La productivité d’ERIC BIBB n’a d’égal que son inspiration… et elle est grande ! Alors qu’en avril, il sortait « Live At The Scala Theatre » quelques mois tout juste après le génial « Ridin’ », il récidive déjà avec un « In The Real World », majestueux dans sa simplicité et dans ce flow Soul dont il a le secret. Très dynamique dans les arrangements, il a donné sa confiance à Glen Scott, le patron de Repute Records, qui a produit, arrangé et mixé les chansons. Magnifiquement équilibré et savamment travaillé, les harmonies vocales sont incroyablement riches et s’élèvent à un niveau auquel on est finalement habitué de sa part.
ERIC BIBB
« In The Real World »
(Stony Plain Records/Repute Records)
L’Américain a le Blues voyageur. Après s’être installé à Paris à 19 ans, puis en Suède pour finalement s’établir en Angleterre, ERIC BIBB n’est peut-être pas prophète en son pays, mais il l’est assurément sur le vieux continent. Ce qui, pour un pasteur, est une bonne première étape. On ne compte plus ses innombrables albums, autour de la quarantaine, mais on peut souligner que chacun d’entre eux est d’une beauté renversante. Le précédent, « Ridin’ » lui a valu d’être nominé aux fameux Grammy Awards et « In The Real World » a de grande chance, lui aussi, de prendre le même chemin, en espérant une récompense au bout.
Après cinquante ans de carrière, un record de récompenses et une intronisation au ‘Blues Hall Of Fame’ en 2015, ERIC BIBB s’offre une magnifique ode à l’introspection et à la quête de soi. Et c’est dans les studios d’un autre grand artiste, Peter Gabriel, qu’il est allé immortaliser les 15 chansons de « In The Real World ». Comme toujours avec lui, le son est limpide, cristallin et la qualité des réalisations effectuées dans au ‘Real World Studios’ donne une couleur pleine de douceur, et aussi de profondeur, à des mélodies passionnées et des textes apaisants, tout en restant engagé dans un humanisme de chaque instant.
Dès les premières notes de « Take The Stage », on se retrouve enveloppé de la voix chaude et rassurante d’ERIC BIBB. Toujours très sociétal dans son propos, il plonge surtout dans ses souvenirs d’enfance dans des ambiances d’ailleurs très différentes passant du Delta au Gospel et à la Folk, et parfois légèrement Country. Il avoue même présenter avec « In The Real World » une sorte d’autoportrait de ses influences (« Everybody’s Got A Right », « This River (Chains & Free) », « Neshoba County », « Dear Mavis », et bien sûr la chanson-titre). Le bluesman a l’écriture forte et sensible et sa musique est aussi immaculée qu’électrique.
G N’R bien sûr, mais aussi Velvet Revolver, Slash’s Snakepit ou encore Myles Kennedy & The Conspirators, le détenteur de multiples et prestigieuses distinctions, et aux plus de 100 millions d’albums vendus, revient aux origines, celles du Blues. Avec « Orgy For The Damned », une nouvelle réalisation de covers, SLASH atteste qu’il est l’un des plus grands six-cordistes de sa génération et l’incarnation d’un feeling musical hors-norme. Et malgré quelques petits ratés, l’entreprise du guitar-hero est belle et se balade entre Rock, Blues et le tout dans un esprit très (trop ?) mainstream.
SLASH
« Orgy Of The Damned »
(Gibson Records)
SLASH fait son retour en solo, ou presque, avec un sixième album logiquement signé chez Gibson Records. Et pour un peu, il nous ferait le même coup qu’avec son premier, axé lui aussi autour d’une liste d’invités très séduisante. Cette fois, le Londonien de naissance se penche sur ses premières amours, ses influences fondatrices : le Blues. Cela dit, il y a plusieurs niveaux de lecture, ou d’écoute, dans la découverte de cette « Orgy For The Damned ». Et cela pourra désarmer les puristes et même les faire fuir, comme séduire les néophytes du genre.
Car s’il ravit sur bien des aspects, il peut également passer pour une sorte de grand barnum, comme ces concerts de charité qu’affectionnent les Américains et qui voient défiler des stars venues surtout se faire plaisir. Il y a un peu de ça, il faut le reconnaître. Et en la matière, SLASH sait y faire et est vraiment rompu à l’exercice. Le casting est bon, les morceaux choisis aussi et leurs interprétations tout autant. Et il nous gratifie même d’un inédit instrumental, « Metal Chestnut », vraiment plaisant. Mais entre les pépites, il demeure malgré tout quelques bémols de taille.
