Et si un souffle frais venu d’Europe du Nord venait rafraîchir et revigorer le petit monde de l’Americana ? C’est en tout cas la promesse faite avec « Before The Rain », troisième réalisation en cinq ans du songwriter JESPER LINDELL. L’écriture et la composition sont très sûres, l’interprétation en sextet donne du volume et un relief mélodique souvent familier. Les morceaux du chanteur dévoilent une âme de caractère et un cœur tendre et entier. Un disque qui fait du bien !
JESPER LINDELL
« Before The Sun »
(Brunnsvik Sounds)
S’il n’était pas originaire du nord-ouest de Stockhölm, on aurait peine à imaginer JESPER LINDELL les pieds dans la neige, mais plutôt en balade du côté des Appalaches ou dans l’Amérique profonde. Avec son Americana, teinté de Folk, de Soul et de Country Rock, le Suédois est au diapason d’un registre qu’il embrasse pleinement et avec beaucoup d’élégance et de finesse. Bien sûr, on perçoit une sensibilité proche de The Band, Ray LaMontagne et surtout Van Morrison et Chris Stapleton. Pour autant, son style est très personnel, lumineux et ce troisième album l’inscrit parmi les valeurs sûres du genre.
Enregistré chez lui, dans son studio, et avec ses cinq musiciens de tournée, JESPER LINDELL a écrit et composé l’ensemble de « Before The Sun », excepté « Honesty Is No Excuse » du grand Phil Lynnot. Et le songwriter ne manque pas d’inspiration puisque ce nouvel opus arrive dans la foulée de « Twilights », sorti il y a à peine deux ans. Des ennuis de santé désormais derrière lui (il a subi une greffe de rein), le Scandinave se meut dans une certaine mélancolie assez positive et ensoleillée, offrant de beaux contrastes à travers des chansons à la narration douce et à l’interprétation souvent surprenante.
Très cuivré, « Before The Sun » a un aspect très ‘Muscle Shoals’ dans la couleur et la chaleur très organique qu’il dégage. « One Of These Rainy Day » donne une pulsation originale dès l’entame et tout en émotion par la suite (« A Little Light In The Dark »), JESPER LINDELL montre un large spectre musical et ce n’est pas tout. L’un des moments forts est aussi le duo avec la chanteuse de l’Oregon Kassi Valazza, valeur montante de la Country Folk (« A Strange Goodbye »), puis le génial « Do Me In » où il alterne un chant très aigu avec sa voix normale. Il se montre bluffant de bout en bout. Un futur très grand !
Harpiste, accordéoniste, pianiste et bien sûr chanteuse, LOREENA McKENNITT renoue avec ses premières amours, celles de la communauté Folk dans laquelle elle a commencé à se produire avant de diffuser sa musique aux quatre coins du monde. Entouré d’un groupe de chez elle, ainsi que de son amie de longue date, la violoncelliste Caroline Lavelle, la musicienne apparaît dans un registre très personnel, toujours celtique évidemment, et joue avec une proximité très acoustique et captivante.
LOREENA McKENNITT
« The Road Back Home »
(Quinlan Road/Outhere Music)
La plus irlandaise (et écossaise !) des Canadiennes fait son retour avec un album enregistré en public. Une chose pas complètement anodine pour la grande LOREENA McKENNITT, dont la discographie compte presqu’autant d’albums live que de studio. Il faut aussi reconnaître que sa musique prend réellement toute sa dimension en concert et chacun est d’ailleurs un voyage inoubliable, une expérience à vivre. Et du haut de 14 millions de disques vendus, c’est bel et bien sur scène qu’elle rayonne. Les dix morceaux de « The Road Back Home » ont été captés lors de quatre festivals Folk en Ontario, autour de Stratford où elle est installée.
LOREENA McKENNITT est ici accompagnée d’un groupe de musiciens celtiques, ‘The Bookends’, rencontré dans sa ville et qui la suivit l’été dernier dans ces quelques rassemblements. L’occasion aussi pour la chanteuse de jouer quelques titres encore jamais gravés sur aucune de ses nombreuses réalisations. Tout en simplicité, « The Road Back Home » se veut comme un hommage à ses premiers pas dans la musique, et on la retrouve dans une forme d’intimité où elle interprète d’anciennes chansons de ses débuts. Epurées et très Folk, elles sont d’autant plus touchantes qu’elles sont peu arrangées.
