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Alternative Rock International

Preyrs : a regenerative power [Interview]

Alors qu’elle commençait à se faire un nom, Amy Montgomery a fait le pari d’en changer et de s’afficher en groupe : une belle preuve de ce qui l’unit à ses musiciens depuis le début. Pour autant, PREYRS est la suite logique de l’aventure menée par la chanteuse irlandaise depuis quelques années déjà et dont Rock’n Force s’est fait l’écho dès le début. Le quatuor prend également une autre dimension avec sa récente signature chez Pelagic Records et la sortie de son premier album, « The Wounded Healer ». Légèrement plus sombre et plus massif encore, c’est dans un Alternative Rock peut-être aussi plus arrangé que la frontwoman et ses musiciens œuvrent désormais et ce cap franchi vient confirmer tout le potentiel entrevu notamment sur « Astil » il y a deux ans. L’occasion de faire le point avec une artiste passionnée, enthousiaste, positive et heureuse de la trajectoire prise par son combo.   

– Tu t’en doutes, ma première question concerne ce passage d’AMY MONTGOMERY à PREYRS. Au moment où ton nom commence à être connu et reconnu dans le milieu, c’est un choix très audacieux. Pourquoi ce changement et de qui est aujourd’hui composé le groupe ? Avez-vous gardé le même line-up ?

Pendant l’écriture de l’album, nous avons constaté un changement radical dans le style des paroles et de la musique. C’était plus sombre, plus intense, comme un nouveau chapitre. Nous avons alors décidé que cette liberté d’explorer et d’expérimenter de nouveaux horizons musicaux et textuels était essentielle pour nous. Il était donc temps de donner un nom au groupe. Cela nous permet aussi de mieux définir notre identité musicale, tout en me laissant la possibilité de créer et de sortir de la musique sous mon nom à l’avenir. Désormais, nous avons des axes clairs : plus de musique, plus de concerts et plus de variété ! La formation reste la même, à l’exception du bassiste, Ciarán McGreevy, qui a rejoint le groupe cette année. Je m’occupe de l’écriture et du chant, Michael Mormecha de la composition, de la production et de la batterie, Nolan Donnelly de la guitare et donc Ciarán de la basse.

– Alors que tu avais sorti « Astil » et un live enregistré chez toi à Belfast sous ton nom, la création de PREYRS correspond à votre signature chez Pelagic Records. Est-ce que cela a été l’une des conditions du contrat, ou au contraire l’occasion pour toi de passer à la formation de groupe et de repartir, peut-être pas de zéro, mais en tout cas avec beaucoup de choses à reconstruire ?

Non, ce n’était absolument pas une condition du contrat. C’était un choix entièrement et vraiment personnel. Nous avions prévu de sortir cet album en indépendant, à tel point que nous avions déjà mis en ligne le premier single. Nous avons ensuite contacté Pelagic et avons rapidement sorti le premier single de PREYRS, réorganisé notre planning et préparé l’annonce de la signature avec le groupe. Nous devons reconstruire beaucoup de choses, c’est certain, mais les bases sont solides, tout comme notre vision pour PREYRS. Nous connaissons précisément nos objectifs et nos intentions pour ce projet, ce qui en fait une aventure passionnante ! C’était également incroyablement courageux de la part de Pelagic de nous prendre sous son aile alors que nous étions un projet quasiment nouveau et eux aussi ont perçu notre potentiel ! (Sourires)

– Toujours au sujet de cette signature chez Pelagic Records, est-ce que le fait de beaucoup tourner en Allemagne et d’y passer beaucoup de temps a-t-il joué en votre faveur ? D’ailleurs, êtes-vous dorénavant installés là-bas ?

Je pense que nos nombreuses tournées en Allemagne nous ont d’une certaine manière menés à Pelagic, car toutes les expériences de la vie sont liées. Tourner beaucoup, où que ce soit, et remplir les salles, ou avoir déjà une petite base de fans fidèles, c’est toujours un atout. On a construit quelque chose de vraiment spécial ici en Allemagne, grâce à un travail acharné ces dernières années. Comme je le disais, c’est petit, mais c’est une base très solide car on a une excellente relation avec ceux qui nous soutiennent. Ça joue toujours en notre faveur. Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’Allemagne et l’Irlande… une double vie, en quelque sorte ! (Sourires) Et pour que les tournées fonctionnent, on a deux installations ici et là-bas.

– Parlons de « The Wounded Healer », un premier album où l’on retrouve bien sûr ton style. Et si mes souvenirs sont bons, tu étais partie au Canada en Ontario pour travailler sur ces nouveaux morceaux. Comment s’était passé ce séjour et cette expérience ? Et pourquoi partir si loin ?

C’est exact ! Michael avait reçu un coup de fil de Chris Brown, notre ami musicien et producteur canadien, pour enregistrer des parties de batterie sur un album qu’il produisait. Nous lui avons expliqué que nous avions prévu d’écrire et d’enregistrer ce mois-là en Irlande, et l’idée de réunir nos projets respectifs a rapidement germé. Deux semaines plus tard, nous nous sommes envolés pour Toronto, puis nous avons rejoint Wolfe Island, où Chris avait transformé tout le rez-de-chaussée de l’hôtel en studio improvisé. Nous y avons passé un mois entier, en plein hiver et dans un froid glacial ! (Sourires) C’était comme une retraite d’écriture. Une expérience totalement inédite. Le changement d’environnement, de matériel et d’approche a indéniablement influencé notre musique. Se lever à six heures tous les jours à cause du décalage horaire et se mettre directement à composer… Ce fut un mois de création magnifique, intense, introspectif et rigoureux. Nous avons ensuite repris les démos que nous avions réalisées, conservé quelques pistes originales enregistrées au Canada et celles que nous souhaitions réenregistrer, et nous l’avons terminé en Irlande en février.

– Une Irlandaise de Belfast qui enregistre un album au Canada pour le sortir sur un label allemand n’est pas banal du tout. Quel est l’endroit où tu te sens le mieux et où ta créativité s’exprime pleinement aujourd’hui ? Ca reste l’Irlande ? 

Excellente question ! La créativité se manifeste de bien des façons. Personnellement, je suis particulièrement inspirée par les expériences inédites, ce qui explique mon intérêt précoce pour les voyages et la découverte de différentes cultures. Mais ce qui est irremplaçable, c’est l’esprit irlandais, ou ce fameux ‘craic’ (que l’on peut traduire par passer du bon temps de manière très expressive ! – NDR), comme on dit chez nous. Je ne le retrouve nulle part ailleurs, et c’est un réconfort qui me donne envie de revenir chez moi. En matière de créativité, il suffit d’avoir l’espace et la permission de s’exprimer librement et de laisser voguer ses idées. Avec cet espace, la créativité peut s’épanouir partout. Il est cependant essentiel de se nourrir d’expériences enrichissantes, et pour cela, il faut être pleinement présent. C’est ainsi que l’inspiration peut surgir au moment et à l’endroit propices.

– La première chose qui s’impose sur « The Wounded Healer », c’est cette évolution vers un Alternative Rock plus marqué et massif. Est-ce le registre que tu souhaitais obtenir dès le départ ?

Quand on compose, on utilise une guitare acoustique, un piano ou un synthé. Dès la composition, la chanson peut prendre n’importe quelle direction en termes de production. On avait clairement en tête de donner à cette musique une ambiance et une ampleur similaires à celles de « Change Change », par exemple. De ce point de vue, c’était peut-être un peu préconçu. Mais au final, notre objectif principal était d’écrire de bonnes chansons sans les enfermer dans un genre trop tôt. En revanche, pour la production, on voulait absolument un son puissant et ample ! Michael (Morchecha – NDR) a fait un super boulot là-dessus avec Alex Loring au mixage.

– Toutes les chansons de l’album ont aussi été composées avec Michael Mormecha. Est-ce pour cette raison qu’il contient plus de sonorités électroniques, là où ton Rock était précisément plus brut ? C’est une évolution naturelle pour toi ?

J’ai tellement composé avec Michael par le passé que rien n’a vraiment changé de ce côté-là. Parfois, j’ai déjà la structure de base ou l’idée, et Michael lui donne vie musicalement et à la production. C’était déjà le cas pour des morceaux solo, même à l’époque de « Dangerous ». Les influences de Michael sont aussi variées que les miennes. Outre de nombreuses influences Rock, nous avons toujours été inspirés par des groupes comme The Prodigy, Chemical Brothers et Soulwax, et je pense donc qu’il est tout à fait naturel que cela se ressente dans la production. C’est une évolution naturelle, oui ! Mais cela ne veut pas dire que je ne sortirai jamais de morceaux au son plus brut et naturel sous mon nom. Nous sommes très ouverts et l’évolution ne signifie pas forcément l’arrêt définitif d’un certain style.

