La productivité d’ERIC BIBB n’a d’égal que son inspiration… et elle est grande ! Alors qu’en avril, il sortait « Live At The Scala Theatre » quelques mois tout juste après le génial « Ridin’ », il récidive déjà avec un « In The Real World », majestueux dans sa simplicité et dans ce flow Soul dont il a le secret. Très dynamique dans les arrangements, il a donné sa confiance à Glen Scott, le patron de Repute Records, qui a produit, arrangé et mixé les chansons. Magnifiquement équilibré et savamment travaillé, les harmonies vocales sont incroyablement riches et s’élèvent à un niveau auquel on est finalement habitué de sa part.
ERIC BIBB
« In The Real World »
(Stony Plain Records/Repute Records)
L’Américain a le Blues voyageur. Après s’être installé à Paris à 19 ans, puis en Suède pour finalement s’établir en Angleterre, ERIC BIBB n’est peut-être pas prophète en son pays, mais il l’est assurément sur le vieux continent. Ce qui, pour un pasteur, est une bonne première étape. On ne compte plus ses innombrables albums, autour de la quarantaine, mais on peut souligner que chacun d’entre eux est d’une beauté renversante. Le précédent, « Ridin’ » lui a valu d’être nominé aux fameux Grammy Awards et « In The Real World » a de grande chance, lui aussi, de prendre le même chemin, en espérant une récompense au bout.
Après cinquante ans de carrière, un record de récompenses et une intronisation au ‘Blues Hall Of Fame’ en 2015, ERIC BIBB s’offre une magnifique ode à l’introspection et à la quête de soi. Et c’est dans les studios d’un autre grand artiste, Peter Gabriel, qu’il est allé immortaliser les 15 chansons de « In The Real World ». Comme toujours avec lui, le son est limpide, cristallin et la qualité des réalisations effectuées dans au ‘Real World Studios’ donne une couleur pleine de douceur, et aussi de profondeur, à des mélodies passionnées et des textes apaisants, tout en restant engagé dans un humanisme de chaque instant.
Dès les premières notes de « Take The Stage », on se retrouve enveloppé de la voix chaude et rassurante d’ERIC BIBB. Toujours très sociétal dans son propos, il plonge surtout dans ses souvenirs d’enfance dans des ambiances d’ailleurs très différentes passant du Delta au Gospel et à la Folk, et parfois légèrement Country. Il avoue même présenter avec « In The Real World » une sorte d’autoportrait de ses influences (« Everybody’s Got A Right », « This River (Chains & Free) », « Neshoba County », « Dear Mavis », et bien sûr la chanson-titre). Le bluesman a l’écriture forte et sensible et sa musique est aussi immaculée qu’électrique.
Chacune de ses réalisations est toujours surprenante et avec « Mother », ZZ WARD ne déroge pas à la règle. Imprévisible, c’est sur le légendaire label Sun Records qu’elle publie cette fois quelques chansons. Avec beaucoup de vitalité, elle témoigne de ses expériences en tant que mère. Vulnérable et forte, elle n’élude aucun passage et aborde plusieurs domaines de la parentalité en jouant aux montagnes russes. Ca sent le vécu et lorsque tout cela est décliné dans un Blues épuré, où se croisent instants Gospel et envolées de cuivres sur des guitares ardentes, on ne peut que tomber sous le charme.
ZZ WARD
« Mother »
(Sun Records)
Un an tout juste après l’excellent et très éclectique « Dirty Shine », la néo-Californienne originaire de l’Oregon fait un retour express, mais très qualitatif, avec « Mother ». Composé de six titres, ZZ WARD apparait cette fois sur Sun Records et livre ses sentiments sur les sensations que procure la maternité. Et plutôt que de se disperser, ce qu’elle fait d’ailleurs très bien, c’est dans un registre Blues très roots qu’elle a choisi d’évoluer. Et il faut reconnaitre que l’approche très sincère et authentique du style s’y prête à merveille. Avec une attitude totalement décomplexée, on ne peut que succomber à autant de fougue et de vérité.
C’est une sorte de retour à ses premières amours pour ZZ WARD qui renoue avec ses racines musicales dans une version très brute et profonde. D’ailleurs, ce nouveau format court réserve aussi quelques surprises, la songwriter étant pleine de ressources. L’intensité passionnée et l’énergie sans filtre qui émanent de « Mother » nous rappelle à quel point elle est une incroyable chanteuse et une multi-instrumentiste de haut vol. Elle prend beaucoup de plaisir à explorer ses six chansons en les révélant sous un jour nouveau et un son également différent. Directe et sans détour, on brûle avec elle dans ce (trop !) court moment musical.
