Bien avant l’éclosion du néo-Folk teinté d’Ambient qui déferle depuis quelques temps maintenant, NYTT LAND avait entrepris de restituer musicalement la riche Histoire de ses ancêtres. A l’instar de la démarche de Wardruna en Scandinavie, ce sont leurs terres natales de Sibérie que les Russes mettent en avant avec l’objectif de protéger et de partager un patrimoine culturel, qui mêle incantations, ésotérisme, animisme et où les esprits habitent littéralement ce « Songs Of Th Shaman » créatif, saisissant et authentique.
NYTT LAND
« Songs Of The Shaman »
(Prophecy Productions)
Depuis sa création en 2013, NYTT LAND a sorti une petite dizaine d’albums et chacun d’entre-eux est une plongée dans la culture sibérienne, et plus particulièrement dans ses rituels, ses textes et ses chants. Avec « Songs Of The Shaman », il nous emporte hors du temps, dans un espace où règnent les esprits et où même les dieux ne s’aventurent pas. Natalia Pakhalenko (chant, tambours) et son mari Anatoly (chant, talharpa, flûtes, percussions, guimbarde) se mettent au service de leur terre et de ses traditions.
En plus d’être des musiciens expérimentés et très investis, le duo mène aussi des recherches poussées et son travail d’historien est basé sur ses activités scientifiques, à savoir l’étude et la préservation de son ancestral passé. NYTT LAND s’en tient rigoureusement à un matériel directement issus des peuples autochtones. Son implication est complète et la musique qui vient enrober l’ensemble est le fruit de ses propres compositions. Autant dire que l’héritage s’entretient et se perpétue minutieusement et très consciencieusement.
Qualifier le répertoire de NYTT LAND d’immersif est un doux euphémisme. C’est une plongée hypnotique dans un monde chamanique, où la nature et ses sonorités tiennent une place aussi importante que les écrits spirituels de ces communautés reculées. Il y est question de sorts, de mystères et de légendes reproduits avec des techniques comme le chant de gorge sur des rythmes proches de la transe. « Songs Of The Shaman » traverse des paysages sonores aux reliefs parfois hallucinatoires et avec une fluidité envoûtante, presque magique.
Avec « Bicephalous », les Français donnent leur vision d’un Crossover réinventé sur une base Stoner, où le Sludge, le Metal, le Doom et le HxC cohabitent en toute harmonie. Complet et très nuancé, ce nouvel effort de TIGERLEECH est pourtant très direct, alerte et prend à bras le corps les sujets sociétaux sans tergiverser. Intense et percutant, ce deuxième opus redonne des couleurs et des perspectives à un registre, qui n’a pas encore livré tous les secrets et sa potentialité.
TIGERLEECH
« Bicephalous »
(Octopus Rising/Argonauta Records)
Cela fait un peu plus de dix ans que TIGERLEECH secoue l’underground hexagonal et ce troisième album va encore dans ce sens, avec peut-être même plus de fermeté. Et s’ils ont apporté quelques évolutions musicalement, les Parisiens ont également remanié leur line-up et accueillent un second guitariste sur ce bouillonnant « Bicephalous ». Le mur de guitare s’est donc renforcé, en phase avec l’écrasant duo basse/batterie et le frontman très en verve et revendicatif, qui mène le combo avec force et beaucoup d’aplomb.
Ayant explosé sur la scène française avec l’excellent « Melancoly Bridge », il y a quatre ans, TIGERLEECH avait entrepris de belle manière un virage plus mélodique dans son Stoner Sludge et cela lui avait franchement réussi. Nouveau changement de direction donc sur ce « Bicephalous » nettement plus radical et abrasif. Mais on ne saurait s’en plaindre, tant le quintet maîtrise son sujet et nous renvoie à cette époque bénie du Crossover. Très Metal, il reste Sludge bien sûr, mais libère aussi des éclats Hard-Core très 90’s.
Sur une production très actuelle, les références à Body Count surtout, mais aussi dans une certaine mesure à RATM et Suicidal Tendencies dans l’esprit, sonnent le retour à une efficacité tranchante et engagée. Avec de subtils éléments post-Rock, TIGERLEECH montre aussi ses capacités à entrer dans le détail tout en assénant de lourdes charges (« When You Cross The Border », « King Of The White Castle », « The Art Of Do It Yourself », « 321 Ignition » et le morceau-titre). Ce retour est fracassant et frontal, donc réjouissant !
Toujours aussi abrasif, mais emprunt cette fois de beaucoup plus de sensibilité, le deuxième album des Parisiens a de quoi surprendre pour qui les suit depuis leur premier EP « Look At The Sky » sorti en 2017. Le style s’est affiné, bien sûr, mais il a aussi gagné en diversité sonore, en impact et se veut nettement plus libre aussi dans l’écriture. Jouant sur les émotions, POINT MORT passe de la lumière à la noirceur absolue d’un claquement de doigt avec une cohérence déroutante. Avec « Le Point De Non-Retour », le quintet affiche une polyvalence de chaque instant, doublée d’une fermeté imparable dans son déroulé. Quelques jours avant sa sortie, Damien Hubert (basse), Olivier Millot (guitare) et Sam Pillay (chant) reviennent sur leurs envies artistiques, l’évolution du groupe et la conception de ce nouvel opus.
– Vous sortez votre deuxième album, « Le Point De Non-Retour », après deux premiers EPs et des prestations scéniques aussi nombreuses qu’explosives. Et puis, POINT MORT a aussi franchi la décennie d’activité. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce parcours de dix ans d’existence ?
