Catégories
Blues Rock Boogie Blues Hard Blues Southern Blues Rock

Pino Scotto : bluesy clash

Loin du Heavy Metal de ses débuts, PINO SCOTTO a embrassé la cause du Blues et le fait avec beaucoup de talent et un aplomb réjouissant. Car si les décibels ont baissé d’un cran, le propos reste d’une franche virulence. Toujours alerte sur le monde qui l’entoure, il livre son ressenti sur des chansons au souffle alerte et sans tabou. « The Devil’s Call » plaque au sol les attitudes fantomatiques, démonte une époque en pleine déliquescence avec une belle vigueur et dans le style le plus authentique qui soit.   

PINO SCOTTO

« The Devil’s Call »

(Wanikiya Record)

Guiseppe Scotto di Carlo, alias PINO SCOTTO, a toujours eu le verbe haut et ce nouvel album vient confirmer qu’il n’a pas changé ses habitudes. Connu, en marge de son parcours musical, dans son pays pour ses diatribes envers la société et à travers elle la politique, mais aussi l’industrie artistique plus largement, il n’en demeure pas moins un homme de cœur, un musicien aguerri et d’une grande sincérité. Avec « The Devil’s Call », il vient pousser onze nouveaux coups de gueule sur ce monde qu’il juge brisé, et avec beaucoup de force.

Ancien leader de Vanadium dans les années 80, PINO SCOTTO mène depuis trois décennies environ une carrière solo et avec ce nouvel opus, il offre une belle suite à « Eye For A Eye » (2018) et « Dog Eat Dog » (2020). Sorte d’électrochoc bluesy,  ce nouvel effort traverse sans filtre des registres aux sonorités très américaines, entre Hard Rock et Southern Rock, pour se fondre dans des Boogie fiévreux et un Blues Rock ravageur. Les riffs sont appuyés et tranchants, les solos claquent et le chant de l’Italien fait mouche sur des textes brûlants.

PINO SCOTTO démarre sur les chapeaux de roue avec un « No Fear No Shame » hyper-Rock’n’Roll, aux faux airs de Lemmy dans l’intonation. Si le frontman n’a pas son pareil pour transmettre une énergie intense, il sait aussi dévoiler sans far une facette plus sensible (« A Dozen Souls », « True Friends »). La voix rauque et éraillée et la guitare affûtée, on se laisse porter par des morceaux très directs, efficaces et dont les refrains laissent des traces (« Full Circle », « Afraid Of Living », « Big Mama »). Brut et audacieux !

Catégories
Blues Soul / Funk Southern Blues Rock

Little Feat : a brand new legend

Sans rien changer à son sens du groove et avec un feeling incroyable, LITTLE FEAT poursuit son chemin comme si de rien n’était. En quête perpétuelle d’un style qui rassemble autant le Blues le plus authentique, la Soul profonde de Louisiane que des cuivres incandescents hyper-funky, l’emblématique et éternel groupe livre enfin de nouveaux titres inédits. Avec une humilité, une technicité et un art du songwriting qui se réinvente avec beaucoup de modernité, « Strike Up The Band » ne dépareille pas une seule seconde de l’immense héritage discographique d’une formation inépuisable et insatiable.  

LITTLE FEAT

« Strike Up The Band »

(Hot Tomato Records)

Près de 55 ans après sa création, LITTLE FEAT tient toujours debout et, malgré une carrière en dent de scie, des changements de line-up et quelques disparitions marquantes, il semble même avoir retrouvé un nouvel élan. Alors que « Sam’s Place », sorti l’an dernier, résonne encore de ses vibrantes reprises, c’est avec un tout nouvel album entièrement original que le sextet fait un retour époustouflant, son premier depuis 13 ans. Et que la fête est belle ! Enregistré entre les studios Blackbird de Nashville et le Studio One Two Seven de Harlem à New-York, « Strike Up The Band » célèbre avec toujours autant de classe un Blues sudiste très varié et plein de surprises, qui paraît si éloigné de sa Californie natale.

