Catégories
Blues Rock Heavy Blues International

Thomas Frank Hopper : génération crossover [Interview]

THOMAS FRANK HOPPER fait partie de cette génération d’artistes qui s’est nourrie d’un vaste spectre musical, et qui a su en garder le meilleur. Résolument Rock dans ce qu’il a de plus ‘Classic’, à savoir les bases posées dans les 70’s et qu’il a fortement modernisé, le Belge évolue pourtant dans un Blues nerveux et actuel. Avec « Paradize City », son dernier album en date, le guitariste et chanteur revitalise un genre, qui fait d’ailleurs son retour sur le devant de la scène. Entretien avec un passionné de musique, bien sûr, et aussi d’instruments et à l’univers très personnel.     

Photo : Nathalie Paesmans

– Avant de parler de « Paradize City », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours, qui n’est pas vraiment linéaire. Avant de te lancer en solo, tu as joué notamment dans Cheeky Jack que tu avais fondé et dans un registre plus Pop. Avec le recul, tu penses que c’était une sorte de tremplin ?

Tout d’abord, merci de m’accorder cette interview. Il est important que les artistes ‘locaux’ aient accès à différents médias pour s’exprimer. Merci donc à toi !

Donc, oui, absolument. Cheeky Jack a été mon premier groupe avec lequel je me suis fait les dents. Nous étions six musiciens et ce fut une grande expérience pour moi. Nous étions jeunes à l’époque, avec des désirs différents les uns des autres. A la fin, les tensions étaient trop palpables et, personnellement, je ne me retrouvais plus trop dans le style que nous jouions sur scène (une espèce de Pop-Rock plutôt groovy). Mais j’en garde un bon souvenir.

– Ensuite, il y a eu l’EP « No Man’s Land » et l’album « Searching Lights ». La direction musicale était encore différente. Cela t’a paru complexe de trouver ton style ? Tu as ressenti le besoin d’expérimenter encore un peu plus et dans divers courants musicaux ?

Pour moi, ce sont des essais. Sortes d’ébauches pour trouver ma voie. J’en parle rarement, car elles ne correspondent pas vraiment à ce que je propose à mon public aujourd’hui. A l’époque, je n’avais pas vraiment trouvé mon style, ni même les musiciens dont j’avais besoin. J’ai travaillé avec plusieurs artistes d’horizons très différents. Par conséquent, ces deux compilations musicales sont un ‘mach-up’ de plusieurs compositions très variées. Cela m’a permis de trouver ma véritable identité musicale.

Photo : Loreta Mander

– J’ai pu lire que c’est un voyage au Pays de Galles qui a en quelque sorte révélé, ou réveillé, ton identité musicale. En dehors de la découverte de la guitare Weissenborn, dont on reparlera, en quoi le pays a-t-il déclenché en toi le besoin de composer une musique plus roots et surtout plus authentique ?

Je ne pense pas que ce soit le Pays de Galles en tant que tel qui ait éveillé mon identité musicale. Je pense que c’est le voyage en lui-même. Dans ma famille, nous avons tous la bougeotte. Mes sœurs et moi aimons voyager. Et nous avons beaucoup bourlingué. C’est un héritage que mes parents nous ont légué depuis que je suis né. Ils nous ont toujours emmenés dans leurs périples, en Afrique notamment. Ma mère y travaillait alors comme institutrice et mon père en tant qu’ingénieur-architecte.

Et dans ma vingtaine, j’avais l’habitude de partir seul avec mon sac à dos pendant des semaines, en auto-stop, pour me perdre dans des contrées inconnues. Je pense sincèrement que nos voyages dans cette vie ne sont pas aléatoires ou désordonnés. Au contraire, ils sont tissés de manière complexe, nous menant aux endroits et aux gens que nous sommes destinés à rencontrer. Chaque personne que nous rencontrons, chaque expérience que nous vivons avec d’autres, ou seul dans la nature, nous façonnent et donne un sens à notre vie.

Photo : Yves Maquinay

– Est-ce que c’est ce ‘déclic’ qui t’a plongé plus profondément dans le Blues, le Classic Rock et le Blues Rock, ou est-ce que c’est une culture musicale que tu possédais déjà ?

