Une rythmique lourde, des riffs où s’entremêlent twin-guitars imposantes aux côtés de solos épiques et un chanteur littéralement possédé par son propos, les recettes de DUN RINGILL font encore des merveilles sur le deuxième volume de la sage entreprise il y a maintenant deux ans. Un projet audacieux, et mené de main de maître par son compositeur et bassiste Patrick Andersson, qui offre au Folk Metal Progressif de « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » un relief inédit et une dimension aussi étrange que singulière.
DUN RINGILL
« 150 – Where The Old Gods Play Act 2 »
(The Sign Records)
Deux ans après un premier acte saisissant, DUN RINGILL nous livre le second et ce « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » est largement à la hauteur des attentes placées en lui. Un changement de batteur plus tard, revoici donc les Suédois qui mettent un terme à cette histoire pour le moins tourmentée. Pour rappel, nous sommes au début du XXème siècle en Ecosse et on suit les manipulations de l’Église par un prêtre aux desseins secrets et malveillants. C’est par le prisme de l’empreinte ecclésiastique sur la population que Lucia, le personnage principal, nous guide dans ses ténébreuses pérégrinations.
Et si le thème est particulièrement obscur, le musique de DUN RINGILL est en parfaite adéquation, tant l’atmosphère dans laquelle il nous plonge a des aspects terrifiants. Même si des sonorités de flûte et de violon laissent entrer par fragments une petite lumière, le Doom Folk vient très vite l’absorber. Les Scandinaves se font les incroyables conteurs de cette effroyable épopée et leur registre, aussi narratif que pesant, n’a aucun mal à captiver. Par ailleurs, la prestation du frontman, Thomas Eriksson, reste l’un des atouts majeurs du disque, grâce à une polyvalence vocale presqu’ensorcelante sur certains morceaux.
Mais ne nous y trompons pas, le style de la formation nordique n’a rien de franchement contemplatif. Celle-ci sait aussi se faire très Heavy (« Dark Clouds Are Rising ») et surtout progressive comme sur les monumentaux « The Robe & Crown », « My Father » et surtout le génial « Lucias Monologue Part 1 & 2 » et ses presque dix minutes. DUN RINGILL parvient avec ce second volet à nous faire oublier les ombres de Skyclad et de Manilla Road présentes sur le premier. « 150 – Where The Old Gods Play Act 2 » délivre exactement la fraîcheur d’écriture et la puissance musicale attendues. Un concept-album magistral !
Les Transalpins ont jeté leur dévolu sur les plantes, en l’occurrence le lierre, l’arum, la mandragore et la sauge. Et de cette union végétale est né un Doom mystique à la fois Rock et Metal, mâtiné de Stoner et de Noise. MAISON DIEU a fait de ce concept un terrain de jeu assez unique, un brin psychédélique et surtout doté de beaucoup de caractère. « Herbacea » ouvre une voie étonnante, parfois complexe, mais bien menée à cette nouvelle formation très créative.
MAISON DIEU
« Herbacea »
(Sliptrick Records)
Il est assez rare que je chronique un EP, mais lorsque celui-ci est suffisamment original et complet malgré sa durée, un rapide éclairage est toujours le bienvenu. Tout d’abord intrigué par le nom, puis par le concept musical, force est de constater que cette première réalisation des Italiens sort franchement de l’ordinaire. En effet, MAISON DIEU célèbre ici la nature et précisément quatre plantes autour desquelles se dessine un style qu’ils qualifient eux-mêmes de Mystic Doom. Une sorte d’ode un peu spéciale à l’environnement.
C’est la voix de Carlotta Di Stefano, également guitariste, qui sert de guide sur les cinq titres, si l’on compte l’intro chantée très chamanique qui nous plonge dans « Herbacea ». MAISON DIEU a parfaitement su établir les frontières de son monde, et malgré le format court, le Doom sombre et surprenant qu’il propose est tout sauf linéaire. Aux côtés de la frontwoman, Mauro Mariotti tient la basse et apparaît aussi sur le duo « Calla », et c’est Ivan Natalucci qui donne le rythme sur des atmosphères très changeantes.
A travers quatre morceaux bien ciselés, le trio a pris soin d’élargir son Doom vers des horizons Rock et Metal, tout en proposant quelques embardées Stoner et même Noise. MAISON DIEU joue sur les contrastes avec un son très organique et une sensation live très présente (« Edera », « Mandragola », « Terra E Salvia »). « Herbacea » est un premier effort réussi et intense, qui se développe dans un univers singulier et que le combo devrait pouvoir investir de manière encore plus approfondie sur album. Déjà captivant.
