Ce n’est jamais simple pour une formation même chevronnée de changer de frontman, alors quand il s’agit d’accueillir une frontwoman, cela peut même venir bouleverser beaucoup de choses. Pourtant, la Scandinave Terese Persson intègre le combo transalpin le plus naturellement du monde. HELL IN THE CLUB négocie parfaitement le virage et ouvre un nouveau chapitre avec le musclé et mélodique « Joker In The Pack », dans un registre modernisé et explosif. Une belle réussite.
HELL IN THE CLUB
« Joker In The Pack »
(Frontiers Music)
Suite au départ de son chanteur Dave Moras, on aurait pu s’interroger sur l’avenir du groupe sans son fondateur. Même s’il reste toujours très proche humainement et artistiquement de ses anciens camarades de jeu, HELL IN THE CLUB a su trouver la perle rare. Loin d’être une inconnue, Terese ‘Tezzi’ Persson a œuvré au sein de Venus 5 et Infinite & Divine, mais encore fallait-il qu’elle se fonde dans le registre des Italiens. Puissante, la voix de la Suédoise colle parfaitement à leur répertoire et apporte même ici un souffle nouveau.
Après six bons albums, c’était d’ailleurs peut-être aussi le bon moment pour HELL IN THE CLUB de repartir de plus belle avec de fortes intentions et démarrer ainsi un nouveau cycle. En tout cas, rien ne s’y oppose à l’écoute de « Joker In The Pack », qui prolonge avec brio la carrière du quatuor et qui vient également bousculer un peu ses habitudes. La touche féminine libère une belle dynamique, tonique et audacieuse. Si le Hard Rock reste toujours estampillé 80’s/90’s, il a franchement gagné en vigueur et sonne nettement plus actuel.
Costauds et compacts, Andrea Buratto (basse), Andrea Piccardi (guitare) et Marco Lazzarini (batterie) restent des éléments essentiels et assurent l’efficacité du facteur force/mélodie de HELL IN THE CLUB. Très bien produit par Simone Mularoni (Nightmare, Sole Syndicate), ce septième opus combine avec le même talent Hard Rock et Glam Metal. Vocalement, Tezzi s’impose sans mal et fait vibrer ces nouvelles compositions (« The Devil Won’t Forget Me », « New Desire », « Fairytale », « Out Of The Distance »). Une nouvelle ère s’ouvre !
Si de nombreux fans ont pu être déboussolés par les accents Pop du très aérien « I Just Want To be A Sound », sorti il y a tout juste six mois, qu’ils se rassurent, KADAVAR renoue avec le Stoner Rock très Psych et tirant sur le Hard Rock, qui a fait son succès jusqu’à aujourd’hui. Et la nouvelle est d’autant plus belle que les Allemands sont plus inspirés que jamais sur ce « K.A.V.A.D.A.R. », qui s’affiche ici en lettres capitales. En plein milieu d’un triptyque musical mis en œuvre sur le présent album, le quatuor explore une facette plus sombre et chaotique de son répertoire, jetant ainsi un regard acerbe et ironique sur un monde en pleine déliquescence. Non sans humour, Christoph ‘Lupus’ Lindemann, guitariste et chanteur du quatuor, vient apporter quelques éclaircissements sur une démarche que peu avait saisi.
– En mai dernier, vous aviez sorti « I Just Want To Be A Sound ». Et vous aviez déclaré que c’était un album nécessaire. Pour autant, beaucoup de monde ont aussi été surpris par son contenu. Etiez-vous à la fin d’un cycle ?
En fait, je pense que la fin du cycle a vraiment eu lieu au moment de la sortie de « For The Dead Travel Fast » en 2019. C’est ce qui a enclenché un nouvel élan et ouvert une nouvelle page. En ce moment, je dirai que nous sommes au milieu d’un nouveau cycle.
