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Harlem Lake : l’envol [Interview]

En quelques années seulement, HARLEM LAKE est parvenu grâce à une identité musicale forte à sortir bien au-delà de ses frontières. Les Hollandais s’étaient déjà fait remarquer avec un premier opus particulièrement abouti. Puis, le quintet a récidivé avec un Live étonnant d’énergie et de puissance avant d’entrer à nouveau en studio pour y enregistrer l’excellent « The Mirrored Mask », récemment sorti. D’ailleurs, depuis la sortie de ce deuxième album, le génial Sonny Ray à la guitare a quitté le groupe et les concerts sont désormais assurés par Wick Hayen. Le bassiste Kjelt Ostendorf, ainsi que la frontwoman Janne Timmer, reviennent sur l’incroyable accélération prise par le quintet.

– Quand je repense à notre première interview il y a près de trois ans lors de la sortie de « A Fool Paradise Vol.1 », j’avais vraiment été séduit par la grande qualité de l’album et de vos compositions. Il s’est passé beaucoup de choses depuis, et nous y reviendrons, mais tout d’abord, comment va HARLEM LAKE et quel regard portez-vous sur ces débuts plus que prometteurs ?

Kjelt : Merci ! Nous venons juste de sortir notre deuxième album studio, « The Mirrored Mask », et nous sommes actuellement en tournée où nous interprétons des chansons de cet album avec nos préférés de « A Fool’s Paradise ». A côté de ça, nous nous efforçons d’être meilleurs dans tous les domaines, que ce soit musicalement et sur l’aspect professionnel également. A mesure que nous grandissons et que nous gagnons en expérience, et avec des budgets plus importants aussi, nous pouvons aujourd’hui investir plus de temps en studio et faire appel à des personnes expérimentées de l’extérieur. Nous avons également signé cet album avec le label Jazzhaus et nous avons désormais des bookers dans plusieurs pays. De nombreux professionnels sont donc impliqués pour nous soutenir maintenant.

– L’an dernier, vous avez sorti « Volition Live », alors qu’on vous attendait avec un deuxième album studio. C’est très surprenant de voir un groupe, qui démarre comme vous, sortir ce genre d’album aussi vite dans sa discographie. C’était une question d’opportunité, qui s’est présentée lors du ‘Culemborg Blues Festival’, que de pouvoir enregistrer ce concert ?

Kjelt : En fait, nous enregistrons presque tous nos concerts. On ne sait jamais si cela peut nous être utile plus tard. Et nous avons eu une occasion unique de faire deux concerts consécutifs dans notre formation XXL, c’est-à-dire avec trois cuivres et deux choristes. Et en sortant ce live, nous voulions aussi offrir quelque chose de spécial à nos fans, sachant qu’il faudrait attendre un certain temps avant la sortie du prochain album studio. Personnellement, j’adore les albums live. Il y a quelque chose de magique dans le fait de capturer un moment unique et avec un minimum de montage. C’est brut, réel et c’est ce qui nous caractérise vraiment.

– Un mot aussi sur cette belle récompense aux ‘European Blues Challenge’, juste après le premier album. J’imagine que c’est une très belle reconnaissance et aussi une grande source de motivation pour la suite, non ?

Kjelt : C’est vrai ! Cela nous a aussi permis de faire des tournées à travers l’Europe, car de nombreux promoteurs de festivals étaient présents et nous ont programmés l’année suivante, ce qui nous a ouvert toutes sortes d’opportunités internationales.

– Vous êtes tous assez jeunes au sein de HARLEM LAKE et les choses sont allées très vite pour vous en peu de temps. Est-ce qu’au niveau de l’expérience acquise et de la confiance en soi, vous avez aussi le sentiment d’avoir fait un grand bond en avant ?

Kjelt : Nous avons acquis de l’expérience, c’est sûr. Depuis la sortie de « A Fool’s Paradise », nous avons donné plus de 100 concerts, dont un grand nombre à l’étranger. Chaque prestation nous apprend quelque chose, que ce soit sur scène ou en coulisses. Nous avons appris à nous adapter à différents types de scènes, à surmonter les barrières linguistiques, à gérer les longs trajets en van, les hôtels… Nous avons également dû apprendre les tenants et aboutissants des contrats d’enregistrement, des réservations, des vols, etc… Et bien sûr, nous continuons encore d’apprendre.

Janne : C’est certain. Je pense que j’ai beaucoup grandi en tant que chanteuse, mais surtout en tant qu’artiste de scène. Je me sens forte et confiante aujourd’hui et je suis plus libre de m’exprimer ! Il y a cinq ans, j’étais beaucoup plus modeste et réservée en concert. Maintenant, je me sens plus assurée, non seulement pour m’exprimer à travers le chant, mais aussi avec mon corps, en dansant et en faisant le show !

– Parlons de ce nouvel album. Là encore, on vous attendait avec le volume 2 de « A Fool Paradise ». Or, vous sortez « The Mirrored Mask ». C’est vrai qu’il est artistiquement assez différent. Est-ce pour cette raison, et peut-être compte tenu des textes, que vous ne voyiez pas en lui la suite du premier ?

Kjelt : Oui, je peux imaginer que tu as pu être surpris en apprenant que ce n’était pas le volume 2. Au départ, nous avions prévu que ce soit le cas. Mais en cours de route, il a évolué de lui-même. Il peut se passer beaucoup de choses en deux ou trois ans. Nous avons changé notre section rythmique et nous nous sommes développés dans plusieurs domaines. « The Mirrored Mask » sonne très différemment de « A Fool’s Paradise », à tel point qu’il n’était plus logique de les regrouper dans ce contexte. Sur le plan thématique, cependant, il y a une certaine continuité. En fait, quelques chansons de « The Mirrored Mask » ont ​​été écrites pendant la même période que « A Fool’s Paradise ».