Dans une atmosphère gothique et fantomatique, DEATHLESS LEGACY pousse la fascination du genre à son paroxysme, grâce à un Heavy Metal solide, parfois lugubre et sexy aussi, dont la force se déploie de manière assez triomphale sur ce « Damnatio Aeterna » très bien mené. Sa frontwoman Steva est au sommet, portée par des compositions taillées sur mesure dans un style très maîtrisé. Les transalpins avancent dans un tumulte explosif et diaboliquement addictif.
DEATHLESS LEGACY
« Damnatio Aeterna »
(Scarlet Records)
En l’espace d’un peu plus d’une décennie, DEATHLESS LEGACY est devenu incontournable dans le registre de l’Horror Metal, qu’il contribue à revigorer quelque peu malgré l’omniprésence de formations qui tiennent plus de la comédie musicale que du Heavy à proprement parler. Bref, les Italiens sont de retour et livrent un digne successeur à « Mater Larvarum », qui montrait déjà de très belles choses. Trois ans plus tard, c’est même presqu’une suite qu’ils nous proposent à travers un concept-album musclé et baroque.
Toujours très théâtral dans le propos, et cette nouvelle histoire du petit démon Malchrum en proie aux volontés de Lucifer le confirme, DEATHLESS LEGACY se détache plus nettement des influences de Death SS et de King Diamond surtout, qui leur collent à la peau depuis leurs débuts. « Damnatio Aeterna » se veut original, entraînant et convaincant sur bien des points, de même que le livre qui l’accompagne. La signature du groupe reste aussi ténébreuse que provocante et ce nouvel opus nous promet encore une fois l’enfer.
En ouvrant avec le morceau-titre, le sextet affirme une belle puissance et la noirceur qui s’en dégage annonce une suite effrayante… et terriblement Heavy. Au chant, Steva montre beaucoup d’autorité grâce à une voix pleine de gravité et qui porte aussi les mélodies avec caractère et charisme. Entre passages symphoniques, moments très Dark et une assise Metal irrésistible, DEATHLESS LEGACY est aussi dynamique que macabre (« Get On Your Knees », « Oblivion », « Sanctified », « Nightshade », « Mother Of God »). Captivant !
Cela fait déjà trois décennies que Hildr Valkyrie porte son Dungeon Synth en solo et le nombre de projets qu’elle a initié, ou auxquels elle a participé, a même de quoi donner le vertige. Avec BEYOND THE FORESTS, elle renoue avec ses premiers amours pour cet univers qu’elle n’a plus quitté depuis. « Echoes Beneath The Ashen Trees » se veut sans doute plus contemplatif et lumineux que ce à quoi elle nous a habitué avec ses autres formations, notamment Mørke Og Lys qui se meut dans des atmosphères obscures et hantées. Une autre facette, donc, pour cette faiseuse de rêves, dont les claviers rayonnent ici encore.
BEYOND THE FORESTS
« Echoes Beneath The Ashen Trees »
(Independent)
L’artiste Erkyna, aka Hildr Valkyrie, semble avoir eu, et même vivre, plusieurs vies tant elle multiplie les projets qu’elle mène toujours seule pour l’essentiel. Cela lui vaut d’ailleurs d’être l’unique one-woman-band évoluant dans le Dungeon Synth, et surtout l’une des précurseuses du genre. Et avec la sortie de « Echoes Beneath The Ashen Trees », c’est une sorte de retour aux sources qu’elle effectue, puisque c’est en 1995 que BEYOND THE FORESTS a vu le jour aux côtés de la claviériste et amie ‘Saturnalia’. Une petite révolution artistique en Grèce à bien des égards à l’époque.
Essentiellement instrumental, on se laisse glisser au-delà de ces forêts aux contours magiques où nous invite l’artiste. Le cheminement se fait finalement au gré de l’interprétation que l’on se fait des titres des morceaux, car, eux aussi, contiennent leur lot de mystères et de secrets. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la musique de BEYOND THE FORESTS, c’est tout un univers qui s’offre à l’écoute, fait de synthétiseurs, de quelques percussions et de chœurs envoûtants. Et ainsi, comme toujours chez elle, Erkyna réussit à rendre l’ensemble très organique et charnelle.
