’il ne soit pas stigmatisé par un style particulier, mais le reflet de tout ce qu’on a pu écouter et digérer musicalement. On a également la chance d’avoir trouvé très rapidement notre propre studio de répétition et d’enregistrement, ce qui nous permet de stocker notre montagne de matos et d’avoir la liberté de répéter autant qu’on le souhaite. OAKS est né de notre envie de jouer ensemble sans se mettre de limite.

– Pourquoi avez-vous laissé passer huit mois entre le premier single et l’album ? De l’accueil de « The Void » dépendait la sortie de « Genesis Of The Abstract » ou est-ce que, plus simplement, tout n’était pas encore prêt ?

Le plan initial était de sortir l’album en autoproduction début 2022. A ce moment-là, nous avons eu un deal avec Argonauta Records et il nous a fallu revoir notre stratégie. Au début, l’album devait sortir en mai, mais notre batteur de l’époque nous a quitté juste après la sortie de « The Void » et l’annonce de la signature avec Argonauta. Nous avons heureusement rapidement trouvé Nathan, mais nous avions quand même besoin de temps pour être prêts pour de la sortie. Nous avons donc décidé de repousser la sortie à septembre.

Photo : Bill Castle

– Vous vous décrivez comme un ‘trio conceptuel’, qu’entendez-vous par là ? C’est une définition globale du groupe, ou cela ne s’applique qu’à ce premier album ?

En tant que groupe instrumental, il est très intéressant de réussir à raconter quelque chose sans mot. Lors de la création du projet, le désir était d’avoir un ensemble cohérent autant musicalement que visuellement. Nous travaillons donc nos titres dans une globalité, comme un projet complet. Nous avons créé un show vidéo pour nos concert afin de renforcer ce côté synesthésique du projet. D’ailleurs en live, nous jouons l’album dans son intégralité comme si c’était un seul long titre.

– Alors que vous évoluez en instrumental, seule une voix féminine se fait entendre en début et en fin d’album. Est-ce que vous pouvez en parler, pour ceux qui ne connaissent pas encore le disque, et en détailler son contenu ?

J’ai écrit un texte qui résume le concept de cet album. Nous voulions une intro et une outro et j’ai toujours eu en tête une voix grave et monocorde de femme pour réciter ce texte très imagé, voire carrément lyrique ! La voix de Fanny Fourquez, que je connais très bien, était parfaite pour ça.

– Musicalement, OAKS déploie un Stoner Doom teinté de Metal et de Prog, qui crée un univers très sombre malgré quelques passages plus lumineux. C’est pour accentuer un peu plus cette atmosphère assez obscure que vous avez opté pour une guitare baryton ?

Nous aimons particulièrement cet accordage, car nous voulions un son lourd. Je joue principalement sur Les Paul, et le diapason court des Gibson donne ce côté bourdonnant et organique à l’ensemble. Et Julien et moi adorons acheter du matos, essayer des nouveaux sons et amasser des amplis et des pédales.

– « Genesis Of The Abstract » présente une production massive et très organique. Il s’en dégage un aspect très live et spontané. Malgré une lourdeur apparente, l’album reste aussi très vif et véloce. Est-ce que c’est cette formule en trio qui vous permet d’obtenir ce son si particulier ?

Nous avons enregistré l’album dans notre propre notre studio avec Julien Tota aux manettes. Nous voulions ce côté live et organique que tu décris. Nous ne cherchions pas un son trop moderne, ni surproduit. C’est d’ailleurs exactement notre son en live. Julien et moi avons vraiment travaillé pour être complémentaires. Etant un trio, et instrumental de surcroit, chacun doit couvrir un large spectre de fréquence pour éviter que la sauce ne retombe. Les lignes de basse sont régulièrement assimilables à des lignes mélodiques, alors que je martèle la rythmique. C’est très intéressant de sortir des carcans classiques du basse/batterie/guitare/chant, tout en essayant de garder la même dynamique à l’écoute.

– OAKS ayant opté pour un registre instrumental, la question du chant ne se pose donc pas. Mais si vous deviez poser des textes sur votre musique, quelle en serait la teneur ?