– D’ailleurs, en parlant des textes, ils sont toujours plein d’émotion avec un aspect très Soul dans l’interprétation et plutôt Americana dans la narration. On peut y percevoir aussi un côté très personnel et intime. Est-ce qu’il est important pour toi, Janne, d’avoir un certain vécu pour pouvoir exprimer des sentiments avec autant de vérité ?

Janne : Mon style d’écriture est très lyrique à la base. J’aime exprimer mes émotions de manière imagée. Je trouve important d’être honnête, mais bien sûr, je romance ou j’amplifie certaines émotions. Les sentiments donnent la voie, mais les expériences qui les provoquent peuvent être à la fois les miennes et celles des autres. C’est plus facile si je les ai vécues bien sûr, car cela me permet d’intégrer des événements réels, ou de les utiliser comme métaphores. Je pense que les paroles de « Crying In A Desert » en sont un bon exemple. J’ai imaginé un cow-boy marchant dans un désert post-apocalyptique, sans cheval, juste lui et son arme. Toute sa situation sert de métaphore de la solitude et du désespoir.

– Une petite chose m’avait aussi intrigué en écoutant « The Mirrored Mask », car j’ai eu la chance de pouvoir le découvrir il y a quelques semaines déjà grâce à vous. J’avais noté les deux très beaux interludes instrumentaux : « Prelude To Mirrored Mask » et « Crying In A Desert Outro ». Pour quelle raison, ce dernier a-t-il disparu de la version finale du disque ?

Kjelt : Il n’a pas disparu ! En fait, c’est l’un de nos préférées. Nous l’avons simplement intégré à « Crying In A Desert », car ils vont vraiment ensemble. Mais ceux qui écouteront le CD verront qu’il y a une plage supplémentaire. Nous avons donné à cette outro, que nous avons surnommée en plaisantant « The Dessert », sa propre piste cachée, afin que les amateurs de guitare puissent passer directement au solo. Vous ne la verrez pas sur la pochette de l’album, mais si vous parcourez le CD, vous la trouverez.

– Vous avez beaucoup tourné depuis la création du groupe et participé à de nombreux festivals. Est-ce que cette proximité avec le public a pu modifier votre manière de composer pour être encore plus efficace et accrocheur dans la composition de vos morceaux ?

Kjelt : Eh bien, oui et non. Nous jouons souvent de nouvelles chansons en concert avant de les enregistrer pour évaluer la réaction du public. D’un autre côté, les performances en live et les enregistrements en studio peuvent donner l’impression que ce sont deux mondes différents. Les gens écoutent différemment la musique lors d’un concert et à la maison, et cela influence la façon dont nous composons et nous enregistrons, c’est certain. En concert, nous pouvons prendre plus de temps et faire quelques expérimentations, car le public est pleinement impliqué dans le moment. En studio, on a tendance à être plus directs et plus précis.

– La complicité entre Sonny Ray à la guitare et Dave Warmerdam aux claviers était déjà très perceptible sur le premier album et surtout sur le ‘Live’. Là, elle prend encore une autre dimension, tout comme cette rythmique irrésistible. On sent un réel élan commun, un esprit de groupe très fort. Vous composez et peaufiner tous les morceaux ensemble ?

Kjelt : Composer, pas nécessairement, mais peaufiner, oui ! Parfois, on part d’un fragment de mélodie, de quelques mots, d’un feeling ou de quelques accords. D’autres fois, la chanson arrive presque terminée. Et même là, on cherche encore ce qui fera qu’elle sonnera comme du HARLEM LAKE, et peu importe qui a eu l’idée initiale.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la version XXL de HARLEM LAKE, qui était d’ailleurs à l’œuvre sur « Volition Live » et qui apportait un volume incroyable. Vous n’avez pas souhaité renouveler l’expérience sur « The Mirrored Mask », car les cuivres sont beaucoup plus discrets ?

Kjelt : Je ne pense pas que nous ayons vraiment abordé le sujet, en fait. Nous voulions simplement faire ce qui nous semblait le mieux pour les chansons. « Volition Live » visait davantage à capturer l’énergie, alors que cet album est davantage axé sur la narration d’une histoire.

– Un mot aussi sur la pochette de l’album, qui s’inscrit dans la continuité artistique des deux autres. Outre le fait de présenter une personnalité musicale très identifiable, c’est important qu’elle se prolonge aussi visuellement ?

Kjelt : Oui ! En fait, chaque élément qu’on peut contrôler fait partie de notre identité. Tout cela fait partie de l’expérience dont dispose l’auditeur avec la musique que nous créons. La représentation visuelle à elle seule peut déjà créer l’ambiance, c’est pourquoi elle est très importante pour nous, en effet.

– Enfin, comment cela se fait-il qu’un groupe comme HARLEM LAKE ne soit pas signé sur un label digne de ce nom, même si Jazzhaus sort celui-ci ? Vous tenez absolument à conserver votre indépendance et donc la liberté artistique qu’elle procure ?

Kjelt : Oui, nous avons signé cet album avec le label allemand Jazzhaus. Mais nous l’avons fait une fois l’album terminé, ce qui nous a permis de conserver une liberté artistique totale. Pour les prochains disques, nous signerons peut-être avant, mais nous privilégierons toujours notre indépendance artistique. Nous exprimer de manière honnête est la principale raison pour laquelle nous faisons tout cela.

