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Thrash Metal

DeadlySins : retour fracassant

L’an dernier, les thrashers rhodaniens avaient mis fin au suspense en actant la venue d’un nouveau cogneur derrière les fûts, même si c’est l’ancien qui officie ici, et surtout la sortie imminente d’une troisième réalisation qui se sera faite attendre… dix longues années précisément. Avec « Age Of Revelation », le quintet vient remettre les pendules à l’heure et confirme qu’il n’a pas grand-chose à envier au reste de la scène européenne. Loin de là ! Très contemporain dans l’approche, DEADLYSINS surfe sur un groove hérité des pionniers du genre et cette touche vintage leur confère une solide posture.

DEADLYSINS

« Age Of Revelation »

(Adipocere Records)

Avec trois albums en 24 ans, on peut dire que DEADLYSINS avance à un train de sénateur. Sauf que lorsque le sénateur se met en marche, le coup d’accélérateur est assez fulgurant. « Age Of Revelation » reprend les choses là où elles en étaient il y a dix ans sur « Anticlockwise » en y ajoutant beaucoup de percussion, ce qui devrait se faire d’ailleurs sentir bientôt sur scène avec le nouveau batteur. Moderne tout en respectant les codes d’un Thrash Metal originel, le combo lyonnais prend ici une nouvelle dimension.

Et cela commence par la production nettement plus massive et puissante. Cela dit, si DEADLYSINS s’est offert un son très actuel, du côté des compositions, c’est plutôt vers le registre Old School qu’il faut lorgner. Comme depuis ses débuts, il fait la jonction entre la scène allemande pour son côté rigoureux et des structures en béton armé, et l’aspect plus fun et débridé américain de la Bay Area avec un zeste de Municipal Waste. On a donc tous les ingrédients d’un Thrash authentique et fédérateur.

Dès l’entame, sur « Reckoning Of The Unholy (Ecclesiasdick) », les deux Laurent aux guitares enchaînent les riffs acérés et promettent une suite qu’on devine savoureuse. Emmené par une rythmique galopante et martelant comme un seul homme, DEADLYSINS montre un visage qui ne trompe pas : les Français sont là pour en découdre et les assauts de leur frontman ne faiblissent pas (« Personal Disaster », « Ashes To Ashes », « Heart Drowned In Sulfur », « Covid 666 »). Une décennie de patience qui vole en éclat avec la manière et la rage ! 

Photo : Virginie Bechet

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Hard'n Heavy Sleaze

JJ Pinestone : dynamite boulevard

Explosifs et survoltés, les Scandinaves font un bond dans le temps avec « Break The Chain », dont l’énergie se propage à vitesse grand V. Sans faire dans la redite, JJ PINESTONE vient prolonger la vague Sleaze Rock très Heavy de la scène américaine de la fin du siècle dernier.  L’efficacité des guitares et la dynamique de la paire basse/batterie servent très bien des parties vocales très accrocheuses, électrisantes et fortes en adrénaline. Et si l’on aurait aimé deux ou trois chansons de plus, on tombe déjà sous le charme de ces compositions pleines d’allant et déterminées.

JJ PINESTONE

« Break The Chain »

(Pinestone Music Records)

Juho Mäntykivi est un musicien étonnant. Alors qu’il est aux commandes de TakaLaiton, un combo évoluant dans un registre Thrash/Crossover depuis 2016 et qui affiche au compteur un EP, quelques singles et deux albums, dont « Mindfection » sorti l’an dernier, il surgit aujourd’hui avec un tout nouveau projet, JJ PINESTONE, dont il est toujours le chanteur et guitariste. Sauf que cette fois, il n’est pas question de Metal plus ou moins violent, mais d’un Hard’n Heavy façon Sleaze Rock aux saveurs 80’s et surtout californiennes.

Pour autant, le frontman finlandais se montre très à son aise et redoutablement efficace au sein de son nouveau quatuor, où l’on retrouve d’ailleurs Joona Juntunen de TakaLaiton. Dans la veine des G N’R, Skid Row, Ratt ou Poison avec une précision technique très moderne, JJ PINESTONE livre un premier effort de sept titres, sorte de mini-album, qui présente les multiples facettes du groupe, mais qui paraît incomplet compte tenu de sa courte durée. Un format qui, malheureusement, ne lui rend pas service.