L’Américaine ouvre son EP avec le morceau-titre, gorgé de riffs épais et sur un ton puissant, histoire de poser l’ambiance. La production très live et Rock’n’Roll de « Mother » et « My Baby Left Me » accentue cette impression d’urgence et ce dynamisme. Puis, ZZ WARD reprend « Put My Gun Down » et « Lil Darling » de son dernier opus en leur offrant un traitement de choc. « I Have No One » est l’instant le plus tendre et sa voix monte encore d’un cran dans l’émotion. Vocalement irrésistible, elle plonge ensuite dans un Chicago Blues vif sur « Cadillac Man », sorte d’hommage appuyé et généreux à l’esprit agité du Blues. Une tranche vie sans far.
Comme souvent chez elle, c’est en bousculant et en déplaçant les frontières du Blues que BETH HART s’ouvre la voie vers des horizons multiples avec cette force et ce talent, qui paraissent grandir au fil du temps. Sur « You Still Got Me », elle maîtrise plus jamais ses effluves vocaux, sans trop en faire d’ailleurs, et s’offre des flâneries musicales vibrantes et profondes. Son franc parler, parfois cru, fait d’elle la plus rockeuse des blueswomen et on se régale une fois encore de ses textes, qui n’éludent jamais rien. Entourée de grands musiciens, elle nous fait surfer sur un groove imparable et des crescendos irrésistibles.
BETH HART
« You Still Got Me »
(Provogue/Mascot Label Group)
Certaines voix sont inimitables, uniques et particulièrement marquantes. C’est le cas de BETH HART et de son légendaire trémolo. C’est deux-là sont indissociables et ils brillent une fois encore sur ce onzième et très attendu album. Car si « A Tribute To Led Zeppelin » a rapidement comblé un vide pendant la pandémie sans vraiment convaincre, son dernier opus a déjà cinq ans et parvenir à ce niveau d’interprétation et d’écriture a dû relever du défi pour l’Américaine, qui s’était donc offerte une escapade anglaise entretemps, sûrement plus facile à négocier pour elle. Car se hisser au niveau de « War In My Mind », c’est retrouver l’émotion et une certaine rage aussi qui font d’elle une chanteuse d’exception.
On avait déjà pu la retrouver sur l’album solo de Slash consacré au Blues en mai dernier avec la reprise de « Stormy Monday » de T-Bone Walker, où elle apparaissait littéralement habitée. Sans doute d’ailleurs le moment fort du disque. C’est donc assez naturellement que le guitariste de G N’R lui rend la pareille sur le génial « Savior With A Razor », qui ouvre « You Still Got Me » et où son sens du riff fait des merveilles. Là aussi, c’est sans doute l’un des titres les plus impactants de cette nouvelle production. Et l’autre guest de marque n’est autre que le légendaire Eric Gales, dont la virtuosité est toujours saisissante et qui fait briller « Sugar N My Bowl ». Mais ne nous y trompons, c’est bel et bien BETH HART qui mène le bal.
A travers les douze chansons qui composent « You Still Got Me », la Californienne se fait plaisir et les arbore toutes dans des styles différents. Blues Rock sur l’entame avec ses deux invités, très feutrée sur « Drunk On Valentine », carrément Country-Rock sur « Wanna Be Big Bad Johnny Cash » où sa gouaille fait des étincelles, ou sur la poignante ballade « Wonderful World », rien ne résiste à la frontwoman. Avec cette émotion à fleur de peau qui la caractérise, BETH HART se montre aussi envoûtante que touchante, grâce à une interprétation toujours très personnelle et presqu’intime (« Don’t Call The Police », « Machine Gun Vibrato »). Et si elle semble parfois s’éloigner du Blues, elle ne le quitte jamais.
(Photo : Greg Watermann)
Retrouvez la chronique de son album « A Tribute To Zeppelin » :
Dans un univers très personnel où se mêlent harmonieusement toutes les sonorités propres au Sud américain, ABBY BRYANT s’impose comme une artiste étonnante, autant par la maturité qu’elle dégage que cette force qu’elle va puiser dans une liberté affichée. Souvent autobiographiques, ses textes prennent vie dans une Soul très Rock, un brin vintage et aux saveurs Americana. Révélée sur « Not Your Little Girl », elle affirme son style sur « Glowing », un deuxième album chaleureux, attachant et enthousiaste. Alors que sa Caroline du Nord natale vient de subir les foudres de l’ouragan Hélène, c’était l’occasion de faire le point sur la situation dans la région et de parler, évidemment, de cette superbe et nouvelle réalisation.