Quand j’étais enfant, dans la voiture de mon père, j’écoutais déjà le Blues de Lightnin’ Hopkins ou de Ray Charles, mais également le Rock de Supertramp, The Rolling Stones, Janis Joplin, The Doors, Pink Floyd ou Genesis. Alors bien sûr, aujourd’hui encore, je suis inspiré par ces formidables musiciens. Cela dit, je dois bien avouer que le Rock n’a jamais cessé de battre dans mon cœur depuis le jour où j’ai découvert « Nevermind » de Nirvana, seul dans ma chambre d’adolescent sale et désordonnée. Je fais partie de cette génération ‘crossover’, où les styles musicaux se sont fortement mélangés, parfois avec des résultats surprenants. Adolescent, j’ai donc beaucoup écouté des groupes légendaires comme Led Zeppelin, Aerosmith, Guns N’Roses et des artistes comme John Butler, Ben Harper, Alanis Morissette, Sheryl Crow ou Lenny Kravitz. Mais également des groupes comme RHCP, Foo Fighters, Limp Bizkit, Blink 182, NOFX, System Of A Down, RATM ou même Deftones. Ainsi que quelques groupes de Rock français comme Noir Désir, Louise Attaque ou Mathieu Chedid. Quel que soit le style, tous ces musiciens ont contribué à nourrir ma passion, et certains d’entre eux m’inspirent encore énormément aujourd’hui. C’est pour cela que je définis ma musique comme un véritable ‘Crossover’ entre du Blues et du Rock.

– Parlons de cette fameuse et galloise Weissenborn, qui s’apparente à une lapsteel. Est-ce que c’est un type d’instrument que tu avais déjà pratiqué, toi qui est guitariste ?

Comme je le disais, j’ai beaucoup voyagé. Et une année, je me suis donc retrouvé au Pays de Galles. Par hasard, je suis tombé sur une famille de luthiers, qui fabriquait des Weissenborn. Cela m’a rappelé que certains des artistes que j’ai toujours admirés utilisaient, et utilisent encore, cet instrument incroyable, dont le son m’est si cher. Je suis revenu en Belgique avec une Weissenborn sur le dos. Et depuis, elle ne me quitte plus. Je ne cesse d’apprivoiser cet animal mystérieux.

– Par rapport à une guitare classique, en quoi l’approche est-elle différente pour toi ? Elle te permet d’explorer des sonorités particulières qui manquaient jusqu’alors à ton registre ?

En réalité, la Weissenborn est une marque hawaïenne de guitares en bois de koa, un bois originaire d’Hawaï justement. Personnellement, j’utilise peu la Weissenborn sur scène. J’utilise plus la lapsteel électrique. Mais que ce soit la lapsteel ou la Weissenborn, j’adore le son que cela produit et la façon dont la Steelbar glisse sur les cordes. On ne pince pas les cordes ici, on fait glisser la steelbar dessus, ce qui donne le côté slide. Et effectivement, les couleurs que cela produit sont différentes d’une guitare classique. Et j’adore !

– Pour l’anecdote, je t’ai vu jouer sur une lapsteel conçue sur une planche de skateboard. Quelles sont les sensations que cela procure, car c’est plutôt insolite ? Et est-ce que, dans un autre registre, tu fais un parallèle avec la cigarbox ?

L’instrument a été fabriqué par un ami luthier dans son atelier de Bruxelles, Rafael Van Mulders (Jug Instruments). C’est un instrument inhabituel, en effet. Avant de devenir un instrument de musique, cette planche a été utilisée comme skateboard. Véridique ! C’est en quelque sorte une seconde vie qu’on lui donne ici. Les gens sont toujours intrigués lorsque je l’utilise sur scène. J’ai décidé de l’appeler la ‘lapboard’, car c’est un mélange entre la lapsteel et le skateboard. Par ailleurs, j’aime beaucoup la cigarbox que j’utilise d’ailleurs dans un des titres du nouvel album, « April Fool ». Et en effet, le son de ma lapboard est très proche de celui d’une cigarbox, même si je trouve qu’il est plus complet.

Photo : Loreta Mander

– « Paradize City » est sorti il y a quelques semaines et il donne l’impression que tu as réalisé l’album qui te ressemble sans doute le plus. Il marie un Classic Rock nerveux et moderne avec des touches de Blues appuyées, authentiques et savamment dosées. La production est également très organique et brute. C’est le disque que tu en avais en tête dès le début ?

Merci beaucoup. On est très content du résultat final. Pourtant, ça n’a pas été simple de sortir cet album. On a pas mal hésité sur les voix et le mix. Notre ingénieur du son, Alexandre Leroy, a fait un boulot formidable. Encore une fois, c’est un beau travail d’équipe. Nous nous sommes pas mal inspirés de groupes mythiques actuels que nous écoutons régulièrement comme Rival Sons, Queens of the Stone Age, Larkin Poe, Dewolff… Et le résultat est très satisfaisant.

– S’il y a un gros travail sur les guitares, il y a également un grand soin apporté aux parties vocales. Tu as donné autant d’attention à l’une et à l’autre, ou as-tu privilégié l’un des deux aspects ? Car tu évolues aussi en quintet avec un second guitariste…

En réalité, nous avons enregistré tous les instruments au studio Six, à Bruxelles. On fait du Blues Rock moderne, donc il nous faut une belle ‘room’ pour les grattes et la batterie. Pas de click, pas d’auto-tune (beurk !) et, excepté pour les solos guitares et quelques rajouts post-prod’, on a enregistré les instruments simultanément, c’est-à-dire qu’on joue tous ensemble.