Cela dit, la maîtrise et la fougue à l’œuvre sur « Break The Chain » donnent plutôt envie d’y retourner et de se repasser ces morceaux entêtants et tellement rafraîchissants. A grand renfort de riffs tendus et racés et de solos millimétrés parfaitement exécutés, JJ PINESTONE se montre très percutant et accrocheur, et le chant ne met pas longtemps à installer un climat positif (« On My Own », « Killshot », « Fool’s Anthem » et son côté Rap/Fusion, « Scream For More » et le morceau-titre). Un premier essai qui appelle vite une suite.

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Blues

Nico Wayne Toussaint : une immersion heureuse

Aller se réinventer dans le lieu d’origine d’un style qu’il chérit avec ardeur est le pari, peut-être audacieux, mais surtout réussi du bluesman français. Une immersion totale qui lui a permis de vivre au rythme des pionniers du genre en revisitant leur répertoire pour mieux renouveler le sien. « With Love From Clarksdale » est un disque à la fois festif et très ‘feel good’ sur lequel NICO WAYNE TOUSSAINT s’est habilement contraint de garder un pied au Mississippi et l’autre en Louisiane. Et de sa quinzaine de réalisations, celle-ci a une saveur très particulière et envoûtante. Le croisement entre feeling et confiance.

NICO WAYNE TOUSSAINT

« With Love From Clarksdale »

(Independent/Inouïe Distribution)

Si on s’adonne au Blues comme on entre en religion, certains pèlerinages s’imposent donc. C’est précisément ce qu’a entrepris NICO WAYNE TOUSSAINT en allant poser harmonicas et guitares dans la ville de Clarksdale. Sorte de petite ville cachée du Mississippi, elle est pour beaucoup le berceau du Blues et, s’ils pouvaient le faire, les nombreux champs de cotons qui enveloppent la petite cité en auraient sûrement des histoires à raconter. C’est sans doute pour cette raison et pour se rapprocher des légendes passées que le Toulonnais s’y est installé quelques semaines. Et puis, la Nouvelle Orléans est sur la même route…

Car si ce savoureux et chaleureux « With Love From Clarksdale » s’inscrit dans les pas des grands bluesmen qui ont écrit les plus belles pages du style, NICO WAYNE TOUSSAINT ne s’est pas privé d’aller jouer quelques notes du côté de la Louisiane. Le musicien s’est d’abord attelé à s’imprégner du répertoire de ses maîtres avant de se livrer à la composition. Et il en résulte des morceaux teintés évidemment de l’esprit du Mississippi, mais aussi très cuivré à mi-chemin entre le son de Memphis et celui de la Nouvelle Orléans, ce fameux ‘juke point’, qui va vite devenir la ligne directrice de ce nouvel album qu’il sort en groupe.

C’est avec « Memphis » qu’il ouvre les festivités avec une simplicité très touchante, seul à l’harmonica et a capela. Façon peut-être que signifier que l’authenticité sera le maître-mot de « With love From Clarksdale ». La suite est une sorte de road-trip tranquille et paisible, qui ne s’interdit pas les chansons dynamiques et entraînantes. Le Blues très roots de NICO WAYNE TOUSSAINT est tout sauf austère. Au contraire, il émane une joie permanente et palpable de ses 12 compositions originales, à l’exception de deux titres co-signés avec son ami Neal Black. En plus de s’écouter, ce nouvel opus se vit pleinement et réchauffe le cœur.   

Retrouvez la chronique de « Burning Light » :

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Metal Progressif

Virtual Symmetry : une précision d’orfèvre

De crescendos en accélérations haletantes, cette quatrième réalisation de VIRTUAL SYMMETRY atteint des sommets en termes de Metal Progressif. Grâce à un chanteur hors-norme et des partenaires qui avancent à l’unisson, on en oublierait presque la grande technicité à l’œuvre sur « Veils Of Illumination ». Les huit morceaux sont si fluides qu’il est impossible de s’y perdre, même s’ils affichent une bonne longueur. On reste plutôt captivé par tant d’émotion véhiculé de main de maître par une maîtrise de chaque instant. Une prouesse musicale qui célèbre un savoir-faire et un talent d’écriture rare.

