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Blues Rock

T.G. Copperfield : Blues spirit

Toujours aussi brut et Rock, le Blues T.G. COPPERFIELD fait des étincelles et « All In Your Head » montre qu’il est encore loin d’avoir dévoilé l’entendue de son talent. Très européen dans le son et inspiré de références pourtant très américaines, le six-cordiste germanique fait encore parler la poudre et la qualité de son jeu et du songwriting offre à la nouvelle réalisation de sa décade un panache réjouissant et rassembleur. Inarrêtable, le musicien est à la tête d’une belle et conséquente discographie en assez peu de temps finalement.

T.G. COPPERFIELD

« All In Your Head »

(Timezone)

En huit ans seulement, T.G. COPPERFIELD a sorti deux EPs et présente aujourd’hui son dizième album. Autant dire que l’Allemand n’est pas du genre à rester se tourner les pouces. Cela dit, le Blues est un univers sans fin et lorsqu’il est agrémenté de Rock et de sonorités Southern, les possibilités sont infinies. Le songwriter l’a bien compris et semble intarissable comme le prouve « All In Your Head », un nouvel opus gorgé d’un Blues Rock incendaire toujours aussi roots, mené de main de maître par un groupe au diapason.

A ses côtés, Claus Bächer (claviers), Don Karlos (basse), Michael Hofmann (batterie) et Claudia Zormeier aux chœurs font vivre et respirer des compositions aussi explosives qu’elles peuvent aussi être réconfortantes. L’empreinte et l’identité sonore de T.G. COPPERFIELD est immédiatement identifiable et sa signature jaillit sur chaque riff et à chaque solo distillés par le guitariste-chanteur. Avec « All In Your Head », il affiche beaucoup de puissance, tout en restant terriblement mélodique et accrocheur.

Sur un groove épais, le Blues Rock de son ‘Electric Band’ fait des merveilles et présente aussi une belle diversité dans ces nouvelles compos (« Mule », « I’m On My Way », « Not Your Name »). Exigeant et pointilleux sur la production, T.G. COPPERFIELD aborde des thèmes sensibles et actuels en évitant de ne pas se faire trop sombre. S’il manie plus le chaud que le froid, il reste d’une créativité positive en mettant la même intensité sur toutes ses chansons (« Have Mercy On Me », « Redemption Blues », « World War III » et le morceau-titre).  

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Country-Rock Folk/Americana France

Margot Viotti : French Americana [Interview]

Ils sont très peu en France à s’aventurer dans un registre comme l’Americana, tant il peut paraître éloigné de notre culture. Pourtant, chez MARGOT VIOTTI, c’est presqu’une évidence et son premier EP, « One And The Same » qu’elle autoproduit, vient confirmer un talent évident, une voix sûre et forte tout comme ses textes, dont on connait l’importance dans ce style. Accompagnée par un groupe incroyable, les trois premières chansons dévoilées laissent entrevoir un avenir rayonnant. Entretient avec une jeune songwriter, musicienne et chanteuse, dont les premiers pas sont plus que prometteurs.  

– Commençons par les présentations, puisque tu sors tout juste ton premier EP, « One And The Same », qui est d’ailleurs très abouti et particulièrement mature. Quel a été ton parcours artistique jusqu’à aujourd’hui, car tu es chanteuse et aussi compositrice ?

Je fais de la musique depuis toujours. Plus particulièrement, je chante depuis toujours. Mais j’ai commencé de manière intensive à partir de mes 11/12 ans, je dirais. Quand je dis intensive, ce sont des heures par jour. Tout mon temps libre en fait. La guitare est venue plus tard, vers l’âge de 14 ans à peu près. J’ai appris en grande partie sur YouTube, avec des tutos.

J’ai chanté sur scène pour la première fois à 15 ans. J’ai fait partie de différents groupes et projets souvent autour du Blues. Puis, j’ai commencé à chanter en solo, guitare/voix, et fais pas mal de premières parties. J’ai eu la chance d’être invitée sur scène de nombreuses fois par des artistes que j’adore. Et pour ce qui est de la composition, j’ai toujours aimé écrire et composer mes morceaux.

– L’une des choses étonnantes de cet EP est le style dans lequel tu évolues, qui navigue entre Rock, Blues, Americana et Folk avec une touche de Country Pop. C’est assez surprenant pour une jeune artiste française, car on est très loin de notre culture musicale. Comment devient-on aussi familière avec un registre aussi peu diffusé chez nous ?

Je pense que c’est la question que l’on me pose le plus souvent ! (Désolé ! – NDR) J’ai un souvenir particulièrement marquant, c’est celui de mon père qui me fait écouter pour la première fois l’album « The Wall » de Pink Floyd, lors d’un trajet en voiture. Je devais avoir entre 8 et 10 ans. Et là, c’est la claque ! Et je me dis : « Waouh, mais il faut que je creuse tout ça ! »

Comme si j’avais découvert à ce moment-là une nouvelle facette de ce qui était possible par la musique. Depuis, j’ai cherché, passé des milliers d’heures à écouter tout plein de choses. J’ai écouté énormément d’albums, d’artistes et de fil en aiguille, j’ai découvert The Doors. Et alors là, tout a basculé. Je suis devenue fan absolue et je me suis dit : « Ça, c’est la musique que j’aime ! »

Après ça, j’ai continué mon chemin et mes goûts ont évolué vers des choses plus Folk, comme Joni Mitchell et Crosby, Stills & Nash, par exemple, qui sont deux de mes plus grandes influences. En tout cas, mes goûts sont toujours restés très américains et très ‘Old School’ ! Je ne peux rien y faire, c’est comme si c’était dans mes gênes ! (Rires)

– Si tu nous fais découvrir seulement trois chansons de ton répertoire, on peut facilement l’identifier à la nouvelle génération de chanteuses Country issues de Nashville notamment, avec un petit côté Pop Rock très féminin façon Kelsea Ballerini, Alyssa Bonagura, Lainey Wilson ou Kacey Musgraves pour ne citer qu’elles. C’est une scène qui t’inspire ?

Bizarrement, non, ce n’est pas du tout une scène qui m’inspire. A part Kacey Musgraves que j’adore pour ses textes absolument merveilleux, ses chansons magnifiquement produites et chantées. Mais j’ai du mal avec l’aspect marketing de cette nouvelle mode de la cowgirl, très sexualisée. Ce n’est absolument pas mon truc. Et comme je le disais musicalement parlant, à part pour les chansons de Kacey Musgraves, ce côté ‘Pop/Country commercial’ ne me parle pas du tout.

