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Psych Prog Space Rock

Naxatras : open to the world

Sur un groove ensorceleur, NAXATRAS tisse sa toile dans un Rock à la fois progressif et psychédélique teinté, depuis l’arrivée de Pantelis Kargas aux claviers et aux synthétiseurs, de sonorités électroniques qu’il puise dans les années 70 essentiellement. Ce cinquième album vient rassembler les multiples influences du groupe dans une atmosphère très analogique, qui libère une authenticité qui rend ce « V » très créatif, original et qui ouvre à la formation venue de Grèce des horizons infinis dans un registre où il est passé maître.   

NAXATRAS

« V »

(Evening Star Records)

Dix ans après un premier album éponyme qui avait déjà marqué les esprits, NAXATRAS vient poser une monumentale nouvelle pierre à son édifice musical. En élargissant encore un peu plus son spectre, son Rock Psychédélique Progressif prend une ampleur quasi-spatiale. Toujours aussi organique, ce sont la technicité et l’inventivité des Grecs qui dominent et le voyage auquel nous sommes conviés est plus captivant que jamais. Sur un récit conceptuel basé sur l’exploration du monde mythologique de Narahmon, l’évasion se fait dès « Celestial Gaze » qui ouvre « V », et « Spacekeeker » nous plonge ensuite dans une atmosphère enivrante.

Si la vision de NAXATRAS reste moderne, le quatuor dégage pourtant une belle et douce saveur vintage, résultant essentiellement de ce son si proche. Autour de synthés enveloppants, la basse, la batterie, les percussions, la flûte et la guitare s’entremêlent dans une harmonie à laquelle il devient difficile de résister au fil des morceaux comme sur « Numenia » et ses effluves orientaux bousculés par un riff infernal. La maîtrise est totale, les relais entre les instruments prennent un aspect obsédant et les Hellènes nous propulsent dans un univers fait de longues plages aériennes et d’un Rock brûlant (« Breathing Fire »).

En côtoyant d’aussi près le Space Rock, NAXATRAS s’émancipe de toutes frontières musicales, se faisant même orchestral à l’occasion et distillant des couleurs moyen-orientales hypnotiques et très rythmées (« Legion »). Lointain, le chant continue sa narration entre Science-Fiction et une vision antique dans son propos. Le quatuor a de quoi impressionner, tant rien n’est laissé au hasard, que ce soit au niveau de cette production presque charnelle et des arrangements d’une exquise finesse (« Utopian Structures », « Sand Halo »). La touche rétro aux allures célestes qui englobe « V » devient très addictive. Classe ! 

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Desert Rock post-Rock Space Rock

Yawning Balch : vertigineux

La connexion s’est établie il y a deux ans maintenant et depuis, YAWNING BALCH repousse encore et toujours ses propres limites. Tous très prolifiques et très occupés, les membres de cette formation hors-norme présentent le « Volume Three » de leur aventure désertique, où l’improvisation reste le guide, même si les détails et les arrangements pourraient laisser penser le contraire. Nous sommes ici dans une telle maîtrise qu’il est difficile de savoir si l’invitation lancée à Bob Balch par Yawning Man tient franchement du hasard…

YAWNING BALCH

« Volume Three »

(Heavy Psych Sounds)

Presque deux ans après deux premiers volumes envoûtants, YAWNING BALCH livre enfin son « Volume Three ». Enregistré au printemps dernier au Gatos Trail Studio à Joshua Tree, en Californie, il clot (sauf surprise !) une trilogie assez incroyable, aussi épique que spatiale. Car il faut reconnaître que la communion entre les membres de Yawning Man et le guitariste Bob Balch (Fu Manchu, Big Scenic Nowhere) ne manque pas d’audace et encore moins d’inspiration. Cette rencontre entre deux univers, finalement pas si différents, s’ouvre sur un incroyable champ des possibles que le quatuor s’empresse d’explorer. C’est là tout le charme et la force de ces rencontres hallucinatoires, vagabondes et si réjouissantes.

