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An’Hedonya : entre brume et halos [Interview]

Composé de Marie Soler au chant, Fred Martin à la guitare et Thibaut Gérard à la basse, AN’HEDONYA signe son premier album dans un univers Dark/Folk aux contours progressifs et l’ensemble est particulièrement bien réalisé. Autoproduit, « Ill’usions » affiche des morceaux originaux et dans un registre assez rare dans l’hexagone. Le trio montpelliérain navigue dans des atmosphères sombres aux saveurs Metal et Rock, et il n’en fallait pas plus pour leur poser quelques questions, alors que le groupe fait son entrée sur la scène française.

– Si vous n’êtes pas vraiment des inconnus sur la scène héraultaise pour avoir joué au sein de Gholes, Reaching Nothingness, Kalasia ou Eyeless, j’aimerais que vous reveniez sur la création d’AN’HEDONYA. Qu’est-ce qui vous a poussé à monter le groupe ?

L’idée est partie de petits concerts que nous avons donnés, (Marie et Fred – NDR), dans un cadre privé, où nous reprenions quelques morceaux de Metal et autres, à la sauce guitare acoustique/chant. Nous nous sommes dit : ‘Tiens, pourquoi ne pas élaborer un projet sous cette formule ?’ Nos racines sont bien sûr métalliques, cependant, on peut s’apercevoir aujourd’hui avec les nombreuses ‘covers’ qui circulent sur le net, que le Metal peut être interprété par beaucoup d’instruments différents, y compris les plus inattendus… De plus, il existe déjà quelques albums entièrement acoustiques, qui font pourtant bien partie de la sphère Metal, ou encore des groupes qui intègrent ce type de son à 80% de leur musique. Je pense, par exemple, à l’album « Kveldssanger » d’Ulver, ou encore à des groupes comme Empyrium, etc. L’envie de départ de ce projet était aussi de pouvoir faire des concerts dans les pubs, les petites salles, quelques chose d’intimiste et d’atmosphérique.

– Est-ce qu’avec AN’HEDONYA, vous pouvez enfin explorer d’autres sphères musicales, et vous exprimer dans des registres que vos autres formations ne vous permettaient pas ?

C’est précisément l’idée ! Ce projet ne devait pas être redondant par rapport à nos autres activités musicales. Il n’aurait pas eu d’intérêt, ou de valeur ajoutée. Avec cette formule, il nous est permis d’aborder les choses sous des angles différents, et donc d’élargir nos horizons. Et puis, cela nous permet aussi de partager notre musique avec nos proches (famille, amis), parmi ceux qui ne sont habituellement pas trop sensibles lorsqu’il s’agit de Metal Extrême, et tout en gardant notre identité musicale.

– Dès le départ, vous m’avez dit vous inspirer d’Opeth, Anneke van Giersbergen et plus étonnamment des albums « Damnation » d’Opeth et « Dethroned & Uncrowned » de Katatonia, ce qui n’est pas si courant. Pour avoir réécouté ces deux derniers albums, on y trouve des similitudes, c’est vrai. En quoi sont-ils si importants pour vous ? Ce sont les atmosphères, les ambiances surtout, ou plutôt l’écriture et la structure des morceaux ?

Marie : Anneke van Giersbergen est pour moi une grande chanteuse, son timbre, sa voix cristalline associée à sa technique me touche particulièrement, je m’en inspire malgré moi. Car quand tu écoutes beaucoup, et depuis longtemps, un artiste, il t’inspire forcément. Il en est de même pour Katatonia que nous écoutons depuis leurs débuts, « Dethroned & Uncrowned » nous a inspiré dans le sens où c’est cette configuration et cette ambiance que nous voulions pour AN’HEDONYA.

Fred : L’album de Katatonia « Dethroned & Uncrowned » est un peu particulier, car il s’agit d’une réinterprétation d’un de leurs albums classiques, c’est-à-dire ‘avec des guitares électriques’, « Dead End Kings », d’une manière acoustique. Mais lorsqu’on entend ces morceaux même sans connaître leur pendant saturé, on en imagine sans peine la version électrisée. C’est un peu l’idée d’AN’HEDONYA : ce sont des morceaux acoustiques, mais on pourrait tout à fait les transformer en morceaux Metal plus traditionnels, car ils en ont l’essence.

Pour le cas d’Opeth, l’album « Damnation » met en avant les aspects les plus atmosphériques de leur musique, contrairement à « Deliverance » qui se concentre plus sur la partie Death Metal. Habituellement, ces deux facettes sont davantage mêlées dans un même album, ce qui nous a donné des monuments tels que « Blackwater Park » et « Still Life », mais cette fois-là, ils ont ressenti le besoin de ‘séparer’  les deux aspects. L’album « Damnation » est ainsi né et le résultat est tout simplement magnifique. Ce qui nous a attiré dans ces albums sont en effet les atmosphères et les ambiances qui en ressortent.

– Pour ce premier album, vous avez donc décidé d’évoluer dans un registre acoustique, mais complet dans votre formation, à savoir avec basse et batterie. C’était un choix naturel pour vous, ou la passerelle indispensable avant de franchir un nouveau palier, peut-être plus électrique, moins Rock et plus Metal, par exemple ?

L’idée était bel et bien de proposer une musique avec des guitares acoustiques, mais aux sonorités Rock/Metal. Donc l’appui rythmique se devait de conserver un minimum de puissance, notamment avec la batterie. Cette configuration nous est venue naturellement, lorsque nous composions. A priori, la formule devrait perdurer ainsi, mais il n’est pas impossible qu’un jour, nous ayons une variante ‘électrique’ d’un de nos morceaux, ce serait un effet miroir intéressant par rapport aux groupes qui proposent en morceau bonus, l’un de leur tube en version acoustique…

– Pour « Ill’usions », vous avez fait appel à Brett Caldas-Lima (Ayreon, Cynic, Hypno5e) pour le mix et le mastering, ainsi qu’à Léo Margarit (Pain Of salvation) pour la batterie. Pour un premier album, ce sont des choix importants et conséquents. Vous teniez à mettre dès le départ tous les atouts de votre côté et la barre très haute, car la production est assez incroyable ?

Merci pour le compliment ! Brett est un ami de longue date et nous connaissons la qualité de son travail. Il était donc logique de faire appel à ses services pour le mixage et le mastering de l’album. Il nous a aussi beaucoup guidés lors des phases d’enregistrement. Comme nous avions aussi besoin d’un batteur, il nous a mis en relation avec Léo qui a accepté de participer à l’album et a enregistré ses parties de batterie depuis la Suède. En plus de son talent de musicien, c’est un mec très sympa, nous avons eu beaucoup de chance, c’était un plaisir de collaborer avec lui. On peut dire qu’ils ont tous deux apporté une autre dimension aux morceaux et nous avons partagé de beaux moments musicaux et amicaux. Nous sommes aussi très contents d’avoir la voix de Brett sur le morceau « Purple Death », qui apporte indéniablement un côté Metal, pour le coup !

