Sombre et ténébreux, « Silence By The Raging Sea » regorge de détails qui viennent se nicher avec une belle fluidité au creux des morceaux, qui se découvrent et se dévoilent un peu plus à chaque écoute. Stoner autant que Metal, le subtil Doom d’OCCULT HAND ORDER tend également vers le post-Rock et le Prog Rock 70’s avec une musicalité très organique. L’esthétisme poétique des Français peut paraître brumeux de prime abord et pourtant un bel éclat s’en échappe.
OCCULT HAND ORDER
« Silence By The Raging See »
(Independant)
Après des débuts remarqués avec un bon premier album éponyme en 2019, un an tout juste après sa formation, suivi du EP « The Chained, The Burned, The Wounded » qui a confirmé son intension et ses ambitions, OCCULT HAND ORDER semble décidé à passer à la vitesse supérieure. Pourtant autoproduit, le trio a confié le mastering de « Silence By The Raging Sea » au grand Magnus Lindberg, qu’on ne présente plus, pour un résultat très convaincant qui fait honneur aux morceaux de ce nouvel opus.
Sur six titres étendus, les Lyonnais prennent le temps de poser des atmosphères sur des structures psychédéliques et progressives qui se distinguent par des passages faisant l’équilibre entre des moments rugueux et dynamiques et d’autres légers et aériens. OCCULT HAND ORDER parvient à définir et distinguer son univers unique forgé de Stoner et de Metal avec beaucoup de précision, grâce également à une très bonne production. Très Doom, « Silence By The Raging Sea » a également des saveurs 70’s très envoûtantes.
Sur des ambiances occultes (forcément !) et ésotériques, le power trio parvient rapidement à captiver et le chant lointain se fait même incantatoire et parfois légèrement chamanique, tant il donne l’impression de s’évaporer. De plus, OCCULT HAND ORDER étonne encore sur la richesse instrumentale qu’il affiche malgré une formation assez restreinte. Les teintes sont multiples, les fulgurances transcendent et les mélodies portent l’ensemble avec générosité (« Sink », « Pyre », « Fever », « Tidal Waves »). Renversant !
Malgré la période difficile qui a suivi la sortie de « Ømni », ANGRA semble avoir fait de ces obstacles et de ses peines une force créatrice qui lui a permis de faire face, mais également de réaliser l’excellent « Cycles OF Pain ». Toujours sous la houlette du producteur Dennis Ward, cette dizième galette est d’une somptueuse diversité et prouve que le combo est bel et bien devenu le fer de lance de la scène Metal brésilienne. Délicat et massif, il navigue habillement entre Power, progressif, symphonique et Heavy Metal avec une technicité redoutable.
ANGRA
« Cycles Of Pain »
(Atomic Fire Records)
Depuis plus de 30 ans et surtout après la sortie du conceptuel « Holy Land » en 1996, ANGRA incarne le Heavy Metal brésilien grâce à des couleurs progressives, parfois symphoniques et même Power Metal plus récemment. Etonnamment, son ascension correspond au départ de Max Cavalera de l’emblématique et pionnier Sepultura. Il y avait donc une place à prendre et ça n’a pas traîné. Au contraire de ses compatriotes qui ne sont toujours pas parvenus à faire peau neuve, le groupe a montré beaucoup d’ambition et de créativité. Des éléments que l’on retrouve sur « Cycles Of Pain », son dixième album.
Toujours guidé par son guitariste Rafael Bittencourt, d’ailleurs seul rescapé du line-up originel et en état de grâce sur l’ensemble du disque, ANGRA livre aussi sans doute son album le plus sombre à ce jour. Les cinq dernières années ont été douloureuses à titre personnel pour le six-cordiste et est venue s’ajouter la disparition d’Andre Matos, ami et chanteur historique de la formation. Si le titre « Cycles Of Pain » parle de lui-même, son contenu n’en demeure pas moins très varié et il est même le plus brésilien jusqu’à présent depuis sa pochette jusque dans son contenu, qui libère paradoxalement une belle luminosité.