Très palpable dans son rapport à la nature et cette proximité viscérale avec la Terre, la musique de BEYOND THE FORESTS a ce pouvoir d’immersion inhérent au Dungeon Synth, mais c’est cette pluralité dans les arrangements, les petits détails comme une cloche d’église, qui nous ramènent parfois à l’essentiel. Forcément aussi, la touche médiévale est omniprésente et nous transporte dans d’autres temps et d’autres lieux, faisant écho à une sorte d’onirisme et un rappel aussi aux fondations antiques du pays de la musicienne hellène. « Echoes Beneath The Ashen Trees » réveille les âmes.
L’album est disponible sur le Bandcamp de l’artiste :
Depuis ses débuts il y a 20 ans maintenant, HANGMAN’S CHAIR ne cesse d’évoluer, même si un lien persiste toujours entre ses albums. Du Sludge brutal au Doom très pesant, le groupe prolonge son aventure dans un post-Metal aux déflagrations Hard-Core avec un aspect Cold Wave et gothique plus prononcé aujourd’hui. Pour autant, la patte est toujours là, elle se peaufine et suit les envies et les inspirations de son binôme créatif, composé de Julien Chanut (guitare) et de Medhi Birouk Thépegnier (batterie). Sur ce septième opus, le quatuor français explore encore et toujours des sonorités qui collent à des textes emplis de mélancolie. Contraction de ‘Sadness’ et ‘addiction’, « Saddiction » s’inscrit dans un voyage musical très immersif, narratif aussi et surtout très captivant. Entretien avec un batteur passionné et très investi dans un projet, dont la vision se projette dorénavant sur le long terme.
– Il y a un peu plus de deux ans, vous sortiez « A Loner », premier chapitre d’une trilogie. « Saddiction » est donc sa suite. Est-ce qu’à l’époque, vous travailliez déjà sur ce nouvel album ?
Pour être sincère et transparent avec toi, cette histoire de trilogie est sortie de la tête de Julien lors d’une conversation qu’on a eu avec la personne qui nous a fait la bio du dernier album. J’ai trouvé ça intéressant même s’il a son point de vue et que j’ai le mien. Je trouve ça bien, parce que ça permet aussi de ranger un peu notre chambre. Quand on parle de trilogie, ça veut dire que c’est le second volet et qu’il va y en avoir un troisième, alors que je ne sais même pas ce qu’il va se passer demain. C’est donc assez étrange de parler comme ça comme d’un concept établi. Cela dit, ça permet aussi de voir un peu où on en est. Je comprends bien l’idée de Julien, car il a essayé de classer un peu notre style et notre concept musical au sein de HANGMAN’S CHAIR par rapport à nos albums. Et donc, ça se tient, bien sûr. C’est vrai qu’on avait ouvert une nouvelle ère avec « A Loner ». C’est un épisode, avec le confinement aussi, où l’on a eu envie d’explorer plus en profondeur le côté Cold Wave. Et « Saddiction » est arrivé à point nommé dans le sens où on a continué cette exploration. Je comprends bien l’idée de la trilogie, car je suis à un âge où je passe à un autre concept moi-même dans ma tête et dans ma vie. J’ai aussi quitté Paris avec toute la tension et la folie qu’il y a autour du groupe. J’aime donc l’idée de cette nouvelle ère avec cette trilogie. C’est surtout une manière de voir les choses, en fait. Il a son idée par rapport au son, tandis que je le vois plus comme une étape de vie.
– Il n’y a pas vraiment de règles chez les artistes qui sortent des trilogies, mais concernant HANGMAN’S CHAIR, est-ce que vous voyez la trame des trois albums, ou est-ce que les idées émergent au fur et à mesure ?
Oui, je l’entends, je le vois venir. Pour le moment, je suis dans un cycle d’attente pour l’écriture et l’enregistrement et puis, nous sommes en pleine promo aussi. Je suis dans une phase de digestion par rapport à ce nouvel album. Après, c’est différent pour chaque groupe, mais en ce qui nous concerne, on met énormément de cœur à l’ouvrage. Il y a beaucoup de choses, beaucoup de sacrifices aussi. Tu sais, on se connaît avec Julien depuis nos 13 ans. Il y a une espèce de vie de couple, dans laquelle il faut gérer le côté humain et le côté professionnel avec tout le groupe. Il y a toujours eu des hauts et des bas dans les émotions et on retranscrit tout ça dans la musique, que ce soit des épreuves, des déceptions, des pertes… C’est la vie de tous les jours en fait. Et cela peut être parfois un peu lourd. J’ai un peu de mal à avoir une vision du futur, puisqu’on parle de cette trilogie. Et là, nous sommes au moment de la sortie de l’album, ce qui est toujours assez exceptionnel, même si les retours sont très bons dans les médias. J’attends maintenant ceux des auditeurs, qui sont une étape ultra-importante. Pour l’instant, je suis un peu en eaux troubles… ! (Rires)
– Je comprends très bien cette impression de vertige. Mais sur une trilogie comme celle-ci, on se lance tout de même dans une aventure sur le long terme, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas ne pas faire le troisième…
Exactement ! Ça veut dire qu’il y a quelque chose de prédéfini ou de préparé. Mais sincèrement, je ne sais ce que demain nous réserve. C’est aussi pour ça que cette trilogie m’intéresse, même si j’ai du mal à intégrer l’idée pour l’instant. Julien a un rapport à l’écriture et je le comprends bien. Cela dit, il y a une globalité qui est assez effrayante. C’est le temps qui décide un peu de tout ça, par rapport à nos vies, et notre musique en est le reflet. Et avec tout ce que j’ai injecté de ma vie dans ce nouvel album, je suis vidé.