Avant d’entrer dans le détail, notons que l’ensemble est produit par Mike Clink, encore et toujours irréprochable. Présents sur tous les morceaux, on retrouve aussi les comparses de SLASH de l’époque ‘Slash’s Blues Ball’, combo épisodique des années 1996/1998, à savoir Johnny Griparic (basse) et Teddy Andreadis (claviers), auxquels viennent s’ajouter Michael Jerome (batterie) et le très bon Tash Neal (guitare, chant). Ce dernier interprète d’ailleurs l’excellent « Living For The City » de Stevie Wonder. Une surprise. Autant dire que ces gars-là connaissent et transpirent le Blues par tous les pores.
Les reprises sont bien vues : Robert Johnson, T. Bone Walker, Albert King, Willie Dixon, Charlie Segar, Steppenwolf, … Et « Orgy For The Damned » fait très fort avec les présences de Chris Robinson des Black Crowes, Gary Clark Jr, Billy F. Gibbons, Chris Stapleton et la grande Beth Hart, littéralement habitée sur ce « Stormy Monday » qu’elle connait si bien. Brian Johnson d’Ac/Dc n’a pas, non plus, à rougir de ce « Killing Floor » avec Steven Tyler à l’harmonica. En ce qui les concerne, c’est souvent somptueux et SLASH se montre d’une classe incroyable. On est là entre gens du Blues… ou très proches.
Puis, il y a ce qui va beaucoup moins bien à l’instar du chant très poussif de Paul Rodgers, ou encore Demi Lovato d’une banalité confondante sur le pourtant très Pop « Papa Was A Rolling Stone ». Et si la chanteuse Dorothy est à côté de la plaque sur « Key To The Highway », la palme d’or de la navre revient à Iggy Pop, blafarde iguane sur « Awful Dream », une vieille habitude chez lui. Mais ces quatre titres ne ternissent heureusement pas vraiment la qualité de ce nouvel opus de SLASH. S’il reste un mythe vivant de la guitare, il n’en est encore rien en termes de casting. Mais c’est un beau moment au final.
Originaire de Plymouth dans le Devon, la compositrice, guitariste et chanteuse nous a fait languir plus d’une décennie avant de se présenter avec une toute nouvelle production. Exaltée et scintillante, l’Anglaise interprète un Blues frais et enjoué, entourée d’un groupe à en faire pâlir plus d’un… et d’une ! Mais ce sont bel et bien sa voix rocailleuse et son approche guitaristique qui font d’elle une artiste hors-norme. Avec « Fortuna », on quitte un temps les rives de la Tamise pour celles du Delta du Mississippi avec un détour par la Nouvelle-Orleans.
BEX MARSHALL
« Fortuna »
(Dixiefrog)
Avec seulement quatre albums à son actif depuis 2002, dont celui-ci, BEX MARSHALL se fait bien trop discrète. Sa carrière, elle la mène surtout sur scène où elle a peaufiné et rodé son style en développant son exceptionnelle technique de slide back-porch, notamment, qui libère tant d’émotion sur ses morceaux. Lauréate d’un British Blues Award en 2013 en tant que chanteuse, la Britannique nous aura fait patienter douze ans depuis « The House Of Mercy » pour enfin livrer ce « Fortuna », qui se distingue du paysage musical actuel.
Par sa voix éraillée, BEX MARSHALL nous captive avec un British Blues dans le son, teinté de Rock, de Gospel, de Funk et de Soul, et s’en va même titiller le Country Blues (« Jungle »). Pour « Fortuna », elle se fait brillamment accompagné par ce que Londres fait de mieux en qualité de musiciens, et dont le feeling et le groove sont le moteur principal. Pourtant enregistrée en une intense semaine dans la capitale anglaise, cette nouvelle réalisation respire et offre un chaleureux moment d’optimisme dans lequel la frontwoman rayonne.