– Parlons justement de la production de « The Wounded Healer », qui est plus massive et très soignée dans les arrangements avec aussi un aspect plus sombre globalement. Avez-vous changé vos habitudes d’enregistrement et est-ce que l’album a été proposé tel quel à Pelagic Records ?

Comme je te le disais, le changement radical d’environnement a indéniablement influencé nos habitudes d’enregistrement. Nous n’avions plus notre matériel habituel, nous avons donc fini par composer et enregistrer des démos avec beaucoup d’équipement vintage. Je pense néanmoins que nous serons toujours attirés par le son analogique, même en travaillant en numérique. Cette authenticité est toujours présente dans la production, malgré un son légèrement plus lissé. L’album a été soumis tel quel au label. Nous avons toujours été extrêmement indépendants, et l’autoproduction et le fait de disposer de notre propre studio ont toujours été un atout. Et l’album étant terminé, toute la création nous appartient.

– De tes précédents enregistrements, tu as gardé « Change Change », qui est un énorme hit en puissance. Est-ce le genre de chanson dont on ne peut se défaire si facilement ? Et avait-elle besoin d’un petit lifting pour être dans la continuité de l’album, au moins au niveau du son ?

Ah oui ! « Change Change » est vraiment un titre incontournable, un morceau qui, je crois, avait toute sa place avec PREYRS. On est en tournée en ce moment avec New Model Army, et on joue aussi « Astil », un autre titre de mon ancien répertoire, en live. Parce que ça colle parfaitement. D’ailleurs, « Change Change » n’a pas été modifié pour cet album… ironiquement ! Il a été remasterisé pour que les subtilités sonores s’intègrent bien au reste de l’album, mais à part ça, il est identique. C’est ça qui est génial avec la composition : cette liberté. Quand on a créé un morceau, on a le pouvoir de le jouer dans n’importe quel set, n’importe quel projet et comme on veut ! On gagne plein de nouveaux fans, qui ne connaissaient pas ma musique avant, alors pour eux, « Change Change » est un morceau de PREYRS. Question de perception, non ? C’est marrant ! (Sourires)

– Pour toi qui vis littéralement pour la scène, cela a du être un grand moment de partager l’affiche avec New Model Army. Quels sont tes projets de ce côté-là car, dorénavant, l’Europe te tend les bras ?

Absolument ! Nous sommes en route pour jouer ce soir le huitième concert de la tournée New Model Army (Interview réalisée le 12/11 – NDR). On espère vraiment que le public apprécie notre musique ! Les concerts se déroulent à merveille, toutes les salles étant pleines dès le début de nos sets, c’est tout simplement génial. Ça en dit long sur le public de NMA. Ce sont parmi les plus grands concerts que nous ayons jamais donnés, c’est donc un début idéal pour l’aventure PREYRS. Pour ce qui est de développer notre présence en Europe, nous avons deux mois de tournée en tête d’affiche l’année prochaine, avec un focus sur l’Allemagne avec vingt concerts en mars, ainsi qu’une tournée française en avril, dont l’annonce est imminente. Notre objectif est de continuer à progresser, à jouer, à composer et à sortir des albums ! Avec une super équipe autour de nous, on ne voit aucune raison pour que suivre notre cœur et notre passion ne fonctionne pas ! Un pas après l’autre ! (Sourires)

L’album de PREYRS, « The Wounded Healer », est disponible chez Pelagic Records.

Retrouvez également la chronique d’« Astil » et l’interview d’Amy à l’occasion de la sortie du single « Change Change » :

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Rock Hard

Cassidy Paris : rockin’ lady

Même si elle n’était déjà plus une débutante, CASSIDY PARIS avait réalisé une belle entrée en matière avec « New Sensation » il y a deux ans. Le plus difficile est toujours de confirmer et avec « Bittersweet », la mission de la jeune artiste est accomplie. Se référant aux pionnières du Rock, tout autant qu’à la scène Hard Rock 80’s, ainsi qu’à certaines tendances plus modernes, la musicienne réussit le tour de force d’actualiser un registre qui a fait ses preuves et auquel elle apporte sa personnalité avec beaucoup d’impact et de conviction.

CASSIDY PARIS

« Bittersweet »

(Frontiers Music)

Du haut de ses 23 ans, CASSIDY PARIS compte déjà deux EPs (« Broken Hearted » et « Flirt ») et un premier album, « New Sensation » sorti en 2023 et très bien accueilli. La jeune chanteuse et guitariste continue sur sa lancée et livre aujourd’hui « Bittersweet », où elle marque certaines intentions de manière très claire. Tout d’abord, elle a grandi bien sûr et sa musique aussi. Dans un Rock musclé tirant sur le Hard Rock et très inspiré par la scène américaine avec des groupes comme Bon Jovi ou Warrant notamment, elle emprunte aussi à ces consœurs une fougue féminine à la fois sexy et débridée, façon Pink et Avril Lavigne.

Toujours entourée de son complice Paul Laine, ainsi que Steve Brown, CASSIDY PARIS s’affirme enfin, là où « New Sensation » versait peut-être dans des mélodies faciles. La frontwoman durcit le ton, impose sa voix qui a aussi gagné en puissance et surtout présente des parties de guitares nettement plus convaincantes. L’australienne a mûri et cette maturité s’en ressent dans ses compositions. Egalement compositrice, elle raconte ici sa vie de jeune femme sans détour et s’adresse directement à ses fans qui la suivent aux quatre coins du monde. Sincère et convaincante, elle roule pour un Rock Hard fédérateur.

Sur une production très moderne, « Bittersweet » est accrocheur, bardé de riffs costauds, de solos bien sentis et de chœurs qui apportent ce souffle ‘Power Pop’ très rassembleur. Si elle sait se faire plus douce sur des titres mid-tempos parfois touchants (« Can’t Let Go »), CASSIDY PARIS révèle son caractère sur des morceaux plus pêchus et entraînants, où elle se montre vocalement très sûre d’elle (« Butterfly », « Stronger », « Wannabe », « Undecided », « Brand New Day », « Is Anybody Out There »). Si certaines influences sont toujours très présentes, une personnalité émerge vraiment et on ne parle plus ici d’épiphénomène.   

Photo : Ian Ritter

Retrouvez son interview à l’occasion de la sortie de « New Sensation » :

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Rock Progressif

Airbag : la beauté et l’élégance

Aérienne et immersive, deux adjectifs qui reviennent régulièrement et de manière inévitable qualifier la musique d’AIRBAG. Pleine d’émotion et hors du temps, elle possède ce don de transcender un Rock Progressif qui, s’il ne manque pas de références, a su les gommer au fil des disques pour devenir parfaitement identifiable. Le combo possède un son et une élégance inimitable qu’il parvient à restituer en concert, grâce à un répertoire pointu et d’une sophistication non-exagérée. « Dysphoria (Live In The Netherlands) » vient couronner et se faire le témoin d’une dernière tournée qu’il fallait immortaliser.

AIRBAG

« Dysphoria (Live In The Netherlands) »

(Karisma Records)

Un peu plus de 20 ans après leur première invitation en format court, « Come On In », AIRBAG est devenu incontournable dans le petit monde du Rock Progressif. Alors qu’on les retrouve souvent à cinq sur scène, c’est surtout le trio composé d’Asle Tostrup (chant, claviers, programmation), Henrik Bergan Fossum (batterie) et Bjørn Riis (guitare, basse, claviers et chant) qui œuvrent à la création. Cette fois au complet, c’est au Poppodium Boerderij de Zoetemer au Pays-Bas, qu’ils ont capté l’une de leurs prestations et le plaisir s’étend ici sur près d’une heure quarante pour un voyage aux paysages captivants.

Les fans apprécieront, d’autant que malgré une discographie de six albums, les Scandinaves n’avaient pas encore enregistré d’album live. C’est donc chose faite avec « Dysphoria (Live In The Netherlands) », doublement fourni et qui, en plus de proposer l’intégralité du dernier opus studio « The Century Of The Self », rassemble leurs désormais classiques. Afin de retrouver toute la finesse et la précision de leur travail en studio, c’est leur ingénieur du son de longue date, Vegard Kleftås Sleipnes, qui s’est chargé de restituer la couleur et la brillance du répertoire d’AIRBAG. Un travail minutieux et exemplaire en tous points.

Artistiquement, les Norvégiens sont probablement à leur apogée, tant leurs dernières productions sont d’une créativité toujours renouvelées et c’est cette énergie forte combinée à une beauté très délicate qui transparaît sur ce live. Amples et cinématographiques, les morceaux prennent ici une dimension supplémentaire pour livrer des moments assez époustouflants (« Machines And Men », Redemption », « Dysphoria », « Erase », « Tear It Down » et ses 16 minutes, ou encore « Homesick » qui clot le concert sur plus de 20 minutes). AIRBAG confirme qu’il est aussi un véritable groupe de scène à l’intensité rare.