Autour du solide socle constitué de Bill Payne, au chant et aux claviers depuis 1969, et de Paul Barrere (chant, guitare), Sam Clayton (conga, percussions, chant) et Kenny Gradney (basse) tous présents depuis 1972, LITTLE FEAT peut compter depuis un bon moment maintenant sur les fidèles et talentueux Fred Tackett (guitare, mandoline, trompette, chant) Tony Leone (batterie) et le virtuose guitariste et compositeur Scott Sharrad. Et cette armada du groove continue son exploration du Blues, du Funk, du Southern Rock et de ses envolées Soul avec une fraîcheur, une élégance, un enthousiasme et une complicité, qui nous ramènent aux premières heures de ce combo hors-norme.

Dans la chaleur des cuivres et la torpeur de la slide, LITTLE FEAT s’est ouvert à quelques collaborations, et non des moindres. Côté compositions, « Bayou Mama » est l’œuvre de Payne et de Charlie Starr des Blackberry Smoke, tandis que « Bluegrass Pines » doit son texte à Robert Hunter, légendaire parolier de Grateful Dead et où l’on retrouve le six-cordiste Larry Campbell, les chœurs de sa femme Teresa Williams et Molly Tuttle en embuscade. Dans cette heure assez magique, les sœurs Lowell de Larkin Poe enveloppent la touchante chanson-titre, puis la féérie continue sur « 4 Days Of Heaven, 3 Days Of Work », « New Orleans Cries When She Sings », Too High To Cut My Hair », « Midnight Flight »… Grand !

Catégories
Blues Rock Boogie Blues Classic Rock Heavy Blues Southern Blues Rock

Cirkus Prütz : southern breath from the north

A entendre CIRKUS PRÜTZ, on se croirait dans le Sud des Etats-Unis, tant la sincérité dégagée et surtout le savoir-faire et le son de « Manifesto » ont des résonances américaines. Pourtant, direction le grand Nord et la Suède d’où est originaire le groupe. Ici aussi, on sait faire du Southern Blues Rock, d’un calibre très largement comparable. Dynamique et intense, on doit aussi cette superbe production à Peter Tägtgren (Pain, Hypocrisy) et il faut admettre que l’ensemble prend une dimension explosive. Ca chauffe, ça claque et ça fait un bien fou !

CIRKUS PRÜTZ

« Manifesto »

(Metalville)

Il a œuvré chez les Hard Rockers de W.E.T le temps de quelques albums dans les 90’s, puis avec Jeff Scott Soto où il a tenu la basse dans les années 2000 dans un registre similaire. Mais ce qui a toujours titillé le bassiste Jerry Prütz, c’est le Blues Rock, sous toutes ses coutures. Pourtant, c’est assez tardivement, en 2017, qu’il sort « All For the Boogie And The Blues » et qu’il annonce la couleur. Si certains le voient comme le pendant suédois de ZZ Top, CIRKUS PRÜTZ se présente dans un registre un peu plus musclé et les raisons sont aussi multiples qu’évidentes. Et ces quatre-là se sont franchement bien trouvés.

Tout d’abord, avec Cristian Carisson à la guitare, et dont le chant rauque n’est pas sans rappeler le regretté Danny Joe Brown de Molly Hatchet, et qui œuvre dans le groupe Stoner Rock The Quill, le quatuor s’assure une certaine rugosité. Ensuite, on y retrouve, l’ex-Electric Boys Franco Santunione à la seconde six-corde et enfin (et non des moindres !) Per Kholus à derrière les fûts, lequel a cogné chez W.E.T. également, mais aussi Spectrum, Skin And Bone et Lipstick. Ca vous pose un line-up et il ne faut pas attendre bien longtemps pour comprendre les (très bonnes) intentions de CIRKUS PRÜTZ, car l’ensemble est savoureux.

« Manifesto » est donc le quatrième album de nos ardents bluesmen, et il y a de l’électricité dans l’air. Sur un Blues Rock véloce, aux saveurs Southern, Hard Boogie et Classic Rock, la potion magique prend dès les premiers accords de « White Knuckle Blues ». Il y a une belle âme chez CIRKUS PRÜTZ, de bonnes ondes et du cœur. Intense et sans faux pas, on se délecte des twin-guitares, des solos endiablés et torrides et de ces compos au songwriting millimétré (« Handyman Boogie », « Walking In The Rain », « Pack Your Bags » et l’hypnotique « Water Into Wine », entre autres). Tellement authentique !

