Elevée au Gospel dès son plus jeune âge dans l’une des églises de Peachtree Street à Atlanta, DIANE DURRETT chante le Blues et la Soul comme on respire, c’est-à-dire avec instinct et précision. Toute l’âme du sud des Etats-Unis se diffuse dans « Sweet Georgia Blues », sur lequel elle clame toute sa reconnaissance à ses racines dans une chaleur réconfortante et une sincérité plus que palpable. Entourée de virtuoses, la blueswoman oscille entre un style American Roots et un Blues très Soul attachant et très personnel.
DIANE DURRETT
« Sweet Georgia Blues »
(Independent)
Figure incontournable dans sa ville et bien au-delà dans le monde du Blues, DIANE DURRETT est une chanteuse, compositrice et productrice comme on en rencontre peu. Saluée également pour son action avec ‘Women In Blues’, un évènement auquel elle se consacre pleinement, elle nous revient avec un dixième album, « Sweet Georgia Blues », qui fait suite à l’excellent « Put A Lid On It », sorti en 2022. Et une fois encore, on se régale de sa voix de velours et du panache des musiciens qui l’accompagnent, car ils sont venus nombreux apporter un relief saisissant de spontanéité à cette belle réalisation.
Et ce somptueux groove sur lequel DIANE DURRETT chante avec une passion non-dissimulée, on le doit à son groupe, le ‘Soul Suga’, composé de la batteuse Melissa Junebug, du claviériste Yoel Yehuda et du bassiste Fuji Fujimoto. Et si « Sweet Georgia Blues » atteint un tel niveau d’émotion et d’authenticité, c’est qu’il est solidement ancré dans la culture musicale de Georgie. Et c’est donc en voisins que Tinsley Ellis, Eddie 9V, Joey Sommerville et Mike Mattison sont venus lui prêter main forte avec un extraordinaire feeling pour atteindre des sommets de délicatesse et de souplesse.
Dès « Child Of The Blues » qui rend un hommage très positif à son ancien compagnon de route Yonrico Scott, DIANE DURRETT éblouit par sa voix d’une grâce absolue, toute en nuances et capable de balancer un Blues soutenu comme de s’élever dans des sphères plus Soul (« Sweet Georgia Blues », « Chasing Sunsets », « Black Cat In New Orleans » avec le trombone de Craig Klein). On se laisse bercer et envoûter par des mélodies pleines de feeling (« The River Sings To Me ») jusqu’à « Amazing Grace » a cappella et de toute beauté, qui surgit avant un « Look For Me », plein de sensualité.
C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.
– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?
Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.
– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?
J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)
– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?
Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.
– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?
Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.
– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?
Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.
– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?
Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.
– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?
Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)
– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?
– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?
C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !
L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.
Si l’univers d’ELLES BAILEY est constitué d’un Americana très roots aux sonorités et au groove bluesy et gospel, ne vous y trompez, la chanteuse, musicienne et compositrice nous vient de Bristol en Angleterre, d’où elle élabore depuis quatre albums maintenant une superbe discographie. Aussi émouvante que terriblement endiablée, elle joue de toutes les sensations, surfant sur toutes les émotions pour en extraire un registre authentique, touchant et positif. Avec « Beneath The Neon Glow », la Britannique nous régale une fois encore. Entretien avec une artiste vraiment attachante avant qu’elle n’entame une tournée automnale.
– Tu avais été contrainte par la pandémie d’enregistrer « Shining In The Half Light » dans les studios Middle Farm dans le Devon, plutôt que dans le Tennessee initialement prévu. Cette fois, c’est un choix délibéré, puisque tu as écrit des chansons de « Beneath The Neon Glow » à Nashville avant de rentrer en Angleterre. Est-ce que, finalement, ce n’est pas le bon compromis pour élaborer ton ‘Americana Britannica’ ?
Oui, j’ai écrit la majeure partie de cet album au Royaume-Uni, à l’exception de « 1972 » et de « Silhouette In A Sunset », qui ont été écrites à Nashville, après ma prestation à l’évènement ‘Americana Fest’ et juste avant de rentrer en studio chez moi en Angleterre. Je serai toujours inspiré par la musique américaine et j’aime à penser qu’il y a un son transatlantique dans ma musique.
