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Heavy Stoner Prog International

Howling Giant : ascensionnel [Interview]

Toujours aussi progressif et s’engouffrant même dans des fulgurances cosmiques fortes et aériennes, le jeu des Américains atteint de nouveaux sommets. Avec « Crucible & Ruin », un cap est franchi par le combo de Nashville dans la maîtrise du songwriting notamment, mais aussi avec l’arrivée d’un nouveau membre à la guiatre et claviers, qui va permettre au désormais quatuor du Tennessee de s’élever encore un peu plus. Entouré d’une équipe de producteurs redoutables, HOWLING GIANT multiplie les mélodies accrocheuses et met en avant une maîtrise technique incroyable, qui lui permet à peu près tout. Le Heavy Stoner Prog du groupe prend de la hauteur et Tom Polzine (guitare, chant) ne cache pas sa grande satisfaction. Entretien.

– Ce troisième album sort dix ans après votre premier EP éponyme. C’est un cap souvent important dans la vie d’un groupe. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette première décennie de HOWLING GIANT ? 

Ces dix dernières années ont été formidables. Je pense que nous avons accompli bien plus que ce que j’espérais et il nous reste encore tellement de choses à faire. Découvrir la musique que nous avons pu composer ensemble a été une expérience incroyable et j’ai hâte de voir où cela nous mènera. Et j’espère aussi que nous reviendrons bientôt en France !

– Une chose est sûre, c’est que « Crucible & Ruin » est votre album le plus abouti, grâce notamment à un songwriting très créatif et efficace. Avez-vous changé votre façon d’aborder les morceaux, ou est-ce au contraire le fruit de toutes ces années de travail ?

Je pense que notre processus de composition évolue constamment. Je suis vraiment fier de tout le travail que nous avons accompli jusqu’à présent, et « Crucible & Ruin » n’est que la prochaine étape de notre parcours créatif. Nous n’avons pas nécessairement abordé cet album différemment de « Glass Future » du point de vue de la composition, mais nous aimons avoir un thème, ou du moins des images fortes en tête, lorsque nous composons. « Crucible & Ruin » a une ambiance thématique différente de celle de « Glass Future », et la composition s’y est forcément adaptée d’elle-même.

– Il y a quelques changements qui entourent ce nouvel album à commencer par l’arrivée aux claviers et à la guitare d’Adrian Lee Zambrano. C’est vrai qu’il apporte beaucoup de relief et de nouvelles tessitures au son de HOWLING GIANT. Est-il le membre qui manquait au groupe pour élever un peu plus son niveau de jeu, et en quoi sa première contribution a-t-elle consisté ?

Adrian est un musicien incroyablement talentueux et nous avons vraiment de la chance de l’avoir parmi nous. Lorsque nous l’avons intégré au groupe, l’album « Crucible & Ruin » était déjà pratiquement terminé, mais il a pu apporter sa contribution en ajoutant des sonorités et des nuances auxquelles nous n’avions pas pensé. Je pense que ces ajouts ont vraiment apporté une touche spéciale à cet album et ont contribué à donner vie à ces morceaux.

– Cette deuxième guitare apporte bien sûr de la puissance à l’ensemble, ainsi qu’un nouvel équilibre au groupe et il en ressort beaucoup de force. Cela vous ouvre aussi de multiples possibilités. Est-ce que, justement, vous avez pu expérimenter des choses inédites pour vous jusqu’à présent dans l’écriture ou le son ?

Lorsque j’enregistre un album, j’adore ajouter des couches de guitare supplémentaires et j’ai toujours inclus des harmonies complémentaires. Le problème, c’est que lorsque nous jouons en concert à trois, nous devons interpréter une version du morceau qui ne correspond pas toujours à l’enregistrement. Cette harmonie de guitare supplémentaire manquait jusqu’à présent. Maintenant qu’Adrian fait partie du groupe, nous pouvons les inclure, ce qui apporte une nouvelle dimension à nos performances live. Je suis impatient d’écrire le prochain album avec lui, en partant de zéro. Attendez-vous à plus de riffs et à plus de lignes mélodiques harmonisées ! Et j’en suis ravi.