– Avant de parler du contenu de « Saddiction », j’aimerais qu’on parle de la production. Une trilogie s’étale environ sur 6/8 ans et vu les avancées technologiques actuelles, tout peut aller très vite, sans même parler d’IA. Vous vous êtes-vous posé des limites pour que ces trois albums gardent une unité sonore ?
C’est une bonne question car, pour moi et avec un peu de recul, les choses se sont faites assez naturellement sur les deux derniers albums. On ne se pose aucune limite, car ce serait grave quand même. En revanche, cela nous arrive de ne pas être d’accord et de mettre nos idées en opposition, bien sûr. Il y a toujours débat, mais il y a des choses assez naturelles au niveau de la composition. Avec tout ce qu’il s’est passé pour « A Loner », la signature avec Nuclear Blast, une visibilité augmentée, beaucoup de concerts car on n’a jamais autant joué de toute notre vie, on a senti avec Julien le besoin de prendre du temps pour digérer tout ça. Et finalement, cette espèce de schizophrénie nous a poussés à composer directement. On a été très inspiré, chacun de notre côté. Et comme j’ai déménagé au bord de la mer, je suis arrivé avec des morceaux plus lumineux et il y a eu un frein de la part de Julien, car il n’arrivait pas à entrer dans le truc. Il a fallu que je me réadapte, que je revois ma copie. Donc, tu vois, notre musique dépend de tout ça, de tous ces paramètres personnels dans nos vies. En fait, on ne se met pas de frein, mais il nous arrive de nous recadrer, de rester sur une espèce de ligne directrice en laissant aussi de la marge à la création et à l’exploration. C’est magique en tout cas de pouvoir écrire comme ça. Je touche du bois, car on arrive encore à être inspiré par la vie qui passe et tout ce qu’il peut y avoir autour. Et de tout ça, c’est vraiment génial d’en sortir des mélodies !
– En revanche, musicalement, l’évolution de HANGMAN’S CHAIR est nette, et pas seulement depuis « Saddiction » ou « A Loner ». Les influences gothiques et Cold Wave sont manifestes. Est-ce pour mieux coller au propos de l’album, ou c’est plus largement une direction que vous entendez tenir à l’avenir ? Parce qu’on est quand même très loin du Sludge de vos débuts…
Clairement ! On a commencé en 2005 avec HANGMAN’S CHAIR et je pense qu’à ce moment-là, on était très à fond dans la veine du groupe qu’on avait avant et qui était plus Hard-Core et Metal, tirant même sur le Doom et le Sludge de la Nouvelle Orleans. On écoutait énormément Pentagram, Saint Vitus, etc… C’est vrai que cela a dépeint sur nous et HANGMAN’S CHAIR est arrivé juste après. Sur nos deux premiers albums, on était complètement dans l’exploration. C’est vrai qu’aujourd’hui, j’ai un peu de mal à réécouter ces disques, car on s’y perd un peu nous-mêmes. Mais c’est assez touchant, car ce sont nos débuts aussi. Je pense que c’est avec « Hope / / / Dope / / / Rop » (2012 – NDR) que la bascule a eu lieu. Il a été déclencheur pour la suite. Après, l’important est de rester naviguer, car ça reste de la musique et c’est vraiment là que je me sens le mieux. J’ai aussi l’impression qu’on arrivait bien à digérer tout ce qu’on écoutait et c’était très varié. Ca pouvait aller de Depeche Mode aux Cure, mais aussi à la scène Hard-Core new-yorkaise qu’on a beaucoup écoutée avec les Cro-Mags, Bad Brains, etc… Ensuite, certaines choses sont revenues sur des bases qu’on aime. Dernièrement, on a peut-être écouté plus de choses Cold, post-Punk, New-Wave et gothiques. Ce sont des ambiances qu’on arrive à bien manier et dans lesquelles on sait combiner plusieurs ambiances. Julien arrive le plus souvent avec des morceaux froids et assez agressifs, tandis que les miens sont peut-être plus mélancoliques, mélodiques avec des arpèges et des effets. Et c’est ce mix des deux qui fait la couleur de l’album, sa lumière. C’est toute la magie de notre binôme.