– Six mois plus tard, vous êtes donc déjà de retour avec « K.A.D.A.V.A.R. ». Lequel de ces deux disques est-il celui de la renaissance ? Et puis, sortir un album éponyme avec un titre en majuscule n’est pas anodin, non plus…
Oui, c’est vrai, et cela correspond bien à ce que représente ce nouvel album finalement. Nous nous sommes dit que le nom du groupe serait un bon titre. D’une certaine manière, les deux derniers disques correspondent ensemble, ils sont liés. Ils racontent une histoire commune. Beaucoup de morceaux sont aussi été écrits pour un album plus sonore, et ils ne figurent pas sur le disque. Je dirai que les deux derniers albums sont en fin de compte assez équivalents dans la démarche et dans leur élan.
– Finalement, il n’y a que six mois entre les deux albums. Aviez-vous commencé à travailler sur le nouveau juste après « I Just Want To Be A Sound » ? Ou a-t-il été une sorte de déclic ?
Oui, beaucoup de chansons étaient déjà écrites. Nous avons travaillé dans notre propre studio et c’est aussi plus facile de le faire dans une certaine continuité. Et puis, il n’y avait pas de tournée de prévu, non plus, ce qui nous a laissé du temps. « I Just Want To Be A Sound » avait été réalisé en août de l’année dernière et il n’est sorti qu’en mai. Nous avons donc eu plus d’un an sans obligation particulière, alors nous avons juste continué à composer, à écrire et à enregistrer. Et lorsque l’album est sorti, nous nous sommes dit que ce serait cool d’en avoir un autre pour la tournée qui allait suivre. Et puis, ils se suivent vraiment surtout.
– L’impression que donne ce nouvel album est que KADAVAR retrouve sa pleine puissance et prend même un nouveau départ. Et la première évidence est dans le son, qui a aussi gagné en amplitude. Cela vous a-t-il semblé nécessaire d’enregistrer en analogique pour y parvenir ?
En fait, c’est une manière d’y arriver. Il a plusieurs façons d’obtenir un bon résultat. Pour nous, enregistrer sur bande a toujours été quelque chose de très important, parce que je pense que notre son est vraiment taillé pour ça. Oui, pour nous en tout cas, c’est sans doute nécessaire. C’est vrai que nous avons aussi fait beaucoup d’enregistrement numérique auparavant, mais pour ce nouvel album de KADAVAR, cela ne pouvait se faire qu’en analogique.
– Ce nouvel album a de fortes sonorités Hard Rock et Stoner et les éléments psychédéliques sont aussi très présents. Avez-vous le sentiment d’avoir trouvé une forme d’équilibre dans votre musique ?
Non ! (Rires) J’adorerai, mais je ne pense pas ! (Rires) Tu sais, ce n’est jamais la même chose, chaque album est différent et à chaque fois que nous nous mettons à composer, ce n’est jamais la même chose. Par exemple, quelque chose qui est bien aujourd’hui pourra nous paraître mauvaise le lendemain. Mais je pense que pour cet album, nous y sommes parvenus. Je pense que l’équilibre est bon. J’aurais peut-être pu mettre plus d’éléments psychédéliques, mais ça, c’est juste mon opinion. (Sourires) Comme je te le disais, chaque album est différent, et à chaque fois que l’on commence à écrire, il faut recommencer beaucoup et essayer plein de choses. Il faut trouver de quoi il a réellement besoin. Est-ce qu’il faut qu’il soit plus joyeux, plus lourd, plus rapide ou plus lent ? Est-ce qu’il sera plus psychédélique ou Stoner Doom ? Ce n’est jamais la même chose et tout ça dépend vraiment de l’enregistrement. Une chose est sûre, c’est tout le temps différent.
– « K.A.D.A.V.A.R. » est également sombre et parfois même brutal avec un regard presque cynique sur le monde. Est-ce finalement notre époque qui vous a conduit à composer un album aussi contrasté et direct ?