Photo : Anne-Marie Forker

Retrouvez les dernières chroniques et interviews du groupe, ainsi que celles des albums solo de Bjørn Riis :

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France Post-Metal

Maudits : perseverare metalium [Interview]

Cinq ans après sa création, les Parisiens sont un modèle de progression et surtout de constance dans leur créativité. D’un line-up en trio qui a évolué en quatuor et d’un registre entièrement instrumental qui s’offre aujourd’hui quelques guests vocaux, MAUDITS n’a pas forcément choisi la facilité et pourtant son Post-Metal est l’un des plus audacieux de la scène hexagonale… et de loin ! De retour sur son label originel, le groupe surgit avec un nouvel album surprenant, très bien produit, d’une technicité irréprochable et d’un sens du songwriting rare. Guitariste et fondateur de cette belle entité, Olivier Dubuc revient sur l’élaboration et la composition d’« In Situ » et pose un regard serein sur la démarche de la formation.

– MAUDITS est de retour avec un quatrième album et quelques nouveautés. Tout d’abord, vous réintégrez Klonosphere où vous aviez sorti l’éponyme « Maudits » en 2020 et « Angle Mort » en 2021. Retour au bercail ?

En fait, nous avons toujours été satisfaits du travail de Klonosphere pour la promotion et la distribution, et nos échanges ont constamment été harmonieux. Sortir « In Situ » avec eux a donc été une évidence. Concernant Source Atone Records, cela n’a tout simplement pas été pleinement satisfaisant pour les deux parties, et si on les remercie d’avoir travaillé sur le split avec Saar et sur « Précipice », nous ne souhaitions juste plus continuer la collaboration avec eux. On ne leur souhaite en tout cas que du bon ! (Sourires)

– Vous avez aussi officialisé Raphaël Verguin, votre violoncelliste de longue date autant en studio que sur scène, comme le quatrième membre de MAUDITS. De trio à quatuor, vous changez un peu de format, est-ce à dire que vous avez aussi modifié quelques habitudes dans la composition, par exemple ?

C’est quelque chose de très naturel finalement, car il est avec nous depuis notre deuxième album, « Angle Mort », et son importance au sein du groupe est aussi de plus en plus importante en termes de composition et sur notre son également. La différence est que maintenant on se connaît parfaitement musicalement et humainement, donc pour « In Situ », le processus a été encore plus fluide et efficace que sur les précédents. Et Raphaël a été comme à son habitude très inspiré et pertinent. Nous sommes extrêmement chanceux de l’avoir avec nous. Par ailleurs, nous ne jouons en live avec lui qu’à titre exceptionnel et essentiellement sur le format duo/trio acoustique, qui sied bien mieux à son instrument. Il n’est pas exclu que l’on fasse des concerts en configuration électrique un jour en sa compagnie si l’occasion se présente, mais c’est logistiquement compliqué à organiser. De plus, il a une vie familiale et professionnelle dense, qui ne lui permettrait actuellement pas de suivre le rythme pour toutes les répétitions et les concerts.

– « In Situ » marque aussi la fin d’une musique entièrement instrumentale avec deux titres chantés. D’ailleurs, vous reprenez le morceau de Portishead, « Roads », sorti en 1994. Vous sortez donc de différentes manières du répertoire ‘strict’ de MAUDITS ? Est-ce la fin d’un cycle ?

L’idée était surtout de nous faire plaisir ! « In Situ » a volontairement été conçu sur une période très courte, et tout ce que nous avons fait sur cet album a été décidé et concrétisé spontanément. Portishead est un groupe important dans mon parcours musical et « Roads » est juste un morceau magnifique. Avec Chris, le batteur, nous l’avions déjà repris avec notre formation précédente, et nous avons eu récemment l’occasion de l’interpréter avec MAUDITS lors de concerts en formation duo/trio, en invitant d’ailleurs des chanteuses différentes à chaque fois. Et c’est Mayline du groupe Lůn qui l’interprète sur l’album.

– On découvre ensuite Olivier Lacroix, membre des groupes Erlen Meyer et Novembre, dans un style très spoken-word, parfois scandé et screamé en toute fin. C’est une façon de provoquer une cassure, sachant aussi que MAUDITS avait également des teintes Post-HardCore à ses débuts ?

C’est vrai que cela tranche un peu avec ce que nous faisons habituellement. Cela nous plait beaucoup. Et la voix d’Olivier et ses textes nous ont totalement happés dès le départ, plus particulièrement sur Novembre du fait de l’originalité de sa démarche artistique avec ce Slam/Rap très sombre truffé d’ambiance quasi Black Metal. Son niveau d’écriture est hors du commun, et son flow traînant et hanté correspondait parfaitement à ce que l’on imaginait pour « Carré d’As ». Nous sommes plus qu’enchantés de cette collaboration et pour nous c’est l’un des morceaux les plus forts d’« In Situ ». A titre personnel, je n’aurais jamais imaginé produire un morceau avec du chant rappé en français, et je suis heureux d’avoir dépassé ce préjugé grâce au talent et à la pertinence d’Olivier !

– Ces deux chansons sont inédites dans votre parcours, car l’essentiel se passe en version instrumentale. Que retenez-vous de ces expériences et est-ce que l’idée d’intégrer du chant a pu vous traverser l’esprit, un moment pour la suite ?

Nous sommes totalement satisfaits de ces deux morceaux chantés et ils affirment un peu plus l’aspect libre de notre démarche artistique. On ne peut jamais dire jamais, mais aujourd’hui nous restons un groupe instrumental. Nous collaborerons probablement avec d’autres chanteuses et chanteurs dans le futur, mais cela devrait rester ponctuel. Nous verrons bien ce que nous dira l’avenir ! (Sourires)

– L’un des particularités aussi est le morceau « In Situ », qui se présente comme un interlude sur le disque. Il a été enregistré en live et en extérieur entouré d’oiseaux. Que représente-t-il pour vous, car il donne tout de même son titre à l’album ?

Pour nous, il symbolise parfaitement l’état d’esprit et la manière dont cet album a pris vie. Je tenais vraiment à l’enregistrer en live, en extérieur et en one-shot, avec juste des micros posés devant la guitare acoustique, le violoncelle et les bruits environnants. Ce morceau représente donc l’essence même et l’âme de cet album avec aussi le concept de l’artwork où le trèfle continue de vivre au milieu d’une ville abandonnée et où la végétation reprend progressivement ses droits.

– On découvre aussi la troisième partie du morceau « Précipice », qui s’étend sur plus 30 minutes au total. Ce triptyque est très long et très cinématographique aussi. L’idée d’adopter une démarche proche d’une bande originale lors de la composition a-t-elle été évidente dès le départ ?

Oui, nous composons toujours à la manière d’une B.O., c’est une chose instinctive. Nous cherchions une manière d’arranger « Précipice Part 1 » pour l’adapter à cette configuration. En le travaillant, nous avons presque totalement changé la structure et revu différemment toutes les parties, à tel point qu’il en est concrètement devenu un morceau à part entière. Nous l’avons donc réarrangé en studio avec la basse/batterie et enrichi de beaucoup d’autres éléments comme des claviers et des effets. Et étant donné qu’il était basé sur les thèmes mélodiques des « Part 1 & 2 », l’idée d’en faire la « Part 3 » s’est imposée à nous !

– Enfin, j’aimerais qu’on dise aussi un mot de la production, car vous avez expérimenté beaucoup de choses au fil des albums et, avec « In Situ », MAUDITS semble montrer son environnement sonore le plus abouti. Est-ce aussi votre sentiment ?

Totalement. On s’en rend compte maintenant avec un peu de recul, et des dires même de notre producteur Frédéric Gervais des Studios Henosis, que c’est certainement notre sortie la plus variée en termes d’ambiances et d’arrangements. Nous avons tenté plein de choses nouvelles sur cet album que nous n’avions jamais faites auparavant, mais toujours dans la spontanéité et guidés par le plaisir et l’envie. La seule contrainte que l’on s’impose depuis le début avec MAUDITS est de rester cohérent, ce qui je pense est le cas avec « In Situ ». Nous sommes parfaitement heureux du résultat final. Mais l’album, désormais, ne nous appartient plus. Ce sera aux auditeurs de juger si nous avons transformé l’essai, ou pas ! (Sourires)

Le nouvel album de MAUDITS, « In Situ », est disponible chez Klonosphere.