VIRTUAL SYMMETRY

« Veils Of Illumination »

(Independant)

Fondé en 2009 par Valerio Æsir Villa, multi-instrumentiste qui tient ici la guitare, VIRTAL SYMMETRY a patienté jusqu’en 2016 et « Message From Eternity » pour faire son entrée sur la scène progressive européenne. Depuis ses débuts, le registre du combo italo-suisse ne cesse de repousser ses propres limites en termes de compositions. Il faut dire que son Metal se pare de très nombreuses influences, qui viennent autant du classique que du Heavy Metal, et avec une touche cinématographique très présente. Et c’est cela qui le rend inimitable dans les atmosphères déployées et la richesse des harmonies. Un véritable travail d’orfèvre.

Deux ans tout juste après son dernier album éponyme, le quintet présente « Veils Of Illumination », où il vient lever tous les doutes quant à une éventuelle panne d’inspiration. Bien au contraire, VIRTUAL SYMMETRY est au sommet de son art et s’il reste techniquement impressionnant, il n’a pas son pareil pour développer des mélodies accrocheuses. Accueillant Andrea Gianangeli à la batterie et Ruben Paganelli aux claviers, il semble plus affûté que jamais et l’entente entre les musiciens est, elle aussi, très palpable. Et mixé et masterisé par Simone Mularoni de DGM, la production est éclatante.

Malgré la complexité des morceaux et un travail sur les arrangements aussi conséquent que soigné, les nouveaux titres n’ont rien d’étouffants, là où tellement d’autres sont souvent pompeux. VIRTUAL SYMMETRY possède une vélocité et une dynamique, qui le propulsent dans un univers profond et lourd, mais aussi une énergie qui le rend vraiment imprévisible. Les riffs sont efficaces, la rythmique virevoltante, les claviers virtuoses et Marco Pastorino au chant passe d’une tonalité à l’autre presque naturellement. Imparable, on retiendra notamment « Eightfold Path » et ses enivrantes 20 minutes. Monumental !   

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Stoner Blues Stoner Rock

Shotgun Sawyer : sans détour

Brut et authentique, le Blues que parcourt SHOTGUN SAWYER a beau emprunter les mêmes chemins que la scène plus ‘traditionnelle’, le poids et la lourdeur de sa rythmique notamment, mais aussi de la guitare, viendront heurter, puis assommer les amateurs de l’aspect léger et délicat du genre. Ici, C’est tout de même le Stoner Rock qui domine l’ambiance bluesy et Rock’n’Roll de ce « Shotgun Sawyer » immersif. Entre des lignes de basse bien grasses et une batterie très appuyée, ça frappe et cogne sans retenue… et ça fait du bien !   

SHOTGUN SAWYER

« Shotgun Sawyer »

(Ripple Music)

Depuis 2016, SHOTGUN SAWYER livre sa vision du Blues depuis la petite ville d’Auburn en Californie et son premier effort, « Thunderchief », avait d’ailleurs tapé dans l’œil de Ripple Music, qui s’était empressé de le signer. Trois ans plus tard, « Bury The Hatchet » est venu confirmer l’assise et l’originalité du combo. Car si le trio évolue bel et bien dans un registre proche d’un Blues hyper-roots, c’est aussi du côté Stoner qu’il s’illustre tant les riffs épais et fuzz sont légions et traversent des compositions inspirées du Classic et même du Hard Rock.

Par la suite et comme pour beaucoup de groupes, le Covid a mis un coup d’arrêt aux activités de SHOTGUN SAWYER, menant même à une brouille entre le chanteur/guitariste Dylan Jarman et son ami et batteur David Lee. Celui-ci a d’ailleurs mis les voiles et c’est Cody Tardell de Slow Season qui est derrière les fûts depuis ce début d’année. Le power trio est donc de retour avec un troisième opus éponyme, très révélateur de son identité artistique. « Shotgun Sawyer » est toujours aussi rugueux, bluesy et terriblement Rock.

Finalement, ces cinq ans ont peut-être été bénéfiques aux Américains, dont les morceaux n’ont jamais été aussi élaborés et l’émotion aussi présente. En faisant aussi appel à quelques invités à l’harmonica et aux claviers, SHOTGUN SAWYER élargit son spectre musical et le travail de Patrick Hills des Earth Tone Studios à Sacramento y est pour beaucoup. La production est ample, généreuse et organique (« Cock N’ Bulls », « The Sky is Crying », « Tired », «  Isildur’s Bane », « Master Nasty », « Hopeless »). Imposant !