Pour les voix, j’ai tout fait chez moi. J’ai besoin de ma bulle, mon espace et ma machine à café à porter de main. Quand je m’attaque à l’enregistrement des voix, je n’aime pas être dérangé. J’ai besoin de me couper du monde. Cela m’aide à sentir les couleurs des morceaux. Je peux alors donner le meilleur de ce que j’ai.

Photo : Marc Gilson

– Cette formule électrique sur l’album te va très bien et tu joues aussi régulièrement en formule acoustique en concert. Dans quel registre es-tu le plus à ton aise ? Et ce dernier t’ouvre-t-il d’autres possibilités artistiques ?

La scène nourrit l’esprit et le corps de tout musicien. Donc peu importe la formule, on est toujours heureux d’être sur scène. Alors, il est vrai que de temps en temps, nous proposons le duo, lorsque la situation s’y prête. C’est très agréable, car le jeu en acoustique crée une atmosphère chaleureuse et intime. Cela donne beaucoup d’espace à ma voix et je peux varier davantage les couleurs. Mais pour découvrir un album en concert, il n’y a rien de mieux qu’un groupe au complet. C’est lorsque nous sommes cinq sur scène que toute l’énergie vitale et l’âme du projet se révèlent.

 – Enfin, alors que « Paradize City » a une dominance plus Rock que Blues, as-tu dans un coin de la tête l’idée de faire un album entièrement Blues à l’avenir ?

Mmmmm… Pas sûr. Je vais décevoir les puristes de Blues ! (Rires) Mais je ne suis pas un musicien de Blues, du moins je n’ai pas la prétention de l’être. Je fais ce que je sais faire de mieux, c’est-à-dire un mélange de Blues et de Rock : un ‘crossover’. Finalement, ma musique n’est que le reflet de mon âme. Une âme nourrie par tous mes voyages et qui trouve de l’inspiration à travers les œuvres de ces artistes de Blues, de Rock et de ceux qui ont judicieusement mélangé les styles, ajoutant ainsi des couleurs à une palette déjà existante.

Encore plus d’infos sur le site THOMAS FRANK HOPPER :

www.thomasfrankhopper.com

Retrouvez la chronique de l’album :

Catégories
Blues Rock

Kid Colling Cartel : association de bienfaiteurs

Tout en assumant d’évidentes affinités avec certaines figures emblématiques du genre, le bluesman s’est bâti un style bien à lui, mariant le Blues et le Rock avec beaucoup de fougue, tout en se présentant avec des titres d’une grande délicatesse, qui dégagent une sorte de force tranquille. « Living On The Wild Side » confirme toute la créativité, le potentiel et le savoir-faire de KID COLLING CARTEL, parfaitement soutenu par une production limpide et soignée.

KID COLLING CARTEL

« Living On The Wild Side »

(Rock & Hall/Dixiefrog)

Cela fait maintenant un moment que KID COLLING collectionne les récompenses et on le connait aussi pour le très bon « In The Devil’s Court », son premier album qui faisait suite à un EP, « Tomorrow’s Far Away », sorti il y a déjà dix ans. Après plusieurs collaborations dont l’une avec l’excellente Ilene Barnes, le Colombien, désormais Luxembourgeois, revient avec son CARTEL pour ce « Living On The Wild Side », qui arbore un Blues Rock contemporain et classique d’où émane beaucoup de chaleur et de sérénité.

Brillamment accompagné par Markus Lauer à l’orgue Hammond, David Franco à la basse et Florian Pons à la batterie, KID COLLING montre une personnalité artistique très variée et intègre des influences Soul, Funky et Rock bien sûr à un Blues qu’il s’est forgé à l’écoute de grands noms comme Stevie Ray Vaughan ou BB King, au même titre que des artistes tels que Kenny Wayne Shepherd, Larkin Poe et Gary Clark JR pour ce qui est de l’explosivité. Et le musicien et son CARTEL n’en manquent d’ailleurs pas. Loin de là !

Vocalement irréprochable et habille dans de multiples registres, KID COLLING est également redoutable à la guitare, grâce à une belle technique au service d’un feeling que l’on retrouve tout au long de « Living On The Wild Side ». Et la grande qualité des morceaux doit aussi beaucoup à son CARTEL, dont l’interprétation est magistrale (« Ain’t Nobody », « Step Out Of Live », « All Night Long », « Long Way To Go »). A noter le très bon duo en espagnol avec Daniel Restrepo et le superbe « I’ll Carry You » avec Johanna Red. De toute beauté !