Photo : Kent Renker

Catégories
Country-Rock Folk/Americana International Southern Blues Rock

Larkin Poe : bluesy flowers [Interview]

La créativité des sœurs Lovell est suffisamment rare pour être soulignée. Alors que certains artistes peuvent connaître un moment d’essoufflement, chez LARKIN POE, l’enchaînement des albums semble plutôt leur faire du bien… Une sorte d’épanouissement comme le laisse entendre le titre de l’album, le huitième album des Américaines. De passage à Paris, Rebecca et Megan reviennent sur la conception de « Bloom », leur travail avec Tyler Bryant, cette connexion privilégiée avec leurs fans et, bien sûr, leur Grammy Award pour le ‘meilleur album de Blues contemporain’ l’année dernière…

– Avant de parler de « Bloom », votre nouvel album, j’aimerais vous féliciter pour votre Grammy Award remporté l’an dernier pour « Blood Harmony », et amplement mérité vu sa qualité et son succès. Il donne aussi l’impression d’arriver au bon moment dans votre carrière. Au-delà de la joie que cela procure, est-ce aussi une réflexion que vous vous êtes faite par rapport à votre parcours ?

Rebecca : En fait, c’est très rafraîchissant ! Et c’est assez fou de voir que 2025 marque aussi les 15 ans de LARKIN POE. Au fil des années, nous avons vécu un long et incroyable voyage avec de nombreuses expériences qui ont été très formatrices. On a vraiment eu la chance d’avoir le temps et l’espace pour vraiment déterminer les histoires que nous voulions raconter et cela nous a aussi construit en tant que groupe. C’est vrai que d’avoir tourné aussi intensément à la sortie de « Blood Harmony » nous a appris énormément de choses sur nous-mêmes. Alors, recevoir un Grammy pour cet album est véritablement un honneur. Et par ailleurs, c’est arrivé à un moment génial, car nous étions en pleine écriture de « Bloom », au mois de janvier de l’an dernier. Quand nous sommes allées à Los Angeles et que nous avons remporté ce Grammy, nous sommes juste rentrées chez nous pour terminer l’album. Finalement, je pense qu’il a eu un impact très positif d’un point de vue créatif dans son processus d’écriture.

– Justement, où en étiez-vous de la composition de « Bloom » lorsque vous avez gagné ce Grammy Award ? Et a-t-il changé quelques petites choses par rapport à l’album, voire lui a donné une nouvelle direction avec une perspective différente ?

Rebecca : Je pense que cela nous a donné la confiance de nous dire que nous étions sur le bon chemin. Tu peux parfois te retrouver sur une voie qui peut s’assombrir et tout à coup, tu aperçois cette petite lumière qui te rassure. Ce Grammy nous a donné la conviction que ce que nous faisions allait dans le bon sens.

Megan : Nous créons notre propre musique, nous la produisons nous-mêmes et nous la sortons sur notre propre label. Nous faisons exactement ce que l’on aime, sans essayer d’être influencées par des pressions extérieures. C’est même le contraire, on regarde beaucoup autour de nous pour essayer de trouver ce que nous voulons dire aux gens.

– Vous avez beaucoup tourné pour défendre « Blood Harmony ». Dans ces cas-là, est-ce que vous vous consacrez uniquement à la scène, ou trouvez-vous le temps aussi pour composer ?

Megan : Nous aimons écrire en saison, en quelque sorte. En fait, lorsque nous sommes en tournée, nous classons et répertorons toutes nos expériences. Et parce que nous sommes avant tout un groupe de scène, nous adorons les concerts. C’est ce qui conduit tout notre processus de création, cette idée de jouer et de communier avec les gens. Donc, nous avons pris beaucoup de notes de tous les moments spéciaux lors de la tournée de « Blood Harmony ». Et ensuite, nous avons pu tous les apporter en studio quand nous avons enregistré les chansons de « Bloom ». Et je dois dire que de tous les albums que nous avons faits, j’ai vraiment hâte de présenter celui-ci au public cette année. Nous avons vraiment hâte de revenir et de jouer ces nouvelles chansons.

Rebecca : D’ailleurs, je crois que c’est en France que nous avons le plus de dates dans toute l’Europe. Et cela va être une expérience vraiment cool de se connecter avec les gens à travers ces nouveaux morceaux.

– Si ce nouvel album est toujours aussi accrocheur, l’impression qui domine est que vous semblez plus ‘sérieuses’ dans la composition comme dans votre jeu. Il y a beaucoup d’assurance et de sérénité. Avez-vous le sentiment d’avoir encore franchi un nouveau palier ?

