Mené de main de maître depuis quatre ans et autant d’albums, le vaisseau UNITED GUITARS vogue toujours au rythme des riffs, des solos et des chorus envoûtants de celles et ceux qui viennent se greffer à ce projet au départ un peu fou. Parfaitement produit, comme toujours, « #4 » nous fait parcourir l’univers de cette trentaine de guitaristes et le voyage est encore une fois enchanteur.
UNITED GUITARS
« #4 »
(Mistiroux Productions)
Chez UNITED GUITARS, on ne fait jamais les choses à moitié. Depuis le début de l’aventure en 2019, Ludovic Egraz et sa compagne et productrice Olivia Rivasseau ont livré quatre doubles-albums, dont voici le petit dernier. Et comme on ne change pas les bonnes habitudes, pas moins de 33 guitaristes se relaient sur deux bonnes heures de musique, où un grand nombre de styles sont abordés avec classe et une dextérité de chaque instant.
Chaque volume réservant son lot de surprises, « #4 » ne déroge pas à la règle. Et lorsque l’on connait le principe de base d’UNITED GUITARS, celle-ci est de taille. En effet, presqu’érigé en règle immuable, les précédentes réalisations étaient entièrement instrumentales, l’objectif étant de se mettre au service de la six-codes avant tout. Avec « Stay Real », Jessie Lee Houllier s’invite au chant pour un Blues Rock au groove imparable… et à trois guitares !
Tout en finesse et virtuosité, « #4 » nous invite notamment à faire connaissance avec le bluesman Robben Ford, le jeune prodige russe Max Ostro ou encore le Canadien Nick Johnston. Et UNITED GUITARS garde toujours une petite place pour ses habitués dont Yvan Guillevic (Heart Line), Saturax, NeoGeoFanatic ou Youri de Groote, toujours aussi créatifs. Soutenu par une rythmique royale, ces musiciens-là ne manquent vraiment pas de maestria.
La musique de GOV’T MULE a ceci d’étonnant qu’elle paraît si simple tellement elle est évidente. C’est probablement dû au fait qu’elle semble si naturelle à l’écoute. Car les Américains ne donnent jamais dans la facilité et si presque tous leurs albums dépassent l’heure, c’est sûrement parce que les notions de plaisir et de passion restent au cœur de leur jeu… ce qui est devenu si rare. Et cette fois encore, « Peace… Like A River » a tout du joyau.
GOV’T MULE
« Peace… Like A River »
(Fantasy/Universal)
L’an prochain, GOV’T MULE soufflera ses 30 bougies et pour Warren Haynes (guitare, chant) et Matt Abts (batterie), Allen Woody (basse) étant décédé en 2000, l’ombre du légendaire Allman Brothers Band a disparu au profit de la lumière diffusée par leur nouvelle formation. Aujourd’hui aux côtés de Danny Louis (claviers) et Jorgen Carlsson (basse), le groupe a plus que conquis ses lettres de noblesse dans le paysage Rock américain et ce douzième album studio est même l’un de ses meilleurs.
Il y a moins de deux ans, GOV’T MULE sortait « Heavy Load Blues », une sorte de recueil de reprises éblouissant qui traversait avec magie ses influences si nombreuses et variées. Pourtant au même moment et au coeur de la pandémie, le quatuor enregistrait dans ces mêmes studios de The Power Station en Nouvelle-Angleterre ce génial « Peace… Like A River », co-produit par Haynes avec le grand John Paterno (Elvis Costello, Bonnie Raitt, Los Lobos). Un véritable travail d’orfèvre !
Et ce nouvel opus réserve encore bien des surprises, tant dans sa conception que par le casting cinq étoiles de guests qu’il propose. Afin de bien distinguer les deux réalisations, GOV’T MULE a été jusqu’à les concevoir dans deux pièces différentes avec du matériel et des instruments distincts pour mieux conserver une touche personnelle sur chaque disques. Aucune limite ne les arrête et cette créativité qui les anime donne à « Peace… Like A River » une saveur toute particulière.
Dans son univers Southern, GOV’T MULE navigue avec toujours autant de volupté et de subtilité dans des sphères Rock, Blues, Funk, Jazz, Soul, Heavy Rock, Folk et parfois même un brin Reggae pour le fun. Une chose reste immuable, c’est ce groove tellement identifiable et cette faculté quasi-naturelle à se lancer dans des jams phénoménales. « Peace… Like A River » s’étend en douze morceaux sur 70 minutes et l’édition Deluxe présente même quatre inédits et une version alternative de « The River Only Flows One Way ».