– A l’écoute des trois morceaux, on est également bluffé par la qualité de la production, dont tu t’es occupée avec Patrick Tayol. Outre un savoir-faire évident, tu avais déjà en tête le son que tu souhaitais obtenir et qui sonne d’ailleurs très américain ?

En partie, oui. J’avais des idées assez précises en tête, qui ont été discutées et retravaillées, avec l’aide précieuse et la connaissance de Patrick Tayol et Quentin Durual.

– J’aimerais que l’on dise justement un mot des musiciens qui t’accompagnent, car il y a vraiment du niveau et on sent une réelle alchimie entre-vous. Quand et comment as-tu réuni une si belle équipe ?

Ah ça oui ! Ils sont incroyables. Je connais Patrick (guitariste) depuis quelques années. L’enregistrement et le mixage, comme le tournage des clips, ont été réalisés dans son studio, le Grange Neuve Studio. Je suis chanteuse dans son groupe et nous avons développé une belle amitié, puis décidé par la suite de travailler ensemble. Lionel Bertani (claviériste) fait également partie du groupe, c’est comme cela que je l’ai rencontré. J’ai ensuite rencontré Quentin, à l’occasion d’un enregistrement au studio. Une belle amitié s’est aussi créée, et Quentin étant guitariste et aussi l’ingénieur du son pour le studio, il était évident qu’il ferait partie du projet et que c’était lui qui s’occuperait de l’enregistrement et du mixage des titres. Lovine et Rej Burlet (les choristes), sont deux amies, avec lesquelles j’avais déjà eu l’occasion de chanter et que j’aime beaucoup. Elles ont des voix extraordinaires. Cyril Gelly (batteur) et Laureen Burton (vidéaste/photographe) sont des connaissances de Quentin. C’est donc grâce à lui qu’ils ont rejoint le projet. Et enfin, je connaissais depuis un moment Anthony Prudent (bassiste) avec qui j’ai eu l’occasion de partager la scène plusieurs fois. Tous sont des artistes exceptionnels, des personnes en or, et je suis vraiment heureuse d’avoir collaboré avec eux.

– Que ce soit dans le mix, au niveau des instruments comme des chœurs, tu as apporté beaucoup de soin aux arrangements. Le travail est remarquable et j’imagine que tu as passé des heures à peaufiner ces trois titres. Est-ce que c’est un aspect de la production que tu apprécies également ?

Oui, ce sont des heures de ‘peaufinage’ effectivement ! Avec l’aide précieuse de Patrick et Quentin, ça a été un régal. Se soucier du moindre détail, aller chercher le moindre son qui vous mettra le frisson, c’est quelque chose que j’aime particulièrement, oui. Ce travail avec Patrick et Quentin a été très enrichissant.

– Tu es également compositrice et auteure comme on l’a dit, et tu évolues dans un registre où être songwriter est un gage d’authenticité et de créativité aussi. Quand as-tu commencé à écrire tes propres chansons et de quelle manière procèdes-tu ?

J’ai commencé à écrire mes chansons très tôt. Dès le départ en fait. Je ne savais jouer d’aucun instrument, mais j’avais un mini-synthé et je m’amusais à écrire et mettre en musique mes mots. Je le faisais aussi faire à mon petit frère, je m’en souviens bien !

Aujourd’hui, le processus est assez aléatoire. Des fois, j’ai un thème en tête, je gratte des accords, puis une mélodie m’apparait. Je fredonne quelques mots et parfois des phrases me viennent. Je construis ensuite autour de cela. Parfois au contraire, ce sont les mots qui me viennent en premier. Ça m’arrive de me réveiller la nuit et de me dépêcher de prendre de quoi noter, parce que j’ai la sensation que quelqu’un me souffle quelque chose. Ou alors, j’ai parfois l’impression de canaliser quelque chose qui me dépasse. Comme si je ne contrôlais rien. Les mots me viennent, et moi, je ne fais que retranscrire. C’est assez magique.

– Ce qui peut surprendre, une fois encore, c’est que tu sortes cet EP uniquement en numérique et dans un format trois titres. Même si c’est une façon de faire courante aujourd’hui et que tu fais aussi partie de cette génération. N’est-ce tout de même pas un peu frustrant de ne pas avoir l’objet physique entre les mains ? A moins que ce ne soit déjà prévu pour bientôt…

Frustrant, c’est le mot, oui ! La vérité est que je rêve de pouvoir le sortir en version physique. Mais l’EP étant autoproduit, j’ai préféré attendre de voir comment les gens réagiraient avant de me lancer là-dedans. Car tout ça a un coût, qu’on se le dise ! Mais c’est dans un coin de ma tête, j’y réfléchis…

– Vocalement aussi, tu réussis à montrer un large panel de tes capacités. Sur « One And The Same », tu mets tout le monde d’accord en affichant beaucoup de puissance. Avec « And So It Goes », tu te montres plus sensible dans une ambiance très Gospel qui va crescendo et « On The Road To Be A Woman » présente un aspect plus Folk et Americana/Country. En choisissant ces chansons, l’objectif était aussi de présenter l’éventail le plus large possible?

En quelques sortes, oui. Je souhaitais que cet EP me serve de ‘carte de visite’. Le style Americana étant assez large, je voulais pouvoir faire découvrir ces trois facettes de ma personnalité musicale.

– L’Americana est un style assez peu représenté en France, le chemin peut donc paraître très ouvert. Même s’il reste beaucoup à faire auprès du public, cela reste plus simple que de se faire une place aux Etats-Unis. Cependant, est-ce que c’est un rêve d’aller jouer là-bas rapidement, car ton EP n’a rien à envier aux productions américaines ?

Effectivement, il reste beaucoup à faire auprès du public, même si la voie a été ouverte par de grandes stars comme Taylor Swift ou Beyonce avec son album « Cowboy Carter ». Je crois qu’en fait, l’Americana devient même une tendance. Ça tombe bien, c’est pile le bon moment pour nous, artistes de ce milieu ! La difficulté en France, je trouve, reste la barrière de la langue. Les textes occupent une grande place dans cette musique, et ici beaucoup ne comprennent pas l’anglais…C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait le choix de mettre les sous-titres sur mes deux clips. Et c’est évidemment un rêve de pouvoir jouer mes titres aux Etats-Unis. Quel musicien ne rêve pas de ça ?

– Enfin, il est peut-être trop tôt pour en parler, mais un album complet est-il déjà dans un coin de ta tête ? Et surtout, vas-tu défendre « One And The Same » sur scène dans les mois qui viennent ?

L’album est bien sûr dans un coin de ma tête. Et ça viendra, évidemment. Je l’imagine depuis bien des années. Mais chaque chose en son temps et je vais d’abord m’occuper de chouchouter un peu cet EP. Pour ce qui est de le défendre sur scène, c’est en bonne voie. Tout ça est en construction. J’annoncerai les premières dates du projet quand tout sera prêt. En attendant, au boulot !