– La sortie de « Ill’usions » se fait en autoproduction. Il va vous servir de carte de visite auprès des labels, ou est-ce par volonté d’indépendance, comme beaucoup d’artistes aujourd’hui d’ailleurs ?

Avant la sortie de l’album, nous avons contacté quelques labels et on ne va pas te mentir, les seuls retours que nous avons eus nous ont demandé une contribution financière. Nous avons déjà beaucoup investi dans la production de cet album et nous ne voulons pas payer pour être signés. Si ça plait, nous restons ouverts aux propositions mais de toute façon, l’objectif n’est pas forcément celui-là. Le plus important est de se faire plaisir et de partager notre musique, laisser vivre et voyager cet album. En revanche, nous avons fait appel à Inouïe Distribution pour la diffusion numérique sur les plateformes de streaming, qui a fait un super travail à ce niveau. Et il s’agit d’une boîte française, ce qui ne gâche rien ! Pour obtenir l’album en version CD, il faut donc s’adresser directement à nous, ou par le biais de notre page Bandcamp (lien ci-dessous – NDR).

– Avant de parler du morceau « Le Cri du Vent », on note aussi sur l’album beaucoup de sonorités celtiques, vocalement surtout. C’est une musique qui vous inspire aussi, ou c’est juste le simple fait du hasard ?

Marie : Non, ce n’est pas le hasard, c’est plutôt naturel puisque je suis d’origine bretonne et je passe énormément de temps là-bas depuis que je suis née. C’est d’ailleurs ce qui m’a inspiré l’écriture du morceau « Pen Lan ». C’est un lieu où je vais depuis toujours, mon repaire, mon havre de paix, l’endroit où je me sens le mieux et où j’écris et je chante seule, sur les rochers, en harmonie avec les éléments qui m’entourent.

Même si je ne réfléchis pas quand je chante à obtenir tel ou tel type de sonorité ou de style, avoir toujours écouté de la musique celtique, traditionnelle ou non, a forcément influencé ma manière de placer et moduler ma voix.

– Justement, « Le Cri du Vent » est le seul morceau chanté en français. Pourquoi ce choix et y en aura-t-il d’autres ? Ça vous parait naturel de vous exprimer dans votre langue maternelle autant qu’en anglais ?

Marie : Nous ne nous interdisons rien. Alors, pourquoi pas un morceau écrit dans notre langue ? Ce n’est, en effet, pas pareil d’écrire et de chanter en anglais ou en français. Si l’anglais sonne plus ‘facilement’ dans la musique Rock ou Metal, le français lui, demande plus de rigueur dans l’écriture, comme un poème, avec des rimes… J’ai écrit ce texte en dix minutes environ, pendant le confinement, en écoutant le silence et il m’a plu comme ça. À chanter, c’est différent aussi mais je ne pourrai pas te dire si je préfère chanter dans une langue ou dans l’autre, j’aime les deux. J’ai aussi pensé à Lacuna Coil, qui a quelques excellents titres en italien, leur langue maternelle. Ça m’a convaincu d’intégrer « Le Cri du vent » pour clôturer l’album.

– Enfin, on note la présence de la cornemuse de Pierre Delaporte sur ce dernier morceau. Est-ce que c’est une habitude que vous instaurerez à l’avenir ? Et puis, on revient à nouveau dans des sonorités celtiques au-delà de la voix…

Marie : Il n’était pas pensable pour moi de ne pas mettre quelques instruments aux sonorités celtiques dans notre musique, pas pour tous les morceaux. Mais la harpe sur « Pen Lan » exprime la plénitude de ce lieu et la cornemuse sur « Le Cri du Vent » évoque ce dernier élément d’une terre que j’imagine sans vie, où les seuls bruits restants seraient ceux d’un sol qui craque et du vent qui hurle.

Si nous composons un deuxième album, il est certain que nous intègrerons à nouveau des instruments celtiques. Nous aimerions bien, par exemple, inviter le groupe Plantec (groupe Electro Breizh) sur un prochain titre, car j’aime beaucoup l’ambiance qui se dégage de leur musique, surtout en fest-noz, c’est assez incroyable. Et puis, il y a aussi le fait que nous sommes quand même de gros cinéphiles, particulièrement du genre Heroic-fantasy dans lequel on retrouve souvent des sonorités celtes. Nous adorons les énergies qui s’en dégagent. Toutes ces sonorités font partie de notre culture musicale, alors nous les intégrons à nos compos quand cela fait sens.

L’album d’AN’HEDONYA, « Ill’usions », est disponible sur le Bandcamp du groupe : https://anhedonya.bandcamp.com/album/illusions

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Post-Metal post-Rock

Girih : la philosophie de l’épanouissement

Le registre instrumental du trio américain se suffit à lui-même et y poser du chant serait même un sacrilège tant les morceaux de « Ikigai » racontent déjà leurs histoires. Le post-Rock très Metal de GIRIH entre dans une nouvelle dimension avec ces huit nouvelles compositions d’une liberté totale et profonde. Un modèle du genre.  

GIRIH

« Ikigai »

(Dunk! Records/A Thousand Arms Music)

Derrière cette majestueuse pochette se cache (à peine!) un album qui l’est tout autant. Après « Eigengram » sorti en 2018, GIRIH continue de perpétuer son art avec « Ikigai », un deuxième album aussi travaillé et accrocheur que le précédent. Impressionnant de fluidité, le trio pose un style original entre légèreté et puissance, post-Rock et Metal, et avec une souplesse artistique rare.

Tout en progression, les Américains jouent avec les tessitures sonores en alternant les passages délicats et les assauts engendrés par des riffs gigantesques et des rythmiques fulgurantes. D’ailleurs, l’excellent travail effectué par le producteur Mike Maschetto met parfaitement en lumière l’univers torturé de GIRIH en illuminant la chaleur très organique de son jeu.

Dans une évolution et un déroulé très cinématographiques, le groupe du New Jersey manie les émotions avec une précision d’orfèvre et une technique imparable (« The Mirror », « The Key », « The Ring »). La dynamique de l’album varie aussi avec des crescendos incroyables libérant de fortes tensions (« The Sand », « The Hourglass »). GIRIH rend une partition royale.

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Doom Metal Rock

Avatarium : vibrant d’intensité

L’héritage légué par le leader de Candlemass, après trois albums, est entre de très bonnes mains. La guitare de Marcus Jidell, les claviers discrets et pertinents de Daniel Karlsson et la voix très expressive de Jennie-Ann Smith rendent ce « Death, Where Is Your Sting » d’une poésie ténébreuse au style singulier et troublant. AVATARIUM entre dans une ère nouvelle.