Parmi les invités de marque, Billy Gibbons de ZZ Top enchaîne les riffs sur « Shake Our Way Out » en poussant aussi la chansonnette. Ivan Neville et Ruthie Foster enveloppent de douceur « Dreaming Out Loud », ainsi que Celisse Henderson sur « Just Across The River ». Que du beau monde ! Et GOV’T MULE brille aussi de mille feux sur « Make My Peace », « Your Only Friend », « Long Time Coming » et « Gone Too Long ». L’écriture est fine, les arrangements soignés : « Peace… Like A River » est tout simplement stellaire !
Très actuelle sans être trop avant-gardiste, la formation française se dévoile enfin sur la longueur d’un album. « The Widow And The Others » dresse onze tableaux musicaux distincts et très complémentaires, où le Rock domine sans se refuser quelques élans Metal, Pop, Funk et tout en libérant quelques légères saveurs 80’s. Et au-delà de cette effervescence musicale, EREI CROSS est aussi une voix… l’une des plus belles de l’hexagone.
EREI CROSS
« The Widow And The Others »
(Klonosphere/Season Of Mist)
Fondé il y a quatre ans par la bassiste et chanteuse Laetitia Finidori et le guitariste Adrien Grousset également à l’œuvre sur l’enregistrement et le mixage, et soutenu sur scène par le batteur Matthieu Guérineau, EREI CROSS poursuit sa route et présente son deuxième effort. Après « The Widow » paru en 2021, le duo nous offre donc la suite, ou plutôt vient compléter son premier EP.
C’est donc l’occasion de vous familiariser avec le Rock d’EREI CROSS, qui est aussi moderne qu’il est branché en courant alternatif. L’univers des Poitevins est riche et lumineux à la fois. S’appuyant sur le Metal et le Stoner grâce à des guitares massives et imposantes, le groupe se montre également très pointu lorsqu’il s’agit de poser des ambiances plus Electro ou Funk, preuve d’un bel éclectisme.
Si EREI CROSS multiplie les expérimentations sonores en ne se privant d’aucune incartade, il est un domaine où il reste constant au point d’en faire l’épicentre de son concept. Le féminisme et l’émancipation de la femme sont au coeur du projet et la façon d’en parler se pose sur un ésotérisme et une symbolique forte. « The Widow And The Others » joue avec classe sur tous ces tableaux.
Issus d’un groupe Thrash dans leur Mexique d’origine, RODRIGO Y GABRIELA n’ont eu aucun mal à convaincre et séduire le public Metal. Malgré des prestations entièrement acoustiques, la fougue et la grande dextérité des deux spécialistes enflamment chacune des scènes où ils se produisent. « Avec « In Between Thoughts… A New World », ils empruntent une nouvelle voie, plus riche encore, et toujours aussi créative.
RODRIGO Y GABRIELA
« In Between Thoughts… A New World »
(ATO/Pias)
De leurs premières prestations à Grafton Street au coeur de Dublin jusqu’à leur Grammy Award 20 ans plus tard en 2020, RODRIGO Y GABRIELA mènent leur chemin avec la même virtuosité que celle qui les anime, guitare en main, depuis leurs débuts. Le duo mexicain (Rodrigo Sànchez et Gabriela Quintero) s’est fait connaître grâce à un jeu extrêmement dynamique et jusqu’à présent entièrement acoustique et d’une intensité hors du commun.
En effet, après cinq albums instrumentaux, RODRIGO Y GABRIELA ont décidé d’étoffer leur répertoire, dont le chant reste toujours absent. Sur « In Between Thoughts… A New World », les deux musiciens intègrent des sonorités de guitare électriques (une première !), mais aussi quelques claviers, des percussions synthétiques et même les cordes de l’Orchestre Symphonique Bulgare dirigé par Adam Ilyas Kuruc. La métamorphose est assez saisissante.