Rebecca : Oh, merci ! Je pense qu’en entrant dans la trentaine, nous avons réussi à définir ce que peut être le succès à nos yeux. C’est aussi dû à toutes les conversations que nous avons pu avoir entre sœurs, sur qui nous sommes en tant qu’individus, tout en réfléchissant sur nos vies intensément. Nous essayons de nous défaire des critiques extérieures ou de n’importe quelle autre pression. Et je pense, en effet, que l’âge que nous avons aujourd’hui se reflète dans les chansons de « Bloom ». C’est vrai que, par rapport à nos autres albums, l’expérience acquise dans la composition et l’enregistrement se ressent plus ici.

Megan : Notre principal engagement en entrant en studio a été de se dire que nous voulions écrire avec le plus d’honnêteté et de vulnérabilité possible. Parfois, on peut être tenté de composer avec le point de vue d’un personnage et cela ne nous ressemble pas forcément, car nous sommes vraiment empathiques et sensibles. Et je pense que c’est aussi ce qu’attendent les gens pour se retrouver dans nos chansons. Ainsi, lorsque l’on se met à écrire et à composer, nous voulons absolument que cela se rapproche le plus du réel.

– « Bloom » dans son ensemble est plus tourné vers le Blues Rock et vous y apportez beaucoup de fraîcheur avec un son plus massif. Il sonne d’ailleurs très live. C’était l’intention de départ ? D’avoir ce côté plus brut et très roots ?

Rebecca : En fait, nos albums précédents étaient une sorte de ‘retour à la maison’. Nous avons été élevées dans la musique roots et nous avons joué très jeunes du Bluegrass, de la Country et toute la musique américaine en général. Et le Blues a eu une influence majeure pendant des années, tout au long de notre enfance.  

Megan : Nos avons grandi au son du Allman Brothers Band et du Blues du Delta. Puis, nous avons éliminé beaucoup de paramètres autour de tout ça pour ne garder que ce qui représente les véritables aspects de nous-mêmes. Mais nous écoutons tous les genres de musique et nous les accueillons volontiers. Je pense que la plupart d’entre elles ressortent et se font entendre sur « Bloom ». Elles brillent à côté du Blues…

– Cet album est aussi très personnel et parfois même sociétal dans le propos. Et vous avez écrit et composé « Bloom » ensemble. Il semble très fusionnel. C’est le cas ou êtes-vous aussi peut-être à un moment de votre vie où vous vous posez de nouvelles questions ?

Rebecca : Je pense que cela vient sûrement avec l’âge aussi. L’expérience que nous acquérons tous les jours suit son cours et on continue à apprendre. On se construit petit à petit en faisant des erreurs. Et nous en ferons encore, tout en nous connaissant mieux en vieillissant. Je pense qu’aujourd’hui, à la trentaine, nous avons déjà vécu beaucoup de choses. En tant que sœurs, nous avons partagé de la joie et de la tristesse ensemble. Nous avons connu la paix et la lutte. Nos préférences et nos envies aujourd’hui vont vers plus de paix, d’empathie, d’entendement et de joie. Et je pense que nous pouvons écrire dans cette perspective, même en célébrant nos erreurs à travers tout ce que nous vivons. Ces expériences nous connectent profondément. Paradoxalement, nous nous sentons bien dans ce monde de chaos, avec cette information en continue qui ne fait qu’alimenter la peur chez les gens. La musique doit nous inspirer de la joie, du lâcher-prise et célébrer les petits moments de bonheur et toute la beauté de la vie. On le prend comme un grand cadeau pour nous-mêmes et on espère vraiment aussi que nos fans le percevront de la même manière.   

– Tout en restant assez Heavy, « Bloom » a toujours cette saveur Southern avec des touches Country, Americana et 70’s. LARKIN POE a-t-il déjà trouvé le juste milieu, cet équilibre qui vous convient et vous caractérise ?

(Rires) Megan : Pour ce disque en tout cas, je pense que « Bloom » représente où nous en sommes et qui nous sommes aujourd’hui. Qui sait ce que l’avenir nous réserve… Nous essayons toujours de faire d’autres choses, donc nous verrons bien. Mais, pour le moment, c’est vrai que cet album représente un bel équilibre entre le Blues, la Country, la Folk et l’Americana… La musique, la musique, la musique !!! (Sourires)

– Et le Rock… !

