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Blues Rock

Thomas Frank Hopper : wild freedom

Imprévisible et très créatif, THOMAS FRANK HOPPER ajoute un magnifique nouveau chapitre à son aventure musicale. Toujours entre Blues et Rock, « Wild Ones Never Die » montre que le Belge est capable d’aller encore plus loin dans un registre parfaitement maîtrisé, où son écriture est encore plus libre, son jeu de guitare sauvage et incisif et ses parties vocales très assurées. Entouré de quelques invités, il élargit encore un peu plus son univers et offre à cette nouvelle production un souffle rafraîchissant.

THOMAS FRANK HOPPER

« Wild Ones Never Die »

(Independant)

Après « Bloodstone » (2021) et surtout « Paradize City » (2023) qui l’a véritablement révélé et qui lui a probablement ouvert les portes du tremplin de l’European Blues Challenge à Memphis où il s’est hissé jusqu’en quart de finale l’an dernier, THOMAS FRANK HOPPER s’est désormais fait une belle place sur la scène Blues Rock de côté de l’Atlantique. Avec « Wild Ones Never Die », le chanteur et guitariste affirme encore un peu plus son style fait de multiples influences et de couleurs artistiques, qui le rendent aujourd’hui très identifiable. Et son crossover entre Rock, Blues et d’autres teintes fait encore des merveilles.

Enregistré en moins de dix jours en Normandie, le musicien livre son album le plus abouti, celui de la maturité peut-être, diront certains. Le songwriting est affûté et inspiré, les structures des morceaux étonnantes et audacieuses et sa fameuse ‘lapboard’ jamais bien loin. Et si le chant de THOMAS FRANK HOPPER a gagné en assurance et en variation, il fait cette fois-ci un peu de place à des guests triés sur le volet et qui apportent un vrai supplément d’âme. Sans faire dans le clinquant, les combinaisons se font avec beaucoup de naturel et dans un feeling partagé et commun.

Du direct et envoûtant « Ready To Thrive » au plus délicat « Zippin Pippin », on pourrait citer tous les morceaux, tant ils diffusent des saveurs particulières. Accrocheur et bardé de refrains entêtants, de guitares flamboyantes et d’un groove irrésistible, « Wild Ones Never Die » se dévoile à chaque écoute (« Freak Show », « Six Feet Underground », « Jackie Brown », « Idiocracy »). Offrant une touche façon Eminem sur « Never Lonely » avec Jacob Miller, saisissant de vérité avec l’excellente chanteuse croate Vanja Sky sur « Wild Birds » et solaire sur « Open Road » avec Meri Lu Jacket à ses côtés, THOMAS FRANK HOPPER régale.

Photo : Loreta Mander

Retrouvez l’interview donné à l’occasion de la sortie de « Paradize City » et la chronique de l’album :

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Heavy Blues Rock 70's

Black Magic Tree : enchanting forest

Dans une frénésie joyeuse, BLACK MAGIC TREE présente son deuxième long format avec un enthousiasme plus que palpable. Gorgé de mélodies entêtantes et d’adrénaline, « Terra » livre autant de douceur que de rugosité dans son Heavy Rock vintage, qui navigue entre un Blues fougueux et des ambiances psychédéliques planantes. La puissance et l’atmosphère très électriques à l’œuvre sont la marque d’un groupe sûr de son propos, et surtout aussi énergique que créatif.

BLACK MAGIC TREE

« Terra »

(Majestic Mountain Records)

Issu de la scène underground berlinoise, BLACK MAGIC TREE a émergé en 2019 avec un EP, « Of Animal And Men », un an à peine après sa création. Avec « Through The Grapevine » (2021), il avait confirmé sur son premier album la volonté de marier un Classic Rock nerveux avec des influences Blues et Psych, un chemin d’ailleurs emprunté par leurs compatriotes de Kadavar d’une certaine manière. En tout cas, il y a une vraie tonalité germanique provenant de cette nouvelle vague que l’on retrouve aussi sur « Terra ».

Pour son arrivée dans son nouveau label, BLACK MAGIC TREE a investi le Big Snuff Studio de la capitale avec Richard Behrens, ingé-son de Kadavar et Elder en concert, pour l’enregistrement et le mix, le tout masterisé par Roland Wieger. « Terra » sonne donc terriblement organique, faisant ressortir l’aspect live du combo. Dans cette chaleur 70’s délicieusement nostalgique, les nouveaux morceaux prennent une dimension enivrante. Contagieux et hyper-groovy, ce deuxième effort marque une nouvelle ère pour le quintet.

La cascade de riffs se déverse dès les premières notes de « Time Parrots (Hit Me Up !) », ce qui en dit long sur l’appétit des Allemands et donne déjà la tonalité de « Terra ». En alternant un côté massif et rentre-dedans avec des titres plus légers et accrocheurs, BLACK MAGIC TREE affiche l’étendue de ses capacités, son irrévérence assumée et surtout un potentiel énorme qui lui laisse une marge franchement exponentielle (« Popcorn & Coke », « Grace », « Chasing The Light », « Summer » et le très italien « Veleno »). Renversant !

Retrouvez la chronique du premier album :

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Contemporary Blues R&B Soul

Greg Nagy : un instant de grâce

Caractérisé par une élégance de chaque instant, que ce soit à la guitare ou au chant, GREG NAGY fait partie de ces bluesmen pour qui le temps semble n’avoir aucune importance. Entouré d’un groupe brillant, et avec même la participation de Bobby Murray, six-cordiste attitré d’Etta James depuis un bon moment, il marie un Blues très contemporain dans un esprit Soul, alternant avec une puissance très bien contenue et un feeling tout en délicatesse et d’une grande finesse. Très intense dans l’interprétation, il fait preuve sur « Just A Little Morte Time » d’une profondeur et d’une sincérité pleine d’émotion.

GREG NAGY

« Just A Little More Time »

(Independant)

Après s’être forgé une solide réputation avec le groupe Root Doctor il y a quelques années en tant que lead guitariste, GREG NAGY s’est légitimement lancé dans une carrière solo. Songwriter aguerri, il donne livre court à ses inspirations et « Just A Little More Time » est déjà son cinquième album sous son nom, depuis « Walk Than Thin Line », sorti en 2009. Solidement ancré dans son époque, l’Américain ne tourne pas pour autant le dos à la tradition et il conjugue Blues, Soul, Rock et R&B avec beaucoup d’authenticité et la même intensité.

Toujours très bien entouré par des musiciens aussi chevronnés que reconnus, GREG NAGY distille avec passion un Blues aux multiples facettes, qu’il va piocher dans des registres assez opposés. Avec sa voix de velours et son jeu fluide et limpide, il se livre à un double exercice sur « Just A Little More Time », à savoir mêler des reprises triées sur le volet, et parfois étonnantes, avec ses propres compositions. Et enregistré avec un groupe hors-norme, dont une section cuivre chaleureuse et d’une grande précision, l’ensemble est rayonnant.