Depuis leur opus précédent, RODRIGO Y GABRIELA ont aussi fait la découverte de la philosophie indienne non-dualiste de l’Advaita Vedanta, dont ils se sont inspirés pour ce nouveau disque. Et ils ne se sont pas pour autant assagis. Cette sixième réalisation fait toujours le pont entre un souffle Rock, Folk et leurs influences latines natales. Avec « True Nature », « Egoland », « Seeking Unreality », ou « Broken Rage », le charme opère toujours.
Le Rock très Blues et Americana de la formation du Wisconsin tire ses influences de la musique roots américaine. BOURBON HOUSE est parvenu à se forger un style et une sonorité très distinctive, grâce notamment à sa chanteuse, mais aussi et surtout à des morceaux d’une grande fraîcheur et d’une spontanéité de chaque instant sur ce très bon « The Fourth Album ».
BOURBON HOUSE
« The Fourth Album »
(Independant)
Comme annoncé il y a moins de deux mois dans l’interview à lire-ci-dessous, BOURBON HOUSE livre « The Fourth Album ». Judicieusement intitulé, il s’agit donc de la quatrième réalisation du groupe, qui avait déjà commencé à diffuser plusieurs singles depuis un bon moment. Très peu adepte des morceaux distillés au compte goutte et briseur, selon moi, de l’unité d’un l’album, c’est donc un plaisir de découvrir les onze morceaux réunis, d’autant qu’ils bénéficient d’une très bonne production.
Faisant suite à « Resonate », « Out For Blood », « High Road Gypsy », « Blue Magic » et « 20 To Life », on découvre les quatre titres inédits et deux versions acoustiques très réussies. Electrique ou unplugged, BOURBON HOUSE fait mouche à chaque fois et il faut reconnaître que son Rock’n’Roll brut et épuré mâtiné de Blues et d’Americana offre de multiples possibilités dans lesquelles les Américains s’engouffrent avec brio.
Mené par la voix chaude et puissante de Lacey Crowe et les riffs endiablés du songwriter Jason Clark, BOURBON HOUSE franchit véritablement un palier avec « The Fourth Album », tant en ce qui concerne les compostions que l’attention apportée au son (« Love Is A Killer », « Villain », « Hotel Bar Blues », « Wild Days »). En toute logique, la prochaine étape devrait passer par un label, même si pour l’heure, ils ne semblent pas très emballés…
Il n’est plus besoin de présenter le musicien et songwriter de génie JOE BONAMASSA, tant sa discographie et ses productions annexes sont systématiquement une réussite. Comptant un nombre impressionnant d’albums live à son actif, dont on retiendra notamment « Live from the Royal Albert Hall », « Live at Carnegie Hall » et le plus récent « Live at the Sydney Opera House », c’est véritablement en public qu’il prend son envol.
JOE BONAMASSA
« Tales Of Time »
(J&R Adventures)
On n’arrête plus JOE BONAMASSA. Chanteur, guitariste, producteur, promoteur et devenu un redoutable et incontournable homme d’affaire de la scène Blues Rock, il multiplie ses activités tout en restant très prolifique musicalement et en livrant des albums de plus en plus inspirés. Virtuose de la six-codes et squattant les sommets des charts à chacune de ses réalisations, la scène reste son jardin et son terrain de jeu et d’expression favori.
Sorti en octobre 2021, le dernier effort studio de JOE BONAMASSA, « Time Clocks », se range tout en haut de la pile de ses meilleurs disques. Brut et très Rock, l’Américain explore de nouvelles facettes du Blues avec sa dextérité naturelle et surtout une approche moins shred qu’à son habitude. Et « Tales Of Time » parcourt cette dernière réalisation et, avec le soutien d’un groupe hors-norme, la musique du bluesman rayonne littéralement.
Ce nouveau Live a été capté et enregistré en août de l’an dernier dans le somptueux amphithéâtre de Red Rocks dans le Colorado, où tant d’albums mythiques ont reçu la même lumière. Sur une splendide production signée par son complice Kevin Shirley, JOE BONAMASSA joue avec force et sensibilité ses morceaux avec une facilité et une application constante. Avec « Tales Of Time », il s’inscrit encore un peu plus dans la légende du Blues.
