Après 15 ans passés à la tête des Butcher Babies, combo qu’elle avait fondé, et tout juste intronisée au chant chez Lords Of Acid, Carla Harvey se présente aujourd’hui avec un projet plus personnel et dans un registre très différent de ce qu’elle nous a jusqu’ici donné d’elle. Très californien dans l’esprit comme dans le son, la frontwoman a laissé les reines à Charlie Benante, prolifique multi-instrumentiste, producteur et membre d’Anthrax. Le résultat est un Heavy Rock bardé de mélodies entêtantes et accrocheuses, où l’on découvre d’ailleurs un nouvel aspect de ses capacités vocales et de son écriture. La chanteuse nous parle de ce premier EP éponyme de THE VIOLENT HOUR, sa nouvelle formation qui prendra la route en septembre…
– Carla, avant de parler de ce premier EP, j’aimerais qu’on dise un mot au sujet de Butcher Babies que tu as fondé et quitté 15 ans plus tard. Est-ce que tu as eu le sentiment d’en avoir fait le tour ? Qu’il te fallait peut-être passer à autre chose ?
Je suis très fière de mon travail au sein de Butcher Babies et de ce que nous avons accompli en tant que groupe. Nous sommes partis de rien, nous avons exploré le monde et nous avons enregistré six albums exceptionnels. Je n’avais pas l’impression d’avoir tout vu, au contraire. La vie et les priorités ont changé au fil de ces 15 ans et j’ai constaté qu’être sur la route dix mois par an n’était ni sain, ni propice à l’épanouissement. Les deux autres membres fondateurs du groupe étant en couple, être constamment sur la route ne leur posait donc aucun problème. Mais pour moi, cela impliquait de grands sacrifices.
– En janvier dernier, tu as annoncé ton arrivée au sein de Lords Of Acid. En plus de tes autres activités, tu as aussi besoin de mener de front plusieurs projets musicaux ? Et comment est-ce que cela s’est d’ailleurs fait ?
Je n’ai jamais caché que j’étais une grande fan de Lords of Acid. Alors quand ils ont eu besoin de quelqu’un au chant et qu’ils me l’ont proposé, j’ai sauté sur l’occasion. Je rentrais tout juste de ma première tournée avec eux et ce fut l’une des meilleures expériences que j’ai jamais vécues. Les concerts affichaient complet presque tous les soirs et l’énergie sur scène était incroyable. J’avais toujours le sourire et je me sentais tellement libre. Je vivais une sorte d’expérience extracorporelle chaque soir. Peut-être parce que je jouais la musique que j’adorais à 16 ans… Je l’ai fait avec un abandon total. Je ne considère pas cela comme une simple jonglerie entre plusieurs projets musicaux. Lords of Acid demande peu de temps, environ une tournée par an, pour une énorme récompense. Et puis, je suis également ravie de bientôt tourner avec THE VIOLENT HOUR.
– Entre le passé, le présent et le futur que l’on peut représenter par Butcher Babies, Lords Of Acid et THE VIOLENT HOUR, quel est le groupe qui te ressemble le plus et qui est le plus proche ta culture musicale ? Ce nouveau projet peut-être, qui dénote un peu des deux autres ?
Je pense que chaque groupe représente une part de moi à un moment précis. THE VIOLENT HOUR est celle qui me semble la plus précieuse, car le contenu des paroles n’appartient qu’à moi. Ces chansons m’ont aidée à traverser une période difficile et m’ont fait redécouvrir le processus créatif. Elles me rappellent aussi la Carla que j’étais à 16 ans, ce qu’elle aimait et cela me parle beaucoup également.
– Au regard de tes autres expériences musicales qui sont nettement plus Metal, tu donnes l’impression ici de t’épanouir pleinement dans ce Hard’n Heavy, qui se veut aussi plus intemporel. Et vocalement aussi, ta palette s’est agrandie. Est-ce que tu te sens plus libre au niveau du chant avec THE VIOLENT HOUR ?
Pour être honnête, au début, j’avais peur d’écrire ces chansons. Je pensais qu’après tant d’années à chanter avec une voix gutturale, c’était peut-être juste ça que les gens voulaient entendre de moi. En fait, quand j’ai essayé de les chanter pour la première fois, j’avais presque l’impression que ma voix était prisonnière. J’avais peur de la faire sortir. Puis, à un moment donné, pendant l’écriture, j’ai eu un déclic et j’ai commencé à m’amuser. Et ces voix que je n’ai jamais l’occasion d’utiliser ont commencé à jaillir de moi. Et même si j’ai toujours aimé le Metal, j’aime tout autant, peut-être même plus, le Hard Rock. Le premier groupe que j’ai vraiment adoré était Guns N’ Roses.
– « The Violent Hour » a été réalisé avec Charlie Benante d’Anthrax, multi-instrumentiste et producteur de l’EP. Comment s’est passée cette collaboration et, avant cela, votre rencontre, car vous œuvrez tous les deux dans des registres assez différents ?
Charlie et moi nous sommes rencontrés à un festival de musique où nous jouions tous les deux en 2014. Je crois que c’était le ‘KnotFest’. Mon groupe avait repris un morceau de SOD, « Pussy Whiped », et il m’a demandé pourquoi nous avions choisi de l’interpréter. Nous avons commencé à sortir ensemble en 2015 et la suite appartient à l’Histoire. Bien que nous ayons improvisé quelques morceaux ensemble pendant le Covid, nous n’avions pas vraiment collaboré comme nous le faisons maintenant.
Quand la séparation des Butcher Babies a eu lieu, je pense que Charlie a compris que je faisais le deuil de ce groupe que j’avais créé. Je ne savais pas ce qui m’attendait musicalement, mais il savait que je n’étais pas prête à abandonner. Il m’a en quelque sorte fait arrêter de me complaire dans la tristesse du moment en me disant : « Lève-toi, aujourd’hui, on va écrire, on va composer ! ». Et il a commencé à me proposer des idées qui me parlaient vraiment, car il connaît toutes mes premières influences. Par exemple, il savait que j’adorais Aerosmith et Guns N’ Roses, et c’est ainsi qu’est née la chanson « Hell Or Hollywood ».
Ecrire est redevenu passionnant, car nous avons composé des chansons qui parlent vraiment à l’enfant qui sommeille en moi. C’était très différent que la composition avec un groupe complet, car Charlie a écrit et joué de tous les instruments… Mais je lui fais vraiment confiance musicalement. C’est très important quand on est juste tous les deux à faire de la musique.
– Tu signes donc les paroles des cinq chansons et elles paraissent très personnelles à l’image de « Hell Of Hollywood », justement. Avec ce projet, on a le sentiment que tu te dévoiles un peu plus. D’ailleurs, comme THE VIOLENT HOUR est une aventure en solo, pourquoi ne pas l’avoir présenté sous ton nom ?
Quand j’écris de la musique, je suis vraiment sincère. Je ne peux être qu’authentique. J’adore raconter des histoires, et celles que je connais le mieux sont les miennes. J’aime aussi l’idée de pouvoir aider l’auditeur à se sentir moins seul en partageant quelque chose à laquelle il peut s’identifier. Quant à mon travail actuel, j’ai toujours détesté les projets dits ‘solo’. Je n’ai jamais voulu être une artiste solo, car j’ai toujours adoré l’idée de faire partie d’un groupe. Plus jeune, j’adorais que chaque membre ait une personnalité distincte. THE VIOLENT HOUR sera un groupe… Il y a d’ailleurs déjà des musiciens en répétition avec moi pour préparer nos premiers concerts.
– Par ailleurs, est-ce que c’est l’importance prise par les plateformes numériques aujourd’hui qui t’a convaincu de sortir un format court plutôt qu’un album ? On reste un peu sur notre faim…
J’aimerais que plus de gens aient la capacité d’écouter un album complet de nos jours. C’est aussi pour cela que je voulais accorder à chaque chanson une attention particulière et lui donner de l’espace pour respirer. Mais il y en a d’autres en préparation, crois-moi ! (Sourires)
– En plus de Charlie Benante, tu accueilles des guests de renom sur cet EP. On retrouve John5 de Mötley Crüe sur « Sick Ones » et Zakk Wylde sur « Hell Or Hollywood », ainsi que le chanteur de Crobot, Brandon Yeagley, sur « Portland, Oregon ». Ce sont des musiciens que tu connais depuis longtemps et avec qui tu avais déjà travaillé ?
Je dois dire que je suis très fière de Charlie et de tout ce qu’il a fait avec ces chansons. Si les gens ne le voient que comme un batteur, leur opinion changera complètement après avoir écouté cet EP. Il joue de tous les instruments sur ces chansons, y compris la guitare slide. J’étais vraiment ravi d’avoir aussi John5, Zakk Wylde et Brando sur l’album. J’ai d’ailleurs participé à un morceau de John5 et j’ai tourné plusieurs fois avec Zakk et Black Label Society. Comme Charlie est très ami avec eux, donc c’était naturel de leur demander de participer. Il a aussi travaillé avec Brandon sur ses jams de confinement en 2020. Ils sont donc devenus amis. Comme c’est agréable d’avoir des amis talentueux ! (Rires)
– De quelle manière avez-vous travaillé ensemble, notamment pour le duo avec Brandon Yeagley, et les deux guitaristes ont-ils eu carte blanche ?
Le duo que j’ai fait avec Brandon est une reprise de la chanteuse et compositrice Loretta Lynn. J’ai toujours adoré cette chanson. C’est un morceau de Country impertinent et sexy qui parle d’une aventure d’un soir. Elle la chante avec Jack White et j’ai trouvé que Brandon avait la voix parfaite pour la chanter avec moi. Et quand John5 et Zakk Wylde ont fait les solos sur « Sick Ones » et « Hell Or Hollywood », je leur ai laissé une totale liberté. Lorsque j’ai récupéré les solos, ils étaient honnêtement encore meilleurs que ce que j’imaginais. Je crois même que j’en ai pleuré. Je n’arrivais pas à croire que ces solos phénoménaux figuraient sur mes chansons. Ce fut un vrai moment d’émotion.
– D’ailleurs, à propos de ces featurings, avez-vous pu travailler directement ensemble, sachant qu’aujourd’hui beaucoup de choses se font à distance ?
Comme chacun a son propre home studio, tout s’est donc fait à distance. Mais bien sûr, je passe beaucoup de temps avec Zakk Wylde.
– Enfin, j’imagine que tu dois être impatiente de présenter ces nouveaux morceaux à ton public sur scène. Est-ce que des concerts sont déjà prévus et y intègreras-tu aussi des chansons de Butcher Babies ?
J’ai tellement hâte de voir THE VIOLENT HOUR en tournée. J’ai un groupe féminin incroyable, dont je rêve depuis des années. Je suis une grande fan du mouvement ‘Riot Grrl’ des années 90. Nos premiers concerts auront lieu en septembre avec Buckcherry et Michael Monroe, et nous jouerons uniquement des compositions originales de THE VIOLENT HOUR.