Avec ce huitième album live, l’auteure, compositrice et interprète remonte aux sources de sa brillante carrière dans une ambiance pleine d’énergie et de chaleur, ce qui peut d’ailleurs trancher avec les atmosphères pleines de mystère, dont elle s’entoure souvent. LOREENA McKENNITT a souhaité donner et partager sa version musicale du ‘chez-soi’, un lieu chaleureux et familier. Toujours aussi spontanée, on se laisse porter par sa voix étincelante, qui semble figée dans le temps, tant elle est cristalline. Alors qu’elle célèbre les 30 ans de son mythique « The Visit », toujours sur les planches, sa douceur reste toujours palpable.
Rayonnant et positif, ce premier album de l’Anglais ASHLEY SHERLOCK est une vraie petite merveille. Aussi à son aise en électrique qu’en acoustique, le musicien de Manchester combine avec talent des élans musclés très Rock avec des instants suspendus où le Blues et la Folk se tiennent côte à côte dans une chaleur et une communion qui font de « Just A Name » un magnifique disque.
ASHLEY SHERLOCK
« Just A Name »
(Ruf Records)
Il n’aura fallu que deux EP (l’un éponyme en 2019 et « If You’re Listening » en 2021) à ASHLEY SHERLOCK pour taper dans l’œil de Ruf Records et se joindre à son beau catalogue. Il faut dire que le songwriter a fait les choses dans les règles, à l’ancienne, en écumant les scènes intensément pour aguerrir son jeu et bien mesurer l’impact de ses compositions. Et le résultat est là avec ce resplendissant « Just A Name ».
Accompagné de Charlie Kay (basse) et Danny Rigg (batterie), c’est donc en trio que se présente le chanteur et guitariste avec un Blues Rock accrocheur, qui laisse cependant beaucoup de respiration. Entre riffs appuyés et accords plus délicats, ASHLEY SHERLOCK propose un univers très varié et assez éloigné des standards classiques notamment dans les sonorités, qui balaient un large spectre.
Le registre est résolument britannique dans le style et le Mancunien y a injecté de multiples influences, dont certaines assez étonnantes. « Just A Name » évolue dans un périmètre dans lequel se côtoient le Blues bien sûr, mais aussi le Rock, le Hard version acoustique et une Folk façon Jeff Buckley, jusque dans sa voix tout en nuances. ASHLEY SHERLOCK signe ici et déjà un grand album.
La musique d’INNESSA ne manque pas de charme et l’Alternative Folk proposée par la chanteuse, guitariste et compositrice s’ouvre à bien des horizons. Avec « Golden Wreath », la Russe installée en Australie partage un univers assez singulier à la fois slave et celtique, Pop et acoustique… Un moment suspendu.
INNESSA
« Golden Wreath »
(Independant)
Variée et lumineuse, la Folk d’INNESSA montre autant de finesse et de délicatesse que de caractère. Arrivée en Australie depuis sa Russie Natale il y a quelques années maintenant, la chanteuse a déjà sorti trois albums et s’affirme au fil de ses productions. Avec « Golden Wreath », elle présente de multiples visages grâce à une voix limpide, douce et tout en poésie.
Si l’âme slave de la songwriter plane sur « Golden Wreath », d’autres sonorités plus étonnantes viennent alimenter la belle diversité de ce quatrième opus. Très personnel sur le morceau-titre, le style d’INNESSA sait aussi se faire acoustique (« Hollow »), Pop (« Wild Horses », « We », « Strange World »), cinématographique (« Wings ») et très envoûtant (« Wave »).
Autofinancé et très bien produit, l’artiste a apporté un soin tout particulier aux arrangements qui restent sobres et épurés, mais non sans beaucoup de richesse, comme les interventions de violon notamment. D’une belle naïveté sur « Beneath The Azure Skies », INNESSA nous entraîne aussi dans des ambiances celtiques (« Shallop »), avec une flûte enchanteresse. Très réussi !