Oui, c’est sûr. L’album précédent était plus axé sur le son avec beaucoup de travail sur les sonorités et les ambiances. Il était beaucoup plus personnel dans un sens. Tandis que celui-ci est clairement basé sur tout ce qui nous entoure, nos gouvernements, tout ce qui se passe mal dans le monde avec, en point d’orgue, la chanson « Total Annihilation ». Si nous continuons à détruire le monde tel que nous le connaissons, sa chute sera inévitable. C’est vrai que c’est un album très sombre, mais avec un peu d’humour quand même. C’est nécessaire d’avoir un sourire, une vision d’ensemble et une confiance aussi en la vérité et la réalité du monde. Alors, parfois, cela peut être drôle, car on ne peut pas faire grand-chose dans le domaine à titre uniquement personnel. Ce que l’on peut faire, c’est d’en parler en chantant et en espérant que cela finisse par aller mieux à un moment ou un autre… (Sourires)
– Ce nouvel album est aussi le plus varié de votre discographie. Après 15 ans, KAVAVAR a-t-il, selon vous, atteint une certaine maturité artistique qui vous permet d’explorer tous les styles que vous voulez ? Sans contrainte et avec maîtrise ?
Oui, je pense et je l’espère aussi. (Sourires) J’espère que nous sommes aujourd’hui dans une position où nous pouvons jouer la musique que nous voulons et écrire ce que l’on veut écrire… Et que les gens apprécient cela ! J’ai toujours été fatigué et ennuyé par le fait de composer un seul style de musique, car j’aime beaucoup de choses. Et c’est quelque chose avec laquelle j’aime jouer. J’adore tourner autour de ça et le traduire dans les chansons de KADAVAR. C’est vraiment quelque chose qui m’amuse et que j’aime beaucoup faire.
– J’aimerais que l’on parle du morceau « Stick It », qui est un moment fort et très Space Rock de l’album, où il y a même un passage parlé en français. D’où vous est venue cette idée ?
En fait, « Stick It » signifie « Enfonce-le toi dans le cul » ! (Rires) C’est vrai que cela nous est venu d’un truc en français que notre bassiste Simon (Bouteloup – NDR) a écrit. C’est vrai que c’est un morceau très Space Rock, un peu comme ce que faisait Hawkwind dans les années 60 avec ce type de solo, comme un groupe de voyageurs entourés de fleurs avec des fans japonaises… Et en effet, je pense que c’est une autre manière de dire « Fuck Off » ! (Rires) Trop, c’est trop : alors, allez tous vous faire foutre ! C’est une chanson, qui parle de ça, oui… (Rires)
– Par ailleurs, même si « K.A.D.A.V.A.R. » montre un songwriting très élaboré et solide, il donne aussi une impression d’insouciance et de grande liberté. Etait-ce votre état d’esprit au moment de sa composition ?
Oui, c’est toujours le but d’avoir un esprit libre et de laisser notre tête faire le travail, afin que les chansons sortent le plus naturellement possible. Alors, parfois ça marche et d’autres pas. Je pense que nous avons eu plus de facilités à composer ce deuxième album, parce que ce qui avait été fait ne nécessitait pas qu’on y donne une suite. C’était beaucoup plus simple, et il y a avait aussi moins de pression. Cela nous a libéré pour faire l’album parfait, car nous étions vraiment focalisé dessus et sur rien d’autre. Cela a d’ailleurs été très amusant de continuer à écrire et à enregistrer de la manière dont nous le souhaitions et en totale liberté. Et puis, personne ne savait que nous allions sortir un nouvel album, pas même notre label ! C’était donc très rigolo à faire ! (Rires)
– Enfin, ce nouvel album est donc le deuxième d’une trilogie, ou plutôt d’ailleurs d’un tryptique, car ils seront très différents les uns des autres. Ne me dites pas que vous travaillez déjà sur le troisième ? Si ?
Si, c’est vrai. Nous travaillons dessus, mais… (Silence) On verra bien, je ne peux vraiment pas t’en dire plus ! On en parlera quand ce sera terminé ! (Rires) Nous avons des idées, un sujet aussi et nous avons de quelle manière nous allons le faire. Dans l’immédiat, nous avons beaucoup de concerts et c’est ce que nous allons d’abord faire. Nous sommes concentrés là-dessus. Quand nous aurons le temps de nous réunir en studio, nous verrons à ce moment-là vers où on décidera d’aller…
– Parfait, nous avons donc juste six mois à attendre !