– Pour conclure sur ce sujet, qu’est-ce que la formule à quatre a véritablement changé pour HOWLING GIANT, car celle du power trio est souvent synonyme de spontanéité ?

Je trouve qu’un groupe de quatre musiciens a un son plus ample sur scène et nous permet d’explorer des compositions plus complexes. Jouer en trio a son charme, mais cela comporte aussi des limites. Je pense que la version à quatre musiciens de HOWLING GIANT va nous ouvrir de nouvelles perspectives exceptionnelles.

– Pour la première fois, vous avez même quitté le « Bunker » où vous avez toujours enregistré vos albums, pour vous retrouver aux Almish Electric Chair Studios d’Athens en Ohio. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ? C’était le bon moment pour sortir d’une certaine zone de confort et peut-être aussi de tourner une page ?

Nous savions dès le départ que nous voulions que notre prochain album présente une qualité sonore améliorée du point de vue de la production. A chaque album que nous sortons, nous souhaitons montrer une certaine progression, ou évolution, de notre son et Neil Tuuri des studios Amish Electric Chair a fait un travail extraordinaire pour nous aider à atteindre cet objectif.

– Justement, vous avez aussi travaillé cette fois avec Neil Tuuri, Kim Wheeler et James Sanderson. Est-ce que cette nouvelle équipe vous a ouvert des perspectives, car « Crucible & Ruin » est plus progressif, entre autres ? Et y a-t-il eu un travail particulier sur les atmosphères et les arrangements notamment ?

C’est vraiment l’équipe de rêve ! Neil nous a aidés à enregistrer les meilleurs sons possibles et a mixé cet album à la perfection. Kim nous a permis d’obtenir certaines des meilleures pistes vocales que nous n’ayons jamais enregistrées et ses conseils sur l’équilibre du mixage ont été inestimables. James Sanderson est l’un de mes meilleurs amis depuis longtemps et l’un des meilleurs auteurs-compositeurs que je connaisse. Son apport créatif nous a permis de donner une dimension supplémentaire aux chansons sur lesquelles nous travaillions. Je me sens vraiment chanceux d’être entouré de personnes aussi talentueuses et cela me donne beaucoup de confiance pour l’avenir de nos prochains albums.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot au sujet de « Beholder » que vous avez décliné en deux parties : « Downfall » et « Labyrinth ». Quel a été le déclic pour vous lancer dans un tel morceau qui sort vraiment des standards habituels, et comment vous y êtes-vous pris pour sa composition ? Etait-ce un bloc peut-être trop long que vous avez préféré scinder en deux ?

Les morceaux « Beholder I » et « Beholder II » ont été composés individuellement, mais ils illustrent l’influence d’un personnage particulier au sein du concept de l’album. « Beholder I » annonce l’arrivée d’une entité chaotique lovecraftienne issue de l’abîme cosmique, et « Beholder II » dépeint l’humanité vivant dans les conséquences d’un monde ravagé par l’impact de cet événement.

Le nouvel album de HOWLING GIANT, « Crucible & Ruin », est disponible chez Magnetic Eye Records.

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Hard'n Heavy Heavy Rock Rock US

Mammoth : le grand saut

De grosses guitares bien sûr, un duo basse/batterie hyper-groovy et un chant qui s’installe doucement, l’identité de WVH se dessine de plus en plus au moment même où trois lettres disparaissent de la pochette de ce nouvel effort. S’il est toujours question d’un travail personnel, c’est MAMMOTH qui domine et cela ressemble presque à une libération. Très Rock et pêchu, « The End » est plus organique que les deux premiers volumes et l’ensemble gagne de fait en fluidité. Une belle manière de clamer haut et fort qu’il n’a désormais plus rien à prouver.