Bien sûr, il y est toujours question d’amour brisé, d’alcool et de regrets (c’est du Blues !), mais le regard plein de malice et d’humour de BEX MARSHALL montre surtout une ténacité et une résilience à toute épreuve. Et si sa voix nous emporte, que dire de son jeu de guitare ? Torride sur l’instrumental morceau-titre, ou plus délicat sur la splendide ballade « 5AM », elle navigue au gré de ses envies dans des atmosphères enchanteresses (« Preaching To The Choir », « Lay Down n’ Die », « Table For One », « Scrapyard Dog »). On en redemande !
Si les nationalités se côtoient aussi naturellement chez les CINELLI BROTHERS, c’est probablement dû à un amour commun pour le Blues, bien sûr, mais cela va bien au-delà. Avec l’indépendance chevillée au corps, le quatuor italo-anglo-français livre déjà son quatrième album, « Almost Exactly », dont le titre parle de lui-même avec cet état d’esprit si particulier. S’ils échangent leurs instruments à l’envie, c’est avec une authenticité palpable que le groupe a imposé sa patte au fil des disques. Entretien avec Marco Cinelli (chant, guitare, claviers), principal compositeur et producteur, et à l’humour so british…
– Tout d’abord, j’aimerais vous demander si la nationalité du groupe importe encore pour vous lorsque celui-ci se compose de deux Italiens, d’un Anglais et d’un Français ? Sachant en plus que vous êtes basés à Londres…
A ce stade, nous pouvons tous nous fondre dans la nationalité écossaise. Personne n’est écossais, mais l’Ecosse est un concept dans lequel chacun a des points communs les uns avec les autres.
– Est-ce que, finalement, ce n’est pas ce mélange de cultures qui fait que vous vous soyez retrouvés tous les quatre autour de la musique américaine si naturellement ?
Tu l’as dit. J’ai toujours pensé que le mélange de personnalités différentes, liées également à la différence de nos origines, rendait la soupe plus originale en goût. Comme le Blues.
– Vous venez de sortir « Almost Exactly », votre quatrième album, et vous êtes partis l’enregistrer aux Etats-Unis, à Woodstock, avec le grand Rich Pagano qui le co-produit également. Qu’est-ce qui vous a poussé à traverser l’Atlantique ? C’était une façon de vous rapprocher de vos racines musicales ?
C’était et c’est le rêve de nombreux jeunes groupes européens comme nous. Aller en Amérique – aller à Woodstock ! – dans un grand studio d’enregistrement, pour produire et sortir un album qui sent bon les étoiles et les sillons. Waouh ! C’était presque comme si même la réalité des faits ne pouvait saper la beauté de ce rêve innocent. Le fait est qu’en Amérique, il existe toujours un vif intérêt pour la production discographique. Je dirais en fait qu’en Europe, il existe un vif intérêt pour ce qui se passe en Amérique.
– Malgré de multiples récompenses et de nombreuses tournées, vous n’êtes pas signés sur un label après quatre albums. Pourtant, j’imagine que les sollicitations ne doivent pas manquer. Vous souhaitez simplement garder votre indépendance et une certaine liberté, ou vous n’avez pas eu d’offres suffisamment intéressantes ?
Je dois malheureusement admettre que nous n’avons pas eu l’offre qui nous ferait arrêter de faire ce que nous faisons sans l’aide de qui que ce soit. Nous avons eu des histoires, nous avons fait des choix et le résultat est le groupe aujourd’hui. Nous ne regrettons rien et nous ne changerions rien au passé, non plus. Un jour, viendra l’offre que nous ne pouvons refuser. Nous nous préparons à ne pas l’accepter.
– Revenons à « Almost Exactly », vous avez co-écrit les chansons pour la première fois, et surtout on y décèle un côté plus Pop et peut-être plus roots aussi. Vous aviez des envies de changement, ou c’est une évolution assez naturelle de votre musique ?
Nous ne pensons jamais en termes de changement de musique. Quand nous composons, nous faisons simplement notre truc. Je dirais donc certainement que nous évoluons naturellement vers autre chose. Si c’est plus Pop, ou plus ‘vert’ plutôt que ‘bleu’, c’est à vous de décider. Je suis heureux quand les gens s’intéressent à notre musique et soulèvent toutes ces questions sur le changement de style, etc… Pour nous, cela n’a pas changé du tout depuis le début. PEUT-ÊTRE, juste un tout petit peu, OK !