(Eclat de rire) Peut-être, c’est possible ! (Rires) Et peut-être qu’il arrivera même avant Noël, qui sait ??? (Rires)
Le nouvel album de KAVADAR, « K.A.D.A.V.A.R. », est disponible chez Clouds Hill.
Photos : Marina Monaco
Retrouvez la chronique de « I Just Want To Be A Sound » :
Grand maître de l’esprit Doom, le songwriter américain n’en finit pourtant pas de surprendre à travers un parcours en solitaire, ou presque, où il se dévoile depuis quelques disques déjà, dans la peau d’un artiste toujours aussi rebelle, mais peut-être plus apaisé. Suivant une devise qui lui va bien, « Create Or Die » pose un regard très éloigné de celui de ses anciens groupes Saint Vitus et The Obsessed notamment. WINO s’autorise tout et le fait avec talent, laissant apparaître un musicien aux ressources illimitées, dont la ligne musicale a mûri et s’est aussi affinée.
WINO
« Create Or Die »
(Ripple Music)
Figure iconique de l’underground américain, et bien au-delà, WINO mène depuis quelques années maintenant, une carrière solo assez éloignée du Doom et du Heavy qui ont forgé sa légende. Cela ne l’a pourtant pas empêché de reformer The Obsessed avec un nouvel album, « Gilded Sorrow » sorti en 2023. L’ancien membre de Saint Vitus et également Spirit Caravan affiche un visage totalement différent sous son nom, et même si l’esprit du Doom n’est jamais bien loin, ses envies aujourd’hui se tournent vers un registre assez acoustique, surtout sur le précédent « Forever Gone » (2020) d’ailleurs, car « Create Or Die » vient électrifier les nouvelles compositions du chanteur dans un bel élan d’authenticité.
Et pour mener à bien cette nouvelle aventure, il ne pouvait donc être totalement seul. Si les guests sont assez nombreux sur divers morceaux, WINO a principalement fait appel à Ky Anto (batterie, basse, orgue, percussions), lui-même étant à la guitare, bien sûr, ainsi qu’à la basse, derrière le micro et à la production aux côtés de Frank Marchand. Autant dire qu’il sait parfaitement où il va, tout en diversifiant de manière assez incroyable ce « Create Or Die ». Difficile donc de bien cerner ce quatrième opus dans une globalité artistique, tant il s’amuse à passer de titres très Hard Rock à une Folk sauvage aux saveurs Southern. Mais peu importe puisque sa voix nous guide à travers cette nouvelle introspection.
Ce qui devait être au départ une sorte de voyage intimiste a donc pris du volume, se fait parfois Heavy (« Anhedonia », « Carolina Fox », « Hopeful Defiance », « Us Or Them ») avec cette lenteur apparente dans le chant. Cette constance ‘doomesque’ se fond d’ailleurs sur tout l’album, comme pour mieux appuyer un propos articulé autour de réflexions personnelles et sans détour sur sa vie. WINO y expose son âme, entre colère et contemplation, mais avec une lucidité et une sincérité de chaque instant, notamment sur les chansons acoustiques (« Cold And Wrong », « Lost Souls Fly », « Noble Man »). A travers un éclectisme fulgurant, il reste fidèle à un univers unique et tellement personnel.
Presque aussi éphémère que Free, BAD COMPANY a pourtant sorti quelques albums majeurs jusqu’au départ de son chanteur Paul Rodgers. De cette épopée, il reste des disques qui connurent le succès sur le label de Led Zeppelin, Swan Song. Les années 80 ont eu raison de cette belle aventure, malgré une suite avec un line-up remanié peu convaincant. Mais le Hard Rock très bluesy des Londoniens résonne encore chez quelques un. Ils livrent ici un beau témoignage avec une nouvelle génération, qui semble toujours s’en inspirer.