Entre post-Rock et Desert Rock avec des touches de Space Rock, YAWNING BALCH est un groupe de jam, certes, mais l’élégance avec laquelle il évolue d’un même élan est assez phénoménale et inédite. Si la rythmique composée de Mario Lalli à la basse, qui joue aussi avec Fatso Jetson, et Bill Stinson derrière les fûts se connait par chœur et montre une complicité assez rare à ce niveau, ce sont bel et bien Bob Balch et Gary Arce (également à l’œuvre chez SoftSun) qui font vibrer l’ensemble autour de leur guitare avec un naturel et une fluidité totale. Sans pour autant se montrer rival, chacun prend le lead, tour à tour, avec politesse et beaucoup de respect. Leur entente rayonne et nous emporte.   

Bardé d’effets dont ils sont probablement les seuls à détenir les secrets, nos deux six-cordistes jouent crescendo et les descentes dans des sonorités plus ‘reconnaissables’ se font discrètes. Une manière aussi peut-être de se passer le relais pour mieux repartir. Car Bob Balch et Gary Arce tiennent à la fois le lead et la rythmique sur les deux seuls morceaux tout en longueur de ce « Volume Three » (« The Taos Hum » et « Winter Widow »). YAWNING BALCH est de ces rencontres où les frontières sonores et musicales disparaissent au gré des accords et qui survolent un duo basse/batterie tout en rondeur et au feeling tellement évident. Une fois encore, le voyage est magnifique !

Retrouvez les chroniques des deux premiers volumes :

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Psych Prog Rock 70's Soul / Funk

Rosalie Cunningham : out of time

Comme toujours, la vie rayonne de gaieté sur ce nouvel opus de ROSALIE CUNNINGHAM. Avec « To Shoot Another Day », la Britannique nous plonge dans les 70’s avec une joie omniprésente. Très riche musicalement et d’une énergie contagieuse, ses chansons ont ce point commun de toutes évoluer dans une ambiance très psychédélique, progressive aussi,  avec une liberté éclatante et sans se soucier vraiment d’une certaine nostalgie palpable, mais dont elle joue d’ailleurs avec malice et une désinvolture très élégante.

ROSALIE CUNNINGHAM

« To Shoot Another Day »

(Esoteric Recordings)

Décidemment, depuis le split de son groupe Purson en 2016, celle qui a aussi joué avec Jack White, vit un début de carrière en solo épanouissant. Après un premier album en 2019 suivi de l’excellent « Two Piece Puzzle » (2022), ROSALIE CUNNINGHAM a même sorti le très bon « Live At Capela » dans la foulée et nous revient aujourd’hui avec son troisième effort studio. Une fois encore, la jeune Anglaise se montre aussi surprenante que talentueuse et l’audace musicale dont elle fait preuve est juste incroyable.

La chanteuse, multi-instrumentiste et compositrice fait preuve d’une créativité débordante et « To Shoot Another Day » nous ballade dans des contrées Psych entre Rock, Soul, Funk et Blues avec une saveur vintage aussi délicate qu’authentique. Comme d’habitude, ROSALIE CUNNINGHAM s’est occupée de tout dans son home-studio avec la complicité de son guitariste et compagnon Rosco Wilson, qui a co-écrit quatre morceaux et participé au mix. Et les ambiances sont variées et chaleureuses pour devenir vite addictives.

Cela n’aura échappé à personne, le titre de cette nouvelle réalisation est un clin d’œil au légendaire James Bond, dont le thème de « Die Another Day » est repris dès le premier titre éponyme. Et l’atmosphère très cinématographique que l’on retrouve aussi sur la pochette se propage sur l’ensemble du disque à travers des chansons très soignées, pleines de paillettes sonores scintillantes et parfois dramatiques. Vocalement, ROSALIE CUNNINGHAM fait une véritable démonstration alternant fougue et douceur avec beaucoup de sensibilité.

Photo : Blackham Images

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Psych Stoner/Desert

Karkara : lust in dust

Formé il y a seulement cinq ans, à l’aube d’une pandémie qui leur a peut-être donné des idées, KARKARA poursuit sa route, chemine dans les antres du psychédélisme et se frotte au shamanisme musical avec de plus en plus de grâce et d’habileté. Plus inspirée encore, « All Is Dust » est une réalisation pertinente, obsédante et surtout interprétée et composée sans bride, ce qui lui offre et libère un sentiment de totale liberté. Alors, on se laisse aller, on se laisse prendre dans ce flux fantasmagorique et enchanteur… et le voyage est beau, bien que mouvementé ! Il y a même une certaine magie.