Si les compos de Bittencourt et du basiste Felipe Andreoli sont incroyables, que dire de la performance de l’ex-Rhapsody Of Fire, Fabio Lione ? Le frontman célèbre ses dix ans au sein d’ANGRA de la plus belle des manières avec une polyvalence vocale plus impressionnante que jamais (« Ride Into The Storm », « Gods Of War », « Tide Of Changes », « Faithless Sanctuary »). Très technique, mélodique et accrocheur, « Cycles Of Pain » est l’une des meilleures productions des Sud-Américains et la sensibilité et la puissance de ces nouveaux titres montrent à quel point le successeur de « Ømni » le surclasse. Magistral !
Enregistré à Stockhölm avec Mike Wead (King Diamond) notamment, ce quatrième opus vient confirmer l’élan de ces dernières années. « Reign Of The Reaper » montre enfin le véritable visage que l’on pouvait attendre de SORCERER, à savoir un style plus personnel, entre un Heavy Metal classique et des touches Doom savamment dosées. A noter à l’arrivée de Stefan Norgren derrière les fûts, il y a quelques semaines, et qui vient participer à cette résurrection entamée en 2010.
SORCERER
« Reign of the Reaper »
(Metal Blade Records)
Dans sa première et courte vie, celle qui s’étend de 1988 à 1995, le Metal de SORCERER penchait bien plus qu’aujourd’hui vers le Doom. Après des débuts prometteurs, les musiciens sont allés grossir les rangs de Therion, Tiamat, Sundown et Lion’s Share avant de démarrer une seconde phase plus féconde. Très aguerris donc, ils ont fait la bascule vers un Heavy Metal plus généreux et surtout très épique. Et 35 ans après leur création, les Suédois affichent un total de quatre albums, « Reign Of The Reaper » compris.
Cela dit, même si le groupe de par son histoire avance à un rythme de sénateur, il faut lui reconnaître de la qualité dans ses derniers albums, notamment sur « Lamenting of the Innocent », sorti il y a trois ans et qui l’avait relancé. C’est précisément dans cette même dynamique que le frontman Anders Engberg et ses compagnons s’inscrivent avec « Reign Of The Reaper ». SORCERER n’a pas renié ses influences Doom, qui se font toujours sentir dans les moments les plus dark et progressifs, mais la vélocité actuelle est terriblement Heavy.
Avec sa galopante rythmique et la puissance vocale de son chanteur, le quintet possède de solides arguments que les deux guitaristes renforcent brillamment. Les riffs sont racés et appuyés, les chorus abondants et les solos très shred. Et SORCERER montre toute sa maîtrise sur des refrains mémorables, des structures de morceaux massives et un mélange savoureux d’ambiances teintées d’une noirceur un brin Old School (« Mourning Star », « Unveiling Blasphemy », « Thy Kingdom Will Come » et le morceau-titre). Convaincant.
Qui aurait pensé à l’écoute de « Cycle Of Day », sa précédente production, que la bassiste Laura Phillips aurait eu autant de facilité à endosser le rôle de chanteuse au sein de la formation de l’Oregon ? Et la seconde question que l’on peut se poser, c’est pourquoi est-ce que ce changement n’a pas eu bien avant ? Tout en conservant son identité musicale, HIPPIE DEATH CULT s’ouvre de la plus belle des manières de nouveaux horizons avec ce très bon « Helichrysum » électrisant.
HIPPIE DEATH CULT
« Helichrysum »
(Heavy Psych Sounds)
Si l’univers de HIPPIE DEATH CULT est progressif, brut et rugueux, il tend surtout vers un Psych Rock aux gimmicks zeppeliniens et sabbathiens, avec ainsi des tessitures très proto-Metal. Jamais très loin du Doom avec des guitares âpres et une rythmiques aussi lourde que véloce, le style du groupe de Portland combine toutes ces influences dans une dynamique très créative. Après « Cycle Of Days », sorti il y a deux ans, « Helichrysum » montre bien des différences et elle sont de taille.