BAD COMPANY
« Can’t Get Enough : A Tribute To Bad Company »
(Primary Wave Music)
Fondé en 1973 dans la foulée de la séparation de Free par Paul Rodgers (chant) et Simon Kirke (batterie), accompagnes d’Andy Fraser (basse) et Paul Kossoff (guitare), BAD COMPANY est probablement l’un des groupes les plus sous-estimés de la scène Rock britannique. Avec le succès sous l’ère Rodgers, il en a inspiré beaucoup. Aujourd’hui, seuls le frontman et le batteur sont toujours en vie et ils peuvent se réjouir de ce bel hommage rendu par une dizaine de groupes et d’artistes, d’ailleurs étonnamment presque tous américains.
Nul n’est prophète en son pays, donc, puisque BAD COMPANY semble avoir laissé bien plus de traces outre-Atlantique que sur son île. Sur l’album, on retrouve seulement le jeune combo The Struts, originaire du nord de l’Angleterre, pour une version explosive de « Rock’n’Roll Fantasy » et Joe Elliot et Phil Collen de Def Leppard sur « Seagull ». Et le morceau est d’autant plus réussi qu’on se régale de la présence des rescapés Paul Rodgers et Simon Kirke, qui en font un moment tout en émotion et d’une réelle authenticité.
Direction les Etats-Unis pour la suite avec huit formations parmi les plus emblématiques du Hard Rock, du Southern Rock et même de la Country avec Hardy et Charley Crockett. Après la jeune garde menée par Dirty Honey et The Pretty Reckless avec une étonnante reprise de ces derniers de « All Right Now » de Free, l’artillerie lourde fait ensuite parler la poudre avec Halestorm, Black Stone Cherry, Slash avec Myles Kennedy & The Conspirators et Blackberry Smoke accompagné de Brann Dailor de Mastodon. Beaucoup d’énergie et de sincérité.
De grosses guitares bien sûr, un duo basse/batterie hyper-groovy et un chant qui s’installe doucement, l’identité de WVH se dessine de plus en plus au moment même où trois lettres disparaissent de la pochette de ce nouvel effort. S’il est toujours question d’un travail personnel, c’est MAMMOTH qui domine et cela ressemble presque à une libération. Très Rock et pêchu, « The End » est plus organique que les deux premiers volumes et l’ensemble gagne de fait en fluidité. Une belle manière de clamer haut et fort qu’il n’a désormais plus rien à prouver.
MAMMOTH
« The End »
(BMG)
La passe de trois pour Wolfgang, qui s’émancipe réellement sur ce « The End » en livrant son disque le plus personnel à ce jour. S’il a de nouveau confié la production à Michael ‘Elvis’ Baskette (Slash, Alter Bridge, Sevendust) et que l’enregistrement s’est fait dans les familiaux Studios 5150, c’est dans l’approche musicale qu’il y a du neuf. Là où le multi-instrumentiste s’était jusqu’à présent appliqué à rendre une copie très propre (et elle l’est toujours !), MAMMOTH opte un son plus direct et plus live, comme si le jeune Californien s’était résolu à bannir toute fioritures, laissant de côté le poids d’un héritage paternel conséquent.
Et c’est plutôt bien vu, car les références sont moins présentes, hormis peut-être ce joli clin d’œil sur la chanson-éponyme « TheEnd » justement, une façon aussi de confirmer que désormais le nom de sa formation se passerait de ses illustres initiales. Et il tape dans le mille. Très Rock tout en gardant des fulgurances très Heavy et Hard Rock, le Heavy Rock US de MAMMOTH commence à se faire identifiable, même si on pourrait lui reprocher un léger manque d’audace vocale. Car pour le reste, ce troisième album est très cohérent, très homogène et consistant, malgré quelques errements très pardonnables comme « Happy ».
En l’espace de cinq ans seulement, le musicien a affiné le songwriting, se fait aussi moins démonstratif et plus instinctif, et « The End » est à la fois élégant et plus cavalier (« I Really Wanna »). Très sincère dans le jeu, comme dans les textes, MAMMOTH n’écarte pas non plus le côté classique du genre, mais la jeunesse du combo vient rapidement rappeler qu’il vit dans son temps avec ce que ça comporte d’insouciance (« One Of A Kind », « The Spell », « Something New », « Selfish »). Il émane de ces dix titres un vent de liberté qui lui confère une touche de légèreté. Le musicien s’affranchit et se lance vers un avenir vraiment radieux.