MAMMOTH

« The End »

(BMG)

La passe de trois pour Wolfgang, qui s’émancipe réellement sur ce « The End » en livrant son disque le plus personnel à ce jour. S’il a de nouveau confié la production à Michael ‘Elvis’ Baskette (Slash, Alter Bridge, Sevendust) et que l’enregistrement s’est fait dans les familiaux Studios 5150, c’est dans l’approche musicale qu’il y a du neuf. Là où le multi-instrumentiste s’était jusqu’à présent appliqué à rendre une copie très propre (et elle l’est toujours !), MAMMOTH opte un son plus direct et plus live, comme si le jeune Californien s’était résolu à bannir toute fioritures, laissant de côté le poids d’un héritage paternel conséquent.

Et c’est plutôt bien vu, car les références sont moins présentes, hormis peut-être ce joli clin d’œil sur la chanson-éponyme « The End » justement, une façon aussi de confirmer que désormais le nom de sa formation se passerait de ses illustres initiales. Et il tape dans le mille. Très Rock tout en gardant des fulgurances très Heavy et Hard Rock, le Heavy Rock US de MAMMOTH commence à se faire identifiable, même si on pourrait lui reprocher un léger manque d’audace vocale. Car pour le reste, ce troisième album est très cohérent, très homogène et consistant, malgré quelques errements très pardonnables comme « Happy ».

En l’espace de cinq ans seulement, le musicien a affiné le songwriting, se fait aussi moins démonstratif et plus instinctif, et « The End » est à la fois élégant et plus cavalier (« I Really Wanna »). Très sincère dans le jeu, comme dans les textes, MAMMOTH n’écarte pas non plus le côté classique du genre, mais la jeunesse du combo vient rapidement rappeler qu’il vit dans son temps avec ce que ça comporte d’insouciance (« One Of A Kind », « The Spell », « Something New », « Selfish »). Il émane de ces dix titres un vent de liberté qui lui confère une touche de légèreté. Le musicien s’affranchit et se lance vers un avenir vraiment radieux.

Photo : Travis Shinn

Retrouvez les chroniques des premiers albums :

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Blues Rock

Blue Deal : avec élégance

Après le fulgurant « Can’t Kill Me Twice », les Allemands dévoilent une autre facette de leur personnalité musicale. Loin d’avoir abandonné leur fougueux Blues Rock, ils se montrent d’une belle audace en abordant un Blues plus sensible et introspectif, toujours sur un groove constant et enveloppant. BLUE DEAL élargit encore son univers et le fait avec beaucoup de finesse, de maîtrise et de fluidité. Ponctué d’orgue Hammond, d’harmonica et de slide, il n’élude rien et nous régale sur ce « Make A Change » complet et savoureux.

BLUE DEAL

« Make A Change »

(Dixiefrog)

Un peu plus d’un an après son deuxième album, « Can’t Kill Me Twice », le quatuor enchaîne déjà avec « Make A Change », preuve d’une créativité qui ne faiblit pas. Toujours guidé par l’ancien leader du Cadillac Blues Band, Joe Fischer (chant, claviers, cigar box), BLUE DEAL continue d’explorer le Blues Rock et ses contours, en affinant de plus en plus son identité artistique. Moins percutante que son fiévreux prédécesseur, cette troisième réalisation montre un aspect plus délicat et aussi plus acoustique, sans perdre de son dynamisme, bien au contraire.

En assez peu de temps, le groupe est parvenu à s’imposer bien au-delà de ses frontières, et « Make A Change » devrait contribuer à l’installer durablement dans le milieu. Ayant déjà démontré ses facultés à produire un registre musclé et direct, BLUE DEAL se penche cette fois sur le côté émotionnel de son jeu avec des morceaux aux tempos moins relevés, mais tout aussi captivants (« Easy To Hurt », « Greenland Shark », « Over Jordan », « Storm Will Come »). Une exigence que l’on retrouve aussi dans la sonorité très organique de l’ensemble.

Pour autant, la formation germanique et ne se repose pas sur ses lauriers. Intense, elle joue sur les sensations avec des changements d’ambiances bien sentis. Le jeune prodige Tom Vela s’y dévoile en vieux roublard du genre, toujours aussi inspiré, technique et véloce. BLUE DEAL compte dans ses rangs un guitariste rare, qui vient compléter un combo expérimenté, et qui traverse les paysages sonores avec grâce (« Get It Done », « Bad Boogie Woman », le torride instrumental « Hey Valley » et le morceau-titre). La voie est toute tracée.