KARKARA

« All Is Dust »

(Le Cèpe Records/Exag Records/Stolen Body Records)

« All Is Dust » est typiquement le genre d’album (le troisième du groupe), qui fait plaisir à écouter et à savourer, car il va si bien à l’encontre des préceptes actuels et de cette frénésie à vouloir découper systématiquement un disque en singles, comme pour mieux en supprimer la substantielle moelle. KARKARA m’a donc rendu le sourire. En effet, pour qui déciderait d’en écouter quelques bribes en le parcourant nonchalamment, il passerait complètement à côté, car la démarche entreprise ici relate une quête quasi-survivaliste entre poésie et rage (« Monoliths », « On Edge », « Moonshiner » et ses oiseaux).

Il fait aussi et d’abord préciser que le style du trio s’y prête également très bien. Dans un Psych Rock oscillant entre Stoner et Desert Rock, il nous raconte une histoire, nous guide dans les pas d’un personnage dont l’épopée se comprend, se ressent et se vit justement en écoutant l’ensemble des six morceaux… dans leur entier et dans l’ordre. Ses étapes, ses rencontres et ses combats sont saisissants. Et je ne vous raconterai évidemment pas la fin de cette aventure aux multiples rebondissements narrée par KARKARA, mais la chute est aussi hallucinatoire que radicale et magnifique.  

Plutôt que vintage, c’est une saveur rétro-futuriste qui englobe « All Is Dust » à travers de longs morceaux, qui sont nécessaires au déploiement de cette ambiance épique et hypnotique, ainsi que galopante et nerveuse. Très organique dans le son, tout comme dans son jeu, KARKARA jour sur les effets de basse et de guitare, ponctue ses titres de notes de synthés d’un autre temps et avance sur un chant aérien et désespéré aussi. Il se permet même l’incursion d’un saxophone démoniaque (« The Chase ») et d’une trompette solaire qui vient presque sonner le glas (« All Is Dust »). Terriblement humain, bravo !

Photo : Guthio
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folk Psych Roots Rock Southern Blues

Brother Dege : l’ultime testament

Qualifier BROTHER DEGE de musicien solaire est un doux euphémisme. Alors qu’il vient de nous quitter, son ultime témoignage vient malheureusement mettre un terme à une œuvre Southern où Blues et Folk s’entremêlent avec des sonorités Rock et Country. « Aurora » est le dernier grand cru livré par l’ouroboros du bayou. Le vide va être abyssal et son silence presqu’insupportable, mais ses disques et ses livres restent, eux, éternels et je vous invite à vous y plonger. Un désert de beaux mots.

BROTHER DEGE

« Aurora »

(Prophecy Productions)

Cela faisait déjà un petit moment que je me délectais de cette nouvelle réalisation de BROTHER DEGE Legge, lorsque j’ai soudainement appris sa mort survenue le 9 mars dernier, alors qu’il n’avait que 56 ans. Ce magnifique « Aurora » s’apprêtait à sortir et une tournée européenne était même prévue en avril. Il s’est éteint dans sa ville de Lafayette en Louisiane et laisse un héritage précieux. Et si son fougueux Southern Psychedelic Rock ne vous dit a priori rien, peut-être avez-vous en tête son morceau « Too Old To Die Young », qui figurait sur la B.O. de « Django Unchained » de Quentin Tarantino en 2012 ?

« Aurora » est le quatrième opus de BROTHER DEGE, après « How To Kill Horse » (2013), « Scorched Earth Policy » (2015) et « Farmer’s Almanac » (2018). Il est sans doute aussi le plus intime et le plus personnel. Au regard de sa carrière, y compris celle d’écrivain, on y trouve une espèce de synthèse de son long travail à travers ce parcours si atypique ancré dans le Sud des Etats-Unis qui l’a façonné et qu’il incarnait tellement. La discrétion et l’humilité de l’artiste révèlent sa force poétique, qu’elle soit dans les textes ou dans sa musique bercée par un dobro toujours aussi magnétique.