Originaire de Belfast en Irlande du Nord, AMY MONTGOMERY a une personnalité très forte qui ne peut laisser indifférent. Musicalement, son registre est vaste et même s’il tourne autour d’un Rock efficace et direct, les émotions qu’il véhicule sont tout aussi saisissantes. Indépendante, la chanteuse et multi-instrumentiste vient de livrer un nouveau single, « Change Change », accrocheur et doté d’une énergie incroyable. Nul doute qu’AMY MONTGOMERY ne tardera pas à fouler les scènes françaises. Alors, avant de la découvrir en concert, entretien avec une artiste hors-norme et très attachante.
– Ce qui m’a le plus surpris lorsque je t’ai écouté pour la première fois, c’est cette force qui émane de toi et bien sûr de ta voix. Est-ce que c’est quelque chose que tu as toujours eu en toi ?
J’avais huit ans quand j’ai commencé à jouer sur scène et à l’époque, ma voix était vraiment chétive ! Ma force vocale est venue après des années de pratique, de concerts et d’apprentissage. Après quelques expériences de vie difficiles aussi, je peux vraiment dire qu’elles m’ont aidée à devenir une femme très résiliente. La performance me donne de la force dans la vie et la vie me donne de la force dans la performance.
– Sans revenir sur les drames que tu as traversés adolescente, j’ai aussi l’impression que tu te nourris de cette douleur pour en faire quelque chose de très positif. C’est cette démarche que tu suis à travers ta musique aujourd’hui ?
Oui, absolument. Parfois, je l’exprime dans une chanson très directe, parfois dans une ballade au piano déchirante, parfois dans une chanson Rock aux riffs lourds comme « Change Change ». C’est toujours différent. Mais oui, beaucoup de mes intentions dans l’écriture viennent de mes expériences de vie d’enfant et d’adolescente, ainsi que de choses qui se passent dans le monde et aussi dans ma vie à un moment donné.
– Avant de parler de ton nouveau single « Change Change », j’aimerais que tu me dises un mot au sujet de tes prestations scéniques. Tu te présentes avec un maquillage très guerrier et des tenues assez provocantes. C’est un personnage que tu endosses pour te préserver, ou c’est la véritable AMY MONTGOMERY ?
Ah !!! Eh bien, nous devons d’abord nous demander ce qu’est le ‘vrai’ dans chaque chose, non ? Le personnage que j’incarne sur scène est bien sûr la vraie AMY MONTGOMERY, mais peut-être juste en version un peu exagérée. Je pense que la plupart des gens sont toujours agréablement surpris lorsqu’ils discutent avec moi après un concert. Je ne suis pas aussi effrayante ou féroce que ce que j’ai l’air sur scène. Pour moi, la scène est un lieu où je peux m’exprimer librement, à travers le mouvement, la musique, le chant et bien sûr visuellement à travers les vêtements. Enfiler mes tenues un peu dingues et ma peinture de guerre est un rituel. Cela me rappelle ma force et, à son tour, rappelle au public sa propre force aussi.
– Ce qui est étonnant, c’est que tu es très jeune et pourtant tu as déjà sorti plusieurs singles, EP et un mini-album « Alterations ». Et tu as également tourné dans le Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Suisse et même en Australie. Tout semble s’enchainer très rapidement…
Oui, j’ai été très chanceuse avec les opportunités qui se sont présentées à moi très jeune. A 18 ans, j’avais signé un contrat de management et à 20 ans, j’avais signé avec une agence de booking. J’ai toujours su que la musique était ma passion la plus profonde et je pense que si vous aimez suffisamment quelque chose, vous ne laissez rien vous empêcher de la réaliser. J’ai travaillé, et je travaille toujours extrêmement dur, sur ma carrière musicale. J’ai fabriqué moi-même tout le merchandising et les bénéfices ont financé des tournées complètes, et en groupe, au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne. J’avais même tout booké moi-même avant même d’avoir un tourneur ! Il a fallu six ans pour arriver au niveau où je suis maintenant et il y a encore un sacré chemin à parcourir ! C’est un voyage d’apprentissage constant et je l’aime !
– Parlons de « Change Change », ton nouveau single qui vient de sortir. Il propose une production très ample et puissante et tu sembles musicalement franchir un cap avec une énergie incroyable. Au regard de tes précédents morceaux, on dirait qu’il annonce et amorce un nouveau départ. C’est le cas ?