Avec beaucoup de personnalité, GREG NAGY s’approprie des morceaux que l’on redécouvre sous un nouveau jour. Que ce soit « Rainy Night In Georgia » de Tony Joe White (1969), « I’m The Moon » de John Lee Hooker (1951) ou l’inattendu « Only Women Bleed » d’Alice Cooper (1975), le chanteur et guitariste leur offre une impulsion lumineuse sur des arrangements de grande classe. Et il régale aussi et surtout sur ses propres compositions (« Breaking Me », « Between The Darkness And The Light », le morceau-titre et « Big City »). Splendide !

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Classic Rock Heavy Blues International

Tapeworm Electric : une profondeur intemporelle [Interview]

Très instinctif, malgré un ancrage profond dans un Classic Rock très anglais, TAPEWORM ELECTRIC sort son épingle du jeu et frappe fort avec un premier album très réussi. Le quintet hellène semble même avoir trouvé son allure de croisière et livre un Heavy Blues percutant, basculant à l’envie vers un Hard Rock brûlant. Grâce à une chanteuse dont la voix est aussi puissante qu’envoûtante, la formation athénienne sonne très live et la spontané dont elle fait preuve la rend encore plus accrocheuse. Le groupe revient sur la sortie, toute récente, de son premier opus « Moonshine ».

– A la sortie de votre premier EP, « Fire » en 2019, vous aviez déjà fait forte impression et les quatre singles sortis en 2021 et 2022 avaient confirmé votre potentiel. Vous sortez votre premier album après huit ans d’existence. L’attente est finalement assez longue. Aviez-vous besoin de certitudes sur vos morceaux et votre jeu ?

La principale raison de ce retard vient de la stabilité du line-up. Lorsque nous nous sommes sentis en confiance en tant que groupe, nous avons commencé à travailler sur la création de cet album. Pet parmi les autres raisons, on peut citer la baisse d’activité pendant la période du Covid et des difficultés personnelles que nous avons aussi pu rencontrer individuellement.

– Vous avez aussi récemment signé chez Pitch Black Records. Cela faisait-il également partie des conditions pour sortir « Moonshine », d’avoir le support d’un label ?

Oui, le soutien et les conseils d’un label, qui se soucie réellement de la musique et du groupe, ont grandement facilité la sortie de l’album. Pitch Black Records s’est chargé de toute la distribution, du pressage des CD, de la promotion, etc… Nous avons ainsi pu nous concentrer pleinement sur la création des morceaux.

– « Moonshine » est particulièrement abouti pour un premier album, grâce à des morceaux très accrocheurs et aussi une production très soignée. On a vraiment l’impression que TAPEWORM ELECTRIC est passé à la vitesse supérieure. Comment s’est passé l’enregistrement et quelles ont été vos priorités afin d’obtenir ce son si organique, chaleureux et authentique ?

C’est un grand compliment pour nous, merci beaucoup. En effet, nous avons pris le temps de présenter nos idées et nous avons gardé celles qui nous semblaient justes. Nous sommes ensuite passés à la préproduction : nous avons enregistré les morceaux, les avons écoutés et apporté quelques modifications, avant d’entrer en studio pour finaliser l’album. On privilégie toujours l’expressivité des chansons, sans en faire trop. Nous nous concentrons sur les mélodies, des performances solides et l’énergie live du groupe. Au niveau de la production audio, on a surtout cherché à conserver un son aussi naturel que possible. Sur le disque, vous entendez de la vraie batterie, de vraies guitares et il n’y a aucun traitement par IA sur les voix.

– Passé « Interlude », l’intro basée sur une slide très épurée, on pourrait s’attendre à ce que « Moonshine » tende plutôt vers le Blues et pourtant, c’est le côté Heavy Rock qui prend le dessus. Votre Classic Rock est très intemporel, même s’il sonne actuel. Est-ce que votre intention est de perpétuer cet héritage Rock et comment cela se traduit-il dans votre écriture ?

Le blues n’est-elle pas la mère de toute la musique contemporaine ? Par ailleurs, c’est vrai qu’on adore le son du Heavy Blues britannique et ensuite son évolution vers le Hard Rock. On a grandi en écoutant Led Zeppelin, Deep Purple et Uriah Heep. Ces héros nous inspirent beaucoup, mais notre écriture est spontanée. On essaie de composer pour exprimer ce qu’on ressent et créer une musique qui nous parle.

– Cela dit, il y a toujours un fond bluesy chez TAPEWORM ELECTRIC, comme s’il était un peu la base de votre musique. Le percevez-vous comme le socle de votre style, celui qui vient propulser ensuite une dimension clairement Rock et très 70’s aussi ?

Cette influence bluesy est innée, elle coule vraiment dans nos veines. Notre style repose avant tout sur nos influences, et notamment sur tous ces grands groupes de Rock des années 70 inspirés par le Blues donc, mais aussi par des formations qui vont de Fleetwood Mac à Black Sabbath.

– Pour celles et ceux qui vous suivent depuis vos débuts, il y a une grande similitude entre le morceau qui ouvrait « Fire », c’est-à-dire « Worms », et « Moonshine », qui figure sur l’album. S’en est même bluffant, c’est une sorte de signature ?

Le seul point commun entre « Worms » et « Moonshine », c’est leur intro très Blues. « Worms » est un morceau Hard Rock Shuffle qui parle de la société actuelle, tandis que « Moonshine » est une chanson d’amour aux guitares saturées. Les tempos et les structures d’accords sont également différents. Pourtant, c’est vrai qu’il existe une formule que nous avons tendance à utiliser régulièrement dans notre approche des riffs et l’architecture des morceaux. Si c’est notre signature, alors il est difficile de s’en défaire.

– L’une des choses qui frappe à l’écoute de votre musique, c’est bien sûr la puissance et la luminosité de ta voix, Argyro. D’ailleurs, c’est l’un des atouts majeurs de TAPEWORM ELECTRIC. De quelle manière qualifieriez-vous cette évolution assez incroyable entre « Fire » et « Moonshine » sur ces six dernières années ? C’est un travail constant et une plus grande confiance en soi ?

Argyro est une chanteuse et une professeure de chant exceptionnelle. A nos débuts, elle était, et elle l’est toujours, passionnée par la Soul. Elle n’avait pas l’habitude de chanter des morceaux plus Rock, mais elle avait déjà cette énergie en elle. C’est vrai qu’elle a travaillé dur sur ses performances et elle a aussi commencé à écouter aussi des musiques plus Rock. Cela dit, elle évolue constamment et elle se dépasse sans cesse et cela s’entend clairement sur l’album.

– George Kasapidis, votre bassiste, prend aussi le lead vocal sur deux morceaux : « Right Reasons » et « Turn Into Black ». Est-ce que chacun chante ses propres textes, ou il s’agit plus simplement pour apporter de la diversité ?

Tous les membres du groupe ne chantent pas leurs propres textes, mais si l’un d’entre-eux ressent le besoin de prendre le micro et de s’exprimer, il en a la possibilité. « Right Reasons » et « Turn Into Black » sont des chansons très personnelles et il semblait tout simplement naturel que ce soit George qui les interprète.