– On te retrouve aussi avec la même équipe et notamment Dan Weller à la production. Est-ce que c’est cette complicité artistique qui te pousse à enregistrer tes albums en Angleterre et aussi conserver une certaine continuité musicale peut-être plus britannique ?
Je savais en faisant « Beneath The Neon Glow » que je voulais le faire avec la même équipe que pour « Shining In The Half Light » : le même producteur, le même ingénieur, le même groupe et le même studio. Mais je savais aussi que je ne voulais pas refaire le même disque. Et j’étais sûre que nous pouvions faire quelque chose de génial ensemble, c’est pour cette raison que j’ai choisi ces personnes en particulier. Chacun dans la pièce apporte ses propres influences et les fusionne pour m’aider à raconter mon histoire.
– Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de l’écriture de ce nouvel album, car tu passes par toutes les émotions ? Et malgré tout, l’ensemble est très positif et montre aussi beaucoup de sérénité. C’est ça le fameux ‘Enjoy Your Ride’ ?
Je pense que j’ai traversé toutes les émotions en écrivant cet album : l’exaltation comme les sommets de ma carrière mêlés à une profonde dépression. J’ai beaucoup lutté contre le syndrome de l’imposteur. Mais même si ce disque joue les montagnes russes des émotions que j’ai ressenties, il laisse heureusement toujours un sentiment d’élévation… Parce qu’il faut profiter du voyage, non ?!
– Ce quatrième album contient aussi beaucoup d’énergie et, même si tu travailles dorénavant avec Cooking Vinyl Records, est-ce que ton indépendance te donne une volonté supplémentaire pour aller de l’avant, te surpasser à chaque fois et aussi contrôler toutes étapes du processus d’un album ?
Je pense que peu importe avec qui je travaille, que ce soit avec mon label ou un autre, cela restera toujours mon objectif. C’est vraiment génial d’avoir le soutien de Cooking Vinyl derrière moi, une équipe tellement dynamique, mais je reste toujours aux commandes et je prends les décisions, ce que j’apprécie aussi ! (Sourires)
– Justement, tu es une chanteuse, une musicienne et une compositrice accomplie et reconnue dans le monde du Blues et de l’Americana. Par ailleurs, tes prestations live sont aussi très réputées. J’imagine que percer aussi aux USA fait partie de tes projets et de tes ambitions. C’est un marché et un univers plus difficile à conquérir, selon toi, pour une Anglaise dans ce style ?
Je n’ai jamais fait de tournée aux États-Unis et j’adorerais le faire. Cependant, en tant qu’artiste indépendant, je suis pleinement consciente des coûts que cela impliquerait pour percer là-bas, même les visas ont un prix que je ne peux pas me permettre pour le moment. Donc si quelqu’un a envie de m’aider à réaliser ce rêve, je suis toute ouïe ! (Rires)
– Depuis un peu plus de quatre ans maintenant, tu multiplies les récompenses avec un dizaine d’Awards en Angleterre. Comment est-ce tu reçois tout ça ? Fais-tu une différence et une réelle distinction entre la reconnaissance du public et celle de la profession ? Et y en a-t-il une plus importante que l’autre ?
Oh, wow, c’est une question délicate. J’ai eu la chance de recevoir de nombreux prix et ils m’ont ouvert des portes ici au Royaume-Uni et à l’étranger. Et s’il est important d’avoir la reconnaissance de l’industrie, car cela permet de faire connaître votre musique à un public plus large, pour moi, la reconnaissance du public est la plus importante. C’est lui qui écoute, qui vient aux concerts, qui se connecte avec moi en ligne et qui me soutient. Ce sont les vrais, vraiment les vrais, tout le reste n’est que de la poudre aux yeux !
– Un petit mot aussi sur ton émission hebdomadaire sur ‘Planet Rock Radio’. C’est assez rare de voir une artiste en présenter d’autres, surtout dans le même style musical. Quel plaisir prends-tu à faire de la radio ? Il y a l’aspect ‘découverte’ bien sûr, et le vois-tu aussi comme un tremplin pour la musique Roots américaine et britannique en Angleterre ?