Le premier EP éponyme de THE VIOLENT HOUR est disponible chez Megaforce Records.
Sorti il y a un peu plus de deux mois, « Krystal Metal » marque un bond dans la carrière de la guitariste-chanteuse et fait suite à deux EP, « Brutal Pop I & II » en confirmant un style assez unique où Metal et Pop s’entremêlent naturellement. Egalement productrice, SUN aura pris son temps pour peaufiner son premier long format, ponctué depuis des années par de nombreuses prestations live dont la récente mainstage du ‘Hellfest’. Aguerrie et déterminée, la frontwoman présente un album très abouti et solide sur lequel, vocalement, elle navigue entre un chant clair et un scream ravageur… L’art de conjuguer les opposés. Entretien avec une artiste qui vise toujours plus d’authenticité.
– Tout d’abord, comme tu as récemment fait le festival ‘Kreizh y Breizh’ à Glomel (22) et que tu reviens tout juste du ‘Hellfest’ où tu as joué sur la mainstage, j’aimerais que tu me donnes des impressions. Comment le public Metal t’a-t-il accueilli, et te sens-tu d’une manière ou d’une autre faire partie de cette famille-là ?
Oui, le ‘Hellfest’ s’est très bien passé, au-delà de mes espérances. Il y avait beaucoup de pression sur cette date que j’attendais avec impatience. Et puis, on m’avait dit que lorsqu’on ouvrait une journée sur la mainstage, il arrive qu’il n’y ait pas trop de monde. Et en fait, c’était blindé ! Je n’avais jamais vu ça de ma vie ! J’étais sciée et secouée par ça. Et le ‘Kreizh y Breizh’ juste avant était super sympa, dans une ambiance beaucoup plus bretonne, chaleureuse et très agréable. En ce qui concerne le public Metal, je viens du Metal Extrême à la base, du Brutal Death où je suis guitariste rythmique. Même si mon ‘Brutal Pop’ est un mélange différent, j’ai toujours été bien accueillie par le public, même au ‘Festival 666’ l’année dernière. Je n’avais pas trop peur du côté Metal. En revanche, être sur la mainstage pour mon premier ‘Hellfest’, c’était un peu flippant ! (Rires)
– Il y a six ans déjà, on te découvrait avec un premier EP, « Brutal Pop », suivi en 2023 du second volet, toujours en format court. C’est un univers assez unique, qui va puiser autant dans la Pop que dans des sphères Rock plus musclées. Est-ce que tu te considères un peu comme une sorte de chaînon manquant ? Un pont entre ces deux styles musicaux ?
Peut-être pas, mais c’est assez naturel dans mon processus. Tout ça est né quand j’étais petite, car j’adorais écrire des chansons. Etant franco-allemande, j’habitais en Forêt Noire en Allemagne où je m’ennuyais un peu, mais j’avais accès à la guitare électrique de mon frère et un livre sur la guitare Metal. Et il se trouve que lorsque j’écrivais mes chansons, au lieu de m’accompagner au piano pour plaquer les accords, j’allais directement à la guitare entre la voix et un gros riff. A l’époque, j’écoutais autant Janet Jackson que Hate Eternal ou Morbid Angel, donc des trucs assez vénères. Pour moi, c’était une façon de faire très organique. En fait, au moment de faire la chanson fabriquée autour de ce jeu de guitare et du scream, qui me permet d’atteindre un point culminant sur les paroles, tout cela se fait assez naturellement finalement. Je ne sais pas si je peux me considérer comme un chaînon manquant, c’est plutôt à d’autres de le dire. En tout cas, je suis heureuse si je peux faire le pont, parce que je ne me suis jamais limitée aux styles musicaux. La seule chose que j’aime est le songwriting, donc si c’est seulement un enchainement de riffs, je m’ennuie rapidement.
– Malgré les quatre ans qui les séparent, tes deux premiers EPs se rejoignent et pourraient même constituer un seul et même album, même si des productions sont un peu différentes. Avais-tu besoin de mieux cerner les contours de ton jeu et de ton style avant de t’aventurer dans un format long ?
En fait, j’ai retenu l’album pendant très longtemps. Je ne me suis jamais dit que le ‘Brutal Pop’ serait mon plan de carrière. Pendant des années, j’ai chanté dans des comédies musicales, joué dans des pièces de théâtre, j’ai fait du cinéma en tant qu’actrice… Et tout ça en ayant mon projet à côté. Je ne me suis pas dit que c’était une bonne idée, mais plutôt que j’étais une fille un peu bizarre, voilà ! (Sourires) Ce sont surtout les gens et des producteurs que j’ai rencontrés sur la route comme Dan Levy de The Dø et Andrew Sheps, qui m’ont dit que c’était vraiment ça mon projet. Donc, j’ai vraiment retenu mon album pendant longtemps, parce que je savais que la carte du premier album est quelque chose qu’on ne peut jouer qu’une seule chose. Alors, si on peut le faire partir du plus haut possible de la montagne, c’est plus avantageux. Et c’est pour ça que j’ai aussi mis du temps, car je suis en indépendant et je voulais vraiment trouver les partenaires qui m’aideraient.
– Cela dit, « Krystal Metal » est lui aussi assez court et très resserré. Cherchais-tu un certain sentiment, ou tout au moins une impression, d’immédiateté et d’urgence ?
Pour être sincère, j’ai enregistré beaucoup plus de choses que ce qui figure sur l’album. J’ai vraiment voulu créer le geste qui coulait le mieux avec une grande variété dans les signatures rythmiques, les tempos et les accords pour qu’il n’y ait pas de redites. Et comme je trouvais que ça collait bien, je me suis arrêtée là-dessus, tout simplement.
– Depuis tes débuts, tu t’occupes de tout : de l’écriture à l’interprétation des instruments et du chant jusqu’à la production et le mastering. Tu n’as jamais été tentée de partager tes chansons en groupe, ou avec des arrangeurs par exemple, ou sont-elles trop personnelles à tes yeux ? Ou peut-être que tu as aussi une idée très précise de ce que tu souhaites obtenir ?
En fait, j’ai fait le chemin inverse. Le premier EP a été coproduit avec Dan Levy. Ensuite, j’ai produit le second, mais j’ai travaillé avec des personnes au mix comme Andrew Sheps justement. Lui, il a bossé avec Metallica, Smashing Pumpkins, Beyoncé, … et c’est lui qui m’a dit d’arrêter de me cacher derrière les gens et qu’il fallait que je produise tout de A à Z. Il m’a dit que, comme je savais exactement ce que je voulais, il fallait que je me fasse confiance. Et donc, « Krystal Metal » est vraiment le fruit de tout ça. Tu sais, même avant SUN, je tournais sous mon nom, Karoline Rose. J’ai bossé avec Babx et d’autres et je me suis beaucoup diluée et perdue avec des producteurs, car ils ont tous une vision de toi. C’est bien quand tu fais un truc depuis 20 ans et que tu veux le rafraîchir, ou quand tu es un artiste qui n’a pas trop de matière et que tu es surtout interprète. Mais dans mon cas, ça m’a toujours fait du tort. Et « Krystal Metal » est une sorte de retrouvaille avec moi-même et le meilleur choix de ma vie. Je savais très bien ce que je voulais entendre et je me suis lancée.
– Par ailleurs, tes textes sont souvent engagés, notamment en faveur de la cause féminine, mais pas uniquement. A leur écoute, on découvre aussi beaucoup de colère et de rage. Pourtant, il y a toujours un message d’espoir et surtout une énergie très positive. Ce mélange des genres est-il finalement un appel à l’éveil des consciences à travers un jeu brut et direct ?
J’essaie de rester quand quelque chose de sincère et d’organique, un peu à l’image des disques de Pop qui m’ont marqué et où il y a toujours une accroche direct sur des thèmes universels. Je fais passer ça dans mes chansons et ça traverse des émotions très diverses. J’ai vraiment essayé de faire un disque Pop dans ce sens-là, c’est-à-dire quelque chose que les auditeurs puissent s’approprier. Je laisse sortir les choses avec cette approche-là.
– L’une de tes particularités est d’alterner le chant clair et le scream. C’est un choix qui peut paraître étonnant, même si cela devient aussi très courant sur la scène Metal féminine. Qu’est-ce que cela apporte, selon toi, à tes chanson, car tu pourrais apporter plus de puissance à ton chant clair ?
J’ai cette voix claire qui est assez longue, comme on dit, et qui me donne beaucoup de possibilités et dans ma boîte à outils, j’ai aussi le scream. Et donc à des moments précis où la voix de poitrine ne suffirait plus, je vais laisser le scream venir. Je le fais dès la composition et c’est effectivement souvent lié aux paroles sur une intensité qui arrive, ou un bel accord. La plupart du temps, je le fais à des moments qui sont des points culminants positifs ou majeurs. Ca fait aussi partie de mon registre, tout simplement.
– Ce premier album, « Krystal Metal », vient donc de sortir et la première surprise vient de sa production qui est beaucoup plus organique et se détache de l’aspect assez synthétique de tes deux EPs. C’est pour cette raison que tu as fait appel à un batteur et ponctuellement à un bassiste ? Pour retrouver une certaine chaleur ?
J’ai toujours engagé des musiciens pour les enregistrements en studio, et notamment un batteur, que ce soit sur « Brutal Pop » et « Brutal Pop II ». Le reste, je le fais moi-même. En fait, pour « Krystal Metal », j’ai plutôt fait ce qu’on appelle une ‘non-prod’, c’est-à-dire que je range tous les effets avant qu’on ne les entende. Je ne laisse jamais dépasser ou déborder un réverb’ ou un delay, parce que je veux qu’on écoute la chanson à travers la voix et la guitare. Mais, et cela a été longtemps l’une de mes particularités, c’est parfois une véritable usine à gaz, mais tu ne l’entends pas. C’est important pour moi que la production soit vraiment au service de la chanson et que ce soit l’humain qui joue. C’est vrai que j’ai engagé quelques personnes, mais j’ai aussi beaucoup trifouillé et édité. J’aime avant tout le son organique et ensuite, je passe ma vie à bouger tout ce qu’il a dedans.
– Et puis, il présente également beaucoup plus de profondeur et de consistance avec un spectre sonore plus rempli et massif. Outre le travail sur les morceaux, l’idée était-elle aussi de leur offrir plus de relief et donc de peaufiner le plus possible les arrangements, comme c’est le cas ?
Oui, c’est ça. J’avais vraiment envie qu’il y ait des arrangements, de la largeur, du gros son et à l’époque du Metal moderne, tu as aussi envie de ça. Tu as envie de remplir l’espace, que ce soit massif et aussi, comme je te le disais, de ranger aussi les effets pour les sortir au bon moment. Je préfère qu’on me dise qu’on adore la voix plutôt que la réverb’. Et c’est pareil pour tout, que ce soit au niveau du mix, de la batterie… Les synthés sont là aussi, mais je les ai enregistrés en analogique pour retrouver justement cette chaleur qui me plait beaucoup plus.