– Cela dit, cette authenticité très Blues est toujours autant alimentée de Soul et de R&B dans des couleurs fidèles aux 60’s et 70’s. Ca, c’est une chose qui ne changera jamais chez THE CINELLI BROTHERS ?
Ne jamais dire jamais. Quand les gens commenceront à exiger une musique type pour les CINELLI’S, j’essaierai sérieusement de comprendre pourquoi dans un premier temps, puis j’envisagerai la possibilité de changer le son dans ce sens. Nous avons un bluesman dans le groupe (Tom Julian Jones), un Rock Soul (Stephen Giry) et un jazzman (mon frère Alessandro). Les éléments peuvent être mélangés pour toujours et auront un son vintage pour certains et nouveau pour d’autres. L’harmonica est l’instrument du Blues, donc tant qu’il y en aura dans notre musique, le ‘facteur’ Blues sera toujours là, je pense. Moi, je ne suis qu’un clown, là au milieu…
– Par ailleurs, « Almost Exactly » contient des sonorités Southern et même Country Blues et Gospel. Est-ce à dire que vous considérez le Blues au sens large du terme comme un vaste terrain de jeu aux possibilités infinies ?
Le Blues n’est pas un genre, c’est une ambiance. C’est un style de vie, apparent ou réel. Une chose peut cependant paraître ‘bluesy’, si vous chantez la gamme pentatonique avec plus ou moins d’émotion. Je suppose que nous avons l’air bluesy, car il y a beaucoup de gammes pentatoniques dans ce que nous faisons. Nous nous inspirons de ces rythmes qui étaient populaires il y a un demi-siècle. Si une chose est plus Country, ou Gospel, cela dépend du contenu des paroles ou des sons. La délivrance est toujours la même. Mais le Blues porte l’ambiance, c’est sûr.
– Prochainement, vous allez venir en France pour une belle série de concerts. En dehors de votre guitariste Stephen, est-ce que vous entretenez une relation particulière avec notre pays, qui est aussi une belle terre d’accueil pour le Blues ?
Bien sûr que nous le faisons. Il n’y a rien de plus gratifiant que d’entretenir une relation avec chaque pays dans lequel nous nous produisons. La France est un beau pays plein de gens enthousiastes. La nourriture et la vigne sont excellentes et les musiciens sont parmi les meilleurs. Elle nous a toujours très bien traités, nous ne pouvons que lui rendre la pareille en vous traitant également bien.
– Pour conclure, il n’y a pas que votre musique qui soit très soignée, votre look vintage l’est tout autant. Cela fait partie intégrale de l’univers de THE CINELLI BROTHERS, ou plus simplement de votre quotidien ?
Nous jouons un rôle dans le groupe. Nous sommes des artistes et il n’y a rien de mal à le dire. Quand le style que vous mettez sur scène vous va parfois bien dans la vraie vie, c’est là qu’on se fait ‘cinellier’. Personnellement, j’ai tendance à m’habiller très mal, trop coloré, hors-concours, criard et tout le reste. Tu imagines donc bien que le défi d’apporter un tel style dans le groupe et de convaincre les trois autres n’était pas si grand !
Le nouvel album de THE CINELLI BROTHERS, « Almost Exactly » (Inouie Distribution), est disponible sur le site du groupe avec toutes infos et notamment leurs concerts à venir :
Transgressive, addictive et terriblement intense, la musique de SAINT AGNES est un alliage magnétique, supersonique et ténébreux qui pioche autant dans l’Electro, le Metal que le Rock brut et l’Indus. Sur des textes crus d’une rare authenticité et d’une force chaotique, « Bloodsuckers » se joue des styles, se moque des courants musicaux et se livre avec minutie à un consciencieux travail de démolition, d’où surgit une identité très personnelle et vivante.
SAINT AGNES
« Bloodsuckers »
(Spinefarm Records)
Sorti en plein cœur de la fraîcheur estivale bretonne, le deuxième album des Anglais était passé sous mes radars, entre les mailles de mes filets. La sortie de l’édition Deluxe de « Bloodsuckers » est donc une agréable piqûre de rappel et l’occasion de se plonger dans une réalisation hors-norme portée par un trio qui l’est tout autant. Kitty Arabella Austen (chant, basse, guitare, claviers), Andy Head (batterie) et Jon Tufnell (guitare, basse) ont fait de SAINT AGNES un monstre de créativité.
