Catégories
Grunge Stoner Rock

The Boy That Got Away : une fuite en avant

C’est encore avec une grande discrétion que THE BOY THAT GHOT AWAY présente son quatrième effort, un peu comme s’il voulait s’éviter une trop forte exposition, une lumière aveuglante. Pourtant, le potentiel est énorme, le style racé et costaud et « Peacetime » devient même très vite addictif. Jouant sur la densité du Stoner Rock et l’intensité émotionnelle du Grunge originel, les musiciens évitent pourtant les sonorités trop 90’s et s’inscrivent même parfaitement dans leur temps. Solide, nerveux et accrocheur, il est difficile de ne pas succomber à cette authentique immersion hyper-Rock.

THE BOY THAT GOT AWAY

« Peacetime »

(Independant)

La pochette est ténébreuse, vierge de toute indication sur le nom du groupe et le titre de l’album. Et cela caractérise finalement assez bien la démarche très DIY et indépendante des trois Danois. Pourtant, cela fait maintenant plus de dix ans que THE BOY THAT GOT AWAY œuvre à l’explosion de son Stoner Grunge graveleux et massif. On peine à croire que le reste du monde ne s’en soit pas aperçu un peu plus tôt. Car « Peacetime » est tout de même le quatrième effort du power trio et la maîtrise et l’intelligence des morceaux sont incontestables et captivantes.

Dès « Influx », titre d’introduction instrumental qui vient poser l’ambiance, THE BOY THAT GOT AWAY instaure un climat d’une grande froideur. Enregistré, mixé et produit par Tue Madsen, la production se veut brute et très organique. Pas de superflu donc et encore moins d’effets de manche, le morceau-titre ouvre les hostilités et la puissance affichée montre un combo expérimenté et décidé. L’impression d’un Desert Rock typiquement nordique s’entend peu à peu pour nous envelopper d’une harmonie étonnamment familière et attachante, malgré un propos assez noir.

Sombre et emprunt de mélancolie, il se dégage pourtant une force incroyable de « Peacetime », due à un groove épais oscillant entre colère et quiétude. Bien sûr, THE BOY THAT GOT AWAY rappellera les premiers QOTSA avec des clins d’œil à Soundgarden, mais c’est sans compter sur l’originalité des Scandinaves. Car, quand ils lâchent les chevaux, le ton monte et les décibels grimpent en volume (« Sleepwalker », « The How », « Aesel », « Homecoming »). Et c’est la chanson semi-acoustique chantée en danois, « Boy », qui vient clore cette belle réalisation. Enthousiasmant !

Photo : Morten Rygaard

Catégories
Classic Hard Rock Stoner Rock

WolveSpirit : une onde de choc

La pandémie a eu l’effet de mettre WOLVESPIRIT sur les nerfs. Et la formation germanique en a profité pour se défouler, lâcher son ressenti et mettre les choses au clair sur sa nouvelle production. En effet, « Bullshit » traite de désinformation, de réalités parallèles et de son désir de s’en extraire. Musclé et fracassant, ces nouveaux titres sentent la poudre et, même s’ils sont toujours mélodiques, ils font l’effet d’une belle bagarre en règle. Une vraie tornade Hard, Metal et Stoner Rock pour le moins ravageur.

WOLVESPIRIT

« Bullshit »

(Spirit Stone Records)

Avec un tel titre, on pouvait difficilement faire plus explicite et c’est justement tout ce qui fait le charme du quintet allemand, qui ne manque jamais une occasion de se faire remarquer. Pour la petite histoire, WOLVESPIRIT a vu le jour en 2009 du côté de la Bavière sous l’impulsion des frères Eberlein, Richard et Oliver, rejoints par la chanteuse américaine Deborah ‘Debbie’ Craft. Basé sur un Hard Rock robuste mâtiné de Classic Rock et surtout de Stoner cette fois-ci, l’ensemble est explosif.  