– Avant de parler de ton nouvel album, j’aimerais que tu nous donnes des nouvelles suite à l’ouragan Hélène qui a frappé notamment la Caroline Du Nord où tu résides. Comment est la situation à Asheville ?
Merci de prendre de nos nouvelles ! Asheville fait face à une dévastation sans précédent depuis l’ouragan Hélène, et nous nous en sortons un jour après l’autre. Avec le groupe, nous allons bien, nos maisons et nos biens sont presqu’intacts, mais tant de gens ont tout perdu. Ces dernières semaines ont été difficiles, mais c’était aussi magnifique de voir les gens s’unir pour s’entraider avec autant d’amour. Notre communauté est incroyable et plus forte que jamais.
– Outre l’impact tragique sur la population, certaines structures comme les studios et les lieux musicaux ont-ils été beaucoup touchés et la vie artistique va-t-elle pouvoir reprendre normalement assez vite ?
C’est une période très incertaine pour tous les artistes de notre région en ce moment. L’un de nos principaux pôles artistiques, le ‘River Arts District’, a été presque complètement balayé, tout comme l’une de nos salles de concert préférées. Tout est différent maintenant et nous avons du mal à comprendre que certains lieux qui faisaient partie intégrante de nos vies et de notre communauté ont tout simplement disparu. Mais l’art survit en dehors de tout lieu et de nombreux artistes sont plus inspirés que jamais pour créer en ce moment.
– Pour conclure sur le sujet, on a vu Dolly Parton et Taylor Swift notamment faire des dons importants à des associations pour les deux Etats de Caroline. Il y a toujours une entraide incroyable aux Etats-Unis après ce genre de catastrophe, et c’est important que les artistes se mobilisent aussi. Va-t-il y avoir des concerts de soutien dans la mesure du possible prochainement ? Et est-ce que tu y penses de ton côté ?
Nous avons vu une générosité incroyable de la part de tous et nous apprécions énormément les importantes contributions apportées à la région par de grands artistes. Nous voyons également nos amis musiciens ici organiser de nombreux concerts de charité en ce moment. Nous avons notamment collecté des dons lors de nos concerts pour soutenir les personnes de l’Ouest de la Caroline du Nord, qui n’ont pas d’électricité et qui ont besoin de chaleur, d’abri et de fournitures à l’approche du froid. Les gens nous surprennent constamment par leur générosité.
– Revenons à toi. Tu es chanteuse, musicienne, auteure et compositrice et tu as sorti deux albums en trois ans. Est-ce tu avais aussi eu des expériences de groupes avant ces deux disques ?
J’ai d’une certaine manière fait de la musique en groupe depuis le tout début, depuis les ensembles à l’église quand j’étais enfant jusqu’aux chorales et aux groupes vocaux de mon université. Puis, j’ai continué à jouer dans les groupes d’amis pendant mes études avant de former le mien. Ainsi, même si ces albums sont mes premiers vraiment complets, jouer de la musique en groupe a toujours occupé une grande place dans ma vie.
– Ton style musical est dominé par une forte empreinte Soul, où l’on trouve aussi des sonorités Blues, Americana, Rock, Country aussi et avec une touche Funky. Au-delà de sa forte identité Southern, comment définirais-tu ta musique ? On a parfois l’impression que tu cherches à échapper aux cases…
Les nombreux styles qui ont influencé ma musique et mes racines sudistes sont profondément ancrés dans ma mémoire. J’ai tendance à puiser dans une grande variété de genres, il est donc difficile de décrire ma musique. J’évite souvent les limites de genre et je vais là où l’inspiration me mène. Mais je pense que beaucoup résumeraient ce style à quelque chose comme du Southern Rock Soul américain. Personnellement, il y a tellement de saveurs uniques dans ma musique qu’aucun terme de genre de base ne me satisfait. Je dis simplement aux gens qui me posent des questions de venir au concert et d’en faire l’expérience par eux-mêmes.