Retrouvez la chronique de l’album précédant :

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Hard 70's Hard Blues Stoner Rock

The Lunar Effect : full light

Avec son côté roots et vintage, THE LUNAR EFFECT traverse le temps et n’en oublie pas pour autant d’être finalement très contemporain. Energique et intense, le quintet multiple les embardées, se faisant bluesy ou très compact, avec autant de facilité que d’inspiration. Entre calme et tempête, « Fortune’s Always Hiding » navigue sur un groove dynamique, une voix puissante, des riffs tranchants et des claviers qui offrent des atmosphères intemporelles aux contrastes toujours bien sentis. Une nouvelle réalisation, qui ne manque pas de panache !

THE LUNAR EFFECT

« Fortune’s Always Hiding »

(Svart Records)

Après s’être aguerri dans l’underground londonien dès 2017, le groupe n’a pas tardé à faire parler de lui au-delà, notamment grâce à « Calm Before The Calm », un premier album sorti deux ans plus tard. Repéré par Svart Records, THE LUNAR EFFECT sort « Sounds Of Green & Blue » l’année suivante, qui a rencontré son public et fut salué par la critique. Après avoir tourné dans toute l’Europe, les Anglais sont de retour avec « Fortune’s Always Hiding », un disque accompli sur lequel le côté massif se fond dans une grande finesse.

Riche et chaleureux, le registre des Britanniques s’inspirent des années 70 en empruntant autant au Rock psychédélique qu’au Hard Rock ou au proto-Metal. Ajoutez-y une dose de Stoner et de Blues et vous obtenez le savoureux mix de ce troisième opus. La production est solide, organique et aérée, de quoi donner des ailes à THE LUNAR EFFECT au point d’offrir une sorte d’état des lieux des dernières décennies du Rock, avec même quelques élans qui ne sont pas sans rappeler des formations plus récentes comme Alice In Chains.

Ainsi, dans les entrailles d’un style rétro assumé, on retrouve des grosses guitares, des rythmiques relevées et un chant très maîtrisé avec des similitudes qu’on peut retrouver sur la scène actuelle chez Rival Sons, notamment, ou Greta Van Fleet. Mais THE LUNAR EFFECT se distingue par une touche très personnelle, qui fait de « Fortune’s Always Hiding » un disque varié et qui témoigne d’une évolution grandissante du genre (« Feel The Hand », « Watchful Eye », « Stay With Me », « Settle Down », « A New Moon Rising »). Flamboyant !

Photo : James Bennett

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Stoner Metal

Supernaughty : hypernasty

Originaire de Toscane, c’est avec un chapitre massif dont les arrangements sont d’une grande finesse que SUPERNAUGHTY vient balancer une sévère secousse séismique, grâce à un Stoner Metal intense. Agressif, mais rafraîchissant, « Apocalypso » est le mix de passages Psych épaissis par un Fuzz enveloppant et d’une rugosité guitaristique de chaque instant. Fulgurants et sans limites, les Transalpins jouent libérés et avec l’aplomb des plus grands. Imposant !

SUPERNAUGHTY

« Apocalypso »

(Ripple Music)

Le chemin parcouru par le quatuor depuis son premier EP « Welcome To My V » (2015) est remarquable d’autant qu’il monte en puissance à chaque réalisations. Après deux albums sortis chez Argonauta Records, c’est le label californien Ripple Music qui les accueille et « Apocalypso » ne va pas dépareiller un seul instant dans son somptueux catalogue. Au contraire, SUPERNAUGHTY passe à la vitesse supérieure et assoit sans mal son Stoner Metal aux saveurs Sludge et Hard Rock en se montrant compact et indomptable avec assurance.