Il faut aussi rappeler que le groupe a fondé son propre label après avoir claqué la porte de Sleaszy Rider Records un an tout juste après la sortie de son premier effort. Il était simplement mécontent du travail fourni. Il y a donc du caractère chez WOLVESPIRIT et également dans sa musique. Et « Bullshit » va dans ce sens et suit le chemin tracé depuis le début, c’est-à-dire axé sur des riffs costauds, une rythmique en béton et surtout une frontwoman à la voix puissante et hyper-Rock’n’Roll. 

Musicalement, le combo sort l’artillerie lourde dès « Titanium », qui ouvre les hostilités, suivi de « Robots » et du morceau-titre. L’entrée en matière est massive et la chanteuse donne de la voix de manière presque frénétique. Ce nouvel opus est probablement le plus ambitieux de WOLVESPIRIT qui part chasser sur des terres Stoner Rock, sans négliger ses racines Hard Rock et assez classiques (« Fire », « Starborn », « Screaming », « 666 »). Un brûlot sauvage et flamboyant mené de main de maître.

Catégories
Stoner Rock

Dunes : un désert mouvant

La sensation qui émane de cette nouvelle réalisation des Britanniques a quelque chose de surnaturelle, tant elle devient de plus en plus immersive au fil des chansons. Avec « Land Of The Blind », DUNES s’ouvre de nouveaux horizons sur les fondations d’un Stoner Rock audacieux qui mêlent habillement un regard très actuel sur notre société et une vision artistique assurée, portée par un travail acharné sur des compositions rayonnantes. L’approche est solide et originale à bien des égards et elle fait définitivement entrer les Novocastriens dans la cour des grands.

DUNES

« Land Of The Blind »

(Ripple Music)

Face à la Mer du Nord, à Newcastle, DUNES voit le désert. Du moins, c’est ce que laisse penser son Stoner Rock emprunt d’une saveur très 90’s et de brûlantes vibrations. Le trio annonce ainsi son arrivée chez Ripple Music de belle manière avec « Land Of The Blind », son troisième opus, qui marque lui aussi un virage dans son approche. Après « Take Me To The Nasties » (2019) et « Gargoyle » (2022) sortis tous les deux chez Sapien Records, le power trio se fait plus explosif que jamais et le Fuzz à l’œuvre ici est pour le moins dévastateur et massif.

A mi-chemin entre des sonorités américaines façon Clutch et d’autres plus européennes comme Dozer, DUNES trouve sa voie et malgré un propos assez sombre dans les textes, l’ensemble se veut plutôt optimiste. Musicalement en tout cas, les Anglais se montrent très créatifs et « Land Of The Blind » affiche aussi une très bonne production. On la doit d’ailleurs au batteur du groupe, Nikky Watson, qui a su mieux que personne saisir l’essence des morceaux, enregistrés à l’extrême nord du pays aux Old Church Studios de Thropton avec Adam Foster.

Cette traversée existentielle est d’une densité intense. Dès la longue intro de « Cactus », DUNES nous immerge dans un univers assez feutré, mais torturé à l’image des paroles et de cette rythmique très dronique. L’épaisseur des riffs et l’ampleur de la basse rendent les titres très massifs avec également beaucoup d’explosivité et de profondeur, à l’instar de la magistrale intervention de Nick Carter (ex-Crane) sur « Northern Scar » et de Ryan Garney de High Desert Queen sur « Voodoo ». Une grande classe et un impact marquant.

Catégories
Heavy Psych Rock Heavy Stoner Psych Stoner Prog

Kalabrian Syndrome : inner trip

Toujours aussi bien structurée, la musique de KALABRIAN SYNDROME prend une nouvelle ampleur sur ce très attendu premier album. Avec « II », la formation grecque peut enfin s’exprimer plus longuement et l’éclectisme dont elle fait preuve ici montre toute l’étendue d’un répertoire très vaste, qui se joue avec brio des étiquettes pour imposer un registre original. Sur un Stoner Rock/Metal très Psych aux saveurs Doom, ces nouveaux morceaux naviguent dans des ambiances captivantes.