Honnêtement, je ne sais pas quoi te répondre. Sur cet album, j’ai écrit un texte qui résume les différentes parties du voyage sonore et conceptuel que nous avons créé. Nous commençons à travailler sur le prochain album et un thème se dégage déjà. J’aime l’idée qu’il y ait un fil rouge dans chacune de nos créations. Sur « Genesis Of The Abstract », c’était celle d’une longue et unique plage musicale. Pour le suivant, j’aimerais intégrer plus de samples, qui seront justement le lien entre chaque titre. On ne se fixe aucune limite, alors peut-être que nous aurons des titres chantés à l’avenir.

– Outre la musique, vous travaillez aussi beaucoup sur le visuel du groupe en collaboration avec des artistes d’autres disciplines. Pouvez-vous en dire un peu plus, car vous abordez OAKS comme une entité aux multiples facettes finalement ?

Nous aimons effectivement intégrer différents aspects artistiques à notre projet. Nous avons, par exemple, la chance de collaborer avec Clément Sautet, qui est réalisateur de film et photographe. Nous travaillons avec lui sur l’aspect visuel du projet ce qui, comme je le disais, est primordial dans notre démarche artistique. J’ai également approché certains artistes visuels pour la création des loops du show vidéo live. Notre envie est de proposer un projet global de l’album au live, en passant par le contenu de nos réseaux et des clips que nous tournons.

L’album d’OAKS, « Genesis Of The Abstract », est disponible depuis le 30 septembre chez Argonauta Records.

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Power Rock Rock/Hard

Trust : mélodies assassines

Dans la même veine que les derniers albums, « Propaganda » vient confirmer l’envie du groupe de jouer une musique qui respire et envoûte, mais dont la rage qui l’anime depuis ses débuts reste intacte. Non, TRUST ne vieillit pas mal et n’a pas retourné sa veste. Le groupe rugit encore et toujours, sort les griffes et refuse les concessions pour demeurer créatif et inspiré.

TRUST

« Propaganda »

(Verycords)

Chroniquer un album de TRUST dans notre beau pays, et surtout pour en dire du bien, relève presque de la bravoure. Mais quand on aime : on distribue ! Depuis son ’retour’ avec « Dans Le Même Sang » en 2018, le groupe phare de la scène Rock française divise ses fans de la première heure, restés dans la nostalgie du premier album, de « Répression » ou de « Marche Ou Crève ». Et ça peut même se comprendre. Cependant, Bernie et Nono, eux, ne sont pas restés la tête dans le formol et c’est une chance.

C’est vrai que « Dans le Même Sang », suivi de « Fils de Lutte » l’année suivante, avait montré un autre visage de TRUST, essentiellement musicalement d’ailleurs puisque les textes ont conservé cette verve, cette attaque et ce mordant uniques. Ensuite, « Re-Ci-Div » est venu enfoncer le clou. Mais comment ont-ils pu ? Comment ont-ils osé ? Réinterpréter de tels classiques dans des versions Rock aux ambiances presque bluesy a relevé du sacrilège pour beaucoup. La belle affaire, puisqu’ils sont bons… et surtout à eux !

Ce qu’il faut retenir des dernières productions du groupe, c’est sans doute le fait que tout soit enregistré en condition live et en très peu de temps. Capter ainsi l’instant où la magie opère pour libérer cette énergie et cette spontanéité qui font toute la force de TRUST sur scène. Et c’est très précisément ce que l’on ressent à l’écoute de « Propaganda », douze morceaux instinctifs, solides, calmes aussi et fluides. On ne chasse pas le naturel. Et cette fois encore, c’est le grand Mike Fraser qui a mixé l’ensemble avec le talent qu’on lui connait.

Alors, et si chacun se fera son idée, que faut-il retenir de ce douzième album studio ? Bernie, Nono, Izo Diop, David Jacob et Christian Dupuy ont à nouveau investi les studios ICP près de Bruxelles et on retrouve donc le son des récentes réalisations, entre une chaleur un brin feutrée et des déflagrations brutes. Toujours aussi acérées et tranchantes, les paroles tapent dans le mille, taillent dans le gras et personne n’est épargné. TRUST ne fait pas de prisonniers et c’est même pour ça qu’on l’aime.