Photos : Alexandre Le Mouroux

Retrouvez les interviews et les chroniques des réalisations de MAUDITS depuis ses débuts :

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Bluesy Rock International Pop Soul / Funk

Tora Daa : une profonde liberté [Interview]

Multi-instrumentiste, compositrice, chanteuse et productrice, TORA DAA est devenue depuis quelques années maintenant une valeur sûre de la scène norvégienne et elle n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à exporter son talent. Avec un style inimitable et un jeu de guitare très personnel, la frontwoman s’est créé un univers aux composantes multiples. Même si elle s’en défend, c’est sur une constante assez Blues que se construit son registre où viennent se mêler Rock, Pop et Funk dans une belle harmonie. Son quatrième album  « Prayer And Pleasure », sorti il y a quelque semaines, libère une sensation de totale liberté dans le jeu et un propos fort et engagée. Rencontre avec une artiste, qui sort des sentiers battus pour exposer une virtuosité à la fois délicate et solide.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on évoque ton style musical, qui est assez particulier. Il est fait de Rock, de Soul, de Pop, de Funk et même de sonorités psychédéliques. Pourtant, tu reviens aussi toujours au Blues qui reste présent à travers tous tes morceaux. Est-ce que tu le considères comme la pierre angulaire de ton registre, sa base ?

J’adore le Blues, mais je ne peux pas dire que ce soit mon influence principale. Je ne l’ai pas assez écouté, ni étudié pour affirmer qu’il a eu un impact majeur sur ma musique. Mais après tout, le Blues est partout et dans tous les genres. Pour moi, toute la musique que j’ai écoutée fait partie de mon processus de composition.

– Tu as sorti ton premier album « Tora » en 2019, et en quatre réalisations, tu t’es vraiment affirmée, ainsi que sur scène, avec un style qui a aussi évolué. Sur « Prayer And Pleasure », tu sembles atteindre une certaine maturité qui passe par un rapport plus direct et efficace dans ton jeu et la composition. Est-ce aussi un sentiment que tu partages ? 

Oui, je pense que c’est le cas. La composition était quelque chose que je trouvais très difficile au début et je savais que je devais y travailler tous les jours pour m’améliorer. Et c’est ce que j’ai fait et que je continue de faire. Quand je ne suis pas en tournée, je suis au studio tous les jours pendant des heures à essayer de créer quelque chose. Peu importe que ce soit une idée de chanson, un riff de guitare ou une vidéo Instagram. Je crois que le simple fait d’y aller quotidiennement, et de créer même la plus petite chose, permet d’améliorer ses compétences et d’être bénéfique sur le long terme. Alors oui, je pense que « Prayer And Pleasure » est mon meilleur travail à ce jour et j’en suis vraiment fière. D’autant plus que j’ai produit l’album moi-même et que j’ai également enregistré tous les instruments. J’ai demandé à un ami de jouer de la batterie sur quelques morceaux, mais à part ça, tout ce que vous entendez, c’est moi.

– Justement, « Prayer And Pleasure » offre une production, que tu as signée avec Benjamin Giørtz, plus épurée et organique. L’album donne l’impression de vivre un moment que tu as voulu figer. L’objectif était-il d’être la plus spontanée possible et d’être dans une immédiateté très palpable ?

Oui, je voulais que cet album soit plus authentique. C’est pour cela que la plupart des enregistrements de guitare et de voix ont été réalisés en une seule prise. C’était un processus vraiment agréable et je suis très fière du résultat.

– Comparé à « Seventeen » sorti il y a trois ans, il y a beaucoup plus de contrastes musicalement, ainsi que dans les textes. Il y a aussi une intimité très présente sur ces nouvelles chansons. Est-ce que « Prayer And Pleasure » est ton album le plus personnel à ce jour ?

C’est vrai ! Mais en même temps, je voulais que les chansons, aussi personnelles soient-elles, puissent être accessibles à tous. Et en ce sens, trouver le juste équilibre a été un processus intéressant et stimulant.

– D’ailleurs, tu as dit avoir écrit sur des thèmes que tu n’avais jamais abordés auparavant. Comment ce déclic a-t-il eu lieu et est-ce finalement une quête de totale liberté artistique, qui t’a mené à une si forte implication ?

Je pense que c’est arrivé naturellement. J’ai 31 ans aujourd’hui et c’est mon quatrième album, donc j’ai déjà écrit et sorti beaucoup de chansons amusantes et ‘faciles’. J’étais prête à composer les morceaux que j’attendais de pouvoir écrire. De plus, le fait que le thème principal de cet album soit la façon dont la religion a traité les personnes LGBTQ+ m’a obligée à vraiment me plonger dans le sujet pour trouver les mots justes.

– Comme certains morceaux figurent sur l’album, j’aimerais qu’on parle de la commande passée par le ‘Trondheim Festival’, qui est une institution en Norvège. En quoi cela a-t-il réellement consisté par rapport à ta vision musicale habituelle et y avait-il des impératifs ?

Il n’y avait aucune contrainte, et c’est pourquoi j’ai pris tellement de plaisir à sa création. J’ai passé plus d’un an à le terminer et beaucoup de chansons se sont retrouvées sur mon album, en effet. Je ne pensais pas que cela arriverait, mais j’en suis vraiment ravie. Ce processus était différent de tout ce que j’avais fait auparavant. J’avais une chorale gospel de 15 personnes sur scène avec moi, ainsi que mon groupe. J’ai dû écrire de la musique pour une chorale pour la première fois et aussi monter un spectacle de toutes pièces avec de nouvelles musiques, de nouveaux arrangements, un sujet difficile, etc… C’était une expérience incroyable. Cela a fini par influencer tout l’album et je ne pense d’ailleurs pas que j’aurais pu le terminer sans ce projet.

– Cela doit être une expérience particulière pour une artiste. Qu’est-ce qui change principalement de la composition classique d’un album ? Est-ce que cela réside dans le temps accordé ou dans une certaine ligne musicale à respecter ?

J’ai vraiment pu faire tout ce que je voulais et je pense que c’est important lorsqu’on demande à un artiste de réaliser un projet de ce type. Se sentir libre en composant de la musique est la chose la plus importante, à mon avis.

– J’aimerais que l’on parle de ton jeu de guitare qui a des sonorités très Blues, mais pas seulement. On te sent très libre dans la composition, au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Il y a quelque chose d’entier qu’on retrouvait beaucoup chez Prince, qui englobait tous les styles. Le plus important, selon toi, est-il d’atteindre une façon de jouer et d’écrire la complète possible ?

Pour moi, jouer de la guitare, c’est la liberté. Je n’écoute pas beaucoup de ‘musique de guitare’. Je n’en ai jamais vraiment écouté et cela m’a vraiment aidé à créer mon propre son. On m’a dit que l’on pouvait entendre des influences de Jeff Beck et de Prince dans mon jeu, mais je n’ai jamais vraiment écouté aucun d’entre-eux. Bien sûr, j’ai entendu beaucoup de chansons de Prince, mais ce n’est pas un artiste que j’ai écouté pendant des heures. Et je crois que j’ai entendu trois ou quatre morceaux de Jeff Beck. Les gens veulent toujours comparer les guitaristes entre eux et je n’aime pas trop ça. Mon jeu de guitare s’inspire de moi-même et mon propre cheminement. Quand je compose un solo de guitare, que ce soit pour une chanson ou simplement pour une courte vidéo Instagram, je chante toujours avant de jouer. C’est-à-dire que je m’enregistre en train de chanter la partie du solo, puis je prends ma guitare et je construis mon solo autour de ce que j’ai chanté. Cela rend chaque note personnelle et authentique, et non basée sur ce que les autres aiment, ou sur ce que quelqu’un d’autre aurait joué. C’est entièrement moi et mon esprit un peu bizarre.

– Pour rester dans le domaine de la guitare, tu es aussi l’ambassadrice mondiale de Marceau Guitars, ce qui est une belle reconnaissance. La marque propose même des modèles signatures, conçus spécialement pour toi. Quelles sonorités souhaitais-tu obtenir par rapport aux standards habituels et quelles sont les principales caractéristiques de ces instruments en édition limitée ?

Pour moi, les guitares Marceau sont les guitares parfaites. Je l’ai ressenti tout de suite, la première fois que j’ai joué avec. La stabilité et la sensation de jouer sur cet instrument m’ont immédiatement convaincu que c’était celui qu’il me fallait. Je ne pense pas que je jouerai un jour sur d’autres guitares, car honnêtement, je n’en ai ni le besoin, ni l’envie. Ce sont les meilleures guitares du monde.

– Enfin, un mot aussi sur ton chant qui prend de l’assurance au fil des albums. Est-ce un domaine que tu travailles aussi beaucoup et a-t-il, à tes yeux, la même importance que ce que tu peux développer à la guitare ?