(Rires) Megan et Rebecca : Oh oui ! Et le Rock, le Rock, le Rock !!! Un sacré paquet de Rock même ! (Rires)

– Rebecca, Tyler Bryant ton époux, est également très impliqué dans l’album et il le coproduit d’ailleurs avec vous. Est-ce que l’évolution musicale sur « Bloom » vient d’une collaboration plus étroite entre vous trois ?

Rebecca : « Bloom » est, je crois, le troisième ou le quatrième album sur lequel nous travaillons avec Tyler. C’est une expérience incroyable de pouvoir garder ça dans la famille et de l’avoir comme partenaire. C’est une ‘Dream Team’ ! Et au-delà de la connexion familiale, nous avons enregistré l’album dans notre studio à la maison. C’est un environnement très sécurisant et créatif pour nous. Et pour être honnête, c’est la meilleure façon pour nous d’écrire et de produire notre musique ensemble. De mon point de vue, Tyler est ma muse et je suis heureuse de pouvoir faire de la musique avec l’amour de ma vie ! C’est d’ailleurs aussi le cas avec Megan, qui m’inspire énormément. Et puis, Tyler a un réel respect pour Megan et moi en tant que groupe. C’est un grand fan de LARKIN POE et il n’a aucun intérêt à tenter de changer ce que nous sommes et ce que nous faisons. Il veut simplement nous soutenir. Je pense que nous faisons du bon travail ensemble, tous les trois, en tant qu’équipe. Je suis particulièrement fière de ce que nous avons co-écrit. « Mockingbird », « Little Bit » et d’autres chansons sont parmi mes préférées sur l’album et cela a quelque chose de très spécial de le faire en famille.

– On pourrait passer tout l’album en revue, car il contient d’excellentes chansons, mais j’aimerais qu’on s’arrête sur « Easy Love », qui est décliné en deux parties. L’avez-vous pensé comme la charnière du disque avec ses deux ambiances très différentes ?

Rebecca : C’est vrai qu’elles ont des atmosphères très différentes. Nous étions un peu réticentes à l’idée d’inclure les deux parties d’« Easy Love » sur l’album, parce que beaucoup de paroles se rejoignent. Mais je pense que c’est une expérience assez cool pour les auditeurs de démarrer le voyage avec la première partie, qui détaille le début d’une relation. La seconde va plus loin dans l’amitié. On a donc ces deux phases représentées dans l’album et cela me va très bien comme ça.

Megan : C’était assez amusant aussi de faire quelque chose de différent et d’inclure finalement les deux chansons sur le disque. C’est également un petit écart dans notre processus habituel de création. En fait, Rebecca et Tyler étaient en train de chanter la première partie et, au fur et à mesure, celle-ci est devenue la seconde. C’est un bel exemple de la façon dont les chansons peuvent se développer, grandir et changer. Elles sont devenues très différentes l’une de l’autre. C’est assez cool pour nous de pouvoir faire ça. La tension n’est pas la même sur les deux parties, alors qu’elles sont en fait une suite. C’est très intéressant à concevoir.

– Entre le travail sur toutes les cordes, guitares et violon, et sur vos voix, il y a énormément de soin porté aux arrangements. Est-ce que vous avez plus osé cette fois-ci, ou est-ce que, plus simplement, vous avez eu plus de temps pour vous investir pleinement ?

Rebecca : C’est une bonne question, car nous étions plus focalisées sur le chant au départ, Megan et moi. On voulait vraiment mettre les voix en avant et nous y avons beaucoup travaillé. On a passé beaucoup de temps à jouer les morceaux en acoustique avant d’entrer en studio. Nous étions concentrées sur les riffs, les ponts et la dynamique de chaque chanson. C’était important pour nous qu’elles soient déjà très fortes avant d’être produites. Cela nous a donné, à Megan et moi, l’occasion de nous assoir avec juste une guitare et un dobro pour les jouer encore et encore. Il fallait qu’elles soient vraiment terminées, complètement écrites avant d’être prêtes à être enregistrées. A mon avis, c’était une bonne idée d’avoir passé autant de temps en pré-production pour les développer.