– Trois ans après « Not Your Little Girl », tu viens de sortir « Glowing ». Il y a une réelle continuité musicale entre les deux albums. Quelle était ta priorité en composant ce deuxième album ? Apporter une sorte de prolongement au premier ?
Le deuxième album me donne l’impression d’une exploration plus profonde, à la fois sonore et lyrique. Mon premier album abordait des thèmes de la jeunesse, comme quitter la maison, trouver ma propre identité en dehors de mon éducation traditionnelle, trouver et perdre l’amour, etc… Bien qu’il y ait certainement un certain chevauchement dans les expériences qui ont conduit à l’écriture de ce deuxième album, je pense que « Glowing » capture une sorte de croissance qui est née de beaucoup de difficultés et de la redécouverte d’une appréciation de l’expérience humaine. Après avoir survécu à des hauts et des bas majeurs et réalisé que je peux affronter n’importe quelle tempête, la vie devient plus facile. Je pense que nous sommes tous tellement chanceux d’être ici pour avoir le cœur brisé et ramasser les morceaux, de nous aimer profondément et de trouver la joie et l’espoir dans toutes les difficultés. J’apprends à accepter le voyage.
– Sur ton premier album, tu affichais déjà beaucoup de caractère, ne serait-ce que dans son titre déjà. C’est une manière aussi en tant que chanteuse, songwriter et de femme de s’imposer dans un milieu parfois difficile ou hostile ?
Mon premier album était clairement axé sur l’affirmation de mon indépendance et la recherche de ma propre voie, comme le suggère le titre. Le message est toujours aussi pertinent pour moi. Mais le deuxième album s’appuie sur une version encore plus douce et plus forte de moi-même, qui partage toujours les mêmes valeurs et la même volonté d’encourager les femmes à se lever et à s’exprimer. J’apprends au fur et à mesure à faire preuve d’amour dans tout ce que je fais et à m’entourer de personnes qui font de même, et le monde qui m’entoure me semble un peu moins dur.
– D’ailleurs, tu guides fermement « Glowing » et pas seulement vocalement. Il a aussi une saveur assez rétro et vintage, ce qui peut paraître surprenant de la part d’une jeune femme comme toi. C’est un son et une époque dans lesquels tu te retrouves plus que dans la scène actuelle et donc plus moderne ?
Je suis définitivement attiré par des sons plus rétro lorsque je crée, et je m’inspire souvent d’époques bien plus anciennes. J’aime faire partie de ceux qui font découvrir les trésors de notre passé aux nouvelles générations. J’ai remarqué que d’autres nouveaux artistes comme Sierra Ferrell et Billy Strings nous ramènent à nos racines. Et je pense que c’est une belle chose de remettre au premier plan des sons depuis longtemps oubliés par une grande partie de notre culture actuelle.
– J’aimerais qu’on revienne sur ta performance vocale. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte de déclic entre les deux albums. On te sent épanouie et tu dégages beaucoup de force et d’assurance. Cette liberté perceptible, la dois-tu aux retours positifs de « Not Your Little Girl » et/ou aux concerts donnés depuis trois ans ?
Je suis tellement reconnaissante de la façon dont « Not Your Little Girl » a voyagé si loin et s’est frayé un chemin jusqu’aux mains de tant d’auditeurs. Pour ce dernier album, je me suis sentie encore plus inspirée à me fier davantage à ma propre intuition, à la fois dans ma performance vocale et dans l’écriture des chansons elles-mêmes. Je pense que le tournant que tu as ressenti avec plus de force et de confiance est que je suis devenue autonome et que j’ai appris à me faire de plus en plus confiance. J’ai hâte de voir où cette évolution me mènera ensuite !
– Au niveau de la production, celle-ci a aussi gagné en dynamique et s’est considérablement éclaircie. C’est Dave Schools qui a réalisé celle de « Glowing ». De quelle manière avez-vous travaillé ensemble ? Tu avais certains impératifs ?
Travailler avec Dave Schools a été une expérience incroyable. Il a apporté un élément plus organique et brut à ce disque en l’enregistrant en live autant que possible et en laissant la synergie que nous avons ressentie en créant ensemble en studio nous guider. Tout s’est mis en place rapidement d’une manière qui ressemblait à de la magie, même si nous avions une équipe incroyable avec un talent fantastique dès le départ ! Dave nous a aidés à accepter la beauté de l’imperfection humaine et a permis au processus de se dérouler d’une manière qui semblait plus naturelle que n’importe quel enregistrement que j’avais fait auparavant.