KALABRIAN SYNDROME

« II »

(Independant)

Il y a quatre ans déjà, le power trio de Thessalonique avait livré un très bon premier EP éponyme, qui laissait entrevoir de bien belles choses. Solide et créatif, il l’est encore après cette importante absence et cette fois, c’est sur la longueur qu’on se délecte de son Stoner Psych Rock, toujours instrumental. C’est vrai que le format court nous avait un peu laissé sur notre faim, mais « II » nous rassasie d’autant plus que KALABRIAN SYNDROME présente également quelques surprises, notamment à travers une inspiration grandissante.

Côté line-up, le combo constitué de Kleanthis Semlikos (guitare), George Harizanis (basse) et Danny Cola (batterie) nous embarque dans un voyage qui nous fait passer au travers d’atmosphères très variées, qui évoluent pourtant dans une direction musicale claire et étonnamment narrative. KALABRIAN SYNDROME avance sur un groove hypnotique se détachant de toute emprise stylistique. Dans cet univers psychédélique, le Doom côtoie ainsi des instants bluesy, parfois très Prog, entre Rock et Metal avec beaucoup de fluidité.

En ouvrant « II » avec un sample vocal sur « Alice (Got A Secret) », les Grecs nous mettent déjà un peu la puce à l’oreille. Ponctuant ce nouvel opus de titres plus courts assez mystérieux (« Vakhou » et « Flickering Light »), KALABRIAN SYNDROME s’offre quelques respirations pour mieux nous emporter dans les morceaux « Hispanolagnia », « The Attic » et le génial « Rave Party », avant d’accueillir Panos Lambropoulos au chant sur le génial « The Wisp », où le frontman issu de la scène Metal extrême locale fait des prouesses.

Catégories
Psych Sludge Stoner Doom

Oda : mystic vibes

Fait-maison et enregistré live pour l’essentiel, ce premier opus des trois musiciens de la capitale devrait ravir les amateurs de Stoner Doom/Sludge. Les atmosphères vaporeuses un brin incantatoires de « Bloodstained » montrent déjà un groupe déterminé et adepte des morceaux d’une bonne longueur. En abordant des climats très changeants, ODA évite pourtant de se perdre et se montre même vraiment costaud et captivant. Des débuts très encourageants.

ODA

« Bloodstained »

(Independant)

Fondé en 2021 seulement, Cyril Thommered (batterie), Emmanuel Brège (basse) et Thomas Féraud (chant, guitare) n’ont pas tardé à se mettre à l’ouvrage et à construire leur propre univers musical. Le fond est Doom et Occult, tandis que la forme se dessine dans un Stoner Rock rugueux et très Fuzz. L’objectif d’ODA est d’assembler toutes les pièces de cet appétissant puzzle et de donner vie à des morceaux qui sont autant d’invitations à un voyage à la fois sombre, chaotique et envoûtant.

Tout en travaillant d’arrache-pied et en donnant quelques concerts, le trio parisien se forge vite un son et une identité. Avec « Bloodstained », ODA s’affirme déjà comme une formation solide et cette première réalisation autoproduite en dit long sur ses ambitions. Enregistrée au coeur de la forêt de Brocéliande, l’ambiance mystique qui l’entoure semble même avoir offert un supplément d’âme à l’atmosphère profondément mélancolique et terriblement organique, qui règne sur les six titres.

Oscillant entre six et onze minutes, les morceaux de « Bloodstained » réservent quelques surprises. Si la lourdeur et l’épaisseur de sa doublette rythmique donne du corps, le côté massif bascule d’une lenteur ténébreuse dans des fulgurances Sludge au groove gras, d’où émerge au lointain un chant tout à coup presque délicat. Inquiétant et âpre, ODA ne néglige pas pour autant les mélodies… comme pour mieux nous renvoyer dans les cordes (« Children Of The Night », « Rabid Hole », « Mourning Star » et le saisissant « Zombi »). Prometteur !