– Enfin, j’aimerais que vous me disiez un mot de « Hold On », long de sept minutes et qui possède un réel esprit jam. C’est un titre très varié avec une atmosphère qui passe de sonorités à la Black Sabbath à un chant qui rappelle Heart, et qui peut même donner quelques frissons. Vous l’avez voulu comme une sortie d’hommage, ou un instant de plaisir simple et de partage ?

« Hold On » est une chanson qui est restée dans un tiroir pendant plus de 15 ans. Elle parle de rédemption, de l’exorcisme de nos démons intérieurs et de la paix avec soi-même. En fait, il en existait déjà une très courte démo. Alors, lorsque George l’a présentée au groupe, l’idée de la retravailler nous a paru évidente. On y trouve un petit hommage aux groupes qu’on adore à travers l’intro à la batterie, les twin-guitares, les passages psychédéliques… Il y a des références directes, c’est vrai. Par ailleurs, on n’a jamais caché notre amour pour tous ces groupes, mais nous avons surtout essayé de les réinterpréter à la sauce TAPEWORM ELECTRIC.

« Moonshine », le premier album de TAPEWORM ELECTRIC, est disponible chez Pitch Black Records.

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Bluesy Rock International Pop Soul / Funk

Tora Daa : une profonde liberté [Interview]

Multi-instrumentiste, compositrice, chanteuse et productrice, TORA DAA est devenue depuis quelques années maintenant une valeur sûre de la scène norvégienne et elle n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à exporter son talent. Avec un style inimitable et un jeu de guitare très personnel, la frontwoman s’est créé un univers aux composantes multiples. Même si elle s’en défend, c’est sur une constante assez Blues que se construit son registre où viennent se mêler Rock, Pop et Funk dans une belle harmonie. Son quatrième album  « Prayer And Pleasure », sorti il y a quelque semaines, libère une sensation de totale liberté dans le jeu et un propos fort et engagée. Rencontre avec une artiste, qui sort des sentiers battus pour exposer une virtuosité à la fois délicate et solide.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on évoque ton style musical, qui est assez particulier. Il est fait de Rock, de Soul, de Pop, de Funk et même de sonorités psychédéliques. Pourtant, tu reviens aussi toujours au Blues qui reste présent à travers tous tes morceaux. Est-ce que tu le considères comme la pierre angulaire de ton registre, sa base ?

J’adore le Blues, mais je ne peux pas dire que ce soit mon influence principale. Je ne l’ai pas assez écouté, ni étudié pour affirmer qu’il a eu un impact majeur sur ma musique. Mais après tout, le Blues est partout et dans tous les genres. Pour moi, toute la musique que j’ai écoutée fait partie de mon processus de composition.

– Tu as sorti ton premier album « Tora » en 2019, et en quatre réalisations, tu t’es vraiment affirmée, ainsi que sur scène, avec un style qui a aussi évolué. Sur « Prayer And Pleasure », tu sembles atteindre une certaine maturité qui passe par un rapport plus direct et efficace dans ton jeu et la composition. Est-ce aussi un sentiment que tu partages ? 

Oui, je pense que c’est le cas. La composition était quelque chose que je trouvais très difficile au début et je savais que je devais y travailler tous les jours pour m’améliorer. Et c’est ce que j’ai fait et que je continue de faire. Quand je ne suis pas en tournée, je suis au studio tous les jours pendant des heures à essayer de créer quelque chose. Peu importe que ce soit une idée de chanson, un riff de guitare ou une vidéo Instagram. Je crois que le simple fait d’y aller quotidiennement, et de créer même la plus petite chose, permet d’améliorer ses compétences et d’être bénéfique sur le long terme. Alors oui, je pense que « Prayer And Pleasure » est mon meilleur travail à ce jour et j’en suis vraiment fière. D’autant plus que j’ai produit l’album moi-même et que j’ai également enregistré tous les instruments. J’ai demandé à un ami de jouer de la batterie sur quelques morceaux, mais à part ça, tout ce que vous entendez, c’est moi.

– Justement, « Prayer And Pleasure » offre une production, que tu as signée avec Benjamin Giørtz, plus épurée et organique. L’album donne l’impression de vivre un moment que tu as voulu figer. L’objectif était-il d’être la plus spontanée possible et d’être dans une immédiateté très palpable ?

Oui, je voulais que cet album soit plus authentique. C’est pour cela que la plupart des enregistrements de guitare et de voix ont été réalisés en une seule prise. C’était un processus vraiment agréable et je suis très fière du résultat.

– Comparé à « Seventeen » sorti il y a trois ans, il y a beaucoup plus de contrastes musicalement, ainsi que dans les textes. Il y a aussi une intimité très présente sur ces nouvelles chansons. Est-ce que « Prayer And Pleasure » est ton album le plus personnel à ce jour ?

C’est vrai ! Mais en même temps, je voulais que les chansons, aussi personnelles soient-elles, puissent être accessibles à tous. Et en ce sens, trouver le juste équilibre a été un processus intéressant et stimulant.

– D’ailleurs, tu as dit avoir écrit sur des thèmes que tu n’avais jamais abordés auparavant. Comment ce déclic a-t-il eu lieu et est-ce finalement une quête de totale liberté artistique, qui t’a mené à une si forte implication ?

Je pense que c’est arrivé naturellement. J’ai 31 ans aujourd’hui et c’est mon quatrième album, donc j’ai déjà écrit et sorti beaucoup de chansons amusantes et ‘faciles’. J’étais prête à composer les morceaux que j’attendais de pouvoir écrire. De plus, le fait que le thème principal de cet album soit la façon dont la religion a traité les personnes LGBTQ+ m’a obligée à vraiment me plonger dans le sujet pour trouver les mots justes.

– Comme certains morceaux figurent sur l’album, j’aimerais qu’on parle de la commande passée par le ‘Trondheim Festival’, qui est une institution en Norvège. En quoi cela a-t-il réellement consisté par rapport à ta vision musicale habituelle et y avait-il des impératifs ?

Il n’y avait aucune contrainte, et c’est pourquoi j’ai pris tellement de plaisir à sa création. J’ai passé plus d’un an à le terminer et beaucoup de chansons se sont retrouvées sur mon album, en effet. Je ne pensais pas que cela arriverait, mais j’en suis vraiment ravie. Ce processus était différent de tout ce que j’avais fait auparavant. J’avais une chorale gospel de 15 personnes sur scène avec moi, ainsi que mon groupe. J’ai dû écrire de la musique pour une chorale pour la première fois et aussi monter un spectacle de toutes pièces avec de nouvelles musiques, de nouveaux arrangements, un sujet difficile, etc… C’était une expérience incroyable. Cela a fini par influencer tout l’album et je ne pense d’ailleurs pas que j’aurais pu le terminer sans ce projet.

– Cela doit être une expérience particulière pour une artiste. Qu’est-ce qui change principalement de la composition classique d’un album ? Est-ce que cela réside dans le temps accordé ou dans une certaine ligne musicale à respecter ?