Megan : Je pense que nous sommes surtout restées focalisées sur les structures des chansons et notamment leurs rythmes, avant même les voix et les arrangements. On voulait aussi limiter le temps passé à chanter en studio, afin de garder le plus d’authenticité et éviter de multiplier le nombre de prises pour rester le plus sincère possible. On ne souhaitait pas trop les interpréter pour essayer d’atteindre une certaine perfection, mais plutôt conserver l’aspect sincère de chacune d’elles. C’était très bien comme ça et c’est aussi une façon de donner plus d’importance au moment précis où l’on chante.

– Puisque vous êtes en France où l’on vous aime beaucoup, est-ce que l’ingénieur du son avec qui vous avez longtemps travaillé, David Benjamin, sera de cette nouvelle aventure et de votre prochaine tournée cet automne ?

Rebecca : Nous sommes tellement honorées d’avoir pu travailler avec lui. Combien d’albums avons-nous fait ensemble ? Trois, peut-être même plus si on inclue les EPs. Il est devenu au fil du temps un partenaire très important pour nous. A chaque fois que nous jouons à Paris, c’est un peu spécial, car il vit ici. S’il vient, il participera au concert, car il a laissé une empreinte importante sur notre musique. Et nous le remercions sincèrement pour toute l’énergie créative qu’il a apporté, car il a  su développer notre son sur tous les albums que nous avons fait ensemble. Nous aimons David comme un frère. C’est une connexion familiale de plus avec ce beau pays qu’est la France et c’est fabuleux ! (Sourires)

– Une dernière petite question avant de se quitter. Vous qui avez de si jolis sourires, pourquoi êtes-vous toujours si sérieuses sur les photos et vos pochettes d’albums?

(Grands rires) Rebecca et Megan : On ne sait pas ! Quand on est devant des photographes, c’est toujours bizarre et parfois, il faut avoir un visage courageux et valeureux ! Mais on y travaille ! (Rires) Nous sommes des personnes très souriantes au quotidien et nous aimons rire et sourire ! Nous n’aimons tout simplement pas sourire aux photographes ! (Rires) Ok, alors regarde bien nos prochaines pochettes d’album ! (Rires)

« Bloom » est disponible sur le label du groupe, Tricki-Woo Records, distribué par Wagram Music en France.

Retrouvez la chronique de l’album…

… Et l’interview des sœurs Lovell à la sortie de « Blood Harmony » :

Photos : Robby Klein (2, 5) et Zach Whitford (4)

Catégories
Southern Blues Rock

Larkin Poe : une identité affirmée

La confiance affichée sur ce nouvel opus de LARKIN POE fait plaisir à entendre ! Déterminées et sensibles, les Américaines s’affirment avec force, que ce soit dans des morceaux très, très appuyés ou des petites douceurs plus délicates et très sudistes. La chaleur du son, la pertinence du songwriting et l’interprétation de chaque membre du groupe vient confirmer, si c’était nécessaire, que le duo familial est là pour durer et l’instantanéité de son jeu est plus éclatante que jamais. « Bloom » ne triche pas et dispatche des saveurs live irrésistibles. On en redemande.

LARKIN POE

« Bloom »

(Tricki-Woo Records/Wagram Music)

Tout juste auréolées d’un Grammy Award l’an dernier pour leur album « Blood Harmony », les sœurs Lovell font déjà leur retour avec un septième album, qui se veut plus mature que son prédécesseur. Il y a une tonalité plus grave sur ce « Bloom », ce qui n’en fait pas pour autant un disque sombre ou triste. C’est surtout dans le jeu que ça se sent, comme si LARKIN POE jouait avec plus de sérieux, laissant de côté (du moins en partie) les envolées de Megan et sa lap-steel pour un Blues Rock plus carré et peut-être un peu moins pétillant, mais plus élaboré et engagé, et avec aussi une certaine nostalgie.

Toujours magistralement accompagné par Tarka Layman à la basse, Caleb Crosby à la batterie, Michael Webb à l’orgue, Eleonore Denig au violon et Tyler Bryant à la guitare rythmique, à la basse et qui co-produit également « Bloom », Rebecca et Megan livrent probablement l’une des réalisations de LARKIN POE les plus abouties. Très Rock et brut, l’énergie très Southern se propage à une vitesse folle dès « Mockingbird » et se diffuse sur l’ensemble des 11 chansons. Les riffs sont toujours aussi accrocheurs, les voix entraînantes et l’authenticité plus présente que jamais. 