Issus d’un groupe Thrash dans leur Mexique d’origine, RODRIGO Y GABRIELA n’ont eu aucun mal à convaincre et séduire le public Metal. Malgré des prestations entièrement acoustiques, la fougue et la grande dextérité des deux spécialistes enflamment chacune des scènes où ils se produisent. « Avec « In Between Thoughts… A New World », ils empruntent une nouvelle voie, plus riche encore, et toujours aussi créative.
RODRIGO Y GABRIELA
« In Between Thoughts… A New World »
(ATO/Pias)
De leurs premières prestations à Grafton Street au coeur de Dublin jusqu’à leur Grammy Award 20 ans plus tard en 2020, RODRIGO Y GABRIELA mènent leur chemin avec la même virtuosité que celle qui les anime, guitare en main, depuis leurs débuts. Le duo mexicain (Rodrigo Sànchez et Gabriela Quintero) s’est fait connaître grâce à un jeu extrêmement dynamique et jusqu’à présent entièrement acoustique et d’une intensité hors du commun.
En effet, après cinq albums instrumentaux, RODRIGO Y GABRIELA ont décidé d’étoffer leur répertoire, dont le chant reste toujours absent. Sur « In Between Thoughts… A New World », les deux musiciens intègrent des sonorités de guitare électriques (une première !), mais aussi quelques claviers, des percussions synthétiques et même les cordes de l’Orchestre Symphonique Bulgare dirigé par Adam Ilyas Kuruc. La métamorphose est assez saisissante.
Depuis leur opus précédent, RODRIGO Y GABRIELA ont aussi fait la découverte de la philosophie indienne non-dualiste de l’Advaita Vedanta, dont ils se sont inspirés pour ce nouveau disque. Et ils ne se sont pas pour autant assagis. Cette sixième réalisation fait toujours le pont entre un souffle Rock, Folk et leurs influences latines natales. Avec « True Nature », « Egoland », « Seeking Unreality », ou « Broken Rage », le charme opère toujours.
Sur des mélodies jouées à la mandoline, des solos cristallins plein de feeling, des rythmiques souples et entraînantes et un chant très attachant, MUDDY WHAT ? diffuse un Blues joyeux et touchant. Avec ce troisième album studio, la formation germanique se livre dans des paysages musicaux surprenants et colorés. « Spider Legs » swingue autant qu’il apaise.
MUDDY WHAT ?
« Spider Legs »
(Howlin’ Who Records)
C’est à une belle balade à travers un Blues original que nous invitent les Allemands de MUDDY WHAT ?. Avec un nom qui déclenche à lui seul le sourire, le groupe relève facilement le challenge qu’il s’est donné à sa création en 2006. Même son line-up est atypique, puisqu’on retrouve Ina Spang (lead guitare et mandoline), son frère Fabian (chant et guitare rythmique) et Michi Lang qui alterne la basse et la batterie.
Originaire de Bavière, MUDDY WHAT ? ne s’impose aucune frontière, même si la formule présentée a des saveurs inspirées du Sud des Etats-Unis. Avec dorénavant quatre albums à son actif, dont un Live, le trio propose pour la première fois un opus entièrement de sa composition. Aucune reprise donc et c’est tant mieux, car le groupe a des arguments à faire valoir et des sonorités très personnelles à livrer.
Enregistré dans un haut lieu du Blues local, « Spider Legs » se déploie justement dans une chaleur très vivante et authentique. Et MUDDY WHAT ? ne manque pas de sincérité dans son jeu, loin de là. Entre Blues flamboyant et escapades Bluegrass et Folk, le combo se montre aussi éclatant que d’une grande finesse (« Dead Cigars », « Much Too Loud », « What Would I Do »). Une fraîcheur incroyable et positive !
Même si le style est essentiellement joué en Amérique du Nord, l’Americana qu’interprète ALYSSA BOURJLATE est d’une étonnante authenticité, compte tenu de sa rareté dans l’hexagone. Sur « I’ve Lost Myself On The Way », la chanteuse et compositrice française fait de sa sincérité une force et un atout majeur.