Damien : On regarde assez peu en arrière et d’ailleurs, on ne joue d’ailleurs pas beaucoup d’anciennes chansons en live. On a aussi beaucoup fait évoluer la musique du groupe au fur et à mesure du temps, et nous avons aussi changé, ce qui fait qu’on ressasse assez peu les événements passés du groupe au final !
– Depuis vos débuts, vous avez habillement enrichi et fait évoluer votre post-Hardcore, et POINT MORT reste unique en son genre avec de multiples facettes que vous nourrissez de nombreux styles. Comment procédez-vous justement pour garder une identité si forte ?
Damien : Il n’y a pas de recherche d’identité particulière. J’ai surtout l’impression que sur les textes, la compo, les visuels, on travaille sur ce qui nous parle nous et comme on est plusieurs avec des goûts différents, ça donne cette mixture. Ce qui fait qu’on est vraiment très content quand quelqu’un clique avec nous, mais la contrepartie c’est que ça ne parle pas à tout le monde.
Olivier : Rien n’est prémédité. Quand il y a une envie, on décide d’y aller jusqu’au bout. Peu importe si cela colle, ou pas, avec le style dans lequel on est affilié.
– Pour « Le Point De Non-Retour », vous avez de nouveau fait appel au duo Sauvé/Chaumont pour l’enregistrement, le mix et la production. Vous donnez l’impression de grandir ensemble et d’ailleurs, un palier est encore franchi. Quelle était votre ambition première pour ce deuxième album, tant au niveau de la composition que du son ?
Damien : Moins de dissonances et de guitares zinzins, plus de travail sur les voix, mais tout autant de structures à tiroir et de ‘trucs-alambiqués-qui-s’entendent-pas-à-la-première-écoute’. Moins de musique aussi en durée à enregistrer aussi, y’en a marre des albums de plus de 50 minutes !
Olivier : Quand j’ai commencé à écrire cet album, je voulais plus de lisibilité dans la narration et accentuer le côté ‘cinématographique’ des morceaux. Aussi, de prendre le temps pour aller plus loin dans les arrangements des voix et qu’il y ait plus de matière au mixage. Effectivement, on progresse ensemble avec Amaury et Thibault. La communication est plus simple et directe, donc on va plus vite. En plus, pour cet enregistrement, on a eu Etienne Clauzel, qui a complété cette fine équipe.
– Ce nouvel album va bien plus loin que « Pointless… » dans les contrastes notamment. Il est à la fois plus massif et percutant d’un côté et il aborde aussi un aspect plus mélodique et très poétique au niveau des textes. C’est un équilibre que vous avez longtemps cherché, ou s’est-il finalement fait assez naturellement ?
Damien : Olivier et Sam ont trouvé cet équilibre-là ensemble, puisqu’ils sont les principaux compositeurs et auteurs de tout ce bazar. Rien n’est laissé au hasard. Mais oui, je crois que c’est quelque chose qu’on cherchait depuis quelques années quand même, et on a pris le temps de développer ce côté mélodique.
Olivier : Avec Sam, on voulait plus de chant clean, plus de mélodies, plus de contrepoint ! J’ai beaucoup réécrit les instrus en fonction de ce que Sam composait sur les démos. Comme disait Damien, je ne voulais plus écrire de lignes de guitare/basse qui partaient dans tous les sens. Je voulais que cela soit plus compact, sans perdre cette idée de contrepoint pour les instruments également. Donc, le tout sonne forcément plus massif !
– Est-ce qu’on peut parler d’album-concept pour « Le Point De Non-Retour » parce que, si les morceaux ont des durées très différentes et font même parfois le grand écart, il y a un vrai fil directeur et beaucoup de cohésion dans le déroulé ?
Damien : Pas de concept-album, mais des thèmes qui se recoupent, puisque c’est Sam qui écrit les textes. Après il y a une cohérence dans cet album, mais rien qui peut le rattacher à un concept-album.
Olivier : Je dis cela à chaque album, mais pour moi, c’est un seul morceau, découpé en mouvements, comme dans un concerto.
– Comme toujours, vous ne manquez pas d’audace, puisqu’après une intro aux saveurs Electro, vous ouvrez l’album avec « An Ungrateful Wreck Of Our Ghost Bodies », long de dix minutes. Comment prend-on une telle décision ? Ce n’est pas banal…
Damien : Certains auraient dit qu’ils ont eu une idée de génie comme ça en buvant leur café le matin. Alors que c’était en buvant une tisane le soir. Non, comme d’habitude, rien n’est laissé au hasard, pas d’épiphanie, mais une fois que ce début d’album a été envisagé comme ça, ça n’a jamais plus évolué.
Olivier : C’est simple, c’est le premier morceau que j’ai écrit en pensant qu’il ouvrirait l’album. L’idée de l’intro est venue plus tard !
– Sam, vocalement, on retrouve ta grande polyvalence et cette fois, le chant clair et mélodique est aussi beaucoup plus présent. On te découvre même un peu plus, je trouve. C’était une condition pour réussir à délivrer plus d’émotion dans ces nouveaux morceaux ?
Sam : C’était un postulat de départ. On voulait plus de chant mélodique et harmonique. D’ailleurs, le dernier morceau de « Pointless… », « Ash To Ashes », annonçait déjà les fondements de cette direction artistique. La partie finale, avec toutes ces voix qui se superposent jusqu’à l’explosion, c’était en quelque sorte les prémices. J’aime varier les voix, les timbres, les interprétations. Cela enrichit forcément le discours. Le chant hurlé, pour l’usage que j’en fais, c’est la rage, la hargne, les tripes. Ça peut être déchirant, mais je pense que le chant clair permet une plus grande palette d’émotions. Quand on parle d’instrument, on dit jouer de la guitare, du piano… Et bien moi, je joue du chant. La variété de chant clair, me permet d’être espiègle, enfantine, suave, exaltée… Et j’en passe.