Globalement assez sombres, les Catalans n’usent pas pour autant d’une vélocité systématique pour afficher leur puissance. Dans un Hard’n Heavy solide et parfois même rugueux, leur explosivité se déploie essentiellement dans la force des riffs et une polyvalence du chant, qui se montre également plurielle avec quelques guests. « Catarsi », s’il reste contemporain dans le propos, se nourrit aussi de légendes pour intensifier certains titres à travers des atmosphères changeantes, sincères et parfois progressives.
SAÜC
« Catarsi »
(Independant)
Depuis sa création en 2017, SAÜC est devenu un fer de lance de la scène locale de Catalogne et même au-delà. Après un premier effort, « Eterna » en 2021, il vient concrétiser sa position avec « Catarsi » dans un style devenu plus personnel et plus élaboré également. Fort et fier de ses origines, c’est dans sa langue natale qu’il s’exprime et c’est aussi ce qui rend son mélange de Hard Rock et de Heavy Metal si particulier. Cela dit, cette spécificité convient parfaitement à une identité artistique inspirée d’un Metal traditionnelle en version actualisée.
Là où « Eterna » présentait quelques éléments Thrash qui lui confédéraient un côté Old School assez saillant, « Catarsi » prend tout le monde de revers à travers des passages très Alternative Metal, qui expliquent cette sensation plus moderne. SAÜC a aussi travaillé sur l’aspect mélodique de ses nouveaux morceaux, en étant par ailleurs plus progressif et émotionnel. Ces changements notables font apparaître une vision nette de l’évolution de la formation ibérique. Et comme l’un ne va pas sans l’autre, la production est elle aussi très solide.
Enregistré, mixé et masterisé par Txosse Ruiz, « Catarsi » bénéficie de la présence de la chanteuse barcelonaise Kris Vega (Cobra Spell, Born In Exile) sur « Després Del Silenci » pour une belle dualité vocale, ainsi que Marc Storm, le frontman espagnol de Drakum et Icestorm, sur « Indibil I Mandori ». Outre ces deux très bons featurings qui viennent pimenter le disque, SAÜC livre des titres plus que convaincants (« Nèmesi », « Instinct », « Bestia », « Obstinació » et le plus délicat « Series Tu »). Le quintet prend du volume et s’affirme avec vigueur.
Malgré plus de 200 millions d’albums vendus, c’est l’image familière de musiciens qui ont su rester simples, qui dominent lorsqu’on évoque AC/DC. Loin des frasques de certaines ‘Rock Stars’, c’est la tenue d’écolier d’Angus Young et la casquette visée sur la tête de Brian Johnson qui reviennent systématiquement à l’esprit. Pourtant, malgré cette supposée simplicité, son histoire est tout sauf un fleuve tranquille. Et c’est que nous raconte Axel Brémond, dans les détails et sur une narration fluide, presque romancée, à travers « AC/DC : Electric Story », qui devient presque aussi addictif que tous ces innombrables tubes qui ont franchi les générations.
AC/DC : ELECTRIC STORY
Axel Brémond
(City Editions)
Pour tous amateurs de Rock qui se respectent, AC/DC est un groupe incontournable. Les grincheux diront, bien sûr, que les Australiens font le même album depuis 1973 (une belle année !), tandis que d’autres ne jugeront que par Bon Scott, raillant Brian Johnson à la première occasion. Sauf, qu’à y regarder de plus près, afficher une telle longévité n’a rien du hasard. La longue route qui les a menés à « Power Up » il y a cinq ans, n’a pas été de tout repos et les drames qui ont émaillés la formation ont eux aussi forcément été nombreux. Mais le combo de Sydney tient toujours debout des décennies après le savoureux « High Voltage ». Certes, l’âge commence à faire sentir, mais l’adrénaline reste toujours intacte.