Sur une rythmique sans faille, le duo de guitaristes fait des merveilles entre riffs costauds et accrocheurs et des solos aériens, fins et étincelants signés Nono (« Le Jour Se Lèvera », « La Première Pierre », « Petite Elle »). TRUST a beau faire des infidélités à son Hard Rock d’antan, on retrouve sa patte, sa rage et son intensité («  Tout Ce Qui Nous Sépare », « Guerre Lasse », « Rassure tes chiens », « L’Europe des 27 »). Au chant, Bernie se fait moins hurleur ou crieur, mais il reste très vindicatif. Et ses mots résonnent même plus forts, de manière plus incisive encore, car la mélodie domine.

Enfin, avec un titre comme « Propaganda » et de pareilles pochettes (elles sont bien deux !), on pouvait s’attendre à un album très politique, d’autant que l’époque s’y prête encore et toujours. Pourtant, ce nouvel opus revêt un aspect beaucoup plus sociétal dans son contenu. Le constat est même accablant, mais tellement vrai, et Bernie se montre cinglant comme à son habitude (« Salaud d’Pauvre », « Les vagins Impatients », « Dimanche Au Bord Du Gouffre », « Ma Vie »). Peut-être trop contenu musicalement pour certains, TRUST régale encore et se réinvente brillamment. Allez, lâchez les chiens…

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Post-Metal

SaaR/Maudits : alchimie instrumentale

Sur le papier, c’est vrai que la rencontre entre SaaR et MAUDITS est très attractive au-delà même d’être évidente, lorsque l’on connait les deux formations. Non pas que les groupes se ressemblent au point qu’on les confonde, loin de là, mais leur démarche présente de singulières concordances. Même s’ils évoluent chacun de leur côté sur ce « Split » enchanteur, la cause et l’objectif sont communs. Les atmosphères se rejoignent pour n’en faire qu’une et on attend qu’une seule chose maintenant, c’est une scène, ou mieux encore, une composition les réunissant.

SaaR / MAUDITS

« Split »

(Source Atone Records)

Il fut un temps, pas si lointain, où les groupes se partageaient les galettes vinyliques, occupant chacun la face d’un disque dans des courts ou longs formats. Cette belle pratique a disparu pour l’essentiel, sans doute dû à un individualisme envahissant. Et pourtant, les groupes SaaR et MAUDITS, dont le talent et la notoriété croissante ne font plus mystère, se sont associés pour livrer chacun un morceau autour d’une démarche musicale qu’ils partagent : le Post-Metal instrumental. Et le résultat est à la hauteur des attentes. 

SaaR – Photo : Fakele Photographie

Ce sont les Parisiens de SaaR qui ouvrent les festivités avec « Loved », long de près de neuf minutes et d’un éclat incroyable. Si l’entame est progressive, elle ne fait qu’amorcer un déploiement dans les règles d’un style musclé et très structuré. Comme sur « Gods », son dernier album, le quatuor avance sur des rythmiques saccadées, des guitares aériennes en déversant quelques belles déflagrations aux saveurs Doom et dans une atmosphère souvent pesante, mais très aérée. Imposant !

MAUDITS – Photo : William Lacalmontie

Quant à vous, lecteurs adorés, MAUDITS n’a plus beaucoup de secrets pour vous, puisqu’il est présent sur le site depuis ses débuts. Séduisant sur son premier album éponyme (2020) et brillant sur son dernier EP « Angle Mort », le trio accueille à nouveau Raphaël Verguin au violoncelle sur ce « Breken Pt 1/2/3 » de toute beauté. Louvoyant à l’envie dans des registres post-Rock, Doom et Ambient, ce titre de 15 minutes reflète les capacités de MAUDITS à nous embarquer dans un tourbillon souvent hypnotique et toujours captivant.

« Split » est probablement l’une des meilleures réalisations de son genre depuis très longtemps. Affichant une belle unité dans une production très organique, la complémentarité des deux groupes étonne tant il y a une vraie progression sur l’ensemble des deux morceaux. D’ailleurs, on passe de l’un à l’autre (et vice-versa) sans sourciller un seul instant, preuve s’il en est que SaaR et MAUDITS ont l’art et la manière de nous envoûter avec le même penchant pour un post-Metal instrumental de grande classe.