C’est l’une de mes activités préférées. J’adore le fait de pouvoir mettre en avant des artistes émergents de l’Americana et du Rock à la radio. C’est une industrie très difficile, donc pouvoir donner aux autres la chance de se faire entendre sur une radio nationale est une immense joie pour moi. J’aime aussi entendre les auditeurs me dire à quel point ils apprécient la nouvelle musique ! Je suis très reconnaissante d’être sur ‘Planet Rock’ ! (Sourires)
– Enfin, tu vas commencer une tournée cet automne. J’imagine qu’aller sur scène à la rencontre de ton public est la plus belle récompense après des mois de travail en studio et de promotion. Est-ce que c’est le véritable poumon de ta vie d’artiste, ce que tu attends avec impatience après chaque sortie d’album ?
Oui, j’ai vraiment hâte de partir sur la route, de rencontrer les fans et de fêter cet album ! Et ça fait longtemps que j’attends ça ! (Sourires)
Le nouvel album d’ELLES BAILEY, « Beneath The Neon Glow », est disponible chez Cooking Vinyl Records.
Retrouvez la chronique de l’album « Shining In The Half Light » :
La scène Blues Rock anglaise ne s’est rarement aussi bien portée que ces dernières années avec l’émergence d’artistes rafraîchissants et créatifs. Et BRAVE RIVAL en fait bien sûr partie, grâce à des compositions pleines d’émotion où le British Blues côtoie le Rock et la Soul pour s’élever dans des sphères puissantes et accrocheuses. Les deux chanteuses sont évidemment l’une des forces de la formation, mais c’est surtout la complicité artistique et le feeling très palpable de l’ensemble qui dominent cet ensemble soudé et harmonieux sur « Fight Or Flight ».
BRAVE RIVAL
« Fight Or Flight »
(Independant)
Mis en lumière il y a seulement deux ans avec un somptueux premier album, « Life’s Machine », suivi de près par un « Live At The Half Moon » époustouflant en live, BRAVE RIVAL n’avait pas mis très longtemps à se faire remarquer. Nominés aux UK Blues Awards dans la foulée, les Britanniques ont donc un rang à tenir et « Fight Of Flight » est attendu avec une certaine impatience. Et même s’ils ont déjà dévoilé pas moins de cinq singles, il reste des surprises… sept exactement ! Et sur les 50 minutes proposées, on passe littéralement par toutes les sensations.
Toujours aussi chevillé à son indépendance, BRAVE RIVAL est à nouveau passé par une campagne de crowdfunding pour financer son deuxième opus. Encore très bien produit, on retrouve les mêmes intentions, si ce n’est que le groupe montre peut-être un côté plus Rock cette fois. Du moins, c’est ce que laisse transparaître de l’entame pied au plancher du disque avec « Bad Choices », « Seventeen » et « Stand Up » avec en invités l’explosif et tonitruant Will Wilde et son harmonica.
Bien sûr, les deux frontwomen de BRAVE RIVAL, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, offrent des parties vocales aussi volcaniques que sensuelles et parviennent encore à éblouir par l’élégance de leur duo (« Insane », « Heavy », « All I Can Think About », « Five Years On », « Stars Upon My Scars »). Pour le groove, Donna Peters (batterie) et Billy Dedman (basse) font ronronner la machine, alors qu’Ed Clarke a du feu dans les doigts au point de livrer une prestation de haut vol avec notamment des solos renversants. Indispensable !
Retrouvez la chronique du précédent Live et l’interview accordée lors de la sortie du premier album :
Une telle ascension force le respect. Alors que beaucoup mettent des années à s’imposer, THE GEORGIA THUNDERBOLTS est parvenu à se faire une place dans la belle famille du Southern Rock en l’espace d’un EP et d’une première et impressionnante réalisation studio. Trois ans plus tard, et après avoir partagé la scène avec leurs aînés du Marshall Tucker Band, Black Stone Cherry et Blackberry Smoke entre autres, le combo franchit la deuxième étape de son parcours sur un groove toujours aussi puissant. « Rise Above It All » confirme un héritage parfaitement assimilé et une inspiration croissante.
THE GEORGIA THUNDERBOLTS
« Rise Above It All »
(Mascot Records)
Dernier arrivé dans cette nouvelle génération de Southern Rock, le quintet avait frappé fort et affiché ses ambitions en 2021 avec « Can We Get A Witness », un premier album tellement efficace que son contenu était d’une rare évidence, tout comme son précédent EP éponyme d’ailleurs. Alors, renforcé par des prestations scéniques redoutables, THE GEORGIA THUNDERBOLTS est attendu au tournant et c’est justement en pleine tournée européenne qu’il sort « Rise Above It All », dont on attend beaucoup.