On pense bien sûr à Ry Cooder sur l’instrumental morceau-titre qui ouvre l’album, mais le songwriter fait rapidement rayonner sa touche si particulière. Cette fusion si singulière entre le slide du Delta Blues, la Folk et un Rock issu du Bayou rend BROTHER DEGE assez unique. Poignant et plein de sensibilité sur « Where The Black Flowers Grow » et « A Man Needs A Mommy », il accélère sur « Turn Of The Screw » pour se montrer très élégant sur « The Devil You Know » et sur l’énigmatique « The Longing » presque prophétique. La douce folie et l’approche de l’Américain vont terriblement manquer au monde de la musique.

Photo : Travis Gauthier
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Stoner Rock

Waste A Saint : rockin’ angels

Peut-être dû à la rudesse du climat, les pays du Nord de l’Europe ont toujours eu une réelle prédisposition pour le Stoner Rock et, de fait, un talent certain. Venant s’incruster avec insistance dans le crâne, les morceaux de « Ravenous », deuxième effort studio des Scandinaves, marient avec beaucoup d’habileté la dureté du style avec une voix féminine qui captive, mais n’apaise pas pour autant les choses. WASTE A SAINT tient un line-up performant, qui sert des compos grisantes.

WASTE A SAINT

« Ravenous »

(All Good Clean Records)

WASTE A SAINT a réellement pris son envol il y a deux ans avec « Hypercarnivore », un premier album qui lui a permis de sillonner sa Norvège natale et de roder son style. Après quelques concerts, le quatuor est d’ailleurs aussitôt retourné en studio. Avant cela, il avait sorti un EP, « At Quarter Speed » en 2017, puis quelques singles épars. Avec « Ravenous », le combo fusionne avec force des inspirations qui vont du Hard Rock au Psych Rock avec quelques touches bluesy et surtout à travers un Stoner Rock mélodique et accrocheur.

Solide et épais, le registre des nordiques peut s’apparenter, même de loin, à celui de QOTSA pour ce qui est de l’efficacité des refrains, qui deviennent vite entêtants. Mais l’ensemble est beaucoup plus âpre et rugueux. Et cet atout résolument solaire et fédérateur, on le doit notamment à Bogey Stefandottir, la frontwoman de WASTE A SAINT. Cependant, si elle apporte une belle dose de féminité au Stoner Rock du groupe, grâce à un entrain véloce, elle se montre tout aussi capable de durcir le ton et de montrer les crocs.

« Ravenous » démontre que l’on peut faire un Stoner accessible, sans forcément en renier ses fondements et jouer au bulldozer. Mais que tout le monde se rassure : la puissance est bel et bien au rendez-vous. Les riffs appuyés d’Alexander Skomakertsen et le duo basse/batterie formé par Ole Nogva et Øivind Fossem viellent au grain. Moderne et entraînant, WASTE A SAINT est la vraie bonne surprise du moment (« Schizofriendia », « Sore Spot », « Femme Fatale », « Avoid My Wits », « Aeronaut »). A suivre de très près !

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Desert Rock post-Rock Psych

Yawning Balch : vers de nouveaux paysages

L’inspiration est hors-norme, la production ne souffre d’aucune lacune et l’ensemble est techniquement imparable. Avec ces deux volumes issus d’une journée unique, où les membres de Yawning Man et Bob Balch de Fu Manchu se sont rassemblés, non pour batailler mais pour communier, YAWNING BALCH révèle des aspects musicaux insoupçonnés de la part de ces quatre musiciens très expérimentés. Le voyage est total et les images défilent…   

YAWNING BALCH

« Volume Two »

(Heavy Psych Sounds Records)

Suite à un somptueux « Volume One » en juillet dernier, voici la suite et elle est aussi exceptionnelle que l’entame. Pour rappel, Gary Arce (guitare), Billy Cordell (basse) et Bill Stinson (batterie) de Yawning Man ont convié il y a un an presque jour pour jour le guitariste et claviériste de Fu Manchu, Bob Balch, à une belle et longue jam à Joshua Tree dans le désert californien. De ces cinq heures, YAWNING BALCH en a extrait deux albums vraiment incroyables, où il s’est livré à de multiples expérimentations.