« Change Change » est définitivement plus lourd avec un ton légèrement différent de mes morceaux précédents, mais je pense qu’il y a toujours un même sentiment qui s’en dégage. J’ai toujours été influencé par la musique Rock en grandissant avec des groupes comme Black Sabbath, AC/DC et Eagles, donc c’est vraiment génial de sortir une chanson qui se penche davantage sur mes influences classiques et solides. Il s’agit d’un processus constant plutôt que d’un nouveau départ.
– J’imagine qu’un album va suivre. Est-ce que peux nous en dire un peu plus ? Est-il déjà entièrement composé et as-tu commencé à enregistrer quelques morceaux ?
En octobre, je vais sortir un EP qui inclura « Change Change ». 2024 sera l’année de la sortie de mon premier album. Je coproduis mes chansons avec mon partenaire Michael Mormecha et nous avons notre propre studio, donc il y a toujours des chansons en cours d’enregistrement. Et nous aurons beaucoup de chansons et d’idées dans lesquelles piocher pour l’album !
– En écoutant tes morceaux depuis tes débuts jusqu’à aujourd’hui, il y a une grande évolution et une belle maturité, tant dans l’écriture que dans l’interprétation. Quelles sont les étapes franchies et est-ce que tu as le sentiment qu’avec « Change Change », tu livres enfin la musique que tu as toujours voulu écrire et chanter ?
Quand j’ai sorti mon premier single « Dangerous », c’était la musique que j’avais toujours voulu écrire. Quand « Intangible » est sorti, c’était encore la musique que j’avais toujours voulu écrire. Aujourd’hui, je joue rarement « Dangerous » en live, parce que je ne le ressens plus comme avant. C’est peut-être parce que je l’ai tellement joué, et aussi parce que le temps passe et mes goûts et mes envies changent. Je pense que beaucoup d’artistes diraient la même chose… C’est un peu comme aimer porter un t-shirt pendant un moment, puis vouloir porter autre chose après. Parfois, vous retournez dans votre garde-robe et vous sortez un vêtement que vous avez oublié. En ce moment, j’aime vraiment mélanger des guitares massives avec des synthés. J’adore « Change Change », mais je suis sûr que dans un an ou deux, j’aurai envie de faire à nouveau un style de musique différent. C’est la nature et la beauté de la créativité. Et comme je le dis souvent : « On ne peut pas aller contre le changement ! » (Sourires)
– Tu es d’ailleurs une songwriter accomplie et ton écriture est de plus en plus efficace. De quelle manière travailles-tu tes chansons ? On a l’impression que c’est le texte qui sert de guide…
Mon processus d’écriture est toujours différent, mais la plupart du temps, la musique est écrite en premier, puis c’est presque comme si les paroles et la mélodie vocale en découlaient toutes seules. J’ai écrit « Change Change » au piano et les paroles et la mélodie des couplets et du refrain sont venues très rapidement et naturellement. Pourtant, je n’ai écrit le pont que deux ans plus tard. Musicalement, la chanson sonne complètement différemment de la première mouture. Je l’ai remanié en studio avec les talents magiques de multi-instrumentiste de Michael Mormecha. Nous l’avons reconstruite autour du riff de guitare que vous entendez maintenant. J’adore discuter de l’évolution d’une chanson. Certaines s’étalent dans le temps plus que d’autres. J’ai d’ailleurs une nouvelle page Patreon, où je partage tous ces ‘coulisses’ de ma vie et de l’écriture des chansons pour tous ceux qui souhaitent s’abonner !
– Si on écoute attentivement « Change Change » d’un côté et des chansons comme « Old Photographs » ou « Dangerous » de l’autre, on peut y entendre nettement les influences d’Alanis Morissette et de Beth Hart notamment. Ce sont deux artistes qui semblent t’avoir beaucoup marqué, non ?
Alanis Morissette a définitivement eu un énorme impact sur moi. Non seulement elle est une compositrice et une interprète fantastique, mais c’est aussi une femme très intelligente émotionnellement, ce qui est super inspirant. Ma sœur a 14 ans de plus que moi et c’est elle qui m’a vraiment fait découvrir Alanis Morissette, alors que je n’avais que neuf ans. J’admire aussi profondément Beth Hart, mais je n’ai découvert sa musique qu’il y a quelques années. Je l’ai vue en concert pour la première fois il y a quelques semaines à peine. J’ai vraiment frissonné très profondément grâce sa performance très expressive, sa voix et son écriture incroyables !