ALYSSA BOURJLATE
« I’ve Lost Myself On The Way »
(Independent)
Après des débuts assez discrets sous son seul prénom et avec deux albums en français, « Insomnie » (2008) et « Mariage Noir » (2010), ALYSSA BOURJLATE prend un virage très Americana, un style peu répandu chez nous et qui marie Country, Blues, Folk, et Rock avec une approche très narrative. Entièrement écrit en anglais, ce troisième opus marque une nouvelle entrée en matière très réussie et particulièrement convaincante.
Soutenue par un groupe de musiciens chevronnés (guitare, basse, batterie, banjo, harmonica), c’est en songwriter avertie que se présente ALYSSA BOURJLATE avec des morceaux très personnels et tout en délicatesse. Ecrit et composé par ses soins, « I’ve Lost Myself On The Way » retrace finalement, et avec élégance, le parcours de la chanteuse ces dix dernières années. L’essence-même de l’Americana…
Très bien produit, l’ensemble est constitué de titres d’une belle unité artistique à la fois intimistes et dynamiques (« High And Dry », « Outlaw », « King Of Sadness », « Never Be Yours »). Par ailleurs, ALYSSA BOURJLATE a eu la bonne inspiration de reprendre « Cry To Me » du grand Salomon Burke et aussi « Losing My Religion » de R.E.M., dont la présence interroge un peu par son décalage. Un disque et une chanteuse à découvrir d’urgence.
JOANNE SHAW TAYLOR possède plus d’une corde à son arc. L’Anglaise se livre à un exercice de style très réussi sur ce « Nobody’s Fool », qui réserve bien des surprises dans la tonalité des morceaux et dans les registres explorés. Sur une base bien évidemment Blues, la guitariste et chanteuse s’essaie à des morceaux assez Pop, Soul, Rock et Country-Folk. Un large éventail dans lequel la musicienne se montre épanouie et d’une grande sensibilité.
JOANNE SHAW TAYLOR
« Nobody’s Fool »
(KTBA Records)
Après un album de reprises Blues en 2021 (« The Blues Album ») suivi de « Blues From The Heart Live » en juin dernier, JOANNE SHAW TAYLOR revient avec un disque composé de morceaux originaux qu’elle a cette fois entièrement écrit. Toujours pour KTBA Records, le label de Joe Bonamassa, la guitariste et chanteuse anglaise fait quelques petites infidélités au Blues pour s’aventurer dans d’autres contrées musicales.
La voix chargée d’émotion, la musicienne livre son opus le plus personnel à travers notamment des écrits plus intimes et un registre plus léger et peut-être aussi plus épuré. En s’offrant la paire Josh Smith et Joe Bonamassa aux guitares rythmiques (et également à la production), JOANNE SHAW TAYLOR semble même plus libre et ses interventions en lead gagnent ainsi en profondeur (« Nobody’s Fool », « Bad Blood »).
L’album présente aussi des sonorités Pop et légèrement Country sur « Won’t Be Fooled Again », « Runaway » et « Fade Away » accompagné du violon de Tina Guo. La Britannique s’autorise aussi une reprise d’Eurythmics avec Dave Stewart (« Missionary Man »). Et JOANNE SHAW TAYLOR reste brillante sur des morceaux plus Blues Rock comme « Then There’s You » et « Figure It Out » avec Carmen Vandenberg. Très convaincante !
Composé de Marie Soler au chant, Fred Martin à la guitare et Thibaut Gérard à la basse, AN’HEDONYA signe son premier album dans un univers Dark/Folk aux contours progressifs et l’ensemble est particulièrement bien réalisé. Autoproduit, « Ill’usions » affiche des morceaux originaux et dans un registre assez rare dans l’hexagone. Le trio montpelliérain navigue dans des atmosphères sombres aux saveurs Metal et Rock, et il n’en fallait pas plus pour leur poser quelques questions, alors que le groupe fait son entrée sur la scène française.
– Si vous n’êtes pas vraiment des inconnus sur la scène héraultaise pour avoir joué au sein de Gholes, Reaching Nothingness, Kalasia ou Eyeless, j’aimerais que vous reveniez sur la création d’AN’HEDONYA. Qu’est-ce qui vous a poussé à monter le groupe ?