– « Krystal Metal » se distingue également par l’utilisation de la double-pédale par ton batteur, de distorsion sur les guitares et ton scream est toujours aussi présent. On se rapproche donc avec ces divers éléments de l’univers du Metal. Justement, d’où viennent tes inspirations de ce registre ? Y a-t-il des artistes ou des groupes qui influent directement sur tes compositions ?
Comme toutes les petites filles, j’ai commencé par les Riot Girls, le Grunge et tout ça. Et comme j’aimais les guitares, j’ai glissé vers le Nu-Metal avec Kitty, My Ruin, Korn, Slipknot ou Machine Head. Et petit à petit, j’ai écouté du Thrash Old comme Testament et très vite, tu arrives à Morbid Angel, Hate Eternal, Immolation ou Cannibal Corpse. C’est vraiment ces groupes-là qui m’ont inspiré niveau Metal. Mais côté ‘mainstream’, il y a Gojira aussi, qui a d’ailleurs été influencé par ces artistes-là. C’est ça qui m’a vraiment parlé, et ensuite Strapping Young Lad et l’album « City » et enfin Devin Townsend, qui est pour moi l’inventeur du Pop Metal à la base. J’ai vite compris que c’était ce mélange-là qui m’intéressait le plus.
– Enfin, à l’avenir, tu comptes rester sur ce registre-là, ou est-ce que tu penses explorer encore d’autres univers musicaux ?
Non, je pense rester là-dessus. En fait, j’ai un peu fait l’inverse du cheminement. Au départ, je ne savais pas vraiment que faire, je ne pensais pas que c’était une bonne idée et plus je sortais des choses, plus j’étais confirmée dans ma démarche. J’essaie d’aller vers toujours plus d’authenticité.
L’album de SUN, « Krystal Metal », et toutes les infos (concerts, etc…) sont disponibles ici : linktr.ee/sunbrutalpop
Photos : Jonathan Lhote (1, 4), Bassem Ajaltouni (2) et Alex Pixelle (3).
Dotée de l’une des plus belles voix du Blues actuel, EVA CARBONI brille de nouveau sur ce disque un peu spécial, où elle a rassemblé des inédits, des remixes de raretés et quelques pépites qui l’ont fait connaître. « The Blues Archives » peut donc se voir comme une sorte d’état des lieux d’une carrière qui ne demande qu’à gagner encore plus en notoriété et en reconnaissance, tant ses performances vocales sont habitées et uniques. Encore un beau moment !
EVA CARBONI
« The Blues Archives »
(Mad Ears Productions)
Après un troisième album sorti en novembre dernier, « Blues Siren », EVA CARBONI nous fait le plaisir de se présenter aujourd’hui avec « The Blues Archives ». Constitué de morceaux inédits et d’autres moins connus, ce nouvel opus est encore un ravissement, où elle s’illustre grâce à sa voix limpide, puissante et très Soul. La chanteuse née en Sardaigne et basée à Londres propose également de nouveaux mixes de ses titres les plus représentatifs, l’occasion de se familiariser avec son répertoire sur un même disque.
Toujours accompagnée par son ami le producteur anglais Andy Littlewood, également excellent guitariste, bassiste et claviériste, EVA CARBONI propose un mélange de Blues et de Rock et cette ambiance très feutrée aux accents jazzy est vraiment enveloppante. Il faut aussi préciser que l’Italienne est remarquablement mise en valeur par des musiciens exceptionnels. Aux guitares, Mick Simpson et Andrias Linsdell se relaient à merveille, Pete Nelson fait groover la rythmique et Dave Hunt enflamme « Bad Blood » à l’harmonica.
Reparti sur onze chansons, « The Blues Archives » n’a rien de poussiéreux comme pourrait le sous-entendre son titre, c’est même tout le contraire. Le son est très homogène et offre une belle unité musicale et l’intemporalité à l’œuvre est remarquable. EVA CARBONI ouvre majestueusement avec « Someone Else’s Life », puis on retrouve les ‘Archives Mix’ de « Love Me Tonight », « Bad Blood », « The Magic » et « Wrong Turn ». Suivent le ‘Freedom Mix’ de « Goin’ Back Home » et le très bon ‘Bar Room Mix’ de « A Woman Scorned ». Resplendissante !
Retrouvez l’interview de l’Italienne à l’occasion de la sortie de « Blues Siren » :
Alors qu’elle a sorti son premier EP, « Voyager », en mars dernier, BELLA MOULDEN a déjà la tête solidement posée sur les épaules. L’Américaine, multi-instrumentiste, chanteuse, productrice et songwriter, s’est forgée un univers sonore 70’s très personnel basé sur une Soul, qui va puiser autant dans le Rock que le Blues ou la Pop. En gardant un côté brut, elle développe une intensité authentique dans des chansons, qui sont autant de morceaux de vie que d’expériences musicales. Touche-à-tout, audacieuse et créative, la musicienne, qui s’apprête à venir en France à la rentrée de septembre, affiche déjà une belle assurance, malgré son jeune âge. Entretien avec une artiste qui s’affirme avec talent.
– La première chose qui surprend lorsque l’on regarde ton parcours, c’est que tu as commencé la musique très jeune et en autodidacte. Aujourd’hui, tu joues de la guitare, de la basse, du piano, du ukulélé et des percussions et tu produis toi-même tes morceaux. Quel a été le déclic et as-tu trouvé rapidement le style qui te convenait le mieux ?
Le tournant pour moi a eu lieu pendant le Covid. Je suivais des cours en ligne, ce qui est toujours le cas, et pendant cette période, j’ai commencé à expérimenter mon son et mon style. J’avais l’habitude d’empiler ma guitare et ma basse, ce qui était incroyablement lourd pour mes épaules et mon dos. J’ai aussi commencé à faire des boucles et c’est comme ça que j’ai composé « SelfCare ». C’est avec cette chanson que j’ai compris que ce n’était pas juste un hobby ou juste quelque chose avec du potentiel, mais que je voulais en faire ma carrière. J’en avais toujours rêvé, mais jusqu’à ce moment-là pendant le confinement, ça ne semblait pas tangible. Depuis, je suis déterminée. C’est drôle, « SelfCare » est en fait la chanson que je préfère le moins, mais c’est devenu mon plus grand succès jusqu’à présent. Ensuite, j’ai commencé à écrire davantage de chansons Rock, la direction que je voulais vraiment prendre. J’avais tellement de chansons quand j’étais plus jeune, mais la peur me retenait. Maintenant, je les libère lentement mais sûrement, au fur et à mesure qu’elles trouvent leur place dans le monde que je crée.
– Justement, ta musique est emprunte des années 70, une époque que tu n’as pourtant pas connu, et que l’on retrouve aussi dans ton univers visuel et vestimentaire. Qu’est-ce que cela évoque chez toi ? Une forte créativité artistique ? Des artistes incroyables, ou plus simplement l’éduction musicale que tu as pu recevoir de tes parents ?
Oui, une grande partie de ma musique et de mon style est fortement inspirée des années 60, 70 et même 80. Je n’ai pas connu ces époques moi-même, évidemment. Mais à mon avis, les années 70 ont été la meilleure période que j’ai étudiée, tant pour la musique que pour la mode. Il y a quelque chose de spécial dans cette époque : la brutalité, la liberté, …. J’ai vraiment beaucoup idéalisé cette décennie. Des artistes comme David Bowie, Jimi Hendrix, Stevie Nicks et Prince ont vraiment façonné ma vision de l’art. A l’époque, la musique n’était pas seulement un produit ou un moyen d’atteindre une certaine finalité. On reconnaissait quelqu’un à sa musique et à son style. L’expression personnelle comptait. Le talent comptait. Avoir une voix unique comptait.
Mes parents ont grandi à la fin des années 80 et dans les années 90. Ma mère était passionnée de Pop des années 80, et c’est elle qui m’a fait découvrir Prince. Mon père était davantage branché Hip-Hop des années 90. A partir de là, je me suis plongée dans la musique qu’aucun d’eux n’écoutait ! (Rires) Mais le côté artistique en général de cette époque m’a semblé si riche et substantiel. Il me touche bien plus que la plupart des musiques grand public d’aujourd’hui. J’essaie d’incarner cet esprit dans mes chansons tout en restant dans l’air du temps. Mais parfois, je crains que la poursuite des tendances modernes n’en dilue l’expression. C’est un travail permanent : évoluer sans perdre ce qui fait ma musique.
– On l’a dit, tu as aussi productrice de ta propre musique. C’est quelque chose qui s’est imposé à toi plus par obligation, ou le travail du son est aussi un domaine qui te passionne autant que la composition ?
Certainement pas par obligation, mais par pure fascination. Même si j’ai commencé comme chanteuse, je jouais toujours d’un instrument, alors la production m’a semblé être l’étape suivante naturelle. Franchement, j’adore produire des beats plus que tout. Parfois, je me dis que les sons à eux seuls peuvent raconter une histoire avec encore plus de force que des paroles. C’est comme pour la musique classique, on la ressent, tout simplement. On ressent le sens de chaque mouvement, même sans même prononcer un seul mot. C’est ce genre de beauté que je recherche quand je produis.
– Tu es ce qu’on appelle aujourd’hui une artiste DIY, c’est-à-dire que tu gères ton projet de A à Z, y compris l’édition de tes CD en série très limitée et personnalisée (50 exemplaires). Là encore, l’objectif est d’avoir le contrôle total sur ta musique et aussi sur les à-côtés, même s’ils peuvent vite devenir envahissants ?
Eh bien, je bénéficie de l’aide de VCM Management, que j’ai cofondé, mais tous mes projets ont été créés et sont gérés par moi-même avec l’aide et le soutien d’autres personnes plus récemment. C’est vraiment agréable de commencer à constituer une équipe. Je ne veux pas avoir le contrôle total de ma carrière. La seule chose qui m’importe vraiment, c’est l’art en lui-même, c’est-à-dire ma créativité, ma vision et la propriété de cette créativité. Ni plus, ni moins. La logistique, les ventes et le côté commercial ne sont pas quelque chose que j’apprécie du tout. Mais c’est un peu le fardeau nécessaire pour être une artiste indépendante. Ce n’était pas prévu et c’est arrivé comme ça après avoir eu affaire à de nombreux labels et agences américaines qui ont essayé de me posséder, de me remodeler et de me mouler selon leur idée du ‘mainstream’. Cela me semblait inutile. Pour moi, ce n’était jamais une question de célébrité instantanée ou d’argent, c’était toujours une question de métier. Dans un monde idéal, j’aurais une équipe complète qui gérerait tout ce bruit de fond, afin que je puisse me concentrer uniquement sur la musique.
– D’ailleurs, pour rester sur ce premier EP, « Voyager », il continent un morceau inédit de huit minutes, qui n’est disponible que sur l’édition CD. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus, car « F.R.I.E.N.D.Z.O.N.E. » est une chanson aussi longue qu’intimiste, et elle a quelque chose d’assez intriguant ?