(Photo : Thomas Féraud)

Catégories
Heavy Stoner Rock Stoner Rock

Planet Of Zeus : force brute

Avec « Afterlife », les Athéniens donnent l’impression de rendre hommage aux années 90, celles qui les ont musicalement nourris et aussi profondément impactés. Et c’est probablement pour ça que cette nouvelle réalisation semble si familière, tant dans les références perceptibles que dans le style très reconnaissable de PLANET OF ZEUS. Cela dit, les gros riffs sont légions, la rythmique lourde et compacte et le frontman toujours aussi percutant.

PLANET OF ZEUS

« Afterlife »

(Ihavedrum Records)

Fer de lance de la scène Stoner grecque aux côtés de 1000Mods, Nightstalker et plus récemment d’Acid Mammoth pour la partie la plus Doom, PLANET OF ZEUS s’est forgé une solide réputation bien au-delà de ses frontières et en tournant avec les plus grands. Explosif en concert, en plus de deux décennies, le quatuor s’est hissé au rang des incontournables du genre, grâce à un style massif et puissant, et surtout très identifiable. Pourtant, avec « Afterlife », il déjoue tous les pronostics avec un album surprenant.

En effet, Babis Papanikolaou (chant, guitare), Stelios Provis (guitare, chant), Giannis Vrazos (basse) et Serafeim Giannakopoulos (batterie) prennent un virage assez différent, marqué par des mélodies entêtantes omniprésentes et surtout une variété musicale étonnante. Preuve d’un éclectisme créatif très maîtrisé. C’est vrai que dans son domaine, PLANET OF ZEUS sait à peu près tout faire… et « Afterlife » confirme ses qualités et nous offre un plongeon dans un Stoner Rock assez 90’s dans son approche, et bien rentre-dedans.

Ce sixième album traverse à peu près tous les courants et parcourt des atmosphères diverses. Classique dans la lignée de QOTSA (« State Of Non-Existence »), Grunge façon Foo Fighters (« The Song You Misunderstand »), plus Heavy aux accents Fu Manchu (« Step On, Skin Off »), PLANET OF ZEUS reste pourtant lui-même et laisse exploser sa force (« No Ordinary Life », « Let’s Call It Even », « Letter To A Newborn »). « Afterlife » n’est peut-être pas le plus passionnant opus du quatuor, mais il réveille les sensibilités.

Catégories
Desert Rock Stoner Rock

Brant Bjork Trio : la confrérie du désert

Lorsqu’on n’a plus rien à prouver, c’est le moment de se faire plaisir. Cela pourrait être la maxime de ce flamboyant BRANT BJORK TRIO, composé avec Mario Lallo et Ryan Güt. Et lorsque trois proches, et accessoirement pionniers et piliers du Desert/Stoner depuis quelques décennies, décident d’une telle réunion, cela se doit rien au hasard et surtout on est certain que ce qu’il en découlera sera de qualité. Les thèmes ne changent pas, l’envie et la dextérité artistique non plus. « Once Upon A Time In The Desert » surfe sur une vague joyeuse et terriblement addictive.

BRANT BJORK TRIO

« Once Upon A Time In The Desert »

(Duna Records)

Le très prolifique BRANT BJORK est de retour avec un nouveau projet et sur son propre label, Duna Records, qu’il fait renaître plus de 20 ans après sa création. Une mise en sommeil après seulement quatre ans d’activité entre 2002 et 2006, une période durant laquelle il s’est autoproduit en quelque sorte et a sorti quelques albums de Vic Du Monte’s Idiot Prayer, John Mcbain, Ché et de son autre groupe The Bros. Celui à qui l’on doit également les solides fondations de Kyuss, Fu Manchu et Mondo Generator s’est une fois encore entouré d’amis de longue date pour la création de ce trio et de ce « Once Upon A Time In The Desert » magistral et solaire.

Maintenant à savoir si le BRANT BJORK TRIO revient aux bases du Desert et du Stoner Rock déjà imaginé par l’Américain, c’est assez difficile tant la musique présentée paraît si familière et implacablement attribuée au musicien de Palm Desert, Californie. A ses côté, on retrouve le groove imparable de la basse de Mario Lallo de Yawning Man et Fatso Jetson et la frappe si instinctive de son compère au sein de Stöner, Ryan Güt. Autant dire que ces trois-là se trouvent les yeux fermés et que leurs compositions sont d’une évidence assez déconcertante et presque naturelle. Comme toujours le songwriting est soigné, le son très organique et l’ensemble d’une apparente facilité.    