J’ai vraiment pu faire tout ce que je voulais et je pense que c’est important lorsqu’on demande à un artiste de réaliser un projet de ce type. Se sentir libre en composant de la musique est la chose la plus importante, à mon avis.

– J’aimerais que l’on parle de ton jeu de guitare qui a des sonorités très Blues, mais pas seulement. On te sent très libre dans la composition, au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Il y a quelque chose d’entier qu’on retrouvait beaucoup chez Prince, qui englobait tous les styles. Le plus important, selon toi, est-il d’atteindre une façon de jouer et d’écrire la complète possible ?

Pour moi, jouer de la guitare, c’est la liberté. Je n’écoute pas beaucoup de ‘musique de guitare’. Je n’en ai jamais vraiment écouté et cela m’a vraiment aidé à créer mon propre son. On m’a dit que l’on pouvait entendre des influences de Jeff Beck et de Prince dans mon jeu, mais je n’ai jamais vraiment écouté aucun d’entre-eux. Bien sûr, j’ai entendu beaucoup de chansons de Prince, mais ce n’est pas un artiste que j’ai écouté pendant des heures. Et je crois que j’ai entendu trois ou quatre morceaux de Jeff Beck. Les gens veulent toujours comparer les guitaristes entre eux et je n’aime pas trop ça. Mon jeu de guitare s’inspire de moi-même et mon propre cheminement. Quand je compose un solo de guitare, que ce soit pour une chanson ou simplement pour une courte vidéo Instagram, je chante toujours avant de jouer. C’est-à-dire que je m’enregistre en train de chanter la partie du solo, puis je prends ma guitare et je construis mon solo autour de ce que j’ai chanté. Cela rend chaque note personnelle et authentique, et non basée sur ce que les autres aiment, ou sur ce que quelqu’un d’autre aurait joué. C’est entièrement moi et mon esprit un peu bizarre.

– Pour rester dans le domaine de la guitare, tu es aussi l’ambassadrice mondiale de Marceau Guitars, ce qui est une belle reconnaissance. La marque propose même des modèles signatures, conçus spécialement pour toi. Quelles sonorités souhaitais-tu obtenir par rapport aux standards habituels et quelles sont les principales caractéristiques de ces instruments en édition limitée ?

Pour moi, les guitares Marceau sont les guitares parfaites. Je l’ai ressenti tout de suite, la première fois que j’ai joué avec. La stabilité et la sensation de jouer sur cet instrument m’ont immédiatement convaincu que c’était celui qu’il me fallait. Je ne pense pas que je jouerai un jour sur d’autres guitares, car honnêtement, je n’en ai ni le besoin, ni l’envie. Ce sont les meilleures guitares du monde.

– Enfin, un mot aussi sur ton chant qui prend de l’assurance au fil des albums. Est-ce un domaine que tu travailles aussi beaucoup et a-t-il, à tes yeux, la même importance que ce que tu peux développer à la guitare ?

Oui, absolument. Pour moi, chanter et jouer de la guitare sont souvent indissociables. J’ai passé un nombre incalculable d’heures à travailler à la fois mon jeu de guitare et mon chant. Je répète tous les jours. Mon chant s’améliore constamment, ce qui me rend vraiment heureuse. Et lorsqu’il s’améliore, mon jeu de guitare s’améliore aussi, car les deux sont liés.

Le nouvel album de TORA DAA, « Prayer And Pleasure », est disponible sur le label de l’artiste et disponible sur son site : https://toradaa.com/

Photos : Kristian Ringen (2, 3, 4, 5)

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Blues Rock Hard Blues International Rock US

Leilani Kilgore : inner fire [Interview]

Explosive et sensuelle, la compositrice, chanteuse et guitariste livre enfin son premier album, « Tell Your Ghost », après s’être dévoilée petit à petit à travers un nombre conséquent de singles. Désormais basée à Nashville, LEILANI KILGORE a pris son envol en affirmant une personnalité forte, que ce soit au chant ou à la guitare, où son jeu flamboyant fait des étincelles. Grâce à un songwriting d’une grande polyvalence, elle avance dans un Blues Rock, où rien n’est figé et où chaque chanson se distingue de l’autre. Pourtant identifiable au premier accord et au premier couplet, l’artiste américaine fait de cette diversité une marque de fabrique. Egalement productrice, le son très organique assure à ses compositions autant d’authenticité que de sincérité, le tout avec une signature solide et virtuose. Entretien avec une frontwoman créative et vibrante.

– Tu es originaire de la côte ouest et tu es installée à Nashville dans le Tennessee depuis un moment déjà. Pourquoi avoir quitté la Californie ? Le public n’était pas assez réceptif à ta musique, ou tu souhaitais te rapprocher d’une scène plus en phase avec ton registre et de ton univers ?

Excellente question. En fait, j’ai visité Nashville pour la première fois lors de ma dernière année de lycée pour passer une audition à l’université Belmont, et je suis immédiatement tombé amoureux de cette ville. J’y ai acheté ma première guitare Les Paul ‘vintage’, j’ai joué avec des musiciens de blues locaux et j’ai été stupéfaite par la quantité de talent et de musique réunis dans une seule ville. Après avoir étudié quelques semestres au Berklee College of Music de Boston, j’ai décidé d’abandonner mes études et de retourner à Nashville pour poursuivre ma carrière. Ce n’est pas que la côte ouest n’était pas accueillante, c’est simplement que je voyais plus d’opportunités de m’épanouir ailleurs. Mon premier véritable soutien, je l’ai trouvé en Californie et j’ai vraiment hâte d’y retourner maintenant, surtout que beaucoup de temps a passé et que ma carrière s’est développée si fortement !

– Après t’être forgée une solide réputation sur scène avec notamment un jeu de guitare flamboyant, tu as commencé à sortir plusieurs singles. Toutes ces étapes t’ont-elles semblé nécessaires avant de véritablement te lancer en enregistrant sous ton nom ? Ou était-ce peut-être aussi pour bien mieux cerner ton propre style et mieux cibler tes envies ?

Mes premières tentatives de composition musicale étaient très hésitantes et incertaines. J’étais encore adolescent lorsque j’ai sorti mon premier EP. Puis j’ai enregistré quelques morceaux par mes propres moyens à l’université, sans vraiment savoir ce que je faisais. Mais tout cela faisait partie d’un parcours nécessaire pour me permettre de me sentir un peu plus sûre de moi en tant qu’artiste au moment de la sortie de « XXX Moonshine » (chez Riff Bandit Records en 2021 – NDR), que je considère aujourd’hui comme ma première véritable réalisation. Les années que j’ai passées à me produire sur scène m’ont aidé à affiner mon style et ma présence scénique. C’est devenu plus facile d’écrire de la musique après avoir trouvé le style qui me correspondait, et aussi avec l’expérience musicale nécessaire pour le maîtriser.

– Depuis 2021, soit à partir de « XXX Moonshine » jusqu’au dernier morceau avant l’album « Snake In The Tall Grass », tu as sorti 13 singles, ce qui représentent plus d’une heure de musique. On sent bien sûr l’évolution de ton jeu, de ton chant et aussi de ton songwriting. Est-ce que tu vois toutes ces chansons comme autant d’expériences différentes ?