La première vient du line-up qui voit HIPPIE DEATH CULT passer de la formule en quatuor au power trio, suite au départ de Ben Jackson. C’est Laura Phillips qui reprend le chant, en plus de la basse qu’elle assure avec une fougue et une technique imparable. La frontwoman apporte un peu de douceur et sensualité, tout en restant terriblement Rock, volontaire et dorénavant guide du combo. Réduit à trois donc, les Américains sont encore plus soudés, percutants et aériens.
Accompagnée par Eddie Brnabic à la guitare et Harry Silvers à la batterie, la chanteuse et ses compagnons ont resserré les rangs et cela se ressent tout au long de ce troisième opus. Et pourtant, les arrangements sont toujours très judicieux et élégants (« Arise », « Better Days »). En portant son dévolu sur les thèmes de l’endurance, de la guérison et de l’immortalité, HIPPIE DEATH CULT se fond dans un domaine qui transpire littéralement dans sa musique (« Toxic Annihilator », « Nefelibata », « Tomorrow Sky »). Transcendant.
Retrouvez la chronique de l’album « Circle Of Days » :
Rompu aux registres avant-gardistes, Martina Horváth et Jason Köhnen se sont attelés à la création d’un deuxième opus et celui-ci s’avère encore plus fascinant. Entre Metal et passages très aériens, THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID aborde le Doom sous tous les angles dans une approche atmosphérique très novatrice. Sur « Thou Shalt », la magie opère brillamment pour produire un ‘Avant-Doom’ astral et fulgurant.
THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID
« Thou Shalt »
(Burning World Records)
La chanteuse hongroise Martina Horváth (Thy Catafalque) et le multi-instrumentiste hollandais Jason Köhnen (Celestial Season, The Lovecraft Sextet, Bong-Ra) continuent leurs expérimentations musicales communes, en marge de Mansur, et présentent le nouvel album de THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID, « Thou Shalt ». Deux ans à peine après l’étonnant « Forlorn », le duo nous replonge dans les méandres saisissants de son Doom Metal atmosphérique avec tout que cela comporte de nuances et de paysages sonores panoramiques.
Accompagné de Botond Fogi (guitare), Attila Kovacs (guitare) et de Mark Potkovacz (batterie), le combo se fond dans l’obscurité pour mieux jaillir sur des fulgurances très Metal. La frontwoman se fait presqu’obsédante tant la variété et la qualité de son chant sont exceptionnelles. THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID repousse l’univers du Doom dans ses derniers retranchements avec une créativité d’une grande richesse. A la fois complexe et évidente, la musique du quintet donne des frissons de plaisir tout en s’ouvrant à des dimensions multiples.
Tour à tour extrême et très mélodique, le style affiché est hallucinant de variations et « Thou Shalt » demande donc plusieurs écoutes avant d’en saisir l’entièreté. Lentes, écrasantes, mystérieuses, sauvages, démoniaques ou sensibles, d’une rare beauté et insaisissables, les atmosphères et les ambiances explorées par THE ANSWER LIES IN THE BLACK VOID transcendent les frontières du genre pour se faire ‘Avant-Doom’, comme le décrit la formation. Et pour que l’expérience soit totale, il faut se perdre dans ce monument artistique hors-norme.
Nerveux et frontal, le style de HONESTY s’inscrit dans la veine de celui d’un Biohazard ou de Madball avec des guitares aux riffs lourds et tranchants et une rythmique compacte et appuyée. C’est au Danemark que le Metal Hard-Core distillé sur « Wargame As DNA » a été mis en boîte et il jaillit avec énergie et explosivité. D’une remarquable fluidité, le groupe porte son message et ses mots sur les maux d’un monde à la dérive.