– Par rapport à la composition elle-même, tu travailles toujours avec Bailey Faulkner. Comment fonctionnez-vous ? Tu apportes les idées et vous les mettez en musique ensemble, ou y a-t-il un effort collectif de tous les musiciens, car tu as gardé la même équipe, je crois ?
Oui, je travaille toujours avec Bailey et mon groupe. Nous écrivons toujours des chansons ensemble, parfois aux côtés d’autres excellents co-auteurs quand nous le pouvons. Nous avons chacun des approches différentes de l’écriture des chansons, mais qui semblent très complémentaires. Bailey commence souvent par une progression d’accords ou un groove et se laisse guider par le feeling sur les paroles et la mélodie. Pour ma part, je commence souvent par un sujet ou un message comme élément de base pour la mélodie. Une fois que nous avons une idée plus développée que nous avons construite ensemble, nous apportons la chanson au reste du groupe. Et ils ont souvent de bonnes idées à ajouter pour l’instrumentation, la performance, les arrangements, etc… On forme vraiment tout un village.
– Tu as donc sorti deux albums en indépendant et en te produisant. Vu la qualité des deux disques, tu aurais pu être approchée par un label, non ? Est-ce un choix de ta part, ou est-ce difficile aux USA aussi de se faire signer sur un label ?
Nous avons autoproduit notre premier album et avons fait appel à Dave pour produire le deuxième, mais nous avons sorti les deux albums de manière indépendante. C’est difficile de trouver le bon label avec lequel s’associer et nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’explorer cette option. Pour l’instant, rester indépendant a été notre meilleure option, même si nous continuerons à chercher un partenaire idéal.
– Enfin, un petit mot sur tes projets à venir. Bien sûr, la situation actuelle a figé et stoppé beaucoup de choses. Penses-tu reprendre les concerts rapidement et peut-être même partir en tournée ?
Nous avons continué à donner autant de concerts que possible. Et bien que de nombreuses opportunités locales ne soient actuellement pas disponibles, nous jouons hors de la ville la plupart des week-ends et nous demandons à notre public de soutenir la Caroline du Nord occidentale en apportant des dons que nous pourrons ramener chez nous à Asheville. Nous espérons reprendre un rythme de tournée régulier d’ici le printemps et continuer à faire des tournées pour le nouvel album.
Tout petit déjà, Muddy Waters et Willie Dixon faisaient partie de son entourage, ou plutôt de celui de son père, autre légende disparue en 2017. Alors, bien évidemment, RONNIE BAKER BROOKS a le Blues le sang, il n’en serait être autrement. Guitariste virtuose et très polyvalent, il est également un chanteur hors-pair et nous porte de sa voix chaleureuse et légèrement voilée. Pour son cinquième album, l’Américain mélange émotion et percussion avec ce tranchant propre à Chicago avec un naturel absolu, qui fait perdurer le mythe avec classe.
RONNIE BAKER BROOKS
« Blues In My DNA »
(Alligator Records)
Affirmer qu’on a le Blues dans son ADN lorsqu’on s’appelle RONNIE BAKER BROOKS est un doux euphémisme. Fils du grand Lonnie Brooks, il a fait ses armes à ses côtés en devenant rapidement son deuxième guitariste après une enfance passée au son des notes bleues. En 1988, il fait même sa première apparition sur l’album « Live From Chicago : Bayou Lightning Strikes » et dix ans plus tard, il fonde son propre label, Watchdog Records, sur lequel il sort trois albums (« Gold Digger », « Take Me Witcha » et « The Torch »).
Après un passage chez Provogue pour « Times Have Changed », il intègre aujourd’hui les légendaires Alligator Records pour un disque qui est finalement un incroyable témoignage de son parcours. Et pour l’accompagner, Will Macfarlane (guitare), Dave Smith (basse), Steve Potts (batterie), Rick Steff (claviers) et Clayton Ivey (orgue Hammond) font rayonner ce superbe « Blues In My DNA », composé entièrement par RONNIE BAKER BROOKS, à l’exception de « All true Man », co-écrit avec ‘Big Head’ Todd Mohr. Du beau monde !
