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Nothing For Real : une réalité hybride [Interview]

En quatre ans d’existence, NOTHING BUT REAL en aura fait du chemin. A force d’envie et de détermination, les Parisiens sont parvenus sur ce deuxième album, « Lost In The Word », à trouver l’équilibre et parfaire le son et l’univers musical qu’ils n’ont jamais perdu de vue depuis leurs débuts. Entretien avec Hanta (chant) et Tom (guitare) suite à la sortie de ce très bon opus fait de Rock, de Metal… et de tant d’autres choses.

– Je vous avais découvert il y a deux ans lors de la sortie de votre premier opus éponyme. Vous revoilà avec un nouvel album, « Lost In The World ». Les deux dernières années n’ayant pas été réjouissantes, comment les avez-vous passé, car il n’y a pas eu de concerts, ou très peu ?

Hanta : Effectivement, depuis le début de la pandémie avec deux ans sans concert, mais pas mal de choses se sont passées. On n’a jamais cessé d’interagir, que ce soit en visio, en chat, par email, pour continuer à faire vivre le projet. La promotion du premier opus s’est faite bon gré mal gré. Nous avons tourné les clips de « Therapy Toy » et « We are Nothing But Real » et renforcé notre visibilité sur Internet et les réseaux sociaux. Nous avons changé de bassiste et dès lors, le processus de composition s’est remis en marche. Heureusement, les studios de répétition où nous allions n’ont été fermés que ‘quelques’ mois et nous sommes également aussi allés chez les uns et les autres pour continuer à jouer et à créer.

Tom : Tu sais comment ça se passe pour un groupe, tu composes et tu sors un album, mais il y a toujours plus de matière cachée et il faut bien avouer qu’il y avait une bonne vingtaine de riffs et d’embryons, plus ou moins aboutis, de titres qui étaient déjà dans le pipe. Personnellement j’ai passé pas mal de temps à composer et affiner des titres qui sont sur « Lost In The World » et on se harcelait de messages. Après, j’avoue que pendant l’année 2020, Eghan (batterie – NDR) et moi avons pris du temps le soir pour dégrossir le travail sur quelques titres qui nous démangeaient.

– A l’époque, vos influences étaient facilement identifiables, alors qu’aujourd’hui elles semblent bien digérées et NOTHING BUT REAL affiche un style beaucoup plus personnel. Comme il y a eu peu de scène, comment avez-vous franchi ce cap dans votre jeu ?

Tom : Comme dans toute formation, on a commencé à se connaitre avec l’expérience des premiers singles, c’était le test en 2018. Puis, le premier album a confirmé cette envie. Ensuite, il y avait du travail à faire sur notre son, car il manquait quelque chose. Comme on ne pouvait pas défendre l’album sur scène, on a donc continué à répéter sur de nouveaux titres comme « Snake Eyes » et « Strike ». Ce sont ces deux morceaux qui ont clairement défini la couleur instrumentale actuelle. L’idée était de revenir à un son plus organique et d’ajouter ce qui a toujours été la visée à l’origine : une couleur plus électro et plus poppy, tout en gardant cette cohérence avec l’univers visuel que j’imaginais à la fois dark et flashy. On cultive cette dualité, qui est l’essence même du projet, car on aime vraiment différents styles d’où le côté hybride, qui est un challenge permanent. Avec l’arrivée de Victor à la basse à l’été 2020 ça a été l’occasion d’affirmer cette vision du son. C’était naturel, ça a matché très vite.

Hanta : Quand le groupe a été formé en 2018, hormis Tom et le premier bassiste, personne ne se connaissait et nous venions tous d’horizons différents. Au fur et à mesure de nos répétitions et de nos discussions, nous avons commencé à assumer nos propres goûts musicaux (même les plus inavouables !) et à les intégrer dans nos compos. L’arrivée de Victor et ses compétences en MAO ont également renforcé notre goût pour les samples, les nappes électroniques, les ambiances et les graphismes apportés au projet. Aujourd’hui, de par nos influences très variées et la confiance mutuelle qu’on s’apporte, notre jeu laisse apparaitre nos quatre personnalités assumées, sans artifice. Juste nous et nos envies, quitte à brouiller les pistes quant à notre ‘catégorie musicale’.

– Parlons de « Lost In The World », mais avant de d’évoquer son contenu, j’aimerais que vous nous disiez un mort sur votre signature chez M&O Music, car vous étiez autoproduits pour votre premier album…

Tom : J’avais été contacté par Alexandre pendant la sortie du premier album en 2020. Comme ça ne le faisait pas avec notre attaché-de-presse, nous en avons changé et cela a porté ses fruits. Il était donc naturel de rediscuter avec M&O pour ce nouvel opus. Au-delà du côté communication, Alexandre a écouté l’album et nous a dit avoir apprécié. Donc, on s’est entendu pour bosser ensemble via le label.

– J’imagine que c’est un sacré coup de boost. Cela a-t-il eu un impact sur votre motivation et surtout sur la direction musicale de ce nouvel album ?

Tom : Pour être franc, la motivation est toujours à son maximum indépendamment des gens avec qui tu bosses : label, PR agent, booker, coach, manager…  A mon sens, quand on est artiste, amateur, semi-pro ou pro, ton moteur, c’est ta capacité à créer un son et un univers qui te ressemble. Il y a évidemment des hauts et des bas, nous sommes tous humains, mais il faut travailler dur pour arriver à un résultat et faire mieux encore par la suite. Ce qui était très cool, c’est de savoir que ça a plu à Alexandre, car il est exigeant et ce n’est jamais évident pour un label de défendre un groupe, qui oscille sur plusieurs influences parfois larges. Sur la direction musicale, cela n’a pas eu d’impact, car les morceaux étaient écrits et maquettés bien avant qu’on cherche à être accompagné, même si nous l’avions en tête. Il fallait faire du mieux possible avec nos moyens et c’est une chance d’avoir plu au label M&O Music.

– Composer un album en moins de deux ans durant une pandémie complique beaucoup de choses. Comment vous êtes-vous organisés et aviez-vous déjà des morceaux en chantier, voire déjà prêts, car l’ensemble est très mature ?

Hanta : Tom avait déjà quelques morceaux en chantier, qu’il nous a présentés en répétition. Nous avons donc pu en étoffer certains, qui avaient déjà de solides bases. Par la suite, il a suffi que l’un d’entre nous lance un riff, une ligne de basse, un rythme pour se chauffer, on bœuf dessus et comme ça groove pas mal, on enregistre le tout sur un téléphone. On réécoute tout ça chez soi, on l’affine de nouveau en répétition, et voilà. Maintenant qu’on se connait bien, on arrive à prendre rapidement une direction commune pour nos morceaux, et qui convienne à tous.

Tom : Si je te dis que « Here I Am » a été composée en 2008 et « Lost in the World » en 2013 tu me crois ? Il faut que ça mature ! (Rires) C’est vrai que les morceaux qui ont lancé la dynamique sont « Snake Eyes » et « Strike ». Il y avait bien « Behind the Door » et « Scars And Burdens », qui étaient abouties à 60% mais, comme dit Hanta, on a fait de la chirurgie esthétique par endroit, simplifié ou enrichi. Par exemple, sur « Lost in the World », la version originale était plutôt sur une rythmique Trip-Hop, et plusieurs fois Hanta m’a dit avoir du mal à trouver un flow accrocheur. Du coup, tu vois, c’est comme ça que ça se passe. Le côté ‘Poppy’ m’est revenu, car Hanta et moi écoutions beaucoup de Pop comme The Weekend, Billy Eilish ou Ed Sheeran à ce moment-là. Alors, j’ai reprogrammé une batterie plus groovy. Eghan se l’est approprié avec sa patte et ses enrichissements et c’est allé très vite. Pour le reste, ça s’est fait en répétition et en mode impro.

– Justement, le contenu de votre première réalisation était très identifiable comme je l’ai dit, alors que « Lost In The World » a un aspect très hybride comme vous le soulignez d’ailleurs. Vous faites la jonction entre le Rock Fusion parfois Metal et le Rock Alternatif. C’était l’objectif de départ ?

Tom : Oui car, même si on respecte beaucoup Evanescence, l’idée n’a jamais été d’aller dans cette voie. Vraiment le côté hybride avec un univers à la fois dark et lumineux, c’est ce qui nous correspond. Cela nous permet de jongler avec nos humeurs, même s’il y a une tendance à ce que ce soit des morceaux assez Rock pour nos familles ! (Rires) Nous sommes les deux faces d’une même pièce, donc l’enjeu était de forger un son suffisamment identifiable pour servir les morceaux avec la voix et le storytelling, et lier l’ensemble avec l’univers graphique. Tout est calculé chez NOTHING BUT REAL ! (Rires)  

– La bonne production de l’album met aussi en évidence une complicité que l’on sent renforcée. On a l’impression que vous vous êtes beaucoup rapprochés, tant les nouvelles compos affichent une assurance et une force nouvelle. C’est le cas ?

Hanta : C’est exactement ça ! Il faut voir le fil de nos conversations, il est interminable. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on ne se parle ou ne partage des liens, des idées, des news, même en vacances. On a toujours trouvé un moyen de se voir, même quand l’un est au bout du monde sans réseau. Et comme tout groupe émergent, nous n’avons pas toute une équipe derrière, donc on se retrousse les manches et on se donne des tuyaux pour le faire. Accessoirement, passer plusieurs jours non-stop ensemble en studio d’enregistrement, ça resserre les liens. Quelques saucisses, quelques bières et les langues se délient facilement !

Tom : Oh yeaaaah !!!

– NOTHING BUT REAL présente des morceaux très accrocheurs et plutôt Rock dans l’ensemble, avec d’autres titres dotés de grosses rythmiques et de riffs appuyés. Vers où penchez-vous ? Rock ou Metal ? Ou les deux plus simplement ?