Photo : Caroline Martin
Catégories
Blues Contemporary Blues International Soul

Otilia Donaire : keepin’ the Blues alive [Interview]

Feutré et sensuel, tout en dégageant une énergie brute, le Blues teinté de Soul et de R&B d’OTILIA DONAIRE est autant un appel à la danse qu’à une écoute très attentive. En effet, riche d’une section cuivre dynamique, il combine divers univers pour n’en faire qu’un. Soutenue par de belles guitares et des claviers chaleureux, l’Américaine vient de livrer « Bluesin’ It Up », un album qui se veut très personnel et fédérateur. De quoi enthousiasmer un large panel d’amoureux des notes bleues. Rencontre avec une chanteuse à la voix suave et puissante.

– Ton album « Bluesin’ It Up » vient de sortir, mais à t’écouter chanter, on se doute que tu n’en es pas à ton premier coup d’essai. Peux-tu revenir sur ton parcours et les étapes qui ont forgé ton style et ta voix ?

J’ai toujours eu une certaine prédisposition pour le chant, mais je n’ai commencé à faire de la musique professionnellement qu’en 2009, après avoir terminé mon atelier de performance en groupe à la ‘Blues Bear School of Music’ de San Francisco. C’est mon instructeur, feu le bluesman de San Francisco, Johnny Nitro, qui m’a fortement encouragé à chanter le Blues. Mon premier CD avec, disons, un guitariste anonyme, était horrible et lorsque j’ai quitté ce groupe en 2014, j’ai enfin pu naviguer de manière plus créative avec l’aide de mon bassiste, Chris Matheos et du guitariste Joe Lococo. J’ai enfin eu un contrôle créatif total et je suis restée fidèle à mon propre style vocal, embrassant le timbre naturel de ma voix. Koko Taylor, la regrettée icône du Blues de Chicago et qui a également un grain assez brut, est l’une de mes principales influences musicales.

– Tu es chanteuse, leader de ton groupe et également compositrice. Est-ce que tu écris paroles et musique et as-tu un instrument de prédilection, car cet album est musicalement très riche et dense ?

J’écris les paroles et je compose avec mon bassiste, Chris Matheos et mon guitariste Joe Lococo. Je ne sais ni lire, ni écrire la musique, mais je peux l’entendre dans ma tête et j’ai la capacité de la traduire en sachant quel style et quel tempo jouer, y compris au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Je n’ai pas vraiment d’instrument de prédilection, mais j’apprécie la guitare slide électrique et les claviers up-tempo. J’adore le Chicago Blues et j’ajouterai aussi de l’harmonica sur mon prochain album, ainsi que de la flûte.

– Justement, pour l’essentiel, tes morceaux sont guidés par les claviers, que ce soit le piano ou l’orgue. Le Blues est pourtant très souvent porté par la guitare. Tu as toujours procédé ainsi ?

En fait, je n’avais pas le budget pour ajouter des claviers et des cuivres sur mon dernier EP, « Queen Bee ». Alors, j’ai pris certaines de ces chansons et je les ai réarrangé, soit en les réenregistrant, soit en ajoutant des claviers et/ou des cuivres. Je joue désormais davantage de concerts live de cette manière, avec des claviers, car le son est beaucoup plus riche. Ils ont été enregistrés séparément dans les home-studios des deux claviéristes, qui jouent sur l’album : Greg Rahn et Pamela Charles-Arthur, qui est ma claviériste actuelle de la SF Bay Area. Pamela est dynamique et talentueuse, et c’est merveilleux de partager et de diffuser une énergie féminine si féroce sur scène avec elle.

– Il y a un autre élément qui domine sur « Bluesin’ It Up », ce sont les cuivres qui sont omniprésents, un peu à la façon d’un Big Band. Ce sont des orchestrations qui t’inspirent beaucoup, car on y perçoit également quelques touches jazzy ?

Je n’ai généralement pas le budget nécessaire pour ajouter des cuivres à la plupart de mes concerts, mais mon objectif est faire plus de spectacles avec un groupe complet, incluant claviers, saxophone et trompette. Je chante avec mon cœur et j’aime aussi le Blues jazzy, donc il y a une influence de Billie Holiday sur quelques-unes de mes chansons. Daniel Casares, saxophoniste de SF Bay Area, a écrit la plupart des sessions cuivre et je suis très satisfaite du son Soul et jazzy qu’il a ajouté aux arrangements.

– Par ailleurs, il y a un grand nombre de musiciens qui t’accompagnent sur « Bluesin’ It Up ». Est-ce que tu considères cet album comme l’œuvre d’un collectif ou, plus simplement, tu souhaitais avoir leur présence à tous sur ces 12 morceaux ?