HONESTY
« Wargame As DNA »
(Rucktion Records)
Sorti un peu plus tôt dans l’année, il serait dommage de passer à côté du deuxième album de HONESTY, combo Metal Hard-Core, qui fait un retour fracassant six ans après « Can You Feel the Bite Of Life ». Composé des chevronnés Stéphane (91 Allstars) à la guitare, Tadz (Count To React, 91 Allstars) à la basse, Jolo (Tagada Jones) derrière les fûts et Bogdan (Count To React, Onesta) originaire de Belgrade au chant, les Parisiens haussent le ton et livrent un opus engagé et percutant.
Resserré sur 34 petites minutes, « Wargame Is DNA » se veut très revendicatif et grâce à l’aspect brut et direct de son jeu, l’impact des textes n’en est que plus prégnant. HONESTY dénonce autant qu’il questionne sur des causes sociétales essentielles liées à la consommation, l’écologie, le matérialisme, le rôle de chacun ou encore la maltraitance animale. En plaçant l’humain au cœur de ses morceaux, le quatuor appelle légitimement à une prise de conscience collective et individuelle, l’essence-même de l’esprit HxC.
Sur des guitares très Metal, HONESTY joue la carte de l’authenticité pour mener son combat, et avec des saveurs très 90’s, il présente aussi des références au Rap américain de cette même époque, grâce au flow de son frontman. Mais pourtant, c’est bel et bien un fougueux HxC qui domine les débats avec rage et conviction (« Contender », « Silent Ones », « Final Pulse », « They Don’t Send Teir Own Kids », « The Last Judgement », « Black Angel »). Frais et terriblement sincère, « Wargame As DNA » est un choc… positif et salvateur !
En jouant sur le contraste des émotions avec une telle dextérité et beaucoup d’imagination, APOTHEUS passé le cap des 15 ans d’existence avec panache. Avec un Metal Progressif balayant un spectre très large, les Lusitaniens évoluent dans un cadre Sci-Fi, où ils multiplient les expérimentations entre climats cinématiques et fulgurances intenses et furieuses, offrant à « Ergo Atlas » un relief étonnant.
APOTHEUS
« Ergo Atlas »
(Black Lion Records)
Depuis le début de l’année, APOTHEUS distille au compte-goutte les morceaux de son nouvel album et les plus curieux ont déjà pu découvrir « Shape And Geometry », « The Unification Project », « Firewall » et « Cogito ». Si ces quatre singles donnent une bonne idée et un avant-goût copieux d’« Ergo Atlas », ce troisième opus des Portugais mérite d’être écouté dans son intégralité. Et puisqu’il s’agit de la suite de « The Far Star », un petit détour par son prédécesseur s’impose donc.
Inspiré par l’œuvre de l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov, APOTHEUS propose un Metal Progressif où il joue sur les atmosphères, tout en assénant de violents passages souvent growlés. Cependant, le quatuor met aussi en exergue des titres aux mélodies subtiles et accrocheuses. C’est donc dans un univers très futuriste que nous propulse le combo et sa musique est parfaitement au diapason des ambiances explorées. « Ergo Atlas » devient rapidement immersif.
Sur une production moderne et massive, APOTHEUS se montre très aérien et développe des thèmes techniques et exigeants, avant de s’engouffrer l’instant suivant dans des envolées fracassantes et très Groove Metal. Entre un registre accessible et harmonieux et des crescendos flirtant avec un style extrême, « Ergo Atlas » est un disque plein de surprises et très maîtrisé par des musiciens créatifs et dynamiques (« March Of Redemption », « Re-Union », « Re-Genesis »). Transcendant.
Affichant une insolente maturité trois ans seulement après sa création, SMOKEHEADS devrait sans mal se faire une belle place sur la scène hexagonale. En effet, l’Alternative Metal du quatuor marie la puissance du genre avec des touches Stoner très Heavy et des mélodies entêtantes. Après l’EP « Never Pick My Pickles ! », les Français viennent de sortir leur premier album, « All In », irrésistible d’un bout à l’autre. En attendant de prendre la route pour le défendre, David Zamora, guitariste et chanteur, nous parle de cette belle aventure et des envies du combo. Entretien.