Oui, absolument. Pour moi, chanter et jouer de la guitare sont souvent indissociables. J’ai passé un nombre incalculable d’heures à travailler à la fois mon jeu de guitare et mon chant. Je répète tous les jours. Mon chant s’améliore constamment, ce qui me rend vraiment heureuse. Et lorsqu’il s’améliore, mon jeu de guitare s’améliore aussi, car les deux sont liés.

Le nouvel album de TORA DAA, « Prayer And Pleasure », est disponible sur le label de l’artiste et disponible sur son site : https://toradaa.com/

Photos : Kristian Ringen (2, 3, 4, 5)

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Desert Rock Drone post-Rock

SoftSun : une projection lumineuse

L’entente américano-norvégienne entre Gary Arce et Pia Isaksen continue d’œuvrer dans un même élan avec un style qui s’affirme sur « Eternal Sunrise ». Changement de label et aussi de batteur pour le trio dont le Post-Rock au saveurs Desert Rock trouve son harmonie dans une lueur qu’a priori tout oppose. Cette nouvelle réalisation est dense, presque onirique, et invite autant à la rêverie qu’au voyage. L’immersion proposée par SOFTSUN brille aussi grâce à un jeu d’une incroyable minutie et des arrangements très soignés.

SOFTSUN

« Eternal Sunrise »

(Heavy Psych Sounds)

Depuis deux maintenant, la connexion entre les terres norvégiennes balayées par le froid et les paysages arides du désert de Mojave en Californie est établie et pas le moindre parasite à l’horizon. Un horizon justement aussi lointain qu’imprévisible que la chanteuse et bassiste scandinave Pia Isaksen et l’Américain Gary Arce à la guitare ont transformé en terrain de jeu. Assez éloigné de leurs projets musicaux respectifs (Superlynx et une carrière solo pour l’une, Yawning man et ses dérivés pour l’autre), SOFTSUN affiche une osmose évidente et un univers singulier.

Un an tout juste après un premier effort étonnant et réussi, les deux musiciens poursuivent leur belle aventure et développent encore un peu plus leur Post-Rock aux contours Shoegaze, Desert et parfois Drone. Légèrement moins expérimental, « Eternal Sunrise » s’inscrit pourtant dans la lignée de « Daylight In The Dark » avec toujours cette ambiance à la fois mystérieuse et emprunte d’une légèreté très fluide. Et puis, SOFTSUN acte aussi l’arrivée de Robert Garson, en lieu et place de Dan Joeright, derrière les fûts et la console, puisqu’il a également enregistré ce deuxième opus.

Toujours aussi aérien, le trio joue sur des tempos lents et hypnotiques, laissant tout le loisir à Gary Arce de s’engouffrer dans un flot d’effets captivants dessinant des atmosphères assez uniques. Vocalement lumineuse, Pia Isaksen distille son chant de manière très éthérée, tout en faisant bourdonner sa basse à l’envie. Sensuel, subtil et parfois mélancolique, SOFTSUN s’est façonné un registre bien à lui. Hypnotique et lancinant, « Eternal Sunrise » captive (« Sacred Heart », « A Hundred And Sixteen », « Abandoned Lands »). Le combo se dévoile ici encore un peu plus.

Retrouvez l’interview de Pia Isaksen et Gary Arce à l’occasion de la sortie de « Daylight In The Dark » :

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Hard 70's International Psychedelic Rock Rock 70's Space Rock Stoner Rock

Kadavar : P.R.O.P.H.E.T.I.C. [Interview]

Si de nombreux fans ont pu être déboussolés par les accents Pop du très aérien « I Just Want To be A Sound », sorti il y a tout juste six mois, qu’ils se rassurent, KADAVAR renoue avec le Stoner Rock très Psych et tirant sur le Hard Rock, qui a fait son succès jusqu’à aujourd’hui. Et la nouvelle est d’autant plus belle que les Allemands sont plus inspirés que jamais sur ce « K.A.V.A.D.A.R. », qui s’affiche ici en lettres capitales. En plein milieu d’un triptyque musical mis en œuvre sur le présent album, le quatuor explore une facette plus sombre et chaotique de son répertoire, jetant ainsi un regard acerbe et ironique sur un monde en pleine déliquescence. Non sans humour, Christoph ‘Lupus’ Lindemann, guitariste et chanteur du quatuor, vient apporter quelques éclaircissements sur une démarche que peu avait saisi.

– En mai dernier, vous aviez sorti « I Just Want To Be A Sound ». Et vous aviez déclaré que c’était un album nécessaire. Pour autant, beaucoup de monde ont aussi été surpris par son contenu. Etiez-vous à la fin d’un cycle ?

En fait, je pense que la fin du cycle a vraiment eu lieu au moment de la sortie de « For The Dead Travel Fast » en 2019. C’est ce qui a enclenché un nouvel élan et ouvert une nouvelle page. En ce moment, je dirai que nous sommes au milieu d’un nouveau cycle.

– Six mois plus tard, vous êtes donc déjà de retour avec « K.A.D.A.V.A.R. ». Lequel de ces deux disques est-il celui de la renaissance ? Et puis, sortir un album éponyme avec un titre en majuscule n’est pas anodin, non plus…

Oui, c’est vrai, et cela correspond bien à ce que représente ce nouvel album finalement. Nous nous sommes dit que le nom du groupe serait un bon titre. D’une certaine manière, les deux derniers disques correspondent ensemble, ils sont liés. Ils racontent une histoire commune. Beaucoup de morceaux sont aussi été écrits pour un album plus sonore, et ils ne figurent pas sur le disque. Je dirai que les deux derniers albums sont en fin de compte assez équivalents dans la démarche et dans leur élan.

– Finalement, il n’y a que six mois entre les deux albums. Aviez-vous commencé à travailler sur le nouveau juste après « I Just Want To Be A Sound » ? Ou a-t-il été une sorte de déclic ?

Oui, beaucoup de chansons étaient déjà écrites. Nous avons travaillé dans notre propre studio et c’est aussi plus facile de le faire dans une certaine continuité. Et puis, il n’y avait pas de tournée de prévu, non plus, ce qui nous a laissé du temps. « I Just Want To Be A Sound » avait été réalisé en août de l’année dernière et il n’est sorti qu’en mai. Nous avons donc eu plus d’un an sans obligation particulière, alors nous avons juste continué à composer, à écrire et à enregistrer. Et lorsque l’album est sorti, nous nous sommes dit que ce serait cool d’en avoir un autre pour la tournée qui allait suivre. Et puis, ils se suivent vraiment surtout.

– L’impression que donne ce nouvel album est que KADAVAR retrouve sa pleine puissance et prend même un nouveau départ. Et la première évidence est dans le son, qui a aussi gagné en amplitude. Cela vous a-t-il semblé nécessaire d’enregistrer en analogique pour y parvenir ?

En fait, c’est une manière d’y arriver. Il a plusieurs façons d’obtenir un bon résultat. Pour nous, enregistrer sur bande a toujours été quelque chose de très important, parce que je pense que notre son est vraiment taillé pour ça. Oui, pour nous en tout cas, c’est sans doute nécessaire. C’est vrai que nous avons aussi fait beaucoup d’enregistrement numérique auparavant, mais pour ce nouvel album de KADAVAR, cela ne pouvait se faire qu’en analogique.

– Ce nouvel album a de fortes sonorités Hard Rock et Stoner et les éléments psychédéliques sont aussi très présents. Avez-vous le sentiment d’avoir trouvé une forme d’équilibre dans votre musique ?

Non ! (Rires) J’adorerai, mais je ne pense pas ! (Rires) Tu sais, ce n’est jamais la même chose, chaque album est différent et à chaque fois que nous nous mettons à composer, ce n’est jamais la même chose. Par exemple, quelque chose qui est bien aujourd’hui pourra nous paraître mauvaise le lendemain. Mais je pense que pour cet album, nous y sommes parvenus. Je pense que l’équilibre est bon. J’aurais peut-être pu mettre plus d’éléments psychédéliques, mais ça, c’est juste mon opinion. (Sourires) Comme je te le disais, chaque album est différent, et à chaque fois que l’on commence à écrire, il faut recommencer beaucoup et essayer plein de choses. Il faut trouver de quoi il a réellement besoin. Est-ce qu’il faut qu’il soit plus joyeux, plus lourd, plus rapide ou plus lent ? Est-ce qu’il sera plus psychédélique ou Stoner Doom ? Ce n’est jamais la même chose et tout ça dépend vraiment de l’enregistrement. Une chose est sûre, c’est tout le temps différent.

– « K.A.D.A.V.A.R. » est également sombre et parfois même brutal avec un regard presque cynique sur le monde. Est-ce finalement notre époque qui vous a conduit à composer un album aussi contrasté et direct ?