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Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Starmonger : occulte et sinueux

Si les pointilleux trouveront toujours quelques références, parfois évidentes, dans cette nouvelle réalisation des Français, il faut reconnaître une chose, c’est qu’ils ont franchi un cap et que le Stoner aux teintes multiples proposé ici est original et très personnel. Compact et tranchant, « Occultation » change d’ambiance au fil des titres, tout en conservant une ligne directrice claire. STARMONGER avance sur un groove épais et affirmé, et laisse de la place pour des solos de guitare bien menés et convaincants.     

STARMONGER

« Occultation »

(Interstellar Smoke Records)

STARMONGER fêtera ses dix ans d’existence l’an prochain et « Occultation » sera une belle occasion de les célébrer sur scène. Sur une pente ascendante depuis ses débuts avec la sortie de quatre EPs consécutifs et d’un premier album autoproduit en 2020, « Revelation », le trio se présente avec de bonnes intentions sur ce deuxième opus solide et massif. S’il taquine toujours autant quelques registres comme le Classic et le Space Rock, l’ensemble trouve son identité dans un Heavy Stoner Psych plus assumé, semble-t-il, et surtout de plus en plus probant.

Les Parisiens gardent aussi cette couleur très Doom et un élan épique, notamment dans le chant (« Conjuction »). Composé dorénavant d’Arthur Desbois (chant, guitare), Mathias Friedman (basse) et Seb Antoine (batterie), ces deux derniers assurant aussi les chœurs, STARMONGER s’appuie sur une rythmique bétonnée, qui donne du corps à des plages instrumentales conséquentes. Avec des titres dépassant les formats standards d’autres styles, le power trio prend son temps pour installer des atmosphères tortueuses et captivantes.

Assez progressif dans la structure de ses morceaux, le groupe nous guide dans un univers sombre et souvent pesant, d’où surgissent de puissantes déflagrations. Grâce à un sens du riff aiguisé et soigné, « Occultation » se fait aussi lancinant avant de nous rattraper avec des attaques frontales flirtant avec le Metal. Et STARMONGER a également pris soin de ne pas boucher l’espace sonore et laisse intelligemment respirer ses compositions, grâce aussi à des lignes de basse irréprochables (« Black Lodge », « Serpent », « Page Of Swords », « Phobos »). L’ensemble est vif et bien ciselé !     

Photo : Cécile Corbois

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Blues Blues Rock Soul / Funk

Grace Bowers & The Hodge Podge : so spicy !

Déjà nominée aux fameux Americana Music Association Honors & Awards cette année, la nouvelle sensation féminine guitaristique a aussi partagé la scène avec Slash, The Red Clay Strays et The Osbourne Brothers en livrant à chaque fois des prestations époustouflantes. C’est dire si son arrivée sous le feu des projecteurs est tout sauf un hasard. Solidement épaulée par un redoutable combo, THE HODGE PODGE, GRACE BOWERS dégage une énergie incroyable et passe du Blues à la Funk, comme du R’n B à la Soul et au Rock avec une facilité déconcertante. Dire qu’elle a de l’or au bout des doigts est un doux euphémisme. 

GRACE BOWERS & THE HODGE PODGE

« Wine On Venus »

(Independant)

Ne vous fiez surtout pas à son âge car, à 18 ans tout juste, la jeune musicienne originaire de Nashville et de la Bay Area a déjà tout d’une grande. Sorti dans la torpeur de l’été, début août, son album est tout simplement exceptionnel et il aurait été dommage de ne pas en dire quelques mots. Gorgé de Soul et dans un esprit revival Funk 70’s, ce premier effort de GRACE BOWERS avec son groupe THE HODGE PODGE est tellement abouti, tant au niveau de la composition que de la production, qu’il laisse présager, sans trop prendre de risque, d’un bel avenir. Car, sur « Wine On Venus », tout y est… rien ne manque !

Très collégial dans l’approche, l’unité musicale affichée par l’Américaine semble se fondre dans une jam sans fin, où l’équilibre entre le chant, les parties instrumentales guidées par l’hyper-groovy section de cuivres et la sautillante rythmique, laisse à GRACE BOWERS tout le loisir de faire parler sa guitare. De ce côté-là aussi, elle fait preuve d’une audace et d’une virtuosité très mature. Pourtant d’une autre génération, elle maîtrise déjà tous les codes à la perfection, et sans trop en faire non plus, elle s’inscrit dans un style qui semble véritablement fait pour elle, grâce à un jeu flamboyant et sauvage.

