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Trank : transcender les genres [Interview]

Sorti en indépendant, le premier album de TRANK, « The Ropes », avait fortement impressionné tant par la qualité et la maturité des morceaux et que par le travail exceptionnel effectué sur le son et la production. Un peu plus d’un an plus tard, le quatuor est de retour avec une édition Deluxe de son opus et un second disque entièrement composé de remixes de leurs compositions originales. Pour autant, TRANK ne renie pas son style, mais aurait plutôt tendance à étendre sa palette artistique. Johann Evanno (batterie) revient sur « The Ropes », ainsi que sur la démarche qui a les a conduit à remodeler certaines de leurs chansons.

– Avant de parler de cette édition Deluxe de « The Ropes », j’aimerais que l’on revienne sur la sortie de l’album l’an dernier. Il a reçu un très bon accueil, ce qui n’est pas étonnant vu sa qualité. Vous aviez mis tous les atouts de votre côté. Ca n’a pas du être facile à accepter de ne pas avoir pu le défendre sur scène…  

Ah non ! Et ça ne l’est toujours pas ! (Rires) On attend qu’une chose, c’est de pouvoir jouer nos chansons sur scène, car on les a toujours imaginé comme ça, et idéalement sur de grosses scènes pour permettre de leur donner l’ampleur nécessaire. On est très frustré car, en concert, il se passe toujours quelque chose qui est unique : le contact avec le public, sa réaction… On attend avec impatience que ça puisse redémarrer pour retrouver ses sensations.

– Avant la sortie de « The Ropes », vous aviez partagé la scène avec de grands noms, puis fait appel à Brian Robbins (Bring me The Horizon, Asking Alexandria) pour le mix de l’album et à Andy Van Dette (Porcupine Tree, Bowie) pour le master. C’est assez rare de mettre autant de volonté, de moyens et même de patience pour un premier opus. Vous ne l’imaginiez pas autrement ?

Comme nous sommes un peu des psychopathes du ‘jusquauboutisme’, nous nous sommes dit que nous allions passer beaucoup de temps sur la composition des morceaux, et il fallait donc que derrière au niveau du son, ça suive et que ça prenne la dimension qu’on avait imaginé. On ne voulait surtout pas bâcler cette partie-là. Sur le mix, on cherchait à avoir un équilibre entre la puissance et la texture, tout en ayant un son moderne et qui ne fasse pas caricatural. Et Brian avait très bien fait ça sur certains albums. On voulait un mix agressif et équilibré par un mastering qui arrondissait un peu les angles. Andy sait parfaitement masteriser des albums qui sonnent très produits, mais également riches, en gardant aussi l’intensité des morceaux, ce qui est très important.

– Avec l’album, vous proposiez un Metal Alternatif solide et accrocheur et avec même des aspects Cold et post-Rock, ce qui est assez inédit en France et même en Europe. Vous aviez conscience qu’un certain décalage était possible ?

On n’a jamais résonné comme ça. En fait, on joue la musique qu’on aurait envie d’entendre. On a tous des goûts musicaux assez variés, ce qui peut donner, en effet, des choses pas forcément indentifiables dans un seul style. C’est aussi une grande force, je pense. Mais à l’époque où tout le monde veut mettre des étiquettes sur tout, c’est toujours un peu compliqué de répondre. Mais que ce soit un Metal très agressif ou de la Pop Electro, on y mettra toujours le même niveau de travail et de passion. 

– « The Ropes – Monolith Version » vient de sortir et sur le double-album, on retrouve les 12 titres originaux, ainsi que 11 remixes. Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a poussé à sortir cette nouvelle édition ?

Après la sortie de l’album l’an dernier, nous avons été contactés par deux producteurs Electro avec lesquels nous avions des connaissances communes. Ils nous ont proposé de faire des remixes de certaines chansons qu’ils aimaient. On a donné notre accord et le résultat a été très bon. On s’est ensuite dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire là-dessus. Michel (André Jouveaux, chant – NDR) s’y ait aussi mis de son côté, ainsi que d’autres producteurs. A ce moment-là, on s’est dit que ça vaudrait le coup de sortir une version alternative de certains morceaux. C’est aussi un test ultime pour savoir si la mélodie est suffisamment bonne pour être jouée dans différents styles avec la même efficacité. Ca nous a permis de donner une couleur différente et de voir si ça marchait toujours.

– On retrouve TRANK dans des registres très différents des premières versions. Est-ce c’est vous qui avez décidé des atmosphères et des styles présentés ? Et avez-vous eu un regard permanent sur les remixes, ou avez-vous laissé carte blanche pour la réinterprétation des morceaux ?

En fait, on a envoyé les morceaux avec toutes les pistes sans donner de direction particulière à chacun. Et à chaque fois, à une exception près, la première version était très bonne. Dans un seul cas, on dit à l’un d’entre-eux qu’il pouvait s’éloigner encore plus de l’originale, et aller encore plus loin dans sa logique. On a fait confiance à tout le monde, tout en gardant en tête qu’il fallait que ça fonctionne toujours.  

– Vous avez donc fait appel à David Weber (ingé-son des Youngs Gods), Mokroïé et Aura Shred (deux artistes Electro français), Greco Rossetti (ingé-son de Nitzer Ebb) et vous y avez aussi contribué. Comment s’est effectué ce choix ? Est-ce par connaissance de ces artistes ou parce qu’ils ont immédiatement compris votre univers ?

David, on le connait bien, car c’est dans son studio qu’on a enregistré notre premier EP il y a quatre ans et certaines parties basse/batterie de l’album. Pour lui, c’était facile car ils nous avaient vus enregistrer et il a tout de suite eu envie de faire quelque chose. Pour Mokroïé et Aura Shred, c’est grâce à des amis communs qui nous ont mis en relation. Quant à Greco, c’est grâce à Michel qui a des contacts dans l’Electro underground. On a vraiment été ravi de toutes ces contributions. Et du coup, on a donc été très attentif à nos versions ! (Rires) Au final, c’est un très bon exercice.

– D’ailleurs, sur le disque de remixes, on observe qu’il y a deux versions de « In Troubles Times », « Take The Money And Run » et de « Bend Or Break ». Pourquoi avez-vous jugé important de présenter au final trois approches différentes de ces morceaux ?

En fait, ce sont des remixes qui nous été proposés par des personnes extérieures. De notre côté, on s’est aussi dit qu’il y aurait peut-être d’autres versions à faire. Et en marge, nous avons aussi eu pas mal de retours de fans de gaming, qui nous ont dit qu’ils adoraient écouter notre musique quand ils jouaient. On s’est dit que ça pourrait être bien de faire un remixe dans l’esprit d’une bande-son de jeu vidéo. On a vraiment été guidé par l’inspiration, et pas par calcul.

– Sans revenir sur l’idée-même de proposer des remixes, vous n’avez pas été tentés de présenter des morceaux inédits, dans la lignée de ceux présents sur l’album original ?

Non, parce que nous avons enregistré un live en studio il y a quelques mois. On devrait d’ailleurs le sortir en vidéo début 2022. Et il contient des morceaux inédits. On a voulu faire les choses dans l’ordre en sortant un album, puis un autre de remixes et ensuite on sortira d’autres nouveautés.  

– D’ailleurs, en présentant un disque de remixes très différents de votre style, n’avez-vous pas peur de dérouter un peu vos fans ?

Le feedback global qu’on a reçu de nos fans était qu’il y avait beaucoup de richesse dans nos titres. Des gens d’univers très différents s’y sont intéressés : des métalleux comme des fans de Depeche Mode, de post-Punk, de New Wave ou d’Indus. Et tous ces gens ont une culture musicale suffisamment variée pour être assez ouverts pour découvrir autre chose. C’était plutôt dans ce contexte-là au départ. Après, on a aussi voulu apporter de la diversité.

– Enfin, sur scène, de quoi seront faits les sets de TRANK ? Y inclurez-vous aussi des versions remixées de cette nouvelle édition ?

C’est une très bonne question ! Je ne pense pas qu’on jouera les versions remixées telles qu’elles, parce qu’on aime jouer la majeur partie des choses sur scène. On est de la vieille école ! En revanche, je pense que les remixes vont donner lieu à de nouveaux arrangements sur certains morceaux. Ce sera plutôt dans ce contexte-là que cet exercice nous aura été bénéfique.

La nouvelle version de l’album « The Ropes » de TRANK, « Monolith Edition », est disponible chez M&O Music.

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France Rock

Arion Rufus : scander la voie [Interview]

Ca ne se fait plus beaucoup dans le petit monde du Rock français, mais il reste des groupes qui font de leurs textes une priorité. C’est le cas avec ARION RUFUS (vous chercherez vous-mêmes la signification !), qui nous offre un premier album, « Dehors, c’était la nuit » (M&O Music) et qui ne manque ni d’audace, ni de pertinence et surtout pas de vérité ! Entretien avec Erwan Bargain, clameur du combo, et son bassiste (plus discret, mais super efficace) Florent Jacques.

– ARION RUFUS est né du split de votre ancien groupe e.Sens. Et vous avez décidé de poursuivre l’aventure dans un style différent, tout en conservant tout de même plusieurs aspects. Pourquoi avoir changé de registre ? Vous vous sentiez un peu à l’étroit et aspiriez à un univers plus Rock ?

Erwan : Je ne pense pas que nous nous sentions à l’étroit avec e.Sens, bien au contraire. Nous avons enregistré un troisième album, un double, enregistrement qui s’est étalé sur un an et demi. Nous n’étions plus que quatre dans le groupe et, à force de travailler sur ce disque, une certaine lassitude s’est sans doute installée et deux membres du groupe, ont alors souhaité faire une pause. L’album était prêt, mixé, masterisé, mais il nous manquait les moyens financiers de la presser et de le sortir. Je pense que ne pas avoir réussi à sortir ce disque, couplé aux envies personnelles de chacun a eu raison d’e.Sens. Avec Florent (Jacques, bassiste – NDR), , on a souhaité rapidement rebondir et avons décidé de créer un nouveau groupe. Le troisième album d’e.Sens, qui devait s’intituler « Apocope », prenait déjà une direction rock avec des longs morceaux un peu psyché, des intro de trois minutes, des passages blues un peu gras, des sons de guitare un peu traf…En gros, ce tournant rock avait déjà été amorcé. Il se peut aussi que la frustration, la déception, et peut-être une forme de colère de voir l’aventure e.Sens se terminer ainsi a influencé les compositions et les premiers textes d’ARION RUFUS. Nous jouons un rock plus frontal, plus ramassé, comme si nous étions revenus aux fondamentaux et que l’on renouait avec notre adolescence (à quarante-cinq berges passées ça la fout un peu mal, mais bon !).   

– Le groupe existe depuis quelques temps déjà, et pourtant dernièrement vous avez décidé de mettre un coup de boost avec l’enregistrement de « Dehors, c’était la nuit », votre premier album. Et dans la foulée, vous signez avec M&O Music. Finalement, il suffisait de s’y mettre ! Comment tout cela s’est-il passé ?

Erwan : Oui, le groupe existe depuis trois ans, il me semble. Nous avons pris notre temps, c’était nécessaire. Car si je connaissais Florent et que nous jouions ensemble depuis déjà quelques années, ce n’était pas le cas de Jérôme (batterie) et Jean-Marc (guitare) Le Pape, avec qui nous n’avions jamais joué. Jean-Marc était plutôt habitué à faire des reprises Rock et n’avait quasiment jamais composé, si je ne me trompe pas, quant à Jérôme, il avait joué durant quelques années dans un bagad. Je pense qu’il a fallu que nous nous trouvions… Après, nous avons enregistré l’album, il y a plus d’un an déjà, il était mixé et masterisé, mais avec tout ce qui s’est passé sur le plan mondial, je pense qu’il était plus sage d’attendre pour le sortir. D’où ce long laps de temps.