Leurs influences Country et 70’s sont cette fois plus manifestes aussi, comme si les deux musiciennes avaient le désir de revenir à leur tendre enfance bercée par le Bluegrass et le soleil de leur Georgie natale. « Easy Love », déclinée en deux partie, semble la chanson charnière de l’album, qui éblouit ensuite grâce à « Bluephonia » et « If God is A Woman », les deux morceaux incontournables et emblématiques de « Bloom ». LARKIN POE dévoile un potentiel qu’on soupçonnait déjà, bien sûr, mais qui prend ici une nouvelle dimension (« Pearls », « You Are the River », « Bloom Again », « Nowhere Fast »). Addictif !

Retrouvez l’interview de Rebecca et Megan…

… Et les chroniques de « Blood Harmony » et « Kindred Spirits » :

Catégories
International Soul Southern Blues Rock

Warren Haynes : l’alchimiste [Interview]

Ancien membre du Dickey Betts Band, puis guitariste au sein du mythique Allman Brothers Band, WARREN HAYNES guide depuis une trentaine d’années maintenant Gov’t Mule. Réputé pour son jeu identifiable entre tous et une générosité musicale incroyable (la durée de ses concerts en témoigne !), le natif d’Asheville en Caroline du Nord mène en parallèle une carrière solo, qui lui offre la liberté de se détacher un temps de son groupe. Avec « Million Voices Whisper », le Southern Blues Rock de l’Américain prend des couleurs Soul, également jazzy et funky, et le line-up affiché a de quoi laissé rêveur… Entretien avec un musicien attachant, généreux et d’une rare authenticité.

– Dix ans après « Ashes And Dust », on te retrouve enfin avec un nouvel album solo. Cela dit, tu as aussi été très actif avec Gov’t Mule autant sur disque que sur scène. Lorsque tu t’es mis à la composition de « Million Voices Whisper », quel était l’intention de départ, car il est assez différent de ce que tu as déjà fait en solo et même en groupe ?

En fait, je ne ressens le besoin d’enregistrer un album solo que si j’ai écrit suffisamment de chansons différentes de Gov’t Mule, et qui me semblent fonctionner ensemble. La plupart de ces morceaux ont été écrits au cours des deux ou trois dernières années. Mais certaines remontent à la période du confinement dû au Covid, lorsque j’ai écrit la plupart des chansons de « Heavy Load Blues »et de« Peace…Like A River ». Bien que je reconnaisse que cet album est très différent de mon dernier album solo « Ashes And Dust », je pense qu’il est un peu dans la lignée de « Man In Motion », dans le sens où ils sont tous deux inspirés et influencés par la musique Soul.

– Le premier sentiment qui émane très clairement de l’album est une notion de partage qu’on retrouve justement dans cette approche plus Soul et une atmosphère générale peut-être plus douce aussi. C’est pour obtenir ce son et cette sensation que tu as souhaité produire toi-même « Million Voices Whisper » ?

L’album a commencé sur une sorte d’ambiance façon ‘Muscle Shoals’, basée sur les premières chansons que j’avais écrites pour le projet. Mais au fur et à mesure que j’écrivais de plus en plus de morceaux, il semblait évoluer dans plusieurs directions différentes, ce que j’adore. Il y a donc des influences Jazz et Funk et, évidemment, une partie de mon côté songwriter et chanteur de Southern Rock et de Blues est également représentée ici.

– Pour obtenir cette touche Southern Blues Rock très ‘soulful’, tu t’es aussi entouré d’amis à savoir John Medeski aux claviers, le batteur Terence Higgins et Kevin Scott à la basse. A vous entendre, on a l’impression qu’un autre line-up n’aurait pas pu atteindre une telle complicité et une harmonie aussi limpide. La clef était-elle aussi dans la proximité entre vous ? 

C’est le groupe que j’avais imaginé pour cette musique et il s’est avéré que tout le monde était disponible à ce moment-là. J’avais joué avec chacun d’entre eux individuellement, mais nous n’avions jamais joué ensemble avant de faire ce disque. Nous avons tout de suite senti que l’alchimie était excellente. Et puis, je préfère toujours enregistrer avec tout le monde dans la même pièce jouant en live. Pour ce genre de musique, c’est la meilleure solution et la meilleure façon de faire.

