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No One Is Innocent : un combat politiquement Rock [Interview]

C’est avec un dixième album et une sérieuse envie d’en découdre que se présente NO ONE IS INNOCENT avec « Ennemis ». Près de 30 ans après leur formation, les Parisiens n’ont pas levé le pied et continuent leur ‘Combat Rock’, imperturbables aux modes et plus que jamais attentifs à notre société. Kemar, emblématique chanteur du groupe, revient sur l’élaboration de ce nouvel opus et livre aussi sur sa vision d’une époque en perdition. Le frontman a une fois encore trempé une plume acide, afin de livrer des textes engagés et directs. Entretien.

– Commençons par le titre de ce nouvel album, « Ennemis ». D’autres groupes s’y sont déjà essayés, mais il était toujours question de fiction ou d’histoires. Or là, vous les pointez du doigt certaines choses, laissant place à la réalité. Certes, vous êtes un groupe engagé depuis vos débuts, mais on vous sent beaucoup plus virulents. Et « Ennemis » est un titre très violent quand on y pense, non ?

C’est finalement un titre qui est en rapport avec l’évolution de la société médiatique, politique et économique… Il y a dans tous les titres cette notion d’ennemis qui transpire un peu à chaque fois, comme dans « Force du Désordre », « Humiliation », « Bulldozer »… En fait, ça revenait dans les discussions qu’on avait entre nous, et j’ai un peu synthétisé tout ça. Et puis, on a aussi senti qu’en ce moment il y avait des gens qui avaient une espèce de désir d’exister absolue avec cette tentation permanente de désigner un ennemi. Aujourd’hui, on existe constamment en désignant un ennemi ! Je pourrais t’en citer plusieurs qui sont justement dans cette position. On ne désigne plus les amis et c’est hyper-dérangeant.  

– En parlant de cet engagement que vous nourrissez depuis votre premier album, j’ai l’impression que c’est votre disque le plus politique, au sens noble du terme, jusqu’à ce jour. L’état de la société et le comportement de certains sont au cœur d’ « Ennemis ». Et vous dressez un constat, que je partage, très sombre et aussi très colérique pour ne pas dire plus. Il est grand temps de se réveiller ?

Oui, par rapport à des choses qu’on a banalisé. Aujourd’hui, on laisse une Marine Le Pen dire tout et n’importe quoi, on laisse un Zemmour aux télés, aux radios et à la candidature présidentielle, alors qu’il a été condamné pour incitation à la haine raciale et on laisse un Sarkozy faire la promo de son bouquin, alors qu’il a pris un an de prison ferme ! Il y a des choses dans la fonction politique qui déconnent et on banalise tout ça. On aurait pu donner à cet album un titre autour de la banalisation de plein de choses. C’est vrai qu’avec notre musique, on essaie de pointer du doigt tout ça pour alerter un peu.

– Depuis la sortie de « Frankenstein » il y a maintenant trois ans, notre société a subi beaucoup de choses, qui vont de la pandémie bien sûr jusqu’aux actions gouvernementales en France, mais aussi partout dans le monde (George Floyd, Black Live Matters, …). On ne vous a rarement senti si vindicatifs et rageurs. Et pourtant, on a encore le sentiment que vous en avez encore sous le pied. « Ennemis » aurait presque pu être beaucoup plus long, non ?

Oui, mais nous ne sommes pas le supermarché de l’engagement ! Ce qui nous importe avant tout, c’est d’écrire de la bonne musique ! C’est notre métier à la base. Sans bonne musique, a cappella, je ne ressemble à rien, tu vois ? (Rires)

– Sur « Ennemis », on retrouve Charles de Schutter à la production avec Shanka. C’est lui qui avait réalisé « Drugstore » (que je considère d’ailleurs comme votre meilleur album) et on retrouve ce son direct, brut et très massif. Là encore, il n’y a aucune fioriture et des arrangements très efficaces. On sent une certaine urgence dans vos morceaux. C’est ce que vous aviez en tête dès le début de la composition, puis de l’enregistrement ?