Si chacun est capable de fredonner une chanson issue des 17 albums studio, c’est que le groupe distille un style inimitable, même si beaucoup s’y sont essayés, avec ce côté tellement fédérateur et effronté, qui le rend irrésistible. Ce n’est pas très surprenant, finalement, que les frères Young, Angus et Malcom aux guitares, se soient si rapidement accoquinés avec l’autre Ecossais d’origine devenue une légende : Ronald Belford ‘Bon’ Scott. C’est d’ailleurs à ses côtés qu’AD/DC connaîtra le succès à l’international jusqu’en 1980, où le frontman décède une triste nuit de février. Un hommage direct et fraternel lui sera d’ailleurs rendu quelques mois plus tard avec les cloches du tout aussi mythique « Hells Bells ».
Brian Johnson reprendra le flambeau avec le talent et le charisme qu’on lui connaît, mais… Le mieux est de se plonger dans le livre d’Axel Brémond pour découvrir, ou redécouvrir, l’histoire de ces géants du Rock. « Ac/Dc : Electric Story » est d’autant plus passionnant qu’il se lit vraiment comme un roman, loin des habituelles compilations d’anecdotes livrées par des fans devenus experts. Le sentiment qui domine ici est cette immersion au sein du combo, que ce soit dans le quotidien dans leur foyer, en studio ou sur les milliers de scènes, où AC/DC enflamme des millions d’adeptes depuis des dizaines d’années. Explosif et talentueux, le quintet donne décidément souvent l’impression de faire partie de la famille.
Avec son côté roots et vintage, THE LUNAR EFFECT traverse le temps et n’en oublie pas pour autant d’être finalement très contemporain. Energique et intense, le quintet multiple les embardées, se faisant bluesy ou très compact, avec autant de facilité que d’inspiration. Entre calme et tempête, « Fortune’s Always Hiding » navigue sur un groove dynamique, une voix puissante, des riffs tranchants et des claviers qui offrent des atmosphères intemporelles aux contrastes toujours bien sentis. Une nouvelle réalisation, qui ne manque pas de panache !
THE LUNAR EFFECT
« Fortune’s Always Hiding »
(Svart Records)
Après s’être aguerri dans l’underground londonien dès 2017, le groupe n’a pas tardé à faire parler de lui au-delà, notamment grâce à « Calm Before The Calm », un premier album sorti deux ans plus tard. Repéré par Svart Records, THE LUNAR EFFECT sort « Sounds Of Green & Blue » l’année suivante, qui a rencontré son public et fut salué par la critique. Après avoir tourné dans toute l’Europe, les Anglais sont de retour avec « Fortune’s Always Hiding », un disque accompli sur lequel le côté massif se fond dans une grande finesse.
Riche et chaleureux, le registre des Britanniques s’inspirent des années 70 en empruntant autant au Rock psychédélique qu’au Hard Rock ou au proto-Metal. Ajoutez-y une dose de Stoner et de Blues et vous obtenez le savoureux mix de ce troisième opus. La production est solide, organique et aérée, de quoi donner des ailes à THE LUNAR EFFECT au point d’offrir une sorte d’état des lieux des dernières décennies du Rock, avec même quelques élans qui ne sont pas sans rappeler des formations plus récentes comme Alice In Chains.
Ainsi, dans les entrailles d’un style rétro assumé, on retrouve des grosses guitares, des rythmiques relevées et un chant très maîtrisé avec des similitudes qu’on peut retrouver sur la scène actuelle chez Rival Sons, notamment, ou Greta Van Fleet. Mais THE LUNAR EFFECT se distingue par une touche très personnelle, qui fait de « Fortune’s Always Hiding » un disque varié et qui témoigne d’une évolution grandissante du genre (« Feel The Hand », « Watchful Eye », « Stay With Me », « Settle Down », « A New Moon Rising »). Flamboyant !
Entre Rock 70’s, Blues Rock et saveurs Southern, la formation ibérique nous replonge avec talent quelques décennies en arrière pour revenir avec beaucoup de certitudes et de savoir-faire à l’essence-même du genre. Grâce à une frontwoman qui libère une lumière positive sur SILVERFLAME, « Fly On » passe brillamment le cap du deuxième opus avec une forte intensivité et une émotion authentique. Un combo rompu à l’exercice depuis un bon moment déjà et dont l’approche très live respire la sincérité d’un style si fédérateur.