La mise en bouche très funky de « I’m Feeling » annonce une suite très éclectique dans un Contemporary Blues, tout en maîtrise et où chacun y va de son feeling personnel pour donner vie à ce nouvel opus. Sensible sur « My Love Will Make You Do Right » et « Accept My Live », RONNIE BAKER BROOKS fait état de ses nombreuses qualités de guitariste, bien sûr, mais aussi de chanteur. Souvent enrobés de cuivres, certains titres sont d’une profondeur électrisante (« Stuck on Stupid », « My Boo », « Blues In My DNA »). Magnifique !
Dans un climat très minimaliste, le trio offre un style très organique, essentiellement acoustique, qui ne met pas très longtemps à captiver. En tout cas, entre la Caroline du Nord, le Michigan et la Virginie, la connexion est établie et ce petit côté ‘au coin du feu’ donne une dimension étonnante à cette première réalisation des Américains. THEE OLD NIGHT a parfaitement su créer un environnement assez éthéré et pourtant d’une grande richesse artistique. Un charme mélodique ensorceleur.
THEE OLD NIGHT
« Thee Old Night »
(Firelight Records)
C’est une Dark Folk mélancolique et très attachante que présente THEE OLD NIGHT sur son premier effort éponyme. Et l’histoire du trio en elle-même n’a rien d’ordinaire, non plus. Le projet est né de l’imagination et de la créativité d’Erik Sugg, qui fut le temps de trois albums et d’un EP, le leader, chanteur et guitariste de Demon Eye. Aujourd’hui dissous, le combo de Rayleigh, NC, a laissé de très bons souvenirs aux amateurs de Heavy Doom et il est même à ranger aux côtés des légendes du registre.
Mais même s’il persiste toujours quelques touches doomesques chez le songwriter, c’est un tout autre chemin qu’il emprunte ici en plongeant dans ses racines musicales profondes, faites d’éléments psychédéliques, de Folk légèrement bluesy et de Country classique avec une noirceur enveloppante et, finalement, assez réconfortante. Car « Thee Old Night » n’a rien de lugubre et ne baigne pas non plus dans une tristesse absolue. Au contraire, il y a quelque chose de contemplatif et de méditatif chez THEE OLD NIGHT.
Et pour mener à bien cette nouvelle aventure, Erik Sugg a fait appel à la talentueuse violoncelliste Anne Polesnak. Elle apporte beaucoup de relief aux chansons grâce à un jeu de grande classe. Puis, c’est Kevin Wage Inge, rockeur dans l’âme, qui enveloppe de sa steel guitare et de claviers des ambiances assez atmosphériques, qui viennent compléter le spectre musical de THEE OLD NIGHT (« Precious Blood », « The River The Mountain », « Red Light Crimson », « Sibyl » et « Darling » avec l’irrésistible trémolo dans la voix). Envoûtant.
Dix ans après un split assez surprenant, SMASH ATOMS raccroche les wagons et livre donc, et enfin, sa première réalisation. Sobrement intitulée « Smash Atoms », la formation américano-suédoise ne lésine pas sur les riffs costauds, les solos limpides, des parties vocales impactantes et une rythmique fiévreuse et plus appuyée que véloce. Ça martèle donc, et plutôt bien. Si les clins d’oeil aux années 90 ne manquent pas, on retient plutôt l’aspect moderne des compos, un petit côté underground savoureux aussi, et des morceaux entêtants. Après un faux départ, espérons que celui-ci soit le bon !
SMASH ATOMS
« Smash Atoms »
(M-Theory Audio)
L’histoire de SMASH ATOMS est assez atypique. Créé en 2012 du côté de Göteborg, le groupe commence par sortir une première démo, très bien reçue et qui lui ouvre la voie à plusieurs scènes. Une joie de très courte durée puisque son chanteur, l’Américain Glen Gilbert, quitte le navire, laissant ses trois camarades dans le flou. Qu’à cela ne tienne, ceux-ci fondent The Torch, qui sort deux albums, et leur vocaliste s’active de son côté chez The Story Behind et Hide The Knives. Mais en 2022, coup de théâtre, Martin Söderqvist (guitare), Per Romvall (basse) et Peter Derenius (batterie) retrouvent leur frontman et l’histoire reprend là où elle en était, mais sur de nouvelles bases artistiques.
Revoici SMASH ATOMS sur de bons rails et dans un registre qui a forcément évolué avec le temps pour s’inscrire aujourd’hui dans un Alternative Rock légèrement teinté de Grunge, dans ce qu’il possède de mieux interprété (ça raccourcit la liste !). Le quatuor se présente donc dans un style qui serait une sorte de pont entre Seether et Alter Bridge d’un côté, et Stone Temple Pilots et Soundgarden de l’autre. Cependant les Suédois et l’Américain affichent des morceaux très frais, bien Heavy aussi notamment dans des guitares inspirées du Hard Rock nordique, donc mélodiques, dans les solos surtout. Et toutes ces influences cohabitent très bien et offrent un disque rondement mené.