Tom : Les deux, mon capitaine. On ne te dit rien de la suite, mais il y aura encore des surprises. L’évolution n’est pas terminée, car notre niveau de créativité est au max. Si on avait voulu, eu du temps et un gros budget, nous aurions fait bien plus, car si tu voyais tout ce qu’on a sur le PC en morceaux ou en riffs pour la suite… Mais d’abord, place à ce nouvel album, car nous y avons mis beaucoup de cœur, d’énergie et c’est un vrai soulagement de voir quelque chose aboutir avec un résultat qui ressemble enfin à la vision de départ.

– Un mot aussi au sujet de la pochette de l’album qui s’inscrit un peu dans un esprit presque Stoner et Desert Rock. C’est une façon de brouiller les pistes ? L’ambiance du visuel est assez différente du contenu finalement…

Hanta : Bien que les paroles ne le laissent pas toujours transparaitre, l’album raconte une histoire : celle de Sakar, extraterrestre dont le vaisseau s’est crashé sur Terre de manière totalement inattendue, et qui se retrouve dans un monde sans repère. Le désert, c’est l’expression de la solitude et l’illustration sur la jaquette de ses déambulations solitaires à travers toutes les émotions et les rencontres hostiles qu’il va faire. Chaque chanson est en réalité une expérience qu’il vivra comme un pèlerinage, totalement seul, mais bien décidé à aller jusqu’au bout.

Tom : On ne renie pas ces influences Stoner, bien au contraire, même si elles ne se ressentent pas sur cet album. D’ailleurs, on remercie Flow du Chromatorium Music, avec qui nous travaillons quasiment depuis l’origine du projet. Maintenant qu’il a bien compris l’univers et la direction du groupe, je l’embête avec mes idées à la con. Pour la pochette et même toutes les pochettes, nous voulions amener un côté surréaliste. Pour cette cover en particulier, il fallait souligner le côté ‘perdu sur Terre’, et non « Perdu dans l’espace », qui est un bon film pourri ! Rires) autour de notre avatar Sakar, qui est le protagoniste. Brouiller les pistes, je ne sais pas. En tout cas, l’idée était de faire le lien avec le titre de l’album et tenter de surprendre un peu à l’écoute et en ouvrant la pochette…

– Enfin, on vous sent très aguerri et prêts à en découdre sur scène. Des concerts et/ou une tournée sont-ils d’ores et déjà prévus ?

Tom : Nous avons hâte d’y être, car lorsque ce sera possible : chaque titre aura droit à son ambiance visuelle en arrière-scène. Même si on adore créer et enregistrer en studio, rien ne vaut le contact avec un public qui réagit. C’est pour ça qu’on le fait avant tout. Alors, yes : WE ARE READY !

L’album de NOTHING BUT REAL, « Lost In The World », est disponible depuis le 25 mars chez M&O Music.

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Country France Southern Rock Stoner Rock

Knuckle Head : une liberté absolue [Interview]

Les Alsaciens de KNUCKLE HEAD ont créé leur propre style : la Dark Country. A base de Country bien sûr, de Southern Rock et de Stoner, l’incandescence de leur musique est manifeste et prend toute son ampleur en concert. Loin des stéréotypes, le duo travaille à l’ancienne, en analogique, et son nouvel album, « Holsters And Rituals », est véritablement pensé et taillé pour la scène, qui reste leur terrain de jeu favori. Rencontre avec Jock, batteur virevoltant, libre et puissant de ce combo hors-norme.    

– Pour vous resituer un peu, KNUCKLE HEAD a sorti un premier EP, « First Drive » en 2016, puis l’album « II » en 2019 et aujourd’hui « Holsters And Rituals ». Pourquoi êtes-vous restés indépendants toutes ces années ? Des labels ont pourtant du se manifester, non ? C’est pour conserver une liberté artistique totale ?

Exactement, c’est pour garder notre liberté. On travaille avec Dominique Bérard de Muzivox, qui fait le travail de tourneur-manageur, car nous n’avons pas ces contacts-là. Comme nous, il est aussi en indépendant, ce qui fait que nous sommes vraiment en famille. Et on garde aussi notre droit à l’image. On n’a jamais eu ce genre de contrat, et on ne veut pas ce que cela change. Il y a tellement de groupes qui changent au fil des années à cause du marketing. On veut rester seul à faire notre truc.

– D’ailleurs, un petit mot sur la campagne de crowdfunding mise en place pour ce nouvel album, qui a d’ailleurs très bien fonctionné. Vous pensez que cela peut devenir une solution viable sur le long terme ?

On évite quand même ce genre de projet, mais cet album nous a énormément tenu à cœur. Et pour sa progression, on a été malheureusement obligé de le faire comme ça. Là où nous avons été surpris, c’est par la fan-base, car tout a été très vite. Nous sommes très satisfaits et nos fans aussi. Pour le long terme, comme nous partons sur une certaine indépendance, il y a aura un moment où nous aurons de l’argent de côté pour le mettre nous-mêmes. L’avantage avec ce système est bien sûr la précommande, car les gens ont pu réserver le vinyle et les boxes en version très limitée, car cela est parti très vite. C’était mieux pour eux. Mais sur le long terme, on évitera de faire ce genre de campagne. C’est aussi beaucoup de travail, car on fait tout nous-mêmes, même si ça reste un plaisir !  

– Comme votre nom l’indique, vous faites partie du monde des bikers. En quoi cela vous inspire et qu’est-ce qu’il évoque plus largement et musicalement ?

C’est le symbole de la liberté ! La moto est un plaisir et une liberté absolue. C’est aussi un moyen d’évacuer, d’oublier ses problèmes et c’est exactement le même principe que lorsque je suis sur ma batterie. C’est un réel exécutoire ! C’est ce qui touche vraiment à notre musique. Les deux ont un rapport très, très fort, d’où le nom du groupe.

– L’une de vos particularités est aussi d’évoluer en duo. C’est un choix qui s’est imposé de lui-même ? Ca ne vous intéresserait pas de jouer au sein d’une formation plus conséquente ?

Non, car notre son est suffisamment travaillé pour qu’il n’y ait pas ce manque justement. Sur scène, Jack bosse avec trois amplis : un Fender, un Orange, un ampli basse et tout est branché ensemble. Et puis, le fait d’être à deux comporte beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients, parce qu’on fonctionne un peu comme un couple. Il n’y a jamais eu de souci entre nous, et les choses se règlent beaucoup plus simplement. Pour caler une date, il suffit très souvent d’un seul coup de fil et c’est bon. Par ailleurs, Jack fait partie de ma famille, comme je fais partie de la sienne : il est comme mon frère !  

– Ce qu’il y a de surprenant chez KNUCKLE HEAD, c’est que vous intégrez à peu près tous les styles de musique peu représentés en France, comme la Country même si elle est Dark, ainsi que certains aspects d’Americana en version très musclée et du Stoner bien sûr. Comment avez-vous bâti votre univers sonore au départ ?

Cela a été beaucoup de recherches au fil des années, en fait. On voulait faire quelque chose qui se démarquait des autres. A l’époque, j’étais très Country avec Johnny Cash, Willie Nelson et d’autres, et Jack était très Stoner et Sludge. On a commencé à mélanger tout ça pour obtenir, et je le dis sans narcissisme, sans doute notre meilleur album aujourd’hui. Le temps passe, on mûrit et on arrive à se trouver parfaitement. Nous avons travaillé deux ans sur cet album et j’en suis vraiment très fier. Il représente vraiment le Stoner et la Country mélangés.

– Vous qui tournez beaucoup, comment s’est déroulé l’enregistrement de « Holsters And Rituals » ? Vous avez réalisé l’essentiel de l’album lorsque tout était à l’arrêt ?

Oui et finalement, cela a été un grand avantage, bien plus qu’un inconvénient. On a eu beaucoup de temps pour tout préparer. Il y avait aussi beaucoup moins de stress. Comme nous faisons tout nous-mêmes, c’est assez tendu parfois d’enchainer les concerts, de revenir le lendemain en studio, puis repartir, etc… Là, on a eu tout notre temps pour travailler sur l’album. Ca s’est super bien passé, même si cela a été énormément de travail, car nous avons aussi enregistré tout en analogique sur bande. Tout est fait à l’ancienne et en direct, c’est-à-dire batterie et guitare dans un premier temps, les voix et les arrangements arrivant après. Alors, si tu foires ta prise, c’est toute la bande qui est à jeter. Et puis, nous jouons sans click. Il y a un peu plus de stress, mais cela te donne une autre qualité sonore que peu de gens connaissent finalement.

– Un petit mot aussi sur la production de l’album, qui est particulièrement massive et qui, je trouve, reflète parfaitement l’énergie de vos concerts. C’était important pour vous de restituer un son finalement très live et assez brut ?

Ah oui ! Je pars du principe que nous ne sommes pas un groupe à écouter en streaming. On est un groupe à voir en live ! Quand on construit la tracklist de nos albums, tout est d’abord travaillé pour le live. Il faut toujours garder cette énergie et ce son-là avec ce bourdon venant de l’ampli de Jack. On nous dit souvent qu’il ressemble à un gros nid d’abeilles. Il faut que les gens qui ne peuvent pas nous voir ressentent l’énergie des morceaux.

– Par ailleurs, les arrangements de « Holsters And Rituals » sont particulièrement soignés et offrent beaucoup de profondeur et de relief à l’album, et lui confère une ambiance singulière. Même si vous n’êtes que deux, ce troisième opus est dense et très riche. En plus d’être efficaces, vous semblez aussi très pointilleux…

Exactement. On ne voulait pas faire un album remplis d’arrangements derrière, car il fallait qu’on puisse le faire en live. Sur scène, Jack travaille avec des samples et il fonctionne avec un système de pédaliers, donc c’est comme jouer du piano. En concert, les gens sont très surpris, car ils ont le sentiment que nous sommes beaucoup plus nombreux. En fait, c’est ce qui a été le plus à travailler, car il fallait pouvoir tout contrôler et garder ces mêmes arrangements en concert. On a passé des jours de résidence à jouer et répéter 7/7 jours, et nous sommes aujourd’hui très fiers du résultat. Le retour des gens est incroyable et ça me fait un immense plaisir, car on se cale sur eux ! Quand on a autant de retours positifs, constructifs, de la bonne humeur et de la bonne entente, c’est sublime ! Je ne peux qu’être fier.