C’est un album collectif et collaboratif, c’est vrai. Je savais ce que j’attendais de chaque musicien et je leur ai donné toute la liberté d’apporter des idées, de créer des arrangements et des solos. C’était génial d’avoir des cuivres à fond sur certaines chansons et sur mon prochain album, ce sera le cas pour chaque morceau.

– Parallèlement, est-ce que tu as un groupe fixe pour les concerts ? Quelques musiciens attitrés qui te suivent depuis longtemps ?

J’aime jouer avec un line-up régulier composé de musiciens talentueux : Joe Lococo à la guitare, Edgar San Gabriel à la basse, Robi Bean à la batterie et Pamela Charlles-Arthur (Pamma Jamma) aux claviers. Chris Matheos, qui est le directeur musical de cet album et de mon précédent EP, joue de la basse sur toutes les chansons à l’exception de « Hoochie Coochie Woman » et « Voodoo Woman ». Malheureusement, il a déménagé dans le sud de la Californie, donc il ne joue plus régulièrement avec moi. Mais quand je partirai en tournée, il le fera certainement s’il est disponible.

– Il y a également quelques reprises sur l’album. Peux-tu nous en dire plus sur ces choix et pour quelle raisons tu n’as pas réalisé un album entièrement original ?

Ce sont des chansons que j’aime chanter en concert et qui sont généralement une manière d’amener tout le monde sur la piste de danse. Je ne me lasse jamais de les chanter, donc c’était une évidence de les ajouter, en particulier « Hoochie Coochie Woman » (un morceau de Muddy Waters – NDR), qui a été ma première chanson de Blues que j’ai commencé et qui est devenue l’une de mes chansons signatures. J’ajouterai très probablement toujours quelques reprises, des classiques, que j’aime chanter pour garder le Blues vivant.

– Tu as beaucoup de sensualité dans la voix, ce qui donne beaucoup de charme à tes morceaux. Est-ce que tu penses que le Blues est le style qui véhicule le mieux cette approche si attractive et sexy auprès du public ? Et donc, qui est un énorme atout…

Merci ! Je chante avec mon cœur et la musique Blues pénètre au plus profond de mon âme. Je sens que je peux me connecter avec les gens, parce qu’ils peuvent ressentir la passion authentique que j’éprouve lorsque je chante.

– Pour conclure, quel est ton objectif principal pour le futur ? Faire le plus de concerts possible à travers les Etats-Unis et même au-delà, ou peut-être trouver un label pour un prochain album ?

Tout cela en même temps ! Entrer sur le circuit des festivals Blues avec des tournées nationales et internationales, signer avec un label de Blues et enregistrer au début de l’année prochaine. C’est difficile d’être une artiste indépendante, et je dirais que c’est vraiment un travail d’amour. J’ai enregistré mon album, « Bluesin’ It Up », chez Afterdark Recording à San Francisco, le studio d’enregistrement d’Armando Rosales, mon cousin. C’était une joie absolue et maintenant, j’ai vraiment la fièvre de l’enregistrement ! Donc, j’y retournerai au début de l’année prochaine. Peut-être aussi participer à un festival en France dans un futur proche ? Ce sont tous les rêves sur lesquels je travaille.

Le dernier album d’OTILIA DONAIRE, « Bluesin’ It Up », est disponible sur le site de l’artiste :

www.otiliadonaire.com

Catégories
Blues

Bjørn Berge : steel got the Blues

Entre compos et covers, c’est avec un « Introducing SteelFinger Slim » un peu spécial et inattendu dans son contenu que BJØRN BERGE fait courir ses doigts d’acier sur son instrument. Si la voix inimitable et la liberté absolue dont il a fait sa réputation sont bel et bien intactes, on aurait peut-être apprécié un peu plus de titres originaux, même si sa manière de défourailler les morceaux des autres conserve toujours quelque chose d’assez mystique et de jouissif.      

BJØRN BERGE

« Introducing SteelFinger Slim »

(Blue Mood)

Fidèle à lui-même c’est seul que le Norvégien revient avec un nouvel album, son treizième, et le solitaire bluesman fait de nouveau des étincelles parant son jeu de ses plus beaux atouts. L’acier de son dobro vibre sous son toucher si singulier, passant du picking à la slide avec la dextérité qu’on lui connait et venant se joindre à cette voix profonde et unique avec laquelle BJØRN BERGE nous berce et nous envoûte depuis tant d’années. Et c’est toujours le cas avec « Introducing SteelFinger Man ».