AVATARIUM

« Death Where Is Your Sting »

(AFM Records)

Imaginé et mis en œuvre par le grand Leif Edling de Candlemass, désireux d’explorer d’autres voies doomesques, AVATARIUM sort son deuxième album sans son créateur, et c’est probablement le meilleur des Suédois à ce jour. Toujours aussi Doom dans l’esprit, « Death, Where Is Your Sting » navigue entre Rock et Metal dans des sphères plus progressives et une conception plus théâtrale qu’auparavant.

Finement produit par son guitariste et co-fondateur Marcus Jidell, qui a aussi travaillé pour Soen et Evergrey notamment, ce cinquième opus est resplendissent à bien des égards. Forcément très cérébral, AVATARIUM ne s’enferme pas pour autant dans une intellectualisation de son style, qui reste aéré, très élégant et aussi sensible que percutant. Sombre et pesant, « Death, Where Is Your Sting » affiche aussi une troublante poésie.

Sur des structures mélodiques de toute beauté, les arrangements des morceaux sont étincelants, au même titre que la prestation de Jennie-Ann Smith. D’une grâce absolue, la chanteuse a écrit les textes et les fait vivre d’une manière exceptionnelle (« Stockhölm », « Mother, Can You Hear Me Now », « Psalm For The Living », « God Is Silent »). AVATARIUM libère et incarne le futur du Doom Rock.

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International Rock Progressif

Imaginaerium : renaissance symphonique [Interview]

Ultime projet d’Eric Bouillette (Nine Skies, Solace Supplice), IMAGINAERIUM est né de sa complicité et de son travail avec la chanteuse italienne Laura Piazzai et le multi-instrumentiste anglais Clive Nolan. Une partition qui ne se limite pas au trio, puisque « The Rise Of Medici » regroupe pas moins de neuf musiciens, chanteuses et chanteurs. En immersion dans l’Italie du XVème siècle, l’album-concept narre la montée au pouvoir de la famille Médicis dans un style progressif et symphonique de haute volée. Ambitieux, théâtral et très Rock, le style affiché met en lumière une démarche artistique assez unique et menée de main de maître. Malgré la récente disparition d’Eric, « The Rise Of Medici » vient de sortir et rayonne déjà de toute part. Particulièrement intense et riche en émotion de toutes sortes, l’album invite à la rêverie et pique forcément aussi la curiosité. Entretien avec Laura Piazzai et Clive Nolan.

– Tout d’abord, la première question qui me vient à l’esprit est d’avoir votre sentiment sur la sortie de cet album, car elle est très particulière. IMAGINAERIUM est aussi et surtout le projet d’Eric Bouillette, dont la disparition nous a tous bouleversé. Dans quel état d’esprit êtes-vous tous les deux ? C’est un album doublement chargé en émotion…

Clive : En effet, c’est tellement triste qu’Eric n’ait pu voir son projet sortir sur un format physique. Mais il a au moins pu entendre l’album terminé et il était très satisfait du résultat. Néanmoins, j’ai un sentiment positif sur cet album, je pense qu’il nous réserve de bonnes choses !

Laura : Cet album a commencé avec Eric et il a été comme un rêve pour nous tous. Ce projet a été façonné par l’enthousiasme, des sentiments heureux et d’amitié avec uniquement des ondes positives. Quand vous perdez l’un de vos piliers de manière aussi dramatique, bien sûr, vous vous sentez perdus au début. Mais immédiatement après, il faut repartir de l’avant et se concentrer encore plus profondément sur ce qui doit être fait. Dans un grand projet comme celui-ci, il n’est pas toujours facile de gérer ‘l’après’, mais c’est ce que nous faisons aujourd’hui avec le groupe fantastique que nous avons créé. Il est extrêmement important pour nous de continuer ce qu’Eric a commencé et nous vous promettons que ce n’est que le début, comme il l’avait dit lui-même. Le pire pour moi, et pour nous tous, c’est qu’Eric n’a pas pu tenir l’album entre ses mains, mais je sais qu’il nous regarde et je sens qu’il sourit où qu’il soit maintenant et son incroyable esprit sera toujours avec nous. Nous ne l’oublierons jamais.

– Clive, tu as enregistré et composé l’album avec Eric. Comment vous êtes-vous répartis les rôles et, outre l’aspect musical, est-ce que des recherches historiques approfondies ont été nécessaires pour l’écriture de cette fresque qui dépasse même la fiction ?

Une fois que j’ai rejoint le projet, j’ai fait quelques recherches pour avoir une idée de l’histoire des Médicis. J’ai tout de suite compris que je devais me concentrer sur les origines de leur montée au pouvoir. Ensuite, j’ai écrit un concept pour l’album et je l’ai présenté à Eric. Il a aimé, alors j’ai commencé à considérer d’autres aspects comme le nombre de chanteurs et le format orchestral. Eric avait écrit six morceaux et cinq ont été retenus, puis j’ai écrit le reste. Ca a vraiment été un processus assez facile et la musique est venue toute seule.

– « The Rise Of Medici » retrace plusieurs épisodes de la vie de Cosimo et Contessina de Medici au XVème siècle. Est-ce qu’au début du travail d’écriture, tu avais déjà en tête quels artistes endosseraient le rôle des principaux protagonistes, car il y a un aspect théâtral qui rend l’exercice très particulier ?

Laura tenait déjà le chant principal et j’ai suggéré Andy et Elena. Je n’avais pas vraiment l’intention d’être le quatrième chanteur, mais l’idée de jouer le ‘méchant’ était plutôt attrayante, alors j’ai finalement endossé le rôle. Une fois que le choix des chanteurs était établi, il a été plus facile de créer leurs parties vocales.

– Laura, tu es aussi à l’origine de la création du groupe. En tant qu’Italienne, j’imagine que cette histoire te touche et te concerne encore plus. Quelle a été ton implication au cœur de ce concept, et as-tu fait quelques prospections sur le personnage de ton côté, afin de mieux l’incarner ?

Eh bien, en tant qu’italienne, j’aime l’art et l’Histoire de mon pays et l’idée de les mettre en musique m’a complètement captivé. Pour mon interprétation, j’ai beaucoup lu sur Contessina De Bardi, mais je me suis davantage intéressée à elle en imaginant ses pensées, ses sentiments et ses émotions, et en prenant en compte toutes les responsabilités et les devoirs qu’elle portait sur ses épaules. Je voulais donner du sens à sa part de vulnérabilité et à sa fragilité, mais surtout donner de l’énergie, afin de représenter la force de sa position au sein de la famille. J’ai un peu créé ma propre Contessina, comme j’imagine qu’elle aurait pu être et j’espère lui avoir rendu justice.