– ARION RUFUS évolue dans un registre globalement Rock sur des textes très écrits, poétiques et même politiques. Hormis ces quelques composantes, le groupe présente un style atypique où viennent se greffer beaucoup d’éléments musicaux très variés. Comment vous décrire le mieux possible finalement ?

Erwan : C’est difficile à dire. C’était une façon de nous mettre nous-mêmes dans une case, mais nous avions choisie et de créer finalement notre propre style. Il y a tellement de styles, de sous-styles, de sous-genres, dans chaque secteur de la musique que ça en devient parfois absurde. Alors pourquoi ne pas, nous aussi, créer notre propre style et être les premiers sur ce créneau… Plus sérieusement, le terme de ‘Garage Rock Poetry’ est là pour mettre en avant le côté Rock joué dans un petit local au Faou, dans le Finistère, et le côté poétique des textes déclamés en Français. Un peu comme Linton Kwesi Johnson avec son Dub Poetry.  A la base, je ne suis ni chanteur, ni musicien, mais auteur. J’ai sorti plusieurs recueils de poésie et j’attache donc une grande importance aux mots. Avec e.Sens, nous faisions un mélange de Jazz Rock et de Spoken Word. Nous avons juste durci un peu les composantes musicales, plus carrées, plus Rock et moins free qu’avec e.Sens et poursuivi dans la voie du Spoken word, même si sur certains morceaux, la voix est parlée et chantée.

– Et puis, il y a également un aspect qui prédomine, c’est ce côté un peu Punk et très Garage, plutôt dans l’esprit, l’attitude et le climat des morceaux d’ailleurs. ARION RUFUS rappelle même parfois le Rock Alternatif français des années 80 dans une version plus élaborée. C’est aussi votre sentiment, et peut-être même aussi un peu votre démarche ?

Florent : Nous avons fait notre éducation musicale dans les années 90. A cette époque tout fusionnait : le Hip-Hop, le Metal, le Reggae, le Dub, le Punk… Nous sommes un pur produit de ces années-là.

Erwan : Et, tous ces styles nous ont consciemment ou inconsciemment influencé. Ado, j’écoutais (et écoute toujours) les Pixies, The Clash, Police, Nirvana, Pearl Jam, Rancid, NOFX, Bad Religion, Tool, RATM, Noir Désir, Black Maria, et même Dick Dale, etc… Et à cela s’ajoute, pour ma part, toute la scène alternative française, avec Bérurier Noir, Les Wampas, Les Cadavres, Ludwig von 88, les Garçons Bouchers, etc… J’ai toujours aimé le Rock français. Quand j’étais ado, j’écoutais plus particulièrement la scène alternative, il y avait quelque chose d’assez jouissif, car je comprenais les paroles immédiatement et j’avais donc un rapport direct avec ces textes énervés, révoltés et agités. Alors qu’en écoutant des groupes américains ou anglais, je devais en général traduire les textes pour les comprendre et en saisir la subtilité.

– Faire coexister le Reggae Dub, le Stoner, des notes bluesy et même la Surf Music dans un ensemble très Rock peut paraître improbable, et pourtant ARION RUFUS y parvient le plus naturellement du monde. La fusion des genres semble presqu’instinctive chez vous, non ?

Erwan : Oui, il y a sans aucun doute un côté instinctif dans notre musique. Je pense qu’il est difficile de définir ce qui se passe lors de la création d’un morceau. Parfois, ça nous échappe. Chacun y met du sien, de sa personnalité, dans sa manière de jouer, d’appréhender le titre… Il y a quelque chose de magique dans la musique. On ne part de rien, ou alors d’un riff de guitare, d’une ligne de basse, de deux ou trois vers posés sur le papier et, au fur et à mesure, les pièces du puzzle s’assemblent, suivant la sensibilité de chacun. Il faut que tout le monde trouve sa place et puisse d’une manière ou d’une autre affirmer sa personnalité tout en pensant au collectif. Car la musique, en général et à mon sens, est un sport collectif

– On observe aussi que la rythmique basse/batterie a beaucoup d’importance, car elle guide les morceaux, qui sont d’ailleurs très évolutifs. Et ARION RUFUS présente des titres très épurés également. C’est votre manière d’aller à l’essentiel ?

Florent : Nous sommes un trio de musiciens, chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. La basse ne peut se contenter d’appuyer la rythmique, elle doit avoir aussi un rôle à jouer dans les mélodies. Personnellement, j’ai un faible pour les airs qui traînent dans la tête.

Erwan : Un groupe est un collectif où chacun doit être en mesure de s’épanouir. Même si, je ne te cache pas que, dans les morceaux qui sont sur l’album, chaque membre du groupe a une « bête noire », qu’il redoute de faire en live. Car le travail en studio et sur scène n’est évidemment pas le même. Mais je dirai qu’aller à l’essentiel, vu la configuration que nous avons, est en effet une idée que nous suivons. Si on fait du Rock et qu’on le revendique, je ne vois pas vraiment d’autre solution. Même si, à l’avenir, on ne s’interdit rien. Peut-être que nous aurons envie d’explorer d’autres voies, sans pour autant perdre notre identité.

– ARION RUFUS a aussi la particularité, et c’est même une exception dans le genre, de présenter un ‘Spoken Word’ pour le moins acéré. Sans être non plus dans le Rap, on pense plutôt au Slam. C’est une volonté de se distinguer ou une manière plus évidente de faire passer un message et donc de mieux faire ressortir les textes ?

Erwan : Alors, autant l’avouer tout de suite, je ne suis pas chanteur et n’ai jamais eu cette prétention. Le ‘Spoken Word’ est, probablement, une solution de facilité en ce qui me concerne même si sur certains morceaux, je suis amené à chanter un peu. Mais ce que j’aime, ce sont les intentions que l’on peut mettre dans le texte. En le déclamant ainsi, comme par exemple sur le titre « Nos Discussions », je peux mettre une intensité dans la voix, je peux vivre le texte, jouer avec, comme je pourrai le faire avec un texte de théâtre ou un monologue cinématographique. Le ‘Spoken Word’ a finalement un côté assez théâtral… Et comme j’ai la prétention d’écrire des textes à dimension poétique, je pense que cette manière de l’offrir au public est la meilleure. Mais, je peux me tromper. En tout cas, ce côté ‘Spoken Word’ fait aussi partie intégrante de notre singularité et nous le revendiquons.

– Justement, restons sur les textes qui oscillent entre poésie et politique et se faisant parfois même très intimes. Finalement, peu importe le thème abordé, il y a toujours cette volonté d’engagement quelque part chez vous…

Erwan : Oui. Après, c’est vrai que cet engagement passe par les textes, mes mots engagent aussi les musiciens. C’est bizarre, comme question, car que ce soit Florent, Jérôme ou Jean-Marc, ils ne m’en parlent que très rarement comme s’ils me laissaient carte blanche sur l’écriture. Mais cet engagement, même quand il concerne l’intime, est viscéralement lié à mon écriture depuis la naissance de mon premier enfant, en 2006 puis du second en 2009. Voir ce qui se passe dans ce monde qu’on va laisser aux futures générations, est révoltant et me met en colère. Ne pas évoquer cela dans mes textes, reviendrait en quelques sortes à nier la réalité qui est la nôtre à l’heure actuelle. Si j’écris en Français, avec les influences Rock que j’ai, écrire pour ne rien dire et seulement chercher le beau refrain qui fera plaisir au plus grand nombre, n’a aucun sens. ARION RUFUS n’est pas un groupe mainstream. Nous sommes dans une niche, comme ils disent. Pour mon fils, qui a bientôt seize ans, autant te dire que notre musique n’est pas sa tasse de thé. Nous passons sur des radios associatives, indépendantes, des radios universitaires avec lesquels, finalement, nous partageons les mêmes valeurs. Des valeurs humanistes, où l’humain et son avenir sur cette terre sont le cœur. Et donc évidemment, bien loin de la pensée ultra-libéraliste qu’on nous impose actuellement et qui creuse, chaque jour, les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. Comme diraient certains candidats, en campagne, on se coupe d’un certain électorat. Mais c’est ainsi, on ne peut pas plaire à tout le monde, et c’est tant mieux, on l’assume.

Florent : Pour moi la qualité des textes d’Erwan provient justement de cet alliage entre poésie et engagement. Cette manière de saisir les choses qui nous entourent et le courage de les traiter par le biais de la poésie. L’intimité n’est qu’une cape d’invisibilité qui a pour but de maintenir la bienséance, de faire taire les douleurs, les inquiétudes, les révoltes aussi. Car nous sommes ainsi faits : aux maux, nous préférons le silence. Les mots les font exister. Seule la poésie a le pouvoir d’énoncer avec tact, beauté, la plus vile des situations et ainsi de dépasser le dégoût pour passer à la réflexion. 

– D’ailleurs, on peut retrouver les textes des chansons dans le livret de l’album, ce qui est devenu assez rare (comme les CD d’ailleurs !), à part peut-être chez les groupes de Metal extrêmes et pour cause. C’est un réflexe de l’écrivain que tu es aussi ?

Erwan : J’ai toujours aimé avoir les textes des chansons avec l’album, que ce soit en cassette ou en CD et ce depuis que j’écoute de la musique. Je ne sais pas pourquoi, sans doute mon côté ‘Old School’. Mais il est vrai que nous tenions à avoir les textes car quand on chante en Français, je pense que c’est important. Il s’agit là aussi probablement de l’ego de l’auteur, je ne le cache pas, en me disant que mes textes peuvent aussi être lus via ce cd, d’autant qu’il y a pas mal de jeux de mots qui ne passent pas à l’oral.

– Enfin, comment est-ce que cela se passe au niveau de la composition des morceaux ? Les ambiances viennent du texte, ou au contraire les thèmes des chansons découlent de l’atmosphère musicale ? Car les deux sont d’égale importance chez ARION RUFUS…

Florent : La plupart du temps, c’est un thème musical qui est le point de départ d’un morceau. Erwan étant très productif, il nous propose ce qui lui semble adéquat afin d’appuyer l’ambiance générale du morceau. Nous en discutons et nous élaborons le titre.

Erwan : Florent est sympa, car ils sont beaucoup plus productifs que moi notamment ces derniers mois. Disons que je m’inspire de ce qu’ils proposent dans 90% des cas, que je m’imprègne de l’ambiance musicale et je vois ce que cela m’inspire. Mais il arrive parfois comme pour « Dehors, C’est la nuit », que le texte arrive avant. Mais Florent a raison, le thème musical vient en général avant et je m’en imprègne pour écrire un texte selon ma sensibilité et parfois mon humeur du moment.

L’album d’ARION RUFUS, « Dehors, c’était la nuit », est disponible depuis le 3 décembre chez M&O Music.

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France Heavy metal

Titan : par la grande porte [Interview]

Un petit tour et puis s’en va. C’est à peu près le résumé de la carrière de TITAN, groupe finalement assez éphémère du milieu des années 80. Plus de 30 ans après, le combo de Heavy Metal basque remet le couvert, revigoré par l’enthousiasme de ses fans, dont la patience semble sans limite. « Palingenesia », le nouvel album du quintet, marque un retour fracassant et vient démontrer que la scène hexagonale a vécu de belles heures et s’apprête plus que jamais à en vivre d’autres largement aussi intenses. Patrice le Calvez, chanteur de TITAN, revient sur la brève épopée du groupe et surtout sur une envie décuplée de revenir sur le devant de la scène.