L’idée est partie de petits concerts que nous avons donnés, (Marie et Fred – NDR), dans un cadre privé, où nous reprenions quelques morceaux de Metal et autres, à la sauce guitare acoustique/chant. Nous nous sommes dit : ‘Tiens, pourquoi ne pas élaborer un projet sous cette formule ?’ Nos racines sont bien sûr métalliques, cependant, on peut s’apercevoir aujourd’hui avec les nombreuses ‘covers’ qui circulent sur le net, que le Metal peut être interprété par beaucoup d’instruments différents, y compris les plus inattendus… De plus, il existe déjà quelques albums entièrement acoustiques, qui font pourtant bien partie de la sphère Metal, ou encore des groupes qui intègrent ce type de son à 80% de leur musique. Je pense, par exemple, à l’album « Kveldssanger » d’Ulver, ou encore à des groupes comme Empyrium, etc. L’envie de départ de ce projet était aussi de pouvoir faire des concerts dans les pubs, les petites salles, quelques chose d’intimiste et d’atmosphérique.
– Est-ce qu’avec AN’HEDONYA, vous pouvez enfin explorer d’autres sphères musicales, et vous exprimer dans des registres que vos autres formations ne vous permettaient pas ?
C’est précisément l’idée ! Ce projet ne devait pas être redondant par rapport à nos autres activités musicales. Il n’aurait pas eu d’intérêt, ou de valeur ajoutée. Avec cette formule, il nous est permis d’aborder les choses sous des angles différents, et donc d’élargir nos horizons. Et puis, cela nous permet aussi de partager notre musique avec nos proches (famille, amis), parmi ceux qui ne sont habituellement pas trop sensibles lorsqu’il s’agit de Metal Extrême, et tout en gardant notre identité musicale.
– Dès le départ, vous m’avez dit vous inspirer d’Opeth, Anneke van Giersbergen et plus étonnamment des albums « Damnation » d’Opeth et « Dethroned & Uncrowned » de Katatonia, ce qui n’est pas si courant. Pour avoir réécouté ces deux derniers albums, on y trouve des similitudes, c’est vrai. En quoi sont-ils si importants pour vous ? Ce sont les atmosphères, les ambiances surtout, ou plutôt l’écriture et la structure des morceaux ?
Marie : Anneke van Giersbergen est pour moi une grande chanteuse, son timbre, sa voix cristalline associée à sa technique me touche particulièrement, je m’en inspire malgré moi. Car quand tu écoutes beaucoup, et depuis longtemps, un artiste, il t’inspire forcément. Il en est de même pour Katatonia que nous écoutons depuis leurs débuts, « Dethroned & Uncrowned » nous a inspiré dans le sens où c’est cette configuration et cette ambiance que nous voulions pour AN’HEDONYA.
Fred : L’album de Katatonia « Dethroned & Uncrowned » est un peu particulier, car il s’agit d’une réinterprétation d’un de leurs albums classiques, c’est-à-dire ‘avec des guitares électriques’, « Dead End Kings », d’une manière acoustique. Mais lorsqu’on entend ces morceaux même sans connaître leur pendant saturé, on en imagine sans peine la version électrisée. C’est un peu l’idée d’AN’HEDONYA : ce sont des morceaux acoustiques, mais on pourrait tout à fait les transformer en morceaux Metal plus traditionnels, car ils en ont l’essence.
Pour le cas d’Opeth, l’album « Damnation » met en avant les aspects les plus atmosphériques de leur musique, contrairement à « Deliverance » qui se concentre plus sur la partie Death Metal. Habituellement, ces deux facettes sont davantage mêlées dans un même album, ce qui nous a donné des monuments tels que « Blackwater Park » et « Still Life », mais cette fois-là, ils ont ressenti le besoin de ‘séparer’ les deux aspects. L’album « Damnation » est ainsi né et le résultat est tout simplement magnifique. Ce qui nous a attiré dans ces albums sont en effet les atmosphères et les ambiances qui en ressortent.