– Il y a également un guest de renom sur l’album avec la présence au chant d’Albert Bouchard, ex-Blue Öyster Cult, sur le morceau « Existential Anger », qui est aussi un moment fort du disque. Comment cela s’est-il passé ? Vous vous connaissiez déjà ?

Pas du tout, c’était n’importe quoi ! (Rires) Lorsqu’on a rencontré Dominique, notre patron actuel chez Muzivox, on parlait des groupes que l’on aimait. Je lui ai dit que, pour moi, il y a avait Depeche Mode, Black Sabbath et Blue Öyster Cult. Et il m’a dit qu’il avait travaillé pendant 15 ans avec Blue Öyster Cult. Et lors des pré-prod’ de l’album, je lui ai demandé s’il pensait que ce serait possible de faire un featuring avec l’un des membres du groupe. Il m’a dit qu’Albert Bouchard, l’un des fondateurs, était un très bon ami. Il lui a envoyé un mail, alors qu’il enregistrait son album à San Francisco. Et trois jours après, je recevais sa réponse et c’était carrément fou ! (Rires) J’en ai chialé le matin au réveil lorsque je l’ai lu. Il était hyper-positif en disant : « Ces mecs sont super bons. La musique est phénoménale et ce serait bien sûr un plaisir et un honneur de pouvoir chanter pour eux ». Ca s’est fait comme ça, et c’est pour moi le summum ! C’est l’une des grandes fiertés de l’album, c’est clair !

– Enfin, vous êtes un groupe de scène comme on en trouve assez peu en France. J’imagine que vous avez déjà pu interpréter une bonne partie de ce nouvel album en concert. Quel est l’accueil fait aux chansons ? Se fondent-elles facilement dans le reste de la set-list ?

On a été assez surpris, car l’album change quand même des précédents, même si nous nous sommes vraiment trouvés sur celui-ci. Il y a toujours cette touche KNUCKLE HEAD qui est là, mais en beaucoup plus sombre et plus Stoner aussi, voire un peu psyché, gothique et occulte dans un certain sens. Et l’accueil est très bon. Au départ, on avait un peu peur pour le visuel sur scène, car il y a des vitraux et une grande croix derrière, et puis aussi avec celui de l’artwork de l’album. L’ambiance générale est beaucoup plus sombre qu’auparavant. Après un an de travail là-dessus, le retour des gens est vraiment incroyable ! Et honnêtement, je n’en reviens pas ! On est les seuls à faire cette musique en Europe, et elle est à nous… pour le moment (Sourires).   

L’album, « Holsters And Rituals » est disponible depuis le 18 mars chez Knuckle Head Prod (www.knuckle-head.com).

Retrouvez la chronique de l’album : https://rocknforce.com/knuckle-head-electric-road-trip/

Photos live prises le 16 octobre 2020 à la salle Cap Caval de Penmarc’h (29) par François Alaouret – Rock’n Force.

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Doom Drone

Wyatt E. : fresque instrumentale [Interview]

Architecte d’un Drone Doom Oriental original et envoûtant, le trio belge WYATT E. vient de livrer une nouvelle réalisation créative et atypique, où il nous renvoie quelques siècles dans le passé. « Āl Bēlūti Dārû » (« La ville éternelle » en langue akkadienne) donne du sens à une musique pourtant instrumentale en la structurant de manière très narrative. Sebastien (guitare/synthé) nous en dit un peu plus sur la démarche et la façon de travailler du groupe.

Photo : Gil Chevigné

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que tu reviennes sur votre parcours débuté en 2015. En l’espace d’un EP et d’un album, WYATT E. s’est taillé une belle réputation. Vous vous y attendiez ?

Absolument pas. Nous n’avions aucune velléité live pour ce groupe. Nous souhaitions faire de bonnes chansons, certes, mais nous ne souhaitions pas forcément en faire un objet live.

– Vous évoluez dans un registre qui combine le Drone Oriental et le Doom avec un sens du storytelling assez stupéfiant pour un groupe instrumental. Sur quoi vous basez-vous pour composer vos morceaux, car on peut penser à une grande jam ?

On construit nos chansons en fonction de ce dont on a envie de parler. Donc, en ce sens, il s’agit d’un processus très réfléchi. Mais pour cela, nous avons besoin de matière première. Celle-ci nous la devons essentiellement à de longues jams.

– WYATT E. est un trio et pourtant votre musique est particulièrement riche. S’il y a beaucoup de programmation et de synthé, votre son est très organique, à un point qu’on peut imaginer un ensemble de musiciens plus conséquent. Comment procédez-vous ? Vous enregistrez de manière acoustique certaines parties vous-mêmes avant de les sampler ?

Hors de toutes ces jams, on sort pas mal de pistes qu’on superpose sans vouloir faire de choix drastiques de coupes. Donc, on les conserve et on fait le choix des séquences que nous enregistrons, soit pour l’album, soit pour le live et sur lesquelles nous jouons. Le but étant d’interpréter un maximum de choses dans les limites du possible.

Photo : Gil Chevigné

– Tout en étant instrumentale, votre musique repose sur des bases historiques ou légendaires. « Āl Bēlūti Dārû » relate un pèlerinage dans l’empire néo-babylonien. Est-ce qu’avant de composer vos titres, vous effectuez des recherches spécifiques sur ces époques pour vous inspirer des atmosphères qu’elles pourraient vous évoquer ?

Bien sûr, que ce soit au niveau de l’imagerie et des costumes aussi. L’idée n’est pas de faire de nous des historiens. Je nous vois plutôt comme des interprètes d’un film ou d’un opéra ‘basé sur des faits historiques’. Cette période, et cet épisode en particulier, relève d’un choix personnel lié à l’un de nos membres.

– Justement, cette nouvelle réalisation est composée de deux morceaux de 19 minutes chacun. C’est un format peu courant et très audacieux. C’est l’aspect expérimental qui vous intéresse le plus et qui vous guide ?

Nous aimerions que nos pistes puissent être plus longues. Le dernier album va encore plus loin dans cette direction, je pense. Elles s’enchaînent de manière très organique. Mais 19 minutes, c’est aussi la limite d’un disque 12” en vitesse 33rpm pour conserver la qualité de notre musique sans en altérer la définition. C’est plus une contrainte qu’une liberté pour nous, en fait.

– Il y a aussi beaucoup d’instruments traditionnels dans votre musique. Comment faites-vous le choix de les utiliser et en jouez-vous vous-mêmes, afin de mieux maîtriser l’ensemble ?

Il n’y en a pas tellement, je pense que c’est aussi notre son qui est particulier. Mais lorsque cela se présente, soit nous invitons des musiciens, soit nous expérimentons, soit il s’agit d’instruments que nous maîtrisons d’une certaine manière.

Photo : Gil Chevigné

– Un mot sur la production qui est signée Billy Anderson et le master par Justin Weis, deux spécialistes du genre. Un style comme le vôtre nécessite des choix judicieux. Ces collaborations étaient une évidence pour vous ? Et comment cela s’est-il passé ? Vous leur avez laissé carte blanche, ou avez-vous au contraire suivi de près leur travail ?

Une évidence, oui. Aller chercher la bonne personne permet aussi de sublimer ton travail.  Billy a effectué des choix très tranchés auxquels nous n’aurions pu nous résoudre seuls. Le mix s’est éclairci avec son travail. Et nous lui avons clairement laissé les mains libres.

– Aviez-vous des exigences particulières, comme notamment pouvoir réinterpréter l’ensemble à l’identique sur scène, par exemple ? Car, en studio, il est facile de réaliser des choses difficilement jouable en concert par la suite…

Cela revient un peu au début de notre conversation avec les choix que nous effectuons sur ce qui reste sur les bandes, ce qui en disparaît et ce que nous jouons. Une fois que le mix est terminé, nous réapprenons à jouer nos morceaux. Nous nous les réapproprions parfois en retirant des éléments, mais souvent en y ajoutant de nouveaux aussi. Je dirais que les morceaux sont sensiblement différents en live. Pas par la difficulté de les jouer, mais dans la gestion des instruments le plus souvent. Il s’agit surtout d’une organisation efficace de nos ressources.

– Enfin, pour avoir lu beaucoup de choses sur WYATT E., j’ai noté que l’on parlait presque systématiquement de performances plutôt que de concerts vous concernant. C’est aussi la vision que vous avez de vos prestations scéniques ?

Nous souhaitons, en effet, le temps d’un concert, emmener le public en immersion, les inviter à écouter l’histoire que nous avons à raconter. De la même manière qu’un film ou un opéra, comme nous l’évoquions plus haut.

L’album de WYATT E. « Āl Bēlūti Dārû » est disponible depuis le 18 mars chez Stolen Body Records.

Retrouvez la chronique de l’album :

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Alternative Metal Alternative Rock France

After Us : le goût du détail [Interview]

Originaire de la région parisienne, AFTER US est apparu il y a quelques semaines avec un premier EP, « Breaking The Dark », composé de quatre morceaux plus que prometteurs. Entre Rock et Metal, le quintet a particulièrement peaufiné les mélodies et les refrains, apportant une grande fraîcheur à ses morceaux. Pouvant compter sur une frontwoman dont la prestation est irréprochable, les Franciliens peuvent dorénavant aborder sereinement la scène, en attendant un premier album qu’ils enregistreront en fin d’année. Céline Himmer, chanteuse du groupe, nous en dit plus sur la formation et ses projets.