L’ambiance est bien sûr désertique, faite de Stoner et de Fuzz, mais où rien n’est laissé au hasard, jusqu’aux refrains qu’on se met à fredonner après quelques écoutes seulement. Bien sûr, de prime abord, on peut imaginer que le combo se laisse aller à une jam entre amis qui maîtrisent parfaitement leur sujet, mais c’est loin d’être le cas. Les lignes de basse envoûtent, la variété des tempos nous transporte dans un ailleurs aride et la guitare et la voix de BRANT BJORK font le reste. Très Rock et dans une ambiance aux effluves légèrement bluesy, « Once Upon A Time In The Desert »  offre quelques trésors de musicalité absolue. Un disque à écouter dans son entier… et à volonté !

(Photo : Richard Sibbald)

Catégories
Doom Rock Hard US Stoner Rock

Crobot : implacable

Le tempo est soutenu, les riffs tranchants et avec un frontman en grande forme, CROBOT livre l’une de ses meilleures réalisations. Totalement réoxygéné, le quatuor tourne à plein régime dans une atmosphère où son Heavy Rock mâtiné de Stoner et aux refrains typiquement Hard Rock explose frontalement, sans complexe et sans ambiguïté. « Obsidian » renoue avec le son riche de ses débuts pour un moment mélodique et à l’impact fracassant.

CROBOT

« Obsidian »

(Megaforce Records)

Et si CROBOT avait retrouvé la foi ? Non pas qu’il l’ait un jour perdu, mais la parenthèse Mascot Records, avec deux albums (« Motherbrain » et « Feel This ») et un EP (« Rat Child »), aurait pu faire penser que les Américains étaient devenus plus mainstream avec ce format adapté aux radios US. Cela dit, il s’agissait de leur expression discographique car, sur scène, les murs tremblent toujours. Et cette arrivée sur l’emblématique label Megaforce Records marque un retour musclé aux fondamentaux.

Le combo de Posstville, Pennsylvanie, rallume la fonderie sur ce cinquième opus qui transpire le Rock’n’Roll à grosses gouttes et où l’on retrouve avec beaucoup de plaisir l’épaisseur des riffs et la lourde et resserrée rythmique, qui le rendent si irrésistible. CROBOT accueille également le bassiste Pat Seals aux côtés de Dan Ryan (batterie) complétés par les irremplaçables et inamovibles Brandon Yeagley au chant et le fougueux Chris Bishop à la guitare. Gonflés à bloc, la machine retrouve toute sa rugosité et sa puissance.

Toujours au croisement d’un Hard Rock sauvage, d’un Stoner Rock appuyé et de quelques touches Doom, CROBOT avance avec vigueur et met une grosse intensité sur chaque chanson (« Come Down », « Nothing », « Metal », « Disappear », « White Rabbit » et le morceau-titre). Produit par le groupe, puis mixé et masterisé par Alberto De Icaza (Clutch), « Obsidian » creuse dans les méandres de l’âme avec authenticité et force. A la fois sombre et texturé au possible, le groove est titanesque… et obsédant !   

Catégories
Heavy Stoner Psych

Thunderbird Divine : une tornade enchanteresse

Brut et rugueux, lumineux et fin et parfois même lyrique, « Little Wars » se balade dans un univers Stoner où les limites artistiques ont disparues. Il faut avoir une solide expérience et beaucoup d’audace pour se lancer dans une telle entreprise, et cela nécessite aussi forcément une grande ouverture d’esprit pour en apprécier toutes les subtilités. Hard Rock, Prog, Doom, Psych, Heavy Rock et sensations tribales, THUNDERBIRD DIVINE explose les codes et impose les siens avec brio et une assurance décomplexée.