Parfaitement ancré dans son époque, on doit aussi cette très bonne production aux studios Crehate de leur ville, dont la réputation n’est plus à faire tant les grands noms s’y succèdent. La puissance du son est au rendez-vous et se déverse jusque dans les onze titres de cet effort éponyme. Mais la première chose qui surprend après l’écoute intégrale de « Smash Atoms » est qu’il est presqu’entièrement joué en mid-tempo, alors que la course au Bpm est souvent monnaie courante à l’heure actuelle. Et c’est plutôt bien vu de la part de SMASH ATOMS, qui peut se focaliser sur la force des textes (et de la voix !) et le côté massif des riffs. Un opus très rafraîchissant aux refrains accrocheurs.
Lorsqu’on dispose d’un tel voisinage, il serait dommage de ne pas lui proposer de venir poser quelques notes, et même un peu plus, sur son nouvel album. Et même si elle s’en sort toujours très bien toute seule, c’est ce qu’a fait MICHELLE MALONE en invitant quelques amis musiciens appartenant, par un heureux hasard, au gratin de son Sud natal. Entre Country-Soul, Americana Rock et Roots Rock, la chanteuse passe en revue des chansons dynamiques et positives comme des moments plus poignants avec une grande classe.
MICHELLE MALONE
« Southern Comfort »
(SBS Records)
Musicienne accomplie et indépendante, MICHELLE MALONE livre son seizième album en trois décennies de carrière au service d’une vision très personnelle de la musique américaine. Originaire d’Atlanta en Georgie, elle a forgé son style dans un Americana authentique, où se fondent naturellement le Blues, la Country et le Rock. Forte de caractère, elle a même créé à l’aube des années 2000 son propre label, SBS Records, qui lui offre une totale liberté artistique épanouissante et très perceptible.
MICHELLE MALONE ne manque pas de soutien et ses amis sont aussi nombreux que prestigieux. Assurant bien sûr le chant, les guitares (électriques et acoustiques), la mandoline et l’harmonica, elle a écrit, ou co-écrit, la moitié de « Southern Comfort ». Ce sont Dean Dillon, Eliot Bronson et Gary Stier qui apportent leur talent aux autres morceaux. Pour autant, l’ensemble est très homogène et identifiable entre des titres bien relevés et très Rock et de belles ballades avec une approche vocale Country irrésistible.
Entourée de la crème des musiciens du Sud américain, on retrouve Charly Starr et Paul Jackson de Blackberry Smoke, Rick Richards des Georgia Satellites, Will Kimbrough et Buddy Miller de Spy Boy d’Emmylou Harris et quelques autres encore. « Southern Comfort » est éclatant dans le songwriting et MICHELLE MALONE enchaîne les chansons avec la passion et la sensibilité qu’on lui connait (« Like Mother Like Daughter », « One Track Mind », « Wine And Regret » et le morceau-titre). Brillant… encore une fois !
Il est tellement actif qu’on pourrait très bien imaginer MYLES KENNEDY être à court d’idées ou d’inspiration. L’homme possède, c’est vrai, un agenda très, très rempli. Or, avec « The Art Of Letting Go », c’est tout le contraire que vient démontrer le musicien de Boston. Car ce troisième effort en solitaire, loin du feu des projecteurs essentiellement braqués sur ces projets en groupe, est de loin son meilleur. Complet et virtuose, ce nouvel opus est d’une justesse de chaque instant. Généreux et authentique, dans sa musique comme dans ses textes, le songwriter atteint une maturité artistique guidé par un fort tempérament.
MYLES KENNEDY
« The Art Of Letting Go »
(Napalm Records)
Il y a des artistes dont les albums solos dépassent très nettement ceux qu’ils font en groupe, et MYLES KENNEDY fait définitivement partie de ceux-là. Tout semble si naturel et évident lorsqu’il est seul aux commandes qu’on a presque le sentiment qu’ailleurs, il est freiné. Que ce soit avec Slash & The Conspirators ou même avec Alter Bridge (le meilleur des deux !), il est méconnaissable dans sa façon d’écrire. Alors, bien sûr, chacun choisira ensuite dans quel rôle il le préfère. En tout cas, pour tout amateur de Rock/Hard US, ses productions sont toujours limpides et lumineuses. Ici encore, ses parties de guitare et son chant prennent subitement un nouvel éclat et une saveur toute personnelle.