– Comme sur « A Loner », il y a un gros travail sur les tessitures sonores et les atmosphères. Pourtant, vous restez percutants. L’ambiance post- Metal/Rock domine toujours avec un petit côté Doom sous-jacent. L’idée d’entretenir le Sludge de vos débuts est définitivement passée ?
C’est vrai que sur « A Loner » et avec tous les concerts qu’on a donné ensuite, on est peut-être allé plus loin dans le côté post-Rock et le gothique parfois. On a beaucoup travaillé le traitement du son et des tessitures. Avec « Saddiction », ce qu’on a fait naturellement, c’est peut-être retrouver ce côté doomy et Sludge de nos débuts. Ca se mélange aussi beaucoup mieux, c’est plus digeste. Le travail sur ce dernier album a aussi été de réintégrer les sons de nos premiers amours et que ce soit harmonieux. Et j’ai l’impression que ça a débouché sur le deuxième volet de cette… trilogie ! (Rires) Il y a un équilibre plus évident avec des chansons plus courtes aussi et qui sont un peu le résultat de la tournée précédente. L’envie a été d’aller droit au but sur certaines choses.
– Parlons un peu des vidéos, qui ont aussi beaucoup d’importance chez HANGMAN’S CHAIR. Sur « Cold & Distant » (extrait de « A Loner »), Béatrice Dalle faisait partie de l’aventure et cette fois sur « Kowloon Light », il y a clairement une référence au « Into The Void » de Gaspard Noe…
« Into The Void » est clairement une référence, c’est vrai, et nous sommes très fans de l’œuvre de Gaspard Noe. On a adoré ce film car, esthétiquement, il est incroyable. Il a été hyper-loin dans la photo. On n’a pas non plus voulu aller volontairement dans ce sens, mais les gens avec qui on travaille savent qu’on aime ce genre-là et que nous sommes très friands du travail de Gaspard Noe. C’est super en tout cas que tu l’aies ressenti, car c’est une grosse influence. Et puis, il y a aussi un côté cinématique chez HANGMAN’S CHAIR, parce que ça nous a toujours fait vibrer. Il y a des liens très proches avec la vidéo et la photo, c’est certain. On se rapproche de certains univers comme celui de Lynch, par exemple. J’adore les vidéos qui subliment un morceau et j’adore les musiques qui subliment les images. C’est très lié.
– Avec un album aussi conceptuel et les clips qui sont réalisés, on imagine que vous allez aussi soigner la scénographie de vos concerts à venir. De quelle manière travaillez-vous cet aspect au sein du groupe ?
On travaille avec des techniciens qui nous apportent énormément de conseils. Il faut savoir aussi que nous sommes un groupe avec un certain statut, c’est vrai, mais pas illimité. On a un agent qui travaille très bien, qui nous trouvent les dates et les budgets, donc il faut toujours aussi voir l’aspect financier et ce que l’on peut faire, ou pas. Et puis, on fait aussi une musique qui est très terre-à-terre et j’adore aussi les groupes qui n’ont pas forcément de scénographie particulière. On essaie de faire ce que l’on peut et d’améliorer à chaque fois nos concerts de ce côté-là et on a la chance d’avoir une belle équipe qui s’occupe très bien de la création en habillant la musique du mieux possible. On a déjà intégré de la vidéo sur nos concerts par le passé, mais budgétairement, c’était très compliqué. Ensuite, il y a le risque de décrochage du public avec trop d’infos d’un coup. Après, c’est quelque chose que j’aime beaucoup chez d’autres groupes, où la musique s’y prête peut-être plus. Pour l’instant, je préfère de l’habillage d’éclairage. Il y a un équilibre à trouver, il ne faut pas non plus se cacher derrière une scénographie, malgré l’air du temps où le public attend de gros shows.
– Justement, comment allez-vous organiser votre setlist ? Car, au-delà des deux derniers albums, il y a les cinq précédents ?