SILVERFLAME
« Fly On »
(Independant)
Né des cendres de La Banda Del Yuyu, qui a œuvré durant une quinzaine d’années du côté de Gérone en Espagne, SILVERFLAME reprend depuis 2017 les choses là où elles en étaient et offre une suite à « First Flight », premier effort sorti il y a sept ans. Plus aguerri encore et plus personnel aussi, le sextet livre son deuxième album, où il fait bien plus que de rendre hommage à un Classic Rock intemporel et teinté de Blues. Et puis, l’arrivée du claviériste Fran Esquiaga l’année dernière lui offre également beaucoup de relief et de chaleur.
Gorgé de soleil et délicat, « Fly On » s’est aussi se faire plus robuste et musclé. Pour se faire, SILVERFLAME tient en Jep Vilaplana et Jordi Turon, deux très bons guitaristes. Et avec une rythmique aussi groovy que celle formée par Javi Galván (basse) et Jordi Vila (batterie), on peut affirmer que ça ronronne tout seul chez les Espagnols. Certes, quelques influences comme celle de Free et d’autres formations plus Southern sont présentes, mais elles sont particulièrement bien assimilées.
Enfin, l’un des atouts majeurs de SILVERFLAME est sa chanteuse Sheila Endekos, qui apporte une autre dimension dans un registre où les femmes sont finalement assez peu nombreuses. Energique, l’aspect bluesy de sa voix libère un côté très organique et langoureux aux titres de « Fly On ». Et avec un univers où l’esprit jam n’est jamais bien loin, le groupe se fait vraiment plaisir… et nous avec (« Some More Blues », « Here For Nothing », « Echoes Of The Void », « Forbidden Innocence » et le sudiste « Snake »). Une réussite !
Avec ce nouveau double-album live, la formation de Stockhölm propose un voyage dont il a le secret à travers 12 morceaux soigneusement choisis et sur plus d’une heure et quart. SIENA ROOT y parcourt l’essentiel de sa discographie avec cette liberté qu’on lui connaît, c’est-à-dire une proportion à réarranger ses compostions pour les laisser atteindre des sommets d’improvisation. Capté sur bandes, « Made In KuBa » offre une chaleur et une proximité qui font le sel de ses productions depuis la fin des années 90.
SIENA ROOT
« Made In KuBa (Live) »
(Perception)
Après son dernier album studio, le très bon « Revelation » (2022), SIENA ROOT revient à ce qui fait l’essence-même de sa musique : la scène. Si le quatuor a déjà sorti huit opus, il faut revenir en 2011 et à « Root Jam » pour trouver une trace discographique du groupe en live. « Made In KuBa » est donc très attendu par les fans, et pas seulement. C’est en mars 2024 que les Suédois ont donné une série de concerts à Iéna en Allemagne et précisément au ‘Kulturbahnhof’, plus communément appelé le ‘KuBa’.
Entièrement enregistré en analogique par l’ingénieur du son du combo, Ove Noring, qui travaille avec lui depuis « Kaleidoscope » paru en 2006, « Made In KuBa » relate à la perfection l’ambiance de ces trois soirées et surtout ce ‘Classic Roots Rock’ que SIENA ROOT élabore depuis une vingtaine d’années maintenant. Cultivant un esprit jam très créatif qui prend régulièrement le dessus, son registre défie le temps et se montre captivant dès les premières notes, où le Psych Rock côtoie le proto-Metal.
Sous l’impulsion de sa frontwoman, Zubaida Solid, également à l’orgue, les quatre musiciens s’engouffrent dans un répertoire savamment sélectionné pour le plus grand plaisir de la chanceuse assemblée présente ces soirs-là. Délicatement rétro, atmosphérique et capable d’éruptions sonores déflagrantes, SIENA ROOT accueille aussi à ses côtés Erik Petersson aux claviers Rhodes et la flûtiste et chanteuse Lisa Isaksson, qui viennent enrichir des morceaux aux riches tessitures. Une saveur vintage qui devient très vite envoûtante.