THUNDERBIRD DIVINE

« Little Wars »

(Black Doomba Records)

Né des cendres de Wizard Eye et de Skeleton Hands en 2017, THUNDERBIRD DIVINE a fait du chemin et après « Magnesonic » (2019) et « The Hand Of Man » (2020), il se présente aujourd’hui avec un troisième opus sur lequel il souffle un vent de liberté. Expérimental et organique, « Little Wars » nourrit un Stoner débridé de sonorités Psych et Doom grâce à l’utilisation de thérémine, de sitar, de banjo, de mélodica et autres bizarreries comme l’indiquent les musiciens.

Tous multi-instrumentistes, les membres de THUNDERBIRD DIVINE sont des acteurs chevronnés de la scène de Philadelphie, ce qui explique probablement l’absence de frontières musicales et cette maîtrise instrumentale. Car au-delà d’un classique Heavy Stoner Psych, le quatuor multiplie les incartades en prenant des chemins inattendus et en passant d’une ambiance à l’autre d’un claquement de doigt. Entre voix féminines et parties de piano aériennes, les Américains sont d’un éclectisme rare.  

Dès l’instrumental, « Poney Express », et son ambiance far-west bardée de chants d’oiseaux, THUNDERBIRD DIVINE promet un voyage original. Et c’est ce que propose « Little Wars » à travers des passages Rock très appuyés et musclés et d’autres plus intimistes, mais avec toujours aussi une pointe de curiosité et une fougue non-dissimulées (« Times Gone Bad », « Last Laugh », « These Eyes », « Old Black Crow », « Black Rhino Mantra », « Highway Dawn »). Cet album est incroyable et il serait vraiment dommage de passer à côté.  

Catégories
International Stoner Rock

Greenleaf : indestructible foundation [Interview]

A la tête de deux institutions, qui sont autant de locomotives du Stoner européen, Tommi Holappa mène de front les groupes Dozer et GREENLEAF. Alors que le premier a sorti « Drifting in the Endless Void » l’an dernier, c’est avec le très bon « The Head & The Habit » qu’il réapparait aujourd’hui, toujours animé d’une passion inébranlable et d’une bonne humeur contagieuse. Très prolifique, le guitariste et ses trois camarades de jeu livrent un nouvel album riche et compact, tout en restant véloces et accrocheurs. Ce neuvième opus est l’un des meilleurs des Suédois et il s’accompagne aussi d’un changement de label. Entretien avec un musicien toujours aussi créatif.  

– La première sensation qui ressort de l’écoute de « The Head & The Habit » est une impression d’aboutissement, une sorte d’apogée du style de GREENLEAF. C’est aussi ton sentiment, celui d’être aller au bout d’un processus de création fort ?

Je peux te dire qu’après avoir eu le mixage final de l’album pendant presque cinq mois avant sa sortie, j’aime toujours beaucoup l’écouter ! Habituellement, bien sûr, j’apprécie chaque nouveau disque que nous faisons, mais avec le temps, on finit par avoir quelques favoris et aussi des chansons qui ne se sont peut-être pas révélées aussi bonnes qu’on l’aurait souhaité. Cela peut, par exemple, être de petits détails dus au mixage, comme le son de la guitare qui n’est pas parfait sur un solo. Des choses comme ça peuvent parfois m’énerver, donc je ne peux plus supporter certains morceaux ! (Rires)

Mais cet album, je peux l’écouter du début à la fin et j’en suis très satisfait ! L’écriture des chansons est forte, la production est excellente, il y a beaucoup d’énergie et on a l’impression que tout le travail acharné que nous avons prodigué a payé ! Alors oui, pour le moment, j’ai l’impression que c’est probablement notre album le plus fort à ce jour. Redemande-moi dans un an et on verra s’il aura résisté à l’épreuve du temps ! (Rires)

– Vos précédents albums gardaient toujours un petit côté imprévisible, tandis que celui-ci est assez direct avec un songwriting plus resserré aussi. L’objectif de « The Head & The Habit » était d’aller à l’essentiel, de gagner en efficacité ?