– Au-delà du chant, il y a un véritable jeu, presque d’acteur, dans ton interprétation. Est-ce qu’IMAGINAERIUM t’a aussi permis d’explorer d’autres facettes de ton travail et qui ont d’ailleurs peut-être été révélatrices de nouvelles envies artistiques ?

Merci pour cette belle question ! Oui, c’est un album-concept qui demande plus que des compétences vocales, et tu as raison quand tu dis que derrière le personnage il y a une sorte de jeu d’acteur. Pour que les auditeurs plongent dans l’histoire, il faut la faire vivre et laisser le toucher du doigt le personnage. Il doit avoir la sensation de presque ‘voir’ ce qu’il écoute. C’est la raison pour laquelle Clive a eu l’idée de ces trois voix avec de grandes personnalités. Je pense qu’avec sa musique et avec « The Rise of Medici », j’ai montré que je pouvais évoluer dans différents registres. A chaque fois que je commence quelque chose de nouveau, c’est toujours une aventure pour moi et j’y mets tout mon cœur et ma passion. J’essaie toujours de proposer des choses nouvelles dans chaque projet. J’adore explorer de nouvelles directions avec ma voix et découvrir d’autres possibilités.

– Clive, lorsqu’on écoute l’album, on se rend compte de l’incroyable travail effectué au niveau de la composition, des arrangements et de la production. Comment est-ce qu’on aborde ce genre de projet si ambitieux ? Quel est le point de départ en dehors de la trame narrative principale ?

Dans ce cas, c’était facile… J’ai juste rebondi sur le matériel de départ qu’Eric avait fait. Une fois que j’ai vu ce qu’il essayait de réaliser, je suis parti de là. Je savais que ça devait être mélodique et épique, alors c’est ce que j’ai tenté de faire ! Avec toutes les orchestrations et les chœurs, ainsi que le groupe et les chanteurs, c’était tout un défi à relever…

– A l’écoute de « The Rise Of Medici », on se rend compte de la très grande richesse musicale qu’il contient. On te retrouve dans ton univers progressif bien sûr, dans lequel viennent s’intégrer des éléments symphoniques, Rock et même un peu Heavy dans les guitares, mais aussi des aspects très théâtraux et d’autres plus médiévaux en rapport avec l’époque de l’histoire. Pour connaître ton travail, IMAGINAERIUM se présente-t-il un peu comme une sorte d’accomplissement artistique ?

J’aime penser que chaque album que je fais est une sorte d’accomplissement, mais ce n’est pas quelque chose sur lequel j’ai tendance à m’attarder. Je suis fier du travail que nous avons tous fait sur « The Rise of Medici » et le résultat est excellent. Il faut maintenant attendre et voir ce que les auditeurs en feront. Il y a déjà de très bonnes critiques.

– Laura, tu partages le chant avec Andy Sears, Elena Vladyuk, Mark Spencer et Clive aussi. Y a-t-il eu un esprit ‘troupe’ comme on peut le retrouver au théâtre notamment, dans le sens où les échanges ont dû être plus nombreux entre vous au fil de cette narration musicale ?

Avec Andy et Clive, cela s’est fait très naturellement. J’aime leur talent d’interprétation et ça a été une chance de pouvoir m’amuser à chanter avec eux. C’était un rêve pour moi d’entendre trois voix très Rock et d’enregistrer ces duos. Avec Elena, c’était différent. J’ai l’impression de la connaître depuis des lustres, mais en fait, nous ne nous sommes jamais rencontrées. Nos voix et nos styles sont si différents, et pourtant l’ensemble fonctionne très bien. C’était vraiment une merveilleuse aventure de chanter avec elle.

– Comme j’ai pu le dire à Eric la première fois que j’ai écouté l’album, c’est qu’on n’est pas dans un registre, ou même un concept, d’Opera Rock ou de comédie musicale. On a plutôt le sentiment d’écouter une histoire du début à la fin et en musique. Le fil conducteur est évident et c’est difficile de prendre l’album en cours. Est-ce que c’est aussi ton impression et surtout l’envie de départ ? Créer une sorte de conte historique musicale ?

Laura : Oui, c’est exactement ce que nous avions compris, lorsque nous avons commencé. Nous voulions simplement qu’il soit épique comme l’histoire qu’il raconte, et symphonique comme la musique qu’on peut entendre. Un immense morceau d’Histoire raconté par quatre voix. Comment traduire ‘Huge’ en musique ? De grandes voix, de grandes orchestrations, un scénario puissant et enfin réussir à inviter le public dans votre vision du concept. Je pense que nous avons réussi. L’auditeur peut fermer les yeux et s’imaginer faire partie de l’histoire. Nous voulions vraiment l’accompagner avec cet album. Et d’ailleurs, la même chose se produit avec le magnifique album bonus.

– Evidemment, quand on écoute « The Rise Of Medici », les images se bousculent et chacun peut visualiser à sa manière le déroulé de l’histoire. Y as-tu pensé aussi au moment de l’écriture, Clive ? Et toi, Laura, as-tu chanté ‘en costume d’époque’ pour ainsi dire sur certains morceaux ?

Clive : Je pense que nous étions très conscients de la période représentée par la musique de l’album. J’aime penser que chaque chanteur s’identifie à un personnage et j’espère que l’auditeur pourra lui aussi vivre cette histoire en écoutant l’album.

Laura : Je vais te décevoir, mais non ! (Rires) Je suis complètement submergée par l’interprétation et j’essaie d’exprimer le mieux possible les sentiments quand je chante. La partie visuelle vient après dans mon esprit.

– Clive, enfin et malgré les tristes évènements récents, conserves-tu dans un coin de la tête le désir de voir un jour IMAGINAERIUM sur scène ? Et dans quelle configuration l’imagines-tu ?

Je pense que cet album fonctionnerait très bien sur scène. Cela pourrait être une production assez somptueuse, car la musique est très forte. Mais je pense aussi qu’elle pourrait fonctionner de manière beaucoup plus basique. Espérons que cela arrivera…

Un grand merci à Laura et Clive et un dernier salut en forme de grand clin d’œil à EricMerci pour tout, mon ami !

L’album d’IMAGINAERIUM, « The Rise Of Medici », est disponible chez Anesthetize Productions : https://linktr.ee/imaginaerium

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International Southern Rock

Robert Jon & The Wreck : la vérité du live [Interview]

Il y a des groupes qu’on ne se lasse jamais d’interviewer. C’est le cas avec ROBERT JON & THE WRECK, qui est présent sur le site depuis sa création. Véritable révélation du Southern Rock depuis quelques années, les Californiens sont littéralement en train de s’imposer et de très belle manière, preuve en est avec sa récente tournée en Europe très réussie. Et l’heure est aussi au changement pour les Américains, qui viennent de signer sur le label de Joe Bonamassa, KTBA Records, avec déjà un premier album attendu l’an prochain. L’occasion de la sortie de « Wreckage Vol.2 » était donc trop belle pour faire un petit point avec le chanteur et guitariste du quatuor, Robert Jon Burrison, sur l’avenir… et pas seulement.