Avec un côté lourd assez Doom qui rappelle Dozer ou Lowrider et un aspect Fuzz Rock hérité de Kyuss et Fu Manchu, les Italiens font très habillement le grand écart entre la Suède et les Etats-Unis, tout en affichant beaucoup de cohérence et un style bien à eux. Enregistré en Italie, puis mixé et masterisé par Karl Daniel Lidén (Dozer, Greenleaf), SUPERNAUGHTY a vu les choses en grand et son Stoner Metal se diffuse de manière profonde et efficace sur un mur de guitare fracassant et un groove hypnotique.

Tout en variations, « Apocalypso » développe une énergie phénoménale, hyper-Heavy et propulsée par des riffs tranchants, presque Thrash dans l’approche, un rythme appuyé et farouche, sans compter la prestation XXL de son frontman Angelo Fagni. SUPERNAUGHTY avance en bloc et en impose grâce à des morceaux aussi mélodiques que ravageurs (« Poseidon », « Amsterdamned », « Weird Science », « Queen Of Babylon » et le morceau-titre. Ce nouvel opus est plus qu’une claque, c’est un uppercut dans les règles !

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Blues Rock France Soul Southern Blues

Jessie Lee & The Alchemists : nourrir l’héritage [Interview]

Fort d’un nouvel album dont les morceaux ont déjà été bien éprouvés sur scène, JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS livre « Legacy » à travers lequel il revient sur ses racines. On y décèle un hommage, bien sûr, mais pour autant les Français continue d’œuvrer dans la démarche qui les guide depuis leurs débuts. Très live et organique, la production dégage une chaleur enveloppante, inhérente au style et avec une touche très 70’s. La chanteuse et son groupe ont une fois encore façonné une belle réalisation et ils reviennent sur sa conception.

– Ce troisième album est assez spécial pour plusieurs raisons. La première est que vous avez composé les morceaux pour ensuite les roder sur scène Qu’est-ce qui vous a mené à ce processus ?

Nous avons toujours fait comme ça, dès le début du groupe. Nous répétons peu les nouveaux morceaux, nous les laissons évoluer et s’affiner sur scène, ensuite seulement nous répétons pour préparer l’album. Cela nous permet aussi de ne pas nous poser de question au moment de l’enregistrement. Les titres sont digérés tout en gardant la fraîcheur de la nouveauté. En studio, nous jouons live en essayant de garder le même feeling que sur scène, c’est donc important pour nous que tous les titres aient été rodés avant.

– D’habitude, les groupes attendent la sortie du disque pour le défendre sur scène, ce qui créée aussi une certaine émulation pour le groupe comme pour les fans. Comme vous avez joué ces morceaux lors votre dernière tournée européenne, est-ce que cela vous a consolidé dans la composition de certains, et d’ailleurs en avez-vous retiré de votre répertoire suivant les réactions ?

Plein de petits détails s’affinent à force de jouer les nouveaux titres en live et ils continuent d’ailleurs à évoluer même après l’enregistrement de l’album. Et les réactions du public peuvent aussi contribuer à conforter nos choix, bien sûr.

– Si on reste sur l’aspect scénique, la sortie de « Legacy » signifie aller tourner de nouveau avec ces mêmes morceaux. Comment, et allez-vous d’ailleurs le faire, réinventer vos setlists ?

En réalité, nous introduisons des nouveaux titres à l’intérieur de la setlist précédente, donc ils arrivent par ‘roulement’, un ou deux, comme une sorte d’exclusivité pour le public. Seulement maintenant, nous jouons tous les titres du nouvel album avec un nouveau show. Il est d’ailleurs possible, d’ici quelques temps, que des nouveautés se glissent dans ce dernier !

– Musicalement aussi, votre démarche peut paraître surprenante. On a tendance à imaginer un troisième album comme celui qui vient conforter la personnalité d’un style. Or, ici, vous rendez hommage à vos racines musicales. C’est tout aussi enthousiasmant, mais c’est le genre de réalisation qu’on attend peut-être plus tard dans une discographie. Qu’est-ce qui a motivé cette démarche ?

Il n’y a rien de bien différent. Ce sont toujours des compositions originales avec notre son et notre personnalité, plus affirmée que jamais. Chaque album se doit d’être différent, et chaque morceau une histoire et un tableau à lui seul. La démarche était plutôt de revenir à ce par quoi nous avions commencé, s’inspirer de nos racines tout en mettant en avant le groupe live et ‘jam band’ que nous sommes. Nous nous laissons avant tout porter par nos envies du moment.