Oui, c’est sûr. L’album précédent était plus axé sur le son avec beaucoup de travail sur les sonorités et les ambiances. Il était beaucoup plus personnel dans un sens. Tandis que celui-ci est clairement basé sur tout ce qui nous entoure, nos gouvernements, tout ce qui se passe mal dans le monde avec, en point d’orgue, la chanson « Total Annihilation ». Si nous continuons à détruire le monde tel que nous le connaissons, sa chute sera inévitable. C’est vrai que c’est un album très sombre, mais avec un peu d’humour quand même. C’est nécessaire d’avoir un sourire, une vision d’ensemble et une confiance aussi en la vérité et la réalité du monde. Alors, parfois, cela peut être drôle, car on ne peut pas faire grand-chose dans le domaine à titre uniquement personnel. Ce que l’on peut faire, c’est d’en parler en chantant et en espérant que cela finisse par aller mieux à un moment ou un autre… (Sourires)

– Ce nouvel album est aussi le plus varié de votre discographie. Après 15 ans, KAVAVAR a-t-il, selon vous, atteint une certaine maturité artistique qui vous permet d’explorer tous les styles que vous voulez ? Sans contrainte et avec maîtrise ?

Oui, je pense et je l’espère aussi. (Sourires) J’espère que nous sommes aujourd’hui dans une position où nous pouvons jouer la musique que nous voulons et écrire ce que l’on veut écrire… Et que les gens apprécient cela ! J’ai toujours été fatigué et ennuyé par le fait de composer un seul style de musique, car j’aime beaucoup de choses. Et c’est quelque chose avec laquelle j’aime jouer. J’adore tourner autour de ça et le traduire dans les chansons de KADAVAR. C’est vraiment quelque chose qui m’amuse et que j’aime beaucoup faire.

– J’aimerais que l’on parle du morceau « Stick It », qui est un moment fort et très Space Rock de l’album, où il y a même un passage parlé en français. D’où vous est venue cette idée ?

En fait, « Stick It » signifie « Enfonce-le toi dans le cul » ! (Rires) C’est vrai que cela nous est venu d’un truc en français que notre bassiste Simon (Bouteloup – NDR) a écrit. C’est vrai que c’est un morceau très Space Rock, un peu comme ce que faisait Hawkwind dans les années 60 avec ce type de solo, comme un groupe de voyageurs entourés de fleurs avec des fans japonaises… Et en effet, je pense que c’est une autre manière de dire « Fuck Off » ! (Rires) Trop, c’est trop : alors, allez tous vous faire foutre ! C’est une chanson, qui parle de ça, oui… (Rires)

– Par ailleurs, même si « K.A.D.A.V.A.R. » montre un songwriting très élaboré et solide, il donne aussi une impression d’insouciance et de grande liberté. Etait-ce votre état d’esprit au moment de sa composition ?

Oui, c’est toujours le but d’avoir un esprit libre et de laisser notre tête faire le travail, afin que les chansons sortent le plus naturellement possible. Alors, parfois ça marche et d’autres pas. Je pense que nous avons eu plus de facilités à composer ce deuxième album, parce que ce qui avait été fait ne nécessitait pas qu’on y donne une suite. C’était beaucoup plus simple, et il y a avait aussi moins de pression. Cela nous a libéré pour faire l’album parfait, car nous étions vraiment focalisé dessus et sur rien d’autre. Cela a d’ailleurs été très amusant de continuer à écrire et à enregistrer de la manière dont nous le souhaitions et en totale liberté. Et puis, personne ne savait que nous allions sortir un nouvel album, pas même notre label ! C’était donc très rigolo à faire ! (Rires)

– Enfin, ce nouvel album est donc le deuxième d’une trilogie, ou plutôt d’ailleurs d’un tryptique, car ils seront très différents les uns des autres. Ne me dites pas que vous travaillez déjà sur le troisième ? Si ?

Si, c’est vrai. Nous travaillons dessus, mais… (Silence) On verra bien, je ne peux vraiment pas t’en dire plus ! On en parlera quand ce sera terminé ! (Rires) Nous avons des idées, un sujet aussi et nous avons de quelle manière nous allons le faire. Dans l’immédiat, nous avons beaucoup de concerts et c’est ce que nous allons d’abord faire. Nous sommes concentrés là-dessus. Quand nous aurons le temps de nous réunir en studio, nous verrons à ce moment-là vers où on décidera d’aller…

– Parfait, nous avons donc juste six mois à attendre !

(Eclat de rire) Peut-être, c’est possible ! (Rires) Et peut-être qu’il arrivera même avant Noël, qui sait ??? (Rires)

Le nouvel album de KAVADAR, « K.A.D.A.V.A.R. », est disponible chez Clouds Hill.

Photos : Marina Monaco

Retrouvez la chronique de « I Just Want To Be A Sound » :

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Heavy Stoner Rock International Stoner Blues

Bone Church : a roots & bluesy side [Interview]

Ayant émergé de la brume et des ténèbres du Connecticut en 2016, BONE CHURCH n’a pas mis bien longtemps à conquérir un public toujours plus nombreux, grâce à un jeu aussi explosif que singulier. Si le quintet revendique développer des atmosphères sombres, il ne faut pas compter sur lui pour rester figer dans un registre unique. Les Américains sont des explorateurs sonores et si leurs racines vont puiser dans le Heavy Metal et le Doom marqué d’une touche 70’s, « Deliverance » vient prendre tout le monde de revers. C’est en effet sa facette la plus Rock et surtout Blues de son Stoner qui ressort de ce troisième album à la fois roots et addictif. Dan Sefcik, lead guitariste du groupe, nous en dit plus sur sa conception et sur les chemins tortueux empruntés par le quintet.

– BONE CHURCH a fait du chemin depuis 2017 et la sortie du premier album éponyme. Aujourd’hui sur « Deliverance », qui porte d’ailleurs bien son titre, vous affichez beaucoup d’assurance et de confiance. On vous sent à un sommet créatif. Est-ce aussi ton sentiment ?

Oui, je pense que c’est notre meilleur album à ce jour. Nous avions pour objectif d’écrire un disque de Rock qui deviendrait un classique et je crois que nous avons plutôt bien réussi. Après ça, ça ne pourra être que moins bien ! (Sourires)

– Sur vos deux premiers albums, les aspects Heavy Metal et Doom étaient nettement plus présents, même si une teinte bluesy était déjà perceptible. « Deliverance » est clairement Hard Rock, Classic Rock et surtout Blues. Est-ce le style de Stoner que vous avez toujours cherché à jouer, ou êtes-vous toujours en quête d’exploration sonore ?

C’était un choix délibéré lors de la composition de cet album. Comme la plupart des musiciens, je puise mon inspiration dans la musique que j’écoute le plus. Comme ce sont  principalement Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath et ZZ Top, cela se reflète naturellement dans mes compositions. Cela dit, j’écoute aussi beaucoup de styles différents et il m’arrive de me passionner pour certains genres, ou groupes. Alors, qui sait, vous aurez peut-être le droit à un album de Country Outlaw ou de Funk de la part de BONE CHURCH à l’avenir ! (Rires)

– Pour rester sur le Blues, même si BONE CHURCH est avant tout un groupe de Stoner Rock, vous sentez-vous d’une manière ou d’une autre appartenir à cette famille musicale ?

Je pense que nous sommes une petite branche sur l’immense arbre du Blues, tout comme l’étaient Zeppelin ou Black Sabbath. Nous voulions juste que vous l’entendiez, car c’est un élément essentiel de notre son. Mais nous ne sommes certainement pas un groupe de Blues à part entière.

– En réécoutant votre discographie, une chose m’a amusé. Vos albums comptent assez peu de morceaux, même si certains s’étalent sur la longueur. Le premier en contenait cinq, le deuxième six et celui-ci sept. Y a-t-il eu cette fois un élan supplémentaire, ou est-ce votre univers qui s’élargit ?

Beaucoup de ces chansons ont été écrites au début du confinement lors de la pandémie, j’avais donc plus de temps qu’avant pour me consacrer entièrement à la musique. Huit chansons ont été enregistrées pour l’album « Deliverance », mais l’une d’entre elles ne correspondait pas tout à fait à l’ensemble. Elle finira cependant par être publiée un jour ou l’autre, je pense.

– Depuis « Acid Communion » sorti il y a cinq ans maintenant, vous avez beaucoup tourné et cela s’entend sur « Deliverance », car si vos thématiques sont les mêmes, vous évoquez dorénavant la vie sur la route et les joies simples du Rock’n’Roll. Le côté obscur de BONE CHURCH est-il en train de s’éclaircir, d’autant que vos morceaux sont aussi plus lumineux ?