Cette fois encore, « The Art Of Letting Go » est l’œuvre d’un maître artisan. MYLES KENNEDY est littéralement au sommet de son art. Si sa voix développe une force toujours très maîtrisée, capable notamment d’envolées surpuissantes, les parties de guitares sont elles aussi d’une incroyable richesse. Entre ce déluge de riffs aux sonorités tellement variées qu’il surprend à chaque morceau et des solos toujours aussi bien sentis, le musicien se met littéralement au service de ses chansons. S’il en fait beaucoup, il n’en fait jamais trop et les artistes de ce calibre se font très rares. Il n’y a ici aucune course à la surenchère. L’efficacité est son moteur… et il ronronne.
Accompagné des fidèles Zia Uddin à la batterie et Tim Tournier à la basse, le trio s’engouffre dans un Rock/Hard US souvent bluesy et toujours très solide. Et cette formule fait mouche que ce soit dans les moments les plus forts et implacables (« The Art Of Letting Go », « Say What You Will », « Mr Downside »). Et quand MYLES KENNEDY laisse parler ses émotions, on monte encore d’un cran dans un Rock universel qui parait si naturel (« Miss You When You’re Gone », « Save Face », « Nothing More To Gain »). Et malgré un ensemble très ample doté d’un volume incroyable, le chanteur sait jouer sur la corde sensible avec beaucoup de sincérité (« Behind The Veil » et surtout « Eternal Lullaby »). L’énergie et la beauté !
Retrouvez la chronique de son album précédent, « The Ides Of March » :
En revenant à un son plus rentre-dedans et plus ‘sauvage’, HOUSE OF LORDS semble avoir choisi la bonne voie, celle d’une certaine réhabilitation auprès d’un public un brin nostalgique de ses débuts. En effet, « Full Tilt Overdrive » présente une belle dynamique avec un accent mis sur les guitares, histoire de se rappeler ô combien Jimi Bell est un musicien plein de feeling et de fougue. Le combo américain repart de bonnes bases, déjà posées sur le précédent opus et c’est une bonne nouvelle !
HOUSE OF LORDS
« Full Tilt Overdrive »
(Frontiers Music)
HOUSE OF LORDS fait partie de ces nombreux groupes californiens qui se sont fait connaître grâce à des débuts discographiques époustouflants… Chose qu’on ne voit plus beaucoup de nos jours. En 1988, avec son premier album éponyme, il avait fait plus qu’attirer l’attention dans le petit monde du Hard Rock. Des morceaux hyper-fédérateurs et très mélodiques, mais tout de même suffisamment puissants pour rivaliser avec les plus nerveux de l’époque. La suite a été assez chaotique avec de nombreuses turbulences internes, qui ont mené à un bal incessant d’allés et venues dans ce line-up devenu par la force des choses très fluctuant.
Il ne reste aujourd’hui que son emblématique frontman, James Christian, de la formation originelle et pourtant HOUSE OF LORDS reste toujours aussi identifiable. Composé depuis « Saints And Sinners » (2022) du guitariste Jimi Bell, du claviériste et compositeur Mark Mangold et du batteur suédois Johan Koleberg, une unité artistique semble être retrouvée, ainsi qu’une envie d’avancer ensemble. C’est en tout cas qui ressort à l’écoute de « Full Tilt Overdrive », dont la production assez brute et directe se veut beaucoup plus organique et puissante. Et le quatuor, dans cette configuration, parait également beaucoup plus inspiré.
Vocalement irréprochable, James Christian n’a rien perdu de son charisme et reste l’un des meilleurs chanteurs du genre. Fidèle à lui-même en quelque sorte. La petite surprise vient peut-être des guitares, nettement plus en valeur qu’habituellement, relayant légèrement les claviers au second plan. Même s’il reste toujours très mélodique, HOUSE OF LORDS renoue avec ses racines Hard Rock grâce aux riffs et aux solos costauds d’un Jimi Bell en pleine forme (« Bad Karma, « Talking The Fall », « Crowded Room », « Full Tilt Overdrive » « You’re Cursed » et l’épique « Castles High » et ses neuf minutes). Rafraîchissant et tonique !