Oui, « Friends », initialement intitulée « F.R.I.E.N.D.Z.O.N.E. », est disponible uniquement sur l’édition CD de « Voyager ». C’est un extrait brut d’une chanson que j’ai composée il y a des années, après avoir traversé le chagrin et la spirale émotionnelle d’une relation amoureuse. J4avais eu l’impression que tout se passait bien… Quand soudain, j’ai entendu : « Soyons juste amis ». Je me souviens avoir été complètement anéantie, me demandant ce qui n’allait pas. Je n’avais plus de réponses. Mais maintenant que je suis un peu plus âgée et que j’en ai largement dépassé tout ça, je réalise que c’était parce que je ne lui avais pas donné ce qu’il voulait. Je n’arrêtais pas de dire non. Non pas parce que je m’en fichais, mais parce que je voulais d’abord lui faire confiance, le connaître vraiment. Je voulais qu’on commence comme… des amis. Il en a eu marre, a couché avec quelqu’un d’autre, il a appelé ça une ‘relation’, et il est revenu me dire qu’on devrait juste être amis. (Rires) Et bien sûr, genre un mois plus tard, il m’a fait chier, me disant que je lui manquais, qu’il regrettait tout ça… Les conneries habituelles. Je l’ai bloqué. Je lui ai donné une chance qu’il ne méritait pas et je me suis sentie brisée. Je me suis demandé si j’étais digne de tout ça… juste à cause d’un mec. Sérieux ? Mais bon, de ce bordel est née une chanson de près de neuf minutes, qui a fini sur un EP, aujourd’hui épuisé. Du coup, il n’est plus qu’une note de bas de page dans ma discographie.
– Pour ceux qui, comme moi, ne sont pas sur TikTok, ta chanson « SelfCare » et même « Season Of The Witch » sont carrément devenues virales sur la plateforme. Tout d’abord, est-ce que tu t’y attendais et est-ce que ce genre de procédé va, selon toi, devenir la norme pour les artistes émergeants, plutôt que le circuit traditionnel ? A moins que tu ne le vois juste comme une sorte de tremplin ?
Je ne m’attendais vraiment pas à ce que ça devienne viral. Ça m’a semblé complètement incroyable, surtout en tant qu’artiste indépendante sans contrat. D’habitude, ce genre de viralité est réservé aux artistes soutenus par des majors. J’espère que davantage d’artistes émergents auront ce genre de moments, mais honnêtement, depuis que « SelfCare » et « Season Of The Witch » ont commencé à gagner en popularité, on dirait que TikTok privilégie davantage les artistes signés. Bizarrement, « SelfCare » n’affiche plus les statistiques de mes vidéos dans mon onglet ‘musique’, ce qui est dommage. On discute beaucoup avec eux là-dessus depuis des mois et toujours pas de solution. Je ne veux pas croire que c’est parce que les labels poussent les artistes indépendants comme moi hors des projecteurs pour promouvoir les leurs, mais… c’est difficile de ne pas y penser.
Enfin, devenir ‘viral’ n’était pas ce qui comptait le plus pour moi. Ce qui comptait avant tout, c’était de voir le chemin parcouru : tout ce qu’on peut faire toute seule, sans suivre les tendances et sans label. Ça faisait du bien. Je ne suis pas dans un esprit de compétition, pas du genre ‘Oh, cet artiste signé a eu tant de vues de ses vidéos et moi tel chiffre…’. Je ne suis pas du genre à comparer. Ce qui m’a vraiment touché, c’est de voir autant de gens s’identifier à ma chanson. Les gens l’utilisent pour créer des vêtements, peindre, parler de ce qui leur tient à cœur, ou simplement pour vibrer avec, et c’est ça qui compte. Cet effet d’entraînement créatif compte bien plus pour moi que les chiffres.
– Cependant, j’imagine que la scène reste le principal objectif pour toi. Alors, justement, lorsqu’on est une one-woman-band comme toi, comment t’organise-t-on en scène ? Est-ce que tu fais appel à d’autres musiciens pour t’accompagner ?
(Rires) Je repense à l’époque où j’étais une vraie femme-orchestre sur scène, et waouh !, c’était énorme. Une guitare double-manche de 13 kg attachée sur mes épaules, un clavier sur le côté que j’avais du mal à atteindre et une loop station à mes pieds, qui refusait parfois de coopérer, un micro et la pression de chanter en plus. Terminé ! Parfois, la loop station plantait, ou le technicien-son avait des difficultés avec mon installation et c’était à moi de résoudre le problème en temps réel. J’adorais ce défi, mais c’était vraiment stressant.
Je suis vraiment reconnaissante de pouvoir maintenant m’entourer d’autres musiciens, à savoir généralement un bassiste, un guitariste et un batteur. Ça me soulage énormément et me permet de me concentrer davantage sur le chant, la guitare, parfois le clavier et plus simplement sur la scène. Je peux bouger, sauter, interagir avec le public… ce qui était impossible avec cet énorme double-manche. Ces derniers temps, je réserve les formations solo aux moments créatifs en ligne ou lorsque l’ambiance l’exige. J’intégrerai certainement quelques éléments de ce genre à mes prochaines tournées, mais rien de comparable à l’équipement complet que j’avais l’habitude de trimballer. J’ai gagné ma liberté et ma colonne vertébrale me remercie ! (Sourires)
– Pour rester sur les instruments, on te connait donc pour arborer, et jouer, d’une guitare double-manche signée Eastwood Guitars, et qui pèse tout de même 13kg ! Comment l’as-tu apprivoisé et qu’est-ce que cela demande en termes d’anticipation artistique pour gérer les riffs de la guitare, tout en maintenant le rythme de la basse ?
Je ne dirais pas que je la maîtrise parfaitement. Je ne pense d’ailleurs pas maîtriser aucun des instruments que je joue. J’aime à croire que j’apprends toujours quelque chose de nouveau à chaque fois que j’en prends un. Mais cette double-manche ! Honnêtement, ce n’est pas aussi difficile qu’on pourrait le croire, si l’on joue déjà de la guitare et de la basse. Le principal défi est de passer de l’un à l’autre en temps réel, surtout si l’on fait des boucles et que l’on essaie de placer une partie sur un temps ou une mesure spécifique. Ce genre de timing demande beaucoup de concentration. Et puis, le poids en général aussi. Cet engin est incroyablement lourd, si on reste debout trop longtemps. Je ne le répéterai jamais assez ! (Rires)
– Parlons un peu de ton univers musical. Il a une base Blues, Rock et Soul, des tonalités très 70’s et psychédéliques et les références à Prince notamment, mais aussi à Jimmy Page, sont perceptibles. Tout cela se fond dans un son très personnel. Est-ce que, justement, tu as facilement et rapidement trouvé ton empreinte sonore, ta façon de te démarquer des autres artistes ?
Ouais, ça m’a semblé naturel. Je n’ai pas réfléchi à tout, ni fait de grande réunion avec ma famille pour dire : ‘bon, il est temps de créer mon son !’ C’est juste… comme ça. Comme mon nom de scène, c’est juste mon surnom et mon nom de famille. Ce que je suis en tant qu’artiste est exactement qui je suis en tant que personne. Mais ça n’a pas toujours été comme ça. Plus jeune, j’avais peur d’être moi-même, peur de m’habiller comme je le voulais vraiment, peur d’être honnête avec moi-même. J’essayais sans cesse de me faire plus petite pour rentrer dans ce qui me semblait plus ‘acceptable’. Ensuite, je me suis enfin autorisée à être ce que je suis vraiment. Maintenant, je m’habille sur scène comme en dehors, sauf si je suis particulièrement paresseuse. J’accompagne ma mère au supermarché en pantalon patte d’éléphant, chemisier à volants et autres. Ce n’est pas un costume. C’est moi. Ne plus être moi-même depuis si longtemps, c’était presque comme vivre dans la peau d’une personne complètement différente. Mais maintenant, je me réveille en BELLA MOULDEN, et je me couche en BELLA MOULDEN. C’est tout. Pas de changement, pas de masque. Juste moi.
– On a parlé de ta musique, mais pas de ton chant. Là encore, est-ce que c’est venu de manière assez naturelle, ou as-tu été inspirée par certains modèles et je pense aux chanteuses Soul, évidemment ?
Oui, chanter m’est venu assez naturellement. J’ai suivi six mois de cours de piano classique et de chant à l’âge de neuf ans, mais on a tellement déménagé que j’en ai eu marre de changer constamment de professeur. J’ai donc commencé à apprendre en autodidacte. Ça me rappelle un peu comment on commence à écrire à l’école. On vous apprend à former les lettres et, avec le temps, votre écriture devient une entité unique et personnelle. C’était pareil avec ma voix. J’ai commencé par les bases, puis je l’ai laissée évoluer au fil de mes explorations. J’ai été profondément inspirée par des artistes comme Adèle, Amy Winehouse, Etta James, Janis Joplin et Big Mama Thornton. La Soul, le Blues et le courage : cette brutalité m’a vraiment attirée. Adèle restera toujours ma préférée. Sa maîtrise, son émotion… Elle a changé la donne, selon moi.
– Un mot enfin sur ta venue en Europe à la rentrée avec une halte à Paris le 9 septembre à ‘La Péniche Antipode’. J’imagine que c’est une belle aventure pour toi ? Comment est-ce que tu l’appréhendes ? Tu es également suivi par des fans européens et notamment français ?
Oui ! J’ai des fans en France, dans toute l’Union européenne et au Royaume-Uni et j’ai vraiment hâte de les rencontrer enfin. Ce voyage me semble être une étape importante dans ma carrière et je suis plus que ravie. Je me suis entraînée, j’ai travaillé mon endurance et, surtout, j’ai répété mes sets avec toutes les chaussures sophistiquées que je compte porter. (Rires) Plus sérieusement, j’ai tellement hâte de partir en tournée en Europe et au Royaume-Uni. Je ressens toujours beaucoup d’amour de la part de ces deux pays et c’est un tel plaisir de travailler avec des gens à l’étranger et de rencontrer mes fans en personne. Tous mes remerciements vont à eux. Ils ont été là pour moi d’une manière que je ne prendrai jamais pour acquise. Et puis… Je n’ai jamais joué sur un bateau auparavant, alors je vais certainement rayer ça de ma liste des choses à faire. (Rires) Enfin, merci beaucoup d’avoir pris le temps de t’intéresser sincèrement à ce que je fais. C’est très important et j’espère tous vous voir en septembre ! (Sourires)
La musique de BELLA MOULDEN est disponible sur toutes les plateformes et sur le site de l’artiste :www.bellamoulden.com
Arrivé il y a quelques jours dans les bacs, le premier album d’EMERALD MOON est LA sensation Classic Rock française de l’année. Il faut aussi avouer que le quintet compte dans ses rangs des musiciens chevronnés et bouillonnant d’idées. Guidés par leur chanteuse, les deux guitaristes multiplient les combinaisons sur une rythmique groovy à souhait et ce très bon « The Sky’s The Limit » vous renvoie avec bonheur dans les 70’s sur une production très actuelle et organique. Le fondateur et guitariste, Fabrice Dutour, revient sur la création du groupe, sa façon de travailler et surtout sur cette musique qui lui tient tellement à cœur.