C’est très bizarre, car nous avons beaucoup composé pendant la période de confinement. Dans notre rythme, il n’y avait pas de notion d’urgence. Nous nous sommes focalisés sur le son en nous demandant ce que nous pouvions écrire et ce qui pourrait nous surprendre. Shanka est allé chercher un peu du côté des musiques orientales et indiennes notamment. Peut-être que les gens ne vont pas capter toute de suite ces influences-là, mais en tout cas, elles ont été déterminantes sur « Force du Désordre », « Armistice » ou certains mouvements dans « Les Hyènes de L’info », par exemple. On voulait aller chercher un peu ailleurs pour les intégrer aux compos et pas forcément seulement au son.      

– Cela n’empêche nullement le gros travail que vous avez effectué sur la production, qui est très soignée. Et puis, il y a cette irrésistible impression d’énergie live et toujours très fédératrice et communicative. Vous pensez à la scène en composant vos morceaux, car certains refrains vont faire très mal…

On a un mode de fonctionnement bien à nous. Il faut aussi savoir que nous sommes toujours de l’école du riff. On cherche encore le riff ultime, c’est toujours notre démarche. Il faut que la compo, à un moment donné, fasse bouger le chanteur physiquement. C’est un mot d’ordre chez nous. Tout le monde le sait et tout le monde le sent. Quand je commence à ressentir quelque chose, c’est que c’est bon.

– Il y a aussi « Armistice », qui se place au milieu de l’album et qui est une sorte d’interlude. Pourtant, et malgré son titre, on ne sent pas beaucoup de sérénité…  

Il l’est dans le sens où, tout autour, c’est la guerre. Au départ, j’avais proposé à Shanka de chanter un morceau avec moi, car j’aimais bien l’idée. Il n’était pas très chaud, alors je lui ai proposé de regarder parmi tous ses instruments quelque chose qui pourrait sortir de l’ordinaire. On avait comme référence « Planet Caravan » de Black Sabbath. Et comme depuis quelques temps, il s’est mis à la viole de gambe, et qu’il est extrêmement doué, on lui a laissé toute liberté, car ça nous plaisait beaucoup et nous avions aussi besoin d’un morceau comme ça.  

– A propos de scène, vous qui donnez l’impression de ne jamais vous arrêter, le confinement, puis la privation de concerts, ont dû avoir un énorme impact sur le groupe. Comment avez-vous vécu cette (trop) longue période de repos forcé ?

On a eu de la chance, parce que nous avons terminé la tournée fin 2019 et quand le confinement est arrivé, on avait déjà commencé à composer un peu le nouvel album. On n’a pas du tout ressenti de frustration live, parce qu’on était pleinement dans l’élaboration d’ « Ennemis ». Finalement, ça a été un moment de réflexion. Personnellement, ça m’a fait beaucoup de bien, car j’ai besoin que mon corps et mon cerveau soient hyper-posés pour être bien et composer. Paradoxalement, ce confinement nous a fait du bien.

– D’ailleurs, je me posais la question récemment. Je vous suis depuis vos tout débuts et c’est toujours assez difficile de nous définir. Rock, Hard-Core ou Metal, votre leitmotiv reste le combat, la revendication et surtout la prise de conscience, non ? C’est quelque chose qui ne vous quitte pas…

Oui, c’est vrai. Dans une démarche de compo, je dis souvent aux gars qu’il faut que notre musique raconte une histoire. Même si j’ai des thèmes dans mes tiroirs, j’ai besoin que l’instrumental raconte déjà une histoire. C’est ça qui fait qu’on arrive à donner un vrai liant entre ce qui est raconté et ce qui est joué.

– « Ennemis » est aussi votre dixième album studio. C’est toujours un cap particulier dans la carrière d’un groupe, car il marque une étape importante. Vous y avez pensé, ou pas du tout ? Vous aviez la volonté de marquer encore plus les esprits avec « Ennemis » ?

Non, on n’est pas dans le comptage ou la nostalgie. L’album n’est pas plus important qu’un autre. Il marque l’histoire d’un groupe qui est ensemble depuis des années, qui construit ensemble et qui se connait bien. Nous avons une façon de composer apaisante. Il n’y a pas d’histoire égo entre nous, car on cherche le meilleur de nous-mêmes. C’est juste la bonne évolution d’un groupe qui aime faire de la musique ensemble.

– En 2021, la scène musicale française n’est plus aussi contestataire ou engagée comme elle a pu l’être par le passé, alors que nous vivons dans une société de plus en plus inégalitaire. Comment l’expliques-tu, alors que les intérêts ont changé pour devenir essentiellement individuel au détriment du bien-être collectif ?