– Il y a deux ans, on vous découvrait avec l’EP, « Never Pick My Pickles ! » et vous voici de retour avec « All In », votre premier album. Que s’est-il passé durant ce laps de temps et, avec le recul, pensez-vous qu’un format court était une étape nécessaire pour SMOKEHEADS ?
Ces deux ans sont passés très vite… j’ai presque du mal à y croire. Il s’est passé pas mal de choses en fait. Etant donné que nous ne sommes pas des musiciens pros, nous avons dû intégrer beaucoup de choses dans nos calendriers privés. Toute la partie composition et enregistrement des maquettes nous a pris beaucoup de temps. Il a aussi fallu faire des sessions d’écoutes individuelles, puis en groupe, pour parler de ce qui nous plaisait ou pas, puis faire des retouches régulièrement jusqu’à trouver la bonne formule avant l’enregistrement définitif. C’est très chronophage, quand on y repense.
A la base, nous voulions sortir un EP uniquement pour le publier sous forme numérique. Le but était d’avoir un support pour pouvoir démarcher pour les concerts. L’accueil qui a été réservé à l’EP nous a fait du bien et nous a conforté quant à la direction que nous voulions faire prendre à notre musique. Aujourd’hui oui, nous pouvons dire qu’il s’agissait d’une étape nécessaire.
– En France, et même si on en écoute, l’Alternative Metal est loin d’être entré dans les mœurs et on compte finalement très peu de groupes. Comment y êtes-vous venus, même s’il y a aussi une forte connotation Stoner chez vous ?
Je suis le dernier membre du groupe à être arrivé. Quand j’ai rejoint SMOKEHEADS, il était prévu que je sois uniquement chanteur. A ce moment-là, nous étions cinq. Il n’y avait pas encore de morceau vraiment écrit. L’un des guitaristes en place s’est effacé, j’ai donc repris la guitare et c’est à ce moment-là que nous avons commencé à vraiment parler de direction musicale. Chaque membre du groupe a ses propres influences.
Peu de temps avant, je jouais encore dans un groupe de Thrash Death. Les écarts d’âge sont aussi importants. J’ai 18 ans de moins que le plus âgé du groupe… et je ne dirai pas qui c’est ! (rires). Il a donc fallu se trouver des influences communes. On a passé pas mal de temps à écouter les groupes que nous aimions et nos premières compos sont devenues un mélange de tout ça. Nous voulions tous sortir de notre ‘zone de confort’, et c’est ce que nous avons réussir à faire. Certains en allant plus vers le côté Metal et d’autre comme moi en allant plus vers le côté mélodique. Mais pour finir, je crois que nous y avons tous trouvé notre compte, parce nous croyons tous à ce que nous faisons … à fond ! Il n’y pas eu de moment, où nous nous sommes dit que le Metal Alternatif serait le style que nous ferions, c’est venu naturellement. C’est vraiment un mélange de tous les styles que nous aimons tous comme le Progressif, le Stoner, l’Indus, le Symphonique…
– Sur « All In », on retrouve les morceaux de « Never Pick My Pickles ! », ce qui est une très bonne chose, car cela permet de ne rien manquer. Pourquoi avez-vous décidé de les inclure, même s’ils se fondent naturellement dans l’album ?
Au moment où nous avons sorti « Never Prick My Pickles ! », nous avions déjà des morceaux de « All in » en cours d’enregistrement ou de composition. C’était donc plus ou moins le même processus et le même état d’esprit. Cela nous a paru naturel de remettre les morceaux de l’EP dans l’album. C’est aussi pour ça qu’ils se fondent aussi bien, je pense.
– Justement, l’album montre une belle unité tant musicale que sonore. En incluant l’EP, vous êtes-vous calqués sur la production de votre premier effort, ou avez-vous dû aligner l’ensemble en remixant les morceaux, notamment ?