Oui, absolument. C’est tellement amusant de réécouter des chansons que j’ai sorties il y a seulement deux ans, car j’entends la différence dans mon écriture, ma façon de jouer et de chanter. C’est tout aussi intéressant de me replonger dans les histoires et les paroles, car elles représentent toutes des moments différents de ma vie et diverses facettes de ma personnalité. Je me souviens de l’endroit où j’étais lorsque j’ai écrit chacune de mes chansons et de ce qui m’a inspiré. C’est un sentiment presque narcissique car, même si je n’écoute généralement pas ma propre musique par pur plaisir, je suis tellement heureuse d’avoir ces petits instantanés de ma vie sur lesquels je peux me pencher. Et je suis encore plus heureuse que les gens y trouvent des échos de leur propre vie à travers des expériences communes. C’est bien là tout l’intérêt, non ? (Sourires)

– Ce qui est d’ailleurs intéressant, c’est que tous ces singles ne pourraient pas, en l’état, constituer un album, tant ils sont différents au contraire de l’unité que tu affiches aujourd’hui. Là encore, as-tu dû d’abord te « définir » artistiquement ?

Cet album est en réalité né d’un heureux hasard. La seule raison pour laquelle les chansons s’accordent si bien est qu’elles ont toutes été écrites sur une période de deux ou trois mois et qu’elles proviennent de la même source d’inspiration. Ce n’est qu’à la fin de l’été 2024, après avoir écouté toutes les démos, que j’ai réalisé qu’il s’agissait bel et bien d’un album. Et honnêtement, c’est tant mieux, car ces chansons ont toutes été écrites dans une démarche d’exploration artistique. Mises ensemble, elles représentent parfaitement ce dont je suis capable en tant qu’auteure-compositrice. Mais j’avais aussi un besoin urgent d’exprimer tout cela, comme si je devais me libérer d’un poids. Je sens que je peux désormais avancer artistiquement avec plus de sérénité et d’intention.

– Pour conclure que le sujet de ces 13 singles, y a-t-il aussi une sorte de timidité à ne pas se lancer dans un album, voire un EP, plus tôt ? Ou, plus simplement, ce sont les plateformes et les réseaux, qui autorisent et facilitent ce genre de démarche aujourd’hui ?

C’était simplement le résultat de conseils extérieurs. On m’avait dit que la meilleure méthode d’autopromotion consistait à sortir des singles les uns après les autres, et cela me convenait à l’époque. Mais j’aimais l’idée de me lancer dans un projet plus approfondi et plus ambitieux, c’est-à-dire un album. Même s’il est logique, du point de vue de la promotion sur les réseaux sociaux, de se limiter à la sortie de singles, je pense qu’il est plus révélateur de la personnalité créative d’un artiste de réaliser un projet de plus grande envergure. Cela permet au public de mieux comprendre qui il est.

– Parlons maintenant de ce premier album, « Tell Your Ghost ». Toi qui as débuté à l’âge de 14 ans, est-ce que tu y vois une forme de concrétisation de toutes ces années de travail et d’un long apprentissage vocal, guitaristique et de production également ?

Oui et non. Cet album est bien plus représentatif d’une période spécifique de ma vie et des émotions brutes que je traversais, mais en toute honnêteté, il est aussi le reflet de toutes les musiques qui m’ont inspiré tout au long de ma vie. J’entends tellement d’influences dans mes compositions. L’idée que je me faisais du musicien et de l’artiste que j’allais devenir à 14 ans est tellement différente de ce que je suis aujourd’hui, et pourtant, j’y retrouve encore beaucoup de mes musiques préférées. J’ai l’impression que cet album était resté enfermé dans une cocotte-minute que j’avais oubliée pendant la dernière décennie, et que je l’ai redécouvert après qu’elle ait explosé dans ma cuisine métaphorique. Quoi que cela puisse signifier ! (Sourires)

– Même s’il y avait parmi tes précédents singles des morceaux très aboutis et accrocheurs, la première impression avec « Tell Your Ghost » est cette variété dans les styles abordés. Bien sûr, l’ensemble est très Blues, mais aussi très Rock comme « High/Low », voire presque Hard Rock sur « Creepin’ », ainsi que des titres plus émouvants comme « Back To You » ou « Early Grave ». Ils ont tous en commun d’être très entraînants et communicatifs. Est-ce la première fois que tu te dévoiles à ce point en musique, notamment dans les textes ?

Je pense que la vulnérabilité et l’honnêteté sont les seules raisons pour lesquelles cet album fonctionne vraiment. Il aurait été sans valeur autrement. Je n’avais pas seulement besoin de le faire pour moi-même, j’avais aussi besoin de le faire pour le public, surtout parce que j’ai pris des risques avec les genres musicaux. Je savais que certaines de ces chansons sonneraient complètement différemment de ce à quoi mes fans s’attendaient, et si elles avaient été superficielles, rien n’aurait fonctionné. De plus, à quoi les auditeurs auraient-ils pu s’identifier ? J’ai écrit cette musique, parce que j’avais besoin d’extérioriser mes sentiments avant qu’ils ne me submergent. Recevoir des retours de personnes qui écoutent l’album et me disent y trouver du réconfort, ou un lien quelconque, est extrêmement important pour moi.

– Que ce soit vocalement ou à la guitare, il règne une authenticité et une chaleur de chaque instant, le tout dans une unité musicale qui libère une réelle signature artistique. Est-ce qu’au niveau de ta performance sur « Tell Your Ghost », tu penses avoir franchi un cap et atteint un premier accomplissement, qui se traduit dans ce songwriting précis et sincère ?

Je pense que c’est l’une des musiques les plus authentiques que j’aie jamais sorties. Il y a une part de moi dans tout ce que j’ai enregistré jusqu’à présent, mais certaines de ces chansons sont portées par une émotion pure et débridée. C’est un soulagement de constater qu’elles sont perçues ainsi… Et cela me prouve que j’ai bien fait mon travail ! (Sourires) Cela m’a également permis d’aller de l’avant et d’écrire de nouvelles musiques avec un objectif ou une orientation différente. « Tell Your Ghost » est, en fin de compte, un recueil de chansons que j’avais besoin d’écrire pour me sortir de la période sombre que je traversais. Cela m’a permis de transformer cette douleur, cette colère et ce chagrin en une forme tangible, afin de pouvoir les laisser derrière moi et passer à autre chose et pour cela, je leur serai éternellement reconnaissant. Savoir que l’authenticité et ma personnalité transparaissent toujours est la meilleure reconnaissance que je puisse espérer. (Sourires)

– Il se dégage aussi un souffle assez indescriptible de cet album et qui passe forcément par le son. Et tu as décidé de le produire toi-même, alors même que Nashville compte de grands producteurs. Il a une saveur très live et organique avec une belle énergie et une vraie complicité entre tes musiciens et toi. En seulement trois jours d’enregistrement, tu livres un disque assez époustouflant et plein de relief. L’idée était-elle de capturer l’intensité de tes prestations scéniques ?  