Retrouvez la chronique du dernier album de SaaR (« Gods ») et les deux interviews de MAUDITS accordées à Rock’n Force :

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France Metal Progressif

Spheres : un regard vers le futur [Interview]

En cinq ans d’existence, les Parisiens de SPHERES ont développé un Metal Progressif, où les textures et les atmosphères renvoient à de multiples reliefs pour un voyage musical saisissant. Après un premier album, « Iono » (2019), le quatuor est de retour avec « Helios » à travers lequel il nous entraîne dans un périple qui va à l’encontre de l’idée-même d’utopie. Très contrasté et spirituel, ce deuxième opus pousse le groupe dans des contrées musicales plus dark encore. Entretien avec Jonathan Lino (chant et guitare), principal compositeur et producteur, qui revient sur la conception de cette nouvelle réalisation.

– Le line-up de SPHERES a un peu évolué sur ce nouvel album. Outre deux guests sur quelques morceaux, on note la présence sur l’ensemble de « Helios » du claviériste Marco Walczak. Est-il devenu un membre à part entière du groupe ?

Il risque de le devenir, c’est vrai. Auparavant, pour des raisons essentiellement financières, on tournait à quatre et il se pourrait que l’on commence à tourner à cinq. A terme, ce serait vraiment intéressant de l’avoir avec nous sur scène, car il apporte beaucoup au niveau du design sonore. On voulait donner une ambiance un peu Dark Synth à « Helios » et lorsque j’ai écouté son travail, je lui ai confié sans hésiter les arrangements des claviers sur l’album.

– Jonathan, tu as écrit, composé et produit l’ensemble de l’album sur lequel tu chantes, joue les guitares et les claviers. On pourrait presque penser à un projet solo. Quel est la part d’investissement et d’apport créatifs des autres musiciens ?

En fait, je suis ingé-son et j’ai donc tout le matos à la maison. Par ailleurs, j’ai toujours besoin d’un squelette pour synthétiser mes idées. Ensuite, j’envoie les démos aux autres et chacun travaille sur les arrangements. On discute beaucoup sur nos idées respectives et tout le monde y participe. J’ai juste besoin de mettre un premier coup de pinceau sur la toile, mais tout le travail de production et d’arrangement se fait à quatre. Et puis, chacun est très compétent dans son propre domaine instrumental, mieux que je ne peux l’être sur certaines choses, bien sûr, comme par exemple la batterie ou les parties de basse, qui guident d’ailleurs souvent les morceaux. Je suis juste plus à l’aise en travaillant seul sur les premières maquettes et les idées, mais c’est vraiment en groupe que nous faisons évoluer l’ensemble.

– Ce qui est assez surprenant sur « Helios », c’est qu’il y a un côté très science-fiction dans le son, notamment dans les claviers et certaines atmosphères, et pourtant l’album a quelque chose de très concret aussi. C’est un contraste sur lequel tu as voulu jouer ?

En tout cas, on peut parler d’album-concept. Chaque titre a son propre sujet, mais ils traitent tous d’un seul et même thème, qui est la dystopie. Il y a un aspect concret, bien sûr, mais aussi très onirique et spirituel. Cela dit, il y a aussi une volonté d’alerte en abordant ce genre de matière. Plutôt que de décrire un monde post-apocalyptique, on essaie de donner une sorte d’optimisme et d’ouvrir les esprits.

– Justement, « Helios » a des ambitions très spirituelles sur la vision d’un monde dystopique. J’imagine que dans ce cas-là, ce sont les textes qui amènent à la musique au niveau de l’écriture, ou le schéma est-il inverse ?

J’ai souvent des idées de sujets en tête, mais je ne me jette pas immédiatement dans l’écriture. Je laisse plutôt la place à mon imagination pour avoir une base. C’est à partir du moment où j’ai une histoire musicale que j’écris les textes. Le sujet vient en premier, la musique en deuxième, et ensuite l’écriture des paroles.

– J’aimerais qu’on s’arrête sur un morceau de l’album, qui se trouve aussi être le plus long, c’est « Pandemia ». Il est assez surprenant dans sa structure et son approche, car il présente des éléments progressifs évidents, ainsi que des passages post-Metal et des variations vocales étonnantes. On a presque le sentiment qu’il est la clef de voute de l’album. C’est le cas ?