Le nouvel album de HARLEM LAKE, « The Mirrored Mask », est disponible chez Jazzhaus et sur le site du groupe : https://harlemlake.com/

Retrouvez la (déjà) longue et première interview du groupe à l’occasion de son premier album…

… et la chronique de l’album Live :

Photos : Maaike Ronhaar (1, 2, 4, 5 6)

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Phil Vermont : une ponctualité exemplaire

En bénéficiant de la distribution de Dixiefrog et du savoir-faire d’un co-producteur de renom, le bluesman originaire de Rouen s’offre une entrée en matière confortable et audacieuse. Sur un Blues Rock alerte et cuivré, il décline une vision artistique où la modernité fait corps avec la tradition en se faisant très Rock, Funky et plus intime aussi. « Time Has Come » vient confirmer le talent de PHIL VERMONT, qui réalise une première discographique très réussie, et très personnelle.

PHIL VERMONT

« Time Has Come »

(Rock & Hall Distribution)

Après avoir passé de longues années à arpenter la scène afin d’acquérir une solide expérience, le temps semble donc venu pour PHIL VERMONT de voler de ses propres ailes et de délivrer son propre répertoire. Cela dit, « Time Has Come » ne ressemble en aucun cas à une sorte de bilan de ce qu’il serait devenu en tant que musicien, mais présente plutôt un album abouti, très varié et homogène et qui nous fait traverser plusieurs courants et époques du Blues avec beaucoup de liberté et de fluidité dans le jeu.

Guitariste accompli et chanteur convaincant, PHIL VERMONT se dévoile sur onze compositions assez éclectiques, auxquelles il faut ajouter une reprise pleine de fougue de « Tribal Dance » de Peter Green. Et en changeant quelque peu de l’ambiance très British Blues de l’original, le Normand lui a réservé un traitement aussi intense que spontané. C’est justement ce qui fait sa force de pouvoir passer d’un claquement de doigt d’approches très classiques du siècle dernier à des sonorités contemporaines très vives.

Certes, si PHIL VERMONT reste le principal acteur et moteur de « Time Has Come », il a pu profiter de l’expérience du plus français des Américains, Neil Black, qui produit l’ensemble avec lui et intervient même sur deux titres (« Me And The Devil » et « The Waders »). Et les musiciens qui l’accompagnent forment aussi un groupe soudé et complice. Expérimenté et inspiré, il offre beaucoup de couleur et de relief. Et le fait que la rythmique soit enregistrée en live libère un groove authentique et savoureux. Un album de grande classe !

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Blues Rock Heavy Blues

Steve Hill : une leçon de vie

Sorte d’ode à la résilience et à la persévérance, « Hanging On A Still » montre toute la détermination d’un bluesman dans sa volonté d’artiste complet, mais aussi d’homme. Semés d’embûches, l’élaboration et l’aboutissement de cet album exceptionnel n’auront pas été une mince affaire pour STEVE HILL. Reconnu et récompensé pour ses talents de compositeur et d’homme-orchestre, cette nouvelle réalisation est probablement la plus belle de sa carrière, tant la force qui en émane est prodigieuse.

STEVE HILL

« Hanging On A String »

(No Label Records)

Le Canadien, originaire des Trois-Rivières au Québec, offre un retour réjouissant avec « Hanging On A String », un nouvel opus qui vient s’ajouter à la bonne douzaine qu’il a déjà sorti. Avec beaucoup d’authenticité, il revient en musique sur les mésaventures qui ont émaillé sa vie, y compris les plus récentes. Et en 30 ans de musique, STEVE HILL semble les collectionner. Si les ennuis se sont accumulés, il est parvenu à en faire un disque, qui n’est pas si sombre qu’il y paraît. Et cette belle émulation rejaillit dans les chansons, le son et la production.

Alors que le multi-instrumentiste se rendait au studio 606 à Los Angeles, c’est un accident de voiture quelques minutes après son arrivée à l’aéroport, qui l’a contraint à reporter l’enregistrement, la faute à quelques côtes cassées. Quelques mois plus tard, au début de cette année, c’est un STEVE HILL réoxygéné et déterminé qui a investit les mêmes studios avec un nouveau challenge : celui de mettre en boîte « Hanging On A Still » en six jours seulement… Il en mettra cinq ! Le résultat est époustouflant et scintillant de vérité. Une persévérance hors-norme.

Pour relever ce défi, ce sont Darrell Throp (Foo Fighters, Radiohead), lauréat de dix Grammy, derrière la console et au mix, et Michael Romanowski au mastering, qui en a emporté six de son côté, qui ont capté l’énergie et toute la substance du Blues Rock de STEVE HILL. Il en ressort des sonorités presque Garage, très roots et sans détour. Il a composé, chanté et joué tous les instruments et, au beau milieu de ces électrisantes chansons, on peut retenir cette dantesque reprise des Doors, « When The Music’s Over », longues de huit intenses minutes. Magique !

(Photo : Jean-Sebastien Desilets)

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Blues Rock Soul Southern Blues

Warren Haynes : soulman

Comme pour mieux mener à bien sa nouvelle réalisation en dehors de Gov’t Mule et peut-être aussi pour bien distinguer les choses, le songwriter de Caroline du Nord s’est occupé de la production de « Million Voices Whisper », où il explore plus en profondeur ses racines Soul, toujours dans un Southern Blues Rock d’une précision et d’un feeling de chaque instant. Et s’il donne cette impression intime de proximité, WARREN HAYNES n’est pas pour autant seul et il donne même tout son sens à la notion de partage qu’il a toujours entretenu.   