Oui, c’était l’objectif principal pour mon groupe et moi lorsque nous avons décidé d’enregistrer cet album. Nous avons clairement indiqué à notre ingénieur du son que nous devions tous être dans la même pièce pour enregistrer les chansons, afin de capturer cette énergie et cette ambiance. David Paulin et Amry Truitt du studio Sound Emporium ont fait un travail remarquable pour y parvenir. J’avais toujours eu l’impression que mes enregistrements précédents manquaient de cette étincelle que j’avais trouvée avec la formation actuelle sur scène. Il était impératif pour la musique de cet album que nous retrouvions cette même énergie en studio.

– Enfin, il y a aussi sur « Tell Your Ghost » la sensation d’une page de ta vie que tu sembles tourner, tant l’émotion est présente à travers des solos déchirants et des envolées vocales très expressives. Est-ce que, finalement, ce premier album est une sorte de libération dans un certain sens, et le début d’une aventure qu’on sent déjà sereine et confiante ? 

C’était vraiment libérateur. Mais je ne pense pas que le prochain album explorera autant de genres différents que « Tell Your Ghost ». C’est merveilleux de savoir que je peux écrire de manière aussi sincère, mais cet album m’a aussi appris que je peux créer de la musique dans n’importe quel univers sonore qui, selon moi, convient à la chanson. J’ai tellement appris de ce processus et cela me permet d’avancer artistiquement avec beaucoup plus de liberté. J’ai confiance en moi et en mon instinct ! (Sourires)

L’album de LEILANI KILGORE, « Tell Your Ghost », ainsi que tous les singles sont disponibles sur toutes les plateformes, ainsi que sur le site de l’artiste : https://leilanikilgore.com/

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Southern Blues Southern Rock

Parker Barrow : outright robbery

Avec une chanteuse qui emporte tout sur son passage, deux six-cordistes au diapason et un groove imparable, PARKER BARROW poursuit sa route. Après un premier album déjà très convaincant en 2023, ils sont désormais six à faire tourner ce Southern Rock bluesy aux effluves Soul. Signe de son époque, ce n’est pas avec un deuxième opus que les Américains se présentent cette fois, mais avec un EP, « Hold The Mash », dont on aurait franchement souhaité une petite rallonge…

PARKER BARROW

« Hold The Mash »

(Independant)

L’explosif combo avait créé la surprise il y a deux ans avec un premier album, « Jukebox Gypsies », très abouti et rafraîchissant. Mené par le couple Megan Kane (chant) et Dylan Turner (batterie), PARKER BARROW s’est aujourd’hui imposé dans cette nouvelle génération  Southern américaine en revivifiant le style de ses aînés grâce à une fougue très créative et une bonne touche de modernité. En actualisant son jeu, tout en restant attaché à un état d’esprit vintage, le groupe vient renforcer un certain aspect intemporel de belle manière.

Dernièrement, la formation de Nashville a beaucoup tourné et a surtout acté l’arrivée d’Alex Bender au poste de guitariste et de directeur musical. PARKER BARROW s’est donc étoffé et a naturellement pris du volume. Cela s’entend sur « Hold The Mash » et il franchement dommage qu’il ne s’agisse ici que d’un simple EP de cinq titres. Car avec autant de qualité, on reste forcément sur sa faim, d’autant que le sextet avec déjà livré les deux singles « Make It » et « Novocaine ». De nouvelles pratiques trop marketées, mais l’élan est remarquable.

Si les premiers extraits ont dévoilé de belles choses, le Southern Rock très bluesy et Soul de PARKER BARROW n’a pas encore tout dévoilé de ce souffle nouveau. Toujours aussi percutant et spontané, le groupe semble avoir trouvé un point d’équilibre entre un côté Rock solide et une facette plus délicate, où brille sa frontwoman. Les deux guitares et l’orgue se complètent à merveille dans une cohérence évidente sur le brûlant « Glass Eyes Cryin’ », le sensible « Olivia Lane » et le rugueux « The Healer ». Une progression pleine d’élégance.

Photo : Ryan Alexander

Retrouvez la chronique du premier album :

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Blues

Atua Blues : the same hemisphere

De son côté de l’hémisphère, le songwriter Grant Haua présente un Blues dynamique et débridé depuis trois réalisations studio maintenant, alors que David Noël enflamme les scènes hexagonales, entre autres, avec The Supersoul Brothers depuis une bonne décennie déjà. Partageant le même label, Dixiefrog, les deux chanteurs n’ont pas tardé à faire connaissance et se sont bien sûr trouvé quelques points communs, dont un amour incandescent pour le Blues. De là est né « Two Roots », une belle entrée en matière dont on espère vivement une suite.

ATUA BLUES

« Two Roots »

(Dixiefrog)

Le choc des cultures n’en est pas forcément un, lorsque celles-ci se connectent à une même passion. Et quand un Maori et un Béarnais font cause commune, ça débouche même sur une interaction musicale de haut vol. Grant Haua et David Noël, alias Feelgood Dave, se sont d’abord rencontrés il ya trois ans, puis ont tourné ensemble et après une concluante collaboration sur le single de la chanteuse DeLayne, ils se sont rendus à l’évidence qu’un projet commun sera une bien belle idée. Et c’est le cas avec ATUA BLUES, via « Two Roots ».

Bien aidé par la technologie, le duo a pu effacer les milliers de kilomètres les séparant pour mettre au point ce premier effort dont la fraîcheur et la production très organique sonnent plus vrai que nature. S’ils l’ont composé à quatre mains, mais chacun de son côté, le Maori et le Français se montrent très complices, au point d’offrir à « Two Roots » une saveur très personnelle assez étonnante. ATUA BLUES ne fait qu’un et les morceaux du tandem sont très complémentaires et même, dans l’ensemble, très homogène dans leur écriture.

Très acoustique dans sa composition, « Two Roots » bénéficie aussi du soutien de Tim Julian (basse, claviers, percussions) et du batteur James Bos. Hormis « Amazing Grace », « My Sweet Lord » et « Rose », les huit autres titres sont signés ATUA BLUES. Ainsi, quand l’un prend le lead, la voix gorgée de Soul de David Noël illumine « What have We Done » et « Who’s Gonna Save My Soul » notamment, tandis que Grant Haua apporte du relief à « River Blues », « Hard Lovin’ Woman » et « I Got The Blues ». Deux artistes et un même feeling.

Photo : Philip Ducap

Retrouvez les chroniques des albums de Grant Haua, The Supersoul Brothers et… DeLayne :

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Blues International R&B Soul

Robert Finley : creative wisdom [Interview]

S’il a un parcours pour le moins atypique, ce n’est plus ce que l’on retient aujourd’hui de ROBERT FINLEY. De son incroyable rencontre avec Dan Auerbach, moitié de The Black Keys et patron du label Easy Eye Sound, à ses premières tournées, il sort aujourd’hui son cinquième album et il vient marquer une décennie de créativité et la réalisation d’un rêve d’enfant. Avec « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », le chanteur Soul s’adresse à toutes les générations dans un registre plus Gospel que jamais, fait d’un Blues aux contours très jam, comme s’il laissait un esprit s’emparer de ses nouveaux morceaux. Cette fois aussi, c’est en famille, avec sa fille Christy Johnson, qu’il partage ce nouvel opus. Loin d’être un passage de témoin, c’’est surtout une réunion qui prend tout son sens. Entretien avec un chanteur à la voix de velours, qui a su garder un enthousiasme fou.      