– D’ailleurs, en aparté, que penses-tu du nombre croissant de femmes qui se mettent au growl ? Et lesquelles ont tes faveurs, ou t’impressionnent ?
Sam : Chez les hommes comme chez les femmes, je suis peu impressionnée par le growl. Parce que c’est technique et non artistique. Ce serait comme dire à un chef étoilé que j’aime sa découpe de légumes, plutôt que de lui parler de l’ensemble de sa carte. Ce qui me parle davantage, c’est le timbre d’un chanteur ou d’une chanteuse, ou sa façon de livrer sa voix. J’aime une voix parce qu’elle me touche en premier lieu et du coup le seul point commun entre tous les artistes que j’affectionne, c’est que leur empreinte vocale ou leur musicalité m’émeut, me transporte.
Concernant le nombre croissant de femmes qui growlent, comment répondre autre chose que c’est bien ? Le fait qu’il y ait plus de femmes, tout instrument confondu, dans la musique, c’est forcément bien. Je dirai même plus, c’est juste normal ! D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi la question est adressée seulement à moi, les gars, vous avez des growleuses favorites, vous ?
Olivier : Oui, toi Sam! Je ne vais pas être original, Julie Christmas forcément ! Pareil pour sa richesse de timbres ! Dans « The Wreck Of S.S Needle » (avec Cult Of Luna en 2016 sur l’album « Mariner » – NDR) son interprétation est stratosphérique !
Damien : Aller, pour ne pas répondre comme Olivier, à l’opposée du spectre, Candace Kucsulain de Walls of Jericho, Hard-Core à fond.
Sam : Je suis d’accord, deux voix et personnalités inspirantes !
– On l’a dit, ce nouvel album est chargé en émotion avec des passages très touchants, ce qui n’est pas si courant dans votre registre. Est-ce à dire que « Le Point De Non-Retour » est plus intime et plus personnel aussi dans son propos que son prédécesseur ?
Damien : Il y a toujours eu beaucoup de ‘personnel’ dans POINT MORT, car on ne cherche jamais la facilité, ni même la simplicité, à aucun moment, ni pendant la phase de compo, ni pendant l’enregistrement. Fatalement, cela fait ressortir des trucs qui font que la musique devient forcément intime. Mais celui-là est encore plus marqué par la personnalité des gens qui l’ont fait. En studio, quand le temps a manqué, on a mis l’accent sur l’artistique quitte à passer outre certaines étapes techniques. Ce n’était pas forcément le cas sur les disques d’avant pour lesquels le temps manquait pour tout ! (Rires)
Olivier : Oui, il est plus intime et personnel, et surtout sans concession. « Pointless… » avait un côté plus laboratoire et patchwork.
– Sam, c’est également toi qui signes la pochette de l’album qui incarne ‘La dame au cou penché’ liée, bien sûr, à votre dernier single « The Bent Neck Lady ». C’est vrai que le morceau est un moment fort de l’album. Cela a-t-il été une évidence de le mettre en avant ?
Sam : Pas forcément non, car c’est un morceau long. Et pour des raisons pratiques, il est préférable de sortir en single des morceaux courts. Ça passe mieux auprès des plateformes. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a créé la version ‘radio edit’. C’est un morceau intense, on voulait vraiment le mettre en avant. Pour l’anecdote, tous les morceaux ont changé trois fois de noms avant d’être figés. Le titre « The Bent Neck Lady » a été trouvé sur la ligne d’arrivée. Ce n’est pas le titre qui a inspiré l’artwork, mais l’artwork qui a inspiré le titre. (Sourires)
Damien : Jetez un œil à au deuxième épisode du documentaire pour voir que ce morceau a été un temps fort de l’enregistrement également.
Olivier : Je confirme !
– Enfin, j’aimerais que l’on dise un mot de vos trois clips qui accompagnent l’album, ainsi que du making-of de sa conception. La vidéo est-elle devenu indissociable de votre musique, surtout aujourd’hui où la visibilité est devenue essentielle sur les réseaux notamment ?
Damien : Je crois qu’on aime bien le travail visuel aussi, vu que tout l’habillage est fait par les membres du groupe. Concernant le making-of, j’ai voulu documenter l’enregistrement de l’album, car je trouve qu’il y a une histoire à raconter, sans filtre, sans survendre ou minimiser quoique ce soit. Pas sûr qu’on refasse ça un jour, puisque c’est un enfer logistique. En effet, il y a plus de 50 heures de rushes et il y avait les caméras à gérer pendant que je jouais, même si pendant deux jours intenses Jessica Salitra est venue vraiment filmer. On a d’ailleurs fait le montage à deux. Pour les trois clips, d’un point de vue visuel, avec du recul, on a du clip classique (la chanson-titre), un truc plus ‘punkoïde’ à tendance nonsensique (« Skinned Teeth »), et enfin une proposition artistique hors du temps et délicate (« The Bent Neck Lady »). Finalement, cela reflète un peu la musique du « Point De Non-Retour », j’ai l’impression.
POINT MORT sortira son deuxième album, « Le point De Non-Retour » le 25 avril chez Almost Famous.
Photos : Jessica Salitra
Retrouvez la première interview du groupe à la sortie de « Pointless… » :
Après avoir marqué les esprits grâce à un Doom d’une grande richesse musicale en l’espace de seulement de trois albums (et un Live), les Transalpins sont forcément attendus au tournant. Et il faut admettre qu’avec « The Spin », celui-ci est parfaitement négocié. MESSA étend encore son champ d’action. Le groupe est toujours aussi insaisissable et en sortant de sa zone de confort, il asseoit sa réputation avec élégance, tout en restant percutant et sauvage. Plein de rebondissements, cette nouvelle réalisation résonne avec un instinct hors-norme et un feeling débridé.