Très loin du Blues Punk Rock débridé de « Welcome To Silvertown » (2019), les Britanniques ont fait leur mue et opté pour une esthétique musicale très Electro, mais aussi très Metal. Imaginez un instant la rencontre entre Prodigy au meilleur de sa forme, Junkie XL à ses débuts avec un Zack de la Rocha au féminin ou une Pink sous acide, et vous obtenez SAINT AGNES, un furieux et décomplexé combo, qui serait même très largement adoubé par Trent Reznor. Mais « Bloodsuckers » ne se limite pas à ça, loin de là.
Si ce nouvel opus des Londoniens bouscule, c’est en partie dû à la performance d’une frontwoman écorchée vive qui transmet ses émotions et sa colère avec une sincérité totale. Très organique malgré les machines, « Bloodsuckers » transgresse les codes, intègre des notes de Grunge, de Nu Metal sur des phrasés et avec un flow parfois parlés entre rage et férocité (« Animal », « At War With Myself », « Follow You », « Outsider » et bien sûr « Bloodsuckers »). Percutant, puissant et massif, SAINT AGNES lance tout juste les hostilités.
Les temps changent et c’est via internet et les réseaux sociaux que SOPHIE LLOYD s’est faite un nom avant de commencer à se produire sur des scènes gigantesques avec d’autres. La Londonienne a eu l’occasion de se créer un joli carnet d’adresse dans le monde du Metal et, au risque de passer au second plan par rapport aux artistes présents, elle démontre qu’elle est bien plus qu’une guitariste de session, même si elle va devoir s’imposer à son tour sur scène avec ce premier « Imposter Syndrome ».
SOPHIE LLOYD
« Imposter Syndrome »
(Autumn Records)
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se lancer en solo et c’est une très bonne chose. A l’instar d’Orianthi et Nita Strauss notamment, SOPHIE LLOYD est décidée à se produire sous son nom et son entrée en piste avec ce très bon « Imposter Syndrome » témoigne déjà d’une grande assurance doublée d’un énorme talent qu’on avait déjà très largement perçu. Comme d’autres, elle est apparue sur YouTube où elle a construit sa notoriété, puis en live avec Machine Gun Kelly et on lui pardonne ce faux pas.
Pourtant rompue à l’exercice des reprises qu’elles s’approprient d’une manière souvent très shred, SOPHIE LLOYD présente un son bien à elle et un toucher très personnel. C’est d’autant plus remarquable que la guitariste livre un premier album sur lequel elle a convié onze invités, et non des moindres. Le panel artistique est très large, même s’il reste dans une veine Hard’n Heavy, et la faculté d’adaptation de la Britannique est étonnante et assez rare. Elle se met véritablement au service des morceaux avec beaucoup d’instinct.
Sa polyvalence dévoile une artiste complète, qui se fond dans l’univers de ses guests venus donner de la voix, excepté le guitariste YouTuber Cole Rolland sur un instrumental. Solide sur les rythmiques et rayonnante sur les solos, SOPHIE LLOYD n’en fait pas trop, mais suffisamment pour briller. Si les titres avec les frontmen de Steel Panther, Black Stoner Cherry, Trivium et Atreyu sont explosifs, ceux avec les chanteuses de Halestorm, Marisa And The Moths et la Canadienne Lauren Babic sont vraiment un cran au-dessus. Convaincante.
C’est de l’autre côté de l’Atlantique que le bluesman ROBIN TROWER est allé chercher sa nouvelle muse artistique en la présence de SARI SCHORR, rayonnante chanteuse de la ‘Big Apple’. Et cette rencontre fait des étincelles sur ce « Joyful Sky », dont on espère qu’il ne soit pas un simple one-shot. Très Soul et R&B dans l’ensemble, le Blues resplendit à travers la guitare du maître, tandis que sa partenaire multiplie les variations en jetant le trouble sur des titres taillés sur mesure. Du grand art !