– L’an dernier en chroniquant votre album « Shine A Light On Me Brother », je m’interrogeais sur le fait que vous n’étiez pas encore signés. Et comme je le pressentais un peu, c’est Joe Bonamassa et son label KTBA Records, qui vous ont accueilli. Comment la connexion s’est-elle établie ? Vous aviez déjà des contacts ?

Nous avons rencontré Joe et l’équipe de KTBA lors de la première croisière méditerranéenne ‘Keeping The Blues Alive’ en 2019. Depuis, nous sommes restés en contact et nous avons établi une très bonne relation avec toutes les personnes impliquées dans le label. Nous sommes aujourd’hui ravis pour l’avenir du groupe.

– « Wreckage Vol.2 » ouvre cette nouvelle collaboration et pourtant il ne s’agit pas tout à fait d’un véritable nouvel album. C’est une sorte de cadeau de bienvenu à KTBA Records, une manière de dire : « voilà, nous sommes là ! » ?

« Wreckage Vol.2 » est une collection d’enregistrements, qui comprend cinq nouvelles chansons, quatre autres réenregistrées et une reprise. C’était quelque chose qui était déjà en préparation. Alors maintenant que nous travaillons avec KTBA, nous avons décidé de donner la primeur de la sortie au label.

– A travers les diverses ambiances qui traversent l’album, on a le sentiment, quand on vous connait un peu, qu’il s’agit d’une sorte de carte de visite musicale. Est-ce que c’est comme ça que vous l’avez imaginé et conçu ?

Ce n’était pas notre idée initiale, mais j’aime bien cette façon de voir les choses. « Wreckage Vol. 2 » est une compilation de chansons enregistrées en studio et en concert, que nous avons rassemblées pour faire suite à notre précédent album « Wreckage Vol. 1 ». On avait un vrai désir de partager toutes ces morceaux, car ils n’avaient pas encore trouvé leur place sur disque.

Photo : Adam Kennedy

– Avant d’entrer dans le détail de l’album, le fil conducteur de « Wreckage Vol.2 » réside aussi dans le fait que tous les morceaux sont enregistrés en prises live ou en concert. Ça aussi, c’était important pour vous ? Restituer et montrer toute la spontanéité et le naturel du groupe ?

L’aspect live, que ce soit en studio ou en concert, est venu au fur et à mesure que les choses ont commencé à se faire et prendre forme et que notre musique a évolué aussi. Et nous avons pensé qu’il fallait garder cette idée sur tout le disque. Ça montre vraiment tous les aspects du groupe !

– D’ailleurs, l’album ouvre avec deux chansons enregistrées en juin dernier en Belgique. Pourquoi ce choix avec des enregistrements si récents ?

Ces deux chansons ont été enregistrées au début de l’année dernière. Et elles sont sorties juste avant notre tournée européenne, et nous avons juste décidé de mettre ces versions-là sur l’album pour rester dans cette thématique live.

– « Wreckage Vol.2 » se compose de plusieurs chapitres avec des enregistrements live en Belgique, puis des sessions au Shuffle Brother Studios, au Sunset Sound et enfin durant les DJE sessions en streaming lors de la pandémie. Le choix s’est-il basé sur ces différents moments de l’histoire du groupe ? Et est-ce que la chronologie a été importante pour l’ordre des morceaux ?

En fait, il n’y avait pas véritablement d’ordre chronologique, ni de plan pour faire vivre et alimenter une histoire de quelque manière que ce soit. Il s’agit simplement de chansons que nous avions enregistrées au cours de ces dernières années, que ce soit en studio ou en concert, et que nous voulions juste sortir sur disque.

– L’album est constitué de morceaux récents et d’autres plus anciens, et pourtant il y a beaucoup d’homogénéité et de complémentarité dans la set-list. On peut sentir l’évolution de vos compositions, malgré ces nouvelles versions et de nouveaux arrangements. Vous avez voulu faire une sorte de ‘lifting’ à vos chansons ?

En ce qui concerne certaines chansons plus anciennes, nous les avons réenregistrées en studio, mais en les jouant comme si nous étions sur scène. Forcément, c’est vrai qu’elles ont un peu bougé. Et nous espérons que ce soit dans le bon sens.

– On découvre aussi « Old Hotel Room » et « Dark Roses » dans des styles d’ailleurs assez différents. C’était important aussi d’inclure deux chansons inédites sur « Wreckage Vol.2 », et pas seulement de nouvelles versions de titres déjà connus ?

Oui, ces deux chansons ont été enregistrées et n’ont pourtant jamais trouvé leur place sur un disque ou un autre support. Je pense que c’était le bon moment de les inclure sur l’album, car je pense vraiment que ce sont de très bons morceaux.

– J’aimerais que vous nous disiez aussi un mot sur la reprise « The Weight » du groupe The Band, dont l’original date de 1968 et que vous livrez à travers un filtre très Southern, qui vous ressemble beaucoup. Pourquoi ce titre ? On aurait pu imaginer la reprise d’un classique de Southern Rock…

Nous l’avons enregistré comme ça, à la volée, de manière instantanée. C’est une vieille chanson qui était un incontournable à l’époque où l’on jouait dans les bars pendant trois heures. Alors, quand nous en avons eu l’occasion, nous avons décidé d’enregistrer notre version de cette chanson très populaire et incontournable pour de nombreux groupes. C’est d’ailleurs l’une des seules reprises que nous n’ayons jamais enregistrées.

– Il y a aussi deux très bonnes versions de « Cannonball » et « Witchcraft » avec des enchaînements de solos incroyables. Inévitablement, on pense au légendaire « Freebird » de Lynyrd Skynyrd. Est-ce qu’on peut dire que l’un ou l’autre représente le ‘morceaux signature’ de ROBERT JON & THE WRECK ?

Merci beaucoup. Ces deux morceaux ne sont jamais joués deux fois de la même manière, donc c’était aussi amusant de les capturer sous une nouvelle forme. Les deux titres sont des morceaux instrumentaux originaux que nous ne jouons plus beaucoup en live, mais que nous espérons très bientôt réintégrer à notre setlist.

– Vous avez passé beaucoup de temps en tournée, est-ce que le moment est venu pour vous de vous atteler à l’écriture de votre prochain album ? Vous avez d’ailleurs peut-être déjà commencé ?

Tu sais, nous écrivons tout le temps et nous avons même fait quelques allers-retours en studio très récemment. Nous avons beaucoup de nouveaux morceaux, oui, et ils vont sortir très bientôt ! Alors, soyez prêts !