– « Legacy » a aussi été enregistré en studio dans des conditions live. Est-ce justement parce qu’il a été joué sur scène que vous avez opté pour cette façon de procéder ?

Tous nos albums ont été enregistrés de cette façon, tout en produisant de façon plus ou moins sophistiquée les morceaux, en ajoutant des guitares, des claviers, etc… C’est important pour nous de garder cette énergie live, qui doit rester la base des titres.

– Ce nouvel album est aussi un beau voyage musical à travers le Blues bien sûr, la Soul, le Rythm’n’ Blues et le Southern Rock, tout ce qui vous caractérise. Justement, comment avez-vous réussi à éviter les clichés des habituels hommages, tout en gardant votre identité artistique ?

Merci ! Les morceaux sont avant tout des originaux, notre identité artistique et musicale est partout. Ce sont plus des évocations, des clins d’œil, une manière de jouer et une façon de composer, qui rendent hommage à certains artistes et certains morceaux.

– Un mot aussi sur la production de l’album, qui est entièrement analogique et réalisée sur du matériel vintage. Est-ce que ce n’est finalement pas ça l’essence-même du Blues et ce qui retranscrit le mieux son âme ?

Il est important pour nous de ne jouer que sur du matériel analogique, des lampes dans les amplis, un vrai piano, un vrai orgue Hammond, etc… C’est ce avec quoi nous avons grandi et, effectivement, c’est ce que nous aimons et avons dans les oreilles. Nous n’allions pas faire de clins d’œil aux Allman Brothers, Edgar Winter ou à Jeff Beck, pour n’en citer que quelques uns, en utilisant des modélisations numériques ! (Rires)

– Enfin, vous reprenez « You’re The One That I Want » de John Farrar, rendu populaire par le film « Grease ». Vous en faites même une version presque Reggae, même si le final est beaucoup plus puissant. L’objectif de départ était-il de déconstruire l’original pour vous l’approprier ensuite complètement ?

Exactement, y mettre de nous, et prendre à contre-pied ce morceau que nous adorons ! La chose amusante est le refrain. Alors, nous avons modulé la tonalité, changé l’harmonie et la mélodie, ainsi que le rythme et pourtant on le reconnait. Il n’y a qu’une petite guitare qui fait un clin d’œil aux choeurs originaux du morceau. C’était un vrai challenge !

Le nouvel album de JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS, « Legacy », est disponible chez Binaural Production/Absilone.

Photos : Eric Martin

Retrouvez aussi la chronique de leur album précédent, « Let It Shine » :

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Doom Occult Rock

King Witch : Scottish mist

C’est avec beaucoup de mordant, mais aussi des refrains bien sentis, que KING WITCH revient deux ans après son dernier méfait avec un troisième opus qui devrait mettre tout le monde d’accord. Entre Heavy Doom et Occult Rock, « III » s’engouffre dans des méandres très maîtrisés et, grâce à une chanteuse au sommet de son art et des parties de guitares variées et saisissantes, la lumière sort parfois de l’ombre et ce disque s’impose déjà comme l’une des pépites de l’année.

KING WITCH

« III »

(Listenable Records)

Transperçant les brumes écossaises Depuis une dizaine d’années maintenant, KING WITCH surgit avec, comme son nom l’indique, son troisième et sûrement son meilleur album. Après « Under The Mountain » (2018) et « Body Of Light » (2023), c’est sous une formule en trio (sur le papier) qu’il se présente et « III » vient déjà se classer parmi les réalisations incontournables du style. Franchement hors-norme à bien des égards, ce nouvel opus est incroyable de finesse, hyper-Heavy, créatif et immersif d’un bout à l’autre.