MESSA
« The Spin »
(Metal Blade Records)
S’imposer aussi fermement et faire l’unanimité à ce point est assez rare dans le monde du Metal, y compris dans un registre comme le Doom. Pourtant, c’est avec beaucoup de classe et surtout un art du renouvellement impressionnant que MESSA est devenu incontournable. Grâce à des certitudes fortes et un line-up soudé et créatif, les Italiens parviennent avec « The Spin » à se surpasser et à surprendre avec énormément d’habileté et une imagination guidée par une audace que rien ne semble pouvoir freiner.
Toujours aussi atypique, le quatuor a jeté son dévolu sur les années 80 à travers des sonorités et une production signée Maurizio Biaggio (The Soft Spoon, Boy Harsher), qui nous renvoie quelques décennies en arrière. Cela dit, pas question pour MESSA de faire dans le réchauffé. « The Spin » ne manque pas d’originalité et les atmosphères dans lesquelles il se déploie sont toujours aussi envoûtantes. Et si la voix toute en nuances de Sara Bianchin y est pour beaucoup, c’est qu’elle est aussi magnifiquement accompagnée.
Avec une douce saveur vintage, « The Spin » n’en demeure pas moins actuel, ou hors du temps, c’est selon. Mélangeant synthés et grosses guitares dans un spectre allant du Metal au Jazz avec une touche Rock, MESSA s’ouvre de nouveaux horizons. L’univers de ce nouvel opus brille par sa diversité et même s’il semble plus compact, il captive dès la première écoute (« Void Meridian », « At Races », « Fire On The Roof », « The Dress », « Thicker Blood »). Déjà incontournable, le groupe signe un disque marquant et authentique.
Retrouvez la chronique de l’album Live du groupe sorti il y a deux ans :
Si pour la majorité des fans de Death Metal, la scène finlandaise se résume souvent à Amorphis ou Sentenced, elle est en réalité bien plus vaste. Peut-être pas aussi rayonnante que sa voisine suédoise à travers le monde, mais elle ne manque pas d’intérêt et elle a même fortement contribué à l’éclosion du style dans toutes la Scandinavie et au-delà. Les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES proposent avec « Rotting Ways To Misery » une belle immersion et un retour sur les fastes années des groupes du grand Nord.
ROTTING WAYS TO MISERY : Histoire du Death Metal Finlandais
Markus Makkonen/Kim Strömsholm
(Editions des Flammes Noires)
Les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, maison de l’extrême s’il en est, se penche cette fois sur l’Histoire du Death Metal Finlandais, une partie incontournable de l’ADN du genre. La version française (et améliorée !) de « Rotting Ways To Misery » est donc la traduction du travail initial de Markus Makkonen, chanteur et bassiste ayant œuvré au sein de Sadistik Forest, Never Saw ou Hooded Menace, ainsi que Kim Strömsholm de Festerday, …And Oceans, Havoc Unit et quelques autres. Acteurs, experts et fins connaisseurs, donc !
Sur près de 500 pages, les deux spécialistes reviennent sur l’Histoire du Death Metal de leur pays et la déferlante commence avec National Napalm Syndicate en 1987 avec une première démo qui a mis le feu aux poudres et embrasé la Finlande. D’ailleurs, une liste très complète des maquettes et albums traités, ou évoqués, dans « Rotting Ways To Misery » figure à la fin du livre, histoire de ne rien manquer. En effet, le texte fourni dans l’ouvrage est très conséquent et on se laisse prendre par le récit passionnant de cette épopée métallique.
Avec les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, la mise en page et les illustrations sont toujours très soignées et, dans le cas de « Rotting Ways To Misery », elles nous replongent fin 80’s et dans les 90’s. En ces temps reculés, le Death Metal était essentiellement relayé par les fanzines et les photos, les flyers et les pochettes des réalisations d’alors sont donc une belle madeleine. Entre les pionniers, ceux qui ont fait carrière et ceux qui n’ont fait que passer l’espace d’un profond growl, l’ouvrage est particulièrement complet. Passionnant !
480 pages / 27€ (ou 33€ en édition collector) et disponible sur le site de l’éditeur :
Une rythmique lourde, des riffs où s’entremêlent twin-guitars imposantes aux côtés de solos épiques et un chanteur littéralement possédé par son propos, les recettes de DUN RINGILL font encore des merveilles sur le deuxième volume de la sage entreprise il y a maintenant deux ans. Un projet audacieux, et mené de main de maître par son compositeur et bassiste Patrick Andersson, qui offre au Folk Metal Progressif de « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » un relief inédit et une dimension aussi étrange que singulière.
DUN RINGILL
« 150 – Where The Old Gods Play Act 2 »
(The Sign Records)
Deux ans après un premier acte saisissant, DUN RINGILL nous livre le second et ce « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » est largement à la hauteur des attentes placées en lui. Un changement de batteur plus tard, revoici donc les Suédois qui mettent un terme à cette histoire pour le moins tourmentée. Pour rappel, nous sommes au début du XXème siècle en Ecosse et on suit les manipulations de l’Église par un prêtre aux desseins secrets et malveillants. C’est par le prisme de l’empreinte ecclésiastique sur la population que Lucia, le personnage principal, nous guide dans ses ténébreuses pérégrinations.