– Commençons par un peu d’histoire pour la jeune génération. TITAN a sorti un album éponyme en 1986, puis le Live « Popeye Le Road » deux ans plus tard. Ensuite, c’est le split avant un retour sur scène en 2017. Comment expliquez-vous que vous ayez autant marqué les esprits en seulement deux albums ?

On ne se l’explique pas trop en fait. A l’époque, on ne s’était pas rendu compte de l’impact que ça avait pu avoir auprès du public Metal français. On a vraiment pas pris la mesure quand on est revenu, même si avant il y avait quand même pas mal de demandes. Il y a eu une réédition en 2015, qui nous a fait prendre conscience qu’on était toujours dans l’esprit des gens et qu’on avait marqué les fans. Ensuite, l’apothéose a été quand on a fait la date au ‘Pyrenean Warriors Festival’ où on a reçu une dose d’amour et d’émotion vraiment fabuleuse ! 30 ans et les gens ne t’ont pas oublié et n’ont qu’une envie, c’est de partager des trucs avec toi.  

– Après l’album live, c’est la séparation pendant de longues années. Que s’est-il vraiment passé et à quoi chacun a-t-il vaqué ensuite ?

On a tous continué dans la musique, mais dans des groupes différents. On continuait à se voir de temps en temps. En 2015, nous nous sommes retrouvés sur un projet commun, qui était un ‘Tribute’ à Accept. Il y a eu deux concerts et au premier, quelqu’un est venu nous voir en nous disant qu’il aimerait avoir TITAN à l’affiche du festival ‘Pyrenean Warriors‘. On ne pensait pas du tout remonter le groupe, mais on s’est pris au jeu. On leur a dit qu’on ferait un concert pour voir comment ça se passe et comment on se sent 30 ans plus tard. Et la réaction du public a eu son importance. Ca a été tellement énorme que ça nous a reboosté et nous sommes repartis comme en 40 ! (Rires)  

– Est-ce qu’ensuite, il vous a paru immédiatement évident de remettre TITAN sur les rails, compte tenu de l’accueil enthousiaste du public ? D’autant qu’à écouter ce nouvel album, vous avez encore des choses à dire…

Ah oui, tout à fait ! Tout ça s’est fait presque naturellement, sans calcul, ni prévision. On a toujours été guidé par le plaisir. Au fil des concerts, on s’est rendu compte qu’on avait toujours le même accueil, puis on s’est remis tout doucement à composer quelques morceaux. Ca tenait vraiment la route, alors on s’est dit que faire un album serait une bonne idée. C’est tout simplement ce qu’il s’est passé ! (Rires)

– Quand avez-vous commencé l’écriture de « Palingenesia », et comment vous y êtes-vous pris ? Chacun a retrouvé son rôle ? Les habitudes sont vite revenues ?

Oui, vraiment. On part toujours d’un riff de guitare ou d’une ligne de basse, puis on structure le morceau et on y pose une mélodie. On fonctionne toujours de la même façon. Nous avons commencé fin 2018/début 2019 avec un premier morceau, et tout s’est enchainé très naturellement. Tout est très vite revenu. C’est comme le vélo ! (Rires)

– Parlons justement de ce nouvel album. Il est très actuel, tant dans les textes que dans le son. Et votre Heavy Metal, s’il reste classique, sonne très moderne. La production est également massive. Dans quelles conditions et comment avez-vous travaillé ?

On a travaillé en local. La technologie actuelle nous permet aussi beaucoup de souplesse, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Toute la production artistique, que ce soit le son, le mix et le mastering, on voulait absolument le prendre en charge pour que ça sonne exactement comme on le voulait. C’est une co-production avec Crazy Grumpy, qui s’occupe de la fabrication des supports, de la distribution et de la communication. Et nous sommes très satisfaits du résultat et du son obtenu.    

– Vous restez toujours aussi engagés à travers vos textes, qui traitent de la société et de ses dérives comme la détresse des migrants ou les extrémistes en tout genre. La situation ne semble donc pas s’être améliorée depuis 1986 et vous restez fidèles à vous-mêmes en restant très revendicatifs. On ne vous imagine d’ailleurs pas chanter autre chose. En vous reformant et en composant l’album, vous n’avez pas été tentés d’aborder d’autres sujets, peut-être plus légers ?

Non, parce que c’est vraiment notre ADN. On a toujours fonctionné comme ça. C’est un reflet de la société qui nous entoure. Lorsqu’on écrivait les morceaux, on s’est rendu aussi compte qu’il y avait tellement de choses à dire. On aurait pu en traiter plein d’autres d’ailleurs. Ce sont des sujets qui nous tiennent à cœur et dont on a envie de parler. Nous avons aussi une façon de dire les choses assez crue avec des messages clairs. C’est vraiment ça TITAN !

– Ceux qui ne vous connaitriez pas pourraient dire que vous êtes dans la lignée de Trust, ce qui n’est pas totalement faux (« Les Fous De Dieu »). Je dirai plutôt que vous avez une démarche commune et que vous êtes aussi de cette génération qui est très engagée, contrairement à celle d’aujourd’hui. Tu partages aussi ce point de vue ?

Oui, on est un peu dans la lignée du Trust de l’époque, des premiers albums. Aujourd’hui, je les trouve beaucoup moins engagés et un peu plus polissés. Nous sommes restés bruts de décrochage et on continue, parce que c’est comme ça que nous sommes bien ! On n’a pas envie de changer ! (Rires) Aujourd’hui, on est presqu’à contre-courant en dehors de quelques groupes. Je pense que c’est un état d’esprit. Il y a aussi une absence de conscience politique depuis deux générations. Ce n’est peut-être pas complètement de leur faute, car tout est tellement politiquement correct, on fait passer les infos qu’on veut bien. Alors qu’on a aujourd’hui tous les moyens pour chercher l’info, la vraie, mais les gens ne font plus l’effort. C’est dommage de ne pas être un peu plus curieux et de ne pas aller plus loin de ce qu’on leur donne en pâture.

– Sur « Palingenesia » figure aussi le morceau « Résurrection », qui est même assez émouvant. Vous vous adressez directement à vos fans en confirmant vos intentions et votre engagement. Comment est né ce titre et laisse-t-il présager que TITAN est de retour pour de bon ?

Oui, normalement, on est de retour pour de bon ! (Rires) On n’a pas l’intention de s’arrêter là. Pour nous, ce titre était assez évident. Il y a eu tellement d’émotion, ça a été très fort lorsqu’on a fait ce retour en concert en 2017 que cela nous a paru naturel que sur l’album figure un morceau comme celui-ci. « Résurrection » raconte la journée que nous avons vécu ce jour-là et aussi la raison de notre présence sur scène. S’il n’y a pas de groupe, il n’y a pas de fans. Et s’il n’y a pas de fans, il n’y a pas de groupe. Si nous sommes toujours là pour défendre nos morceaux et nos idées, c’est que nous sommes suivis et c’était évident de leur hommage. C’est un échange.

– Et qu’avec ce très bon nouvel album, vous n’avez pas le regret de ne pas avoir continué votre route à la fin des années 80 ?

Non, je ne crois pas. Personnellement, j’étais le premier à partir du groupe. A cause de mon activité professionnelle, les week-ends étaient toujours chargés, car on jouait partout en France. C’était devenu très compliqué. Et quand tu n’as plus la foi et la pêche pour aller partager ça avec le public, je pense qu’il faut savoir s’arrêter. Aujourd’hui, on est très content d’avoir retrouvé cette envie et on veut que ça continue le plus longtemps possible ! 

– Enfin, quel regard portes-tu sur l’actuelle génération du Metal français, et que penses-tu du retour, comme le vôtre, d’ADX, de Sortilège et de quelques autres ?

Je trouve génial que des groupes de cette époque, comme nous, puissent revenir, se produire à nouveau et avoir le soutien des fans. Et ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’il y a des jeunes groupes qui arrivent, je pense à Tentation et Existance notamment, parce que nous ne sommes pas non plus éternels. C’est important que de nouveaux groupes portent aussi le flambeau et il faut que ça continue ! (Rires)

L’album de TITAN, « Palingenesia », est disponible depuis le 26 novembre 2021 via Grumpy Mood Records.

Album et merchandising : https://www.crazygrumpystore.com/

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AOR France Melodic Rock

Heart Line : catalyseur d’émotions [Interview]

Il fut un temps où on appelait encore ce style de musique du Hard FM ou du Rock californien, au choix. Pour des raisons certainement liées à un quelconque brainstorming d’experts en marketing qui a mal tourné, ce Hard Rock où les mélodies (et aussi un peu les claviers) ont la part belle se nomme dorénavant AOR car, dit-on, les chansons y sont plus formatées pour les radios entre autre. Très ancré dans son époque, le registre est loin d’avoir disparu et HEART LINE vient le démontrer de très belle manière avec « Back In The Game », un premier album bluffant de fraîcheur, d’enthousiasme et d’énergie. Yvan Guillevic, guitariste, compositeur et instigateur du projet, nous en dit un peu plus sur le groupe et sa démarche.

Photo : Cédric Andreolli

– Tout d’abord, j’aimerais que tu nous parles de la création de HEART LINE et de l’idée de ce premier album. Le groupe est arrivé un peu de nulle part. A moins que le secret ait été volontairement bien gardé…

En fait, c’est vraiment un projet qui est né très spontanément, presque par hasard. Nous étions en période de pré-confinement, le second, et j’avais de toute façon décidé de ne pas me faire avoir une deuxième fois et de bosser sur un projet. J’ai commencé à composer un titre (« In The City ») et ça sonnait dans cet esprit 80’s, entre Foreigner et Journey.

J‘ai tout de suite senti qu’il y avait un truc à faire avec, mais pour ce type de morceau il te faut un super chanteur, sinon ça ne marche pas. J’ai proposé à Emmanuel de poser une ligne de chant dessus et ça a matché. On a tout de suite décidé de partir sur un projet commun qui garderait cette ligne directrice musicale. On a composé l’album en trois semaines (Manu s’occupant de toutes ses lignes de chant et moi du reste). Il a ensuite fallu trouver l’équipe complète, ça a été fait très vite là encore, et voilà HEART LINE était né. Donc non, pas de secret, juste un groupe qui s’est monté incroyablement vite.

– Est-ce que tu pourrais nous faire une petite présentation des musiciens qui t’accompagnent et que l’on sent d’ailleurs très à l’aise dans ce registre ?

On retrouve donc Emmanuel Creis au chant. On s’est rencontré au Vauban à Brest en 2012. Il y avait une soirée PYG (mon groupe)/Shadyon (le sien). On a tout de suite sympathisé. On s’en ensuite retrouvé quelques temps plus tard au Hellfest, et encore plus tard à un concert de Toto sur Nantes en 2016. Et à ce concert, je lui ai dit que je l’appellerai un jour pour faire un truc. J’ai tenu parole ! C’est un chanteur incroyable, tout est facile pour lui.

Jorris Guilbaud aux claviers, même rencontre au Vauban puisqu’il est le claviériste de Shadyon. On a aussi sympathisé tout de suite, je l’ai d’ailleurs rappelé pas longtemps après pour faire un guest sur le deuxième album de PYG. En 2014, on a même monté un groupe ensemble, orienté Soul/Blues (arrêté depuis). Bref, je tenais absolument à l’avoir avec nous, car c’est un musicien particulièrement talentueux.