Voix, guitare et stompbox, il n’en faut pas plus au ténébreux Scandinave pour livrer un Blues mâtiné de Rock dans une formule acoustique et métallique si particulière par sa froideur sonore. Pour autant, il se dégage beaucoup de chaleur de ce nouvel opus grâce à des morceaux simples en apparence, mais toujours très bien sentis et d’une personnalité qui fait de BJØRN BERGE l’un des rares artistes de Blues à savoir, et pouvoir, capter l’attention et captiver à chacun de ses disques.

Son timbre guttural nous embraque cette fois sur dix titres qu’il a tenu à enregistrer en une seule journée, une façon d’aller l’essentiel avec autant de spontanéité que de justesse possible. Et BJØRN BERGE sait y faire. Cependant, et même si c’est toujours aussi bien réalisé et arrangé, le fait de reprendre « Get It On » de T. Rex, « Like A King » de Ben Harper, « Spoonful » de Willie Dixon et « Black Night » de Deep Purple dans des versions certes revisitées parait un peu beaucoup sur une production studio.

Photo : Tor Nilssen
Catégories
Blues

Chris O’Leary : d’une incandescente ferveur

Il est presqu’impossible de ne pas succomber à la beauté du Blues de CHRIS O’LEARY. Originaire de l’état de New-York, sa récente signature chez Alligator le fait (enfin !) entrer dans le cercle très fermé des artistes incontournables. « The Hard Line » est un modèle du genre où il vient télescoper les émotions avec un talent et une virtuosité vocale et musicale incroyable. L’Américain délivre avec amour et ferveur un opus tout simplement phénoménal et jubilatoire.

CHRIS O’LEARY

« The Hard Line »

(Alligator Records)

Le Blues est un vaste terrain de jeu et certains se refusent à en choisir une voie plutôt qu’une autre. Et le Blues est aussi le terroir propice à toutes sortes d’histoires, qui viennent justement l’alimenter et en nourrir la substance-même. C’est un peu le récit de la vie de CHRIS O’LEARY qui, avant d’être bluesman à temps complet, a été membre des Marines, puis officier de Police. Mais c’est vers la musique qu’est revenu le brillant songwriter, chanteur et harmoniciste… et pas seulement.

Après quelques albums, c’est pour le sixième que Bruce Iglamer, patron du célèbre label Alligator, lui ouvre les portes et lui offre toute sa confiance, comme en témoigne notamment le line-up présent. Et puis, c’est CHRIS O’LEARY lui-même qui assure (et de belle manière !) la production de « The Hard Line », entouré d’une équipe de 16 musiciens chevronnés, dont le guitariste Monster Mick Walch et le grand pianiste Jesse O’Brien. Une dream-team sur le papier et aussi sur les chansons.

S’il signe tous les morceaux, CHRIS O’LEARY prend également la basse et la guitare sur « No Rest » et « You Break It », même si c’est son harmonica qui apporte une chaleur unique tout au long du disque. Globalement Southern dans l’esprit comme dans le son, il se meut avec passion dans des ambiances Rock’n’Roll (« Need For Speed »), Swing (« Lost My Mind »), Chicago Blues (« My Fault »), Soul (« Things Ain’t Always What They Seem ») et fait parler l’émotion magnifiquement sur « I Cry At Night ». Somptueux !

Catégories
Blues Soul

Kevin Burt & Big Medicine : âmes sœurs

Marcher dans les pas de l’une de ses plus grandes références n’est pas forcément le plus facile des exercices. Pourtant, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et une élégance incroyable que KEVIN BURT & BIG MEDICINE interprète une douzaine de chansons extraites du monumental répertoire de la légende Bill Withers. Si certaines font partie du patrimoine R&B, Soul, Funky et Soul mondial, on en découvre d’autres avec plaisir et dans une douceur relaxante. « Thank You, Brother, Bill, A Tribute To Bill Withers » est de ce genre d’album réjouissant et indispensable.  

KEVIN BURT & BIG MEDICINE

« Thank You, Brother Bill, A Tribute To Bill Withers »

(Gulf Coast Records)

Un peu moins de quatre ans après « Stone Crazy », son premier album sur le label de Mike Zito, le virtuose revient avec un disque hommage à Bill Withers. Il fallait bien un artiste de la trempe de KEVIN BURT avec cette fibre Soul unique pour livrer des interprétations aussi majestueuses des douze morceaux extraits de la discographie de l’un des plus populaires représentants R&B américains. Et le natif de l’Iowa déploie une classe, une subtilité et une chaleur incroyable en reprenant quelques standards et d’autres titres moins connus, mais avec une ferveur omniprésente et une flamme rayonnante.