C’est aussi peut-être les quelques changements de line-up qui apportent cet élan de fraîcheur. Si l’on retrouve le duo fondateur composé du couple Laura Donnely au chant et Jamie Gilchrist à la guitare et à l’enregistrement, c’est désormais Rory Lee qui officie à la basse, tandis qu’Andrew Scott a assuré les sessions de batterie en studio. Et l’équilibre artistique de KING WITCH est plus solide que jamais. L’osmose est évidente et la multitude d’atmosphères et la force des compositions rayonnent littéralement.

Dans une ambiance occulte, la formation d’Edimbourg ouvre les hostilités avec « Suffer In Life », un titre progressif et tout en lourdeur, qui n’empêche pas sa frontwoman d’afficher sa puissance vocale. Et de ce côté-là, Laura Donnely est sans aucun doute l’une des meilleures de sa catégorie, et de très loin. Le Heavy Doom de KING WITCH est très accrocheur, lancinant et féroce et les mélodies distillées sont lumineuses (« Swarming Flies », « Sea Of Lies », « Behind The Veil », « Diggin In The Dirt », « Last Great Wilderness »). Renversant !

Photo : Simon Anger

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Blues Soul

Eva Carboni : bluesy overview

Dotée de l’une des plus belles voix du Blues actuel, EVA CARBONI brille de nouveau sur ce disque un peu spécial, où elle a rassemblé des inédits, des remixes de raretés et quelques pépites qui l’ont fait connaître. « The Blues Archives » peut donc se voir comme une sorte d’état des lieux d’une carrière qui ne demande qu’à gagner encore plus en notoriété et en reconnaissance, tant ses performances vocales sont habitées et uniques. Encore un beau moment !

EVA CARBONI

« The Blues Archives »

(Mad Ears Productions)

Après un troisième album sorti en novembre dernier, « Blues Siren », EVA CARBONI nous fait le plaisir de se présenter aujourd’hui avec « The Blues Archives ». Constitué de morceaux inédits et d’autres moins connus, ce nouvel opus est encore un ravissement, où elle s’illustre grâce à sa voix limpide, puissante et très Soul. La chanteuse née en Sardaigne et basée à Londres propose également de nouveaux mixes de ses titres les plus représentatifs, l’occasion de se familiariser avec son répertoire sur un même disque.

Toujours accompagnée par son ami le producteur anglais Andy Littlewood, également excellent guitariste, bassiste et claviériste, EVA CARBONI propose un mélange de Blues et de Rock et cette ambiance très feutrée aux accents jazzy est vraiment enveloppante. Il faut aussi préciser que l’Italienne est remarquablement mise en valeur par des musiciens exceptionnels. Aux guitares, Mick Simpson et Andrias Linsdell se relaient à merveille, Pete Nelson fait groover la rythmique et Dave Hunt enflamme « Bad Blood » à l’harmonica.

Reparti sur onze chansons, « The Blues Archives » n’a rien de poussiéreux comme pourrait le sous-entendre son titre, c’est même tout le contraire. Le son est très homogène et offre une belle unité musicale et l’intemporalité à l’œuvre est remarquable. EVA CARBONI ouvre majestueusement avec « Someone Else’s Life », puis on retrouve les ‘Archives Mix’ de « Love Me Tonight », « Bad Blood », « The Magic » et « Wrong Turn ». Suivent le ‘Freedom Mix’ de « Goin’ Back Home » et le très bon ‘Bar Room Mix’ de « A Woman Scorned ». Resplendissante !  

Retrouvez l’interview de l’Italienne à l’occasion de la sortie de « Blues Siren » :

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Blues Rock

One Rusty Band : from the road

A écumer à ce point les scènes, ONE RUSTY BAND a presque élu domicile dans son camion, une sorte de deuxième maison dans laquelle passe une multitude d’émotions. Un rythme de vie qui donne aussi lieu à la rêverie et à la réflexion. C’est ce que raconte à demi-mot cette troisième salve irrésistible et toujours aussi explosive. Avec « Line After Line », nos deux protagonistes font preuve d’autant de complicité artistique que de vigueur. Un Blues Rock unique et enthousiasmant.