Aérienne et percutante, une voix plane aussi au-dessus de « Wine On Venus » avec grâce et dans une réelle alchimie portée par des HODGE PODGE survitaminés et chevronnés, affichant le double de l’âge de la jeune artiste. Car, contrairement à ce que l’on pourrait penser en voyant la pochette, ce n’est pas GRACE BOWERS qui s’illustre derrière le micro, mais la chanteuse Soul Esther Okai-Tetteh. Et sa puissance vocale renvoie à une interprétation délicate et savoureuse poussant vers des tessitures profondes (« Lucy », « Tell Me Why You Do That », « Wom No Teg », « Get On Now »). Un disque déjà incontournable !     

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Livre Musique celtique

Dan Ar Braz : hentoù glazig [Livre]

Il manquait certainement ce bel ouvrage à l’aventure artistique du plus connu des Quimpérois. Et qui de mieux indiqué que celui qui avait livré ses « Conversations » avec le pianiste Didier Squiban il y a quelques années ? Avant tout journaliste, c’est le rôle d’auteur que Frédéric Jambon a endossé cette fois pour narrer une vie de musique aux allures si romanesques. S’il en a écrit des articles sur Dan Ar Braz, « Chemins Bleus » abonde encore de ses mots, dont la fraîcheur et la pertinence demeurent intacts.

DAN AR BRAZ – CHEMINS BLEUS

Frédéric Jambon

Coop Breizh

Frédéric Jambon connaît bien Dan Ar Braz. Il le connaît même très bien. Passionné et amoureux de musique, notamment celtique, le journaliste est aux premières loges de la vie et de l’évolution de celle-ci depuis quelques décennies maintenant. A la tête du service musical du Télégramme, dont il a été la force et le souffle du ‘Magazine’, devenu ensuite ‘Le Mag’, et qui manque cruellement au journal, on lui doit aussi le ‘Grand Prix du Disque du Télégramme’, sur lequel son oreille attentive et affûtée a souvent été révélatrice du talent des enfants du pays, garants de son avenir culturel.

Et lorsque l’on connait un peu les deux protagonistes de ces « Chemins Bleus », la sortie de cette biographie n’est pas une surprise, mais plutôt une évidence. Le musicien et Frédéric Jambon partagent bien plus qu’un dévouement commun pour la musique, tout comme pour la Bretagne d’ailleurs. Chacun à leur façon, on retrouve chez eux ce même sourire bienveillant et cet œil pétillant et curieux. Si les notes de Dan Ar Braz sont légères et aériennes, la plume et le regard du journaliste sont justes et jamais bavards. Et les mises en situation offrent aussi des angles bien choisis.

Un peu plus de 300 pages parcourent la carrière longue de six décennies du Finistérien. En groupe avec Alan Stivell ou Fairport Convention, aux côtés de Rory Gallagher ou Dónal Lunny sur scène, du triomphe de l’Héritage des Celtes aux Victoires de la Musique, en passant par l’Eurovision et le Stade de France, Dan Ar Braz est bel et bien ce guitar-hero aussi discret que virtuose. Une simplicité qui touche l’âme avec humour et émotion. Et les témoignages rapportés dans le livre parlent autant d’humilité que d’humanité et de persévérance. « Chemins Bleus » est un document précieux et attachant.

320 pages – 15,5 x 22,5 cm – 25€

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Dark Gothic Death Mélodique Doom

Tethra : positive darkness

Sombre et élégant, « Withered Heart Standing » est certainement l’album le plus élaboré et abouti des Italiens. A la fois très soutenu et aérien, ce quatrième opus s’inscrit dans une lignée Death Doom classique que TETHRA a enrichi d’une voix féminine plus lumineuse, d’un saxo captivant et de touches de piano bien senties. Sous des traits légèrement gothiques, l’ensemble est introspectif et questionne sur la solitude et la perte dans un élan pourtant positif. Rappelant subtilement Katatonia ou Paradise lost, il est difficile de ne pas succomber.

TETHRA

« Withered Heart Standing »

(Meuse Music Records)

Entre mélancolie et colère, Doom et Death, le combo transalpin poursuit son chemin entrepris avec « Drown Into The Sea Of Life » en 2013. Plus de dix ans après son premier effort, TETHRA a considérablement enrichi son univers en accentuant l’aspect gothique dans un registre mélodique et narratif. Et c’est loin d’être la seule dualité à l’œuvre sur « Withered Heart Standing », par ailleurs remarquablement produit et à l’artwork soigné. Et le travail sur les arrangements le rend également très délicat à de nombreux égards.