Dominique Braud, le bassiste, était un choix évident pour moi. On joue ensemble dans YGAS  et c’est juste un tueur ! Il a dit oui avant même d’entendre une note de HEART LINE. Ça met en confiance pour la suite.

Walter Français à la batterie, super batteur, je ne le connaissais pas. C’est Manu qui me l’a proposé, et il est le nouveau batteur de Shadyon. Il m’a envoyé un extrait vidéo de leur live au Motocultor. Walter y est impérial. Pour moi, c’était bon et pour lui aussi. Et c’est un gros fan d’AOR en plus.

– Vous venez juste de sortir « Back In The Game », un très bon album dans un style AOR et Melodic Rock assez peu représenté en France d’ailleurs. Comment avez-vous procédé pour l’enregistrement et la production, car on sort d’une période compliquée et il sonne franchement bien ?

Entre les confinement et les couvre-feux, il a fallu faire comme on pouvait. Par chance, j’ai un studio chez moi et chaque membre du groupe avait la possibilité de s’enregistrer correctement et était capable de proposer des arrangements pour améliorer ses parties. Ils sont hyper talentueux, ça aide. J’ai donc tout centralisé chez moi. Pour le chant, on a réussi à aller en studio Manu et moi, pas très loin de chez lui. Ensuite ça a été le mixage, et voilà l’album était prêt au printemps.

Photo : Cédric Andreolli

– Comme je le disais, on compte peu de groupes de ce style en France, alors qu’ailleurs on note un beau revival. Qu’est-ce qui t’a motivé à composer cet album, car on ne sent pas une once de nostalgie sur « Back In The Game » ?

C’est tout simplement la musique que j’écoutais et que je jouais quand j’étais ado. J’ai vraiment commencé à me passionner pour la musique en 1980, avec AC/DC, Trust, Iron Maiden, etc… Pendant toute la décennie et même après j’ai écouté ça et appris la guitare sur tous ces groupes. De Dokken, Winger, Whitesnake, Malmsteen en passant par Bad English, Giant, Ratt, Dio… Et j’avais envie de retrouver cette énergie presque primaire. C’est ma musique de cœur en fait, celle qui a fait que je suis devenu musicien. Après j’ai vagabondé dans plein de styles différents, mais je suis content de revenir à mes premiers émois.

– Dès le premier album, vous signez chez Pride & Joy Music, un label très reconnu dans le domaine. Comment s’est réalisée cette signature, car elle vient confirmer un départ idéal ?

Très simplement. J’ai envoyé l’album à une douzaine de labels à travers le monde, je savais qu’il fallait tenter l’étranger et ne pas attendre grand chose de la France, car ce style est peu répandu par ici. J’ai reçu trois réponses intéressées, dont celle de Pride & Joy Music qui avait craqué sur l’album et nous proposait directement un contrat. Tout ça au bout de six jours, c’était dingue en fait. On n’a pas hésité longtemps, car on avait ce label dans le viseur dès le début. Et je crois qu’on a bien fait quand on voit le travail effectué à travers le monde. L’accueil de la presse est génial, que ce soit en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Suède et dans tellement de pays et maintenant en France, c’est fou l’impact qu’a ce label.

– Sans parler des influences qui sont toujours un peu les mêmes dans un registre aussi particulier, quelle a été ta démarche ? Perpétuer une certaine tradition musicale et sonore, ou au contraire apporter de la fraîcheur et un peu de nouveauté à ce style très ancré dans les années 80 et 90 ?

Je me suis dit : « Imagine que tu composes la BO d’un film des 80’s », et après je n’ai pas vraiment beaucoup réfléchi à tout ça. J’ai fait la musique que j’aimais, en toute sincérité. Si tu commences à te poser trop de questions, tu vas vraisemblablement te vautrer. Il fallait juste que le projet soit correctement orienté, ne pas non plus tomber dans un excès d’influences, rester focus sur ce type de musique sans chercher non plus à révolutionner le genre, mais évidemment aussi à ne pas tomber dans le plagiat. Au final, les titres sortaient facilement. Ça nous plaisait, c’était suffisant pour nous. Après que les gens accrochent où pas, ce n’est plus de notre ressort.

– Ce qui est frappant sur « Back In The Game », c’est la précision et la qualité de jeu de chacun d’entre vous. Et malgré la grande technicité du groupe, personne ne tombe dans la démonstration. Au contraire, on sent une belle unité au sein de HEART LINE. Au départ, c’est ton projet et pourtant il y a une réelle osmose…

Merci ! Mon projet, c’est de faire des chansons, le reste m’importe assez peu. Pas besoin d’étaler sa technique toutes les 10 secondes, ce n’est pas important, il faut juste s’en servir pour faire de bons titres. C’est un style demandeur d’une certaine technique de jeu, il faut des solos, des voix qui envoient, des descentes de claviers rapides, mais pas non plus des tartines indigestes d’égo. Donc, on reste focus sur les mélodies et les arrangements. L’osmose s’est créée naturellement, ça c’est du bol en fait, et en même temps sans cette complicité, ça ne pourrait pas fonctionner.

Photo : Cédric Andreolli

– L’une des composantes de HEART LINE est aussi ce groove constant. C’est quelque chose que vous avez particulièrement travaillé ?

Merci Dominique et Walter ! Ils sont essentiels dans ce groove, et oui c’est très travaillé, il faut que ça matche totalement. On joue un peu devant sur certains titres, un peu derrière sur d’autres, très droit sur quelques uns. On fait ce que demande le titre.

– Au niveau des guitares aussi, les riffs sont racés et les solos millimétrés. L’accent est vraiment mis sur les mélodies. C’est la base de HEART LINE ?

Oui, les mélodies sont essentielles, c’est du Hard Rock mélodique. C’est le moteur de ce groupe, il faut de la richesse sur les arrangements et des mélodies fortes, et Manu est un super mélodiste. Si tu ne fredonnes pas le titre, on a loupé un truc ! Pareil pour mes solos : pas trop, juste ce qu’il faut pour rajouter une couche, mais pas de démo, ce qui n’empêche pas quelques cascades quand même.

– Le groupe s’inspire aussi du rêve américain que l’on retrouve dès le visuel de l’album. « Back In The Game » est une sorte d’hommage à une époque où la société et la musique aussi étaient plus inspirantes ?

Complètement, c’était tellement plus simple. On écoutait, on aimait, on achetait et on se bouffait les albums pendant des semaines. On n’aimait pas, on passait à autre chose. On n’allait pas mettre des dislikes ou des commentaires… Et les concerts, c’était le Graal, on était tellement heureux d’y aller. Aucune lassitude, que du plaisir. Pas de vidéos prisent par un téléphone, pas de photos floues, on profitait de l’instant présent. Je suis effectivement un peu nostalgique de cette époque. Et puis, on était jeune, c’est normal de ressentir ça, les premiers émois musicaux (avec d’autres..), c’est important. Après il y a plein de choses géniales de nos jours. Sans Internet, on ne faisait pas l’album et on n’aurait pas été signé, par exemple. Mais ce frisson dans le dos qui te paralyse, cette chair de poule en entendant le riff de « Touch Too Much », le solo de « The Sun Goes down », cette énergie qui t’envahie en entendant l’intro de « Youth Gone Wild » et tant d’autres ! Je crois bien que plus jamais, je ne ressentirai d’émotions musicales aussi fortes !

Sinon, un grand merci à Stan W Decker pour ce fantastique artwork. On était trop content quand on a reçu ses premières esquisses. En plein dans le mille ! Il fallait que notre musique soit identifiable en un clin d’œil. Rappelle-toi des pochettes d’Iron Maiden, de Motörhead, de Scorpions, de Ratt, etc… On n’écoutait même pas avant d’acheter et 99% du temps, ça nous plaisait, car l’essence de la musique du groupe était dans la cover.

L’album de HEART LINE, « Back In The Game », est disponible chez Pride & Joy Music.

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France Metal Progressif

Sangham : une quête philosophique et musicale [Interview]

Originaire de Marseille, SANGHAM est un nouveau venu sur la scène française, et vient agrandir une famille Metal Progressive déjà fertile. Avec une première réalisation comme celle-ci, le quatuor impose d’entrée de jeu un répertoire original et une touche singulière. Présentant une excellente production, « Intangible » affirme déjà une grande maturité dans les compositions et la démarche des Phocéens. Christelle Meunier (chant) et Cyril Lhuillier (Guitare, chant), tous deux fondateurs et compositeurs, nous en disent un peu plus sur leurs intentions profondes et leur vision du groupe.

– Tout d’abord, on vous connaît assez peu. Et pour cause, SANGHAM a moins de deux ans d’existence. Pourriez-vous présenter le groupe aux lecteurs, et nous parler de vos parcours respectifs ?

Cyril : Mon goût pour la création et la composition est né en même temps que mon appétence pour la guitare. J’étais adolescent, et j’apprenais en autodidacte : à cette époque, j’ai monté un groupe, accompagné de ma sœur au chant, et nous avons sorti un album et fait plusieurs scènes. Cette expérience était grisante, et passionnante, mais nous avons pris des chemins différents par la suite. Créer de la musique a toujours été un besoin viscéral pour moi, et je n’ai pas cessé de composer : puis, j’ai rencontré Christelle, en 2018. Nous avons mis en commun nos compétences, et avons commencé à co-créer nos musiques. Florian et Calliste nous ont rejoints respectivement en 2019 et 2020 : Sangham est né au terme de ces rencontres.

Christelle : En effet, « Intangible » est notre premier album. Il est l’aboutissement d’une année de création et d’investissement. Dans mon cas personnel, je n’ai pas d’autre background musical. Je me suis passionnée pour le chant sur le tard, après un parcours dans le domaine des arts plastiques. La musique a ensuite pris le dessus, and here we are !

– Votre nom vient du sanskrit et désigne un lieu de purification. Malgré tout, on ne détecte aucune influence indienne ou orientale dans votre musique. C’était un parti-pris dès le départ de distinguer les deux entités ?

Christelle : Je vous remercie de poser cette question, je la trouve très intéressante. Effectivement, notre nom n’illustre pas spontanément notre musique. C’est un terme riche de sens qui suggère à l’auditeur une direction, une lecture de notre travail. C’est un mot que nous empruntons avec beaucoup de pudeur, car il est issu d’une culture millénaire, et nous n’aurions pas assez d’une existence pour en détenir l’essence. Je pense que ce dernier renseigne l’auditeur sur le sens que nous souhaitons donner à notre musique : un vecteur de paix, une proposition de reconnexion à nous-mêmes, à notre environnement, une invitation à nous interroger sur le monde qui nous entoure.

– Votre Metal Progressif a la particularité d’être très organique, car il est peu chargé ou pompeux, contrairement à beaucoup. Vous le voyez comme une façon d’être plus direct et efficace ?

Cyril : En effet, l’idée n’est pas d’amener une profusion de technicité, mais plutôt de rester authentique. La musique doit être en osmose avec les paroles, elle doit pouvoir véhiculer autant d’informations et d’émotions que possible. Aussi, elle ne doit pas être en décalage ou en marge du chant. Nous conservons une liberté créative dans la construction de nos chansons. Le côté organique se reflète effectivement dans la sélection des sons utilisés : ils incarnent l’interprétation des idées, et des images que nous souhaitons véhiculer.

– SANGHAM alterne aussi un chant en lead clair et puissant, avec même un petit côté Sade très agréable dans la voix, et un growl massif qui vient faire le contrepoids avec beaucoup d’agressivité. Malgré tout, on a le sentiment que vous misez surtout sur l’aspect émotionnel de vos morceaux. C’est l’intention première ?