WARREN HAYNES

« Million Voices Whisper »

(Fantasy Records)

L’emblématique leader de Gov’t Mule s’offre une escapade en solo presque dix ans après « Ashes & Dust » (2015) et dans la foulée des deux récentes sorties de son  groupe (« Heavy Loud Blues » en 2021 et « Peace… Like A River » l’année dernière). Autant dire que le musicien d’Asheville est très inspiré. Assez éloigné de ce qu’il propose habituellement avec sa formation et même de ce qu’il a pu faire avant avec le Allman Brothers Band ou avec le Dickey Betts Band qu’il dédie à son fondateur, « Million Voices Whisper » est probablement l’album le plus personnel de WARREN HAYNES à bien des égards.

Toujours aussi bien entouré, les effluves sudistes sont ici distillés par John Medeski, impérial aux claviers, Terence Higgins, hyper-groovy à la batterie, et son compagnon de Gov’t Mule, Kevin Scott à la basse. Et comme le chanteur et guitariste est très accueillant, son ami Derek Trucks l’accompagne sur le titre d’ouverture « These Changes », ainsi que sur « Real, Real Love » et le génial « Hall Of Future Saint », qui clôt « Million Voices Whisper ». Le toucher de WARREN HAYNES et celui de son ancien compagnon de route font littéralement des merveilles sur ce titre, qui semble tellement hors du temps par sa beauté.

S’il reste Rock dans l’ensemble, ce quatrième effort est beaucoup axé sur la Soul, ce qui donne un Blues plus langoureux, plein d’émotion et où chacun prend le temps de poser la bonne note au bon moment (« This Life As We Know It », « Lies, Lies, Lies – Monkey Dance », « Till The Sun Comes Shining Through », « Terrified »). On retrouve également Lukas Nelson and Jamey Johnson, qui l’accompagnent en tournée, sur le somptueux « Day Of Reckoning ». En renouant avec ses premières amours musicales, WARREN HAYNES paraît s’offrir un petit bain de jouvence, en se rappelant à son influence majeure : la Soul. Un grand Monsieur !

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Americana Blues folk Soul

Eric Bibb : un écrin pour du nectar

La productivité d’ERIC BIBB n’a d’égal que son inspiration… et elle est grande ! Alors qu’en avril, il sortait « Live At The Scala Theatre » quelques mois tout juste après le génial « Ridin’ », il récidive déjà avec un « In The Real World », majestueux dans sa simplicité et dans ce flow Soul dont il a le secret. Très dynamique dans les arrangements, il a donné sa confiance à Glen Scott, le patron de Repute Records, qui a produit, arrangé et mixé les chansons. Magnifiquement équilibré et savamment travaillé, les harmonies vocales sont incroyablement riches et s’élèvent à un niveau auquel on est finalement habitué de sa part.

ERIC BIBB

« In The Real World »

(Stony Plain Records/Repute Records)

L’Américain a le Blues voyageur. Après s’être installé à Paris à 19 ans, puis en Suède pour finalement s’établir en Angleterre, ERIC BIBB n’est peut-être pas prophète en son pays, mais il l’est assurément sur le vieux continent. Ce qui, pour un pasteur, est une bonne première étape. On ne compte plus ses innombrables albums, autour de la quarantaine, mais on peut souligner que chacun d’entre eux est d’une beauté renversante. Le précédent, « Ridin’ » lui a valu d’être nominé aux fameux Grammy Awards et « In The Real World » a de grande chance, lui aussi, de prendre le même chemin, en espérant une récompense au bout.

Après cinquante ans de carrière, un record de récompenses et une intronisation au ‘Blues Hall Of Fame’ en 2015, ERIC BIBB s’offre une magnifique ode à l’introspection et à la quête de soi. Et c’est dans les studios d’un autre grand artiste, Peter Gabriel, qu’il est allé immortaliser les 15 chansons de « In The Real World ». Comme toujours avec lui, le son est limpide, cristallin et la qualité des réalisations effectuées dans au ‘Real World Studios’ donne une couleur pleine de douceur, et aussi de profondeur, à des mélodies passionnées et des textes apaisants, tout en restant engagé dans un humanisme de chaque instant.

Dès les premières notes de « Take The Stage », on se retrouve enveloppé de la voix chaude et rassurante d’ERIC BIBB. Toujours très sociétal dans son  propos, il plonge surtout dans ses souvenirs d’enfance dans des ambiances d’ailleurs très différentes passant du Delta au Gospel et à la Folk, et parfois légèrement Country. Il avoue même présenter avec « In The Real World » une sorte d’autoportrait de ses influences (« Everybody’s Got A Right », « This River (Chains & Free) », « Neshoba County », « Dear Mavis », et bien sûr la chanson-titre). Le bluesman a l’écriture forte et sensible et sa musique est aussi immaculée qu’électrique.

Retrouvez la chronique de « Ridin’ » :

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Blues Blues Rock Chicago Blues

ZZ Ward : une énergie sans filtre

Chacune de ses réalisations est toujours surprenante et avec « Mother », ZZ WARD ne déroge pas à la règle. Imprévisible, c’est sur le légendaire label Sun Records qu’elle publie cette fois quelques chansons. Avec beaucoup de vitalité, elle témoigne de ses expériences en tant que mère. Vulnérable et forte, elle n’élude aucun passage et aborde plusieurs domaines de la parentalité en jouant aux montagnes russes. Ca sent le vécu et lorsque tout cela est décliné dans un Blues épuré, où se croisent instants Gospel et envolées de cuivres sur des guitares ardentes, on ne peut que tomber sous le charme. 