Quand nous avons commencé à écrire des chansons, nous savions que nous voulions faire un album un peu plus ‘joyeux’. « Echoes From A Mass » était un album assez sombre, parce qu’Arvid était en instance de divorce et il se sentait déprimé pendant la composition. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de divorce et tout le monde était dans une bonne situation de vie personnelle. Donc, il s’est agit de passer un bon moment, de profiter de la compagnie de chacun et de composer le meilleur album possible. Bien sûr, les textes sont toujours aussi sombres, car Arvid ne peut pas écrire de paroles joyeuses ! (Rires) Mais la musique est plus énergique et un peu plus entraînante.

– On retrouve bien sûr l’ADN de GREENLEAF avec ce savant mélange de Fuzz, de Desert Rock et de Blues enrobé d’un Stoner Rock véloce et percutant. Et l’album est aussi très bien équilibré. Justement, comment avez-vous travaillé cette fois-ci, et est-ce que vous avez œuvré, dès le départ, pour trouver la manière de rendre l’ensemble le plus homogène et complet possible ?

Lorsque nous commençons à travailler sur du matériel pour un nouvel album, cela prend toujours du temps avant d’entrer véritablement dans le flow. Nous pouvons avoir deux ou trois bonnes idées, mais qui ne nous semblent pas géniales pour autant. Cela peut prendre des semaines, ou parfois des mois, avant d’avoir cette idée de chanson qui nous fait vraiment dire ‘Wow !’. Pour cet album, « Avalanche » a été la chanson qui a tout déclenché. Cela devient plus facile d’écrire tranquillement quand on a une idée de morceaux qui nous inspirent vraiment. Ensuite, le reste arrive naturellement et après un certain temps, on a en quelque sorte un fil rouge qui traverse tout cela, et on commence à entendre ce qui manque à l’album. Les deux dernières chansons écrites ont été « That Obsidian Grin » et « An Alabastrine Smile », parce que nous avions déjà des titres très rythmés et on voulait ralentir un peu les choses. Et la tracklist de cet album a été décidée avec l’idée du vinyle en tête, car nous voulions deux faces, qui se terminent toutes les deux par un titre plus doux. C’est vrai que nous consacrons beaucoup de temps à essayer de trouver l’ordre parfait des morceaux, car un bon album doit être comme un bon film : avoir des hauts et des bas, ainsi que te tenir en haleine et te captiver jusqu’à la fin.

– Comme pour « Echoes From The Mass » et depuis très longtemps maintenant, vous avez travaillé avec Karl Daniel Lidén, qui vous connait très bien. Pourtant, le son paraît plus clair sur « The Head & The Habit » et la production plus accessible et accrocheuse aussi. Est-ce que cela tient tout simplement au contenu de l’album et des textes, ou c’est le son que vous cherchiez à obtenir depuis un moment déjà ?

Oui, Karl Daniel est en quelque sorte le cinquième membre du groupe et il sait exactement ce dont les chansons ont besoin. Habituellement, lorsque nous arrivons à la moitié d’un album, nous faisons un enregistrement merdique des chansons en répétition et en direct avec nos téléphones, puis nous l’envoyons à Karl Daniel. C’est à ce moment-là qu’il élabore généralement un plan sur la façon dont l’album devrait sonner. Il écoute les chansons et commence alors à entendre dans sa tête comment devrait être la production. Il fait vraiment ressortir le meilleur de nous !

– Un mot aussi au sujet des textes qui sont très introspectifs et qu’Arvid Hällagård a écrit en se servant de son expérience personnelle avec des personnes en souffrance. Et c’est vrai que l’album a un aspect très narratif dans son déroulé. On a l’impression que vous avez voulu apporter plus de profondeur et d’émotion en explorant ces thématiques. Pourtant, l’ensemble est étonnamment lumineux. Votre envie était-elle de jouer sur ces contrastes ?