Avec une touche très moderne dans le jeu comme dans la production, les Américains ont soigneusement évité la redite et, même s’il est toujours bardé d’Americana et de Blues, ce nouvel effort studio a autant de résonnances Classic Rock que purement sudistes. En effet, THE GEORGIA THUNDERBOLTS se montre ici plus direct avec des riffs musclés et tenaces, et sait aussi verser dans une sensibilité plus Soul et délicate (« Wait » avec le musicien de Nashville Kurt Ozan, « Crawling My Way Back To You »).
Très proche de ses racines, le groupe entretient la flamme avec intensité et s’épanouit dans un Rock’n’Roll attachant et chaleureux (« Gonna Shine », « Stand Up », « Whiskey Talkin’ », « Pricetag »). Quelques années seulement après sa création, THE GEORGIA THUNDERBOLTS grandit sereinement, affine son style pour être dorénavant identifiable entre tous. Et avec un frontman de la trempe de TJ Lyle, deux guitaristes redoutables et une rythmique implacablement groovy, il dispose d’atouts imparables.
Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de son premier album :
Avec « Blueprints », CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST semble franchir un cap et même si on devra se contenter de six titres, on reste sous le charme de ce nouvel, et bien trop court, effort. Avant une tournée anglaise à la rentrée, le quatuor se présente au meilleur de sa forme et la performance vocale de sa chanteuse est tout simplement époustouflante. Avec beaucoup de force et d’authenticité, elle captive grâce à des variations toute en puissance et terriblement mélodiques.
CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST
« Blueprints »
(Independant)
Après l’excellent « Lost My Sight » paru en 2020 et qui avait déjà posé les solides fondations de THE BROADCAST, c’est avec l’EP « Blueprints » que les Américains font leur retour. Cette fois, leur chanteuse et parolière CAITLIN KRISKO y a ajouté son patronyme, peut-être pour mieux marquer de son empreinte ce nouveau format-court, mais pas seulement. Il faut préciser que les six morceaux ont un côté très personnel et introspectif dans la mesure où la frontwoman a récemment perdu sa mère et nombre des émotions traversées ici y font directement référence, rendant ce Blues teinté de Soul et de Rock plus émouvant encore.
Si le premier album avait une couleur peut-être plus roots et brute avec un jeu plus direct, sur « Blueprints », CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST joue la carte de l’émotion et la chanteuse est réellement au centre de toute l’attention. Née à Détroit et ayant grandi à New-York, c’est désormais dans la ville d’Asheville en Caroline du Nord qu’elle est basée et sans tomber dans un registre clairement Southern, des sonorités et des intentions très Soul se dégagent du EP, notamment sur les très bons « Haunted By You », Have To Say Goodbye » « Blue Monday », les chansons les plus touchantes.
Déchirante souvent, CAITLIN KRISKO fait parler la puissance de sa voix tout en faisant preuve de beaucoup de sensibilité et d’une folle énergie, comme sur le très funky et enthousiasmant « Devil On Your Side », qui ouvre cette nouvelle réalisation. Et que dire de ses camarades qui élèvent THE BROADCAST sur chaque titre ! Sur une production limpide, le groove et les arrangements très soignés prennent une dimension enchanteresse, comme sur le dynamique « Piece Of You » et l’entêtant « Operator ». Très moderne dans son approche, « Blueprints » montre un large spectre musical, et on attend la suite rapidement.
Tout ici respire le sud des Etats-Unis. L’Alternative Country enrobée d’Americana, de Blues et de Rock rayonne et se diffuse avec évidence sur « Kentucky Gold », premier opus d’un KYLE DANIEL qui se pose déjà comme le futur songwriter incontournable de cette nouvelle génération Southern Rock, décidemment en pleine ébullition. Il a écumé les bars et les clubs et a appris les moindres détails qui font flamboyer l’âme de baroudeur qu’il affiche déjà. Modernes et avec une approche Old School raffinée, ces douze morceaux se savourent encore et encore.