Cyril : En effet, la symbiose de nos voix est un outil d’expression supplémentaire, au même titre que l’instrumental.

Christelle : Je crois que l’identité du groupe repose en partie sur ce dialogue entre les deux types de chant. Symboliquement, ce mélange représente aussi cette balance, ces polarités qui régissent le monde et les choses, et au cœur desquelles se développe un spectre, conçu d’une infinité de nuances. Notre musique et nos textes mentionnent beaucoup cette quête permanente d’équilibre. Cela donne une harmonie mouvante entre le côté lunaire et le solaire.

– A travers vos textes, vous faites preuve de beaucoup d’engagement avec un appel à une prise de conscience sur notre environnement notamment. Ce mélange de poésie et de philosophie tient-elle une place aussi prépondérante dans votre musique et comment cela se traduit-il ?

Christelle : Nous avons souhaité exposer honnêtement nos interrogations, nos raisonnements : les textes que j’écris sont souvent une manière de déposer ce qui habite ou hante mon mental. Ils sont influencés par ces sentiments d’alerte et de pression, liés à l’urgence de la situation dans laquelle chaque habitant de cette planète se trouve actuellement. Parfois, j’écris pour dénoncer, oui. Mais toujours en posant un constat simple : dans « Nebulous Era », j’évoque cet « or noir » que nous avons « extrait des entrailles du monde ». Et j’observe les conséquences. Parfois, je me recentre pour trouver en moi les solutions, le renouement, l’acceptation aussi, que je propose à mon tour dans notre musique. C’est une invitation, et depuis le début de notre aventure, nous avons offert des créations dans lesquelles nous avons mis notre cœur : et nous avons reçu en retour un soutien décuplé, un océan de bienveillance !

– Il y a également un passage en français sur le morceau « Macrocosm ». Quelle en est la raison première et, par ailleurs, pourquoi en avoir aussi fait une version acoustique ? Vous auriez pu tout aussi bien composer un titre plus long, ce qui est assez fréquent dans le registre progressif, non ?

Christelle : Je n’arrivais pas à traduire correctement ces deux phrases, qui ponctuent chacune un moment de « Macrocosm ». Elles soulignent la poésie dont le morceau est animé. De plus, c’était pour moi une évidence d’inviter nos racines dans ce premier morceau que nous avons rendu public : en dehors de mon accent qui ne trompe évidemment personne. (Rires)

Cyril : Ce morceau a vraiment donné lieu à deux formes différentes. Dans un premier temps, nous en avons réalisé une version acoustique, car nous souhaitions attendre notre passage en studio pour proposer une version qui convoquerait des instruments saturés. Nous voulions disposer de bonnes conditions d’enregistrement. De plus, la première réalisation de « Macrocosm » a été composée sur une guitare acoustique 12 cordes : nous avons donc décidé de la jouer avec des percussions traditionnelles, afin de lui donner une toute autre teinte. Ainsi, nous n’avons pas jugé pertinent de faire un morceau avec une structure très longue pour en exprimer les deux différentes nuances : désormais, chacune a son identité propre.

– Vous expliquez avoir pris comme référence les titres « Stormbending » de Devin Townsend et « Circle With Me » de Spiritbox pour le mix final de « Intangible ». Pourquoi cette démarche si peu banale ? Et en quoi ces deux morceaux ont une telle importance à vos yeux ?

Cyril : Lors de notre passage chez Studio ArtMusic, il était essentiel pour Sébastien (ingénieur du son) d’avoir un “repère” du type de sonorité qui nous conviendrait le mieux. En termes de composition, nous avons des structures assez riches qui disposent de plusieurs leads, voix, et ambiances, parfois simultanément : cela requiert donc une gestion de l’espace sonore assez complexe. C’est une caractéristique qui se retrouve assez facilement dans l’univers sophistiqué de Devin Townsend.

En ce qui concerne Spiritbox, c’est un bon mélange de moderne et de groove, avec un tuning très grave : nous avons fait un choix similaire en ce qui concerne les accordages. Cela nous permet d’obtenir des sonorités très intenses et des ambiances “deep”, brutales, qui viennent chambouler l’émotionnel ! L’idée était d’avoir des axes possibles de références : cela permettait à Sébastien d’être guidé, puisqu’il découvrait notre travail à notre arrivée dans son studio.

– Enfin, « Intangible » est assez court, même s’il se présente sous la forme d’un EP assez conséquent. C’est vrai qu’on reste un peu sur notre faim. Comment s’est fait ce choix ? Vous n’aviez pas la patience pour livrer un album complet ?

Christelle : Comme souligné précédemment, il s’agit de notre premier album et – pour la majorité d’entre nous – de notre première création dans une sphère musicale professionnelle. Nous avons donc décidé de jouir de cette première expérience pour en déceler progressivement les codes, et pour tirer des enseignements de chacune des étapes, depuis son invention jusqu’à sa diffusion. Nous sommes très heureux de ce premier objet, qui marque à la fois le début d’une aventure et un accomplissement de taille !

Cyril : Comme l’a stipulé Christelle c’était aussi une première expérience pour certains d’entre nous : il est donc assez flatteur de voir que cet EP peut avoir “un goût de trop peu”! Nous travaillons déjà sur la suite, et il y aura de belles surprises en live…

L’album « Intangible » de SANGHAM est disponible chez Klonosphere.

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France Psych Rock

Komodor : une énergie communicative [Interview]

A l’occasion d’une interview pour le numéro de décembre de l’excellent magazine Metallian, j’en ai profité pour poser quelques questions supplémentaires à la révélation Rock Hard 70’s finistérienne : KOMODOR. Après un EP éponyme en 2019, le quatuor sort son premier album, « Nasty Habits », aux très aériennes et solaires ambiances psychédéliques et Garage. Grâce à un énorme travail sur les voix et les guitares, on est littéralement happé par le tourbillon musical distillé par le combo. Cinq décennies plus tard, KOMODOR dépoussière les années 70 avec brio et fraîcheur sur une production magistrale. Entretien collégial avec Goudzou (basse, chant) et Slyde (guitare, chant).   

– Si « Nasty Habits » évolue dans un esprit vintage, marqué par le Rock des années 70, je le trouve carrément moderne et très actuel. Au-delà de votre jeu et de vos compositions bien sûr, est-ce que vous jouez et enregistrez aussi sur du matériel d’époque ?

Oui pour les amplis et guitares, mais pas pour tout ! (Rires) On a aussi utilisé beaucoup de vieux micros. Ensuite, une partie de l’album a été enregistré en numérique et le mixage a été réalisé en analogique.

– La première chose qui émane de l’album à sa première écoute, c’est son côté solaire et hyper-joyeux. « Nasty Habits » est positif à tel point qu’on vous entend souvent vous marrer en début ou en fin de titre. Ca rigole beaucoup chez KOMODOR, on dirait…

Ah ouais, ouais, ouais, ça déconne ! On est des rigolos ! On a plus de rides de sourires que de rides de colère ! (Rires) Et puis, c’est volontaire d’avoir gardé ça, car dans certains albums d’époque, il y a souvent cet esprit live, très vivant où tu entends souvent les gens se marrer et cela apporte de la vie à l’album. Aujourd’hui, tout est calibré en fonction des radios notamment, et tout est calculé comme il faut. On voulait un album très abouti tout en gardant cet aspect fun, qui donne aussi un peu de relief à l’album. Et puis, c’est un disque de copains aussi. On a commencé l’enregistrement à Saint-Divy chez les parents de l’un de d’entre nous. Ensuite avec le confinement, il y a eu la limite de kilomètres et on s’est demandé comment on allait pouvoir faire pour réunir tout le monde. Alors, on a déplacé tout le studio à Douarnenez chez Yuna Le Braz, où on a enregistré la fin de l’album, notamment les voix et les guitares.

– En fait, vous faites les choses sérieusement sans vous prendre au sérieux !

C’est ça !!! (en chœur !)

– Pour en revenir au son et à la production de l’album, il y a une énorme énergie qui est constante et qui donne vraiment l’impression que vous l’avez enregistré en prise directe et en jouant tous ensemble. C’est le cas ?

Pour beaucoup de morceaux, ça s’est passé comme ça. On a enregistré la basse/batterie en même temps, tout simplement parce qu’on n’avait pas assez de pistes pour les guitares. Et au niveau acoustique, ça ne sonnait pas, car on joue toujours avec les amplis à fond en studio. Et ce n’était pas gérable. Sinon, en effet, l’objectif était de faire le tout en prise live. L’idée est d’avoir un maximum d’énergie, parce que notre musique est faite pour ça. Et c’est aussi le cas sur beaucoup d’albums qu’on écoute. C’est vraiment l’essence-même du groupe, c’est ce qui nous caractérise. En concert, le but est aussi de se donner à fond, quelques soient les conditions. Et puis, on compose aussi tous ensemble, pas chacun dans son coin. Ce son live commence dès le travail de composition finalement.  

– Parlons aussi un peu de votre look si particulier. Vous le voyez comme un prolongement de votre musique ? Un peu comme la signature visuelle de KOMODOR ? A moins que vous alliez chercher votre pain le matin habillés de la sorte ?

On est tout le temps habiller comme ça, ce n’est pas un déguisement ! Les 70’s sont aussi une passion jusque dans la déco de l’appartement de certains d’entre nous. C’est une époque que l’on n’a pas connu, et pourtant… Et c’est pareil pour tout, que ce soient les bagnoles, les motos…

– Vous serez aux Trans le 3 décembre prochain à Rennes. En général, c’est une date importante pour les groupes. Vous la préparez d’une façon particulière, ou est-ce que c’est un concert comme un autre pour vous ?

C’est un concert comme un autre, même s’il y a des enjeux. Tous les concerts, il faut les assurer de toute façon. Après, c’est sûr qu’on va faire du social ! (Rires) On ne se met pas la pression non plus, car on veut rester naturel. Il faut que les gens apprécient le concert  comme il se doit. Cela dit, c’est vrai aussi qu’il y aura des programmateurs et c’est chouette si, ensuite, on peut faire des dates à droite, à gauche ou même des festivals. On verra bien si des opportunités se dessinent.

– Et puis, le lendemain, vous allez également vous produire avec vos amis du duo paimpolais Moundrag pour un projet commun qui se nomme Komodrag And The Mounodor. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus, car j’ai l’impression qu’il vous tient également beaucoup à cœur ?

Oui, c’est vrai. Cette rencontre a vraiment été un coup de foudre ! En fait, après s’être envoyé quelques messages, on a eu l’impression de se connaître depuis toujours. Ensuite, on a fait une date ensemble à Douarnenez et on s’est bien marré ! Après, on a commencé à faire des reprises et comme ça marchait super bien humainement, on s’est dit que ce serait cool de monter un set. Ils ont réussi à nous trouver une date aux Trans, donc il a fallu préparer tout ça très rapidement, en six mois. On a fait une résidence à Saint-Brieuc, à ‘Bonjour Minuit’, et ça a été vraiment super de bosser ensemble.

KOMODOR sera aux Trans à Rennes le 3 décembre à L’Étage à 19h30 (gratuit), puis le lendemain avec KOMODRAG AND THE MOUNODOR dans le Hall 3 du Parc Expo en clôture de la soirée (de 12 à 31€).

L’album « Nasty Habits » sera disponible le 17 décembre chez Soulseller Records.