– AFTER US a vu le jour il a trois ans, d’abord sous la forme d’un trio, puis s’est étoffé d’une rythmique basse/batterie. Peu de temps après, la pandémie nous est tombée dessus, ce qui ne vous a d’ailleurs pas freiné. Vous avez même auditionné votre bassiste par Zoom. Ce n’est pas banal. Comment cela s’est-il passé ? Ca a du être assez spécial ? 

Oui, c’est vrai, on a beaucoup échangé pendant cette époque, car on avait un peu peur que cela nous éloigne. Cela a plutôt renforcé les liens. On a composé des morceaux, et on avait Guilhem (Bretillon, le bassiste- NRD) en contact et on s’est dit qu’il fallait qu’on le recrute, alors cela s’est fait par Zoom. Et ça s’est plutôt bien passé ! (Rires) Il nous avait envoyé son travail et on a discuté tous ensemble pour prendre la décision. Et puis, ça lui a aussi beaucoup plu, ce qui a été très facile finalement. Une fois en répétition, on s’est vraiment dit qu’on avait fait le bon choix !

– Une fois le line-up au complet, vous vous êtes mis à la composition, ou est-ce qu’une grande partie des morceaux était déjà bien avancée ?

Les morceaux étaient presque finis, pourtant nous en avons par la suite beaucoup réarrangé et pour certains presque complètement. On a gardé les squelettes, à savoir la structure, la ligne vocale et la mélodie, mais pour tout ce qui est riffs de guitare, beaucoup ont été reliftés.   

– Est-ce que c’est la période qui vous a décidé à sortir un EP de quatre titres étant donné que rien n’était encore simple, ou est-ce que vous êtes dits que pour un jeune groupe, un format court était une meilleure carte de visite ?

Oui, on voulait déjà faire une carte de visite pour voir un petit peu quel serait l’accueil et avoir aussi une édition physique de notre travail, tout ce qui avait été fait pendant cette période. Et aussi voir comment on pouvait se débrouiller en studio, et finalement le EP a reçu un très bon accueil. Et cela nous encourage vraiment à faire l’album en fin d’année.

– Sinon, vous aviez de quoi sortir un album complet ? Même si c’est souvent une question de budget, car on reste un peu sur notre faim…

En fait, on a choisi les quatre titres les plus aboutis, car d’autres étaient encore un peu en chantier. On en avait, mais on voulait sortir les morceaux dont nous étions les plus fiers et dont on savait qu’ils pouvaient toucher les gens, et surtout les peaufiner encore plus en studio. Nous avions aussi envie de présenter des univers différents. En fait, tout cela a été choisi et décidé entre nous.

– Parlons plus en détail de « Breaking The Dark ». On y découvre un univers Rock/Metal Alternatif assez peu représenté en France. Vous mettez s’accent sur les mélodies avec des refrains qui sonnent souvent Pop. Votre objectif était de rendre AFTER US le plus accessible possible ?

Pas forcément, mais on voulait que cela corresponde à notre vision de notre musique. On a cherché à bien distinguer les instruments et la voix pour montrer quelque chose de propre et d’abouti. C’est vraiment ce qui a déterminé notre démarche pour la sélection des titres.

– On note aussi sur les quatre morceaux un soin tout particulier apporté à la production et aux arrangements. Chaque détail a du nécessiter une attention particulière, j’imagine. C’est un travail que vous avez effectué en studio ou déjà en amont ?

On a beaucoup fait de pré-maquettes en échangeant beaucoup entre nous et aussi avec HK (Krauss de Vamacara Studio – NDR) qui nous a enregistré. Nous nous sommes échangés les propositions, et en arrivant en studio, nous avions encore d’autres idées que nous avons ajouté. En fait, c’est un gros travail de fond, tout cela a été très, très réfléchi.

– Vocalement aussi, tu livres une prestation limpide et qui dégage une grande force. Etonnamment, on n’est pas totalement dans un registre Rock ou Metal, et il y a beaucoup de similitudes avec Kim Wilde, par exemple. Là encore, il y a un grand mélange des genres…

Je pense que j’ai une voix qui me permet de faire pas mal de choses, mais je ne voulais pas tomber dans la caricature. Je peux faire des choses plus Rock, mais je voulais garder mon identité vocale en faisait en sorte qu’elle soit la plus naturelle possible, sans effet. Je peux faire des voix plus soutenues, mais mon envie était aussi que l’on retrouve les mêmes performances en live que sur disque, que soit cohérent et que je puisse tout reproduire. C’est ma vraie voix, ce que je chante habituellement. C’est mon registre le plus naturel possible ! (Rires) C’était important de retrouver cette liberté sur les morceaux, même s’il n’y en a que quatre. Sur l’album, on pourra se rendre compte du large panel du groupe, et du fait qu’on aime faire des choses très différentes. Donc, peu importe le style, il faut que ma voix reste ce qu’elle est et qu’elle soit identifiable sur tout l’ensemble et sans bidouillage.

-Maintenant que la situation est revenue à la normale, où en êtes-vous au niveau concert ? Ca se met en place doucement ? On sait que ce n’est jamais évident pour un jeune groupe avec un premier EP…

C’est notre gros projet pour 2022 et on y travaille d’arrache-pied. La plupart de nos répétitions servent à trouver ce son live, car on veut vraiment pouvoir tout restituer sur scène.

– Pour conclure, tu évoquais tout à l’heure de votre premier album. C’est donc acté ?

Exactement, en novembre, on retourne en studio voir HK pour y enregistrer cette fois l’album, qui devrait comprendre entre dix et douze titres. C’est bouclé ! (Rires) Et il sortira en indépendant, tant que nous n’aurons pas décroché un contrat satisfaisant.

Retrouvez la chronique du EP d’AFTER US :

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Blues Hard 70's Proto-Metal Southern Rock

Stone Axe : la passion de transmettre

En l’espace de trois ans, STONE AXE a tenu à bout de bras et avec une immense classe l’esprit et le son des 70’s avec une vérité d’interprétation absolue. Sorti des archives du groupe, « Stay Of Execution » est un recueil de petites merveilles savamment distillées par le grand Tony Reed et le chanteur Dru Brinkerhoff. Un bain de jouvence terriblement organique.

STONE AXE

« Stay Of Execution »

(Ripple Music)

Producteur et multi-instrumentiste dont la réputation n’est plus à faire, Tony Reed est notamment connu pour être le leader de Mos Generator et de Big Scenic Nowhere, mais ce serait oublier un peu vite STONE AXE. Fondé en 2007 avec le chanteur Dru Brinkerhoff, le duo a sorti deux albums et une quantité de splits, de singles et d’EP entre 2008 et 2011.

Si « Stay Of Execution » est un vrai plaisir à écouter, il ne faut malheureusement s’attendre à un retour du groupe. Il s’agit là d’un album d’enregistrements d’inédits et de morceaux issus d’un vinyle passé presqu’inaperçu à sa sortie. L’objectif de STONE AXE a toujours été de préserver et de montrer le meilleur des 70’s et de tout ce qui fait l’essence-même du Rock.

Entre proto-metal (« Fell On Deaf Ears », « Metal Damage» ), Southern Rock , Blues (« Sweet Sweet Time » , « Deep Blue ») et Classic Rock (« Lady Switchblade » , « For All Who Fly », « The Last Setting Sun »), le duo propose un large tour d’horizon guidé par une constance musicale étonnante. D’une authenticité rare et avec une sincérité irréprochable, STONE AXE fait l’effet d’une douce et vivifiante piqûre de rappel salvatrice.

Retrouvez l’interview de Tony Reed à la sortie de son album solo :

La chronique de son album Folk en solo :

Et enfin, la chronique du dernier album de Big Scenic Nowhere :

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France Post-Metal post-Rock

Hangman’s Chair : l’histoire d’un concept [Interview]

Très attendu, le sixième album de HANGMAN’S CHAIR, « A Loner », n’a pas déçu, très loin de là ! Poussant toujours plus loin leur travail sur les sons, la production et l’aspect toujours très conceptuel de leur musique, les Franciliens ont livré un opus immersif et saisissant, en nous plongeant toujours un peu plus dans leur univers où se mêlent les styles et les atmosphères avec une minutie et une classe évidente. Rarement le Post-Rock et Metal aura montré autant de richesses et de variété. Rencontre avec Julien Rour Chanut (guitare) et Medhi Trepegnier (batterie), tous deux membres fondateurs du groupe, qui nous parlent d’une même voix de ce nouvel album.

– En l’espace de six albums, celui-ci compris, vous êtes passés du Sludge au Stoner avec aussi un côté Doom. Avec « A Loner », on a le sentiment que vous vous situez entre le post-Metal et le post-Rock avec un aspect Cold Wave. C’est aussi le regard que vous avez sur l’évolution musicale de HANGMAN’S CHAIR ?

Je pense que cela s’est fait très naturellement. Lorsqu’on a monté ce projet en 2005, on écoutait beaucoup de Doom, de Stoner et de Sludge et cela se ressent sur les deux premiers albums. Sur la durée, on a sans doute gagné en maturité humainement, et cela s’en ressent musicalement. On a plus assumé notre son et nous nous sommes un peu éloignés de ces registres-là. Cela dit, le Doom est toujours présent à travers la lourdeur des morceaux, par exemple. Petit à petit, on a affiné et aussi coloré notre musique à travers la recherche de sons. Le côté Gothic et Cold Wave est plus visible, c’est vrai. On travaille depuis quelques albums beaucoup plus sur les textures et les atmosphères. « A Loner » s’inscrit dans cette continuité. Par ailleurs, ce ne sont pas forcément des choses que l’on écoute. On suit quelque chose d’identique sur le concept au fil des albums finalement.     

– Avant de parler de ce nouvel album, est-ce que ces changements de registres vous ont aussi permis de conserver vos fans, de les faire grandir avec vous et même d’en gagner ?