Comme je te le disais, Arvid a du mal à écrire des paroles ‘joyeuses’ sur les voitures rapides, les filles et l’alcool ! (Rires) Nous laissons ça à d’autres groupes, qui le font mieux que nous. Sur cet album, les textes parlent principalement de problèmes de santé mentale et de dépendance et nous avons pensé qu’il était intéressant d’avoir des contrastes entre la musique et les paroles. La chanson peut être entraînante et dansante, mais ensuite les mots peuvent te transporter dans un endroit totalement différent.

– Ces dernières années, tu avais pu te consacrer uniquement à GREENLEAF et l’an dernier Dozer a aussi fait son retour (et quel retour !) avec le très bon « Drifting In The Endless Void ». De quelle manière mènes-tu les deux groupes de front ? Je pense surtout à la composition, à ton jeu de guitare et à ton son ? C’est facile de passer de l’un à l’autre ? Et est-ce que ta configuration personnelle est différente sur ton instrument et sa sonorité ?

En fin de compte, c’est facile car Fredrik (Nordin – NDR) et Arvid travaillent tous les deux de manière différente et ce sont des chanteurs très distincts aussi. Si je soumettais une idée de riff à Fredrik, puis la même à Arvid, cela donnerait deux chansons totalement différentes. Mais bien sûr, il y a des parties de guitare dans GREENLEAF, qui pourraient être celles de Dozer et inversement. Les trucs les plus Blues que je propose vont toujours à GREENLEAF et les trucs plus durs à Dozer. Et par ailleurs, je ne travaille pas sur des chansons pour les deux groupes en même temps, ça prêterait à confusion, je pense. Un album à la fois et avec un seul groupe. Et puis, j’ai la chance de travailler et de faire de la musique avec deux grands chanteurs.

– D’ailleurs, les albums de GREENLEAF et de Dozer sont assez proches dans leur sortie respective. Comme allez-vous défendre « The Head & The Habit » sur scène, est-ce que l’on pourrait rêver à une affiche regroupant les deux groupes, comme on a déjà pu le voir avec d’autres musiciens ?

C’est une bonne idée ! Mais je pense que Sebastian (Olsson – NDR), qui est aussi le batteur des deux groupes, et moi mourrions sur scène si nous faisions deux sets d’affilée ! (Rires) Et ce ne serait pas juste envers le groupe qui joue en dernier d’avoir Sebastian et moi après deux ou trois heures de scène dans les pattes ! (Rires)

– Tu es à la tête de deux groupes majeurs de la scène Stoner européenne, qui se distinguent dans des approches différentes et créatives. Même si les journées ne font que 24h, est-ce que tu pourrais avoir l’envie, ou juste l’idée, de créer une autre entité dans une nouvelle déclinaison Stoner ?

On m’a demandé de rejoindre différents projets, mais pour le moment, je n’ai pas le temps. Jouer dans ces deux groupes, avoir un travail quotidien, puis une famille et une fille m’occupent 24 heures. Mais un jour, je monterai un groupe avec Karl Daniel et Peder de Lowrider. Nous en parlons depuis des années. Nous sommes tous des gens très occupés, mais dans le futur, cela arrivera. C’est sûr !

– Enfin j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label. Vous avez quitté Napalm Records pour Magnetic Eye Records. Pour quelle raison et est-ce un label qui répond plus et mieux à vos attentes et qui s’éparpillent aussi peut-être moins dans son catalogue ?

Nous avons changé de label, parce que nous avions fait trois albums avec Napalm. Ils ont fait du bon travail, mais il était temps d’essayer autre chose. Nous voulions revenir à un label un peu plus petit, où nous serions l’un des plus grands groupes au lieu d’être un petit groupe de Stoner parmi beaucoup de groupes de Power Metal. Jusqu’à présent, tout se passe très bien avec Magnetic Eye Records ! Nous sommes heureux et eux ont l’air de l’être aussi… C’est un accord parfait !

Le nouvel album de GREENLEAF, « The Head & The Habit », est disponible chez Magnetic Eye Records.

Retrouvez la chronique de l’album précédent de GREENLEAF…

…Et les deux interviews de Tommi pour DOZER :