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France Post-Metal Progressif

Maudits : un destin en main [Interview]

Le Metal post-Progressif de MAUDITS prend une nouvelle tournure et continue de s’affiner. A peine un an après la sortie de son premier album éponyme, le groupe poursuit sa route et livre « Angle Mort », un nouvel EP original, pointu et sans complexe. Forte d’un univers original, la formation a aussi vu son line-up évoluer ce qui semble même lui avoir apporté une motivation supplémentaire. Olivier Dubuc, le guitariste du duo, revient sur la création de cette nouvelle réalisation très protéiforme.

– Quand je vous ai interviewé en décembre dernier peu après la sortie de votre premier album, vous aviez déjà profité des deux confinements pour composer et vous étiez même prêts à enchainer. Depuis, que s’est-il passé en marge de l’enregistrement de ce nouvel EP ?

Cet EP n’était pas prévu. Au départ, nous voulions commencer à défendre en live l’album après le premier confinement, et enchainer par l’enregistrement du matériel composé pendant ce temps-là. Mais tout le monde sait que ça ne s’est pas passé comme ça, et nous nous sommes retrouvés une nouvelle fois coincés à la maison. Je me suis donc mis à travailler sur une nouvelle version de « Résilience », seul avec ma pédale de loop pour l’enregistrement d’une vidéo live, histoire de mettre un peu de matière sur les réseaux. Finalement, nous nous sommes dit avec Chris (batterie, samples) qu’il serait bien d’étendre ça sur un ou deux morceaux, de les enregistrer proprement et pourquoi pas de les proposer en téléchargement sur notre Bandcamp. Dans le même temps, Raphaël Verguin, le brillant violoncelliste, dont je connaissais très bien le travail avec Spectrale (mais sans le connaître personnellement à l’époque), nous a commandé l’album sur Bandcamp. Je me suis donc permis de le contacter pour savoir s’il serait partant à l’idée de travailler avec nous sur ces nouvelles versions. Il a accepté et comme nous ne savons pas faire les choses à moitié, nous nous sommes mis à fond dans le projet, le tout à distance. L’idée était de pouvoir enregistrer très rapidement pour enchaîner sans laisser passer deux ou trois ans entre deux sorties. Et honnêtement, nous étions extrêmement satisfaits de la matière proposée, ce qui nous a donné l’envie et la confiance pour continuer. Cet EP est devenu pour nous une sortie à part entière, et pas juste un petit amuse-gueule avant le deuxième album, et nous l’avons chéri et travaillé avec la même intensité que le précédent.

– La surprise de cet EP vient aussi du line-up. D’une formule en trio, vous êtes devenus un duo. Que s’est-il passé et MAUDITS a-t-il rapidement trouvé un nouvel équilibre ?

Oui, nous avons construit et maquetté « Angle Mort » presqu’exclusivement à deux avec Chris. Puis, Anthony, notre ancien bassiste, a quitté le groupe peu de temps avant l’enregistrement. Avec du recul, je pense que ces deux confinements ont largement contribué à sa perte de motivation pour MAUDITS. L’éloignement physique imposé durant cette longue période a creusé un fossé entre nous, et comme les nouvelles technologies ne sont pas vraiment son truc, il a un peu lâché et ne s’est jamais vraiment intéressé au projet avec le boulot à distance que cela nécessitait.

Je pense aussi que l’idée de base ne l’intéressait pas plus que cela. Il souhaitait enchaîner directement avec ce que nous avions mis en place durant le premier confinement. Bref, nous étions à fond dedans et lui pas du tout. Et outre cette mésentente artistique, plusieurs choses sont ressorties, notamment sur notre manière d’avancer, nos prises de décisions et notre conception de ce projet qu’est MAUDITS. L’écart s’est creusé et le point de non-retour est arrivé.

Si ces situations arrivent à beaucoup de groupes en temps normal, le contexte d’enfermement et de distance forcée a accéléré le processus de séparation et l’a donc précipité. Plus concrètement, cela ne nous a pas réellement déséquilibré, car nous avions presque intégralement fonctionné avec la même méthode depuis le premier album, en posant les bases avec Chris.

Olivier Dubucq (guitares)

– Sur « Angle Mort », on découvre deux nouvelles compositions et trois autres titres présents sur votre album dans des versions réenregistrées et réarrangées. Concernant ces dernières, vous n’étiez pas satisfaits des premières moutures ?

Si, nous les adorons ! Pour nous, l’intérêt de ses nouvelles versions était de déconstruire complètement les plages d’origine en ne gardant que les thèmes de base, afin d’en faire quasiment des nouveaux morceaux. Et à la rigueur, tant mieux si les auditeurs ne les reconnaissent pas du premier coup, cela prouve qu’on aura atteint notre objectif ! Nous les avons d’ailleurs renommé pour brouiller les pistes. Le point de départ était la réinterprétation de « Résilience », qui nous a vraiment donné envie de pousser le concept sur « Verdoemd » et « Perdu d’Avance » (initialement titrés « Maudits » et « Verloren Strijd »).

– Les deux nouveaux titres  ont-ils été composés alors que vous étiez déjà à deux, ou s’agit-il de morceaux datant de l’album ?

Non, nous les avons composé à deux et à distance comme pour les trois réinterprétations.  D’ailleurs, « Epäselvä », notre premier single, a volontairement été composé au dernier moment sur une période très courte en le construisant sur plusieurs rythmes Dub et très énergiques, improvisés directement en studio par Chris, le tout sur un tempo choisi sur le moment un peu au hasard. Par la suite, j’ai peaufiné mes ambiances, mes arpèges et les riffs sur ses parties, juste avant l’enregistrement final de la guitare. Nous avions déjà procédé comme ça pour le premier album sur « Verloren Strijd », et nous avons voulu retenter l’expérience. On a appris à aimer cet exercice, car tout ce qui sort quand on est dans l’urgence est très spontané et, à chaque fois, cela a donné un résultat très particulier et organique. Raphaël a par la suite improvisé une très belle ligne de violoncelle (nous avons d’ailleurs gardé sa première prise) et pour finir, Erwan a enrobé l’ensemble d’une ligne de basse bien Dub et entêtante. Le morceau dégage une émotion plus brute et sans filtre, qui tranche avec le côté très réfléchi du reste.

– Finalement, lorsqu’on voit la durée d’« Angle Mort », vous auriez pu le compléter d’un ou deux titres et sortir un deuxième album, non ? A moins que c’était vraiment un format EP que vous aviez en tête ?

Oui, l’idée initiale était un EP. Il ne devait d’ailleurs contenir que les trois réinterprétations. Mais les idées d’« Angle Mort » et d’« Epäselvä » sont arrivées toutes seules et ça collait bien avec le reste. Et puis, même si nous avions eu d’autres morceaux à disposition et qui collaient à l’ambiance, je pense nous aurions laissé comme ça car tout s’imbriquait bien tel quel. Un ou deux morceaux de plus auraient nui à la dynamique et la cohérence de l’ensemble.

Christophe Hiegel :(batterie) 

– Même si MAUDITS conserve ce côté très organique dans la production, on note la présence plus importante de samples notamment. L’intention est toujours d’explorer de nouveaux horizons sonores et musicaux ?

Oui, nous avons développé et mis en avant un peu plus les samples sur « Angle Mort ». Je n’ai jamais caché mon amour pour le Trip Hop avec, entre autre, Portishead, Massive Attack, Ezekiel ou encore Scorn et leur manière si particulière d’intégrer les samples. Chris est un expert sur tout ce qui concerne le Dub. Il avait d’ailleurs un excellent projet du nom de Blue Mountain, avec qui il a enregistré un superbe album. Ces influences, si elles étaient déjà présentes sur le premier album, ressortent encore plus sur « Angle Mort ». Je pense que le format et le contexte dans lequel on l’a travaillé ont naturellement favorisé ce genre d’expérimentation et a naturellement fait ressortir un peu plus cet aspect de notre univers musical.  Et pour info, il n’y a absolument rien de programmé : tout a été joué. Chris tenait à tout faire lui-même et c’est sûrement pour ça que le côté organique est conservé.

– Cette fois encore, vous avez intégré des cordes, en l’occurrence du violoncelle. La musique de MAUDITS fait toujours la part belle aux arrangements avec également du synthétiseur Moog, ce qui est devenu assez rare, et différents effets. L’aspect expérimental demeure toujours très palpable, malgré le côté accessible de vos morceaux…

Oui, comme je l’ai dit lors de notre précédente interview, nous ne nous fixons aucune limite musicalement, tant que cela nous plaît et qu’à l’arrivée ce soit cohérent. En effet, on aime beaucoup expérimenter avec différents instruments et textures pour enrichir notre musique. Cela vient probablement de notre passé progressif avec notre ancienne formation The Last Embrace. Bien que le son et l’orientation de MAUDITS soit très différente, nous partageons probablement inconsciemment l’approche aventureuse d’une certaine frange du Rock Progressif.

– Même si on entend quelques voix, l’idée d’intégrer un chanteur n’est toujours pas à l’ordre du jour ? MAUDITS est et restera instrumental ?

C’est vrai que sur l’album, nous souhaitions intégrer un spoken words sur « Verdoemd ». Il a été écrit et enregistré par Nicolas Zivkovitch (Ddent, Fiend, Krv, Les Tigres du Futur), qui est un très bon ami et un super musicien. Mais en effet, je pense que MAUDITS restera un projet majoritairement instrumental. Après, si certains passages appellent une voix, nous n’hésiterons pas à en mettre, mais intégrer un chanteur n’est pas une option pour nous. Nous sommes très bien comme ça.

– Enfin, concernant la scène, comment allez-vous vous produire ? Juste en duo et avec l’aide de diverses programmations, ou avec quelques invités comme sur vos disques ?

En fait, nous sommes redevenu un trio, même si nous sommes effectivement deux sur les photos promos. Erwan, notre nouveau bassiste, est arrivé seulement deux semaines avant l’enregistrement final, donc il n’a pas pu participer à la composition à proprement parler. En revanche, il a composé et arrangé toutes ses lignes de basse dans ce lapse de temps très court. Je tiens d’ailleurs encore une fois à le remercier, car le résultat est fantastique et pertinent. C’est un bassiste très doué et une belle personne, qui dégage une énergie positive et qui nous a mis un bon coup de fouet. C’est un plaisir de l’accueillir officiellement parmi nous.

Nous avons d’ailleurs fait nos deux premiers concerts récemment avec lui et la formule trio marche très bien ! Chris contrôle, joue et lance les divers samples (violons, claviers, etc…) avec son PAD et j’utilise une grosse pédale de loop avec beaucoup d’effets, ce qui nous permet de reproduire presqu’à l’identique en live la masse sonore qu’on entend sur les albums. Cela représente un sacré boulot pour tout le monde, mais c’est une sensation grisante de pouvoir tout gérer soi-même. On verra en fonction des endroits et des événements, mais il n’est pas impossible qu’on fasse appel à des invités sur scène pour certaines occasions. On aimerait beaucoup le faire avec le violoncelliste d’« Angle Mort », Raphaël Verguin. On verra si c’est possible !

« Angle Mort » de MAUDITS est disponible depuis le 5 novembre chez Klonosphere.

Retrouvez la première interview du groupe pour Rock’n Force :

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France Melodic Metal Metal Indus

Dust In Mind : en totale maîtrise [Interview]

C’est demain que le quintet français DUST IN MIND sort son nouvel album, « CTRL ». Moderne, mélodique et Indus, le groupe se présente avec un quatrième effort plein de confiance et très inspiré. Ressorti renforcé de cette période obscure, le groupe se livre à travers des émotions fortes dans des atmosphères très urbaines, des refrains addictifs et soutenu par une production massive doublée d’une belle force de frappe. La frontwoman du combo, Jen, nous parle de ce nouvel opus, ainsi que du travail collectif des musiciens du combo.