C’est vrai que c’est le morceau le plus long et aussi le plus Prog. Il tire vraiment son inspiration d’un groupe comme Opeth avec une succession de chapitres. Je n’ai pourtant pas la volonté de n’écrire que des morceaux comme celui-ci. Mais dès le départ, j’ai voulu raconter une histoire, un peu comme on lit un livre.  

– SPHERES propose tellement d’atmosphères et de changements de tons qu’on pourrait vous qualifier de groupe de Metal extrême. Est-ce une chose dans laquelle tu te retrouves aussi ?

Oui, complètement. J’ai beaucoup écouté de musiques extrêmes et progressives qui s’en rapprochent. Cela dit, lorsque j’ai commencé la musique, j’ai beaucoup été influencé par le Rock Prog 70’s comme Magma, King Crimson, Genesis et Pink Floyd… et ça transpire encore ! Mais rapidement, j’ai écouté pas mal de MetalCore, du Sepultura aussi et pas mal d’autres choses extrêmes. Ma culture est un mélange de tout ça.  

– Est-ce qu’il y a un concept, un fil conducteur dans ce nouvel album ? Est-ce que « Helios » a été composé comme un tout, ou au contraire, est-ce que l’ordre des morceaux importe peu ?

L’ordre importe assez peu, car les morceaux ne suivent pas une histoire, même s’ils traitent tous d’un même thème. C’est vrai que l’album est très homogène dans le son, le mix et la production et avec aussi beaucoup de relief.

– En dehors des arrangements qui sont très soignés, j’aimerais que tu évoques le travail sur les voix, quelles soient collectives d’ailleurs et aussi ton propre chant. Il peut être clair et mélodique, assez martial et guttural parfois, tout comme extrême avec du growl et un peu de scream. La palette est très large. Il y a presque un petit côté schizophrénique dans tout ça, non ?

Oui, c’est vrai. J’adore utiliser différents registres de voix. C’est un peu comme une caisse à outils, qui te permet d’exprimer différentes émotions. J’essaie aussi beaucoup de choses, beaucoup de styles. La pluralité des reliefs dans la musique, j’aime la retrouver de la même manière que dans le chant.

L’album, « Helios », de SPHERES est disponible depuis le 23 septembre chez M&O Music.

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Hard Rock Heavy metal

Drenalize : coup de boost

Nerveux et relevé, ce deuxième album de DRENALIZE vient confirmer, s’il fallait en douter, que le Hard Rock hexagonal a de beaux jours devant lui. Mélodique et accrocheur, « Edge Of Tomorrow » est aussi percutant que convaincant. Sans tomber dans la facilité, le quintet fait preuve d’originalité et les labels ne devraient pas tarder à se manifester.

DRENALIZE

« Edge Of Tomorrow »

(Independant)

Originaire de la région de Metz, DRENALIZE a mis sept ans pour livrer son deuxième album et après « Destination Everywhere » en 2015, « Edge Of Tomorrow » vient certifier les belles choses entrevues à ses débuts. Toujours autoproduit, le groupe peut miser sur la vigueur de son chanteur, la virtuosité de ses deux guitaristes et son explosive rythmique, dans laquelle figure d’ailleurs le batteur de Crystal Throne.

Sur les bases d’un Hard Rock estampillé 80’s et début 90’s, les Lorrains se montrent explosifs à l’image de la pochette de « Edge Of Tomorrow », sur laquelle le frontman Chris Voltage se montre en phase avec l’ambition de ce nouvel opus. DRENALIZE n’a pas froid aux yeux et grâce à des riffs acérés et des morceaux mélodiques, mais jamais mielleux, il relève le défi avec brio et un enthousiasme débordant.  

Passé une courte intro instrumentale qui donne le ton, les Français sortent les crocs sur « Strangers In The Night », « No Miracle » et « Into Madness », qui libèrent un côté plus Heavy et tranchant. DRENALIZE n’en oublie pas pour autant de se fendre d’une ballade plutôt bien vu, qui nous renvoie à des combos comme Cinderella avec élégance. Le quintet signe donc un bel album avec beaucoup d’assurance et de créativité.