Oui, ça marche avec, c’est vrai. Il y a les gens qui nous suivent depuis le début. Il y en a aussi forcément que l’on a perdu sur la route. Dans l’ensemble, les fans de base ont compris l’évolution musicale du groupe. Et puis, on en a gagné aussi et notre audience s’élargit. Tout ça est naturel. Il y a également tout ce qui entoure le groupe : le label, la visibilité, les médias, etc… Et comme les choses se font aussi plus sérieusement, tu y gagnes évidemment en retour.  

– Juste avant de sortir « A Loner », vous étiez chez Spinefarm, un label très réputé. Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre Nuclear Blast ? C’était une décision de votre part, ou peut-être un désir de changement et de nouveau départ ?

On a vraiment été ravi que Nuclear Blast nous contacte, qui ne le serait pas ? (Rires) On savait que le bureau allemand nous suivaient depuis quelques années. Ils nous ont justement contactés au moment où cela ne se passait pas vraiment comme on le souhaitait avec Spinefarm. On a rompu le contrat et Nuclear Blast nous recontacté à ce moment-là. Avoir un label aussi prestigieux qui nous propose de collaborer pour la suite a été une très bonne chose, et après quelques discussions entre nous, la décision s’est faite très rapidement. Ils adorent ce que l’on fait, ils nous le font sentir et on voit déjà tout le travail qui a été fait en amont et l’investissement apporté. On ne peut qu’être ravi ! On attend avec impatience la suite, car nous n’en sommes qu’au début, mais pour un groupe comme nous, c’est difficile de trouver mieux.

– Très bien produit, « A Loner » reste dans des atmosphères mélancoliques, qui sont finalement aussi votre marque de fabrique. Loin d’être lancinante, votre musique reste toujours percutante. Ce côté Metal et Rock reste définitivement ancré ?

C’est vrai que c’est une approche pour faire passer des émotions. Ce qui nous intéresse, c’est l’équilibre dans tout ça. On vient de musiques plutôt extrêmes et on se nourrit de tout ce qu’on écoute, et c’est sur ce contraste qu’on aime jouer. Lorsque l’on commence à composer, on pense toujours à l’équilibre entre les émotions. On travaille beaucoup sur le son, le fait d’aérer notre musique et trouver cette balance. On aime ce côté brutal que l’on trouve dans le Metal, mais aussi des aspects plus planants. Cela fait partie intégrale de notre identité. On écoute aussi peut-être beaucoup plus d’autres choses qu’auparavant, et cela multiplie les influences qui se retrouvent sur l’album. Mais il y a toujours ce petit goût de Metal HardCore.

– La production de l’album est peut-être moins organique, mais toujours très soignée. On a presque l’impression que « A Loner » a été imaginé pour être écouté au casque pour plus d’immersion…

Oui, c’est aussi notre impression. Par ailleurs, le fait qu’on ait composé dans la période de confinement a joué. On a plus porté notre attention sur le son et l’ambiance, et cela a vraiment marqué l’album. Et c’est vrai qu’on l’a composé au casque ! (Rires) Cela a aussi été une nouvelle manière d’enregistrer et d’aborder ce nouvel album. C’est marrant que tu dises ça, parce que c’est exactement ce qu’il s’est passé ! (Rires) Il y a aussi beaucoup de travail sur les détails comme les effets stéréo, par exemple. Il faut peut-être être dans une bulle et s’isoler pour écouter ce genre de musique, c’est vrai.

– Il y a un aspect très cinématique sur l’album. Est-ce que vous avez conçu « A Loner » sur un concept précis, ou alors morceau par morceau, plus traditionnellement ?

Julien est arrivé avec un concept. Cela dit, chacun compose aussi beaucoup de son côté. Et ensuite, dans cette période qu’on adore et dans laquelle on est le plus à l’aise, c’est-à-dire l’écriture, il fallait se mettre autour de ce concept pour faire des morceaux et une entité complète à travers un album. Le côté cinématique a toujours été très présent chez nous. On a toujours composé dans ce sens-là, car on adore raconter des histoires à travers nos morceaux. Après, il a fallu en faire un album qui s’écoute de bout en bout comme pourrait se regarder un film. Et il y a la construction tout autour, qui commence par un titre en forme d’intro, un interlude et un morceau de fin aussi. Chaque titre a vraiment une place précise dans l’album. On ne pourrait pas se contenter de placer des singles, parce qu’il y a de très bonnes chansons qui vont pas dans un album, par exemple. C’est pour ça qu’on met certaines choses de côté aussi. Ce qui nous intéresse est surtout ce côté puzzle dans la composition d’un album avec toute la cohérence que cela implique.

– En amont de la sortie de l’album, vous avez également diffusé les clips des deux premiers singles, « Cold & Distant » et « Loner ». Très bien conçus et réalisés tous les deux, ils donnent aussi l’impression que le visuel compte beaucoup chez HANGMAN’S CHAIR. La vidéo est devenue un support incontournable pour vous, ou juste un support marketing finalement ?

Pour être honnête, sur les albums précédents, on aurait adoré avoir cet outil promotionnel. C’est une très bonne chose d’avoir Nuclear Blast derrière toi qui te permet de débloquer des fonds pour travailler avec des supers réalisateurs pour faire des choses de goût. Ce n’est pas un domaine qui est notre fort, non plus, à la base. Mais on a toujours la main sur tout, du début à la fin. En tout cas, on essaie. C’est vrai qu’avant, on n’a jamais eu la possibilité d’habiller les morceaux avec de superbes images et de réaliser de beaux clips. Je pense qu’avec cet album, c’est quelque chose qu’on a réussi à faire. C’est très important aussi, que ce soit dans la pochette ou les vidéos, de préserver cette chartre graphique et que l’on soit fier du résultat. On a fait confiance et on a laissé carte blanche pour sublimer les morceaux en les mettant en image. C’est un vrai plus et on est hyper-satisfait du résultat évidemment. Cela dit, c’est vrai qu’on aime avoir la main sur tout, que ce soit le merchandising aussi. Tout ça prend du temps, car on passe par des graphistes, des illustrateurs… Beaucoup de groupes laissent leur label faire et ce n’est pas ce qu’on veut. En tout cas, on veut faire des choses à notre goût ! (Rires)

– D’ailleurs, et pour conclure, l’actrice Béatrice Dalle figure dans le clip de « Cold & Distant ». Comment cette collaboration et cette rencontre ont-elles eu lieu ? Et s’est-elle impliquée de son côté directement en apportant quelques idées, par exemple ?

Elle a fait son taff d’actrice avec brio. En fait, cela a été un concours de circonstance. On a travaillé avec un réalisateur qui s’appelle Oscar Bizarre, qui connait bien Béatrice Dalle. On avait tourné un clip avec lui, et on avait trois clips à faire au total. Il lui en a parlé et après avoir écouté le morceau, elle a accepté. On a du chambouler un peu notre planning, mais on savait qu’elle pouvait vraiment sublimer le clip. Elle s’est vraiment impliquée dans la mesure où tout tourne autour d’elle et de son jeu d’actrice. Oscar l’a dirigé, car nous étions encore en studio, en apportant ses idées auxquelles elle a complètement adhéré. Elle a parfaitement compris le concept du clip et on l’a remercie énormément. 

Le nouvel album de HANGMAN’S CHAIR, «  A Loner »,  est disponible depuis le 11  février chez Nuclear Blast.

Retrouvez également toutes les dates de concerts du groupe :

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Death Metal France MetalCore

Except One : from Core to Death [Interview]

Si on peut reprocher à certains groupes de toujours faire le même disque, il n’en est rien avec EXCEPT ONE, dont on peut suivre l’évolution du style au fil des réalisations. Sur « Broken », le nouvel album des Français, l’aspect Death Metal prend quelque peu le pas sur le MetalCore des débuts du combo. Naty, le batteur du groupe, revient justement sur ces récentes mutations dans le style du quintet et le travail effectué sur ce nouvel opus.

– On vous avait laissé il y a quatre ans avec « Fallen », qui était en quelque sorte l’aboutissement du travail sur vos deux premiers EP. Avec « Broken », vous franchissez clairement un cap. C’est le fruit d’un travail sur le long terme, ou plutôt celui de l’accumulation des concerts?

Un peu des deux, en fait. Avant la pandémie, on était en tournée en tête d’affiche en France, puis en tournée européenne avec un groupe danois. On était dans une bonne dynamique et nous avions même commencé à composer. Ensuite, le confinement est arrivé. Et comme nous n’avions plus rien, on a pu se poser sur les compositions en apportant des choses différentes, un peu plus matures et avec plus d’ambiances aussi.

– C’est qui est remarquable avec EXCEPT ONE, c’est que l’on peut constater l’évolution de votre identité musicale, et surtout de votre son depuis vos débuts il y a une dizaine d’années. Est-ce qu’avec « Broken », vous avez le sentiment d’avoir trouvé le son que vous cherchiez et le style que vous vouliez présenter ?

Nous sommes hyper-contents du son. Est-ce qu’il est définitif ? On ne sait pas encore. Cette fois-ci, on a travaillé avec un directeur artistique (Jelly Carderelli & Symheris – NDR), qui a géré l’enregistrement, le mix et le mastering. On a eu beaucoup d’échanges. On lui a précisé la façon dont on voulait que l’album sonne, à savoir un peu plus naturel dans un sens, et moins électronique. C’est évident que dorénavant, on s’orientera vers ce genre de son avec une exigence de ce niveau-là. Une chose est sûre, on ne peut que s’améliorer encore d’avantage.

– Vous évoluez depuis vos débuts dans un registre MetalCore, qui tend de plus en plus vers le DeathCore sur ce nouvel album. Votre intention était de durcir le ton sur « Broken » ? D’afficher un style plus radical ?