ROBIN TROWER featuring SARI SCHORR
« Joyful Sky »
(Provogue/Mascot Label Group)
A travers sa belle et longue carrière, ROBIN TROWER n’a eu de cesse de faire preuve de créativité que ce soit en solo ou au cours de ses très nombreuses collaborations. Avec la New-Yorkaise SARI SCHORR, le guitariste a visé juste tant le duo fonctionne à merveille. Partageant aussi le même manageur, les deux artistes se trouvent très naturellement sur des chansons que le Britannique a composé spécialement et d’autres plus anciennes qu’il a réarrangé en fonction de la voix de l’américaine. La combinaison de ces deux talents est tout simplement exceptionnelle, le tout dans une chaleur d’un groove irrésistible.
Si SARI SCHORR n’a pas bénéficié des mêmes lumières que certaines de ses consœurs, elle compte deux albums studio et un live à son actif, est membre du ‘New-York Blues Hall Of Fame’ et fut longtemps la choriste de Joe Louis Walker et de Popa Chubby avant de former un groupe avec Innes Sibun, le guitariste de Robert Plant. Autant dire que la blueswoman n’est pas la première venue comme on peut l’entendre sur « Joyful Sky », où sa voix puissante, délicatement éraillée et sensuelle fait des merveilles. Sa présence aux côtés de ROBIN TROWER ne doit donc rien au hasard.
Interprète des compositions de l’Anglais, elle se meut subtilement entre ses notes pleines d’émotion enveloppées de la wah-wah de sa célèbre Stratocaster rendues inimitables par ce toucher unique. Avec un registre vocal dont on peut retrouver des similitudes chez Beth Hart notamment, SARI SCHORR illumine littéralement « Joyful Sky », qui porte si bien son nom (« Burn », « The Distance », « The Circle Is Complete » avec ses sept minutes très 70’s, « Joyful Sky », « Flatter To Deceive », « I’ll Be Moving On »). Tandis que l’Américaine séduit par une intonation sublime et flottante, ROBIN TROWER éblouit par sa justesse et un feeling brûlant.
Si c’est par nostalgie que vous comptez écouter ce nouveau GIRLSCHOOL, vous risquez d’être surpris car « WTFortyFive ? » sonne résolument actuel et, malgré le temps qui passe, nos quatre Londoniennes n’ont pas dit leur dernier mot. Principale référence pour les groupes féminins, elles ont conservé cette volonté qui a fait d’elles un mythe du Hard Rock. Et c’est sans complexe et avec assurance qu’elles fêtent leurs 45 ans d’activité décibélique.
GIRLSCHOOL
« WTFortyFive ? »
(Silver Lining Music)
Orphelines de leur grand ami Lemmy depuis huit ans déjà, les musiciennes de GIRLSCHOOL poursuivent leur bonhomme de chemin. Huit ans, c’est aussi le nombre d’années passées depuis « Guilt As Sin », dernier opus réalisé avec Enid Williams, fondatrice, bassiste et chanteuse du combo depuis 1978. Remplacée par Tracey Lamb, une vieille connaissance qui avait déjà faite de l’intérim chez elles, les Anglaises sont de retour au taquet avec un album, le quatorzième, qui sent bon le Rock’n’Roll.
De la première mouture de GIRLSCHOOL, il reste donc Kim McAuliffe (guitare, chant) et Denise Dufort (batterie), alors que la guitariste Jackie Chambers est fidèle au poste depuis plus de deux décennies maintenant. Les Britanniques sont donc très soudées et ce « WTFortyFive ? » vient célébrer 45 ans de carrière avec éclat et panache. Le cuir est un peu usé, certes, mais l’envie et la détermination n’ont pas bougé d’un iota. Mieux ! Le quatuor livre son meilleur album depuis très longtemps.
Redoutable d’efficacité et techniquement irréprochable, GIRLSCHOOL affiche un plaisir évident sur ses nouvelles compos. Les riffs sont toujours bruts et le groove rugueux comme au bon vieux temps des débuts de la NWOBHM (« It Is What It Is », « Cold Dark Heart », « Barmy Army », « Invisible Killer », « Up To No Good », « Party »). Cerise sur le gâteau, elles ont invité Biff Byford de Saxon, Phil Campbell, ex-Motörhead, et Duff McKagan de G N’R à pousser la chansonnette sur « Born To Raise Hell ». Royal !