– Pour ce premier album, vous avez donc décidé d’évoluer dans un registre acoustique, mais complet dans votre formation, à savoir avec basse et batterie. C’était un choix naturel pour vous, ou la passerelle indispensable avant de franchir un nouveau palier, peut-être plus électrique, moins Rock et plus Metal, par exemple ?
L’idée était bel et bien de proposer une musique avec des guitares acoustiques, mais aux sonorités Rock/Metal. Donc l’appui rythmique se devait de conserver un minimum de puissance, notamment avec la batterie. Cette configuration nous est venue naturellement, lorsque nous composions. A priori, la formule devrait perdurer ainsi, mais il n’est pas impossible qu’un jour, nous ayons une variante ‘électrique’ d’un de nos morceaux, ce serait un effet miroir intéressant par rapport aux groupes qui proposent en morceau bonus, l’un de leur tube en version acoustique…
– Pour « Ill’usions », vous avez fait appel à Brett Caldas-Lima (Ayreon, Cynic, Hypno5e) pour le mix et le mastering, ainsi qu’à Léo Margarit (Pain Of salvation) pour la batterie. Pour un premier album, ce sont des choix importants et conséquents. Vous teniez à mettre dès le départ tous les atouts de votre côté et la barre très haute, car la production est assez incroyable ?
Merci pour le compliment ! Brett est un ami de longue date et nous connaissons la qualité de son travail. Il était donc logique de faire appel à ses services pour le mixage et le mastering de l’album. Il nous a aussi beaucoup guidés lors des phases d’enregistrement. Comme nous avions aussi besoin d’un batteur, il nous a mis en relation avec Léo qui a accepté de participer à l’album et a enregistré ses parties de batterie depuis la Suède. En plus de son talent de musicien, c’est un mec très sympa, nous avons eu beaucoup de chance, c’était un plaisir de collaborer avec lui. On peut dire qu’ils ont tous deux apporté une autre dimension aux morceaux et nous avons partagé de beaux moments musicaux et amicaux. Nous sommes aussi très contents d’avoir la voix de Brett sur le morceau « Purple Death », qui apporte indéniablement un côté Metal, pour le coup !
– La sortie de « Ill’usions » se fait en autoproduction. Il va vous servir de carte de visite auprès des labels, ou est-ce par volonté d’indépendance, comme beaucoup d’artistes aujourd’hui d’ailleurs ?
Avant la sortie de l’album, nous avons contacté quelques labels et on ne va pas te mentir, les seuls retours que nous avons eus nous ont demandé une contribution financière. Nous avons déjà beaucoup investi dans la production de cet album et nous ne voulons pas payer pour être signés. Si ça plait, nous restons ouverts aux propositions mais de toute façon, l’objectif n’est pas forcément celui-là. Le plus important est de se faire plaisir et de partager notre musique, laisser vivre et voyager cet album. En revanche, nous avons fait appel à Inouïe Distribution pour la diffusion numérique sur les plateformes de streaming, qui a fait un super travail à ce niveau. Et il s’agit d’une boîte française, ce qui ne gâche rien ! Pour obtenir l’album en version CD, il faut donc s’adresser directement à nous, ou par le biais de notre page Bandcamp (lien ci-dessous – NDR).
– Avant de parler du morceau « Le Cri du Vent », on note aussi sur l’album beaucoup de sonorités celtiques, vocalement surtout. C’est une musique qui vous inspire aussi, ou c’est juste le simple fait du hasard ?
Marie : Non, ce n’est pas le hasard, c’est plutôt naturel puisque je suis d’origine bretonne et je passe énormément de temps là-bas depuis que je suis née. C’est d’ailleurs ce qui m’a inspiré l’écriture du morceau « Pen Lan ». C’est un lieu où je vais depuis toujours, mon repaire, mon havre de paix, l’endroit où je me sens le mieux et où j’écris et je chante seule, sur les rochers, en harmonie avec les éléments qui m’entourent.
Même si je ne réfléchis pas quand je chante à obtenir tel ou tel type de sonorité ou de style, avoir toujours écouté de la musique celtique, traditionnelle ou non, a forcément influencé ma manière de placer et moduler ma voix.