– Pour rapidement revenir sur « Wreckage Vol.2 », puisque tout est enregistré en live et sur scène, est-ce qu’il représente, ou pourrait représenter, la setlist d’un de vos concerts ?

Je pense qu’il va falloir attendre encore un peu pour voir. Mais la plupart de ces chansons ont déjà fait leur chemin en concert, et il y a donc de fortes chances qu’elles y soient à nouveau.

– Enfin, ce prochain album sera aussi le premier totalement original pour KTBA Records. Comment se passe son enregistrement et sa production, car on sait que Joe Bonamassa et Josh Smith sont toujours très présents aux côtés des artistes du label ?

Nous sommes vraiment ravis de notre prochain album studio. Tout ce que je peux te dire à ce sujet pour le moment, c’est qu’il sortira l’année prochaine, si tout se passe comme prévu.

L’album de ROBERT JON & THE WRECK, « Wreckage Vol. 2 », sorti chez KTBA Records est disponible sur le site du label : https://shop.ktbarecords.com

Et retrouvez toutes les dates du groupe sur son site :

https://robertjonandthewreck.com/pages/tour

Retrouvez la première interview du groupe accordée à Rock’n Force en mars 2021 :

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Blues Rock Classic Rock France

Red Beans & Pepper Sauce : spicy groove [Interview]

Sur un rythme régulier, les Montpelliérains mènent leur carrière sur un train d’enfer. Sept albums en un plus de dix ans et une créativité toujours très prolifique font du quintet l’une des valeurs sûres hexagonales. Son Blues Rock musclé, doublé d’un Classic Rock efficace, fait encore et toujours des merveilles sur « 7 », un nouvel album enlevé et marqué aussi par la performance claire et puissante de sa chanteuse. Entretien avec Laurent Galichon, principal compositeur et guitariste de RED BEANS & PEPPER SAUCE.

– Vous venez de sortie « 7 » qui, comme son nom l’indique, est votre septième album en un peu plus de dix ans. C’est un rythme très soutenu, si on compte en plus les tournées. Comment faites-vous pour être aussi créatifs ?

Personnellement, dès que j’ai une idée, j’essaye de l’enregistrer, que ce soit en chantant dans mon smartphone, ou en jouant de la guitare si je l’ai sous la main. J’archive tout ça et ça me sert de boite à idées, quand il est temps d’écrire de nouveaux morceaux. Après, c’est sûr qu’on a aussi un rythme de travail très soutenu.

– Avec le nombre de concerts que vous donnez, on aurait pu imaginer que « 7 » soit le fruit de longues jams. Or, l’album est très écrit avec des compositions très efficaces. On a presque l’impression que vous gommez le superflu pour n’en garder que l’essentiel, et sans perdre en feeling. C’est votre façon de procéder ?

En fait, on compose à distance, on ne joue pas tous ensemble dans la même pièce. Je commence en général par envoyer aux autres musiciens une maquette, où j’ai joué tous les instruments. Niko intervient en premier sur la batterie, ce qui permet de poser les fondations du morceau et de retravailler les structures. Ensuite, Serge et Pierro ajoutent leurs idées, puis Jessyka travaille le chant à partir des textes et des mélodies que j’ai pu chanter ou jouer à la guitare. On s’envoie de très nombreux fichiers pendant des mois avant d’arriver aux versions définitives. L’avantage de cette méthode, par opposition au travail classique en studio, c’est qu’elle permet aux musiciens de tenter plein de choses, de laisser reposer les idées et de ne garder que le meilleur, le tout sans être dans l’urgence du studio, ni dans les tensions que cela peut engendrer.

– Avant de parler de l’album, vous œuvrez toujours dans un registre entre un Classic Rock racé et un Heavy Blues très Soul. Si on était dans les années 70, dans quel style auriez-vous versé : plutôt Rock/Hard ou Blues nerveux ?

C’est difficile de dire ce qu’on aurait fait dans les 70’s. Parce que ce reviendrait à gommer tout ce qui a pu nous influencer dans les 40 années suivantes. Même si nos bases se situées fins 60’s-début 70’s avec Led Zep, Purple, Hendrix, etc, on a forcément été influencé par ce qui s’est passé après, de Dire Straits à Police en passant par Queen, AC/DC, la vague Rock des 90’s des Nirvana, Soundgarden, la fusion des Red Hot, de RATM, l’Electro Pop de Bjork, etc… Le seul truc dont on peut être sûr, c’est que le blues aurait fait partie de l’histoire. Du blues nerveux, du Hard Blues, du Heavy Blues, on peut y donner le nom qu’on veut, mais pour moi ça revient au même.

– Sur « 7 », vous évoluez toujours en quintet et pourtant pour les compositions, c’est un travail en binôme entre Jessyka Aké et toi. C’est votre manière de gagner en concentration, ou c’est plus simplement la marque de fabrique et la façon de faire du groupe ?

C’est simplement que je propose au groupe des maquettes avec tous les instruments et la mélodie, ce qui fait de moi le compositeur. Ensuite, chacun apporte sa façon de jouer, son instrument. C’est plutôt du travail d’arrangement, car la mélodie, les accords, les riffs et les structures sont déjà là. Parfois la mélodie n’est écrite qu’en partie, voire pas du tout, et dans ces cas-là, Jessyka intervient dans le travail de composition.

– « 7 » est scindé en deux parties, l’une enregistrée chez vous à Montpellier, les ‘Rythm Design Sessions’ et l’autre aux Studios Rockfield au Pays de Galles, sur laquelle on reviendra. La plupart de vos enregistrements a été réalisée au Rythm Design Studio avec votre batteur Niko Sarran. C’est une belle preuve de fidélité et de confiance. Est-ce parce qu’il connait particulièrement bien votre son et donc vos attentes, que c’est très pratique aussi ou parce que d’autres opportunités ne se sont tout simplement pas présentées ?

Niko est un fantastique producteur d’album, c’est lui qui a amené ce son au groupe et cette méthode de travail. Comme il est également le batteur, son travail sur la production s’enclenche dès qu’il commence à imaginer les parties de batterie. C’est donc à lui que j’envoie les maquettes en premier, car la production est pensée dès le début. Et si on décide d’aller dans d’autres studios, il reste malgré tout celui qui travaille sur la production, c’est lui qui sculpte le son.

– Pour la seconde partie, vous êtes donc allés aux légendaires Rockfield Studios au Pays de Galles, là où Black Sabbath, Queen et Led Zeppelin ont laissé leur empreinte. C’était un désir, voire un rêve, que vous nourrissiez depuis longtemps ?