– Il y a dix ans maintenant, ta vie prenait une tournant important avec la sortie de ton premier album, « Age Don’t Mean A Thing ». Ensuite, beaucoup de choses se sont accélérées. Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ? Est-ce qu’une certaine routine s’est installée, ou y a-t-il toujours de l’émerveillement dans ton quotidien ?

Cela signifie surtout que les rêves peuvent devenir réalité et je n’ai jamais perdu espoir. Je n’ai jamais abandonné ma fierté, non plus, et je crois toujours en ce que je fais, car c’était vraiment un rêve d’enfance.

– « Hallelujah ! Don’t Tell The Devil Fool Ya » est ton cinquième album en l’espace de dix ans, ce qui est une fréquence assez soutenue. Y a-t-il chez toi la volonté de rattraper le temps perdu, ou au contraire as-tu le sentiment de faire les choses à ton rythme ?

J’ai l’impression que tout arrive en temps voulu. Je n’ai aucun regret là-dessus. Si la même opportunité s’était présentée il y a 20 ou 30 ans, je ne sais pas si j’aurais été mentalement préparé pour ce succès. Donc, mon conseil à tous les jeunes artistes qui commencent est de toujours rester soi-même, car les rêves peuvent se réaliser tôt ou tard.

– D’ailleurs, est-ce que depuis toutes ces années et au fil des albums, il y a des chansons que tu gardais depuis longtemps, et auxquelles tu tenais, et que tu as enfin pu enregistrer ?

Non, tout s’est passé sur le moment. J’ai juste eu cette opportunité de m’exprimer et ce nouvel album est ma façon de dire que j’ai toujours de l’espoir en moi et que je ne l’abandonnerai jamais. Son titre parle pour lui… (Sourires)

– J’aimerais que l’on revienne un instant sur cette rencontre et cette formidable collaboration avec Dan Auerbach et son label Easy Eye Sound. Sans mauvais jeu de mot, est-ce que tu te dis parfois que c’est un petit miracle ? Une sorte d’alignement des planètes finalement ?

Je pense que c’était le début de quelque chose de nouveau. Je gère bien cette collaboration avec Dan et son équipe, car ils n’essayent pas de faire de moi quelqu’un que je ne suis pas. Ils m’acceptent comme je suis et c’est ce que je veux être avant tout, d’autant que personne ne peut mieux le faire que moi-même. Je suis le seul à avoir cet ADN, à porter ce nom parmi des milliards de gens. Donc, je suis le seul à vraiment pouvoir être moi-même. Mon conseil à toutes et à tous est de rester vous-mêmes !

– C’est aussi Dan qui a constitué l’excellent groupe qui t’accompagne sur ce nouvel album et il y règne une osmose et une connexion très particulière. Comment arrive-t-on à un tel feeling entre musiciens ?

Je pense que le plus important est que tout le monde ait pu jouer ce qu’il ressentait. Nous étions tous ensemble et c’est de cette manière que tout est venu. On n’avait pas de plan précis, pas de notes ou de direction particulière. Cela a vraiment été un cadeau et on a tous saisi cette chance. Le bassiste a pu jouer ce qu’il voulait, le guitariste aussi et il s’est vraiment passé quelque chose dans cette connexion, c’est vrai. C’est incroyable que des étrangers se retrouvent dans la même pièce et parviennent à créer un album aussi incroyable.

– Avec ce nouvel album, tu réalises enfin ton rêve qui était de faire un disque entièrement Gospel. Même s’il y a toujours eu des chansons Gospel sur tes albums, pourquoi ne l’avais-tu pas fait avant ? Avais-tu besoin de certitudes et/ou de peaufiner certaines chansons ou certains textes peut-être ?

Quand nous sommes allés en studio, j’ai prié, car je n’avais aucune note. Quand bien même j’en aurais eu, je n’aurais pas réussi à les lire, car je suis presque aveugle ! (Sourires) C’est de là que vient ma foi. J’ai demandé au seigneur ce qu’il attendait de moi et de tout le groupe. J’avais un problème avec les paroles, alors je m’en suis remis à Dieu. Il faut juste croire. Et en croyant, on reçoit. C’est le principal message de ce disque. Ecoutez-le et vous aurez un regard nouveau sur la vie. (Rires)

– Il est bien sûr beaucoup question de Dieu sur cet album, puisque le Gospel y est directement lié. Comment cela se traduit-il au niveau de l’écriture des textes pour les rendre si personnels ? Est-ce ton vécu qui te guide dans ces moments-là ?

En fait, le plus important est ce dont je n’ai pas besoin. Comme je ne peux pas écrire de textes, il faut juste que je parle de la vie, des choses que chacun doit gérer au quotidien. C’est la réalité, finalement. Ce n’est pas quelque chose que j’ai découvert, ce n’est pas un secret. Il faut saisir chaque opportunité et écrire la bonne chose au bon moment. C’est ce que cherche tout le monde et c’est aussi ce qu’attendent d’autres personnes. Lorsque j’ai rencontré Dan Auerbach, je n’avais jamais entendu parler de lui, je ne savais pas qui était The Black Keys, aussi parce que nous sommes issus de générations différentes. Mais quand nous sommes arrivés en studio, il m’a juste dire : sois toi-même. Et c’est tout ce que j’ai toujours voulu entendu toute ma vie ! Quand quelqu’un te dit ça, c’est qu’il apprécie qui tu es. Ensuite, j’ai rencontré beaucoup de gens, car il m’a emmené dans beaucoup d’endroits. J’ai fait de nombreuses premières parties en concert, mais jamais celles des Black Keys. En fait, je jouais au milieu de leurs concerts. Dan disait au public qu’il aimerait me présenter et qu’on m’écoute. J’étais très surpris car, au fond de mon cœur, je n’étais personne aux yeux du monde et de ce public. Ensuite, j’ai vendu beaucoup de disques ! (Rires) On avait besoin l’un de l’autre et nous avons mis les trente ans qui nous séparent de côté. Je cherchais juste l’opportunité de chanter pour tous, tout en restant moi-même et Dan aussi d’ailleurs.