– J’aimerais aussi que tu me dises un mot de ta reprise de Sharon Van Etten, « Jupiter 4 », qui est vraiment magnifique. Pourquoi ce choix et est-elle aussi une chanteuse qui t’inspire ?
En 2019, j’ai découvert Sharon Van Etten au ‘Festival de Glastonbury’, la veille de mon passage. C’était une artiste dont je n’avais jamais entendu parler et la découvrir à ce spectacle a été vraiment époustouflant. Je ne pouvais pas croire que je n’avais jamais entendu parler de sa musique auparavant ! « Jupiter 4 » a explosé en moi en live à travers le son et aussi avec la présence venue d’ailleurs de Sharon Van Etten. Ca m’a rendu accro. Le désir dans sa voix sur cette chanson m’a amené à vouloir la reprendre. Sur ma reprise, je joue d’ailleurs de tous les instruments : batterie, basse, piano et chant !
– Un mot aussi sur tes prestations scéniques qui sont explosives et pleines d’énergie. A te voir, on a vraiment l’impression que c’est là que tu peux t’exprimer le mieux et te libérer à travers des morceaux parfois écorchés mais surtout, une fois encore, d’une grande force. Tu vois et abordes tes concerts comme le but et l’objectif ultime de ton travail d’artiste ?
En ce moment, oui ! Le live est ce qui compte le plus pour moi. Je pense que les gens ont besoin de voir me voir en live pour bien comprendre ce que je fais artistiquement. J’ai cependant beaucoup d’idées créatives et à l’avenir, je pense d’ailleurs que je sortirai de la musique sous un nom d’artiste différent, uniquement pour l’écouter et sans intention de la jouer sur scène.
– Chose étonnante encore, tu produis ta musique en indépendante. Est-ce que des labels se sont déjà manifestés, ou préfères-tu conserver une totale liberté sur la musique, du moins pour le moment ?
J’aime produire ma musique de manière indépendante, mais je pense également qu’il est vraiment avantageux d’être sur un label pour obtenir la promotion nécessaire. J’ai des labels en tête avec lesquels j’aimerais travailler, mais aucun ne m’a encore approché. C’est un long chemin. Mais pour l’instant, je suis contente de continuer à me produire de manière indépendante, car cela a aussi de nombreux avantages !
– Belfast est une ville de contrastes, où beaucoup de combats très variés sont menés. Est-ce qu’à travers ta musique, il y a certains messages que tu souhaites faire passer et certains combats que tu peux peut-être aussi mener parallèlement, car on te sent très engagée ?
Oui, définitivement ! Dans ma musique, il y a à la fois une bataille constante et un message d’acceptation. Je pense que c’est le reflet de la vie en elle-même… ou de la vie telle que je la vois en tout cas. Nous rencontrons des difficultés comme la perte et le chagrin, mais nous éprouvons aussi de la joie et nous surmontons des obstacles. J’aime présenter ces dualités dans ma musique, sachant que nous avons tous besoin de lutter pour savoir ce qu’est la liberté. Enveloppez tout ça de riffs rock, de tenues folles et de peintures de guerre et l’écriture et la performance deviennent un rituel en soi !
Retrouvez le nouveau single d’AMY MONTGOREMY, « Change Change », et toute son actualité sur son site :
Dotée d’une très bonne production, les Parisiens s’affirment avec talent sur une première réalisation menée de main de maître. Eclectique et pimenté, JIRFIYA se dévoile à travers un registre où les parties instrumentales dominent pour s’étendre dans des ambiances colorées et puissantes. Très bien arrangé, « W » est loin de livrer tous ses secrets à la première écoute. Il faut donc creuser un peu pour en saisir toute la substance.
JIRFIYA
« W »
(Independant)
Déjà auteur de deux EP, JIRFIYA présente enfin son premier album et les Franciliens frappent fort. Sorti il y a quelques semaines en autoproduction, « W » est à l’image de la scène progressive française actuelle : techniquement imparable et particulièrement inspirée. Oscillant entre Metal et Rock, le groupe s’est construit un univers riche et varié, qui lui permet d’aborder des atmosphères et des sonorités très originales.