Toujours entièrement instrumental, ce « Volume Two » tient bien sûr toutes ses promesses et il s’inscrit dans une continuité, dont la créativité reste le moteur principal. Balch et Arce s’étaient juste entendus sur le fait qu’ils souhaitaient tous les deux multiplier les effets de guitares en utilisant un maximum de pédales. Et le résultat est saisissant. Sur une base Desert Rock, YAWNING BALCH nous replonge dans un post-Rock psychédélique, dont l’élan semble si naturel qu’on peine toujours à croire à une simple jam.

Rien de calculé donc, le quatuor se laisse simplement aller à une improvisation que le talent des Américains rend incroyablement immersive et rapidement addictive. Avec seulement trois morceaux (« A Moment Expanded (A Form Constant) », « Flesh Of The Gods » et « Psychic Aloha »), qui s’étendent sur 40 magnifiques minutes, YAWNING BALCH envoûte comme personne et réalise la jonction parfaite entre Desert Rock, post-Rock et psychédélisme. Ces quatre-là savent y faire et le plaisir est tellement bien partagé.

Retrouvez la chronique du « Volume One » :

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France Psych Rock 70's

Komodrag & The Mounodor : chimère psychédélique [Interview]

Si vous avez déjà vu KOMODRAG & THE MOUNODOR sur scène, vous pouvez aisément imaginer combien interviewer les sept musiciens en même temps aurait vite tourné au casse-tête. C’est donc un entretien croisé, et séparé, de la dynamique formation bretonne estampillée ‘super-band’ que je vous propose pour parler de ce premier et très bon album « Green Fields Of Armorica ». Il y est question pour les deux groupes de communier leur amour pour le Rock 70’s dans un esprit forcément psychédélique… et joyeux ! Et sans aucune concertation, le septet montre une osmose totale jusque dans ses réponses. Entretien paimpolo-douarneniste avec une formation, qui va très vite devenir incontournable bien au-delà des frontières bretonnes.

– Votre rencontre et votre coup de foudre réciproque ont eu lieu en 2019 et quelques jams ont eu lieu dans la foulée. Quel a été le véritable déclic pour fonder KOMODRAG & THE MOUNODOR, car une aventure pareille ne se fait pas sur un coup de tête, si ?

Komodor : Et si, ça s’est exactement passé sur un coup de tête. Quand nous avons rencontré pour la première fois Camille et Colin, ça a tout de suite été un coup de foudre amical et musical. Le feeling a pris directement pendant qu’on faisait notre première jam ensemble et c’est à ce moment-là qu’on s’est dit qu’il y avait moyen de bien rigoler et de faire du bon gros Rock ensemble.

Moundrag : On avait l’habitude de jammer après nos concerts avec Komodor et l’élément déclencheur a été quand on nous avait proposé d’enregistrer et de filmer une live session. Comme nous venions de sortir une vidéo sur KEXP, nous avons plutôt proposé notre nouveau projet : KOMODRAG & THE MOUNODOR. Le truc marrant, c’est qu’on avait composé les trois morceaux de la live session le week-end précédent !

– Votre premier ‘gros’ concert a eu lieu aux Trans Musicales de Rennes en 2021. Quels souvenirs en gardez-vous, notamment par rapport à vos rôles respectifs sur scène, vos positionnements aussi et le relais et l’échange entre vous et le public ?

Moundrag : Ce premier concert restera gravé dans nos mémoires ! Le public était chaud bouillant et nous étions possédés par les démons du Rock’n’Roll : sept mercenaires au service de vos soirées d’ivresse !

Komodor : C’était un gros challenge et on en garde des souvenirs gravés à jamais : une ambiance de fou, notre première grosse scène devant autant de monde et, surtout, le tout premier concert du groupe. Nous avions eu la chance de travailler en résidence et d’être accompagné par une superbe team afin que tout se passe au mieux.

Le positionnement sur scène s’est fait assez naturellement. Nous sommes sept, donc pour occuper le plateau, ce n’est pas un problème. On était remontés comme jamais avant de jouer. C’était un vrai moment de partage avec le public qui était chaud bouillant et qui avait soif de faire la fête avec nous.