KYLE DANIEL
« Kentucky Gold »
(Snakefarm Records)
Comme l’indique le titre de son album, c’est bel et bien du Kentucky et plus précisément de Bowling Green qu’est originaire le talentueux KYLE DANIEL. Basé à Nashville depuis la pandémie, celui qui a été élevé en écoutant de la Country et du Southern Rock n’est donc pas dépaysé, même si son style se démarque franchement de sa nouvelle ville d’adoption. Après deux EPs en indépendant, un éponyme en 2018 et « What’s There To Say » l’année suivante, « Kentucky Gold » marque le franchissement d’une étape importante, le tout avec une maîtrise totale et un sens de la chanson captivant.
Cela dit, KYLE DANIEL n’est pas totalement inconnu sur le circuit Blues, Country et plus largement Southern américain. Redoutable guitariste, il remporte le ‘Kentucky Blues Challenge’ à 17 ans, puis le très renommé ‘International Blues Challenge’ dans la foulée. Autant dire que le musicien sait parfaitement où il va, et en confiant la production à Jaren Johnston (The Cadillac Three), Brian Elmquist (The Lone Bellow) et au faiseur de hits canadien Mike Krompass, il s’assure une entrée en matière somptueuse pour un résultat qui l’est tout autant.
Torride, l’entame de « Kentucky Gold » s’inscrit dans la lignée classique du Rock Sudiste, musclée et fédératrice (« Can’t Hold Me Back »). KYLE DANIEL a aussi pris le soin de se rendre à Muscle Shoals, ce qui libère un côté Soul très authentique (« Me And My Old Man »). Puis, les surprises s’égrainent au fil du disque avec des duos de haut vol. On se régale de « Fire Me Up » avec Maggie Rose, de « Southern Sounds » avec Kendrell Marvel, de « Summer Down South » avec The Cadillac Three et enfin de « Everybody’s Talkin’ » avec Sarah Zimmerman. Epoustouflant !
Brute et authentique, la Soul hyper-punchy proposée par la New-Yorkaise ravive avec talent l’esprit des pionnières comme Mavis Staples et résonne même comme une version féminine d’Otis Redding. Terriblement Funky, un brin roots et doté d’un charme rétro irrésistible, BETTE SMITH livre l’un des disques les plus palpitants du style depuis un moment. Aussi intense que tendre, « Goodthing » révèle une force créative et bouillonnante avec un pied dans chaque millénaire.
BETTE SMITH
« Goodthing »
(Kartel Music Group)
Les débuts de BETTE SMITH remontent maintenant à presque 20 ans. Originaire de Brooklyn, la chanteuse et compositrice est d’abord passée par la chorale de son père avant d’éclore sous le nom de Bette Stuy avec un premier opus suivi d’un EP. C’est à partir de 2017 et « Jetlagger » qu’elle prend véritablement son envol et se produit aux côtés de Kenny Wayne Shepherd et Drive-By Truck, tout en participant à de multiples enregistrements studio. « Goodthing » est donc son quatrième album et il en impose !
Il y a quelque chose d’iconique et d’intemporel dans la voix de BETTE SMITH. Nourrie de Gospel, de Soul, de Rock de Funk et de Blues, la frontwoman dépoussière les codes très 70’s du genre et, tout en les respectant, leur offre une couleur et une fraîcheur très contemporaines. En jouant aussi sur un côté vintage savoureux, elle fait sonner ses morceaux avec énergie et se montre très actuelle dans leur interprétation. « Goodthing » est une sorte de concentré de douceurs acidulées, dont il est difficile de se défaire.
Après avoir travaillé sur ses compositions, l’Américaine a traversé l’Atlantique pour entamer une collaboration avec le producteur Jimmy Hogarth réputé pour son travail avec Amy Winehouse et Tina Turner notamment. Et le duo fait des étincelles sur les 13 pépites que compte « Goodthing », le bien-nommé. Le chant de BETTE SMITH y est électrique (« Eternal Blessings », « M.O.N.E.Y. », « Whup ‘Em Good », « More Than A Billionaire », « Cave » et le morceau-titre). Ce disque fait un bien fou et s’écoute en boucle !