– L’album contient également plusieurs clins d’œil à quelques unes de tes références que les connaisseurs retrouveront sans mal. Il y en a une qui s’étend presque sur tout le disque, c’est celle de Dickey Betts, à qui « Million Voices Whisper » est d’ailleurs dédié. Que représente-t-il en quelques mots pour toi ? Un modèle de musicalité ? Un mentor ? Un son unique aussi peut-être ?

Dickey a eu une énorme influence sur moi avant même que je le rencontre. Nous nous connaissions depuis mes 20 ou 21 ans. Il m’a soutenu dès le début et m’a finalement donné la plus grande chance de ma carrière en m’intégrant dans le Allman Brothers Band. Dickey a créé son propre style de jeu de guitare, ce qui est probablement la plus grande réussite qu’un musicien puisse atteindre. Et, en effet, je rends hommage à son style sur plusieurs chansons de l’album.

– Et puis, il y a « Real Real Love », une chanson initialement coécrite avec Gregg Allman que tu as terminée en respectant l’esprit de départ. Comment as-tu abordé cette nouvelle écriture, et que tenais-tu absolument à restituer ?

Gregg avait commencé « Real Real Love » il y a longtemps et me l’avait montré à un moment donné, mais ce n’était qu’un brouillon. Après son décès, j’ai retrouvé une copie des paroles qui n’étaient pas achevées et j’ai été suffisamment inspiré pour les terminer et ajouter la musique. Cela s’est fait très rapidement finalement. Et j’ai pu honorer son esprit et son style d’écriture et de chant d’une manière que je n’avais jamais fait auparavant à ce point. Et la présence de Derek (Trucks – NDR) dans le studio pour l’enregistrement a contribué à donner vie à la chanson. C’était magnifique.

– Justement, celui qui occupe une place de choix, c’est bien sûr Derek Trucks avec qui tu as une complicité de longue date. Au-delà de l’aspect strictement musical, les chansons où il est à tes côté donnent l’impression qu’elles n’auraient pas eu la même saveur dans lui. En quoi son rôle est-il ici si important, au-delà des morceaux joués ensemble et de la co-production de ceux-ci ?

Nous avons tous les deux une alchimie musicale unique, qui existe depuis longtemps et qui ne fait que s’améliorer avec le temps. C’est presque comme si nous étions capables de finir les pensées de l’autre, musicalement parlant. La plupart de nos échanges sur scène et en studio sont tacites et c’est très spécial. Je suis vraiment très enthousiaste par la tournure prise par les chansons sur l’album.

– Il y a une autre émotion globale qui émane de l’album, c’est son aspect très positif avec une sérénité presqu’apaisante. « Million Voices Whisper » est à la fois posé, mais alerte, et aussi tonique que terriblement vivant. C’est ce que tu as voulu dire avec ce titre ? S’éloigner de toute résignation ?

Le titre vient de la chanson « Day of Reckoning ». La première ligne du refrain est « Des millions de voix murmurent, de plus en plus fort quand elles chantent. Des millions d’esprits attendent le jour du jugement ». Je pense que cela résume en quelque sorte le sentiment général de l’album. Il s’agit avant tout de parler de changement positif.

– Les plus chanceux peuvent aussi profiter de quatre morceaux supplémentaires sur l’Edition Deluxe où l’on retrouve aussi tes compagnons Lukas Nelson et Jamey Johnson sur le phénoménal « Find The Cost Of Freedom », où s’enchaine « Day Of Reckoning » très naturellement. C’est la même configuration que l’on retrouve sur l’un des moments forts de l’album « Lies, Lies, Lies > Monkey Dance > Lies, Lies, Lies ». Tu vois ces chansons comme une continuité l’une de l’autre, ou es-tu guidé à ce moment-là par cet esprit jam que tu adores ?

C’est vrai que j’aime toujours aborder les chansons avec une configuration et une approche live, ce qui signifie parfois passer d’une chanson à une autre, puis revenir à la chanson initiale. C’est quelque chose qui arrive plus souvent sur scène, mais je pense que c’est intéressant même dans un environnement de studio. Cela renforce le concept de liens entre les chansons.

Le nouvel album solo de WARREN HAYNES, « Million Voices Whisper », est disponible chez Fantasy Records.

Retrouvez aussi la chronique de ce nouvel l’album…

… et celles de ceux de Gov’t Mule :