Photo : Erwan Larzul

– Vous sortez aujourd’hui « Green Fields Of Armorica », qui dispose d’une production très organique que l’on retrouve d’ailleurs aussi sur vos albums respectifs. Avez-vous eu envie de travailler un son particulier ? Et comment le travail d’enregistrement s’est-il effectué, car gérer sept musiciens peut vite devenir compliqué ?

Komodor : Ce n’était pas une mince affaire, surtout pour trouver de l’espace pour tout le monde. Nous avons pris parti de retranscrire au mieux le son que nous avons en live, mais avec tous les avantages du studio en termes de production et d’effets.

Les deux batteries, l’orgue et la basse ont été enregistrés live dans une pièce de 15m². On a  joué le plus fort possible pour ressentir cet effet organique. Les guitares et les voix ont été enregistrées séparément après toute la base rythmique. Ce qui a permis de travailler au mieux la spatialisation dans la stéréo et d’avoir un son punchy et aérien au mixage.

Moundrag : Nous avons voulu avoir un son qui se rapproche le plus de notre performance scénique. Nous avons enregistré les deux batteries, la basse et l’orgue Hammond en live, tous les quatre dans une petite pièce. Puis, nous avons rajouté les guitares/overdubs et enfin les voix. Le plus dur a été de trouver une place pour chacun dans le mix. Bravo Goudzou !

Photo : Erwan Larzul

– Est-ce qu’au moment de composer justement, n’avez-vous pas été tentés les uns et les autres d’imposer votre patte en utilisant peut-être des morceaux ou des mélodies que vous aviez déjà chacun de votre côté ?

Moundrag : Tout a été composé pour le groupe. Pour notre part, on est vraiment sorti du Heavy Psych Prog pour proposer des riffs et des chansons plus ‘Pop’. Nous avons vraiment à coeur de différencier les répertoires pour éviter que les auditeurs ne mélangent tout… Même si c’est déjà les cas avec le nom du groupe ! (Rires)

Komodor : On a justement mis les riffs, qui ne correspondaient pas à nos projets respectifs, mais qui nous plaisaient ! (Rires) On s’est quand même donné une ligne directrice en termes d’esthétique musicale, ce qui a permis d’élaborer le set autour de cet univers. L’ensemble des membres a apporté ses influences dans cet album, ce qui a créé une identité indépendante de Komodor et de Moundrag.

– A l’écoute de ce premier album, ce qui est assez étonnant, c’est que l’on ne perçoit pas forcément l’empreinte directe de Komodor, ni de Moundrag de manière significative. Il s’agit véritablement d’un autre groupe. Est-ce que ça a été difficile de vous imposer ça ? Fusionner deux groupes ne débouche pas forcément sur un style aussi personnel…

Komodor : Au contraire, c’est hyper excitant, nous avons tout de suite voulu créer un projet à part entière et qui soit dans une esthétique différente ! Ce n’est pas dans la même veine que nos projets respectifs. Etant à sept dans cette formation, cela nous a permis d’expérimenter de nouvelles méthodes de travail et composition !

Notre volonté était clairement de recréer un show énergique au plus proche de ce qui pouvait exister à l’époque avec un univers bien ciblé et identifié ! Cela nous permet d’aller creuser encore plus loin dans notre recherche et de comprendre au mieux comment cette époque a marqué toute une génération et un mouvement artistique qui perdure encore.

Moundrag : C’était un choix nécessaire. Nous sommes sorties de nos zones de confort pour proposer un répertoire qui n’empiète pas sur nos projets respectifs. KOMODRAG & MOUNODOR a un répertoire Southern Rock, qui s’est imposé de lui-même. Cela nous permet de faire vivre à côté Moundrag et Komodor sans redite.

Photo : Erwan Larzul

– Est-ce que vous voyez KOMODRAG & THE MOUNODOR comme une sorte de récréation, un side-project qui vous permet de franchir et d’explorer des frontières qui vont au-delà de vos groupes respectifs ? Et lui voyez-vous d’ailleurs un avenir après « Green Fields Of Armorica », en dehors des concerts, bien sûr ?