Eh bien, la réponse est tout simplement oui. Nous voulions écrire des chansons qui soient simplement amusantes et dont les thèmes soient moins noirs ou pesants. En même temps, je pense que des chansons comme « Lucifer Rising » et « The Sin of 1000 Heathens » sont plus sombres que jamais. C’est donc juste une autre facette de notre personnalité que nous voulions montrer.

– Ce qui est aussi un peu surprenant sur « Deliverance », c’est cette approche plus Southern dans votre jeu, notamment sur « Goin’ To Texas » et « Muchachos Muchachin’ », évidemment. BONE CHURCH est-il en train de déplacer son centre de gravité du Connecticut vers le Sud, car il y avait aussi déjà eu la reprise de « Fortunate Son » de Creedence Clearwater Revival sur le tribute « Burn On The Bayou » ?

J’adore quand la musique peint un tableau vivant. C’est génial quand une chanson peut vous transporter dans un lieu et une époque précis. C’était donc l’intention derrière ces morceaux. Imaginez une longue route désertique et brûlante du Texas, menant au bar de motards du film « Pee-Wee’s Big Adventure », où il danse sur « Tequila » ! (Rires)

– « Deliverance » possède aussi un son très live, direct et spontané. Est-ce que l’idée était de s’approcher au plus près de cette ambiance très 70’s et roots qui règne sur l’album ?

Oui, c’était tout à fait intentionnel. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’enregistrer au Dirt Floor Studios dans le Connecticut, car nous savions qu’Eric Lichter et Guido Falivene pourraient nous aider à obtenir ce son. C’est aussi là que nous avions réalisé la reprise de « Fortunate Son ». Nous enregistrons sans métronome, nous jouons simplement la chanson en direct jusqu’à ce que le résultat nous convienne, et nous ajoutons les autres éléments par la suite.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot sur « Deliverance », le morceau-titre qui clot l’album sur plus de huit minutes. Le groove et les guitares sont incroyables avec beaucoup d’émotion aussi et un crescendo exceptionnel. On sent BONE CHURCH pris d’une vulnérabilité assez rare. Qu’est-ce que cette chanson peut avoir de spécial pour vous, car elle se distingue un peu de votre répertoire ?

Elle a été écrite pendant une période extrêmement tumultueuse, tant au niveau mondial que dans ma vie personnelle. Lorsque j’ai commencé à l’écrire, je savais déjà quelles émotions je voulais transmettre avant même que la chanson ne soit terminée. Je savais juste qu’elle devait être très intense émotionnellement, au niveau des paroles comme du thème. Et elle a été interprétée de façon incroyable par le reste du groupe, et tout particulièrement par notre chanteur Jack (Rune- NDR). C’est un rappel poignant de ce que l’on ressent lorsque le monde entier s’écroule autour de soi. C’est en quelque sorte notre version apocalyptique de « Free Bird ». Je pense que c’est le meilleur morceau que BONE CHURCH ait jamais composé.

L’album de BONE CHURCH, « Deliverance », est disponible chez Ripple Music et d’un simple clic sur la bannière en page d’accueil.

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Alternative Metal Stoner Rock

Bukowski : éruption spontanée

Volcaniques malgré une certaine mélancolie qui plane sur de ce nouvel opus, les Parisiens renouent avec l’efficacité du live. Percutant, « Cold Lava » frappe sans détour avec conviction, tout en conservant un sens de la mélodie intense. Car c’est bel et bien d’intensité dont il s’agit ici, et le quatuor en affichant un son dense et épais a fait le choix de présenter des compositions presque épurées de prime abord. BUKOWSKI cultive une énergie communicative amplifiée par la proximité du chant et un mur de guitare infranchissable.

BUKOWSKI

« Cold Lava »

(At(h)ome)

Après l’album éponyme sorti il y a trois ans, qui marquait le premier effort du combo après la tragique disparition de son bassiste et principal parolier Julien Bottel, « Cold Lava »  s’impose avec force dans un concentré de puissance brute. Une septième réalisation qui voit aussi BUKOWSKI revenir à l’essence-même de son registre à travers des fondations Metal et Rock, naviguant entre l’Alternative et le Stoner. Une recette parfaitement maîtrisée, originale et identifiable aussi, qui libère avec vigueur de belles sensations sismiques.

Très organique dans sa production, « Cold Lava » entérine donc un nouveau cycle et pour leur quatrième collaboration, Francis Castre a encore fait un beau travail derrière la console. Durant deux mois, BUKOWSKI s’est attelé à l’enregistrement de onze titres aux riffs racés, au groove enivrant et avec la fraîcheur qu’on lui connait. Un bloc uni, massif et renversant, qui avance sans faillir sur des textes sans concession entre colère et émotion. Très accrocheurs, les refrains emportent l’ensemble et viennent facilement se graver en tête.

En pleine confiance, BUKOWSKI ouvre les hostilités avec « Headlight », un premier titre qui en dit déjà long sur ses intentions, autant que sur l’atmosphère qui règne sur « Cold Lava ». Très fluides, les titres s’enchaînent avec beaucoup de nuances et de relief (« Criminals », « Isolation », « Neverending Fall », « Over The Vines »). Sur le morceau-titre, le break a lieu, mais ce n’est que pour mieux repartir jusqu’à atteindre « Communication In Silence » avec la participation de Reuno de Lofofora. Compact et sauvage, le magma se diffuse.

Photo : François Duffour

Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion de la sortie du précédent album :

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Blues International R&B Soul

Robert Finley : creative wisdom [Interview]

S’il a un parcours pour le moins atypique, ce n’est plus ce que l’on retient aujourd’hui de ROBERT FINLEY. De son incroyable rencontre avec Dan Auerbach, moitié de The Black Keys et patron du label Easy Eye Sound, à ses premières tournées, il sort aujourd’hui son cinquième album et il vient marquer une décennie de créativité et la réalisation d’un rêve d’enfant. Avec « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », le chanteur Soul s’adresse à toutes les générations dans un registre plus Gospel que jamais, fait d’un Blues aux contours très jam, comme s’il laissait un esprit s’emparer de ses nouveaux morceaux. Cette fois aussi, c’est en famille, avec sa fille Christy Johnson, qu’il partage ce nouvel opus. Loin d’être un passage de témoin, c’’est surtout une réunion qui prend tout son sens. Entretien avec un chanteur à la voix de velours, qui a su garder un enthousiasme fou.      

– Il y a dix ans maintenant, ta vie prenait une tournant important avec la sortie de ton premier album, « Age Don’t Mean A Thing ». Ensuite, beaucoup de choses se sont accélérées. Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ? Est-ce qu’une certaine routine s’est installée, ou y a-t-il toujours de l’émerveillement dans ton quotidien ?

Cela signifie surtout que les rêves peuvent devenir réalité et je n’ai jamais perdu espoir. Je n’ai jamais abandonné ma fierté, non plus, et je crois toujours en ce que je fais, car c’était vraiment un rêve d’enfance.

– « Hallelujah ! Don’t Tell The Devil Fool Ya » est ton cinquième album en l’espace de dix ans, ce qui est une fréquence assez soutenue. Y a-t-il chez toi la volonté de rattraper le temps perdu, ou au contraire as-tu le sentiment de faire les choses à ton rythme ?

J’ai l’impression que tout arrive en temps voulu. Je n’ai aucun regret là-dessus. Si la même opportunité s’était présentée il y a 20 ou 30 ans, je ne sais pas si j’aurais été mentalement préparé pour ce succès. Donc, mon conseil à tous les jeunes artistes qui commencent est de toujours rester soi-même, car les rêves peuvent se réaliser tôt ou tard.

– D’ailleurs, est-ce que depuis toutes ces années et au fil des albums, il y a des chansons que tu gardais depuis longtemps, et auxquelles tu tenais, et que tu as enfin pu enregistrer ?

Non, tout s’est passé sur le moment. J’ai juste eu cette opportunité de m’exprimer et ce nouvel album est ma façon de dire que j’ai toujours de l’espoir en moi et que je ne l’abandonnerai jamais. Son titre parle pour lui… (Sourires)

– J’aimerais que l’on revienne un instant sur cette rencontre et cette formidable collaboration avec Dan Auerbach et son label Easy Eye Sound. Sans mauvais jeu de mot, est-ce que tu te dis parfois que c’est un petit miracle ? Une sorte d’alignement des planètes finalement ?

Je pense que c’était le début de quelque chose de nouveau. Je gère bien cette collaboration avec Dan et son équipe, car ils n’essayent pas de faire de moi quelqu’un que je ne suis pas. Ils m’acceptent comme je suis et c’est ce que je veux être avant tout, d’autant que personne ne peut mieux le faire que moi-même. Je suis le seul à avoir cet ADN, à porter ce nom parmi des milliards de gens. Donc, je suis le seul à vraiment pouvoir être moi-même. Mon conseil à toutes et à tous est de rester vous-mêmes !