La force de la formation milanaise est de ne pas rester emprisonnée dans une même atmosphère, mais au contraire d’y développer des variations multiples, passant d’un registre à un autre avec facilité. Pour preuve, les guests venus prêter main forte, ou plutôt même embellir ce nouvel opus de TETHRA. Mais c’est avant tout le frontman qui donne l’exemple avec une partition où il alterne un growl menaçant avec un chant clair de baryton, qui laisse entrevoir la lumière. Car « Withered Heart Standing » n’est pas si ténébreux qu’il n’y parait.

Pour offrir encore plus de relief à un propos très intime et personnel, TETHRA accueille la chanteuse Elisabetta Marchetti sur l’excellent « Days Of Cold Sleep » et « Nighttime Surrender ». Le saxophone de Corrado Bosco élève encore un peu plus « Like Water », tout comme le piano de Davide Brambilla sur « Commiato » et le violon d’Adriano Ancarani sur le flamboyant « Liminal » notamment, paré aussi de guitare acoustique. Maîtrisant parfaitement son sujet, le groupe reste très Heavy dans les guitares et impose sa signature.

Photo : Mat Stancioiu

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Blues Rock Rythm'n' Blues Soul Southern Blues

DeWolff : capturing timelessness

Lorsqu’on se rend dans un studio mythique, il faut absolument qu’il se passe quelque chose de peu ordinaire, d’exceptionnel et de nouveau. Respecter l’institution, bien sûr, mais en ressortir grandi aussi que ce soit dans ceux d’Abbey Road, par exemple, ou dans le ‘Fame’ de Muscle Shoals. Pari réussi pour DEWOLFF qui livre aujourd’hui un disque, qui a presque des allures d’OVNI dans sa déjà belle discographie. Avec « Muscle Shoals », son énergie et son sens de la mélodie franchissent un cap, bien aidé par un son incomparable et unique. Une dynamique sur laquelle il va dorénavant falloir apprendre à surfer.

DEWOLFF

« Muscle Shoals »

(Mascot Label Group)

Et si DEWOLFF avait enfin sorti l’album dont il rêve depuis ses débuts en 2007 ? Personne ne remettra en cause le potentiel évident des Hollandais, mais il semblait pourtant toujours manqué ce petit quelque chose qui leur ferait prendre une autre dimension. Après quatre Live et un EP, voici leur neuvième album studio et, une fois n’est pas  coutume, tout est dans le titre. Les amateurs de Soul, de Southern Rock et de Rythm’n Blues connaissent bien cette petite ville d’Alabama, où tant de merveilles discographiques ont été produites dans ses légendaires studios ‘Fame’ et les ‘M.S.S.S.’. Nous voici donc à Muscle Shoals sur les rives du Tennessee pour une sorte de pèlerinage, qui ne dit pas son nom.

Le groupe marche donc dans les pas d’Aretha Franklin, Etta James, Wilson Pickett, The Rolling Stones, Lynyrd Skynyrd ou Texas, qui y enregistré un monumental dernier album, et tant d’autres. Et c’est probablement ce supplément d’âme qui se fait sentir sur « Muscle Shoals ». Certes, un virage plus Soul était bien visible sur les deux derniers albums, mais cette fois DEWOLFF est littéralement imprégné, comme absorbé par de douces vibrations. Pourtant habitués des enregistrements analogiques, les frères van de Poel et Robin Piso découvrent un autre monde et se montrent particulièrement à la hauteur. Si l’endroit ne fait pas tout, il a ce pouvoir d’inspirer ceux qui y séjournent.

Car si, jusqu’à présent, le son de DEWOLFF était résolument européen, il prend ici un cachet très américain pour s’inscrire donc parfaitement dans l’esprit et l’ambiance du lieu. D’ailleurs, l’approche musicale du trio s’en ressent avec un côté langoureux, presqu’insouciant et surtout très chaleureux et aérien (« In Live », « Natural Woman », « Let’s Stay Together », « Truce », « Ships In The Night »). L’orgue et la guitare se répondent instinctivement et le trio prend de la hauteur sur des airs de jam (« Hard To Make A Buck », « Book Of Life », « Fools And Horses » et « Snowbird »). Très polyvalent, il élargit son spectre en rendant son Rock bluesy, jazzy ou funky avec des touches Gospel. Une (re)naissance.

Photo : Satellite June

Retrouvez les chroniques des deux albums précédents :