ZZ WARD

« Mother »

(Sun Records)

Un an tout juste après l’excellent et très éclectique « Dirty Shine », la néo-Californienne originaire de l’Oregon fait un retour express, mais très qualitatif, avec « Mother ». Composé de six titres, ZZ WARD apparait cette fois sur Sun Records et livre ses sentiments sur les sensations que procure la maternité. Et plutôt que de se disperser, ce qu’elle fait d’ailleurs très bien, c’est dans un registre Blues très roots qu’elle a choisi d’évoluer. Et il faut reconnaitre que l’approche très sincère et authentique du style s’y prête à merveille. Avec une attitude totalement décomplexée, on ne peut que succomber à autant de fougue et de vérité.

C’est une sorte de retour à ses premières amours pour ZZ WARD qui renoue avec ses racines musicales dans une version très brute et profonde. D’ailleurs, ce nouveau format court réserve aussi quelques surprises, la songwriter étant pleine de ressources. L’intensité passionnée et l’énergie sans filtre qui émanent de « Mother » nous rappelle à quel point elle est une incroyable chanteuse et une multi-instrumentiste de haut vol. Elle prend beaucoup de plaisir à explorer ses six chansons en les révélant sous un jour nouveau et un son également différent. Directe et sans détour, on brûle avec elle dans ce (trop !) court moment musical. 

L’Américaine ouvre son EP avec le morceau-titre, gorgé de riffs épais et sur un ton puissant, histoire de poser l’ambiance. La production très live et Rock’n’Roll de « Mother » et « My Baby Left Me » accentue cette impression d’urgence et ce dynamisme. Puis, ZZ WARD reprend « Put My Gun Down » et « Lil Darling » de son dernier opus en leur offrant un traitement de choc. « I Have No One » est l’instant le plus tendre et sa voix monte encore d’un cran dans l’émotion. Vocalement irrésistible, elle plonge ensuite dans un Chicago Blues vif sur « Cadillac Man », sorte d’hommage appuyé et généreux à l’esprit agité du Blues. Une tranche vie sans far.

Retrouvez la chronique de son dernier album :

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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Beth Hart : une âme passionnée

Comme souvent chez elle, c’est en bousculant et en déplaçant les frontières du Blues que BETH HART s’ouvre la voie vers des horizons multiples avec cette force et ce talent, qui paraissent grandir au fil du temps. Sur « You Still Got Me », elle maîtrise plus jamais ses effluves vocaux, sans trop en faire d’ailleurs, et s’offre des flâneries musicales vibrantes et profondes. Son franc parler, parfois cru, fait d’elle la plus rockeuse des blueswomen et on se régale une fois encore de ses textes, qui n’éludent jamais rien. Entourée de grands musiciens, elle nous fait surfer sur un groove imparable et des crescendos irrésistibles.

BETH HART

« You Still Got Me »

(Provogue/Mascot Label Group)

Certaines voix sont inimitables, uniques et particulièrement marquantes. C’est le cas de BETH HART et de son légendaire trémolo. C’est deux-là sont indissociables et ils brillent une fois encore sur ce onzième et très attendu album. Car si « A Tribute To Led Zeppelin » a rapidement comblé un vide pendant la pandémie sans vraiment convaincre, son dernier opus a déjà cinq ans et parvenir à ce niveau d’interprétation et d’écriture a dû relever du défi pour l’Américaine, qui s’était donc offerte une escapade anglaise entretemps, sûrement plus facile à négocier pour elle. Car se hisser au niveau de « War In  My Mind », c’est retrouver l’émotion et une certaine rage aussi qui font d’elle une chanteuse d’exception.

On avait déjà pu la retrouver sur l’album solo de Slash consacré au Blues en mai dernier avec la reprise de « Stormy Monday » de T-Bone Walker, où elle apparaissait littéralement habitée. Sans doute d’ailleurs le moment fort du disque. C’est donc assez naturellement que le guitariste de G N’R lui rend la pareille sur le génial « Savior With A Razor », qui ouvre « You Still Got Me » et où son sens du riff fait des merveilles. Là aussi, c’est sans doute l’un des titres les plus impactants de cette nouvelle production. Et l’autre guest de marque n’est autre que le légendaire Eric Gales, dont la virtuosité est toujours saisissante et qui fait briller « Sugar N My Bowl ». Mais ne nous y trompons, c’est bel et bien BETH HART qui mène le bal.

A travers les douze chansons qui composent « You Still Got Me », la Californienne se fait plaisir et les arbore toutes dans des styles différents. Blues Rock sur l’entame avec ses deux invités, très feutrée sur « Drunk On Valentine », carrément Country-Rock sur « Wanna Be Big Bad Johnny Cash » où sa gouaille fait des étincelles, ou sur la poignante ballade « Wonderful World », rien ne résiste à la frontwoman. Avec cette émotion à fleur de peau qui la caractérise, BETH HART se montre aussi envoûtante que touchante, grâce à une interprétation toujours très personnelle et presqu’intime (« Don’t Call The Police », « Machine Gun Vibrato »). Et si elle semble parfois s’éloigner du Blues, elle ne le quitte jamais.