Et si le thème est particulièrement obscur, le musique de DUN RINGILL est en parfaite adéquation, tant l’atmosphère dans laquelle il nous plonge a des aspects terrifiants. Même si des sonorités de flûte et de violon laissent entrer par fragments une petite lumière, le Doom Folk vient très vite l’absorber. Les Scandinaves se font les incroyables conteurs de cette effroyable épopée et leur registre, aussi narratif que pesant, n’a aucun mal à captiver. Par ailleurs, la prestation du frontman, Thomas Eriksson, reste l’un des atouts majeurs du disque, grâce à une polyvalence vocale presqu’ensorcelante sur certains morceaux.
Mais ne nous y trompons pas, le style de la formation nordique n’a rien de franchement contemplatif. Celle-ci sait aussi se faire très Heavy (« Dark Clouds Are Rising ») et surtout progressive comme sur les monumentaux « The Robe & Crown », « My Father » et surtout le génial « Lucias Monologue Part 1 & 2 » et ses presque dix minutes. DUN RINGILL parvient avec ce second volet à nous faire oublier les ombres de Skyclad et de Manilla Road présentes sur le premier. « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » délivre exactement la fraîcheur d’écriture et la puissance musicale attendues. Un concept-album magistral !
Les Transalpins ont jeté leur dévolu sur les plantes, en l’occurrence le lierre, l’arum, la mandragore et la sauge. Et de cette union végétale est né un Doom mystique à la fois Rock et Metal, mâtiné de Stoner et de Noise. MAISON DIEU a fait de ce concept un terrain de jeu assez unique, un brin psychédélique et surtout doté de beaucoup de caractère. « Herbacea » ouvre une voie étonnante, parfois complexe, mais bien menée à cette nouvelle formation très créative.
MAISON DIEU
« Herbacea »
(Sliptrick Records)
Il est assez rare que je chronique un EP, mais lorsque celui-ci est suffisamment original et complet malgré sa durée, un rapide éclairage est toujours le bienvenu. Tout d’abord intrigué par le nom, puis par le concept musical, force est de constater que cette première réalisation des Italiens sort franchement de l’ordinaire. En effet, MAISON DIEU célèbre ici la nature et précisément quatre plantes autour desquelles se dessine un style qu’ils qualifient eux-mêmes de Mystic Doom. Une sorte d’ode un peu spéciale à l’environnement.
C’est la voix de Carlotta Di Stefano, également guitariste, qui sert de guide sur les cinq titres, si l’on compte l’intro chantée très chamanique qui nous plonge dans « Herbacea ». MAISON DIEU a parfaitement su établir les frontières de son monde, et malgré le format court, le Doom sombre et surprenant qu’il propose est tout sauf linéaire. Aux côtés de la frontwoman, Mauro Mariotti tient la basse et apparaît aussi sur le duo « Calla », et c’est Ivan Natalucci qui donne le rythme sur des atmosphères très changeantes.
A travers quatre morceaux bien ciselés, le trio a pris soin d’élargir son Doom vers des horizons Rock et Metal, tout en proposant quelques embardées Stoner et même Noise. MAISON DIEU joue sur les contrastes avec un son très organique et une sensation live très présente (« Edera », « Mandragola », « Terra E Salvia »). « Herbacea » est un premier effort réussi et intense, qui se développe dans un univers singulier et que le combo devrait pouvoir investir de manière encore plus approfondie sur album. Déjà captivant.
Dans une atmosphère gothique et fantomatique, DEATHLESS LEGACY pousse la fascination du genre à son paroxysme, grâce à un Heavy Metal solide, parfois lugubre et sexy aussi, dont la force se déploie de manière assez triomphale sur ce « Damnatio Aeterna » très bien mené. Sa frontwoman Steva est au sommet, portée par des compositions taillées sur mesure dans un style très maîtrisé. Les transalpins avancent dans un tumulte explosif et diaboliquement addictif.
DEATHLESS LEGACY
« Damnatio Aeterna »
(Scarlet Records)
En l’espace d’un peu plus d’une décennie, DEATHLESS LEGACY est devenu incontournable dans le registre de l’Horror Metal, qu’il contribue à revigorer quelque peu malgré l’omniprésence de formations qui tiennent plus de la comédie musicale que du Heavy à proprement parler. Bref, les Italiens sont de retour et livrent un digne successeur à « Mater Larvarum », qui montrait déjà de très belles choses. Trois ans plus tard, c’est même presqu’une suite qu’ils nous proposent à travers un concept-album musclé et baroque.
Toujours très théâtral dans le propos, et cette nouvelle histoire du petit démon Malchrum en proie aux volontés de Lucifer le confirme, DEATHLESS LEGACY se détache plus nettement des influences de Death SS et de King Diamond surtout, qui leur collent à la peau depuis leurs débuts. « Damnatio Aeterna » se veut original, entraînant et convaincant sur bien des points, de même que le livre qui l’accompagne. La signature du groupe reste aussi ténébreuse que provocante et ce nouvel opus nous promet encore une fois l’enfer.
En ouvrant avec le morceau-titre, le sextet affirme une belle puissance et la noirceur qui s’en dégage annonce une suite effrayante… et terriblement Heavy. Au chant, Steva montre beaucoup d’autorité grâce à une voix pleine de gravité et qui porte aussi les mélodies avec caractère et charisme. Entre passages symphoniques, moments très Dark et une assise Metal irrésistible, DEATHLESS LEGACY est aussi dynamique que macabre (« Get On Your Knees », « Oblivion », « Sanctified », « Nightshade », « Mother Of God »). Captivant !