– Au regard de vos parcours respectifs, j’imagine que vos chemins ont dû se croiser assez souvent au gré de vos projets. Quel a été le déclic pour monter EMERALD MOON et surtout pour en définir le style ?
Pour ma part, je joue déjà avec Laurent (Falso, batterie – NDR) et Vanessa (Di Mauro, chant – NDR) dans deux projets différents. J’ai eu le bonheur de partager l’aventure ‘United Guitars’ avec François (C. Delacoudre, basse – NDR), dans laquelle figurait également Michaal (Benjelloun, guitare – NDR). Tous les deux ont d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion de partager la scène, lorsque les chemins de Gaëlle Buswel, avec qui joue Michaal et de Laura Cox, avec qui jouait François, étaient amenés à se croiser. Vanessa et Laurent ne connaissaient donc pas Michaal et François. J’ai été l’entremetteur… Pour revenir à la genèse du projet EMERALD MOON, cela s’est passé en 2021, après l’enregistrement du « Volume 2 » d’’United Guitars’. Nous venions d’enregistrer un titre avec Fred Chapellier, le courant est vite passé et l’envie était commune. C’était aussi une évidence pour nous que François était le bassiste idéal. Yann Coste serait donc le batteur. Chacun de notre côté, Fred et moi avons composé plusieurs titres pour ce nouveau groupe, qui s’appellait alors Silverheads et que nous envisagions, logiquement au vu de nos influences, de faire sonner dans un style Classic Rock. Après plusieurs mois à la recherche d’un chanteur, j’ai proposé Vanessa, qui a fait l’unanimité. Nous devions enregistrer en mai 2022. Mais à quelques semaines du début des sessions, l’emploi du temps de Fred est bousculé en raison de sa collaboration à la tournée des Dutronc. L’album ne se s’est donc jamais ensemble. Mais début 2024, Vanessa, François et moi avons eu envie de faire aboutir ces titres que j’avais composés et sur lesquels Vanessa avait écrit des textes. J’avais quelques idées en tête pour cette place de guitariste et Michaal était mon choix numéro un, il a tout de suite accepté de rejoindre l’aventure. Et Laurent s’est imposé à moi comme une évidence également et il s’est joint à nous.
– Vous avez tous un CV conséquent et une connaissance affûtée du métier. Comment est-ce que cela s’organise pour la composition des morceaux et l’écriture des textes ? Chacun apporte-t-il ses propres idées, ou faites-vous confiance à certains d’entre-vous en particulier ? Je pense au noyau dur ayant évolué ensemble sur ‘United Guitars’ notamment…
L’organisation, pour cet album, a été en partie dictée par nos emplois du temps respectifs et la distance qui nous sépare. Je dis en partie, car j’ai depuis longtemps l’habitude de composer ainsi, c’est-à-dire que je maquette l’ensemble du titre avec la batterie, la basse et les deux guitares. Les structures sont figées, les parties de guitares harmonisées également mais, évidemment, la réinterprétation des lignes de chaque instrument est libre pour chacun. J’avais déjà six titres pour le projet initial, j’en ai composé cinq autres avant l’enregistrement de l’album et Michaal a également amené une composition. Après, toutes les idées et les contributions ont été les bienvenues.
– On vous avait découvert en octobre dernier avec « Phase One », un premier EP, presque de présentation finalement. Pourquoi le choix du format court ? C’était faute de temps en raison d’emplois du temps chargés, ou plutôt une manière de prendre la température et de voir quel en serait l’accueil, d’autant que l’on retrouve les quatre morceaux sur l’album ?
Question très intéressante. Pour tout te dire, cet EP est la restitution de notre première session de répétition. Il n’y avait pas, initialement, l’idée de sortir quelque chose, nous enregistrions juste pour pouvoir prendre du recul. Il faut dire aussi que nous répétions chez Laurent qui, en plus d’être batteur, est plutôt très bon dans le domaine du son. Son local est équipé et il a coutume d’enregistrer toutes les répétions qui se font chez lui. Nous nous étions donc fixés quatre titres, trois compos et une reprise, « Ramble On » de Led Zeppelin, et nous nous sommes retrouvés pendant deux jours. L’objectif était juste d’aboutir un titre, « What You’re Told » et de le clipper, histoire d’avoir la possibilité de démarrer l’aventure. A ce moment-là, le groupe n’avait même pas de nom. Et puis, à la réécoute de cette session, on se dit que ça sonnait plutôt bien et cela confirmait la sensation de cohésion que nous avons tous ressentie dès les premières notes. Et de là a germé l’idée de sortir ces quatre titres. Vu l’esthétique, le format vinyle s’imposait aussi. Et tout cela a permis, effectivement, d’accélérer la naissance d’EMERALD MOON.
– D’ailleurs, avez-vous apporté des modifications sur ces morceaux entre l’EP et l’album ?
Déjà, il était évident pour moi que ces trois titres faisaient partie d’un tout. Ils devaient figurer sur l’album. Sur la version EP, ils sont joués live, les amplis sont dans la même pièce que la batterie, il n’y a pas d’overdub ou de guitares additionnelles. Pour l’album, ils ont été totalement réenregistrés, au propre, avec plus d’arrangements, notamment sur les parties de guitares. Le fait de garder ces trois titres a également eu une incidence sur l’écriture. Il fallait que les personnes qui avaient déjà découvert ces trois premières compositions aient de la matière avec la sortie de l’album. Avant l’EP, l’idée était plutôt un album de neuf ou dix morceaux, « Phase One » a changé la donne et nous voilà avec 12 titres.
– Lorsque l’on voit par où vous êtes tous passés, le côté Rock et bluesy semble une évidence. EMERALD MOON présente donc un Classic Rock très 70’s dans l’esprit, mais pas forcément dans le son. On sent aussi beaucoup de plaisir entre vous en vous écoutant. C’est ce qui vous guide depuis le départ ?
Le plaisir est ce qui nous guide dans notre métier de musicien. C’est une chance infinie de vivre de notre passion. C’est déjà vrai lorsque l’on joue la musique des autres, c’est encore plus intense lorsque l’on défend ses propres chansons. Pour ce qui est de nos influences et nos parcours, nous avons beaucoup de choses en commun comme des racines Blues et le Rock/Hard Rock Seventies. On a voulu restituer ça avec un son plus contemporain, sans aller trop loin, de sorte à garder la dynamique, le grain et les nuances propres à ce style.
– D’ailleurs, même si votre registre retrouve des couleurs depuis quelques temps maintenant, est-ce qu’EMERALD MOON est là aussi pour palier un certain manque, car il y a vraiment un public en demande concernant le Classic Rock notamment ?
Il n’y a pas de calcul sur le bon endroit ou le bon moment. Il y a juste l’envie de faire ce que l’on aime faire et que l’on fait chacun depuis longtemps : Michaal avec Gaëlle Buswel, François avec Laura Cox, Laurent avec Jack Bon et moi avec Back Roads. Et surtout, de le faire ensemble. C’est une magnifique équipe et il nous tarde d’être sur scène tous les cinq.
– Vous êtes en autoproduction, ce qui n’est pas franchement une surprise étant donné que vous êtes tous rompus à l’exercice du studio et que trouver votre son n’a dû pas être très compliqué. Est-ce un avantage aussi de pouvoir mener votre projet vous-mêmes, et avez-vous tout de même fait appel à des personnes extérieures pour l’enregistrement, le mix ou le mastering ?
Il est certain, comme je te le disais tout à l’heure, que le fait que Laurent ait les compétences et le matériel pour enregistrer et mixer un album est un atout essentiel. On a pu avancer à notre rythme. De la même manière, Michaal et François peuvent gérer leurs prises chez eux. On peut travailler ensemble ou à distance, c’est très confortable. Et pour ce qui est de la production et des choix artistiques, on avait déjà des idées, puis le temps et les propositions ont affiné tout cela. On a passé, Laurent et moi, le temps nécessaire pour aboutir les titres comme nous le souhaitions.
– Avec Michaal Benjelloun, vous formez un beau duo de guitaristes. L’esprit est très zeppelinien avec des teintes Blues et Southern. Comment est-ce que deux musiciens aussi aguerris se partagent-ils les rôles, même s’il y a aussi de beaux passages de twin-guitares ?
De manière très naturelle. Déjà, dans l’écriture, il y avait beaucoup de place laissée aux guitares. Et c’est logique, puisqu’initialement, c’est un projet de guitaristes… On aborde un titre avec comme question : ‘tu préfères faire le premier ou le deuxième solo ?’. Après, tout est libre, les idées d’arrangements sur les parties rythmiques, le choix des guitares et des sons. On s’écoute, l’idée de l’un fait rebondir l’autre, on cherche toujours à se compléter et à mettre en valeur nos qualités respectives.
– Est-ce que, lorsque l’on joue et compose du Classic Rock comme EMERALD MOON, l’idée est de toujours faire évoluer le style en y apportant quelques touches modernes, ou plus simplement juste de se faire plaisir ? Car cela impliquerait de fait une certaine finitude du registre…
Je me souviens d’une chronique d’album qui se concluait par cette phrase : « Ils n’ont pas inventé la poudre, mais ils savent la faire parler ». C’est une très belle formule. Quand je compose, il m’arrive de faire des citations volontairement appuyées comme pour « What You’re Told », qui sonne très Thin Lizzy. Il arrive également que l’on me dise que telle composition est inspirée de tel titre, alors que ce n’était pas une piste de départ consciente… Il est évident que nous sommes imbibés de toutes nos écoutes et que ces influences transpirent fatalement dans notre écriture. Je n’ai absolument pas l’idée de révolutionner le style, mais j’essaie de m’appliquer, lorsque je compose un titre à lui donner une première lecture fluide. J’essaie également de le remplir de petites surprises à travers les arrangements, la réexposition des thèmes, la structure et un ensemble de choses qui fait que la première impression d’évidence évolue au fur à mesure des écoutes. Parce que l’idée est là : façonner et penser notre musique dans l’esprit de celle que nous écoutions il y a trente ans, lorsque les moyens technologiques ne nous permettaient pas d’accéder à tous les albums de tous les groupes en un clic. On avait, en gros, un album par mois, on prenait le temps de l’écouter et d’en extraire la totalité des subtilités. Si les gens qui s’intéressent à notre album nous font l’honneur de prendre le temps de se l’approprier, je veux qu’ils puissent découvrir des choses au fil des écoutes.
– Enfin, avec un tel premier album, on attend forcément une suite à cette belle aventure. Est-ce que vous vous projetez déjà dans l’avenir avec des concerts à venir, par exemple, et/ou déjà le projet d’un deuxième album en tête ? Comme vous êtes tous les cinq engagés avec dans d’autres formations, j’espère qu’EMERALD MOON n’est pas un one-shot…
L’album est sorti le 13 juin, via Inouïe Distribution, et nous étions sur scène ce jour-là, ainsi que les trois jours qui ont suivi. Mais nos emplois du temps respectifs ont effectivement limité les possibilités de concerts pour 2025. On travaille sur 2026 pour pouvoir mieux s’organiser et avoir plus de visibilité. Et effectivement, l’idée du deuxième album est déjà là.