Des guitares brillantes, des choeurs ensorceleurs, un groove costaud, un orgue magistral et un chant puissant et envoûtant, THE COMMONERS a vu les choses en grand pour ce troisième effort qui apparait comme son meilleur à ce jour. Avec « Restless », la formation Southern de Toronto se montre techniquement imparable et ses nouvelles compositions sont plus créatives que jamais. La variété des tempos et la qualité des solos et de la slide confirment l’élan du combo depuis le précédent « Find A Better Way ». Rayonnant.
THE COMMONERS
« Restless »
(Gypsy Soul Records)
Doucement mais sûrement, THE COMMONERS œuvre au renouveau de la scène Southern nord-américaine et est en train de se faire une belle place. Faisant suite au très bon « Find A Better Way » sorti il y a deux ans, « Restless » reste dans la même veine et conforte les premières intentions. Les Canadiens ont gagné en assurance et les multiples concerts donnés ces derniers mois y sont certainement pour beaucoup. Si les références restent évidentes, ils ont renforcé leur identité artistique, tout comme élevé leur niveau de jeu.
Toujours aussi bien produit, chaleureux et organique, ce troisième album fait la part belle aux harmonies et aux refrains, ainsi qu’aux parties de guitares et d’orgue, qui enveloppent littéralement « Restless ». Evoluant désormais en quintet, THE COMMONERS semble avoir trouvé la formule idoine pour rendre son Southern Rock le plus percutant et surtout le plus complet possible. Soutenu par trois choristes, les morceaux prennent l’ampleur qui manquait peut-être sur « Find A Better Way » pour avancer.
Pour ce qui est du son, Ross Hayes Citrullo a encore fait des merveilles et sa complicité à la guitare avec Chris Medhurst apporte beaucoup de dynamisme à l’ensemble. D’ailleurs, ce dernier livre à nouveau une prestation vocale époustouflante. Moins Soul et légèrement plus acoustique, « Restless » combine un Rock très roots avec des saveurs sudistes du plus bel effet. THE COMMONERS passe au niveau supérieur en distillant quelques pépites (« Devil Teasin’ Me », « Shake You Off », « Body And Soul », « Restless », « Gone Without Warning »).
Il faut parfois des épreuves difficiles pour se forger une identité plus forte. Malheureusement, QUINN SULLIVAN vient d’en subir une, ce qui n’a pas manqué de provoquer une sorte de déclic chez lui. Cependant avec cette nouvelle réalisation, il ne donne pas dans le larmoyant et paraît même avoir beaucoup progressé et gagné en efficacité avec ce très bon « Salvation ». Son Blues Rock est aussi fin que très aiguisé, et les notes de Soul offrent une couleur nouvelle chez lui.
QUINN SULLIVAN
« Salvation »
(Provogue/Mascot Label Group)
Considéré comme un enfant prodige du Blues, le guitariste et chanteur compte déjà cinq albums à son actif avec « Salvation », dont la sortie est pour le moins spéciale. Alors qu’il était en pleine écriture et enregistrement de ce nouvel opus, il a appris le décès de sa mère, ce qui a fortement imprégné le contenu, à commencer par son titre. Forcément très personnel et emprunt d’émotion, c’est pourtant un QUINN SULLIVAN paradoxalement inspiré qui livre des morceaux matures et émouvants. Et c’est peut-être aussi ce qui va faire de lui un musicien de premier plan.
Pour autant, « Salvation » est un disque optimiste et tout sauf résigné. Co-écrit avec John Fields et Kevin Bowe (Jonny Lang, Kenny Wayne Shepherd, Etta James), on doit d’ailleurs aussi la production à ce premier et le résultat est lumineux. QUINN SULLIVAN continue d’aller de l’avant, faisant évoluer son Blues vers un Rock classique teinté de Soul. Six-cordiste aussi technique que gorgé de feeling, le natif du Massachussetts semble avoir fait de ce récent traumatisme une force créatrice étonnante.
Avec « Salvation », QUINN SULLIVAN élève un peu plus son niveau de jeu en réalisant son album le plus varié et abouti à ce jour. Vocalement aussi, l’Américain élargit son champ d’action. Parmi les moments forts, on notera « Once Upon A Lie », « Rise Up Children », « Half My Heart », « Dark Love » et le morceau-titre. En multipliant les collaborations aussi diverses que nombreuses, le songwriter se montre aujourd’hui aguerri et également beaucoup plus identifiable. Il donne même l’impression d’un nouveau départ, avec plus de profondeur.