Cela fait déjà trois décennies que Hildr Valkyrie porte son Dungeon Synth en solo et le nombre de projets qu’elle a initié, ou auxquels elle a participé, a même de quoi donner le vertige. Avec BEYOND THE FORESTS, elle renoue avec ses premiers amours pour cet univers qu’elle n’a plus quitté depuis. « Echoes Beneath The Ashen Trees » se veut sans doute plus contemplatif et lumineux que ce à quoi elle nous a habitué avec ses autres formations, notamment Mørke Og Lys qui se meut dans des atmosphères obscures et hantées. Une autre facette, donc, pour cette faiseuse de rêves, dont les claviers rayonnent ici encore.
BEYOND THE FORESTS
« Echoes Beneath The Ashen Trees »
(Independent)
L’artiste Erkyna, aka Hildr Valkyrie, semble avoir eu, et même vivre, plusieurs vies tant elle multiplie les projets qu’elle mène toujours seule pour l’essentiel. Cela lui vaut d’ailleurs d’être l’unique one-woman-band évoluant dans le Dungeon Synth, et surtout l’une des précurseuses du genre. Et avec la sortie de « Echoes Beneath The Ashen Trees », c’est une sorte de retour aux sources qu’elle effectue, puisque c’est en 1995 que BEYOND THE FORESTS a vu le jour aux côtés de la claviériste et amie ‘Saturnalia’. Une petite révolution artistique en Grèce à bien des égards à l’époque.
Essentiellement instrumental, on se laisse glisser au-delà de ces forêts aux contours magiques où nous invite l’artiste. Le cheminement se fait finalement au gré de l’interprétation que l’on se fait des titres des morceaux, car, eux aussi, contiennent leur lot de mystères et de secrets. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la musique de BEYOND THE FORESTS, c’est tout un univers qui s’offre à l’écoute, fait de synthétiseurs, de quelques percussions et de chœurs envoûtants. Et ainsi, comme toujours chez elle, Erkyna réussit à rendre l’ensemble très organique et charnelle.
Très palpable dans son rapport à la nature et cette proximité viscérale avec la Terre, la musique de BEYOND THE FORESTS a ce pouvoir d’immersion inhérent au Dungeon Synth, mais c’est cette pluralité dans les arrangements, les petits détails comme une cloche d’église, qui nous ramènent parfois à l’essentiel. Forcément aussi, la touche médiévale est omniprésente et nous transporte dans d’autres temps et d’autres lieux, faisant écho à une sorte d’onirisme et un rappel aussi aux fondations antiques du pays de la musicienne hellène. « Echoes Beneath The Ashen Trees » réveille les âmes.
L’album est disponible sur le Bandcamp de l’artiste :
Depuis ses débuts il y a 20 ans maintenant, HANGMAN’S CHAIR ne cesse d’évoluer, même si un lien persiste toujours entre ses albums. Du Sludge brutal au Doom très pesant, le groupe prolonge son aventure dans un post-Metal aux déflagrations Hard-Core avec un aspect Cold Wave et gothique plus prononcé aujourd’hui. Pour autant, la patte est toujours là, elle se peaufine et suit les envies et les inspirations de son binôme créatif, composé de Julien Chanut (guitare) et de Medhi Birouk Thépegnier (batterie). Sur ce septième opus, le quatuor français explore encore et toujours des sonorités qui collent à des textes emplis de mélancolie. Contraction de ‘Sadness’ et ‘addiction’, « Saddiction » s’inscrit dans un voyage musical très immersif, narratif aussi et surtout très captivant. Entretien avec un batteur passionné et très investi dans un projet, dont la vision se projette dorénavant sur le long terme.
– Il y a un peu plus de deux ans, vous sortiez « A Loner », premier chapitre d’une trilogie. « Saddiction » est donc sa suite. Est-ce qu’à l’époque, vous travailliez déjà sur ce nouvel album ?
Pour être sincère et transparent avec toi, cette histoire de trilogie est sortie de la tête de Julien lors d’une conversation qu’on a eu avec la personne qui nous a fait la bio du dernier album. J’ai trouvé ça intéressant même s’il a son point de vue et que j’ai le mien. Je trouve ça bien, parce que ça permet aussi de ranger un peu notre chambre. Quand on parle de trilogie, ça veut dire que c’est le second volet et qu’il va y en avoir un troisième, alors que je ne sais même pas ce qu’il va se passer demain. C’est donc assez étrange de parler comme ça comme d’un concept établi. Cela dit, ça permet aussi de voir un peu où on en est. Je comprends bien l’idée de Julien, car il a essayé de classer un peu notre style et notre concept musical au sein de HANGMAN’S CHAIR par rapport à nos albums. Et donc, ça se tient, bien sûr. C’est vrai qu’on avait ouvert une nouvelle ère avec « A Loner ». C’est un épisode, avec le confinement aussi, où l’on a eu envie d’explorer plus en profondeur le côté Cold Wave. Et « Saddiction » est arrivé à point nommé dans le sens où on a continué cette exploration. Je comprends bien l’idée de la trilogie, car je suis à un âge où je passe à un autre concept moi-même dans ma tête et dans ma vie. J’ai aussi quitté Paris avec toute la tension et la folie qu’il y a autour du groupe. J’aime donc l’idée de cette nouvelle ère avec cette trilogie. C’est surtout une manière de voir les choses, en fait. Il a son idée par rapport au son, tandis que je le vois plus comme une étape de vie.
– Il n’y a pas vraiment de règles chez les artistes qui sortent des trilogies, mais concernant HANGMAN’S CHAIR, est-ce que vous voyez la trame des trois albums, ou est-ce que les idées émergent au fur et à mesure ?