– C’est aussi Dan qui a constitué l’excellent groupe qui t’accompagne sur ce nouvel album et il y règne une osmose et une connexion très particulière. Comment arrive-t-on à un tel feeling entre musiciens ?

Je pense que le plus important est que tout le monde ait pu jouer ce qu’il ressentait. Nous étions tous ensemble et c’est de cette manière que tout est venu. On n’avait pas de plan précis, pas de notes ou de direction particulière. Cela a vraiment été un cadeau et on a tous saisi cette chance. Le bassiste a pu jouer ce qu’il voulait, le guitariste aussi et il s’est vraiment passé quelque chose dans cette connexion, c’est vrai. C’est incroyable que des étrangers se retrouvent dans la même pièce et parviennent à créer un album aussi incroyable.

– Avec ce nouvel album, tu réalises enfin ton rêve qui était de faire un disque entièrement Gospel. Même s’il y a toujours eu des chansons Gospel sur tes albums, pourquoi ne l’avais-tu pas fait avant ? Avais-tu besoin de certitudes et/ou de peaufiner certaines chansons ou certains textes peut-être ?

Quand nous sommes allés en studio, j’ai prié, car je n’avais aucune note. Quand bien même j’en aurais eu, je n’aurais pas réussi à les lire, car je suis presque aveugle ! (Sourires) C’est de là que vient ma foi. J’ai demandé au seigneur ce qu’il attendait de moi et de tout le groupe. J’avais un problème avec les paroles, alors je m’en suis remis à Dieu. Il faut juste croire. Et en croyant, on reçoit. C’est le principal message de ce disque. Ecoutez-le et vous aurez un regard nouveau sur la vie. (Rires)

– Il est bien sûr beaucoup question de Dieu sur cet album, puisque le Gospel y est directement lié. Comment cela se traduit-il au niveau de l’écriture des textes pour les rendre si personnels ? Est-ce ton vécu qui te guide dans ces moments-là ?

En fait, le plus important est ce dont je n’ai pas besoin. Comme je ne peux pas écrire de textes, il faut juste que je parle de la vie, des choses que chacun doit gérer au quotidien. C’est la réalité, finalement. Ce n’est pas quelque chose que j’ai découvert, ce n’est pas un secret. Il faut saisir chaque opportunité et écrire la bonne chose au bon moment. C’est ce que cherche tout le monde et c’est aussi ce qu’attendent d’autres personnes. Lorsque j’ai rencontré Dan Auerbach, je n’avais jamais entendu parler de lui, je ne savais pas qui était The Black Keys, aussi parce que nous sommes issus de générations différentes. Mais quand nous sommes arrivés en studio, il m’a juste dire : sois toi-même. Et c’est tout ce que j’ai toujours voulu entendu toute ma vie ! Quand quelqu’un te dit ça, c’est qu’il apprécie qui tu es. Ensuite, j’ai rencontré beaucoup de gens, car il m’a emmené dans beaucoup d’endroits. J’ai fait de nombreuses premières parties en concert, mais jamais celles des Black Keys. En fait, je jouais au milieu de leurs concerts. Dan disait au public qu’il aimerait me présenter et qu’on m’écoute. J’étais très surpris car, au fond de mon cœur, je n’étais personne aux yeux du monde et de ce public. Ensuite, j’ai vendu beaucoup de disques ! (Rires) On avait besoin l’un de l’autre et nous avons mis les trente ans qui nous séparent de côté. Je cherchais juste l’opportunité de chanter pour tous, tout en restant moi-même et Dan aussi d’ailleurs.

Pour l’anecdote, au tout début, nous avions quatre jours pour enregistrer quatre chansons en studio. C’était la proposition de départ de Dan et il en avait parlé avec mon manageur. Et je les ai faites en quatre heures ! On a bien rigolé ! (Rires) Et durant les trois jours restant, nous avons créé l’album « Gold Platinum », que Dan, Patrick (Carney, batteur et autre moitié des Black Keys – NDR) et Bobby Woods avaient déjà écrit en amont. Nous avons vraiment passé trois jours de plaisir. Ce n’était pas vraiment un travail pour moi d’aller en studio. Je flânais un peu et lorsqu’ils avaient terminé la musique, tous les arrangements, ils m’appelaient pour savoir si j’étais prêt à chanter. Ensuite, nous avons juste parlé de la façon dont j’allais le faire, rien de plus. C’était très simple et j’étais vraiment le plus heureux au monde ! (Sourires)

– D’ailleurs, contrairement à « Black Bayou » qui était plus direct, il règne ici un esprit très jam avec des morceaux qui véhiculent une sorte de transe R&B. Les musiciens prennent aussi possession de plages instrumentales plus importantes et tu te mets un peu en retrait vocalement. Est-ce que c’est le style de l’album qui veut ça, ou ce sont les musiciens qui t’accompagnent, qui ont créé cette nouvelle dimension musicale ?

J’ai adoré ça ! Je ne peux pas prendre le crédit de quelque chose que je n’ai pas créé, car ce sont les musiciens qui ont travaillé ensemble pour obtenir ces chansons fascinantes. Je leur ai dit de laisser la lumière briller et que chacun fasse ce qu’il a à faire. C’est finalement très simple et j’ai adoré partager cet élan, même si ce n’est pas moi qui ai inventé tout ça. C’était la combinaison d’un tout. Tous les gens qui sont crédités sur l’album ont participé à cette création. Ce n’est pas seulement ROBERT FINLEY. Chacun a joué comme il le sentait, et lorsqu’il me manquait quelque chose, ils ont su parfaitement le combler. Nous nous sommes amusés à réaliser l’album, d’autant que tous ont bénéficié d’un moment à eux sur les chansons. Beaucoup de jeunes artistes m’ont demandé durant ces deux dernières années comment j’avais fait pour réinventer un peu le style. Je leur réponds toujours qu’il faut toujours croire en soi-même et ne jamais oublier ses rêves. Et on n’est jamais trop vieux pour les réaliser ! (Sourires)

– Cette fois, ta fille Christy Johnson, qui est également chanteuse, est présente sur l’ensemble de l’album et jusque sur la pochette. Comment s’est passée cette collaboration familiale ? J’imagine que cela rapproche aussi un peu plus…

Tu sais, ma fille chante le Gospel depuis ses deux ans. C’est comme cela que nous l’avons élevé, elle n’avait pas vraiment le choix ! (Sourires) C’est dans la famille : sa mère, sa grand-mère, tout le monde chantait du Gospel. Ma mère avait un groupe qui s’appelait The Harmonified et c’est là que j’ai commencé à chanter. Tout le monde était dans le groupe, les frères, les sœurs, les fiancés, la belle-famille… Et ça marchait tellement bien que tous les enfants aussi voulaient chanter dans le groupe, ce qu’on a fait plus tard avec Brother Philly And The Gospel System. On chantait en direct à la radio chaque samedi matin et les sponsors ont commencé à s’y intéresser. Christy était la voix que tout le monde voulait entendre sur KMAR Radio à Williamsburg en Louisiane, alors qu’elle était si jeune. Et ensuite, nous avons fait des concerts dans les années 70 et 80. Tout vient de là… (Sourires)

– Enfin, tu as aussi beaucoup tourné ces dernières années, et  notamment en France où tu étais tout ce mois d’octobre. As-tu créé un lien particulier avec le pays et avec le public français ?

Partout où je vais, c’est la même chose. Je ne me contente pas de chanter, de prendre l’argent et de m’en aller. Le plus important, ce sont les gens sans qui ma carrière n’existerait pas. Je prends des photos avec des fans de 8 à 80 ans et il n’y a jamais un sentiment négatif. C’est une belle récompense. Le secret est de toujours rester humble et concentré. C’est la clef du succès…. Et ça commence au plus jeune âge, dans le jardin d’enfants. Et c’est quelque chose qu’il faut entretenir toute sa vie, à chaque étape. Tu sais, ici en France, je ne comprends grand-chose à ce qu’on peut me dire, mais je vois les sourires sur les visages et dans les voix. Ma musique les touche au cœur et c’est la plus belle chose pour moi. Je représente juste la vérité, et la vérité vous libère. Cette hospitalité me touche beaucoup, car je suis accueilli tel que je suis. Je ressens tout cet amour dans les applaudissements, dans les sourires… Je ne sais pas comment le dire, mais j’aime la France ! (Sourires)

Le nouvel album de ROBERT FINLEY, « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », est disponible chez Easy Eye Sound.

Photos : Jim Herrington (1, 2, 4, 5)

Retrouvez la chronique de « Black Bayou » :