Enregistré chez lui, puis mixé et masterisé à la Nouvelle-Orléans, « Thank You, Brother, Bill, A Tribute To Bill Withers » bénéficie d’une production exemplaire et le feeling du chanteur, guitariste et harmoniciste font le reste. Cette communion est presqu’étonnante entre le musicien et l’héritage laissé par le grand Bill Withers. Accompagné de BIG MEDICINE, son groupe, composé de Scot Sutherland (basse), Ken Valdez (guitare) et Eric Douglas (batterie), KEVIN BURT et son quatuor donnent un bon coup de Blues à la Soul très Rythm’n Blues de leur aîné, tout en montrant un immense respect.

Evidemment assez funky, l’album est un Tribute plutôt joyeux, qui pourrait même faire penser à une sorte de transmission, tant KEVIN BURT interprète ces compositions avec un naturel et une facilité hors du commun. Les grands classiques comme « Just The Two Of us », « Ain’t No Sunshine » et « Lean On Me » sonnent magistralement, tandis que les émotions se télescopent grâce à des parties de guitare aussi relevées que celles de son tourbillonnant harmonica. Et ne se contentant pas de livrer ses propres versions, on a aussi le droit à un « Thank You Brother Bill » inédit, exaltant et composé pour l’occasion. Incontournable !

Photo : Delaney Burt
Catégories
Blues Hard Rock International Metal Rock Stoner/Desert

Top 20 2023 : reste du monde 

Hier, vous avez été quelques milliers à découvrir mon modeste classement aléatoire des 20 albums qui m’ont marqué cette année dans notre petit, mais joli, hexagone. Et je vous en remercie, d’autant que j’ai réussi à échapper au(x) scandale(s) ! Il faut aussi reconnaître que la scène française a pris une incroyable dimension et n’a plus à rougir, ni rien à prouver aux pays précurseurs. Voyons donc ce qu’a proposé le reste du monde en 2023…

Bien sûr, et rien qu’aux Etats-Unis, il existe des milliers de Gojira. L’exercice est donc un peu plus délicat, surtout quand de grosses ‘locomotives’ font leur retour. Cela dit, comme je me concentre sur ce qui a été publié sur le site, il y a aussi et heureusement de belles découvertes et plus d’artistes ‘en devenir’, comme on dit. Je vous laisse les (re)découvrir… Et la plus grande surprise vient peut-être aussi de styles qu’on ne trouve que très peu chez nous…

Catégories
Hard Blues Hard Rock

Bad Touch : great feelings

Avec cinq réalisations sur dix ans, les Britanniques tiennent leur rythme de croisière, et à en juger par la qualité proposée encore, le chemin ne paraît pas dissimuler la moindre embûche majeure. Partagé cette fois entre un Southern Hard Rock puissant et rugueux et des refrains peut-être plus accessibles, BAD TOUCH n’entre pas encore tout à fait dans le rang, grâce à une fougue alimentée par des Anglais qui veulent en découdre, tout en séduisant leur auditoire. Et en cela, « Bittersweet Satisfaction » est une belle réussite.

BAD TOUCH

« Bittersweet Satisfaction »

(Marshall Records)

Avec son quatrième album, « Kiss The Sky », enregistré aux légendaires Rockfield Studios au Pays de Galles il y a trois ans et qui marquait aussi son engagement avec Marshall Records, BAD TOUCH avait sérieusement commencé à faire parler de lui. Sur « Bittersweet Satisfaction », il enfonce le clou et confirme après une décennie d’exercice qu’il va bien falloir compter sur et avec lui. Entre Classic Hard Rock et Southern Blues Rock, le quintet a trouvé sa voie et même si ses influences sont manifestes, son style et sa musique font tellement de bien.  

Ce qui rend les morceaux de ce nouvel album si fluides et évidents vient peut-être aussi du fait que le line-up est le même depuis le début. Cela expliquerait toute cette cohérence. Un brin vintage et old school, BAD TOUCH avance pourtant dans un revival très actuel et des compos intemporelles. Rob Glenndinning et Daniel Seekings forment une véritable machine à riffs capable aussi de produire des solos directs et tout en feeling. Et si les titres de « Bittersweet Satisfaction » sont assez courts et formatés, on le doit surtout à la recherche d’efficacité.

Impérial au chant, Steve Westwood apporte une incroyable chaleur aux dix titres et la rythmique hyper-groovy est implacable et propulse cette nouvelle production dans un Rock à la fois british et très sudiste. BAD TOUCH se nourrit du meilleur et même si le combo du Norfolk se fait plus mainstream qu’auparavant, l’ensemble est toujours aussi réconfortant et addictif (« Slip Away », « This Life », « Bittersweet satisfaction », « Taste This », « Come back Again », « Dizzy For You »). Inutile de dire les ravages que ce nouvel opus devrait procurer sur scène !