(Photo : Greg Watermann)

Retrouvez la chronique de son album « A Tribute To Zeppelin » :

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Americana International Soul Southern Blues

Abby Bryant : sweet southern sounds [Interview]

Dans un univers très personnel où se mêlent harmonieusement toutes les sonorités propres au Sud américain, ABBY BRYANT s’impose comme une artiste étonnante, autant par la maturité qu’elle dégage que cette force qu’elle va puiser dans une liberté affichée. Souvent autobiographiques, ses textes prennent vie dans une Soul très Rock, un brin vintage et aux saveurs Americana. Révélée sur « Not Your Little Girl », elle affirme son style sur « Glowing », un deuxième album chaleureux, attachant et enthousiaste. Alors que sa Caroline du Nord natale vient de subir les foudres de l’ouragan Hélène, c’était l’occasion de faire le point sur la situation dans la région et de parler, évidemment, de cette superbe et nouvelle réalisation.

– Avant de parler de ton nouvel album, j’aimerais que tu nous donnes des nouvelles suite à l’ouragan Hélène qui a frappé notamment la Caroline Du Nord où tu résides. Comment est la situation à Asheville ?

Merci de prendre de nos nouvelles ! Asheville fait face à une dévastation sans précédent depuis l’ouragan Hélène, et nous nous en sortons un jour après l’autre. Avec le groupe, nous allons bien, nos maisons et nos biens sont presqu’intacts, mais tant de gens ont tout perdu. Ces dernières semaines ont été difficiles, mais c’était aussi magnifique de voir les gens s’unir pour s’entraider avec autant d’amour. Notre communauté est incroyable et plus forte que jamais.

– Outre l’impact tragique sur la population, certaines structures comme les studios et les lieux musicaux ont-ils été beaucoup touchés et la vie artistique va-t-elle pouvoir reprendre normalement assez vite ?

C’est une période très incertaine pour tous les artistes de notre région en ce moment. L’un de nos principaux pôles artistiques, le ‘River Arts District’, a été presque complètement balayé, tout comme l’une de nos salles de concert préférées. Tout est différent maintenant et nous avons du mal à comprendre que certains lieux qui faisaient partie intégrante de nos vies et de notre communauté ont tout simplement disparu. Mais l’art survit en dehors de tout lieu et de nombreux artistes sont plus inspirés que jamais pour créer en ce moment.

– Pour conclure sur le sujet, on a vu Dolly Parton et Taylor Swift notamment faire des dons importants à des associations pour les deux Etats de Caroline. Il y a toujours une entraide incroyable aux Etats-Unis après ce genre de catastrophe, et c’est important que les artistes se mobilisent aussi. Va-t-il y avoir des concerts de soutien dans la mesure du possible prochainement ? Et est-ce que tu y penses de ton côté ?

Nous avons vu une générosité incroyable de la part de tous et nous apprécions énormément les importantes contributions apportées à la région par de grands artistes. Nous voyons également nos amis musiciens ici organiser de nombreux concerts de charité en ce moment. Nous avons notamment collecté des dons lors de nos concerts pour soutenir les personnes de l’Ouest de la Caroline du Nord, qui n’ont pas d’électricité et qui ont besoin de chaleur, d’abri et de fournitures à l’approche du froid. Les gens nous surprennent constamment par leur générosité.

– Revenons à toi. Tu es chanteuse, musicienne, auteure et compositrice et tu as sorti deux albums en trois ans. Est-ce tu avais aussi eu des expériences de groupes avant ces deux disques ?

J’ai d’une certaine manière fait de la musique en groupe depuis le tout début, depuis les ensembles à l’église quand j’étais enfant jusqu’aux chorales et aux groupes vocaux de mon université. Puis, j’ai continué à jouer dans les groupes d’amis pendant mes études avant de former le mien. Ainsi, même si ces albums sont mes premiers vraiment complets, jouer de la musique en groupe a toujours occupé une grande place dans ma vie.

– Ton style musical est dominé par une forte empreinte Soul, où l’on trouve aussi des sonorités Blues, Americana, Rock, Country aussi et avec une touche Funky. Au-delà de sa forte identité Southern, comment définirais-tu ta musique ? On a parfois l’impression que tu cherches à échapper aux cases…

Les nombreux styles qui ont influencé ma musique et mes racines sudistes sont profondément ancrés dans ma mémoire. J’ai tendance à puiser dans une grande variété de genres, il est donc difficile de décrire ma musique. J’évite souvent les limites de genre et je vais là où l’inspiration me mène. Mais je pense que beaucoup résumeraient ce style à quelque chose comme du Southern Rock Soul américain. Personnellement, il y a tellement de saveurs uniques dans ma musique qu’aucun terme de genre de base ne me satisfait. Je dis simplement aux gens qui me posent des questions de venir au concert et d’en faire l’expérience par eux-mêmes.

– Trois ans après « Not Your Little Girl », tu viens de sortir « Glowing ». Il y a une réelle continuité musicale entre les deux albums. Quelle était ta priorité en composant ce deuxième album ? Apporter une sorte de prolongement au premier ?

Le deuxième album me donne l’impression d’une exploration plus profonde, à la fois sonore et lyrique. Mon premier album abordait des thèmes de la jeunesse, comme quitter la maison, trouver ma propre identité en dehors de mon éducation traditionnelle, trouver et perdre l’amour, etc… Bien qu’il y ait certainement un certain chevauchement dans les expériences qui ont conduit à l’écriture de ce deuxième album, je pense que « Glowing » capture une sorte de croissance qui est née de beaucoup de difficultés et de la redécouverte d’une appréciation de l’expérience humaine. Après avoir survécu à des hauts et des bas majeurs et réalisé que je peux affronter n’importe quelle tempête, la vie devient plus facile. Je pense que nous sommes tous tellement chanceux d’être ici pour avoir le cœur brisé et ramasser les morceaux, de nous aimer profondément et de trouver la joie et l’espoir dans toutes les difficultés. J’apprends à accepter le voyage.