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Blues Rock

Lee O’Nell Blues Gang : un jeu plein de sérénité

Sans tirer la couverture à lui, le guitariste Lionel Wernert illumine ce nouvel album de LEE O’NELL BLUES GANG de ses riffs acérés et accrocheurs et de ses solos tout en finesse, avec son toucher délicat sur l’ensemble de « This Is Us ». Toujours à ses côtés, Gipsy Bacuet allie puissance et sensualité sur des textes sensibles qu’elle incarne parfaitement. Et dans une tradition Blues et très Rock aussi, le quintet impose son style entre nostalgie et modernité.

LEE O’NELL BLUES GANG

« This Is Us… »

(Independant)

Quel plaisir de voir la scène Blues et Blues Rock hexagonale se porter aussi bien ! Depuis quelques années maintenant, les artistes français semblent avoir enfin trouvé leur voie et surtout affirment sans retenue leur style en s’affranchissant de l’emprise américaine ou anglaise. Et LEE O’NELL BLUES GANG fait partie de ces groupes qui confirment, avec ce très bon « This Is Us… », cette bonne santé avec une énergie créative, originale et palpable avec un ton très personnel.

Après un premier opus, « Different Shades Of Love » sorti en septembre 2020, et donc bousculé et malmené par la pandémie, la chanteuse Gipsy Bacuet et le guitariste Lionel Wernert se sont aussitôt remis à l’ouvrage et ont composé pas moins de 14 morceaux qui constituent ce très inspiré « This Is Us… ». Rompu à l’expérience, LEE O’NELL BLUES GANG fait preuve d’audace et de feeling dans un registre bien à lui où le Blues et le Rock font cause commune en faisant bien plus que cohabiter.

Très fourni et tout en contraste, ce deuxième album regorge de vibrations positives perceptibles à travers un plaisir partagé. LEE O’NELL BLUES GANG affiche une maturité et une force envoûtante (« As If It Was Enough », « Kiss Me Again »). Au chant, Gipsy accueille même la choriste de Joe Bonamassa, Jade MacRae, sur « Just Need A Prayer », après un duo aux saveurs vintage avec Leadfoot Rivet sur « Let The Good Times Roll » sur lequel Fred Chapellier livre aussi un solo bien senti. Brillant.

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Doom Post-HardCore Post-Metal Sludge

Ahasver : Golgotha road

Mélodique et surpuissant, ce premier album des Occitans d’AHASVER est l’aboutissement d’un long travail et d’une créativité colossale. Composé de cadors du Metal extrême, le quintet élève son post-Metal aux reliefs saisissants et captivants pour en faire une matière musicale hypnotique et magnétique. Servi par une très bonne production, « Causa Sui » ouvre une multitude d’horizons musicaux.

AHASVER

« Causa Sui »

(Lifeforce Records)

Ce premier album d’AHASVER fait l’effet d’une gigantesque vague. Elle arrive, elle est très haute, le choc est violent et ensuite c’est la lessiveuse. Bâti autour de membres de Gorod, Eryn Non Dae, Psykup, Zubrowska, Dimitree et Drawers, le quintet ne donne évidemment pas dans l’easy listening. Poussant le post-Metal dans ses derniers retranchements, les français frappent un grand coup et sans retenue.

Mais au-delà de son impact sonore conséquent, « Causa Sui » est un album-concept très bien ficelé et surtout d’une grande finesse musicale. Le groupe tire son nom du personnage mythique ayant refusé de venir en aide à Jesus sur le chemin de Golgotha. Cela lui valut une errance éternelle sur terre. AHASVER en a imaginé la suite en inscrivant ses morceaux dans l’Histoire et en faisant un parallèle avec notre société.

Pour en saisir toutes les subtilités, plusieurs écoutes de « Causa Sui » s’imposent. Dans un climat extrême, tendu et nerveux, le combo enchaîne les phases Doom, Sludge et post-HardCore à grand renfort de blast monumentaux et réguliers (« Dust », « Tales, « Path »). Pourtant, AHASVER sait aussi nous emporter dans des atmosphères progressives et accrocheuses avec la même facilité (« Fierce », « Wrath », « Kings »).