Moundrag : Au début, on voyait ça comme un side-project, une jam entre copains à la fin des concerts. Mais plus ça va et plus ce groupe prend de l’importance ! On a beaucoup de chance de pouvoir jouer en live ce projet qui demande beaucoup d’investissement avec sept musiciens sur scène. On va déjà défendre en live cet album et on verra ensuite pour un deuxième…

Komodor : C’est une vraie récréation, qui a maintenant pris une tournure ‘plus sérieuse’. Nous vivons tellement de moments incroyables que nous voulons vraiment que cette histoire perdure ! On veut s’exporter, jouer et s’amuser autant que possible ! Dès que nous aurons fini la tournée de cet album, nous avons pour projet de nous pencher sur l’écriture du second opus.

– D’ailleurs, ce projet est assez étonnant dans la mesure où vous avez tous les deux un premier album à votre actif, donc un parcours jusqu’ici assez court. Et cela ne vous a pas empêché, bien au contraire, de vous lancer dans cette nouvelle aventure. Alors aujourd’hui, et respectivement, où est votre priorité ? Komodor, Moundrag ou KOMODRAG & THE MOUNODOR ?

Moundrag : Tous les projets ont autant d’importance à nos yeux. Nous aimons de tout notre coeur le Hard Prog Heavy Psych, donc nous continuerons à défendre ce style, même si KOMODRAG & THE MOUNODOR prend de plus en plus de temps sur l’agenda.

Komodor : Les trois, mon capitaine ! On ne va pas abandonner un seul des trois projets. Chaque groupe se construit avec un public différent. Ça nous tient à cœur de les développer, car nous ne sommes qu’au début de l’aventure pour chacun d’entre eux et la route est encore longue.

Photo : Erwan Larzul

– J’imagine qu’une tournée va aussi arriver et elle va mettre en stand-by vos formations  respectives. Est-ce qu’en parallèle, vous travaillez déjà les uns et les autres sur vos futures réalisations ? Et quand pensez-vous avoir le temps de souffler un peu ?

Komodor : La tournée de cet album ne va pas nous empêcher de tourner avec Komodor, bien au contraire. S’il y a un trou dans l’agenda, on le remplira. D’ailleurs, il y a déjà des dates de programmées pour la saison prochaine ! On veut bouffer du bitume et nous avons encore beaucoup d’endroits à découvrir ! En ce qui concerne Komodor, nous avons déjà entamé le travail de pré-production du prochain album ! Nous voulons battre le fer tant qu’il est encore chaud, et nous avons de belles surprises à annoncer dans les temps à venir.

Moundrag : Effectivement nous travaillons sur le deuxième opus de Moundrag. Pas l’temps d’souffler, quand la tempête arrive ! On se reposera quand on sera mort. D’ailleurs, il nous reste des dates à booker pour cet été.

– Enfin, car on peut tout se dire maintenant : qui tient la culotte dans KOMODRAG & THE MOUNODOR ? Moundrag ou Komodor ?

Moundrag : Ah Désolé, ce sont les Komodor qui portent des culottes, nous on est plutôt caleçons !

Komodor : On sait que les Moundrag vont dire que ce sont eux. On va donc humblement leur donner les codes de la boîte mail, et on va se la couler douce dans le Morbihan !

L’album de KOMODRAG & THE MOUNODOR, « Green Fields Of Armorica », est disponible chez Dionysiac Records/Modulor.

Retrouvez les interviews accordées par les deux groupes lors de la sortie de leur premier album respectif :

Moundrag…

… et Komodor

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Heavy Psych Rock Stoner Doom Stoner Metal

[Going Faster] : Superlynx / Orbiter

Les plus fidèles d’entre vous se souviennent sûrement des [Going Faster] que j’avais mis en place, afin de pouvoir parler d’un maximum d’albums pour faire face à l’avalanche de sorties. Les groupes ne semblaient pas vraiment apprécier la formule, alors j’avais arrêté, histoire de ne froisser personne, mais aussi au risque de passer à côté de bien belles choses. Cela dit, il faut faire des choix et ce sont souvent les mêmes qui en pâtissent.

L’une des conditions était que les planètes soient alignées, qu’il y ait donc des points communs et une démarche artistique proche. C’est le cas ici avec les Norvégiens de SUPERLYNX et les Finlandais d’ORBITER. Les deux voisins évoluent dans un registre Psychedelic Doom Rock/Metal, sont guidés par une frontwoman et surtout partagent le même label : Argonauta Records. Alors, allons-y !