Le premier EP de MARGOT VIOTTI, « One And The Same », est disponible sur toutes les plateformes.

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Hard'n Heavy Sleaze

JJ Pinestone : dynamite boulevard

Explosifs et survoltés, les Scandinaves font un bond dans le temps avec « Break The Chain », dont l’énergie se propage à vitesse grand V. Sans faire dans la redite, JJ PINESTONE vient prolonger la vague Sleaze Rock très Heavy de la scène américaine de la fin du siècle dernier.  L’efficacité des guitares et la dynamique de la paire basse/batterie servent très bien des parties vocales très accrocheuses, électrisantes et fortes en adrénaline. Et si l’on aurait aimé deux ou trois chansons de plus, on tombe déjà sous le charme de ces compositions pleines d’allant et déterminées.

JJ PINESTONE

« Break The Chain »

(Pinestone Music Records)

Juho Mäntykivi est un musicien étonnant. Alors qu’il est aux commandes de TakaLaiton, un combo évoluant dans un registre Thrash/Crossover depuis 2016 et qui affiche au compteur un EP, quelques singles et deux albums, dont « Mindfection » sorti l’an dernier, il surgit aujourd’hui avec un tout nouveau projet, JJ PINESTONE, dont il est toujours le chanteur et guitariste. Sauf que cette fois, il n’est pas question de Metal plus ou moins violent, mais d’un Hard’n Heavy façon Sleaze Rock aux saveurs 80’s et surtout californiennes.

Pour autant, le frontman finlandais se montre très à son aise et redoutablement efficace au sein de son nouveau quatuor, où l’on retrouve d’ailleurs Joona Juntunen de TakaLaiton. Dans la veine des G N’R, Skid Row, Ratt ou Poison avec une précision technique très moderne, JJ PINESTONE livre un premier effort de sept titres, sorte de mini-album, qui présente les multiples facettes du groupe, mais qui paraît incomplet compte tenu de sa courte durée. Un format qui, malheureusement, ne lui rend pas service.

Cela dit, la maîtrise et la fougue à l’œuvre sur « Break The Chain » donnent plutôt envie d’y retourner et de se repasser ces morceaux entêtants et tellement rafraîchissants. A grand renfort de riffs tendus et racés et de solos millimétrés parfaitement exécutés, JJ PINESTONE se montre très percutant et accrocheur, et le chant ne met pas longtemps à installer un climat positif (« On My Own », « Killshot », « Fool’s Anthem » et son côté Rap/Fusion, « Scream For More » et le morceau-titre). Un premier essai qui appelle vite une suite.

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Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Starmonger : occulte et sinueux

Si les pointilleux trouveront toujours quelques références, parfois évidentes, dans cette nouvelle réalisation des Français, il faut reconnaître une chose, c’est qu’ils ont franchi un cap et que le Stoner aux teintes multiples proposé ici est original et très personnel. Compact et tranchant, « Occultation » change d’ambiance au fil des titres, tout en conservant une ligne directrice claire. STARMONGER avance sur un groove épais et affirmé, et laisse de la place pour des solos de guitare bien menés et convaincants.     

STARMONGER

« Occultation »

(Interstellar Smoke Records)

STARMONGER fêtera ses dix ans d’existence l’an prochain et « Occultation » sera une belle occasion de les célébrer sur scène. Sur une pente ascendante depuis ses débuts avec la sortie de quatre EPs consécutifs et d’un premier album autoproduit en 2020, « Revelation », le trio se présente avec de bonnes intentions sur ce deuxième opus solide et massif. S’il taquine toujours autant quelques registres comme le Classic et le Space Rock, l’ensemble trouve son identité dans un Heavy Stoner Psych plus assumé, semble-t-il, et surtout de plus en plus probant.

Les Parisiens gardent aussi cette couleur très Doom et un élan épique, notamment dans le chant (« Conjuction »). Composé dorénavant d’Arthur Desbois (chant, guitare), Mathias Friedman (basse) et Seb Antoine (batterie), ces deux derniers assurant aussi les chœurs, STARMONGER s’appuie sur une rythmique bétonnée, qui donne du corps à des plages instrumentales conséquentes. Avec des titres dépassant les formats standards d’autres styles, le power trio prend son temps pour installer des atmosphères tortueuses et captivantes.

Assez progressif dans la structure de ses morceaux, le groupe nous guide dans un univers sombre et souvent pesant, d’où surgissent de puissantes déflagrations. Grâce à un sens du riff aiguisé et soigné, « Occultation » se fait aussi lancinant avant de nous rattraper avec des attaques frontales flirtant avec le Metal. Et STARMONGER a également pris soin de ne pas boucher l’espace sonore et laisse intelligemment respirer ses compositions, grâce aussi à des lignes de basse irréprochables (« Black Lodge », « Serpent », « Page Of Swords », « Phobos »). L’ensemble est vif et bien ciselé !     

Photo : Cécile Corbois

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Alternative Rock France Grunge Heavy Rock

Stubborn Trees : une ténacité constante [Interview]

Tout en variation, à la fois puissant, percutant et délicat, le quatuor sort enfin son premier album, après s’être aguerri le temps de deux formats-courts. Comme le signifie son nom, STUBBORN TREES s’adapte, ajuste son jeu et livre avec « The Stronger The Wind… », une réalisation très aboutie, où viennent se rejoindre des styles aussi Rock que Metal, et aussi moderne que respectueux d’influences du siècle passé. Le résultat débouche sur un Alternative Rock véloce et ferme, et dont l’énergie se propage aussi à travers un duo vocal talentueux et complémentaire. Entretien avec un groupe qui fait souffler un vent frais sur la scène hexagonale.

– Pour vous suivre depuis vos débuts, ce qui m’a agréablement surpris en écoutant ce premier album, c’est que le brassage des genres que STUBBORN TREES pratique depuis 2020 est aujourd’hui parfaitement réussi et surtout très cohérent. Pensez-vous qu’il était nécessaire de passer par deux EPs pour atteindre définitivement votre identité musicale ?

Probablement. Au départ, on avait une douzaine de maquettes et on pensait faire un album, ce qui nous été fortement déconseillé. Avec le recul, c’était un bon conseil, car produire ces deux EPs nous a apporté de l’expérience et nous a permis d’affiner notre identité sonore. Les live qui ont suivis « Roots », notre dernier EP, nous ont aussi influencé pour les futures compositions.