Pas moins de quatre ans auront été nécessaires à l’écriture et à l’enregistrement de l’album et on comprend très bien vu le résultat obtenu. S’il a sans doute fallu faire converger les emplois du temps de chacun, c’est surtout la complexité des morceaux qui interpellent, tout comme le travail minutieux effectué sur les arrangements. AHASVER signe l’un des meilleurs albums du genre de cette rentrée, et c’est indiscutable !

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Heavy Psych Rock Stoner Rock

The Necromancers : titanesque

Apparu comme une véritable révélation avec son très bon premier album, THE NECROMANCERS devient aujourd’hui une formation incontournable sur la scène française et même au-delà. Avec « Where The Void Rose », le quatuor se présente avec un nouveau chanteur et surtout des morceaux tout aussi ténébreux que mélodiques. Techniquement impressionnant, le côté très accrocheur et captivant reste toujours le point fort du groupe.

THE NECROMANCERS

Where The Void Rose

(Independant/Season Of Mist)

Suite au départ de son chanteur, on aurait pu croire que la belle aventure de THE NECROMANCERS prendrait fin. Mais c’était sans compter sur la ténacité des Poitevins. Et le groupe n’a pas eu à chercher bien loin et a intronisé le frontman de Birdstone, excellent combo Stoner Blues également de Poitiers, qui assure également les guitares rythmiques. Un léger remaniement qui semble avoir apporté un souffle nouveau aux Français.

Rappelons tout de même que THE NECROMANCERS avait signé dès son premier album, « Servants Of The Salem Girl », chez l’instruction californienne Ripple Music en 2017. Et pourtant, le quatuor se présente aujourd’hui en indépendant et son Heavy Rock aux contours occultes et Stoner est plus solide que jamais. Dans des atmosphères également Doom et Metal, « Where The Void Rose » réserve bien des surprises.  

Avec un tel troisième album, le groupe impose un son et une identité, qui ne manquent pas de fraîcheur et encore moins de puissance (« Sunken Huntress », « The Needle »). Assez progressif et toujours dark dans l’esprit, THE NECROMANCERS développe aussi quelques arrangements Psych et 70’s parfaitement mis en lumière grâce à une production irréprochable, aérée et massive (« Crimson Hour », « Orchard », « Over The Threshold »).

Photo : Lise Lefèvre
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Hard US Sleaze

Rakel Traxx : sleazy party

La musique de RAKEL TRAXX tient littéralement de l’embuscade, de celle dans laquelle on se laisse prendre et surtout sans désir d’en sortir. A la fois Heavy, Sleaze et Glam, le style du quintet français balance de grosses claques sous une pluie de paillettes gluantes et tenaces. « 19 Nights To Nowhere » est un véritable régal de fraîcheur !

RAKEL TRAXX

« 19 Nights To Nowhere »

(Rock City Music Label)

Quand la cite phocéenne se met au diapason du Sunset Strip du Los Angeles des années 80, cela donne RAKEL TRAXX et un Power Glam Rock déjanté et festif. Ici, c’est ‘Sex, drugs and Rock’n’Roll’ et on le clame haut et fort. L’énergie déployée par le quintet est tellement savoureuse et communicative que « 19 Nights To Nowhere » parait bien trop court. Un peu de rab’ aurait carrément été plus que bienvenu !

Sleaze et Hard Rock à souhait, RAKEL TRAXX possède cette irrévérence que l’on trouvait jadis chez Mötley Crüe, Faster Pussycat et autres Poison. Et qu’il fait du bien ce souffle de liberté qui s’est perdu depuis dans des styles marketés et tellement propres ! Après deux albums, les Marseillais ont mis à profit l’arrêt brutal dû à la pandémie pour enregistrer ce très bon EP, ou mini-LP, c’est selon.

Sur les traces de leurs aînés américains, le combo français a trouvé sa voie dans un registre fougueux, virevoltant et terriblement accrocheur. « 19 Nights To Nowhere » avance sur des riffs tranchants, des rythmiques insaisissables et un chant capable de rendre dingue le dernier des jazzeux ! RAKEL TRAXX déborde d’énergie et n’attend plus que vous mettiez les doigts dans la prise (« 19 Nights », « Mexico », « Sexy Town », « Wild Girl »).