Au départ, avec « Never Prick My Pickles ! », l’idée était surtout d’avoir du matériel à présenter pour de futurs concerts. C’était vraiment les premiers morceaux que nous avions composés en tant que SMOKEHEADS et nous enregistrons tout nous-mêmes. Lorsque nous avons commencé à enregistrer « All in », nous étions exactement dans le même processus de ‘construction’ de nos chansons. Nous avons donc continué à fonctionner exactement de la même manière. La différence entre les quatre premiers morceaux et les suivants se situe plus dans les arrangements puisque, pendant les premiers enregistrements, nous avons beaucoup appris. Nous avons donc fait évoluer nos techniques. Au moment du mixage, nous avons décidé de rester dans la même dynamique et avec l’ingé-son, qui avait déjà fait l’EP. Nous avons juste remasterisé légèrement les premiers titres pour que tout soit au même niveau.
– SMOKEHEADS propose un style direct et massif où les mélodies sont très présentes également. Il semble y avoir un tel souci d’efficacité que vous ne laissez rien au hasard. Pourtant, vos morceaux sont loin d’être formatés et sont même assez longs. Quel est votre processus d’écriture car, finalement, certains titres peuvent très bien se prêter à de savoureuses jams ?
Pour « Never Prick My Pickles ! », nous avions commencé l’écriture avant le Covid. Nous étions encore dans le format classique de composition, je dirais. David Carmona (guitariste – NDR) ou moi-même, ramenions des idées de riffs ou des petites maquettes en répétition et nous faisions des tests en faisant parfois des ‘jams’ justement. Ensuite, quand nous nous sommes retrouvés confinés, nous avons continué à chercher des idées chacun de notre côté, mais en allant beaucoup plus loin. Les maquettes ont commencé à être beaucoup plus abouties avec l’écriture de morceaux complets.
Pour finir, c’est ce processus-là qui a été retenu. Cela nous permet désormais d’avoir une vue d’ensemble du morceau et de pouvoir le torturer à l’envie. Ensuite, nous retournons chez nous pour faire les changements décidés, ou alors nous les faisons ensemble, mais en mode studio. Cela nous permet de pouvoir prendre plus de recul. Nous pouvons laisser de côté un morceau et revenir dessus plus tard sans risquer de s’en lasser rapidement. Cela nous permet de le laisser mûrir jusqu’à trouver le bon arrangement, ou faire une modification sur un passage où nous buttions.
– Il y a une base et une énergie très Rock sur « All In », même si le Metal domine. Comme je le disais plus haut, il y a des touches de Stoner et même quelques sonorités Grunge. L’ensemble sonne très actuel et pourtant, vous ne faites pas appel à des samples et vous ne prenez pas de direction Nu Metal ou MetalCore comme beaucoup. C’est dans un esprit d’authenticité, ou plus simplement parce que vous ne vous reconnaissez pas dans cette branche de l’Alternative Metal ?
Comme je te le disais plus haut aussi, nous avons tous des influences très diverses, mais c’est vrai que Nu Metal et le MetalCore n’en font pas vraiment partie, même s’il nous arrive d’en écouter. Nous avons tout de même intégré des claviers ou des arrangements classiques. Notre style s’est construit assez naturellement au fil des compositions. Pour certains morceaux, ils n’ont jamais réussi à dépasser le stade de maquette, parce qu’ils ne sont pas dans l’esprit que le groupe s’est construit inconsciemment. La sélection s’est faite très naturellement. Je pense que nous n’avons pas non plus cherché à éviter les styles. Dans certains cas, il m’arrive d’avoir envie de faire un morceau à la façon de certains groupes, mais de finir complètement à l’opposé. A un moment donné, lorsqu’il a fallu définir quel musique nous faisions, nous n’avons pas su nous-mêmes le trouver ! (Rires) Je pense que le Metal Alternatif nous va bien, parce que c’est finalement un croisement de différents courants. Nous avons la chance d’évoluer dans un registre musical tellement riche !