Dès « Asylum » et ses neufs minutes, le ton est donné. JIRFIYA ne manque ni d’ambition, ni de créativité. Puissante et atmosphérique, l’entrée en matière laisse présager d’un opus plein de surprises… et c’est peu de le dire ! Au chant, Ingrid Denis (frontwoman du groupe de Rock Progressif Oscil) se montre sobre et efficace, laissant le côté lyrique aux amateurs de Metal Symphonique. Très bien structuré, « W » ne montre que peu de failles.
Pour accompagner les deux guitares, JIRFIYA a fait appel à la violoniste Coline Verger sur cinq morceaux, au violoncelliste Quentin Fauré sur ces mêmes titres et au trompettiste Jules Jassef sur deux compositions qui prennent une dimension incroyable dans la veine d’un certain Amin Maalouf. Envoûtante sur « Sister In Blood », « Dark Storms », « The Factory » ou « The Girl With The Perfect face », la formation régale et enchante.
MOHOVIVI est la réunion de deux grandes figures du Rock, parfois restées dans l’ombre, mais dont l’apport créatif et musical s’est avéré très important au sein notamment du plus grand groupe de Rock/Hard français. « Komando » est un opus qui transpire la rage autant que l’amitié et l’authenticité.
MOHOVIVI
« Komando »
(FTF Music)
Anciens compagnons d’armes sur les albums « Marche Ou Crève » et « Trust IV (Ideal) » et surtout compagnons de route sur de nombreuses tournées avec Trust, MOHO (Mohamed Chemlakh) et VIVI (Yves Brusco) célèbrent leurs retrouvailles discographiques avec « Komando », une première réalisation (trop) courte de dix morceaux entre Rock et Hard et aux saveurs 80’s.
Complété par Camille Sullet (batterie) et Sylvain Laforge (guitare), MOHOVIVI renoue avec un style musclé et efficace à la française. Mais ne nous y trompons pas, les deux vétérans de la scène hexagonale ne sont pas là pour perpétuer l’héritage du légendaire groupe au bulldozer. L’empreinte est personnelle même si, bien sûr, on ne se refait pas. Il reste forcément quelques traces … et on ne s’en plaindra pas !
Bourré d’une énergie presqu’adolescente, notamment au niveau des textes en français, « Komando » fait surtout la part belle aux riffs emprunts d’une légère touche bluesy. Relativement intenses et formatés, les titres proposés par MOHOVIVI font leur effet et on se laisse prendre à ce registre à la fois léger et entraînant (« Tic Tac », « Game Over », « C’est Pas Facile », « Candem Square »). Probant, ma foi !
Rageuse et tellement libre, la nouvelle réalisation de MOONLIGHT BENJAMIN libère une énergie où tout paraît connecté. Explosif et saturé, le Blues ensorcelé de la Queen haïtienne illumine par une volonté fascinante de parvenir à un dessein musical unique. Et c’est chose faite avec « Wayo », qui claque autant qu’il rassemble dans un melting-pot d’influences variées et universelles.
MOONLIGHT BENJAMIN
« Wayo »
(Absilone/Socadisc)
Entre poésie et chamanisme, la chanteuse prêtresse avance sur ce troisième album dans un cyclone Blues et Rock libérant un cri de liberté pour son île meurtri et même au-delà. Dans sa voix, MOONLIGHT BENJAMIN semble également se faire l’écho des multiples catastrophes naturelles et les régimes politiques désastreux qu’a subi Haïti à travers un style aussi intemporel que moderne. Ce disque est un séduisant voyage chaotique.
De cet esprit caribéen omniprésent et même si l’on retrouve aussi des rythmes typiquement africains, il émane une charge émotionnelle incroyable puisée dans la force insulaire de ses origines. MOONLIGHT BENJAMIN a fait sienne la puissance vaudou et l’impact sur ses propres textes chantés en créole est saisissant. Elle envoûte par un chant hypnotique qui se fond dans un Blues torturé. « Wayo » (cri de douleur en haïtien) prend ici tout son sens.
Intenses et spirituelles, ces onze nouvelles chansons produisent un relief étonnant et s’inscrivent dans une sorte de rituel où se croiseraient comme par magie The Black Keys et Rokia Traoré. Mais c’est sans compter sur la singularité vocale de MOONLIGHT BENJAMIN qui marie les genres avec une grande ferveur. « Wayo » est vraiment initiatique dans son approche très mystique, où la lourdeur des tempos accompagne des incantations magistrales.