Le premier album d’EMERALD MOON, « The Sky’s The Limit », est disponible chez Inouïe Distribution.
Photos : Christian Viala (3) et Richard Guilhermet (4).
Lorsque l’on vit sa musique sur grand écran, autant être armé de fortes certitudes. C’est précisément le cas de MISS VELVET, qui signe un nouvel EP, « Triptych », dans la lignée de son premier album « Traveler ». Audacieux, passionné, sensible et sauvage, son Rock est à son image : moderne, brute, puissante et insaisissable. Derrière ce personnage qu’elle s’est entièrement créé et qu’elle façonne au fil du temps, se cache une chanteuse et compositrice à la vision claire et qui offre un nouvel éclat au Rock US, estampillé californien, avec beaucoup de force et de nuances. Entretien (fleuve) avec une artiste décidée, intrépide et féministe, qui marie son univers à celui de la mode dans un grand écart qu’elle vit et qu’elle assume pleinement.
– Avant d’arriver sur la côte ouest des Etats-Unis, tu vivais à New-York où tu chantais dans le groupe The Blue Wolf. Le style était plus urbain, avec beaucoup de cuivres et un petit côté funky. Pourquoi vous êtes-vous séparés après deux albums, et est-ce ce split qui a motivé ton déménagement pour la Californie ?
Avant la pandémie, j’ai eu un grand coup de chance à New-York en auditionnant pour George Clinton et Parliament Funkadelic au ‘B.B. King’s’ de Times Square. C’était un appel de dernière minute : un des programmateurs, qui connaissait mon manager à l’époque, m’a demandé si nous pouvions monter sur scène pendant la balance. Je jouais avec mon groupe depuis des années, dont certains d’entre nous depuis sept, huit, voire dix ans, et nous nous démenions sur la scène new-yorkaise. Ce soir-là, on nous a dit qu’on pouvait jouer un morceau, et qu’un membre de l’équipe de Parliament Funkadelic l’enregistrerait sur son téléphone et le montrerait à George, assis dehors dans son van. Et c’est ce qu’ils ont fait. Cinq minutes plus tard, on nous annonçait que nous avions le concert.
On était censé monter sur scène à l’ouverture des portes, mais George nous a fait l’incroyable cadeau de nous laisser monter sur scène à 20h, son créneau le plus important, dans une salle comble. Ce soir-là, tout a changé. Le lendemain, on a reçu un appel : 45 dates avec George. Cela a donné lieu à 60… puis 80… puis plus de 120 concerts et deux tournées mondiales. C’était électrique. Nous formions une équipe soudée et nous avions l’impression d’avoir enfin percé.
Puis la pandémie a frappé, et tout s’est arrêté. Ce calme était déstabilisant pour un musicien en tournée. On passe d’un mouvement constant à un arrêt total. Pendant ce temps, beaucoup de choses ont changé. Nous avons commencé à parler de choses en solo, de nouveaux projets. Et sur le plan personnel, j’ai renoué avec l’amour de ma vie. Je suis tombée enceinte. Le groupe s’est séparé. C’était un étrange croisement entre perte et renouveau, et chagrin et profond épanouissement. Je faisais le deuil de la vie que j’avais construite avec mon groupe, tout en entrant dans une nouvelle, en créant littéralement la vie.
Après la naissance de mon premier enfant, nous étions encore en pleine pandémie, et mon mari et moi avons décidé de déménager en Californie. Nous en rêvions depuis des années. J’avais toujours imaginé que l’Ouest s’insinuerait dans ma musique et j’étais prête à recommencer. J’appelle cette période ma période d’incubation : la naissance de moi-même en tant que mère, en tant que femme et aussi la renaissance de MISS VELVET.
– Avoir traversé tout le pays t’a-t-il fait évoluer musicalement pour livrer aujourd’hui un Rock moderne, teinté de Hard et de Classic Rock ? Tu as finalement adopté un style qui colle à l’atmosphère de Los Angeles. Est-ce que tout cela s’est fait assez naturellement ?
La Californie a toujours porté en moi cette énergie mythique, un sentiment d’Americana ancré dans l’immensité de l’Ouest. Les sons qui sortaient de Laurel Canyon, la tradition narrative, cet esprit troubadour, comme les Eagles, Joni Mitchell, ces voix semblaient m’appeler bien avant même que j’y pose les pieds. Il y a quelque chose de particulier en Californie… La façon dont les montagnes se brisent dans la mer, les aigles au-dessus de ma tête, les routes sans fin qui mènent de la côte au désert de Mojave. C’est surréaliste et cinématographique, et en tant qu’artiste, j’avais soif de cette énergie naturelle brute.
A mon arrivée, je savais que ce nouveau chapitre de MISS VELVET refléterait cela. Sonorité, style, émotion : tout a commencé à s’harmoniser. Et oui, c’est arrivé de manière incroyablement naturelle, car j’en avais soif. J’avais cette vision en moi depuis si longtemps, et quand je suis arrivée ici, je me suis jetée à corps perdu. Les paysages ont directement inspiré la musique et les images. C’est pourquoi nous avons entièrement tourné « Triptych » dans le désert de Mojave. L’environnement n’était pas seulement un décor, il fait partie intégrante de l’histoire.
Il existe une longue tradition de musiciens puisant dans l’âme de la Californie, et je voulais faire de même, tout en la fusionnant avec les éléments modernes et surréalistes que j’explorais. J’ai adoré l’idée d’associer l’ouverture brute du désert à la haute couture, de mélanger le Classic Rock à une production moderne et à des textures inattendues. Il s’agissait de trouver cet équilibre : quelque chose d’intemporel, mais aussi résolument actuel.
– Ton premier album sous le nom de MISS VELVET, « Traveler », est sorti en novembre 2023. Ton adaptation à Los Angeles s’est donc faite très rapidement. As-tu immédiatement commencé à composer et à façonner ce personnage que tu revêts et que tu revendiques aujourd’hui ?
Tout s’est passé très vite, même si sur le moment, cela m’a semblé incroyablement intimidant. Je n’oublierai jamais l’un de mes premiers trajets sur l’emblématique PCH avec l’océan à ma gauche, les montagnes à ma droite et, sorti de nulle part, cet oiseau massif, peut-être un aigle, qui a traversé la route devant ma voiture. Son envergure était immense. Il était si calme, planant simplement sur ce décor sauvage. Et j’ai eu cette sensation de sortie du corps, comme si le temps avait ralenti. J’ai levé les yeux vers la montagne et je l’ai ressenti : le poids de ce que j’allais accomplir. J’étais arrivée en Californie sans connaître personne. Je prenais un nouveau départ. Et cette montagne représentait l’ascension qui m’attendait. Mais voir cet aigle voler avec tant d’aisance dans le vent m’a redonné de la force. C’était comme un message. Un rappel de force, de vision, d’objectif. Ce moment est resté gravé dans ma mémoire.
À partir de ce moment-là, j’ai plongé tête baissée. J’avais passé tant de temps à garder cette version de moi-même juste sous la surface, cette nouvelle version de MISS VELVET, cette femme façonnée par la perte, l’amour, la renaissance et la maternité. J’étais prête à exprimer tout ce que je portais en moi, à le filtrer à travers cet espace exalté et fantastique qu’occupe MISS VELVET. Elle est devenue le réceptacle de ce que j’avais de plus authentique.
Et puis, comme par hasard, j’ai rencontré ensuite ma partenaire créative actuelle, Esjay Jones. C’était absolument électrique. Deux personnes avec des histoires profondes, des vérités brutes et quelque chose à dire et prêtes à créer. Dès le début, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une simple collaboration. C’était de l’alchimie.
– Et il y a donc eu ta rencontre avec la compositrice et productrice Esjay Jones avec qui tu as co-produit et co-écrit « Traveler », puis « Triptych » récemment. La connexion entre vous semble incroyable. En quoi ce travail à deux a-t-il fait évoluer, et peut-être aussi, grandir ta musique et ta manière de l’aborder ?
Il se produit quelque chose d’incroyablement puissant lorsque deux femmes s’unissent avec force, confiance, respect et sans ego. C’est ça, travailler avec Esjay. Dès le départ, il y avait cette compréhension tacite que nous pouvions être pleinement nous-mêmes, explorer des idées folles, repousser les limites et créer sans crainte. Ce genre de partenariat créatif est une sécurité. C’est rare. Et cela a été une véritable transformation.
Avec « Triptych », la vision m’est venue presque comme un téléchargement : cet univers visuel et cinématographique que je voulais créer. Je l’ai apporté à Esjay et je lui ai dit : « Je veux écrire une bande originale pour ce film qui n’existe que dans ma tête ». J’avais ce concept de trois singles principaux, mais sept titres au total, avec des interludes et des changements de genres : cette histoire en trois actes. Et elle a immédiatement compris. Cette confiance et cette liberté créative sont essentielles.
On en parle souvent : MISS VELVET est une voyageuse de possibilités. Cette phrase est présente dans les paroles de « Traveler », mais c’est aussi une sorte de mantra qui guide notre façon de fonctionner. On retrouve des éléments de décor dans les deux albums : philosophie, visuels et même le symbolisme du tailleur à rayures, présent dans les deux projets. Dans « Triptych », elle le porte à nouveau, cette fois en blanc, et s’éloigne. Ce sont des choix réfléchis. Nous construisons ensemble une mythologie évolutive.
Ce qui rend ce partenariat encore plus spécial, c’est que nous naviguons toutes les deux sur des trajectoires similaires : en tant que femmes, en tant qu’artistes et en tant que créatrices trentenaires conciliant vie, identité, ambition et famille. Ce sont les sujets dont nous parlons. Ce sont les histoires que nous voulons raconter. Et en travaillant ensemble, j’ai découvert certaines des facettes les plus sincères de moi-même, celles que je souhaitais depuis longtemps exprimer en musique.
Esjay n’a jamais cherché à édulcorer quoi que ce soit. Elle respecte la voix. Elle comprend la puissance de ce qui est profondément identifiable et brut. Avoir une collaboratrice comme elle, qui comprend l’histoire dans son intégralité, qui vous rencontre dans l’histoire, c’est non seulement libérateur, mais aussi inspirant. Nous nous améliorons mutuellement.
– « Traveler » est un album explosif, mais aussi très personnel et intime dans les textes et avec des chansons qui sonnent presque Folk parfois. Est-ce que le fait d’être dorénavant en solo te permet-il d’aborder des sujets que tu n’aurais pas pu, ou oser, faire en groupe ?