– Sur ton premier album, tu affichais déjà beaucoup de caractère, ne serait-ce que dans son titre déjà. C’est une manière aussi en tant que chanteuse, songwriter et de femme de s’imposer dans un milieu parfois difficile ou hostile ?

Mon premier album était clairement axé sur l’affirmation de mon indépendance et la recherche de ma propre voie, comme le suggère le titre. Le message est toujours aussi pertinent pour moi. Mais le deuxième album s’appuie sur une version encore plus douce et plus forte de moi-même, qui partage toujours les mêmes valeurs et la même volonté d’encourager les femmes à se lever et à s’exprimer. J’apprends au fur et à mesure à faire preuve d’amour dans tout ce que je fais et à m’entourer de personnes qui font de même, et le monde qui m’entoure me semble un peu moins dur.

– D’ailleurs, tu guides fermement « Glowing » et pas seulement vocalement. Il a aussi une saveur assez rétro et vintage, ce qui peut paraître surprenant de la part d’une jeune femme comme toi. C’est un son et une époque dans lesquels tu te retrouves plus que dans la scène actuelle et donc plus moderne ?

Je suis définitivement attiré par des sons plus rétro lorsque je crée, et je m’inspire souvent d’époques bien plus anciennes. J’aime faire partie de ceux qui font découvrir les trésors de notre passé aux nouvelles générations. J’ai remarqué que d’autres nouveaux artistes comme Sierra Ferrell et Billy Strings nous ramènent à nos racines. Et je pense que c’est une belle chose de remettre au premier plan des sons depuis longtemps oubliés par une grande partie de notre culture actuelle.

– J’aimerais qu’on revienne sur ta performance vocale. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte de déclic entre les deux albums. On te sent épanouie et tu dégages beaucoup de force et d’assurance. Cette liberté perceptible, la dois-tu aux retours positifs de « Not Your Little Girl » et/ou aux concerts donnés depuis trois ans ?

Je suis tellement reconnaissante de la façon dont « Not Your Little Girl » a voyagé si loin et s’est frayé un chemin jusqu’aux mains de tant d’auditeurs. Pour ce dernier album, je me suis sentie encore plus inspirée à me fier davantage à ma propre intuition, à la fois dans ma performance vocale et dans l’écriture des chansons elles-mêmes. Je pense que le tournant que tu as ressenti avec plus de force et de confiance est que je suis devenue autonome et que j’ai appris à me faire de plus en plus confiance. J’ai hâte de voir où cette évolution me mènera ensuite !

– Au niveau de la production, celle-ci a aussi gagné en dynamique et s’est considérablement éclaircie. C’est Dave Schools qui a réalisé celle de « Glowing ». De quelle manière avez-vous travaillé ensemble ? Tu avais certains impératifs ?

Travailler avec Dave Schools a été une expérience incroyable. Il a apporté un élément plus organique et brut à ce disque en l’enregistrant en live autant que possible et en laissant la synergie que nous avons ressentie en créant ensemble en studio nous guider. Tout s’est mis en place rapidement d’une manière qui ressemblait à de la magie, même si nous avions une équipe incroyable avec un talent fantastique dès le départ ! Dave nous a aidés à accepter la beauté de l’imperfection humaine et a permis au processus de se dérouler d’une manière qui semblait plus naturelle que n’importe quel enregistrement que j’avais fait auparavant.

– Par rapport à la composition elle-même, tu travailles toujours avec Bailey Faulkner. Comment fonctionnez-vous ? Tu apportes les idées et vous les mettez en musique ensemble, ou  y a-t-il un effort collectif de tous les musiciens, car tu as gardé la même équipe, je crois ?

Oui, je travaille toujours avec Bailey et mon groupe. Nous écrivons toujours des chansons ensemble, parfois aux côtés d’autres excellents co-auteurs quand nous le pouvons. Nous avons chacun des approches différentes de l’écriture des chansons, mais qui semblent très complémentaires. Bailey commence souvent par une progression d’accords ou un groove et se laisse guider par le feeling sur les paroles et la mélodie. Pour ma part, je commence souvent par un sujet ou un message comme élément de base pour la mélodie. Une fois que nous avons une idée plus développée que nous avons construite ensemble, nous apportons la chanson au reste du groupe. Et ils ont souvent de bonnes idées à ajouter pour l’instrumentation, la performance, les arrangements, etc… On forme vraiment tout un village.

– Tu as donc sorti deux albums en indépendant et en te produisant. Vu la qualité des deux disques, tu aurais pu être approchée par un label, non ? Est-ce un choix de ta part, ou est-ce difficile aux USA aussi de se faire signer sur un label ?

Nous avons autoproduit notre premier album et avons fait appel à Dave pour produire le deuxième, mais nous avons sorti les deux albums de manière indépendante. C’est difficile de trouver le bon label avec lequel s’associer et nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’explorer cette option. Pour l’instant, rester indépendant a été notre meilleure option, même si nous continuerons à chercher un partenaire idéal.

– Enfin, un petit mot sur tes projets à venir. Bien sûr, la situation actuelle a figé et stoppé beaucoup de choses. Penses-tu reprendre les concerts rapidement et peut-être même partir en tournée ?

Nous avons continué à donner autant de concerts que possible. Et bien que de nombreuses opportunités locales ne soient actuellement pas disponibles, nous jouons hors de la ville la plupart des week-ends et nous demandons à notre public de soutenir la Caroline du Nord occidentale en apportant des dons que nous pourrons ramener chez nous à Asheville. Nous espérons reprendre un rythme de tournée régulier d’ici le printemps et continuer à faire des tournées pour le nouvel album.