En fait, un peu avant de commencer à travailler sur ce quatrième album que Niko allait produire pour le groupe, on cherchait comment lui donner une couleur différente. Les documentaires de Dave Grohl sur les studios les plus mythiques des USA (‘Sonic Highways’) nous avaient donné cette envie de visiter des studios légendaires, avec une histoire. Et puis, pendant nos réflexions, c’est un autre documentaire, « Le Rock est dans le pré », qui nous a fait découvrir ces studios avec leur histoire assez dingue. On a tout de suite flashé et eu envie d’aller s’isoler quelques jours dans cette ferme de la campagne galloise. Le fait que des artistes qu’on aime y soit passés avant nous donne une dimension incroyable à ce voyage. Pour des amateurs de musique, c’est comme un pèlerinage dans un lieu historique.

– D’ailleurs, vous y faites un beau clin d’œil à Led Zeppelin avec cette superbe reprise de « Rock’n’Roll » dans un esprit très Blues et Soul, et sur un tempo lent et doux. Comment est venue l’idée d’aborder ce standard avec cette approche très délicate par rapport à l’original, qui est très musclé ?

On a tendance à penser que quand on fait une cover, il faut s’éloigner de l’original, sinon ça présente peu d’intérêt. Après, on est partie du principe que comme Led Zep avait fait ce titre pour rendre hommages à ses idoles des années Rock’n’Roll, on allait remonter encore un peu plus dans le temps à le ramenant aux fondateurs du Blues. Alors évidement, Led Zep n’a pas joué ce titre comme l’aurait fait un Little Richard, mais il s’en est inspiré pour le faire à sa façon. On en a fait de même, on n’essaye pas de jouer comme l’aurait fait Muddy Waters, on s’en inspire et on l’a fait à notre sauce.

– Au niveau du son aussi et de la production, on vous découvre sous un angle nouveau avec trois morceaux plus ronds et aussi plus feutrés. Est-ce que vous avez travaillé différemment ces titres, sachant qu’ils seraient enregistrés aux Rockfield ?

Le processus de composition est resté le même, mais c’est la méthode d’enregistrement qui est complètement différente. Dans ce studio qui baigne dans son jus depuis les 70’s avec du matériel vintage, comme la légendaire table de mixage Neve de 74, on a voulu enregistrer dans les mêmes conditions, ou presque, qu’à l’époque c’est-à-dire en jouant ‘live’ tous ensemble. Ensuite, en post-production, Niko a souhaité conserver cette patine vintage. On a d’ailleurs utilisé pour les réverbes les fameuses rooms du Rockfield. Des pièces vides et hermétiques à l’acoustique travaillée, où on envoie du son via un haut-parleur et qu’on enregistre avec des micros dans la pièce. Entre ça, la Neve, les préampli vintage et les vieux micros, on obtient forcément quelque chose de plus ancien, de plus rond et c’est exactement ce qu’on voulait faire. D’où le fait qu’il y ait deux CD pour bien mettre en valeur ce contraste entre la prod’ moderne et puissante du Rythm Studio et la chaleur vintage du Rockfield.

– Est-ce cette expérience galloise vous a donné des idées ? Comme d’y retourner, par exemple ? Et enfin, pourquoi ne pas avoir enregistré l’ensemble de l’album là-bas ?

Je pense qu’on aurait tous envie d’y retourner et d’y rester plus longtemps. La campagne galloise est apaisante et inspirante. Et puis, c’est vraiment chouette de dormir sur place, c’est très confort et on est focus sur la musique. Mais ça reste un sacré budget pour un groupe autoproduit. Il va nous falloir trouver un mécène !

L’album, « 7 », de RED BEANS & PEPPER SAUCE est disponible depuis le 20 septembre chez Crossroads / Socadisc.

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Hard Rock Southern Rock Stoner Rock

Monster Truck : sur le pied de guerre

Ne prendre aucun risque peut garantir de la stabilité, un certain confort voire même prolonger une certaine dynamique, mais peut aussi mener à un cruel manque de créativité. Avec « Warriors », les Canadiens utilisent leur dernier joker. Leur hard Rock teinté de Stoner et de Southern est toujours aussi réjouissant et bastionne à tour de bras sur une production très actuelle, mais ne franchit pas le cap espéré. Un goût d’inachevé.

MONSTER TRUCK

« Warriors »

(BMG)

Si on ne change pas une équipe qui gagne, on peut tout de même s’essayer à quelques changements tactiques. Chez MONSTER TRUCK, le jeu reste identique, seul le line-up a évolué. Jon Harvey (basse, chant), Jeremy Widerman (guitare) et Brandon Bliss (claviers) sont désormais seuls à bord, suite au départ du batteur Steve Kiely. Pourtant « Warriors », à l’inverse du groupe, reste fédérateur et avance comme un seul home.

Entraînant et musclé, ce quatrième album s’écoute tout seul et les titres s’enchaînent pied au plancher. Aucun relâchement sur les dix morceaux et une efficacité qui force même le respect. Certes, MONSTER TRUCK va à l’essentiel, mais quelques variations dans son explosif et massif Hard Rock auraient été plus que bienvenues. Avec une setlist aussi resserrée, on a un peu le sentiment que le combo s’est contenté du service minimum.

La recette est bonne et reste très digeste, c’est vrai. Avec des refrains entêtants, les Canadiens dynamitent leurs titres sur des mélodies hyper-groovy et des riffs surpuissants (« Warriors », « Life Free », « Get My Things & Go »). MONSTER TRUCK fait même quelques clins d’œil à ses voisins de Nickelback (« Golden Woman ») avant de se montrer plus Southern (« Country Livin’ »). Le taff est bien fait … Seul manque juste un petit grain de folie.

Photo : James Heaslip
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Power Rock Rock/Hard

Trust : mélodies assassines

Dans la même veine que les derniers albums, « Propaganda » vient confirmer l’envie du groupe de jouer une musique qui respire et envoûte, mais dont la rage qui l’anime depuis ses débuts reste intacte. Non, TRUST ne vieillit pas mal et n’a pas retourné sa veste. Le groupe rugit encore et toujours, sort les griffes et refuse les concessions pour demeurer créatif et inspiré.

TRUST

« Propaganda »

(Verycords)

Chroniquer un album de TRUST dans notre beau pays, et surtout pour en dire du bien, relève presque de la bravoure. Mais quand on aime : on distribue ! Depuis son ’retour’ avec « Dans Le Même Sang » en 2018, le groupe phare de la scène Rock française divise ses fans de la première heure, restés dans la nostalgie du premier album, de « Répression » ou de « Marche Ou Crève ». Et ça peut même se comprendre. Cependant, Bernie et Nono, eux, ne sont pas restés la tête dans le formol et c’est une chance.

C’est vrai que « Dans le Même Sang », suivi de « Fils de Lutte » l’année suivante, avait montré un autre visage de TRUST, essentiellement musicalement d’ailleurs puisque les textes ont conservé cette verve, cette attaque et ce mordant uniques. Ensuite, « Re-Ci-Div » est venu enfoncer le clou. Mais comment ont-ils pu ? Comment ont-ils osé ? Réinterpréter de tels classiques dans des versions Rock aux ambiances presque bluesy a relevé du sacrilège pour beaucoup. La belle affaire, puisqu’ils sont bons… et surtout à eux !