Photo : Rob Blackham
Catégories
Blues Rock Contemporary Blues Southern Blues

Anthony Rosano And The Conqueroos : une intense sincérité

Capable de se faire aussi Heavy que terriblement émouvant, ANTHONY ROSANO porte un Blues Rock très Southern, dont les émotions ne trompent pas. Très live dans son approche, le musicien et ses deux CONQUEROOS s’approprient la formule en power trio de la plus belle des manières avec un son d’une authenticité et d’une rugosité dont on savoure chaque note. Une voix emprunte de vérité, une guitare tranchante et une rythmique d’un groove absolu font de « Cheap The Devil » l’un des meilleurs albums de l’année en matière de Blues.  

ANTHONY ROSANO AND THE CONQUEROOS

« Cheat The Devil »

(Whiskey Bayou Records)

Persuadé d’en avoir pourtant parlé à sa sortie au début de l’été, ce n’était en fait pas le cas. Alors, petite séance de rattrapage, car passer à côté d’un si bon album serait vraiment un sacrilège. ANTHONY ROSANO AND THE CONQUEROOS a commencé à faire parler de lui en 2017 avec une première réalisation éponyme, qui montrait déjà de très belles choses. Produit par Mike Zito, qui y avait d’ailleurs participé avec Anders Osborne et Johnny Sansone, l’album avait trouvé son public et très bien figuré dans les charts US.

Ensuite, le guitariste, chanteur et songwriter a pris la route et a partagé la scène avec de grands noms : Bob Seger & The Silver Bullet Band, ZZ Top, Gov’t Mule, Samantha Fish et surtout Tad Benoit avec qui il a noué de solides liens d’amitié. ANTHONY ROSANO AND THE CONQUEROOS s’est donc retrouvé au Whiskey Bayou Studio et c’est Benoit lui-même qui s’est occupé de l’enregistrement, du mix et de la production. Et « Cheap the Devil » offre enfin au trio toute la dimension qu’il mérite amplement.

Avec Kyle McCormick à la batterie et Jake Fultz à la basse, le groupe libère un Blues très actuel, respectueux des traditions, dont il est très imprégné et avec un côté Rock rassembleur. Car, en plus de livrer un registre musclé et ausi délicat, ANTHONY ROSANO AND THE CONQUEROOS est un lien direct entre le passé et le présent. Il y a ici du Gallagher et du SRV, mais le frontman s’en démarque habillement (« Cheap The Devil », « Sin City », « Jonesboro Blues », « Rosalita », « Isolation Blues », « Scattered Bones », « Shook »). Incontournable !

Catégories
Blues Blues Rock Soul / Funk

Brave Rival : une incroyable communion

Une rythmique infaillible et tout en souplesse, un guitariste inspiré et virtuose et deux chanteuses qui se complètent autant qu’elles se distinguent, voici les délicieux ingrédients à l’œuvre lors des prestations scéniques de BRAVE RIVAL. En l’espace de quelques années seulement, l’Angleterre a été prise d’assaut par son Blues Rock aussi fougueux que sensuel et si l’on en croit ce somptueux « Live At The Half Moon », ça ne va pas en rester là.    

BRAVE RIVAL

« Live At The Half Moon »

(Independant)

S’il y a des groupes qui excellent en studio, la scène a très souvent le pouvoir de les transcender et dans le domaine du Blues, c’est même régulièrement une évidence. Ce n’est  donc sans doute pas une coïncidence si BRAVE RIVAL a commencé avec « Live At The Echo Hotel Music Club », un premier album enregistré en 2019 et en live. Pour autant, l’an dernier, les Britanniques ont livré « Life’s Machine », un effort studio salué, qui a permis à leur Blues Rock de mettre en évidence le talent de ses membres.

Nominé entretemps aux UK Blues Awards, BRAVE RIVAL a repris la route et c’est lors d’un passage en juin dernier à Putney dans la banlieue sud de Londres qu’il a immortalisé ce « Live At The Half Moon », éclatant de bout en bout. Le son et la personnalité du quintet s’affirment et se peaufinent et ce concert montre toute la confiance acquise et engrangée depuis ses débuts. D’ailleurs, le public présent ne s’y trompe pas et est littéralement sous le charme de cette énergie très communicative.

D’entrée de jeu, le survolté « Run And Hide » montre que BRAVE RIVAL sait déployer un Rock vigoureux sur des riffs appuyés que l’on retrouve ensuite sur « Magnetic », « Thin Ice » ou le truculent « What’s Your Name », qui clôt le disque. Avec son irrésistible duo de chanteuses, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, les Anglais présentent aussi des instants Soul d’une grâce incroyable (« Come Down », « Fool Of You », « Insane »). Le Blues Rock du combo ne connait ni frontière, ni limite et on se régale.

L’album est disponible sur le site du groupe : https://braverival.com/

Retrouvez l’interview accordée à Rock’n Force l’an dernier :