– Lorsqu’on écoute vos morceaux, trois choses retiennent l’attention : les riffs, les lignes vocales et le groove, qui est omniprésent. Sur quelles bases partez-vous pour construire vos titres ? La voix ou plutôt la guitare, qui tient une place prépondérante ?
Les guitares sont quasiment toujours ‘la’ base de départ. Les claviers peuvent également l’être aussi. C’est toujours la voix qui arrive en dernier. Nous passons beaucoup de temps avec Phil (Brarda, batteur – NDR) à écrire les textes et à chercher les lignes de voix. Pour certains morceaux, nous avons dû passer par 4 ou 5 enregistrements différents avant de trouver la bonne ligne, les bons placements et le bon texte. Cela peut prendre facilement jusqu’à trois mois de travail. Pour d’autres titres, les lignes sont arrivées comme des évidences, il n’a fallu que quelques retouches et nous étions tous d’accord. Je dirais qu’en moyenne, la répartition est de 40% pour les guitares, 40% pour les voix et 20% pour le reste.
– Vous avez la chance d’être situés au croisement de la France, de la Suisse et de l’Allemagne, ce qui multiplie les opportunités de concert. De quelle manière comptez-vous procéder ? Car si nul n’est prophète en son pays, le public allemand et helvète est peut-être plus réceptif à l’Alternative Metal que le français, non ?
Très bonne question ! J’avoue que nous ne nous la sommes pas vraiment posé. Nous sommes beaucoup plus proches de la Suisse que de l’Allemagne. Alain (Zahno, bassiste – NDR) est de nationalité suisse et il y vit également. Naturellement, nous allons chercher des contacts et des concerts de l’autre côté de la frontière. Nous avons déjà des contacts avec des organisateurs helvètes, et ce sera avec plaisir que nous irons nous y produire si nous recevons des propositions. Nous avons aussi très envie de jouer en France. D’ailleurs, nous avons envie de jouer partout ! (Rires). Nous sommes encore un très jeune groupe et le peu de concerts que nous avons eu l’occasion de donner étaient en France. Le public nous a très bien accueilli et était très réceptif. Nous avons bon espoir de recevoir un accueil identique ailleurs en France, et nous espérons que le public sera au rendez-vous avec le même enthousiasme.
– Enfin, à quoi allez-vous vous atteler à court et à moyen termes ? La promotion de « All In » et/ou vous produire le plus possible, car un tel album mérite d’être défendu sur scène, tant il déborde d’énergie ?
Notre but est bien sûr de chercher des dates de concerts partout, justement pour pouvoir promouvoir notre album directement sur scène. Après plus de trois ans à le composer, il est temps maintenant de le défendre et de nous présenter au public en espérant qu’il l’appréciera. Nous sommes aussi déjà dans un processus d’écriture de nouvelles compositions. Quand l’inspiration vient, il ne faut surtout pas se priver. Notre but actuel est d’aller défendre « All in » partout où ce sera possible, tout en composant tranquillement son successeur.
L’album de SMOKEHEADS, « All In », est disponible chez Wormholedeath Records.
Retrouvez aussi les chroniques du premier EP et de l’album :
Toujours bardé de bonnes intentions, l’Alternative Metal de RED n’en est pas moins virulent et très rentre-dedans. Après un peu plus de 20 ans de carrière, « Rated R » est la huitième réalisation du combo et, mené par un Michael Barnes dont la prestation vocale impressionne, elle fait partie de ses meilleures. Les Américains sont toujours au rendez-vous avec une signature musicale et sonore intacte à laquelle ils restent fidèles. Sans déplacer les montagnes, ils assurent avec force.