Absolument. Etre solo, et surtout, avoir plus confiance en moi, m’a donné la liberté d’approfondir des sujets dont je n’aurais peut-être pas eu l’espace ou le courage d’explorer en groupe. MISS VELVET est devenue un réceptacle qui me permet d’appréhender les événements de ma vie en temps réel.
Avec « Traveler », l’accent n’était pas tant mis sur la maternité que sur le déménagement émotionnel et physique de New-York à la Californie. Ce changement, c’est-à-dire quitter une ville, un groupe, une vie que j’avais construite, et s’aventurer vers l’inconnu a été radical. Ça se ressent dans la musique. Il y a des moments sur « Traveler » qui sont véritablement Rock’n’Roll dans tous les sens du terme. Et c’était très intentionnel. C’était comme si je devais honorer le son et l’esprit qui m’avaient portée jusque-là avant de pouvoir m’en libérer pleinement. Je m’accrochais encore, d’une certaine manière, au poids de ce que je laissais derrière moi.
« Traveler » est donc devenu ce pont, un disque sur l’entre-deux. Sur le mouvement, l’incertitude et le début de la transformation. Et ce n’est qu’après avoir réalisé cet album que j’ai pu m’immerger pleinement dans l’espace décomplexé de « Triptych ». C’est l’endroit où je me suis enfin autorisé à explorer non seulement des thèmes émotionnels plus profonds comme la trahison, l’amour-propre radical, le deuil et le temps, mais aussi à expérimenter pleinement le paysage sonore. C’est devenu un espace d’exploration sonore audacieux. J’ai fusionné les genres que j’ai toujours aimés comme des éléments de tragédie grecque et de chœur, de la guitare flamenco, des cordes orchestrales luxuriantes, des thèmes de cinéma jusqu’à ce que j’appelle aujourd’hui le ‘Rock cinématographique’. Il s’agissait de créer quelque chose qui soit à la fois mythique et moderne. Théâtral, mais profondément personnel. C’est le moment le plus expansif et le plus libre que je n’aie jamais vécu.
– Il y a un réel esprit de liberté sur tes deux disques, « Traveler » et « Triptych », et cela se traduit par un Rock US puissant, avec aussi beaucoup de soins apportés aux arrangements comme le piano et les cordes, par exemple. C’était important pour toi que ta musique ne sonne pas trop brut pour garder peut-être aussi un côté féminin plus appuyé ?
Absolument. Mais je pense qu’il est important d’élargir ce que l’on entend par ‘féminin’. Pour moi, le féminin ne se résume pas à la douceur ou à l’élégance : c’est la profondeur, l’intuition, l’ancrage et la férocité. Avec « Triptych », je voulais me réapproprier le véritable sens du pouvoir féminin. Et cela impliquait d’accepter la vulnérabilité et la force. La beauté et la rage. La tendresse et les limites.
Il y a tellement de liberté là-dedans. Dans « Strut », on voit MISS VELVET s’abandonner à un amour-propre féroce et sans complexe. Et dans « Hallelujah », on perçoit quelque chose d’aussi puissant : l’acceptation. Même l’amour de l’ennemi. Une compréhension où l’on peut faire preuve de compassion, tout en revendiquant ce qui nous appartient. Qu’on peut tenir bon sans perdre sa grâce. Que tracer des limites ne vous rend pas dur, mais vous rend entier.
Je voulais que la musique reflète cette dualité. Les arrangements (cordes, piano, chœur) véhiculent émotion et mythe. Ils laissent la musique respirer d’une manière expansive et cinématographique. Mais l’énergie est toujours là. La puissance. L’architecture émotionnelle qui maintient les énergies masculines et féminines en tension. MISS VELVET vit dans cet espace : la liberté de s’appuyer sur les deux, d’explorer l’androgynie, d’être fluide, autoritaire, tendre et indomptable. C’est la beauté de « Triptych ». Il ne s’agit pas seulement de reconquérir le pouvoir, mais de redéfinir ce à quoi ce pouvoir ressemble et sonne.
– Justement, tu affirmes clairement ta féminité, ce qui n’est pas très simple dans l’industrie du Rock. Est-ce que revendiquer et véhiculer à travers ta musique un certain féminisme est important à tes yeux aussi ?
Ce n’est pas seulement important, c’est indissociable de l’art. Je ne considère pas le féminisme comme quelque chose que je dois intégrer à la musique : c’est la musique. Il est dans mes choix, des histoires que je raconte et de la façon dont j’incarne MISS VELVET. Il est dans le pouvoir de revendiquer ma propre voix sans compromis, de refuser d’être réduite ou adoucie pour le confort des autres.
Ce que j’affirme, ce n’est pas seulement la féminité, c’est tout le spectre de la condition féminine. Cela inclut la rage, la sensualité, le chagrin, la douceur, le glamour, la sérénité, la sauvagerie, la maternité, l’ambition, la contradiction, la sagesse. Tout est là. Et je pense que nous sommes enfin à un moment culturel où nous pouvons cesser de demander aux femmes de choisir une version d’elles-mêmes et de l’interpréter poliment. MISS VELVET vise à briser ce binaire. Elle vit à l’intersection de la féminité et de la vulnérabilité, du sacré et du profane.
Dans une industrie dominée par les hommes, surtout dans le Rock, affirmer une présence féminine, qui n’est pas conçue pour le regard masculin, peut être difficile. Mais je ne suis pas ici pour jouer selon les règles des autres. Je suis là pour élargir le récit. Pour montrer que le pouvoir féminin peut être raffiné et primordial. Ancré et indompté. Que le féminisme n’est pas une question de rejet, mais de revendication.
Alors oui, c’est profondément ancré dans ce que je fais. Non pas comme une déclaration, mais comme un droit inné. Comme une vérité que je vis haut et fort.
– Tu viens tout juste de sortir « Triptych », qui s’inscrit dans la continuité de l’album. Les trois nouveaux morceaux sont accompagnés d’interludes, mais aussi et surtout, il s’agit d’un véritable concept vidéo que tu as décliné sous la forme d’une tragédie grecque. D’où t’est venue l’idée à laquelle tu as aussi associé beaucoup d’esthétisme dans l’image?
L’idée de « Triptych » m’est venue lors d’un de ces moments rares et divins. J’étais assise sur ces rochers volcaniques noirs à Hawaï, lors d’un voyage avec mes enfants et mon mari. Je médite quotidiennement, cela fait partie de ma vie depuis huit ans, et ce matin-là, je venais de terminer une méditation lorsque je suis entrée dans ce magnifique espace intermédiaire : ni complètement revenue au présent, ni complètement ailleurs. A cet instant crucial, j’ai téléchargé l’intégralité de « Triptych ». J’ai revu chaque scène. L’arc narratif complet. L’Odyssée de MISS VELVET.
A l’époque, je traversais une période profondément douloureuse : la trahison de quelqu’un qu’on a aimé et en qui on avait confiance. C’est bouleversant. Cela vous bouleverse profondément. Et j’étais au point où j’avais le sentiment d’être dos au mur. Avec le recul, j’ai confié cette douleur à la seule personne capable de la porter sans se briser : MISS VELVET. Je me suis demandée : comment allait-elle affronter cela ? Et « Triptych » est devenu la solution. Dans la première partie, « Pistols At Dawn » », on voit MISS VELVET et son ennemie : MISS VELVET sur un cheval noir, l’ennemie dans une Mustang noire. On ne voit jamais le duel, mais l’image est claire : les deux forces se croisent en formation de V, filmées d’en haut. A la fin, elle se tient seule, une gaze rouge tombant de ses mains, symbolisant qu’elle a affronté l’ennemie et en est ressortie transformée, avec du sang métaphorique sur les mains. C’est la mort de l’illusion.
Puis, le chœur inspiré de la tragédie grecque la guide vers la deuxième partie : « Strut ». C’est l’instant d’un amour-propre triomphant, féroce et sans complexe. Entourée d’une communauté diversifiée de personnes s’exprimant dans leur forme la plus authentique, MISS VELVET est à la fois témoin et bénéficiaire de cet amour, et elle le lui rend au centuple. C’est une célébration de la reconquête.
Enfin, le chœur la conduit vers la troisième partie : « Hallelujah ». Un jugement spirituel. MISS VELVET est maintenant vêtue de blanc, debout sur une scène circulaire blanche, entourée du chœur, également en blanc. C’est l’acceptation totale. C’est la suite silencieuse, le moment de la transformation. Elle a affronté la trahison, revendiqué l’amour-propre, et arrive maintenant à un état de grâce, où elle peut aimer même son ennemi, tout en restant pleinement fidèle à sa vérité. « Triptych » s’achève sur la coda : une composition de cordes, sans paroles. MISS VELVET s’éloigne de la caméra, vers la suite. Ce n’est pas une fin, c’est un début.
Pour moi, « Triptych » était une forme d’alchimie émotionnelle. J’ai pris quelque chose que je pouvais à peine assimiler en temps réel et je l’ai traduit dans un monde visuel fantastique, où je pouvais l’affronter à travers l’art. Cela n’a pas fait disparaître la douleur, mais cela m’a offert un réceptacle. Une libération. Et ce faisant, je suis devenue une meilleure version de moi-même. Une meilleure mère, une meilleure épouse et une artiste plus honnête.
– Tu es aussi très présente sur les réseaux sociaux et très suivie. Accordes-tu beaucoup d’importance à ton image, car tu t’intéresses également de près à la mode ? Même si c’est très normal aujourd’hui, ça l’est un peu moins dans le monde du Rock. Comment gères-tu cela et est-ce que concilier ces deux passions te demande de bien les distinguer ?
C’est intéressant, car je ne vois pas vraiment cela comme une combinaison de deux passions distinctes. Pour moi, la mode, la musique, la narration, le langage visuel, tout cela fait partie d’une même impulsion. J’aime utiliser les réseaux sociaux comme une sorte de journal intime. Cela me permet de partager des idées au fur et à mesure qu’elles arrivent, qu’il s’agisse d’une nouvelle vision mode, d’un croquis sonore, d’un moment de ma vie de famille ou simplement d’une émotion du jour. C’est devenu un moyen de faire découvrir l’univers évolutif de MISS VELVET, non seulement en tant qu’artiste, mais comme une expérience artistique à 360°.
Et oui, il y a toujours du bon, du mauvais et du truand avec les réseaux sociaux, mais j’essaie de les aborder comme une extension de l’art. C’est là que je peux exprimer différentes facettes de MISS VELVET : un jour, ce peut être du glamour, le lendemain, une maternité brute, le surlendemain, un teaser conceptuel. Rien de tout cela n’est linéaire. C’est circulaire. Expansif. Ces derniers temps, je me sens de plus en plus attirée par le mot ‘artiste’. Pas seulement ‘artiste d’enregistrement’, même si cela fait partie de moi, mais artiste au sens large et plus sauvage du terme. J’en ai parlé avec mon label et mon équipe : cette idée que MISS VELVET est une entité créative vivante et dynamique. Et cela implique d’explorer de nouveaux espaces de performance, de nouveaux formats visuels, de nouvelles façons d’interagir avec le public au-delà du modèle traditionnel des tournées.