– Justement, en restant sur le même propos, est-ce peut-être aussi cela qui vous suggéré de ne pas vous précipiter pour sortir ce premier album et d’arriver aujourd’hui avec un « The Stronger The Wind … » très mature, qui vous ressemble vraiment et qui est très homogène ?

Oui sans doute, nous avons aussi appris à mieux nous connaître tous les quatre, à mélanger nos influences tout en allant dans la même direction. Le travail de répétition et de résidence pour les lives nous a fait gagner en cohérence et en complicité. Les concerts nous ont aussi donné envie d’ajouter une touche un peu plus Metal sur certains morceaux. J’imagine que ces deux EPs et cette expérience scénique nous ont effectivement fait gagner en maturité.

On a aussi pris du temps pour travailler sur la direction à donner à cet album. Il nous a fallu décider de la structure finale des morceaux, des arrangements, pour ensuite tout réenregistrer au propre ! Sans compter l’écriture des textes, la création de la ligne graphique de l’album et l’écriture des clips. Un album, c’est long à faire, surtout en autoproduction !


– On retrouve sur ce premier album tout ce qui constitue l’univers musical de STUBBORN TREES avec un mix savamment dosé de Rock bien sûr, et aussi de Grunge, de touches bluesy et d’accents Metal. Actuellement le terme ‘Alternative Rock’ est assez galvaudé et pourtant il prend ici tout son sens. L’objectif est-il d’englober l’ensemble de votre culture musicale respective et personnelle à travers la musique du groupe ?

Oui, on aime le Rock dans sa globalité, des années 60 à nos jours, en passant par tout un tas de courants comme le Punk Rock, le Grunge ou le Metal. Julien (Le Page, guitare – NDR) apporte même des petites touches de Funk. Tout ça se mélange et se retrouve dans notre musique. On fait aussi attention à ne pas mettre sur un même album deux morceaux qui se ressemblent trop. On pense que cette diversité est importante et nous définit complètement.

– Il y a aussi chez STUBBORN TREES une belle saveur 90’s, qui évite d’ailleurs soigneusement les sonorités vintage pour rester très actuelle. Est-ce que c’est quelque chose sur laquelle vous êtes restés très vigilants au moment de l’enregistrement, ou était-ce plus simplement déjà intégré à votre approche musicale ?    

C’est une chose à laquelle on avait bien réfléchi avant d’enregistrer. Même si une partie de nos influences se situe dans les 90’s, on est un groupe actuel et on voulait vraiment avoir un son moderne.

– STUBBORN TREES a aussi la particularité de présenter une chanteuse et un chanteur au lead. Cela aurait pu déstabiliser la ligne artistique en raison d’évidents changements de tonalités, mais vous vous complétez au contraire très bien. Est-ce que chacun interprète les chansons dont il a lui-même conçu le texte, ou composez-vous et écrivez-vous ensemble ?

Chacun interprète les morceaux qu’il a composés. Quand on sélectionne les chansons pour préparer un album, on choisit les meilleures, peu importe qui les chante et ensuite on les travaille ensemble, tous les quatre. On ajoute également pas mal de chœurs, donc les deux voix sont présentes sur chaque morceau.

Concernant les textes, on commence à les travailler chacun de notre côté. Ensuite, Laurie (Prévot, basse – NDR) les finalise. On a aussi fait appel à une coach en chant anglais, Virginie Coutin, avec qui on a peaufiné les accents toniques et quelques tournures de phrases.

– D’ailleurs, en travaillant sur vos morceaux et sur la tracklist du disque, est-ce que vous avez pensé, par exemple, que les morceaux chantés par Laurie pouvaient être des moments de passage et de transition grâce à son timbre plus doux, afin d’articuler l’album dans un certain sens ?

Oui, tout à fait, nous avons longuement travaillé la tracklist ! C’était très important de proposer un voyage musical. On avait envie d’accrocher l’auditeur dès le début avec des morceaux punchy, puis de proposer des respirations, d’alterner les ambiances énervées et plus calmes, pour regagner en intensité sur la fin.

– On vous retrouve aussi tous les deux (avec Yann Eléouet) aux chœurs sur toutes les chansons (et avec votre batteur Camille Barsamian !), mais curieusement, il n’y a pas de véritable duo. Vos morceaux ont-ils des directions artistiques qui ne le permettent pas, ou c’est un exercice que vous n’avez pas souhaité expérimenter ici, et que vous faites d’ailleurs peut-être en live ? 

C’est vrai qu’il n’y a pas de duo à proprement parler. C’est certainement dû au fait qu’on compose chacun de notre côté. C’est quelque chose qu’on aimerait bien expérimenter plus tard.

– Même si STUBBORN TREES n’est pas un groupe à proprement Metal, vous aviez confié le mix de « The Stronger The Wind… » à Fred Duquesne qui, lui, est issu de ce milieu. C’est un choix qui peut surprendre. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire appel à lui ?

Yann avait très envie de travailler avec Fred, dont il apprécie particulièrement le travail. Il est très polyvalent. Il mixe aussi bien dans des registres plus Pop Rock comme Empyr, ou Metal comme Ultra Vomit. On avait besoin de ces deux atouts pour retranscrire les dynamiques de nos morceaux, à la fois mélodiques et puissantes. Il a tout de suite compris notre son et a su mettre en valeur les subtilités de nos compositions.

– L’une des particularités de STUBBORN TREES est bien sûr son côté écologique à commencer déjà par votre nom. Vous avez donc un lien particulier à la nature. Comment cela se traduit-il dans votre démarche artistique ? Et êtes-vous plutôt comme le bambou qui fléchit sans se briser ou le gigantesque séquoia géant multimillénaire et indéboulonnable ? 

STUBBORN TREES signifie les arbres têtus. Ils poussent malgré les obstacles, ils les englobent, ou les contournent, et trouvent toujours un moyen de continuer leur route. Ce serait donc un mix entre les deux, un arbre avec une forme étrange, riche de toutes ses expériences et tenace !

Dans notre démarche artistique, ça se traduit par certains de nos textes qui parlent d’urgence climatique, mais aussi par de la récup’ de décor d’un clip à l’autre. On fabrique beaucoup de choses nous-même et on ne jette rien.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot sur cet esprit DIY que vous cultivez et qui vous caractérise aussi. C’est important pour vous d’être présents à toutes les étapes, de la conception jusqu’à la pochette de l’album ? Et puis, vous sortez aussi « The Stronger The Wind… » en autoproduction… C’est un désir de liberté totale ?

En effet, on est très DIY. Ce projet est artistiquement complet. On compose la musique, on écrit les textes, on réalise nos visuels et nos clips. Effectivement, le fait de maitriser tous les aspects du travail nous offre une liberté totale et nous permet de créer un projet artistique cohérent avec notre univers.