Les albums sont disponibles sur le site de l’artiste : www.abbybryantmusic.com

Retrouvez la chronique du dernier album d’ABBY BRYANT…

… Et une plus courte du premier :

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Chicago Blues Contemporary Blues

Ronnie Baker Brooks : un inestimable héritage

Tout petit déjà, Muddy Waters et Willie Dixon faisaient partie de son entourage, ou plutôt de celui de son père, autre légende disparue en 2017. Alors, bien évidemment, RONNIE BAKER BROOKS a le Blues le sang, il n’en serait être autrement. Guitariste virtuose et très polyvalent, il est également un chanteur hors-pair et nous porte de sa voix chaleureuse et légèrement voilée. Pour son cinquième album, l’Américain mélange émotion et percussion avec ce tranchant propre à Chicago avec un naturel absolu, qui fait perdurer le mythe avec classe. 

RONNIE BAKER BROOKS

« Blues In My DNA »

(Alligator Records)

Affirmer qu’on a le Blues dans son ADN lorsqu’on s’appelle RONNIE BAKER BROOKS est un doux euphémisme. Fils du grand Lonnie Brooks, il a fait ses armes à ses côtés en devenant rapidement son deuxième guitariste après une enfance passée au son des notes bleues. En 1988, il fait même sa première apparition sur l’album « Live From Chicago : Bayou Lightning Strikes » et dix ans plus tard, il fonde son propre label, Watchdog Records, sur lequel il sort trois albums (« Gold Digger », « Take Me Witcha » et « The Torch »).

Après un passage chez Provogue pour « Times Have Changed », il intègre aujourd’hui les légendaires Alligator Records pour un disque qui est finalement un incroyable témoignage de son parcours. Et pour l’accompagner, Will Macfarlane (guitare), Dave Smith (basse), Steve Potts (batterie), Rick Steff (claviers) et Clayton Ivey (orgue Hammond) font rayonner ce superbe « Blues In My DNA », composé entièrement par RONNIE BAKER BROOKS, à l’exception de « All true Man », co-écrit avec ‘Big Head’ Todd Mohr. Du beau monde !

La mise en bouche très funky de « I’m Feeling » annonce une suite très éclectique dans un Contemporary Blues, tout en maîtrise et où chacun y va de son feeling personnel pour donner vie à ce nouvel opus. Sensible sur « My Love Will Make You Do Right » et « Accept My Live », RONNIE BAKER BROOKS fait état de ses nombreuses qualités de guitariste, bien sûr, mais aussi de chanteur. Souvent enrobés de cuivres, certains titres sont d’une profondeur électrisante (« Stuck on Stupid », « My Boo », « Blues In My DNA »). Magnifique !

(Photo : Jim Summaria)

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Heavy Blues Rock

Red Giant : insaisissable

Entre Rock brut, Heavy Blues et même Pop très British, RED GIANT présente un style, qui peut au départ décontenancer, mais qui devient très vite familier et attachant. Grâce à un frontman au caractère bien trempé et à une paire basse/batterie qui en impose, les Anglais montrent toute leur expérience et surtout un sens du songwriting étonnant et irrésistible. « Red Giant » est une réalisation à la production brute et virevoltante avec une assise solide, qui lui permet bien des écarts, toujours bien négociés.

RED GIANT

« Red Giant »

(Radio Silent Records)

Bâti autour de Dave Simpson, auteur-compositeur, guitariste et chanteur, RED GIANT est le nouveau combo du musicien, qui a déjà fait ses preuves et écumé les scènes du Royaume-Uni avec le Dave Simpson Trio et qui a décidé de prendre une direction artistique nouvelle. Sur ce premier opus éponyme, il a donc fait appel à John Joe Gaskin à la batterie, qui martèle avec un groove pour le moins massif ces nouvelles compositions. Première bonne pioche, puisque la seconde est la jeune bassiste Carina Powell, dont l’impact et la technique éclaboussent littéralement les morceaux. Le duo rythmique fait plus que de tenir la maison.   

Cependant, il y a eu un changement majeur dans le line-up actuel du groupe, car si Carina assure ici la basse et les chœurs, elle a quitté le groupe après l’enregistrement de « Red Giant » et a été remplacée pour le moment pour quelques concerts par Keira Kenworthy, une jeune bassiste de talent également, qui officie chez JoanOvArc. RED GIANT est donc d’humeur assez changeante. Et c’est un peu à l’image de cet opus, où s’entrechoquent des titres très Rock, Heavy Blues ou d’autres carrément dans la droite lignée d’une Pop anglaise convenue, sirupeuse et facile (« Why ? », « What It All My Fault ? »).

Mais au regard de l’album, il s’agit de détails, puisque les trois Britanniques livrent aussi et surtout des chansons très bien écrites, pleines d’émotion et avec un état d’esprit sauvage, tout en étant très sensible (« Tell Me », « Free Me », « The Dark Of Me », « You Say, I Say » et le bluesy « What You Gonna Do ? »). Assez introspectif, RED GIANT joue sur la corde raide avec talent et une efficacité redoutable, qui ne l’empêche pas de se montrer aussi très fin dans une interprétation parfois rugueuse. En jouant la carte de l’authenticité, au niveau des textes comme de la musique, « Red Giant » se montre complet et rafraîchissant.   

Dave Simpson (guitare, chant), John Joe Gaskin (batterie) et Carina Powell (basse, chœurs), qui a malheureusement quitté le trio, mais dont la prestation est exceptionnelle.