Oui, je l’entends, je le vois venir. Pour le moment, je suis dans un cycle d’attente pour l’écriture et l’enregistrement et puis, nous sommes en pleine promo aussi. Je suis dans une phase de digestion par rapport à ce nouvel album. Après, c’est différent pour chaque groupe, mais en ce qui nous concerne, on met énormément de cœur à l’ouvrage. Il y a beaucoup de choses, beaucoup de sacrifices aussi. Tu sais, on se connaît avec Julien depuis nos 13 ans. Il y a une espèce de vie de couple, dans laquelle il faut gérer le côté humain et le côté professionnel avec tout le groupe. Il y a toujours eu des hauts et des bas dans les émotions et on retranscrit tout ça dans la musique, que ce soit des épreuves, des déceptions, des pertes… C’est la vie de tous les jours en fait. Et cela peut être parfois un peu lourd. J’ai un peu de mal à avoir une vision du futur, puisqu’on parle de cette trilogie. Et là, nous sommes au moment de la sortie de l’album, ce qui est toujours assez exceptionnel, même si les retours sont très bons dans les médias. J’attends maintenant ceux des auditeurs, qui sont une étape ultra-importante. Pour l’instant, je suis un peu en eaux troubles… ! (Rires)
– Je comprends très bien cette impression de vertige. Mais sur une trilogie comme celle-ci, on se lance tout de même dans une aventure sur le long terme, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas ne pas faire le troisième…
Exactement ! Ça veut dire qu’il y a quelque chose de prédéfini ou de préparé. Mais sincèrement, je ne sais ce que demain nous réserve. C’est aussi pour ça que cette trilogie m’intéresse, même si j’ai du mal à intégrer l’idée pour l’instant. Julien a un rapport à l’écriture et je le comprends bien. Cela dit, il y a une globalité qui est assez effrayante. C’est le temps qui décide un peu de tout ça, par rapport à nos vies, et notre musique en est le reflet. Et avec tout ce que j’ai injecté de ma vie dans ce nouvel album, je suis vidé.
– Avant de parler du contenu de « Saddiction », j’aimerais qu’on parle de la production. Une trilogie s’étale environ sur 6/8 ans et vu les avancées technologiques actuelles, tout peut aller très vite, sans même parler d’IA. Vous vous êtes-vous posé des limites pour que ces trois albums gardent une unité sonore ?
C’est une bonne question car, pour moi et avec un peu de recul, les choses se sont faites assez naturellement sur les deux derniers albums. On ne se pose aucune limite, car ce serait grave quand même. En revanche, cela nous arrive de ne pas être d’accord et de mettre nos idées en opposition, bien sûr. Il y a toujours débat, mais il y a des choses assez naturelles au niveau de la composition. Avec tout ce qu’il s’est passé pour « A Loner », la signature avec Nuclear Blast, une visibilité augmentée, beaucoup de concerts car on n’a jamais autant joué de toute notre vie, on a senti avec Julien le besoin de prendre du temps pour digérer tout ça. Et finalement, cette espèce de schizophrénie nous a poussés à composer directement. On a été très inspiré, chacun de notre côté. Et comme j’ai déménagé au bord de la mer, je suis arrivé avec des morceaux plus lumineux et il y a eu un frein de la part de Julien, car il n’arrivait pas à entrer dans le truc. Il a fallu que je me réadapte, que je revois ma copie. Donc, tu vois, notre musique dépend de tout ça, de tous ces paramètres personnels dans nos vies. En fait, on ne se met pas de frein, mais il nous arrive de nous recadrer, de rester sur une espèce de ligne directrice en laissant aussi de la marge à la création et à l’exploration. C’est magique en tout cas de pouvoir écrire comme ça. Je touche du bois, car on arrive encore à être inspiré par la vie qui passe et tout ce qu’il peut y avoir autour. Et de tout ça, c’est vraiment génial d’en sortir des mélodies !
– En revanche, musicalement, l’évolution de HANGMAN’S CHAIR est nette, et pas seulement depuis « Saddiction » ou « A Loner ». Les influences gothiques et Cold Wave sont manifestes. Est-ce pour mieux coller au propos de l’album, ou c’est plus largement une direction que vous entendez tenir à l’avenir ? Parce qu’on est quand même très loin du Sludge de vos débuts…
Clairement ! On a commencé en 2005 avec HANGMAN’S CHAIR et je pense qu’à ce moment-là, on était très à fond dans la veine du groupe qu’on avait avant et qui était plus Hard-Core et Metal, tirant même sur le Doom et le Sludge de la Nouvelle Orleans. On écoutait énormément Pentagram, Saint Vitus, etc… C’est vrai que cela a dépeint sur nous et HANGMAN’S CHAIR est arrivé juste après. Sur nos deux premiers albums, on était complètement dans l’exploration. C’est vrai qu’aujourd’hui, j’ai un peu de mal à réécouter ces disques, car on s’y perd un peu nous-mêmes. Mais c’est assez touchant, car ce sont nos débuts aussi. Je pense que c’est avec « Hope / / / Dope / / / Rop » (2012 – NDR) que la bascule a eu lieu. Il a été déclencheur pour la suite. Après, l’important est de rester naviguer, car ça reste de la musique et c’est vraiment là que je me sens le mieux. J’ai aussi l’impression qu’on arrivait bien à digérer tout ce qu’on écoutait et c’était très varié. Ca pouvait aller de Depeche Mode aux Cure, mais aussi à la scène Hard-Core new-yorkaise qu’on a beaucoup écoutée avec les Cro-Mags, Bad Brains, etc… Ensuite, certaines choses sont revenues sur des bases qu’on aime. Dernièrement, on a peut-être écouté plus de choses Cold, post-Punk, New-Wave et gothiques. Ce sont des ambiances qu’on arrive à bien manier et dans lesquelles on sait combiner plusieurs ambiances. Julien arrive le plus souvent avec des morceaux froids et assez agressifs, tandis que les miens sont peut-être plus mélancoliques, mélodiques avec des arpèges et des effets. Et c’est ce mix des deux qui fait la couleur de l’album, sa lumière. C’est toute la magie de notre binôme.