Il y a une grosse influence des réseaux sociaux. La consommation de la musique n’est plus la même, on est plutôt dans la quantité que dans la qualité. Aujourd’hui, il faut produire, produire, produire… On est peut-être moins dans l’exigence au niveau de la qualité de la musique. Après, l’engagement fait partie de l’ADN d’un groupe, ou pas…

– Oui, mais pourtant dans les années 80 et 90, c’était quand même autre chose…

Oui, c’est vrai. On était aussi poussé par des groupes comme Rage Against The Machine, Nirvana et d’autres qui ont été moteurs à leur façon d’un certain engagement propre à chacun d’eux. Et malheureusement, il y a aussi eu l’avènement d’un Hip-Hop, d’une Trap Music qui ne veut plus rien dire, qui n’explique plus rien, qui se noie dans de la prod’ minimaliste et des textes qui n’ont plus de sens. Alors, tout d’un coup, tu as une nouvelle génération très influencée par tout ça et qui se perd dans une espèce de truc mielleux et mièvre. Finalement, c’est très contradictoire car, aujourd’hui, il devrait y avoir de la colère partout. Cela dit, l’exposition médiatique de musiques comme la nôtre ou d’un Hip-Hop un peu rageur n’existe pas, parce qu’il faut que ce soit lisse, il ne faut pas que ça déborde et il ne faut pas trop d’engagement. En fait, ça ne donne peut-être pas envie à une nouvelle génération d’aller vers cette forme-là de musique, parce qu’ils savent pertinemment qu’ils vont rester dans une niche et dans l’ombre. Nous, ça fait 30 ans qu’on est là. On s’est construit autour de ça et c’est peut-être plus facile d’être écouté par rapport à un groupe qui commence aujourd’hui, ou même il y a cinq ans.

« Ennemis » de NO ONE IS INNOCENT est disponible depuis le 1er octobre chez Verycords.

Retrouvez la chronique de l’album :

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Orpheum Black : une dualité constante [Interview]

Très aéré et remarquablement bien produit, ce premier album d’ORPHEUM BLACK est la vraie belle surprise de cette rentrée. Ancré dans un Rock aux atmosphères progressives et même Metal par moment, « Sequel(s) » étonne par la diversité dont il fait preuve. Sur cet  album-concept, le groupe déroule un fil d’Ariane où la narration tient un rôle essentiel, tout comme le visuel sous toutes ses formes. Entretien avec Mélodie (chant, claviers) et Greg (chant, guitare)…  

– Vous êtes tous originaires d’Orléans et vous vous connaissiez tous avant de monter ORPHEUM BLACK en 2019. L’année suivante, vous sortez « Act 1 » qui a été très bien accueilli. C’est le fait de partager une même vision musicale qui a autant accéléré les choses ?

Greg : En fait, au moment de monter le projet ORPHEUM BLACK, nous avions tous plus ou moins dix années de “vie de groupe” avec des tournées, des albums et des concerts à nos actifs. Romain (guitare – NDR) et moi étions dans le même groupe et, forcément, il y a des automatismes qui étaient toujours présents. Nous étions passionnés et excités à l’idée de reformer un groupe. Pour ma part, j’avais très envie de chanter avec Mélodie et cela m’a probablement donné des ailes pour avancer plus vite. Nous voulions tous remonter rapidement sur scène et nous nous sommes servis de nos expériences passées pour prendre quelques raccourcis et éviter certains pièges.

Mélodie : Effectivement, nous avions, dès le début du projet, la volonté de travailler sur des ambiances et un duo vocal. Nous avons tâtonné au départ, pour trouver un fil conducteur, une “patte” commune à laquelle chacun de nous puisse s’identifier, mais tout en ayant pour objectif de sortir un EP pour pouvoir rapidement proposer un contenu live cohérent, car c’est aussi ce qui nous anime !