Ce n’est jamais évident chez HANGMAN’S CHAIR de construire un set avec la longueur des morceaux, car on joue une heure et quart/une heure et demi et même 45 minutes en festival. C’est vrai qu’à la sortie d’un album, on a envie de le jouer, même en partie, car il y a de la nouveauté à présenter. Maintenant, 2025 est une année un peu particulière, car on fête les 20 ans du groupe, donc on a envie de jouer d’anciens titres aussi. On veut en intégrer certains qu’on n’a pas joués depuis très longtemps, en ajoutant certains arrangements pour les fondre dans le set. On y travaille ! (Sourires)
– Pour conclure, est-ce vous travaillez déjà sur le chapitre final ? Ou alors, allez-vous faire une pause pour vous concentrer exclusivement à la scène ?
(Rires) J’ai des morceaux ! En fait, je compose constamment, dès que je peux. Ce n’est pas ciblé, mais j’ai des choses. J’essaie de me mettre sur mes machines le plus possible, mais il n’y a rien de défini. C’est un peu ce qu’on se disait au début de l’interview… (Sourires) Et j’ai aussi besoin de voir où « Saddiction » va nous mener et à quelle sauce on va être mangé ! (Rires)
Le nouvel album de HANGMAN’S CHAIR, « Saddiction », est disponible chez Nuclear Blast.
Photos : Andy Julia
Retrouvez également l’interview du groupe au moment de la sortie de « A Loner » :
La cause environnementale gagne aussi le monde du Metal, pourtant peu avare de gigantesques rassemblements et c’est une très bonne chose. Si sauver la planète est un projet plus qu’ambitieux, y apporter sa contribution pour fédérer le plus possible afin de mener à bien des actions très concrètes est largement de l’ordre du possible. Et c’est l’engagement pris par SAVAGE LANDS, regroupement international d’artistes issus du Metal au sens large du terme. Avec « Army Of Trees », c’est une nouvelle pierre qui vient renforcer l’édifice et qui devrait caresser les oreilles les amateurs de décibels engagées… et enragées !
SAVAGE LANDS
« Army of Trees »
(Season Of Mist)
Né il y a déjà trois ans sous l’impulsion de Sylvain Demercastel et Dirk Verbeuren, qui ont œuvré ensemble au sein du groupe de Thrash français Artsonic, et rapidement rejoints par Poun et Etienne Treton de Black Bomb A, ainsi que Florian Pons pour former le noyau dur du projet, SAVAGE LANDS se veut avant tout un collectif Metal en forme d’association à but non-lucratif, sorte d’ONG musicale. L’objectif, après avoir constaté les dégâts de la déforestation sur la forêt tropicale du Costa Rica, est simple : préserver les zones à hauts risques et leur écosystème. Une entreprise qui n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à rassembler de nombreux artistes internationaux du monde du Metal.
Leur action se développe dorénavant dans d’autres pays et SAVAGE LANDS est aujourd’hui associé à des scientifiques et des ingénieurs forestiers, et d’autres acteurs venus d’horizons très différents. Et cette ‘Alianza Verde’ est déjà parvenue à planter de plus de 11.000 arbres au Costa Rica, avec l’aide de nombreux bénévoles. Touché par cet élan écologiste, le Hellfest s’est même engagé à faire don d’un million d’euros aux organisations au cours des cinq prochaines années… Imaginez un peu le même type d’aide à la presse spécialisée française qui travaille à mettre en lumière au quotidien les groupes dont le festival fait son affiche ! Bref, je m’égare sûrement un peu, quoique…
Musicalement, « Army Of Trees » évolue pour l’essentiel dans un Groove Metal assez l’éclectique, mais qui donne tout de même une ligne directrice très identifiable à ce premier album. Vous laissant le soin de vous y plonger, car tous les bénéfices vont à l’association, vous y croiserez le chemin de musiciens militants et talentueux comme Kai Uwe Faust, Chloe Trujillo, Alissa White-Gluz, Kenneth Andrews, Andreas Kisser, John Tardy, Maria Franz ou encore Lord Of The Lost et quelques autres venus se joindre au projet. A noter que « Army Of Trees » a été enregistré, mixé et masterisé par Adair Daufembach à Los Angeles. Donc, si la cause est belle, le son l’est tout autant !