– Comme sur « A Loner », il y a un gros travail sur les tessitures sonores et les atmosphères. Pourtant, vous restez percutants. L’ambiance post- Metal/Rock domine toujours avec un petit côté Doom sous-jacent. L’idée d’entretenir le Sludge de vos débuts est définitivement passée ?
C’est vrai que sur « A Loner » et avec tous les concerts qu’on a donné ensuite, on est peut-être allé plus loin dans le côté post-Rock et le gothique parfois. On a beaucoup travaillé le traitement du son et des tessitures. Avec « Saddiction », ce qu’on a fait naturellement, c’est peut-être retrouver ce côté doomy et Sludge de nos débuts. Ca se mélange aussi beaucoup mieux, c’est plus digeste. Le travail sur ce dernier album a aussi été de réintégrer les sons de nos premiers amours et que ce soit harmonieux. Et j’ai l’impression que ça a débouché sur le deuxième volet de cette… trilogie ! (Rires) Il y a un équilibre plus évident avec des chansons plus courtes aussi et qui sont un peu le résultat de la tournée précédente. L’envie a été d’aller droit au but sur certaines choses.
– Parlons un peu des vidéos, qui ont aussi beaucoup d’importance chez HANGMAN’S CHAIR. Sur « Cold & Distant » (extrait de « A Loner »), Béatrice Dalle faisait partie de l’aventure et cette fois sur « Kowloon Light », il y a clairement une référence au « Into The Void » de Gaspard Noe…
« Into The Void » est clairement une référence, c’est vrai, et nous sommes très fans de l’œuvre de Gaspard Noe. On a adoré ce film car, esthétiquement, il est incroyable. Il a été hyper-loin dans la photo. On n’a pas non plus voulu aller volontairement dans ce sens, mais les gens avec qui on travaille savent qu’on aime ce genre-là et que nous sommes très friands du travail de Gaspard Noe. C’est super en tout cas que tu l’aies ressenti, car c’est une grosse influence. Et puis, il y a aussi un côté cinématique chez HANGMAN’S CHAIR, parce que ça nous a toujours fait vibrer. Il y a des liens très proches avec la vidéo et la photo, c’est certain. On se rapproche de certains univers comme celui de Lynch, par exemple. J’adore les vidéos qui subliment un morceau et j’adore les musiques qui subliment les images. C’est très lié.
– Avec un album aussi conceptuel et les clips qui sont réalisés, on imagine que vous allez aussi soigner la scénographie de vos concerts à venir. De quelle manière travaillez-vous cet aspect au sein du groupe ?
On travaille avec des techniciens qui nous apportent énormément de conseils. Il faut savoir aussi que nous sommes un groupe avec un certain statut, c’est vrai, mais pas illimité. On a un agent qui travaille très bien, qui nous trouvent les dates et les budgets, donc il faut toujours aussi voir l’aspect financier et ce que l’on peut faire, ou pas. Et puis, on fait aussi une musique qui est très terre-à-terre et j’adore aussi les groupes qui n’ont pas forcément de scénographie particulière. On essaie de faire ce que l’on peut et d’améliorer à chaque fois nos concerts de ce côté-là et on a la chance d’avoir une belle équipe qui s’occupe très bien de la création en habillant la musique du mieux possible. On a déjà intégré de la vidéo sur nos concerts par le passé, mais budgétairement, c’était très compliqué. Ensuite, il y a le risque de décrochage du public avec trop d’infos d’un coup. Après, c’est quelque chose que j’aime beaucoup chez d’autres groupes, où la musique s’y prête peut-être plus. Pour l’instant, je préfère de l’habillage d’éclairage. Il y a un équilibre à trouver, il ne faut pas non plus se cacher derrière une scénographie, malgré l’air du temps où le public attend de gros shows.
– Justement, comment allez-vous organiser votre setlist ? Car, au-delà des deux derniers albums, il y a les cinq précédents ?
Ce n’est jamais évident chez HANGMAN’S CHAIR de construire un set avec la longueur des morceaux, car on joue une heure et quart/une heure et demi et même 45 minutes en festival. C’est vrai qu’à la sortie d’un album, on a envie de le jouer, même en partie, car il y a de la nouveauté à présenter. Maintenant, 2025 est une année un peu particulière, car on fête les 20 ans du groupe, donc on a envie de jouer d’anciens titres aussi. On veut en intégrer certains qu’on n’a pas joués depuis très longtemps, en ajoutant certains arrangements pour les fondre dans le set. On y travaille ! (Sourires)
– Pour conclure, est-ce vous travaillez déjà sur le chapitre final ? Ou alors, allez-vous faire une pause pour vous concentrer exclusivement à la scène ?
(Rires) J’ai des morceaux ! En fait, je compose constamment, dès que je peux. Ce n’est pas ciblé, mais j’ai des choses. J’essaie de me mettre sur mes machines le plus possible, mais il n’y a rien de défini. C’est un peu ce qu’on se disait au début de l’interview… (Sourires) Et j’ai aussi besoin de voir où « Saddiction » va nous mener et à quelle sauce on va être mangé ! (Rires)
Le nouvel album de HANGMAN’S CHAIR, « Saddiction », est disponible chez Nuclear Blast.
Photos : Andy Julia
Retrouvez également l’interview du groupe au moment de la sortie de « A Loner » :