SUPERLYNX

« 4 10 »

(Argonauta Records)

Pour leurs dix ans d’existence, les Norvégiens opèrent quelques changements avec la sortie de « 4 10 ». Tout d’abord, le groupe fait son arrivée sur le label italien Argonauta Records et surtout il accueille à la guitare et en live Espen Krøll. Musicalement, on retrouve le style si particulier de SUPERLYNX voguant dans un Psych Rock profondément Doom et Heavy. Au chant, Pia Isaksen (également bassiste) hypnotise toujours autant, parfaitement soutenue par Ole Teigen (batterie) et Daniel Bakken (guiatre). Très atmosphérique, le registre du combo peut laisser penser à une jam directement inspirée par les rêves et une part de surréalisme. Et si la noirceur de « 4 10 » est envahissante, la lumière entre aussi de bien des manières. Avec ce quatrième album, SUPERLYNX s’impose avec classe et une sincérité débordante.

ORBITER

« Hollow World »

(Argonauta Records)

Derrière cette fascinante pochette se cache un opus qui l’est tout autant. Déjà enthousiasmant sur « The Deluge », son premier EP sorti en 2020, la formation d’Helsinki se présente avec un long format, qui en dit déjà long sur ses ambitions et son talent. Mixé et produit par Hiili Hiilesmaa (Him, Apocalyptica) et masterisé par Ted Jensen (Alice In Chains, Mastodon), « Hollow World » fait l’écart et surtout la jonction également entre un Doom Metal massif et un Stoner Rock puissant et dynamique. ORBITER montre beaucoup d’assurance et de créativité, à l’instar de sa chanteuse Carolin, qui enveloppe les morceaux de sa voix captivante, tranchant ainsi avec les riffs acérés et l’ambiance psychédélique à l’heure tout au long de ce premier album. Une montée en puissance très réussie sur des morceaux qui ne manquent pas de créativité.  

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Desert Rock Psych Rock 70's Stoner Blues

Dead Feathers : un total lâcher-prise

Car c’est suffisamment rare pour y être souligné, ce disque de DEAD FEATHERS est de ceux qui ne s’écoutent pas uniquement, mais qui se vivent, tant on est accroché par l’ampleur sonore que prennent les morceaux et la voix subjuguante de sa frontwoman. Avec « Full Circle », le groupe de l’Illinois s’impose comme un fer de lance du revival psychédélique, façon Rock, Blues et aux fulgurances Stoner et Desert.

DEAD FEATHERS

« Full Circle »

(Ripple Music)

Si pour beaucoup le Psychédélisme a disparu avec les années 70 dans sa forme originelle, qu’ils écoutent vite le nouvel opus des Américains de DEAD FEATHERS, car il incarne à lui seul non pas le renouveau, mais la version moderne du genre. Avec « All Is Lost » (2019), le quintet avait déjà posé les bases d’une musique à la fois captivante et terriblement rassembleuse. Et sur « Full Circles », il monte encore d’un cran grâce à des musiciens inspirés, précis et aux compositions très personnelles.

DEAD FEATHERS possède dans ses rangs un atout de charme et de choc avec sa chanteuse Marissa Welu, dont la voix puissante et sensuelle ouvre sur des territoires véritablement saisissants. L’émotion qu’elle apporte à ce deuxième album sublime des morceaux déjà portés par des atmosphères aériennes qui peuvent aussi se faire très Rock et plus âpres en lorgnant vers des contrées Stoner et Desert Rock. Et sur un groove constant et enthousiaste, « Full Circle » prend son envol dès les premières notes.

L’ouverture avec « Full Circle » nous transporte dans le monde hypnotique de DEAD FEATHERS et les guitares, a priori douces, deviennent vite fuzz en jouant sur les effets propres au Psych Rock. Très organique évidemment, la production ne trahit jamais les titres et au contraire leur donne un son clair et actuel. Tout est donc dans l’intention avec le combo de Chicago et c’est sans surprise que la longueur des certaine plages sont tout sauf formatées (« Daughter », « The Swell », « Robbery », « Galapagos »). Euphorisant !