Depuis les terres de Calédonie, l’ancien nom des territoires britanniques au nord du mur d’Adrien, Andy Marshall fait revivre une Ecosse reculée, perdue dans les brumes d’un héritage culturel conséquent et éternel. Entre le sacré et l’Histoire surgit le Black Metal atmosphérique de SAOR se parant d’attributs folks, celtes et pagan pour relater des fables épiques et transcendantales. « Amidst The Ruins » lance un appel au réveil au cœur des collines des Highlands. Un voyage hypnotique pour certains, initiatique pour d’autres…
SAOR
« Amidst The Ruins »
(Season Of Mist)
C’est au sein d’une Ecosse ancestrale que SAOR a bâti son Black Metal atmosphérique aux sonorités Folk et Pagan et ce sixième effort s’inscrit plus profondément encore dans un univers rugueux, d’où se détachent des mélodies envoûtantes. Andy Marshall, vocaliste et multi-instrumentiste, s’est donné cette fois des moyens plus conséquents pour faire ressortir l’âme celtique et gaélique d’« Amidst The Ruins ». Ici, la production est solide et le mastering signé Tony Lindgren apporte cette touche d’authenticité, qui manque trop souvent au registre.
Car pour s’enfoncer de manière aussi immersive dans la culture et la tradition écossaise, il faut pouvoir la ressentir bien au-delà du maelstrom métallique dissonant habituel. L’ensemble doit être palpable et organique, ce que SAOR est parvenu à réaliser. Car, ici, c’est audible ! Pour autant, le successeur d’« Origins » n’est pas l’œuvre d’une one-man-band et le premier indice vient du son de la batterie de l’Espagnol Carlos Vivas, qui fait bien plus que marteler mécaniquement, en offrant souvent la direction à suivre avec des variations parfois étonnantes.
Déployé sur une heure, « Amidst The Ruins » ne compte que cinq morceaux, une belle affirmation des intentions du musicien à guider l’auditeur au cœur de ces paysages musicaux, qui deviennent de plus en plus vivants au fil des minutes. Dans cette nébulosité, ce sont les guest qui portent le flambeau d’une certaine luminosité comme la voix, le violon et l’uilleann pipe d’Ella Zlotos, le scintillant violoncelle de Jo Quail et les cordes d’Angela Moya Serrat, Miguel Izquierdo et Samuel C. Ledesma. SAOR pose de la modernité sur des thèmes lointains avec percussion.
Volontaire et ténébreux, PLAGUE OF STARS s’est sans doute nourri de la période pandémique pour créer son nouvel opus. A la fois très rentre-dedans et jouant sur des instants plus délicats, le groupe livre un disque complet et célèbre du même coup l’arrivée derrière le micro de Liz Ziegler, qui n’a pas mis très longtemps à trouver ses marques. Vocalement captivante, elle mène ces nouveaux morceaux avec aplomb et beaucoup de force. « Extinction » sort déjà du lot grâce un Metal sombre et super-efficace.
PLAGUE OF STARS
« Extinction »
(Wormholedeath Records)
C’est du côté de Minneapolis, Minnesota, que PLAGUE OF STARS a éclot en 2012 et surtout en 2014 avec la sortie de « When Morning Came », un premier opus qui allait lancer une sorte de quête d’un Metal presqu’absolu entre Doom, Gothic et aux saveurs Black et Heavy. Composé de musiciens expérimentés, le quintet sort aujourd’hui son troisième album studio, auquel il faut ajouter un live (« Virtual Live » en 2021) et un single il y a trois ans. Ce dernier marque d’ailleurs l’ultime prestation de son ancienne chanteuse, Melissa Ferlaak.
Car, c’est dorénavant Liz Ziegler qui a pris les rênes du chant chez PLAGUE OF STARS, et qui parvient dès son arrivée à imposer sa patte et un registre clair et puissant. Pas de hurlements, ni de grognements, ce qui rend ce nouvel album sans doute plus percutant, notamment au niveau des textes, qui restent dans une veine très sombre. « Extinction » révèle donc sa nouvelle frontwoman, laquelle offre d’ailleurs un très bon duo avec celle qu’elle remplace désormais sur le morceau-titre, un geste de grande classe pour un titre détonnant.
Après la courte intro (« Akerra »), « Vain » nous propulse dans un Metal musclé, vif et massif. Tout en restant mélodique, PLAGUE OF STARS frappe fort en distillant une ambiance apocalyptique savamment constituée d’influences diverses qui se retrouvent sans mal. De « False Reality » et son petit côté symphonique au percutant « Sentinels », en passant par le plus éthéré « Shift » et jusqu’à « Akelarre », qui clot ce nouvel effort en réponse à l’intro, les Américains frappent fort, évitent toute répétition et jouent sur une originalité exemplaire.