L’album de STUBBORN TREES, « The Stronger The Wind… » est disponible sur le site du groupe et sur toutes les plateformes :

Photos : Youri Lenquette

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Blues Blues Rock Contemporary Blues International Soul

Eva Carboni : the way of the voice [Interview]

Italienne et insulaire, EVA CARBONI n’avait, a priori, pas de prédisposition naturelle pour le Blues. Et pourtant, depuis quelques disques maintenant, elle a parfaitement réussi à imposer sa voix, mais aussi un registre qui parcourt sans retenue, et va même parfois au-delà, l’univers des notes bleues. Ce mois-ci est sorti « Blues Siren », un troisième album qui, comme son nom l’indique, est captivant à plus d’un titre et il est même difficile de s’en défaire facilement. Aujourd’hui installée à Londres, la chanteuse multi-culturelle continue de façonner un chant expressif et sincère entourée d’une équipe de haut-vol. L’occasion de revenir avec elle sur son parcours et également sa vision de la musique, de ce qu’elle apporte et aussi ses intentions pour l’avenir.

– Avant de parler de ce nouvel album, « Blues Siren », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours. Tu es née en Sardaigne, qui n’est pas véritablement une terre de Blues. De quelle manière l’as-tu découvert et surtout comment est venue cette envie de le chanter ?

Tout d’abord, je tiens à te dire que mon père est né et a grandi en France. Alors autrefois, je parlais très bien le français. Mais aujourd’hui, je suis très rouillée ! (Sourires) Il chantait beaucoup quand il était jeune, même s’il s’est ensuite consacré à autre chose. Mais enfant, il me faisait chanter des chansons de Gilbert Bécaud et d’Edith Piaf, assise sur la table de la cuisine pendant qu’il faisait la vaisselle. Dans notre maison, on écoutait toujours beaucoup de bonne musique et dans des styles très différents… C’est comme ça que j’ai découvert Janis Joplin. J’ai alors été frappée par la foudre, alors que je n’avais seulement que 11 ou 12 ans.

– Par la suite, tu es partie pour Los Angeles où tu as obtenu ton diplôme de chant à la prestigieuse ‘Vocal Power Academy’ avec la très réputée Elisabeth Howard. En quoi cette école a-t-elle un passage obligé et est-ce là que tu as véritablement trouvé ‘ta voix’ ?

Oui, la ‘Vocal Power Academy’ est arrivée plusieurs années après. J’ai un peu vagabondé, puis j’ai rencontré Elisabeth Howard en Italie dans une masterclass, et j’en suis tombée amoureuse. Ensuite, je l’ai rejointe à Los Angeles où j’ai pu approfondir mes connaissances avec sa super méthode. J’ai aussi beaucoup travaillé sur moi et sur ma voix, en revoyant finalement tout ce que j’avais appris auparavant. Je voulais qu’elle résonne librement, sans tension et qu’elle devienne un instrument qui me permette d’exprimer tout ce que je ressentais à l’intérieur de moi. Je l’ai ensuite cultivée et soignée avec amour et curiosité.

– Étonnamment, c’est ensuite en Angleterre aux côtés du guitariste et compositeur Mick Simpson que tu trouves l’association parfaite, puisque vous travaillez toujours ensemble. On aura pu penser que tu serais restée aux USA, berceau du Blues, et pourtant c’est à Londres, où tu vis aujourd’hui d’ailleurs, que tu t’épanouies. Tu as plus d’affinités avec le British Blues, ou c’est juste un concours de circonstance ?

Ma rencontre avec mon ami, le grand guitariste et auteur-compositeur-interprète Mick Simpson, m’a fait entrer dans une famille britannique fantastique et magique. Il m’a présenté à mon producteur Andy Littlewood, qui est aussi musicien, auteur, interprète et un compositeur incroyable avec qui je collabore depuis 2017. J’adore chanter du Blues britannique et aussi made in USA. J’aimerais d’ailleurs faire une tournée aux Etats-Unis bientôt et pouvoir rendre visite à mes amis américains.

– Tu es également compositrice et tu co-signes plusieurs chansons de « Blues Siren ». Dans quel domaine interviens-tu le plus ? On imagine que les paroles ont une place particulière dans ton univers musical…

Quand j’ai l’inspiration pour écrire une chanson, elle me vient comme une histoire à raconter. La musique et les paroles naissent pratiquement ensemble. Pour moi, c’est comme recevoir un cadeau et j’en suis très reconnaissante. Je me laisse guider par ma voix intérieure. « Blues Siren », par exemple, m’est venue alors que je réfléchissais à ma vie et à celle de tous mes merveilleux amis, qui ont rendu ce monde plus beau avec leur voix. Cette chanson, sérieuse et avec une légère ironie, contient un peu de moi, un peu de toutes les grandes reines du Blues et un peu aussi des moins connues, mais qui n’en sont pas moins de grandes chanteuses de Blues. Elles ont toutes ouvert leur cœur pour donner de douces émotions à travers leur chant.

– « Blues Siren » est ton troisième album après « Italia Square » (2019) et « Smoke And Mirrors » (2022), auxquels il faut ajouter quelques singles et l’EP « In The Name Of The Blues ». Je me suis amusé à écouter ta discographie de manière aléatoire et c’est incroyable de voir à quel point il y a une intemporalité dans ta musique au point que c’est difficile de dater tes chansons. Est-ce que c’est ce que tu cherches avant tout à travers tes disques ? Qu’ils soient hors du temps ?

Oui… Avec Andy, on suit le flux du moment. C’est aussi parce que, pour moi, le temps n’existe pas… Mais là, c’est un peu plus compliqué à expliquer ! (Sourires) Et je suis très contente que tu aies écouté toute ma discographie, merci !

– « Blues Siren » vient donc tout juste de sortir, mais il y a quelques mois tu nous as fait patienter avec l’EP « In The Name Of The Blues », qui est d’ailleurs plus Rock et plus rugueux que ton répertoire habituel. Pour quelles raisons as-tu sorti ce format-court ? Ce sont des chansons que tu avais de côté depuis un moment déjà, ou est-ce peut-être parce qu’elles ne s’intégraient pas vraiment dans ce troisième album ? Car il est assez différent, y compris dans le son…

En fait, « In the Name of the Blues » est arrivé comme un double-single avant la sortie de l’album. Et comme nous avions déjà beaucoup de chansons, c’est devenu un EP. Nous avions un tas d’idées et nous y sommes allés doucement ! Cela dit, même sur « Blues Siren », il y a beaucoup de Rock, des chansons comme « Don’t Get In My Way », « Walking A Tightrope », ou « Alive And Breathing » le sont définitivement. L’album alterne avec des morceaux aux saveurs différentes et qui vivent tous ensembles en harmonie.