– Votre quatrième album, « CTRL », vient de sortir et il présente une direction artistique aboutie et une très belle production. DUST IN MIND s’affirme avec beaucoup d’assurance. C’est aussi votre sentiment ?


Merci beaucoup ! Oui, c’est également notre ressenti. On ne va pas faire dans le cliché et dire que c’est l’album de la maturité, (Rires) mais on sent que l’on est dans la bonne direction. On se sent en phase à 2000% avec tout ce que l’on fait, et on travaille sur tous les aspects de la production que ce soit la vidéo, les photos et le son. Cela demande énormément de travail et nous constatons que le public le ressent aussi, donc nous en sommes très heureux.

– Vous avez dit que la période de confinement vous avait aidé à travailler sur vos objectifs et votre son également. En quoi cette démarche a-t-elle modifié ou renforcé le groupe ?

On peut dire que l’on a beaucoup cohabité pendant ce confinement. Plutôt qu’uniquement le subir, on a pensé que c’était le bon moment pour travailler notre son et aussi faire des soirées brainstorming à rallonge, où l’on a beaucoup discuté. On l’a fait dans nos vies personnelles, et aussi dans celle du groupe. Nous avons une très bonne cohésion et je pense que c’est ce qui fait notre force. Nous voulons aller dans la même direction et nous faisons tous les mêmes sacrifices. Entre deux confinements, nous nous sommes isolés plusieurs jours dans une salle de concert, où nous avons travaillé le côté scénique et le jeu de lumière. Et nous avons également fait appel à un coach pour la première fois. Nous avons peaufiné notre jeu de scène, mais nous avons aussi passé beaucoup de temps à faire des exercices de cohésion de groupe, de lâcher prise, etc… C’était très précieux pour nous et cela a encore plus resserré nos liens.

– DUST IN MIND évolue dans un Modern Metal avec des dominantes Indus et même un peu symphoniques. Ce sont pourtant des registres assez opposés. C’est un mix qui vous est venu facilement et naturellement ?

Je ne pense pas qu’il y ait 1% de symphonique dans DUST IN MIND ! (Rires)(Pourtant vocalement, on y est très souvent ! –NDR) Mais oui, nous évoluons dans un registre Indus depuis les débuts du groupe. Nous avons aussi un coté très groovy, très Korn comme le disent certain. Et c’est vrai que nos influences étant Korn et Pain, nous nous présentons simplement comme un groupe de Modern Metal/Indus. Cette tendance est tout à fait naturelle et colle parfaitement au groupe et à nos personnalités.

– « CTRL » est un album très lumineux et paradoxalement certains passages, ainsi que vos textes sont très sombres. Quelle est la thématique générale, car on pense parfois à un album-concept ?

Cela pourrait être apparenté à un album-concept, pourtant il n’a pas été réalisé dans cette optique. En écrivant les textes, je laisse juste parler mon cœur de manière primitive. Et au final, c’est vers la fin de l’album que j’ai réalisé qu’il y avait bien un thème général qui ressortait clairement. Cette notion de contrôle des émotions, de lâcher prise qui peut faire parfois peur ou l’addiction aux émotions intenses, etc…


– DUST IN MIND se distingue aussi par sa double dualité vocale, grâce à un chant féminin et masculin d’un côté, ainsi que clair et growl de l’autre. C’est un aspect de votre musique que vous travaillez plus particulièrement et dont vous soignez un peu plus les arrangements ?

En effet, c’est quelque chose sur laquelle nous essayons de travailler et surtout d’évoluer. Sur ce nouvel album, nous avons beaucoup travaillé sur les voix et nous avons aussi expérimenté et osé. On voulait également casser certains codes comme le fait que la chanteuse ne doit pas nécessairement chanter tous les refrains. Damien (Dausch, guitare et chant saturé – NDR) chante plus que d’habitude et présente également un panel vocal beaucoup plus riche. C’est très plaisant et cela donne plus de diversité à l’album.

– Sur le morceau « Synapses », il y a  un passage chanté en français, qui se distingue aussi du ton du titre par son style. Comment vous est venue l’idée, et est-ce que c’était important pour vous que votre langue maternelle ait aussi sa place sur l’album ?


C’est vrai, car cela fait quelques temps que nous souhaitions faire un clin d’œil à notre langue maternelle. Et lorsque « Synapses » a été composé, c’est tout naturellement que j’ai posé des paroles en français. Nous réalisons que beaucoup de nos fans à l’étranger ne savent pas que nous sommes français. Il y a quelques années, j’essayais tant bien que mal de camoufler mon accent et aujourd’hui, je le regrette presque. Nous sommes français et la French Touch a une bonne image à l’étranger, alors pourquoi s’en cacher ? Je préfère l’assumer.

– Vous déclarez avoir plus de 10 millions de streams. Concrètement, quel est l’impact réel ? Cela se sent dans les ventes d’albums ou, peut-être et surtout, sur la fréquentation des concerts ?


Oui, cela se sent dans les ventes d’albums, et heureusement. Mais honnêtement, le nombre de streams (de Spotify par exemple) est une valeur objective. Si on tombe dans des playlists éditoriales, cela aura de suite un très gros impact. Et c’est une grande chance de nos jours, c’est vrai.


– Enfin, la pochette de « CTRL » est une photo de Freaky Hoody, connu notamment pour ses tatouages. Quel est le message ? Vous vous sentez proches de sa démarche ? Et vous êtes-vous rencontrés ?

Oui, nous nous sommes rencontrés, car c’est nous qui avons réalisé le clip de « Take Me Away » dans lequel il joue. Nous l’avons découvert dans une vidéo sur les réseaux sociaux et nous avons accroché à son histoire. Nous véhiculons des messages de tolérance que ce soit en termes de couleur de peau, de religion, d’orientation sexuelle, sur les tatouages, etc…
Faire appel à lui pour notre clip était plutôt naturel. Et à la fin du tournage, nous lui avons proposé de poser pour notre pochette et nous avons improvisé un shooting. C’était extra ! 

L’album « CTRL » de DUST IN MIND sera disponible demain (le 19 novembre) chez DarkTunes Music Group

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France Heavy metal

ADX : une vision française du Metal [Interview]

Fer de lance de la scène Speed et Heavy Metal française dans les années 80, ADX est toujours fidèle au rendez-vous et a su adapter son jeu et la production de ses albums aux époques traversées. 30 ans après « Weird Visions », un opus en anglais diversement appréciée, le groupe en livre sa version française avec une approche nouvelle des morceaux et une détermination de chaque instant. Membre fondateur et dernier rescapé du line-up originel avec le chanteur Phil Grelaud, son batteur Didier ‘Dog’ Bouchard revient sur le parcours d’ADX, ses choix et ce nouvel opus, « Etranges Visions », très relevé.

– On va commencer par un peu d’Histoire pour les plus jeunes. ADX a 40 ans cette année et vous vous êtes imposés dans les années 80 sur la scène Heavy Metal française. Avec une douzaine d’albums à votre actif, quel regard portes-tu sur la scène hexagonale actuelle, vous qui faites partie des précurseurs ?

Comme dans les années 80, il y a toujours beaucoup de groupes de qualité, vraiment, et c’est malheureusement ce qu’il y a autour qui ne suit pas. Les infrastructures et tout ce qu’il faudrait ne sont toujours pas là. Je ne parle pas de Gojira, qui est plus américain que français maintenant. A côté de Mass Hysteria ou Ultra Vomit, il y a plein de groupes, mais c’est toujours aussi difficile de faire du Metal en France. Ça, on le sait depuis 40 ans, et on n’est pas surpris.

– Vous sortez « Etranges Visions » qui est la version française de « Weird Visions » sorti en 1991, et qui est d’ailleurs votre seul album en anglais. A l’époque, c’était une demande insistante de votre label Noise. Est-ce que c’est un regret aujourd’hui, ou au contraire, une bonne expérience ?

C’est du 50/50. Quand on a fait cet album, Noise et Roadrunner sont venus frapper à la porte d’ADX. Lorsque de tels labels s’intéressent à toi, c’est très flatteur. Mais il fallait faire un album en anglais, sinon ils ne nous signaient pas. Quand tu es jeune, tu te dis que tu vas faire un effort, car de leur côté, ils en faisaient un aussi, puisqu’une version française était prévue. Mais elle n’a jamais vu le jour. On a donc quelques regrets, car on a perdu des fans en France. On en a gagné en Europe et même au niveau mondial. L’album s’est assez bien vendu à l’étranger, mais en France, ça a été plus compliqué. Phil (Grelaud, chant – NDR) s’en souvient bien pour en avoir pris plein la gueule ! Phil en anglais, c’est un peu comme Bernie (Bonvoisin de Trust – NDR). C’est le franchouillard, alors on a un peu morflé. Si c’était à refaire, on pourrait mieux le faire, je pense. En attendant, ADX c’est français, ça chantera toujours en français et jusqu’au bout ! C’est bon, on a compris ! (Rires)

– L’idée de cette nouvelle version vient-elle du fait que l’ensemble de votre discographie soit en français, sauf cet album finalement ?

En fait, c’est une attente du public. Depuis 30 ans, on nous dit que cet album était bien, alors pourquoi ne pas le refaire en français ? Comme nous avons perdu pas mal de fans à la sortie de cet album, il était temps de le refaire en français et d’y mettre aussi un petit coup de jeune.

– D’ailleurs, y a-t-il des changements au niveau des textes en raison de la traduction notamment, ou est-ce que les paroles sont très fidèles aux originales ?

Ah non, pas du tout. J’ai ressorti les paroles en français, qui avaient été écrites à l’époque et franchement 30 ans après, j’avais envie de rigoler. On a gardé l’histoire et le thème de chaque morceau et on a refait toutes les paroles. 

– Musicalement, ce qui est intéressant, c’est que « Etranges Visions » n’est pas non plus la copie conforme de la version anglaise. Outre la production qui est très actuelle, on note aussi de nouveaux arrangements. Vous avez été tentés de faire beaucoup de modifications ou, au contraire, les choses se sont faites naturellement ?

On s’est mis autour d’une table et on s’est dit : voilà, en 1991, cet album était comme ça. On va garder la base, les riffs, etc… mais on va mettre une couleur actuelle et surtout celle d’ADX aujourd’hui. Pour le chant, on a donc changé les paroles. Les gratteux ont eu carte blanche, mais en gardant la base, c’est-à-dire que les solos et la basse ont été refaits. Pour ma part, la batterie à l’époque était déjà très rapide et très technique, j’y ai juste ajouté quelques trucs. On a voulu garder un peu de ce qui avait été fait en 1991 et y ajouter beaucoup de ce qui se fait actuellement.

Didier ‘Dog’ Bouchard, batteur et fondateur d’ADX

– D’ailleurs, lorsqu’on sort une version dans une autre langue, est-ce que l’on garde constamment un œil et une oreille sur l’originale ou au contraire, on essaie de s’en défaire ?

Non, on a gardé une petite oreille sur l’originale, mais sans plus. ADX a sorti des albums très actuels récemment, comme « Bestial », par exemple, alors on voulait mettre beaucoup de couleurs autour de cette version pour qu’elle sonne aussi moderne que ce que l’on fait maintenant. C’est pratiquement un nouvel album en fait. En tout cas, pour nous, ça l’est !