Plus de 50 ans après sa création, la formation originaire de Washington D.C. nous fait le plaisir d’un nouvel effort, « Lightning In A Bottle », respectueux de ce son si particulier et de cette approche du Doom qui a influencé quelques générations. Au côté de son fantasque chanteur, on retrouve un casting de choix et de choc, qui redonne de l’allant à un PENTAGRAM qu’on peut presqu’imaginer immortel, malgré une existence défiant toutes les conventions. A la fois rebelle et provocateur, le quatuor continue de donner le ton et de montrer la voie.
PENTAGRAM
« Lightning In A Bottle »
(Heavy Psych Sounds)
Groupe pionnier et iconique de la scène Doom Metal, PENTAGRAM poursuit malgré tout, et comme souvent contre toutes attentes, sa carrière et présente un « Lightning In A Bottle » solide. Assez chaotique et finalement peu prolifique, la discographie des Américains a pourtant marqué l’histoire du genre dès les 70’s et surtout dans les 80’s. Difficile aussi d’énumérer les changements incessants de musiciens, sauf à confirmer que son leader et fondateur, Bobby Liebling, tient toujours les rênes, la même foi chevillée au corps.
Premier album depuis une décennie et « Curious Volume », ce neuvième opus affiche un PENTAGRAM a de quoi laisser rêveur, tant le frontman s’est entouré de ce qui se fait de meilleur dans le registre. Jugez vous-mêmes : Henry Vasquez (Legions Of Doom, Saint Vitus, Blood Of The Sun) est derrière les fûts, Scooter Haslip (Mos Generator, Saltine) l’accompagne à la basse et surtout on retrouve le grand Tony Reed (Mos Generator, Big Scenic Nowhere notamment) à la guitare en plus de produire « Lightning In A Bottle ».
Avec un tel casting, PENTAGRAM garde cependant le cap qu’il s’est toujours fixé, à savoir un proto-Doom aux saveurs Heavy Metal des origines qui vient garantir cette intemporalité assez incroyable. Et si le son est fidèle au combo, il n’en demeure pas moins très travaillé, laissant échapper des riffs tranchants et sombres sur un groove démoniaque. Au chant, Bobby Liebling entretient le mythe malgré l’emprise du temps qui se fait parfois sentir. L’ensemble est valeureux, énigmatique et inspiré. Les légendes ne meurent jamais !
Retrouvez l’interview de Tony Reed à l’occasion de la sortie de son album solo, « Funeral Suit » en 2021 :
Chaque nouvelle réalisation de WARDRUNA, et c’est la sixième, paraît toujours plus fascinante que la précédente. Quatre ans après « Kvitravn », le collectif articulé autour de Selvik et de Hella, grands artisans de cette quête mémorielle artistique, s’ouvre encore de nouvelles perspectives grâce à des rituels et des récits mythologiques saisissants et d’une rare authenticité. Plus que jamais, les Européens sont incontournables et surtout inégalables avec ce magnifique « Birna ».
WARDRUNA
« Birna »
(Columbia/Sony Music)
Celles et ceux qui connaissent, ou vivent, en écoutant de la musique traditionnelle, d’où qu’elle vienne, savent l’impact et l’effet souvent viscéral qu’elle produit. Pour les autres, il peut y avoir un côté magique, surnaturel et transcendant qui peut surprendre et séduire aussi. Et c’est vrai qu’Einar Selvik, ex-Gorgoroth, est un maître en matière de transmission et de conservation d’une culture ancestrale qu’il parvient aussi à rendre très moderne dans son approche. WARDRUNA représente par conséquent la vie qui continue.
Souvent assimilée simplement à de la néo-Folk/Ambient, la musique des Norvégiens va au-delà en ce sens qu’elle n’a rien d’expérimentale. A l’instar d’un ‘scalde’, le poète scandinave, le leader du groupe s’inspire autant de sons de la nature que d’instruments traditionnels à qui il a d’ailleurs souvent lui-même redonné vie. Et depuis ses débuts, l’objectif de WARDRUNA est de proposer une reconnexion à la Terre et ce qui lui appartient. Et sur « Birna », c’est l’ours qui est le centre du projet.
Animal emblématique de la culture nordique, il est donc ici le sujet du disque, auquel il donne d’ailleurs son titre en vieux norrois. Toujours aussi introspectifs, les nouveaux morceaux traitent autant des forces que de la vulnérabilité de l’ours et WARDRUNA sait toujours aussi bien se faire hypnotique (« Ljos Til Jord »), intense (« Hertan », « Birna »,) et bien sûr Pagan et poétique (« Tretale », « Hibjørnen »). Et entre la voix rauque et profonde de Selvik et la dimension céleste de celle de Linda-Fay Hella, le voyage se fait instantanément.