– Vocalement, tu t’inscris depuis tes débuts dans la tradition des grandes chanteuses de Blues et de Soul comme Etta James ou Aretha Franklin, grâce à une voix à la fois sensuelle et puissante. Curieusement, tu vas un peu à contre-courant des chanteuses actuelles qui jouent un Blues moderne plus Rock et explosif. Est-ce que, finalement, le secret ne vient-il pas du travail que tu fais sur les atmosphères ?

Comme je te le disais, j’aime beaucoup jouer avec ma voix et c’est souvent la chanson qui m’inspire et m’invite à la suivre. Sur certains titres, je chante ce que je suis, dans d’autres, je raconte une histoire en étant spectatrice. Cela peut se faire de manière plus intime, limpide ou explosive. Dans le monde du Blues, il y a beaucoup de chanteuses et de chanteurs fantastiques et authentiques et chacun suit ce qu’il ressent à ce moment-là. Cette diversité est belle et c’est génial qu’elle existe. Je n’aime pas me coller une étiquette et je ne pense pas que quiconque aime cela d’ailleurs. Beaucoup d’artistes, femmes et hommes, ont toujours aimé parcourir ce style à travers différentes atmosphères et expérimenter en permanence.

– D’ailleurs, si tu évolues dans un registre Blues au sens large du terme, il y a de nombreuses influences Soul et Jazzy avec un côté feutré et une certaine dramaturgie dans ton répertoire. C’est finalement cette chaleur très présente sur tes albums que tu recherches tant dans les textes que musicalement, comme une façon de capter intensément l’attention de l’auditeur ? On a presque le sentiment que tu ne veux rien manquer du vaste monde du Blues. Et en fin de compte, rien ne te résiste, non plus. C’est important pour toi de ne pas te restreindre à un seul courant ?

J’ai eu la chance d’étudier intensément de nombreux styles vocaux et chacun m’a laissé quelque chose. Au départ, le Blues ne nous est pas venu très naturellement, à nous les Européens. C’est une question de culture, bien sûr. Nous ne sommes pas nés noirs, ni en Amérique. Mais nous pouvons nous imprégner, écouter et intégrer en nous ce qui vient de ceux qui ont respiré le Blues depuis leur enfance et nous l’approprier à notre manière. Elisabeth m’avait dit une fois qu’elle avait même dû enseigner le Blues à des élèves noirs, qui avaient été adoptés par des blancs en Amérique.

– Juste avant « Blues Siren », tu as aussi sorti quelques singles comme « Winter Of 51 », « The Magic » et une version étendue incroyable de « Call My Name », toujours avec ton complice Mick Simpson. Ce sont des chansons qui n’étaient pas prévues pour un album, ou est-ce que, dans ce nouveau monde numérique, c’est aussi une façon de rester présente pour tes fans et à travers les réseaux sociaux ?

Parfois, Andy et moi essayons de tenir compagnie à nos amis et aux fans qui nous suivent avec quelques chansons, même en version single ou sur un EP. On le fait en attendant l’arrivée du nouvel album qui, comme tu le sais bien, demande parfois un peu plus de temps que prévu. « Winter Of 51 » et « Call My Name » font toutes deux partie d’un album. Pour « Call My Name », Mick avait joué un très long et très beau solo en studio. C’était si intense et touchant que nous avons décidé de le présenter dans une version augmentée. « The Magic », quant à elle, est une chanson que nous avons sortie à Noël dernier. Elle est pour moi très spéciale et sincère.

– Enfin, 2024 a été une belle et riche année pour toi avec un EP et un album complet. J’imagine que 2025 sera consacrée essentiellement à la scène, à moins que tu ne travailles déjà sur le successeur de « Blues Siren » ?

Oui, je compte désormais me consacrer intensément au live et avec un super groupe anglais. Mais… De nouvelles chansons bourdonnent déjà dans nos têtes. Je vous tiendrai au courant de tout ça plus tard ! (Sourires)

Le nouvel album d’EVA CARBONI, « Blues Siren »  est chez Mad Ears Productions et sur le site de l’artiste : https://evacarboni.com/

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Black Metal

Gallic Hammer : la férocité des anciens

Grâce à un travail remarquable sur les voix et la percussion des morceaux, GALLIC HAMMER offre un voyage captivant au cœur de l’univers du Black Metal. En traversant le genre depuis son format originel, agressif, puissant et épique, vers des ambiances flirtant avec un post-Black plus harmonieux et mélodique, son créateur helvète marie une forme classique avec une interprétation très actuelle et fluide. « Echoes Of Ancestral Battles » dispatche des éléments mystiques, qui viennent se fondre dans une matière souvent violente, qui finit par nous happer.

GALLIC HAMMER

« Echoes Of Ancestral Battles »

(Orko Productions)

Malgré les apparences, le Black Metal regroupe en son sein un grand nombre de courants, ainsi que des line-ups assez différents. Aussi, le one-man-band est un exercice à part entière qui est souvent le fruit de multi-instrumentistes estampillés underground, désireux de mettre leur expérience de groupe en stand-by, voire de s’en éloigner. Parmi eux, on peut citer les plus influents comme Burzum, Vinterriket, Nortt, Arckanum, Satanic Warmaster ou Nattefrost. Mais celui qui nous intéresse ici est GALLIC HAMMER, originaire de Suisse.

Aux commandes du projet, on retrouve Katurix qui l’a initialisé en 2019 et a sorti une première démo avant de se mettre sur pause. 2024 est donc l’heure du renouveau pour GALLIC HAMMER, qui entend apporter sa contribution à l’esprit Black Metal 90’s, tout en lui insufflant de la modernité notamment au niveau du son. En ce sens, « Echoes Of Ancestral Battles » bénéficie d’une bonne production, d’un mix bien équilibré et surtout d’une volonté franche d’éclectisme dans l’approche des six titres de ce nouvel EP.

GALLIC HAMMER semble vouloir passer en revue ce qui fait l’essence-même du style en plongeant dans des narrations épiques héritées de la mouvance viking, des récits guerriers issus d’un registre traditionnel brutal, ainsi que des passages plus éthérés et atmosphériques qui laissent place à d’audacieuses orchestrations. Dévastateur souvent, raffiné aussi, « Echos Of The Ancestral Battles » est la réalisation mature et très convaincante d’un musicien expérimenté (« Winter Moon », « Taïga », « Fall Of The Warrior King » et le morceau-titre).