Ce n’était pas délibéré, c’est sorti comme ça, en fait. Avec le confinement, on a tous ressenti une grande frustration, qui a d’ailleurs donné le nom de l’album. Le fait d’avoir relâché tout ça s’étend sur l’album, c’est vrai. Il y a un côté hargneux, qui représente bien nos sentiments à ce moment-là. Le contexte a beaucoup joué.

Naty, batteur d’EXCEPT ONE

– Ce qui est assez impressionnant sur ce nouvel album, c’est la qualité de la production et son côté très massif et compact. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré ? Malgré le fait d’être en autoproduction, vous avez mis plus de moyens ? Et peut-être travaillé avec des personnes qui ont vraiment su cerner votre son ?

Oui, c’est les deux. Tout d’abord, le directeur artistique avec qui nous avons travaillé a été très exigeant. On lui a apporté le projet en lui précisant ce qu’on voulait faire. Et il nous a répondu pour que le faire, il fallait être très minutieux sur certains points. C’est en avançant main dans la main qu’on a pu obtenir cette production. Avoir un regard extérieur est toujours bénéfique. Il nous a apporté un recul qu’on n’avait pas forcément.

– D’ailleurs, ce qui est étonnant avec « Broken », c’est que vous n’êtes toujours pas signés, alors que votre album n’a franchement pas à rougir face aux productions du même style au-delà de nos frontières. C’est un vrai désir de votre part de rester indépendants ?

En fait, on attend l’opportunité de trouver un label qui nous corresponde bien que ce soit au niveau du style comme de nos envies. Mais ce n’est pas forcément voulu, c’est juste que nous n’avons pas forcément eu les bonnes propositions, ni l’occasion de rencontrer encore les bonnes personnes.

– Tout en restant très véloces sur l’ensemble des morceaux, vous misez aussi sur une puissance de feu super efficace et une lourdeur dans les riffs assez phénoménale. On sent une énergie incroyable sur tout l’album et surtout un son très organique. Sans faire dans le Old School, on vous sent plus direct et peut-être plus authentique dans votre approche…

Oui, c’est une vraie volonté. On voulait vraiment sonner plus naturel. Et puis, on aime ce côté Old School où la batterie est très peu triée, il n’y a pas non plus beaucoup d’effets de guitares, et juste quelques samples, qui apportent une ambiance. Ce mélange Old School et moderne, qui mène à ce côté DeathCore, nous convient bien et nous séduit de plus en plus. 

– L’album commence sur une intro qui donne l’ambiance à venir, et il est ensuite scindé en deux avec l’interlude « Broken » justement. Vous l’avez pensé en deux parties, comme deux faces distinctes ?

Non, pas vraiment. On voulait un interlude et une intro dès le départ. « Broken » a été placé au milieu de l’album comme une respiration, en fait. On voulait aérer un peu le début pour qu’il y ait plus d’impact sur la deuxième partie. Sinon, cela aurait peut-être été trop brut et trop compact à l’écoute.

– D’ailleurs, on observe aussi que la première partie est très MetalCore, alors que la seconde est beaucoup plus marquée par le côté Death Metal de votre registre. Là aussi, c’est une volonté de votre part ? Comme pour montrer une facette plus féroce ?

On a fait plusieurs écoutes des morceaux avant d’en définir l’ordre. Sur le moment, on ne s’est pas vraiment rendu compte que cela allait créer une scission entre les deux parties. La première est nettement plus MetalCore et la seconde plus Death Metal, c’est vrai. Mais ce n’était pas voulu, en revanche ! (Rires) On fait des trucs biens sans faire gaffe, c’est magnifique ! (Rires)

– Finalement, que doit-on retenir de ces différents aspects de l’album ? Que vous vous dirigez de plus en plus vers un DeathCore plus assumé et plus sauvage, et peut-être moins estampillé MetalCore comme auparavant ?

Oui, on peut le dire, parce que c’est une vraie volonté. Après, les chansons, on les a sentis comme ça sans entrer dans une réflexion sur le style. Cela vient aussi du fait que dans le groupe, même si on écoute les mêmes choses, chacun a ses styles de prédilections qui vont du Thrash au Black en passant par le MetalCore ou l’Indus. C’est ce mélange-là qui est plus présent sur « Broken », et on s’y retrouve aussi vraiment tous.

– Pour conclure, j’aimerais qu’on dise un mot sur la prestation assez époustouflante d’Estelle au chant. Là aussi, il y a une maîtrise totale et une vraie variété dans les intonations avec une performance qu’on sent très profonde et très travaillée. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic. C’est le cas ?

Il y a eu énormément de travail sur le chant. Comme je te disais, on a enregistré avec quelqu’un de vraiment exigeant, et cela se ressent sur tous les aspects et par conséquent sur le chant également. Il fallait que la diction soit encore meilleure, que les growls tiennent mieux et tout ça représente beaucoup de travail, c’est vrai. Pour nous, c’est aussi une évolution assez logique d’être plus solide et constant sans stagner musicalement et techniquement. Au final, on souhaite être de meilleurs musiciens. Sur « Broken », on en a aussi peut-être moins mis, en se rapprochant plus d’un DeathCore ou d’un Death Metal moderne, avec toujours des touches de MetalCore. Et si ça plait aux gens qui n’en écoutent pas forcément (dont moi – NDR), alors on est content ! (Rires)

« Broken », le nouvel album d’EXCEPT ONE est disponible depuis le 15 janvier.

Album et merch : https://exceptone.bigcartel.com/

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France Metal Punk Rock

Darcy : instantané d’une époque [Interview]

Il y a un peu plus de cinq ans, DARCY sortait « Tigre », sorte de plébiscite pour un esprit Punk Rock bien vivant. Quelques années ont passé et le son comme l’attitude ont aussi gagné en maturité. « Machine de Guerre », sous ses allures Metal et brutales, vient sonner la charge. Remontés comme jamais, les Rennais livrent un album solide, forcément politisé et surtout musicalement très abouti. Entretien avec Irvin, chanteur et guitariste, du furieux quatuor.  

Photo : Laurent Franzi

– Tout d’abord, je vous ai senti presque métamorphosés sur ce nouvel album, très matures et musicalement beaucoup plus techniques et carrés. C’est cette très bonne prod’, qui vous donne ce volume conséquent ?

Merci, c’est gentil ! Non, ce n’est pas spécialement la prod’. On a vraiment évolué !  Premièrement, on a investi dans du matériel et ensuite, on a changé nos manières de travailler notamment sur les structures des morceaux et le son. On savait exactement où on voulait aller, alors que sur « Tigre », on avait plus tendance à se laisser porter, c’était un instinct presque animal. Là, nos choix étaient clairs dès le départ et on s’est donné les moyens de les réaliser.

– Musicalement toujours, on sent un virage, ou une évolution, beaucoup plus Metal qu’avant. Là encore, c’est pour le côté massif et impactant ?

Ce n’est plus le même duo qui a composé cet album. « Tigre » est une composition de Clément et moi. Pour « Machines de Guerre » c’est Vincent et moi qui nous y sommes collés. Vincent est un grand mélomane, qui écoute de tout. Alors tout naturellement, il a proposé des styles différents : du Metal, du Rock, du Punk, du Grunge… C’était un beau challenge parce que, de mon coté, ça m’a sorti de ma zone de confort au chant et j’ai dû donner le meilleur de moi-même pour être au niveau des riffs qu’il m’avait proposés.

– Justement un petit mot sur cette très belle prod’ à la fois puissante et qui offre un bel équilibre entre l’instrumental et vos textes, qui sont toujours très clairs dans leur compréhension. Même si DARCY a bien sûr un message fort, c’est quelque chose à laquelle vous teniez et sur laquelle vous avez insisté à l’enregistrement ?

Oui, tout à fait ! C’est notre exigence première avec DARCY. Quand tu fais du Rock en français, tu as cette obligation de ne surtout pas mixer à l’anglaise, où la voix sera toujours un peu derrière dans le mix. Tandis que dans le Rock français, on a tendance à mettre la voix en avant pour pouvoir écouter les paroles, qu’elles soient le plus intelligible possible, malgré des guitares qui sonnent de partout. C’est sûrement dû à ce grand héritage que les producteurs aiment pousser les voix qui chantent en français. C’était notre envie et Maz (l’ingé son de l’album qui a également enregistré Tagada / No One / Lofo) et Bernard (qui a masterisé l’album) l’ont super bien réalisée !

– Le titre de l’album, « Machines de Guerre », est très fort. C’est plus le reflet de votre état d’esprit ou celui d’une attente dans cette société amorphe ?

C’est les deux. On a écrit cet album avec la rage et l’envie de tout casser sur notre passage, comme une machine de guerre. Mais c’est aussi une référence à l’état du monde dans lequel nous vivons, qui semble pris d’assaut par des guerres de plusieurs formes : économiques, écologiques, idéologiques, financières, climatiques, sanitaires, civiles, militaires… La guerre est partout aujourd’hui !

Photo : Laurent Franzi

– Bien sûr, DARCY se distingue par ses textes et leur message. Ce qui est remarquable sur « Machines de Guerre », c’est cette fluidité mêlée à des punchlines (mot que je déteste !) bien placées et surtout tellement évidentes dans leur sens. Comment procédez-vous ? Vous accumulez les carnets de notes au quotidien, ou pas du tout ?

C’est un peu comme ça que je procède désormais, oui. Sur « Tigre », j’avais tendance à me poser devant un fichier Word, après avoir lu un article ou regardé un reportage qui m’indignait. J’écrivais pendant 15/20 min et je sortais un texte entier. Maintenant, je fonctionne par punchlines, qui me tombent dessus sans prévenir, je les tape dans mon téléphone pour ne pas les perdre, et généralement un texte prend forme autour. C’est une manière très différente de travailler pour moi, qui est moins contraignante et stressante que la première qui m’obligeait à écrire très vite pour ne pas perdre l’émotion première.