Pour l’anecdote, au tout début, nous avions quatre jours pour enregistrer quatre chansons en studio. C’était la proposition de départ de Dan et il en avait parlé avec mon manageur. Et je les ai faites en quatre heures ! On a bien rigolé ! (Rires) Et durant les trois jours restant, nous avons créé l’album « Gold Platinum », que Dan, Patrick (Carney, batteur et autre moitié des Black Keys – NDR) et Bobby Woods avaient déjà écrit en amont. Nous avons vraiment passé trois jours de plaisir. Ce n’était pas vraiment un travail pour moi d’aller en studio. Je flânais un peu et lorsqu’ils avaient terminé la musique, tous les arrangements, ils m’appelaient pour savoir si j’étais prêt à chanter. Ensuite, nous avons juste parlé de la façon dont j’allais le faire, rien de plus. C’était très simple et j’étais vraiment le plus heureux au monde ! (Sourires)

– D’ailleurs, contrairement à « Black Bayou » qui était plus direct, il règne ici un esprit très jam avec des morceaux qui véhiculent une sorte de transe R&B. Les musiciens prennent aussi possession de plages instrumentales plus importantes et tu te mets un peu en retrait vocalement. Est-ce que c’est le style de l’album qui veut ça, ou ce sont les musiciens qui t’accompagnent, qui ont créé cette nouvelle dimension musicale ?

J’ai adoré ça ! Je ne peux pas prendre le crédit de quelque chose que je n’ai pas créé, car ce sont les musiciens qui ont travaillé ensemble pour obtenir ces chansons fascinantes. Je leur ai dit de laisser la lumière briller et que chacun fasse ce qu’il a à faire. C’est finalement très simple et j’ai adoré partager cet élan, même si ce n’est pas moi qui ai inventé tout ça. C’était la combinaison d’un tout. Tous les gens qui sont crédités sur l’album ont participé à cette création. Ce n’est pas seulement ROBERT FINLEY. Chacun a joué comme il le sentait, et lorsqu’il me manquait quelque chose, ils ont su parfaitement le combler. Nous nous sommes amusés à réaliser l’album, d’autant que tous ont bénéficié d’un moment à eux sur les chansons. Beaucoup de jeunes artistes m’ont demandé durant ces deux dernières années comment j’avais fait pour réinventer un peu le style. Je leur réponds toujours qu’il faut toujours croire en soi-même et ne jamais oublier ses rêves. Et on n’est jamais trop vieux pour les réaliser ! (Sourires)

– Cette fois, ta fille Christy Johnson, qui est également chanteuse, est présente sur l’ensemble de l’album et jusque sur la pochette. Comment s’est passée cette collaboration familiale ? J’imagine que cela rapproche aussi un peu plus…

Tu sais, ma fille chante le Gospel depuis ses deux ans. C’est comme cela que nous l’avons élevé, elle n’avait pas vraiment le choix ! (Sourires) C’est dans la famille : sa mère, sa grand-mère, tout le monde chantait du Gospel. Ma mère avait un groupe qui s’appelait The Harmonified et c’est là que j’ai commencé à chanter. Tout le monde était dans le groupe, les frères, les sœurs, les fiancés, la belle-famille… Et ça marchait tellement bien que tous les enfants aussi voulaient chanter dans le groupe, ce qu’on a fait plus tard avec Brother Philly And The Gospel System. On chantait en direct à la radio chaque samedi matin et les sponsors ont commencé à s’y intéresser. Christy était la voix que tout le monde voulait entendre sur KMAR Radio à Williamsburg en Louisiane, alors qu’elle était si jeune. Et ensuite, nous avons fait des concerts dans les années 70 et 80. Tout vient de là… (Sourires)

– Enfin, tu as aussi beaucoup tourné ces dernières années, et  notamment en France où tu étais tout ce mois d’octobre. As-tu créé un lien particulier avec le pays et avec le public français ?

Partout où je vais, c’est la même chose. Je ne me contente pas de chanter, de prendre l’argent et de m’en aller. Le plus important, ce sont les gens sans qui ma carrière n’existerait pas. Je prends des photos avec des fans de 8 à 80 ans et il n’y a jamais un sentiment négatif. C’est une belle récompense. Le secret est de toujours rester humble et concentré. C’est la clef du succès…. Et ça commence au plus jeune âge, dans le jardin d’enfants. Et c’est quelque chose qu’il faut entretenir toute sa vie, à chaque étape. Tu sais, ici en France, je ne comprends grand-chose à ce qu’on peut me dire, mais je vois les sourires sur les visages et dans les voix. Ma musique les touche au cœur et c’est la plus belle chose pour moi. Je représente juste la vérité, et la vérité vous libère. Cette hospitalité me touche beaucoup, car je suis accueilli tel que je suis. Je ressens tout cet amour dans les applaudissements, dans les sourires… Je ne sais pas comment le dire, mais j’aime la France ! (Sourires)

Le nouvel album de ROBERT FINLEY, « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », est disponible chez Easy Eye Sound.

Photos : Jim Herrington (1, 2, 4, 5)

Retrouvez la chronique de « Black Bayou » :

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Blues Rock Southern Blues

Laura Cox : quel allant !

Toujours aussi virtuose, LAURA COX enchaîne les disques avec régularité et surtout sans faux pas. Entre Blues et Rock, teinté de saveurs Southern et Bluegrass, « Trouble Coming » vient inscrire un nouveau chapitre dans la carrière de l’artiste française. Sans complexe et osant marier sincérité et puissance, elle fait preuve d’une aisance grandissante à laquelle rien ne semble résister. Sa soif de découverte paraît même inépuisable, tant ce quatrième effort est d’une diversité devenue rare dans le registre. Une créativité à toute épreuve !

LAURA COX

« Trouble Coming »

(earMUSIC/Verycords)

Habituée des lieux depuis « Burning Bright » (2019), LAURA COX a repris la route direction Bruxelles et les studios ICP, où elle avait concocté « Head Above Water » il y a deux ans pour une partie de l’enregistrement seulement. Cela dit, toujours en quête de nouvelles sonorités, notre guitare-héroïne se distingue à nouveau avec un quatrième album qui va encore plus loin et qui la révèle un peu plus musicalement. Différente sur chaque réalisation, tout en affirmant un style bien à elle, sa personnalité et son naturel prennent de nouvelles voies à travers sa trajectoire bleutée.

Bien sûr, il est toujours question de Blues sur « Trouble Coming », dont le titre ne signifie pas forcément qu’elle revienne à un registre tirant sur le Hard. Ce nouvel opus fait, au contraire, dans la nuance. Et même si la guitariste et chanteuse sait toujours montrer les crocs en distillant des riffs bien tranchants, elle développe aussi une touche très mélodique et plus féminine, comme ce qu’elle avait déjà amorcé précédemment. Avec un songwriting encore plus convaincant, LAURA COX laisse parler ses guitares avec précision et fluidité.

C’est avec Jean-Marc Pelatan aux manettes qu’ont été conçus les onze nouveaux morceaux et la chaleur et l’authenticité à l’œuvre rendent « Trouble Coming » très organique et vivant. On note également la participation au mastering du multi-récompensé Ted Jensen sur quelques morceaux. Et si cette belle production honore ses compositions, c’est surtout le talent de LAURA COX qui prend le dessus (« No Need To Try Harder », « Dancing Around The Sun », « Inside The Storm », « Out Of The Blue » et son banjo, « A Way Home », « Rise Together »). Sensible et très Rock ! 

Photo : Li-Roda-Gil

Retrouvez LAURA COX en interview :