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Metal Progressif

Wire Edge : une puissante sérénité

Toujours aussi précis dans la structure de ses morceaux, WIRE EDGE se présente avec un format court après des débuts enthousiasmants en 2020. Loin des stéréotypes, le groupe affiche beaucoup de liberté et d’audace sur ce « Salt Of The Earth » assez surprenant. Sur 25 minutes intenses, on évolue dans un Metal Progressif tout en variation, inspiré et aussi plus chaleureux que précédemment. Les Français ont pris du volume, de l’expérience et cela s’entend.

WIRE EDGE

« Salt Of The Earth »

Apparu il y a quatre ans avec un premier album convaincant, « Workhorse Empire », une petite année seulement après sa création, WIRE EDGE donne enfin une suite à son aventure. Cependant, pas de deuxième opus pour le moment, mais un EP de quatre titres encore une fois très prometteur et à la direction musicale quelque peu différente. Les aspects plus Dark se sont dissipés au profit d’un Metal Progressif plus resserré et, de fait, plus efficace dans le songwriting, tout en restant très élaboré et subtil.

Techniquement, WIRE EDGE montre toujours la même facilité d’interprétation, malgré des compositions parfois tortueuses. Avec beaucoup de maîtrise et une personnalité qui s’affine, le quatuor s’est concentré sur quatre morceaux aux durées variées et dont les atmosphères ont cette fois un aspect peut-être plus abordable. C’est « Hollow places » qui ouvre le bal et qui fait un peu figure de longue intro sur un rythme posé et sans batterie, où le travail sur les voix, qui rappellera Metallica à certains, est particulièrement soigné.

Trois petites minutes plus tard et sur un enchaînement parfait, c’est le morceau-titre qui semble libérer les Parisiens, tant l’édifice se met à trembler pour s’étendre sur plus de huit minutes. C’est d’ailleurs aussi le cas sur « Cities Of None », sorte de titre jumeau où le côté Metal de WIRE EDGE prend le dessus entrecoupé de quelques passages aériens bien sentis. Enfin, sur « Towers », le combo se livre sur un format plus ‘classique’ et accrocheur. « Salt Of The Earth » est finalement très complet… mais bien trop court !

« Salt Of The Earth » de WIRE EDGE est disponible sur toutes les plateformes.

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Classic Rock Hard Blues

Lions In the Street : on the hunt

On n’en voudra pas à LIONS IN THE STREET d’être allé puiser dans de vieux morceaux pour constituer ce « Moving Along », bien au contraire. Sur une production tonique et vive, le quatuor américano-canadiens annonce la couleur et donne le ton. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, parfois bluesy, toujours groovy et avec un petit côté sudiste qui leur confère une saveur légèrement vintage, les lions entrent dans l’arène et ne font pas dans le détail. Réjouissants, imperturbables et honnêtes, les quatre musiciens se révèlent comme les prétendants à une relève très attendue. Un magnifique pavé dans la marre ! 

LIONS IN THE STREET

« Moving Along »

(Interior Castle Music)

Fondé en 2006, l’histoire de LIONS IN THE STREET a de quoi laisser songeur. Alors que le groupe avait toutes les cartes en main pour mener à bien une belle carrière, il n’en fut rien, même s’il n’est jamais trop tard, bien sûr. Managé par Allen Novac (Mötley Crüe, Blondie), signé chez TVT Records (Nine Inch Nails), puis 604 Records (Nickelback), le quatuor a tout envoyé balader et s’est retrouvé blacklisté par une industrie musicale rancunière. Mais après une longue traversée du désert, le retour est enthousiasmant et sonne comme une belle revanche.

Après deux Eps (« Cat Got Your Tongue » en 2006 et « On The Lam » en 2013), le combo, composé pour moitié de Canadiens de Vancouver et d’Américains de San Diego, a également sorti un premier album, « The Years » en 2016. Mais tout ceci s’est passé relativement dans l’ombre, sous les radars, ne parvenant pas à capter la chaleur des projecteurs pourtant bien méritée. Cette fois, Sean Casey (guitare), Enzo Figliuzzi (basse) et les frères Kinnon (Chris au chant et à la guitare et Jeff à la batterie) font rugir LIONS IN THE STREET pour de bon !

Et le bouleversement à l’œuvre avec l’avènement des plateformes et des réseaux sociaux a aussi bien aidé et ragaillardi la formation, qui fait son retour le couteau entre les dents. Armé d’un Classic Rock musclé et un brin arrogant, elle déroule ce « Moving Along » frais et fougueux avec une volonté exacerbée. Situé quelque part entre les Rolling Stones (même tout près !) et les Black Crows, LIONS IN THE STREET s’affirme à travers des titres entêtants (« Already Gone », « Gold Pour Down », « Shangri La », « Moving Along », « Truer Now ») Intègre !

(Photo : Gregory Crowe)

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International Stoner Doom Metal

Slower : unslayerized [Interview]

En janvier dernier, un sextet aux horizons diverses avait bouleversé une institution du Metal en passant au spectre du Doom un répertoire quasi-intouchable. Composé de membres de Fu Manchu, Year of the Cobra, Kylesa, Lowrider, Kyuss et Monolord, SLOWER s’était approprié des morceaux de Slayer en leur infligeant un traitement très particulier… et le résultat était renversant ! Cette fois, avec « Rage And Ruin », c’est en trio que Bob Balch (Fu Manchu) à la guitare, Amy Tung Barrysmith (Year of the Cobra) à la basse et au chant et Esben Willems (Monolord) à la batterie remettent ça avec la surprise d’y aller aussi de leurs propres compositions. Le porteur du projet, et six-cordiste très ‘Fuzzy’ s’il en est, et la frontwoman du combo reviennent sur cette deuxième réalisation…  

– Bob, au moment de concrétiser vraiment le projet, est-ce que tu as longtemps cherché le son de guitare le mieux adapté au registre de Slayer, ou s’est-il imposé rapidement à toi ?

Le son de guitare est arrivé assez rapidement, en fait. Je voulais qu’il soit aussi fuzz que possible, mais qu’il reste néanmoins très épais et fuyant avec des palm mutes prononcés. On ne peut pas jouer des chansons de Slayer sans palm mutes (une technique qui consiste à étouffer les cordes avec la paume de la main – NDR). Alors, j’ai installé une tonne de pédales fuzz avec différents drives, et c’est après avoir testé pas mal de choses que j’ai opté pour la meilleure combinaison que j’ai pu trouver.

– Amy, comment l’adaptation s’est-elle effectuée pour toi, d’abord au chant ? D’ailleurs, cette fois, tu joues également de la basse et du piano. C’est quelque chose qui t’avait manqué sur le premier album ?