– Evidemment, il y a toujours cette opposition frontale et légitime au FN. Seulement dans les faits, il y a maintenant Zemmour, Macron qui n’est pas très loin et Pécresse pour le côté 80’s rétrograde. DARCY est un groupe spontané, qui suit aussi l’actualité sociétale et politique. J’ai envie de vous demander si vous n’avez pas déjà un nouvel album en tête avec ce qu’il se passe ? A moins que vous ayez prévu d’actualiser vos morceaux sur scène ?

Pour être honnête, on est déjà sur l’écriture du troisième album, qui est même plutôt bien entamé ! On sait déjà la couleur qu’il va avoir et il risque d’être plus violent encore que « Machines de Guerre », plus brut, avec moins de concession, et effectivement, c’est le contexte qui veut ça ! La société est de plus en plus violente, alors nous aussi…

– Une petite question en interlude : la démarche de DARCY est-elle finalement plus politique que musicale ? Vous n’avez pas 4h… 😉

Toute démarche qu’on entreprend musicalement est politique. Et hop, une copie parfaite avec une seule punchline : 20/20 !

– On l’a dit, vos textes font très souvent allusion au FN et aux Le Pen, car ils représentent beaucoup de choses même si le danger n’est pas imminent et peu probable. Mais au-delà, il y a la dénonciation de tout un système et surtout un appel à l’éveil des consciences. J’y crois comme vous, mais n’est-ce finalement pas utopique ?

D’un point de vue personnel, j’ai toujours fonctionné comme un homme de mots. Durant toute ma vie quand j’ai eu des problèmes, il n’y a que les mots qui ont su me soigner. Et je fonctionne comme ça avec tout. Dès que quelqu’un arrive à trouver les mots justes sur quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui m’indigne, qui me révolte ou même qui me fait du bien, ça me fait un déclic. Tout le monde n’est pas forcément comme ça, mais si jamais on arrive à toucher une seule personne, qui ne comprend pas le danger que représente le FN avec une punchline, je considère qu’on aura gagné et que cela n’aura pas été une utopie.

Photo : Laurent Franzi

– On a beaucoup parlé politique, parce que c’est tout de même l’objet principal de l’album, mais une dernière question s’impose : est-ce que ça vous arrive d’être inspirés par le programme d’un politique ou d’un parti à l’occasion ?

Je ne peux pas parler au nom du groupe, mais pour ma part, pas vraiment. Les discours ne sont même plus écrits par celles et ceux qui les scandent dans les médias ou dans les meetings. Plus rien n’est incarné, tout est pensé pour te toucher en fonction du dernier fait d’actualité. C’est devenu du marketing. Seuls des chroniqueurs ou des journalistes arrivent à me faire vriller la tête maintenant, et encore c’est assez rare.

– Il y a aussi chez DARCY ce côté très fraternel et de camaraderie au sens noble du terme, qui va clairement au-delà de l’esprit de clan. Finalement, vous êtes hyper-amicaux, tout en étant révoltés ?

C’est exactement ça. Quand je chante « Ensemble la lutte peut être une fête » dans « Solution », ça résume ce que tu décris. Chanter la colère, mais dans la bonhomie. Quand j’étais étudiant et que je bloquais ma Fac, ou quand ma mère m’emmenait en manif quand j’étais gamin, il y avait toujours ce bon esprit qui prouve qu’on peut lutter avec le sourire. Et DARCY, c’est ça. Déjà entre nous, il y a une très bonne entente, l’ambiance en répétition ou dans le camion est toujours un plaisir et une raison de se lever le matin. Aller à la rencontre du public, des bénévoles, des programmateurs, des journalistes, c’est aussi une des raisons qui nous poussent à continuer la musique et la jouer partout en France.

– D’ailleurs, vous parlez plutôt d’indignité que de révolte ou de révolution. Ce n’est pas un peu fataliste finalement ?

« Indignez-vous qu’il disait » que je scande dans « Police Partout ». L’indignité est le premier pas de la révolte et de la révolution.

– Pour revenir à l’album, vous accueillez Kemar de No One Is Innocent sur « Viens chercher pogo », Niko de Tagada Jones sur « L’Etincelle Au Brasier » et Pierre de Merzhin sur « Notre Hymne ». Il reste une belle unité au sein de cette scène française qui revendique et qui appelle au changement, non ?

Un très belle unité ! Quand il y a des dates en commun, ou des festivals sur lesquels on se retrouve, je propose toujours de partager un morceau sur scène ensemble et c’est toujours fait avec un grand plaisir. Ca a été pareil pour ces duos, ils ont accepté avant même d’entendre les titres, parce qu’ils savent qu’on partage les mêmes valeurs, qu’on a un message à chanter et que ce message est toujours plus fort quand il est gueulé à plusieurs voix !

– Une petite chose en passant, êtes-vous conscients que pour que votre voix porte, il faut nécessairement entrer et presqu’infiltrer le système ? Etes-vous armés et prêts pour ça, ou seule la musique vous importe ?

Tout nous importe, mais notre seul outil, en tant que groupe, ça reste la musique. Après forcément, ça dépasse un peu. On nous a envoyé plusieurs fois des photos de pancarte « Nique son père la Marine » dans des manifs, on a nous a invités à des concerts de soutien pour le MRAP, Utopia 56 ou des scènes Antifa. Tout ça fait sens.

– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises un mot sur le dernier morceau de l’album, « Eva », entièrement acoustique et très touchant. C’est un titre très en contraste avec le reste de l’album. Quelle est l’intention de ces paroles émouvantes, qui présente une belle tranche de vie ?

L’intention première c’est de dire que même si DARCY est avant tout un groupe qui chante la colère, il ne faut jamais oublier le reste. C’est déjà un message qu’on avait voulu faire passer avec deux titres acoustiques, qui étaient cachés en bonus tracks sur « Tigre », et là on a voulu l’assumer un peu plus en l’intégrant à la tracklist de l’album. Et c’est dingue le nombre de retours que nous avons sur ce titre. Bizarrement, c’est même la frange la plus Punk de notre public, qu’on imaginait les plus durs, qui a le plus partagé ce titre pour le moment. Comme quoi, y’a des cœurs d’artichaut qui battent sous les perfectos et les tatouages de keupons !

« Machine de Guerre » de DARCY est disponible chez AT(h)OME depuis 11 février.

Retrouvez le groupe : https://www.facebook.com/darcymusic

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Blues Rock Folk/Americana International Soul / Funk

Harlem Lake : au service du feeling [Interview part.1]

Véritable révélation Americana Blues Rock venue des Pays-Bas, HARLEM LAKE a sorti il y a quelques semaine un superbe premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 ». Dans un registre très Southern, le quintet affiche une étonnante maturité et un style déjà très personnel. Guidé par la voix exceptionnelle de Janne Timmer, également parolière, le groupe traverse des contrées Blues, Rock et Soul avec une aisance désarmante et un feeling incroyable. Entretien en deux parties avec la chanteuse du groupe, qui nous en dit un peu plus sur le processus de création et la démarche artistique de HARLEM LAKE…

Photo : Melle de Groot

– La première chose qui surprend à l’écoute de « A Fool’s Paradise Vol.1 », c’est la découverte de votre pays d’origine, la Hollande. On a franchement l’impression d’entendre un groupe du sud des Etats-Unis. Vous avez grandi avec le registre Southern américain qu’il soit Rock, Blues ou Soul ?

Merci, c’est un vrai compliment ! Enfants, nous avons grandi avec beaucoup de styles de musique différents. Et à l’adolescence, nous avons tous découvert le Blues chacun à notre manière. Pour Dave (Warmerdam, piano, claviers – NDR), ce fut grâce à un accordeur de piano qui, après avoir accordé le sien, lui a joué du Boogie Woogie. Et il s’est avéré qu’il s’agissait de Mr Boogie Woogie, l’un des meilleurs pianistes néerlandais. Pour ma part, j’ai toujours adoré Joe Cocker et Sonny (Ray, guitare – NDR), quant à lui, porte vraiment l’héritage du Blues en lui. Nos parents écoutaient des artistes Rock plus grand public comme Dire Straits, Fleetwood Mac, Genesis et Pink Floyd. Et si on commence à creuser à partir de là, on finit toujours par se retrouver à la croisée des chemins !

– HARLEM LAKE a été fondé par votre pianiste Dave Warmerdam, avant d’être rejoint par Sonny Ray à la guitare et toi au chant. Ensuite, Benjamin Torbijn et Kjelt Ostendorf ont constitué la rythmique. Vous évoluez tellement naturellement ensemble que votre album sonne comme une évidence. Comment se sont passées ces rencontres, car il y a un tel feeling entre vous ?

Sonny et Dave se connaissaient de leur scène Blues locale, car ils viennent de la même région. Dave et moi, nous nous étions déjà rencontrés à plusieurs reprises durant notre adolescence. On avait l’habitude d’aller voir les groupes du coin en concert et lors des tremplins organisés dans un lieu près de chez nous : le Duycker. Le groupe a vu une vidéo où je chantais un classique du Blues, « Oh Darling », et ils m’ont invitée pour un concert-test en en forme d’audition. Sonny a été très enthousiaste et nous sommes devenus amis assez rapidement. Ça a vraiment matché ! Cependant, l’année dernière n’a pas été facile et nous avons dû nous séparer de notre ancienne section rythmique. Mais Kjelt (Ostendorf, bassiste – NDR) s’était déjà joint à nous quelque temps auparavant pour des sessions de pré-production, car notre précédent bassiste n’était pas disponible. Il joue également sur la plupart des chansons du disque. Et enfin, Benjamin (Torbijn, batterie – NDR) avait déjà joué avec Sonny auparavant dans un autre groupe et cela a tout de suite été évident quand nous l’avons invité à jammer.