Je suis enthousiasmée par l’idée qu’il n’y ait plus qu’une seule façon de faire. Nous vivons une époque où les frontières entre les disciplines s’estompent, et cela me donne une immense liberté. Les réseaux sociaux font partie intégrante de cette danse. Et les ‘Velvets’, cette communauté qui m’a trouvée en chemin, en font partie aussi. C’est vraiment exaltant. Grandir et évoluer en temps réel et inviter les autres à en être témoins.
– Enfin, j’imagine que tu dois être impatiente de présenter tes nouvelles chansons sur scène. As-tu des projets dans ce sens aux Etats-Unis ou en Europe où tu étais récemment ?
Absolument ! J’ai hâte de retourner sur scène et de partager cette nouvelle version de MISS VELVET. Le spectacle vivant est le point de départ de tout pour moi, et honnêtement, c’est la raison pour laquelle je fais tout cela. Rien n’est comparable à ce contact électrique et humain avec le public. Cet échange d’énergie, ce moment où tout devient réel.
Je suis particulièrement impatiente de donner vie à « Triptych ». Je rêve de différentes manières de le présenter pleinement, pas seulement sous forme de concert, mais comme une expérience immersive. Qu’il s’agisse d’une résidence, d’une installation multi-sensorielle ou de quelque chose d’entièrement nouveau. Je travaille à la création d’un format live qui nous permette de pénétrer pleinement dans l’univers de « Triptych » : sa dramaturgie, ses visuels et son arc émotionnel.
Nous travaillons activement à la préparation de prochaines dates de tournée aux Etats-Unis et, espérons-le, en Europe. Alors oui, la scène, qui est ma maison et mon havre de paix, m’appelle. Et j’ai hâte d’y répondre.
L’album « Traveler » et l’EP « Triptych » de MISS VELVET sont disponibles chez Mother Ride Records.
Photos : Chris Quinn (1, 4), Horz (2, 3, 5, 7) et Luisa Opalesky (8).
Retrouvez également la chronique de « Traveler » :
Réellement investie, la formation viennoise se présente avec « Fast Lane », un deuxième effort qui vient confirmer le potentiel aperçu à ses débuts. Sur de solides fondations Hard Rock, les musiciennes savent se faire Heavy, Glam aussi à l’occasion et laissent même échapper quelques gimmicks Punk. Bien produite, polyvalente et survoltée, cette nouvelle réalisation est intense, rafraîchissante et assure à VULVARINE une nouvelle stature dans l’univers Heavy Rock européen qu’elles s’apprêtent à conquérir armées d’un farouche caractère.
VULVARINE
« Fast Lane »
(Napalm Records)
En l’espace de cinq ans, on a pu assister en temps reel à la métamorphose, du moins à la saisissante progression, de VULVARINE. Depuis « Unleashed » en 2020, suivi de l’EP « Witches Brew » fin 2023, les Autrichiennes ont peaufiné leur style, resserré leur jeu et gagné en efficacité. Les compos sont plus racées, leur débordante énergie canalisée et avec « Fast Lane », elles franchissent un nouveau cap. Toujours aussi fougueuses, leur Hard Rock trouve son identité dans un élan Heavy, teinté de Punk et de Glam. Sexy & Raw au final !
Certes, il y a du Girlschool, une touche de Joan Jett dans l’attitude aussi et un brin de The Runaways chez VULVARINE, qui s’inscrit dans la lignée des groupes 100% féminin à l’ADN hyper-Rock’n’Roll. Mais sans compromis, ce deuxième album est explosif et vivifiant avec un côté sauvage qui sert parfaitement des refrains très accrocheurs. Même si elles évoluent dans un registre assez classique, « Fast Lane » est résolument moderne et impactant. Fruit d’une collaboration entre trois producteurs, l’ensemble est très homogène et costaud.
Avec une approche féministe et volontaire, VULVARINE affirme ses convictions et ses valeurs, tout en libérant une bonne dose d’adrénaline. Brut et rentre-dedans, le quatuor affiche puissance et détermination, et met en avant des mélodies bien ciselées (« The Drugs, The Love And The Pain », « Demons », « Alright Tonight », « Equal, Not The Same », « Polly The Trucker » et l’acoustique « She’ll Come Around »). Au final, « Fast Lane » ne renverse pas la table, mais y pose comme il faut tous les ingrédients d’un avenir serein. La scène sera révélatrice.
C’est la passe de trois pour le combo le plus en vue de notre beau pays en termes de Hard FM et d’AOR avec une nouvelle et époustouflante réalisation, qui prend enfin la pleine mesure des grandes prédispositions de ses membres. Sur des lignes de chant entêtantes avec des refrains dévastateurs, des parties de guitares de haut vol et une vélocité globale intense, HEART LINE pousse le plaisir à son paroxysme avec une déconcertante facilité. « Falling Heaven » vient réveiller une scène qui renaît grâce à des formations de son calibre.
HEART LINE
« Falling Heaven »
(Pride & Joy Music)
Avec déjà deux albums à son actif et un EP de reprises en guise de gourmandise, HEART LINE surfe sur une belle dynamique et ce n’est certainement pas la sortie de ce troisième et vivifiant opus qui risque d’y mettre un frein. Bien au contraire, « Falling Heaven » vient solidifier l’assiste prise par les Bretons depuis leurs débuts. En quatre années seulement, ils ont laissé exploser leur talent, leur complémentarité, leur expérience et leur créativité dans un style auquel ils sont totalement dévoués, un Hard FM très fédérateur.
Ce qu’il y a de plus frappant sur « Falling Heaven », c’est cette touche et ce son qui sont aujourd’hui immédiatement identifiables. HEART LINE s’était jusqu’ici contenté de laisser quelques indices sur ses morceaux, et voilà que son identité musicale jaillit comme une évidence. La guitare, bien sûr, en parfait équilibre avec les claviers, le groove d’une paire basse/batterie au diapason et une voix qui porte avec autant de puissance que de mélodie, la recette paraît simple et le résultat est éclatant de vérité.
Et cette fois, l’ensemble est aussi plus musclé et plus compact. HEART LINE joue sur une spontanéité avec un côté rentre-dedans qui lui va si bien. Les riffs accrocheurs s’enchaînent avec un enthousiasme palpable, tout comme les solos qui rivalisent d’ingéniosité sans être trop démonstratifs. Caractérisé par une belle audace, « Falling Heaven » exalte et exulte. Alors, même si le genre reste toujours confidentiel dans l’hexagone, une chose est sûre : si nul n’est prophète en son pays, HEART LINE pourrait bien être notre nouveau messie.
Artiste accomplie au parcourt assez étonnant, ZZ WARD sort un quatrième opus plein de surprises en suivant ses choix et ses envies. Sur « Liberation », chaque titre est concis et direct et traverse les courants du Blues avec passion et beaucoup de facilité. A la fois Roots, Blues Rock, Southern, aux sonorités du Delta comme sur un groove Honky-Tonk, la frontwoman se fait brûlante, poignante, délicate et forte. Vibrante et intense, l’Américaine est exaltante et conquérante. Une belle démonstration de feeling et de maîtrise.
ZZ WARD
« Liberation »
(Dirty Shine/Sun Records)
Chaque nouvelle sortie de ZZ WARD est dorénavant scrutée de très près et quelques mois après son arrivée sur le mythique label Sun Records qui avait été marqué par l’EP « Mother », elle nous livre « Liberation ». Et la songwriter de Roseburg, Oregon, se présente avec un quatrième opus étonnant à bien des égards. En effet, le successeur de « Dirty Shine », sorti il y a deux ans, est composé de quatre des six morceaux de son récent format court paru en octobre dernier, ainsi que de quelques classiques revisités et, bien sûr, de chansons originales.
Celles et ceux qui auraient manqué « Mother » ont donc le droit à une petite séance de rattrapage. La multi-instrumentiste a renouvelé sa confiance au producteur Ryan Spraker, ayant lui-même plusieurs cordes à son arc, et « Liberation » est un album qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Au fil des morceaux, on découvre ZZ WARD déclamant son amour du Blues, sans filtre et sans fard, que ce soit sur ses propres titres ou sur les reprises qu’elle a savamment choisi et qu’elle s’est approprié avec brio…. Une expression de la liberté plus flamboyante que jamais.
Libre et libérée, la chanteuse fait ce qu’elle veut et elle sait tout faire. A travers les 14 chansons de « Liberation », elle démontre sa polyvalence tout comme sa connaissance d’un répertoire Blues très large. Parmi les covers de Big John Hamilton, Son House, Robert Johnson ou Fats Domino, ZZ WARD fait plus qu’explorer l’Histoire du genre, elle la réinvente et lui offre une toute nouvelle couleur. Et en marge, on se délecte de ses compositions très personnelles et intimes (« Love Alive », « Liberation », « Lioness », « Clairvoyant », « Next To You »). Brillante !
Les Transalpins ont jeté leur dévolu sur les plantes, en l’occurrence le lierre, l’arum, la mandragore et la sauge. Et de cette union végétale est né un Doom mystique à la fois Rock et Metal, mâtiné de Stoner et de Noise. MAISON DIEU a fait de ce concept un terrain de jeu assez unique, un brin psychédélique et surtout doté de beaucoup de caractère. « Herbacea » ouvre une voie étonnante, parfois complexe, mais bien menée à cette nouvelle formation très créative.
MAISON DIEU
« Herbacea »
(Sliptrick Records)
Il est assez rare que je chronique un EP, mais lorsque celui-ci est suffisamment original et complet malgré sa durée, un rapide éclairage est toujours le bienvenu. Tout d’abord intrigué par le nom, puis par le concept musical, force est de constater que cette première réalisation des Italiens sort franchement de l’ordinaire. En effet, MAISON DIEU célèbre ici la nature et précisément quatre plantes autour desquelles se dessine un style qu’ils qualifient eux-mêmes de Mystic Doom. Une sorte d’ode un peu spéciale à l’environnement.
C’est la voix de Carlotta Di Stefano, également guitariste, qui sert de guide sur les cinq titres, si l’on compte l’intro chantée très chamanique qui nous plonge dans « Herbacea ». MAISON DIEU a parfaitement su établir les frontières de son monde, et malgré le format court, le Doom sombre et surprenant qu’il propose est tout sauf linéaire. Aux côtés de la frontwoman, Mauro Mariotti tient la basse et apparaît aussi sur le duo « Calla », et c’est Ivan Natalucci qui donne le rythme sur des atmosphères très changeantes.
A travers quatre morceaux bien ciselés, le trio a pris soin d’élargir son Doom vers des horizons Rock et Metal, tout en proposant quelques embardées Stoner et même Noise. MAISON DIEU joue sur les contrastes avec un son très organique et une sensation live très présente (« Edera », « Mandragola », « Terra E Salvia »). « Herbacea » est un premier effort réussi et intense, qui se développe dans un univers singulier et que le combo devrait pouvoir investir de manière encore plus approfondie sur album. Déjà captivant.