– Justement, « Le Cri du Vent » est le seul morceau chanté en français. Pourquoi ce choix et y en aura-t-il d’autres ? Ça vous parait naturel de vous exprimer dans votre langue maternelle autant qu’en anglais ?
Marie : Nous ne nous interdisons rien. Alors, pourquoi pas un morceau écrit dans notre langue ? Ce n’est, en effet, pas pareil d’écrire et de chanter en anglais ou en français. Si l’anglais sonne plus ‘facilement’ dans la musique Rock ou Metal, le français lui, demande plus de rigueur dans l’écriture, comme un poème, avec des rimes… J’ai écrit ce texte en dix minutes environ, pendant le confinement, en écoutant le silence et il m’a plu comme ça. À chanter, c’est différent aussi mais je ne pourrai pas te dire si je préfère chanter dans une langue ou dans l’autre, j’aime les deux. J’ai aussi pensé à Lacuna Coil, qui a quelques excellents titres en italien, leur langue maternelle. Ça m’a convaincu d’intégrer « Le Cri du vent » pour clôturer l’album.
– Enfin, on note la présence de la cornemuse de Pierre Delaporte sur ce dernier morceau. Est-ce que c’est une habitude que vous instaurerez à l’avenir ? Et puis, on revient à nouveau dans des sonorités celtiques au-delà de la voix…
Marie : Il n’était pas pensable pour moi de ne pas mettre quelques instruments aux sonorités celtiques dans notre musique, pas pour tous les morceaux. Mais la harpe sur « Pen Lan » exprime la plénitude de ce lieu et la cornemuse sur « Le Cri du Vent » évoque ce dernier élément d’une terre que j’imagine sans vie, où les seuls bruits restants seraient ceux d’un sol qui craque et du vent qui hurle.
Si nous composons un deuxième album, il est certain que nous intègrerons à nouveau des instruments celtiques. Nous aimerions bien, par exemple, inviter le groupe Plantec (groupe Electro Breizh) sur un prochain titre, car j’aime beaucoup l’ambiance qui se dégage de leur musique, surtout en fest-noz, c’est assez incroyable. Et puis, il y a aussi le fait que nous sommes quand même de gros cinéphiles, particulièrement du genre Heroic-fantasy dans lequel on retrouve souvent des sonorités celtes. Nous adorons les énergies qui s’en dégagent. Toutes ces sonorités font partie de notre culture musicale, alors nous les intégrons à nos compos quand cela fait sens.
Dans une ambiance mêlant Psych Rock et Blues nerveux, EARLY JAMES se présente avec un deuxième album encore plus envoûtant et élaboré que le précédent. D’une grande finesse d’écriture, « Strange Time To Be Alive » est une sorte de parenthèse poétique suave, Folk et roots livrée par un songwriter plein de grâce.
EARLY JAMES
« Strange Time To Be Alive »
(Easy Eye sound)
Décidemment, Dan Auerbach (The Black Keys) est de tous les bons coups et son label, Easy Eye Sound, commence à présenter un catalogue fourni et surtout de grande qualité. Le chanteur, guitariste et songwriter EARLY JAMES ne s’y est pas trompé en signant à Nashville et « Strange Time To Be Alive » est son deuxième album après le convaincant « Singing For My Supper » très différent de celui-ci.
L’univers atypique du musicien originaire d’Alabama jaillit avec une incroyable luminosité, malgré un son très brut sur ce nouvel opus, à travers laquelle on découvre un artiste ancré dans une musique roots américaine aux multiples facettes. Blues, Country, Bluegrass, Folk ou Southern Rock, EARLY JAMES ne passe pas d’un registre à l’autre : il les incarne et avec énormément de personnalité.
Intemporel et intense, le style du compositeur se nourrit autant des poètes du sud que des crooners et des bluesmen. Enregistré en seulement trois petits jours au studio d’Easy Eye Sound, « Strange Time To Be Alive » est d’une authenticité rare pour un si jeune artiste, qui joue autant sur l’humour que sur une élégante tristesse. EARLY JAMES étourdit et séduit très naturellement.