Photo : Julia Bo Heijnen

– Vous avez composé et monté un répertoire très abouti en peu de temps, ce qui est très rare dans ce registre. Et les concerts ont rapidement confirmé votre talent. Vous avez senti tout de suite que votre musique s’imposait d’elle-même ?

Je pense qu’il n’y a pas de réponse simple et rapide à cela. Lorsque vous écrivez un morceau, vous pensez à la chanson et au message que vous voulez y mettre. La chose la plus importante est que nous aimons ce que nous faisons, et pendant l’écriture des chansons, nous nous concentrons uniquement sur la musique, tout le reste passe au second plan. Mais c’est vrai qu’il nous est arrivé d’écrire des morceaux qui ont immédiatement sonné. C’est un sentiment très excitant et grisant, lorsque vous créez quelque chose et que vous le ressentez tout de suite. Pour la plupart des chansons qui figurent sur « A Fool’s Paradise vol.1 », j’avais ce sentiment. Mais bien sûr, certains morceaux ont eu besoin de plus d’attention et d’être plus travaillés que d’autres.

– On l’a dit, HARLEM LAKE marie habillement les différents courants Southern avec une base Rock fortement teintée de Blues et de Soul. Vous avez l’intelligence de mettre votre technique au service d’un feeling incroyable. L’important est d’abord de donner une âme à vos morceaux ?

C’est une question difficile ! La plupart des chansons commencent par un feeling à partir duquel la musique évolue. Il nous pousse à prendre la guitare, à nous asseoir derrière le piano ou à chanter. Sonny et Dave ont le talent de traduire leurs sentiments en musique et je suis souvent capable de les mettre en mots et en mélodies. Les ingrédients les plus importants pour qu’une chanson vous touche est très probablement l’honnêteté et l’intention qu’on y met. Sans cela, ce serait juste creux et froid.

Photo : Cem Altınöz

– Les chansons sont littéralement transcendées par le feeling, l’émotion et ta puissance vocale, que l’on peut d’ailleurs aussi retrouver chez Sharleen Spiteri notamment. De quoi parlent vos textes et est-ce la musique qui vient se poser sur les paroles, ou l’inverse ?

Les thèmes principaux de notre premier album sont l’amour, la perte, le désir et ce que tout ça peut nous apprendre. Il s’agit de grandir à travers la douleur et de trouver la force d’affronter et d’apprendre, au lieu de retomber dans des schémas toxiques. Il faut apprécier ce que nous avons, tout en aspirant à ce que nous n’avons pas encore. Le titre « A Fool’s Paradise » fait référence au phénomène de vivre dans un monde où rien n’est ce qu’il paraît. Nous avons tellement grandi ces dernières années que nos chansons racontent les leçons que nous avons apprises et les nouvelles visions du monde que nous avons aujourd’hui. Par ailleurs, sur l’album, nous essayons de décrire le fait que tout le monde a des imperfections et éprouve des difficultés, et que ce serait un paradis de fous, si on pensait être les seuls dans ce cas ! (Rires)

En ce qui concerne le processus d’écriture, il diffère selon la chanson. La musique ou les paroles peuvent venir en premier, et cela dépend aussi si la chanson est écrite par l’un d’entre nous ou par l’ensemble du groupe. Cela peut arriver que le groupe soit en train de composer et qu’en même temps j’écrive les paroles, comme pour « Deaf & Blind ». Il est aussi arrivé que Dave produise entièrement un morceau et me l’envoie. Ce fut le cas pour « A Fool’s Paradise », par exemple. Parfois, j’écris des paroles sous forme de poème, je n’y touche pas pendant des mois et quand la bonne musique arrive, je les ressors comme pour « Please Watch My Bag ». Pour « The River », Sonny a sorti un riff de guitare, nous nous sommes assis à côté avec Dave et la chanson s’est faite ainsi. Nous n’avons pas vraiment de méthode, et très souvent, en utiliser plusieurs nous permet de découvrir beaucoup de choses.

– Outre les mélodies qui sont terriblement efficaces, il y a un énorme travail sur les arrangements, qui peuvent d’ailleurs rappeler les premiers albums de Tedeschi Trucks Band et d’autres grosses formations Blues et Soul. Chaque détail compte et pourtant l’ensemble est si fluide. On vous sent vraiment pointilleux et tellement libres à la fois. C’est un drôle de contraste, non ?

Oui, c’est vrai. Nous nous efforçons toujours d’obtenir une musique de grande qualité avec beaucoup de technique, mais nous nous laissons aussi beaucoup aller en suivant le feeling de l’un d’entre-nous. Lorsque nous discutons sur certaines parties de nos morceaux, nous arrivons facilement à mettre nos égos de côté pour être totalement au service de la chanson. Cela dit, c’est Dave qui a la plus grande influence sur les arrangements, tout simplement parce qu’il a une très bonne oreille et un grand feeling. Il sait mieux que personne élever une chanson. Par ailleurs, c’est un processus qui prend beaucoup de temps et qui demande beaucoup de tentatives, et pas toujours réussies d’ailleurs. C’est vrai que l’âme d’une chanson, comme nous en avons parlé plus tôt, prend forme et grandit pendant le processus d’écriture. Les détails et les arrangements que l’on ajoute ensuite sont là pour renforcer cet ensemble et laisser ressortir les parties les plus importantes, que ce soit un gros riff de guitare, le texte ou tout le travail fait en amont sur la mélodie.

A suivre…

Retrouvez la chronique de l’album :

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Death Metal International Technical Metal

Silent Obsession : apocalyptique [Interview]

En près de cinq d’existence, le quatuor algérien SILENT OBSESSION compte deux EP à son actif. Si les formats sont très courts, l’ambition du combo est à l’image de son Death Metal : déterminé et volontaire. Dans un registre assez technique et brutal dans l’intention, le groupe évolue dans un univers sombre et chaotique pour ce qui est des textes. Entretien avec Max, leader de la formation.   

– Max, on te connait comme fondateur, leader et principal compositeur de SILENT OBSESSION. Amorcé sous la forme d’un projet solo en 2017, tu es entouré aujourd’hui d’un groupe. Peux-tu nous présenter les musiciens qui t’accompagnent et votre parcours commun ?

Le line-up du groupe date en effet de 2017, et il a débuté avec Randa Benamara au chant, Manil à la basse et Ben Der à la batterie. Nous avons commencé à composer les titres du premier EP, « Lost », ce qui nous a pris deux ans. Peu après, Randa a dû quitter le groupe pour des raisons personnelles et a été remplacé par Danny au chant pour finaliser l’enregistrement. En juillet dernier, notre deuxième EP, « Countdown », est sorti et a été enregistré au studio Fermata à Alger avec Redouane Aouameur au chant, qui a depuis rejoint le groupe.

– Justement, vous avez sorti « Countdown » en autoproduction et il contient trois pistes dont une intro. C’est très court pour se faire une véritable idée de SILENT OBSESSION sur seulement deux morceaux. L’objectif de départ était de faire court, ou sont-ce d’autres paramètres qui vous y ont contraint ?

« Countdown » est une continuité du premier EP « Lost ». C’est vrai qu’il est court, mais on s’était lancé le défi de le faire comme ça, tout en abordant les thèmes de l’apocalypse et de la dégradation humaine.

– Sur deux titres « Countdown » s’inspire du film « Mad Max ». C’est un clin d’œil à ton prénom, ou plutôt une plongée dans l’univers apocalyptique du mythique long métrage ?

Je suis un grand fan de « Mad Max » et cela se reflète sur « Countdown » et « Lost ». Je suis à la fois inspiré par le film et par l’énergie qu’il dégage, car il montre beaucoup de similitudes avec ce qui se passe en ce moment.

– Vous évoluez dans un Death Metal rugueux et assez technique et vos morceaux ont la particularité d’être compacts et racés. On a le sentiment que le but est d’aller à l’essentiel…

Je suis inspiré par les grands groupes de Death Metal américain depuis que je suis tout jeune. J’aime la brutalité des riffs sombres et chaotiques, ainsi que la technique et le son proposé. C’est à partir de ça que j’ai commencé à développer mon oreille musicale et à composer ma propre musique.

– Vous faites aussi partie de la communauté de Metal extrême en Algérie que l’on connait d’ailleurs assez peu. Peux-tu nous en parler ? Comment se porte-t-elle et parvient-elle à se développer dans un contexte politique et religieux assez tendu ?

Après une décennie noire en Algérie, le Metal a vécu un second souffle avec des formations comme Lelahell, Paranoid Fantasy, Jugulator, Dusk et des groupes de reprises. Mais depuis que le Covid s’est propagé, les choses sont devenues assez difficiles pour la scène qui est aujourd’hui inexistante. Les groupes n’arrivent plus à trouver de salles de répétition et d’enregistrement. Le Metal algérien a souvent été considéré comme une musique de  second plan, derrière le Rai ou le Chaabi. Cependant, elle n’a jamais été interdite ou bannie et elle existe depuis trente ans maintenant.

– Pour avoir écouté « Lost », votre premier EP, on note une grande progression qui se traduit dans l’aspect musical et créatif bien sûr, ainsi que dans l’intention. SILENT OBSESSION poursuit son ascension de manière constante et progressive…

Depuis le début, on essaie d’être à la hauteur pour nos fans et être toujours plus original en mélangeant les styles. Nous essayons aussi de développer notre concept et améliorer le son de nos EP. C’est l’objectif du groupe et c’est pour cela que nous poussons toujours plus loin nos idées.

– Maintenant que vous avez sorti deux EP, j’imagine que l’idée de sortir un premier album complet doit vous titiller. Où en êtes-vous de ce côté-là ? C’est toujours à l’état de projet ou est-ce que cela commence à prendre forme ?

L’album est en cours d’enregistrement et sera très différent des deux EP. Il sera très agressif et brutal avec un autre concept cette fois. Et on compte le sortir cette année.

Bandcamp : https://silentobsession.bandcamp.com/album/countdown