Ce qu’il faut retenir des dernières productions du groupe, c’est sans doute le fait que tout soit enregistré en condition live et en très peu de temps. Capter ainsi l’instant où la magie opère pour libérer cette énergie et cette spontanéité qui font toute la force de TRUST sur scène. Et c’est très précisément ce que l’on ressent à l’écoute de « Propaganda », douze morceaux instinctifs, solides, calmes aussi et fluides. On ne chasse pas le naturel. Et cette fois encore, c’est le grand Mike Fraser qui a mixé l’ensemble avec le talent qu’on lui connait.

Alors, et si chacun se fera son idée, que faut-il retenir de ce douzième album studio ? Bernie, Nono, Izo Diop, David Jacob et Christian Dupuy ont à nouveau investi les studios ICP près de Bruxelles et on retrouve donc le son des récentes réalisations, entre une chaleur un brin feutrée et des déflagrations brutes. Toujours aussi acérées et tranchantes, les paroles tapent dans le mille, taillent dans le gras et personne n’est épargné. TRUST ne fait pas de prisonniers et c’est même pour ça qu’on l’aime.

Sur une rythmique sans faille, le duo de guitaristes fait des merveilles entre riffs costauds et accrocheurs et des solos aériens, fins et étincelants signés Nono (« Le Jour Se Lèvera », « La Première Pierre », « Petite Elle »). TRUST a beau faire des infidélités à son Hard Rock d’antan, on retrouve sa patte, sa rage et son intensité («  Tout Ce Qui Nous Sépare », « Guerre Lasse », « Rassure tes chiens », « L’Europe des 27 »). Au chant, Bernie se fait moins hurleur ou crieur, mais il reste très vindicatif. Et ses mots résonnent même plus forts, de manière plus incisive encore, car la mélodie domine.

Enfin, avec un titre comme « Propaganda » et de pareilles pochettes (elles sont bien deux !), on pouvait s’attendre à un album très politique, d’autant que l’époque s’y prête encore et toujours. Pourtant, ce nouvel opus revêt un aspect beaucoup plus sociétal dans son contenu. Le constat est même accablant, mais tellement vrai, et Bernie se montre cinglant comme à son habitude (« Salaud d’Pauvre », « Les vagins Impatients », « Dimanche Au Bord Du Gouffre », « Ma Vie »). Peut-être trop contenu musicalement pour certains, TRUST régale encore et se réinvente brillamment. Allez, lâchez les chiens…

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Doom Psych

Lord Of Confusion : une ferveur énigmatique

Saisissant d’effroi, ce premier album du jeune groupe LORD OF CONFUSION lui prédit déjà un bel avenir tant il présente de belles dispositions. Mélodique, épais et torturé, le Psych Doom Metal des portugais est d’une noirceur presque mystique. La voix de sa chanteuse conjuguée aux riffs sabbathiens, à l’implacable rythmique et aux sonorités glaçantes de l’orgue offre à « Evil Mystery » un cachet aussi étrange qu’ensorcelant.  

LORD OF CONFUSION

« Evil Mystery »

(Gruesome Records)

C’est dans un univers plein de mystères que nous plonge LORD OF CONFUSION pour son premier album. Faisant suite au EP « Burnin’ Valley » sorti en 2019, le quatuor affiche une grande maturité musicale au point qu’il en est presque méconnaissable. Plus solides et massifs encore, les Portugais se montrent ambitieux et créatifs et sont parvenus à rendre leur Doom Metal très personnel, tout en restant ancré dans une symbolique propre au style.  

Porté par des références évidemment occultes, LORD OF CONFUSION s’inspire de films d’horreur et de contes surnaturels pour échafauder un son qui renvoie autant au psychédélisme qu’à un Metal rugueux et parfois Fuzz, où les ombres de Saint Vitus , Electric Wizard et du grand Black Sabbath flottent à l’envie. Sans tomber dans les stéréotypes, le groupe fait s’entremêler des riffs massifs avec des orgues obsédants et démoniaques.

Au chant, la jeune Carlota Sousa se livre à un envoûtement incroyable grâce à sa voix éthérée et hypnotique. En se déployant sur des morceaux assez longs, LORD OF CONFUSION prend le temps de poser les atmosphères, qui s’articulent en un rituel ténébreux (« Land Of Mystery », « Howling Void », « Witchfinder »). Le groove de l’album et son ambiance lugubre captivent et fascine jusqu’au 13 minutes de « Hell », dernier volet d’une grande intensité.

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Classic Rock Hard 70's Hard Rock

Purpendicular : la mécanique du groove

En dehors de Deep Purple, Ian Paice sait comment passer du bon temps. Aux côtés de l’excellent Robbie Thomas Walsh, irrésistible au chant, le batteur a rejoint PURPENDICULAR, qui sort aujourd’hui un très bon « Human Mechanic », troisième album du quintet britannique constitué de musiciens d’expérience et surtout au feeling explosif.

PURPENDICULAR

« Human Mechanic »

(Metalville)

Ca n’aura échappé à personne, PURPENDICULAR tire son nom du quinzième album de Deep Purple, qui est aussi le premier de l’ère Steve Morse en remplacement de l’inégalable Richie Blackmore. Mais même s’il s’en inspire librement, et son line-up le rend assez légitime, le groupe suit sa propre voie à travers un Classic Rock qui tire aussi sur le Hard Rock… forcément. Et « Human Mechanic » est une belle respiration, doublée d’une petite parenthèse nostalgique plutôt agréable.

Fondé en 2007 par le chanteur irlandais Robby Thomas Walsh, PURPENDICULAR avait dû renoncer à sortir son troisième album en raison de la pandémie. Avec Ian Paice derrière les fûts et dernier membre originel de Deep Purple, le frontman dublinois ne s’est pas laissé abattre et le groupe, composé de musiciens au feeling débordant, à savoir Nick Fyffe (basse), Christoph Kogler (claviers et orgue) et Herbert Bucher (guitare), est reparti de l’avant. Et entre gros riffs, solos aériens et refrains imparables, ça ronronne.

Très impliqué sur ce nouvel opus, Ian Paice fait parler son groove en totale harmonie avec des lignes de basse rondes et enveloppantes. Il semble réellement s’amuser et le plaisir qu’il prend est vraiment palpable (« The Nothing Box », « Ghost », « Something Magical »). Enfin, une grande partie de la magie de PURPENDICULAR agit aussi grâce à un incroyable orfèvre de l’orgue Hammond et un chanteur impressionnant (« Human Mechanic », « Four Stone Walls », « Soul To Soul »). Magistral !