– Bien sûr, l’ADN du groupe n’a pas bougé depuis vos débuts et pourtant ce nouvel album sonne résolument moderne. La production d’« Etrange Visions » est massive avec beaucoup de relief. Est-ce que vous avez travaillé différemment cette fois ?

On a travaillé comme sur nos derniers albums avec Francis Caste, qui fait partie de la famille, parce que c’est le quatrième album que nous faisons avec lui. On a bossé de la même manière. On lui a demandé de garder la patate des années 90, car l’album est assez Thrash et technique, tout en mettant ce que l’on fait actuellement au niveau du son. On voulait le mélange de l’ancien et du nouveau et, personnellement, je trouve l’album très puissant.

– Vous avez fait appel à un financement participatif pour l’album. C’est un choix délibéré pour garder une certaine liberté, ou est-ce par nécessité vu l’état de l’industrie musicale ? Car ADX possède tout de même une belle notoriété…

Nous sommes autoproducteurs avec notre petite maison à nous, mais c’est hyper difficile, car ce n’est pas notre métier. On avait déjà fait ça pour « Bestial », alors on s’est dit qu’on pourrait le refaire pour celui-ci. En fait, notre management a un peu poussé dans ce sens. On s’est dit que ça faisait un peu les mecs qui n’ont plus de sous, donnez-nous de l’argent pour faire l’album, etc… Mais, ce n’est pas ça du tout ! En fait, c’est de la prévente. Et les fans ont suivi et ça a super bien marché. Mais c’est la dernière fois que nous le faisons. On est en train de voir pour trouver une maison de disques, parce que c’est un vrai métier, même si notre équipe travaille bien.

– Parlons un peu de la scène. Est-ce qu’auparavant vous jouiez facilement les morceaux de « Weird Visions », sachant que votre répertoire est essentiellement en français ? Et d’ailleurs, est-ce que l’approche vocale est très différente ?

En fait, on a abandonné cet album environ deux ans après sa sortie. Tout ce qui était en anglais, on l’a viré ! On a donné, c’est bon ! (Rires) Quand tu fais du gros Death Metal en français avec d’énormes hurlements, ça passe. Mais avec une voix claire, beaucoup moins ! Pourtant, Trust et Warning l’ont fait et ce sont de grands groupes ! Il en faut des groupes qui chantent en français, merde !

– Enfin, depuis un bon moment, on note une grande forme des groupes français issus comme vous des années 80 avec Sortilège, Nightmare, Titan et d’autres. Sans tomber dans la nostalgie, cela ferait un beau plateau, non ?

On en parle de plus en plus. On a même commencé à évoquer une tournée. Tu sais, un truc sur le concept années 80 comme avec Patrick Juvet où on partirait sur un bateau, ou une péniche pour nous ! (Rires) Blague à part, c’est vrai que ça pourrait être sympa et je suis sûr que ça attirerait du monde. Il faudrait trouver le tourneur, c’est toujours la même chose… Actuellement, notre tourneur est en train de se battre pour les salles, car on a vraiment envie de jouer !

Le nouvel album d’ADX, « Etranges Visions », sera disponible le 19 novembre et distribué par Season Of Mist.

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France Metal Fusion Metal Progressif Progressif

6:33 : une débordante énergie positive [Interview]

Il y a très peu de groupes dans l’hexagone osant braver les codes et briser les frontières des styles établis pour offrir un registre à la fois débridé et très créatif. Avant-gardiste, Fusion, Progressif, Rock et Metal, 6:33 avance sans complexe et propose un cinquième album où l’énergie très positive des morceaux nous transportent au cœur des années 80 et 90 avec enthousiasme, dextérité et sans barrière. Florent Charlet, chanteur de la formation, fait un point sur ce nouvel opus… et tombe le masque.

– Comme entrée en matière, j’aimerais que vous présentiez le groupe aux lecteurs qui ne vous connaitraient pas. On vous décrit comme un groupe de Metal Progressif, avant-gardiste et Fusion, ce qui résume assez bien 6:33, mais c’est encore ceux qui le font qui en parlent le mieux. Alors, comment vous définiriez-vous ?

C’est vrai que c’est un peu compliqué ! Et même pour un artiste en général, c’est assez difficile de définir son style. C’est plutôt aux gens de dire de ce qu’ils en pensent. Mais après avoir bien cherché, j’aime bien l’appellation de Funk Prog, dans le sens où on a une histoire à raconter et on les amène quelque part et c’est aussi très joyeux grâce à une énergie positive. Musicalement, on ne s’impose aucune limite. A la base, on fait du Metal Prog, mais nous explorons autant la Funk que le Jazz ou la musique de film, selon nos envies finalement.

– Vous sortez votre quatrième album, qui est encore bien différent des précédents. Il s’en dégage une thématique très 80’s avec un fil conducteur très cinématographique. Il est presque conçu comme une sorte d’opéra-Rock. C’était votre objectif de départ ?

Nous n’avions pas vraiment pensé à ce côté opéra-rock lorsqu’on l’a composé, mais beaucoup de gens nous disent que ça ressemble à une comédie musicale à la « Horror Picture Show ». C’est vrai qu’on voulait donner une couleur très 80’s et 90’s à l’album, parce que c’est ce qui nous a nourri depuis toujours, en fait. C’est ce qui nous a forgé en tant que musiciens et même en tant que personnes. Tout ça, on le ressort sur cet album, auquel on a vraiment eu envie de donner cette couleur-là. C’est un album-concept, c’est vrai, mais nous n’avons pas pensé à un Opéra-Rock ou à une comédie musicale. Il y a des personnages hauts en couleur, c’est vrai. Ce serait d’ailleurs mortel de monter ça comme une comédie musicale !

–  « Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome » est également très dansant, malgré des riffs toujours aussi présents et puissants. C’est quelque chose dont on n’a assez peu l’habitude finalement. Malgré des morceaux très structurés, on a le sentiment que c’est la mélodie qui compte le plus en fin de compte avec des refrains très accrocheurs. Rester accessible est quelque chose d’important pour vous ?

Oui ! Ce qui compte c’est la chanson ! C’est très fourni, car il y a beaucoup de choses qu’on n’entend pas forcément à la première écoute. Mais on voulait quelque chose d’assez digeste et d’immédiat dans le ressenti. C’est vrai que c’est complexe, mais la mélodie doit rester en tête. Sur cet album, on a eu envie d’aller chercher le côté chanson en étant peut-être plus direct. Mais ça reste très, très complexe. Il y a beaucoup de choses improbables quand on tend bien l’oreille.

L’album de 6:33, « Feary Tales For Strange Lullabies – The Dome » est disponible depuis le 1er octobre chez 33 Degrees/Universal Music France/Wormholedeath Records.

– L’album bénéficie d’une grosse production et surtout d’arrangements très soignés, ce qui est d’autant plus remarquable que vous êtes sept dans le groupe. Comment s’est passé l’enregistrement et surtout de quelle manière avez-vous articulé la composition pour obtenir un résultat aussi complexe ?

C’est notre guitariste Nicolas (Pascal : guitares, claviers, chant et mise en scène – NDR) qui compose toute la musique jusqu’aux lignes de chant, et je pose ensuite le texte dessus. Emmanuel (Rousseau : claviers et programmation des percussions – NDR), qui n’est plus dans la formation live du groupe, a aussi travaillé sur la création de l’album. Nous avons juste travaillé avec des personnes extérieures pour le mastering. Tout le reste, nous l’avons réalisé nous-mêmes.

– Depuis des mois, nous vivons une période assez sombre pour le monde du spectacle en général. Comment est-ce qu’on fait pour composer un album qui transpire autant la bonne humeur ?

(Rires) Peut-être que c’est aussi ce qui nous permet de passer cette période ? Cela dit, la composition avait commencé avant. Je crois que nous sommes tous, dans le groupe, très joyeux et positifs. On est une bande de sales gosses qui s’adorent ! Ensuite, si tu continues de t’attarder sur ce monde de fous, tu deviens dépressif ! Alors, pour lutter contre ça, rien de mieux que 6:33 ! (Rires)

– Il y a eu aussi quelques changements de line-up avec notamment l’arrivée d’un nouveau batteur, d’un nouveau bassiste et le retour avec une présence plus importante de Bénédicte au chant. Avec un tel registre musical, c’est difficile de trouver des musiciens qui partagent comme vous un univers aussi débridé ?

Ca n’a pas été simple de trouver un batteur et un bassiste (Cédric Guillo à la batterie et Manuel Gerard à la basse – NDR). Encore une fois, on a de la chance. On était également déjà amis, puisque nous avons joué ensemble dans d’autres groupes. Au moment des auditions, car on voulait que tout le monde puisse y participer, beaucoup se sont désistés, car la musique était trop complexe. Et puis, comme tu dis, il fallait que ces musiciens soient aussi éclectiques que nous et qui aiment autant la Funk que le Metal ou la musique de film. Ca n’a pas été simple, mais au final, il n’y a eu qu’un batteur et un basiste qui sont sortis du lot. Et humainement aussi, on se connaissait et s’appréciaient déjà. Enfin, il faut aussi avoir envie de faire cette musique-là et avoir le niveau technique requis. L’ouverture d’esprit est primordiale. Nous sommes tous bienveillants les uns avec les autres, il y a beaucoup d’amour dans ce groupe. On a tous cette volonté d’aller de l’avant dans une énergie positive et que nous voulons bien sûr transmettre. Et il y a peut-être aussi cette nostalgie de livrer cette musique des années 80 et 90 avec laquelle nous avons grandi.   

– Sur ce nouvel album, vous faites le grand écart entre des styles très variés, voire opposés. Il faut être sacrément ouvert d’esprit et avoir aussi une solide culture musicale pour  entrer dans votre univers. Vous n’avez jamais eu peur de perdre des fans en route, ou d’avoir des difficultés à en séduire d’autres ?

C’est vrai, mais je pense qu’aujourd’hui comme tout est très rapide et très éphémère, nous avons eu l’envie de rendre notre musique plus accessible et plus directe. C’est vrai qu’il faut creuser, ce que nous faisons aussi nous-mêmes. Peut-être que pour le public, ça vaut aussi le coup de faire cette démarche. Notre volonté était quand même de faire quelque chose de plus immédiat et de plus facile à aborder. On affine aussi notre patte, car on se connait aussi de mieux en mieux. Peut-être qu’on maîtrise aussi beaucoup mieux toutes nos influences.

– Jusqu’à présent, vous étiez masqués. Or, vous vous en êtes débarrassés, alors qu’on commence tout juste à voir la fin de la pandémie. C’est une sorte de pied-de-nez à la situation que l’on vit ? Montrer une liberté encore plus absolue ? 

En fait, on en avait marre des masques pour plein de raisons. Tout d’abord, ça nous coupait du public. On était plus dans la performance que dans l’échange, parce qu’il se passe aussi beaucoup de choses au niveau du visage à travers les expressions. Et puis, c’est assez contraignant. Ca nous amusait, car c’était un peu comme une pièce de théâtre. Lorsqu’on entrait sur scène, on avait les masques mais pas en dehors comme lors des interviews, par exemple. On n’était pas comme Daft Punk ou Slipknot. Et avec la pandémie où tout le monde a été obligé d’être masqué, ça n’était plus drôle. C’était le bon moment pour prendre ce virage avec le changement de line-up aussi. On s’est dit que les masques avaient fait leur temps, et que c’était plus cohérent avec ce que nous avions à proposer aujourd’hui. Sur les albums précédents, on avait un peu exploré le ‘Freak Show’ en jouant aux super-heros. C’était moins en phase avec ce nouvel album, et on voulait être plus proche de notre public.