RED
« Rated R »
(Red Entertainment/The Fuel Music)
J’ai toujours eu une certaine tendresse pour le quatuor du Tennessee que j’ai eu le plaisir de voir sur scène juste après la sortie de « Innocent And Instinct », son deuxième album, au Etats-Unis. RED m’avait fait forte impression et, malgré un succès légitime dans son pays, il n’est pas parvenu à vraiment s’exporter. La faute peut-être à un ancrage dans un Metal/Rock chrétien, qui a toujours peiné à percer hors des frontières américaines. Pourtant, le talent est là et il est indiscutable. Question de ferveur sans doute !
C’est vrai qu’à quelques exceptions près (Stryper, As I Lay Dying, Guardian, P.O.D., August Burn Red ou Demon Hunter), le White Metal reste confiné en Amérique du Nord pour l’essentiel. Mais revenons à RED qui présente donc son huitième album, produit par son guitariste Anthony Armstrong et qui sort sur le label du groupe. Trois ans après « Declaration », nos prêcheurs de Nashville offrent un visage toujours aussi racé, sont techniquement imparables et l’atmosphère globale est cette fois un peu plus sombre.
« Rated R » est très compact (33 minutes seulement), musclé et mélodique. Comme toujours, les riffs sont acérés et tranchants, la rythmique solide et rugueuse et l’ensemble terriblement efficace et accrocheur. RED va à l’essentiel en alternant Metal et Rock sur des textes faisant un bilan assez chaotique de la société. Cela dit, les morceaux sont lumineux, habillement exécutés et bien aidés par une utilisation parcimonieuse de synthés, de chœurs et de cordes (« Surrogates », « The Suffering », « Cold World », « Emergency »). Ardent !
Révélé au début des glorieuses années 90, le trio avait sacrément secoué le petit monde du Metal où tout était encore possible. Son subtil et virulent mix de Metal Indus et de HxC avait rapidement hissé PRONG au rang des formations majeures. Formé par le sonorisateur et le portier du légendaire club new-yorkais ‘CBGB’, le combo faisait la fierté de la côte est. De multiples changements de line-up plus tard et des années 2000 mal négociées, la flamme s’est atténuée et ce nouveau « State Of Emergency » peine à convaincre.
PRONG
« State Of Emergency »
(Steamhammer/SPV)
La nouvelle génération n’aura sûrement aucun mal à se retrouver dans ce nouvel album de PRONG, mais pour les plus anciens (dont je fais partie), ça risque de s’avérer beaucoup plus compliqué. Pour avoir grandi avec « Force Fed », « Beg to Differ », « Prove You Wrong » et le génial « Cleansing », il est difficile de se reconnaître et de suivre le groupe dans sa nouvelle approche musicale, tant il s’est éloigné de son style d’origine, celui qui a fait sa touche, sa renommée et avec lequel il a acquis son statut de précurseur en bougeant les curseurs dans tous les sens avec une précision chirurgicale.
Car il faut avoir à l’esprit que PRONG est la réunion de trois New-yorkais survoltés, dont le Metal avant-gardiste dans son registre originel mêlait avec une facilité très naturelle le Hard-Core, l’Indus dans un Metal au groove puissant et massif. De la formation du début, il ne reste que Tommy Victor, guitariste et chanteur. Si le leader tient toujours la baraque, on est loin du son si particulier d’antan. C’est vrai aussi que quelques décennies se sont écoulées et c’est sûrement aussi ce qui explique les virages amorcés depuis.
Le frontman est aujourd’hui partagé entre PRONG et Danzig et cela confirme l’impression que l’implication n’est plus la même. Sur l’essentiel de « State Of Emergency », les riffs si reconnaissables sont toujours présents, la voix de Victor est très changeante, mais toujours identifiable, mais pour le reste, c’est un peu le flou. Si la première partie de ce treizième opus envoie du lourd (« The Descent », « State Of Emergency », « Non-Existence » « Light Turns Black »), on note un gigantesque trou d’air entre « Obeisance » et « Compliant » avant de se reprendre sur un « Back (NYC) » plus HxC. Très mitigé.