ONE RUSTY BAND

« Line After Line »

(Inouïe Distribution)

Trois ans après « One More Dance », notre fougueux duo fait son retour avec « Line After Line », un troisième album où l’on constate avec plaisir qu’il a toujours le riff rugueux et des fourmis dans les jambes. ONE RUSTY BAND poursuit son tumultueux road-trip entre Blues et Rock, sorte de percussion entre le son du Delta après un passage à la moulinette Garage Rock. C’est d’ailleurs la thématique de ce nouvel opus : la vie sur la route avec tout ce que cela comporte de rencontres, d’états d’âme et de liberté surtout.

Pourtant, point de divagation sur ce brûlant « Line After Line ». Acrobatique dans le fond comme dans la forme, ONE RUSTY BAND trace son sillon avec la même authenticité qu’à ses débuts, à la différence notoire que son style s’est affirmé pour être aujourd’hui immédiatement identifiable. Si les claquettes de Léa (qui s’essaie aussi avec brio pour la première fois au chant) y sont pour beaucoup, le jeu et l’attaque de Greg et ses guitares, cigarbox ou pas, son harmonica et son foot drum complètent harmonieusement l’ensemble.

C’est d’ailleurs le chanteur qui assure encore le mix, une bonne habitude qui conforte son empreinte sonore. Sur un rythme effréné, ONE RUSTY BAND emporte tout sur son passage dans un élan qui ne faiblit jamais. Et ce débordement d’énergie se fond dans une inspiration de chaque instant et un panache qui en font aussi sa marque de fabrique (« I Wanna Kill You », « Mr Catfishman », « Happy Mess », « Anger Bones », « Come Back Home »). Flirtant discrètement avec une approche à la Black Keys, les Bretons régalent encore !

Photo : Jimmy Mettier

Retrouvez l’interview accordée par le duo à la sortie de « One More Dance » :

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Proto-Metal Stoner Doom

Crystal Spiders : un univers parallèle

CRYSTAL VIPERS continue de brillamment tisser sa toile et ce troisième effort vient assoir une position rapidement acquise. Guidée par la voix captivante de Brenna Leath, « Metanoia » va encore plus loin que son prédécesseur pour nous faire voyager dans des atmosphères intenses flirtant avec le Psych. Subtil et fascinant, bien que dévastatrice et fulgurante, cette nouvelle pierre fait encore grandir un édifice de plus en plus solide et les trois musiciens impriment un caractère bien trempé.

CRYSTAL SPIDERS

« Metanoia »

(Ripple Music)

Quatre ans après « Morieris », le power trio est enfin de retour avec un troisième album sur lequel il élève encore son niveau de jeu. Fondé en 2019 par la chanteuse et bassiste Brenna Leath, CRYSTAL VIPERS a rapidement fait l’unanimité, grâce à un style très protéiforme qu’on pourrait presque comparer aux fluctuations d’un line-up qui change à chaque réalisation. Pour « Metanoia », l’Américaine est accompagnée d’Aaron Willis à la batterie et de Reid Rogers à la guitare et l’ensemble est une fois encore très cohérent.

Toujours produit par le bassiste de Corrosion Of Conformity, Mike Dean, ce nouvel opus conforte le style et la sonorité de la formation de Caroline du Nord, preuve en est que la leader du combo sait parfaitement où elle va. Œuvrant entre proto-Metal et Stoner Doom, CRYSTAL VIPERS possède une patte toute particulière où des teintes Psych se joignent à des riffs directement inspirés du Heavy originel. D’ailleurs, son goût pour la NWOBHM est toujours présent et sa frontwoman pourrait même évoquer une sorte d’Ozzy au féminin.

En gardant son aspect très live, le groupe continue donc son exploration et développe un univers personnel. Il multiplie les combinaisons et les dimensions, tout en restant fidèle à une ligne musicale bien définie, organique et en intégrant des touches occultes bien senties (« Torche », « Blue Death », « Ignite », « Maslow », « O.S. »). L’aventure continue de très belle manière et trouve son identité artistique bien au-delà de l’impact vocal très prégnant de Brenna Leath. Une belle ascension qui va de paire avec une créativité bouillonnante.

Retrouvez la chronique de l’album précédent :