C’est la résonance d’un peuple opprimé qu’ERIC BIBB a voulu faire entendre sur « Ridin’ », où le musicien se fait l’écho de siècles de lutte des Afro-Américains avec un positivisme incroyable chevillé au corps et aux cordes. Précieux et précis, ce disque est autant un voyage qu’une réflexion sur les mouvements populaires actuels et passés, le tout distillé à travers des chansons sensibles et émouvantes et en évitant toute noirceur. Un modèle d’optimisme et d’une incroyable sobriété musicale.
ERIC BIBB
« Ridin’ »
(Dixiefrog)
La captivante voix de velours d’ERIC BIBB opère toujours comme par magie sur ce superbe « Ridin’ », et cela fait même cinq décennies et près de 40 albums que l’Américain installé à Londres régale de son jeu plein de finesse et si expressif. Teinté de Folk, d’Americana et d’un brin de Country, le bluesman a aussi conservé dans son répertoire ses racines Soul et Gospel, qui rendent cette nouvelle réalisation d’une grande et apaisante douceur.
Librement inspiré de la peinture d’Eastman Johnson (« A Ride For Liberty » – 1862), la pochette de « Ridin’ » évoque sans détour l’espoir, la détermination et le courage de la communauté afro-américaine au fil du temps. C’est donc sur la base de ce concept qu’ERIC BIBB a bâti son nouvel opus où il exprime sa conception d’un racisme systémique et la façon de le purger du monde. Le songwriter est un humaniste, ainsi qu’un passeur.
Musicalement aussi, le songwriter ne s’interdit rien et nous promène dans des contrées funky, groovy et chaloupées dans un Blues dépouillé et très acoustique. Inspiré et délicat, il aspire à transmettre son espérance dans un voyage plein d’amour et de volonté. Et histoire de faire briller « Ridin’ » encore un peu plus, ERIC BIBB accueille les stellaires contributions de Taj Mahal, Jontavious Willis, Russell Malone et Habib Koité. Indispensable !
Que Noël arrive, ou pas, ce beau livre signé Dominique Dupuis fera forte impression dans toutes les bibliothèques d’amoureux de Rock et de Rock Progressif en particulier. Avec EMERSON LAKE & PALMER (Editions du Layeur), l’auteur retrace l’histoire de ce groupe monumental qui continue d’influencer de nombreux musiciens à travers les générations. Grâce à un travail pharamineux sur les illustrations et une plume érudite, on plonge avec bonheur dans la discographie et le parcours de ce groupe mythique.
EMERSON LAKE & PALMER
Dominique Dupuis
(Editions du Layeur)
Les amateurs de Rock Progressif connaissent évidemment le légendaire trio anglais EMERSON LAKE & PALMER. Pour les autres, l’occasion est belle, avec ce superbe ouvrage de Dominique Dupuis, de faire la découverte de l’un des groupes majeurs et fondateurs d’un style qui lui doit beaucoup. Avant-gardistes sous bien des aspects, les Londoniens ont laissé une empreinte indélébile et ouvert bien des voies.
Pour les non-initiés, la formation a vu le jour en 1970 autour de Keith EMERSON (ex-Nice) aux claviers), Greg LAKE (ex-King Crimson) à la basse, la guitare et au chant, ainsi que Carl PALMER (ex-Atomic Rooster) à la batterie et aux percussions, seul membre encore vivant. A eux trois, ils ont mis de sérieux coups de pied dans la fourmilière Rock et influencé un grand nombre de leurs contemporains et même au-delà.
EMERSON LAKE & PALMER, c’est aussi neuf albums studio vendus à près de 48 millions d’exemplaires à travers le monde sous ce line-up (il y a eut une reformation dans les années 80 avec Cozy Powell en lieu et place de Palmer, alors sous contrat avec Asia). Le travail exemplaire effectué par Dominique Dupuis met en lumière l’épopée visionnaire des Britanniques avec un œil de spécialiste remarquable et une iconographie incroyable.
Parfaitement documenté, le livre retrace le parcours d’EMERSON LAKE & PALMER à travers des articles détaillés des albums et de leur conception, des tournées et des rencontres qui ont mené à de multiples aventures musicales. De leurs disques solos respectifs à King Crimson ou Asia, dont Palmer à signer l’incontournable tube « Heat Of The Moment », ce livre est un superbe témoignage d’une époque et d’un groupe débordant de créativité.