En fait, ça s’est plutôt bien passé. Je me suis référée aux chansons originales uniquement pour déterminer où les voix devaient se placer. Mais j’ai essayé de garder l’esprit ouvert en ce qui concernait les mélodies. Et il n’y en a pas beaucoup dans les chansons originales de Slayer. J’ai donc pu laisser libre court à ma créativité dans l’interprétation. Et j’ai vraiment aimé explorer toutes sortes de choses, puis les instructions d’Esben (Willems, batterie – NDR), lorsqu’il m’a contacté pour la première fois, ont été essentielles. Il m’a dit : ‘fais ce que tu veux !’ Et j’ai vraiment pris ça à cœur.

En ce qui concerne la basse et le piano, au moment où j’ai rejoint le projet, nous avions déjà Peder (Bergstrand de Lowrider – NDR) à la basse. Il est tellement talentueux et il a fait un travail tellement incroyable que je n’ai pas pu imaginer qu’il en soit autrement que ce qu’il avait joué. J’ai donc suivi cette ligne. Et en ce qui concerne le piano, il ne semblait pas y avoir de réelles nécessités sur le premier LP, donc je ne pense pas qu’il manquait quoi que ce soit.

– Bob Balch –

– SLOWER a commencé avec un line-up de six musiciens et vous évoluez aujourd’hui en trio sur l’album. En quoi cela a-t-il changé votre jeu et votre approche à tous les deux sur « Rage And Ruin » ?

Bob : Je ne sais pas trop, si cela a changé grand-chose, en fait. Sans doute un peu, oui. Amy a dû en faire plus, parce qu’elle joue de la basse et elle chante. Mais de mon côté, mon approche a été similaire à celle du premier album, excepté dans l’écriture des morceaux originaux.

Amy : Je ne crois pas que ça a beaucoup changé. Au niveau vocal, j’ai abordé le projet de la même manière. Ajouter la basse, c’était juste voir les choses sous un angle différent, mais rien de très nouveau finalement. Pour les morceaux originaux, en revanche, cela a demandé certainement une approche différente, car nous n’avions jamais écrit ensemble auparavant. Et puis, nous étions à distance tout le temps. Cela dit, je m’attendais à ce que ce soit plus difficile, mais j’ai été très surprise de la facilité avec laquelle nous avons travaillé tous ensemble et de la rapidité avec laquelle nous avons pu assembler ces chansons. C’était assez fluide et très amusant.

– Vous venez tous les deux de la scène Stoner et vous vous frottez régulièrement au Doom (notamment Amy). Qu’est-ce qui peut paraître insurmontable lorsqu’on transpose des morceaux de Thrash Metal dans un registre comme celui-ci ?

Bob : Nous avons essayé une première chanson de Slayer et il est devenu très clair dès le début qu’elle ne voulait pas du traitement Doom Metal. Je suppose que les riffs donnent la voie et ils ont assez mal réagi à une telle chose cette fois-ci. La plupart des chansons mid-tempo acceptent assez bien une approche Doom plus lente. Mais celles-ci ne l’étaient tout simplement pas ! (Rires)

Amy : Honnêtement, j’adore faire ça avec les chansons : ralentir les chansons rapides, accélérer les chansons lentes, etc… Juste faire la maligne et voir ce qui se passe ! On ne sait jamais, il peut y avoir des surprises. Mais comme l’a dit Bob, ça ne marche pas toujours. L’un des titres sonnait plutôt bien au ralenti, mais une fois que j’y ai ajouté des voix, ça sonnait clairement très, très mal. Nous l’avons rapidement mis à la poubelle, après que tout le monde ait bien rigolé ! (Rires)

– Amy Tung Barrysmith –

– Le premier album était entièrement dédié à Slayer et à cinq de ses morceaux les plus emblématiques. Avec « Rage And Ruin », vous reprenez deux des trois titres de l’EP « Haunting The Chapel », sorti il y a 40 ans déjà et qui avait été un tournant pour le groupe. C’est un choix étonnant compte tenu de cette vaste discographie. L’idée était-elle de surprendre ?

Bob : L’idée initiale était de reprendre l’intégralité de ce premier EP. Une fois que nous avons réalisé qu’une des chansons n’était pas réalisable, la décision qui a suivi a été de commencer à travailler sur des chansons originales. Je suis content que nous nous soyons embarqués là-dedans. A mon avis, elles sont vraiment bonnes.

– La grande nouveauté sur « Rage And Ruin » est donc l’apparition de quatre morceaux originaux. Du 100% SLOWER ! Dans quel état d’esprit avez-vous abordé ses nouvelles compositions et l’objectif était-il aussi de coller au plus près aux reprises et donc à Slayer ?

Bob : J’ai vraiment puisé dans tous les trucs de Slayer pour écrire les originaux. Cependant, mon objectif principal est toujours de m’assurer qu’il y ait des BPM différents, des tonalités divergentes et des structures de chansons nouvelles, lorsque je compose pour un album. Je savais qu’une fois que nous aurions la version d’Esben sur les mélodies, puis le chant et la basse d’Amy, les chansons prendraient forme et trouveraient leur propre voie, leur identité.

– Esben Willems –

– Ces nouveaux morceaux se fondent parfaitement dans la sonorité des covers et il y a une réelle identité musicale qui émerge aussi. Est-ce que vous considérez tous les deux « Rage And Ruin » comme le véritable acte de naissance de SLOWER ?

Bob : Oui, bien sûr, étant donné que c’est la première fois que nous nous essayons à des morceaux originaux.

Amy : Absolument. Dès que nous avons commencé à écrire nos propres textes, nous avons compris que nous étions en train de créer quelque chose de très intéressant.

– Est-ce que maintenant que vous avez franchi l’étape de la création originale, le ‘Rubicon’ en quelque sorte, un nouveau chapitre s’ouvre pour SLOWER avec peut-être déjà quelques idées en tête ?

Bob : Il y a toujours des riffs qui circulent, bien sûr. J’aimerais beaucoup faire un album complet avec uniquement des morceaux originaux.

– Au fait, est-ce que vous avez eu des retours des membres de Slayer depuis le premier disque et ont-ils écouté celui-ci ?

Bob : Gary Holt nous a donné son feu vert, il m’a dit que c’était très ‘Heavy’ ! (Sourires)

– Enfin, j’aimerais savoir si vous allez prendre la route pour défendre ce nouvel album ?

Amy : Nous avions l’intention de le faire ce mois-ci, mais il y a eu des imprévus dus à des circonstances familiales. En tout cas, j’adorerais jouer ces chansons en live quand le moment sera venu.

« Rage And Ruin » de SLOWER est disponible chez Heavy Psych Sounds.

Retrouvez la chronique du premier EP :

Photos : Amy (crédit : A.F. Cortes) et Esben (crédit : David Duis)