– Malheureusement, comme beaucoup, vous avez été stoppés net par la pandémie. Comment avez-vous vécu cette période artistiquement très silencieuse ? Il semblerait que vous en ayez profité pour avancer encore plus sur votre projet…

Greg : A la base, « Sequel(s) » devait sortir à la rentrée 2020, nous avons donc écrit une bonne partie pendant la pandémie. Nous avons tâché de mettre à contribution tout ce temps dont nous disposions pour mettre en forme nos idées, beaucoup parler sur la direction à prendre et sur ce que nous voulions transmettre. Une bonne partie de l’album à été écrite pendant que nous étions bloqués chez nous sans nous voir. Heureusement, nous avons la chance d’être tous plus ou moins équipés d’un home-studio, ce qui nous a permis d’enregistrer des maquettes et de continuer à créer même à distance. Dès que nous avons pu nous revoir, nous avons passé beaucoup de temps ensemble, en studio, pour mettre nos idées en commun et relancer la dynamique que nous avions afin de tenir nos délais. Nous étions prêts pour la rentrée, mais nous nous sommes finalement abstenus de sortir l’album compte-tenu de l’ambiance “fin du monde”, et avons pris la décision de reporter d’une année. Nous étions donc en avance, il fallait que nous restions actifs et avons consacré ce temps à approfondir notre univers et en le liant à celui du cinéma, notamment par le biais des trois clips que nous avons sortis.

– Vous venez donc de sortir votre premier album, « Sequel(s) », qui est particulièrement réussi tant au niveau des compos que de la production. Commencer par un album-concept est assez audacieux. C’était l’idée de départ, ou est-ce que celle-ci a doucement fait son chemin ?

Greg : Disons que c’était d’abord une volonté de départ que de développer un projet artistique avec une approche holistique. Le nom ORPHEUM BLACK faisant référence au théâtre, nous voulions dès le départ aller “plus loin que la musique” sans trop savoir comment nous y prendre. Avec le report de la sortie de l’album, nous nous sommes vus gratifiés d’une année supplémentaire pour réfléchir et approfondir une histoire, créer des ponts entre les courts-métrages qui sont sortis…

Mélodie : Le brassage des arts faisait partie du “cahier des charges” initial. On trouve que c’est une vraie opportunité de collaborer avec des artistes réalisateurs, photographes, designers… Néanmoins, la mise en place de ces collaborations s’est pensée au fur et a mesure, et nous sommes en perpétuelle réflexion sur la suite !

– L’album est musicalement très riche avec beaucoup de variations, des atmosphères Rock très appuyées et des passages très aériens. Et « Sequel(s) » est un disque très narratif dans sa progression. Pourriez-vous nous parler de cet univers si particulier ?

Greg : Avec notre premier EP, nous ne savions pas trop où aller et nous avons voulu expérimenter, sur cinq morceaux, le champ des possibles : de la ballade Rock au Metal plus intense. Avec « Sequel(s) », nous avons affiné notre style en nous concentrant sur ce qui fait la “touch” ORPHEUM BLACK, à savoir les ambiances, les atmosphères et le duo vocal. Dans l’ensemble, la ligne directrice fut de composer des morceaux aux structures peu complexes, mais fortement arrangées et enrichies tout en explorant d’autres aspects qui nous étaient encore inconnus, comme l’intégration de cordes frottées, de machines, de piano…

– « Sequel(s) » a été composé comme une odyssée et il existe une vraie connexion entre les morceaux. Justement, vous avez conçu l’album de manière globale, ou titre par titre ?

Greg : Un des thèmes principaux de l’album est “la connexion”. A la base, les morceaux ont pour la plupart été pensés indépendamment, mais à mesure que nous avancions, nous avons cherché à créer du liant entre eux. Cela passe bien sûr par l’histoire que nous racontons au fil des neuf chansons, mais les plus curieux trouveront des connexions “inter-morceaux” au niveau des champs lexicaux, des sons utilisés, des arrangements… Il y a même des lignes de chant et des thèmes qui sont réutilisés (le refrain de « Strangest Dream » repris dans le morceau qui clôture l’album, « Way Back Home »).

Mélodie : Cela permet d’avoir deux niveaux de lecture de nos morceaux : celui du texte isolé, et ce qu’il raconte dans son contexte. Chaque titre peut vivre indépendamment et raconte une histoire qui peut parler à chacun !

– Vous dites vous inspirer de références cinématographiques et théâtrales. Comment est-ce que cela se traduit dans votre approche de l’écriture et de la composition notamment ?

Greg : Il faut imaginer ces neuf morceaux comme la bande originale d’épisodes d’une même série. Comme au cinéma, il y a des alternances entre les moments plus intenses et les moments plus calmes, des cliffhangers, des résolutions… Cela passe également par la façon dont nous avons tourné nos clips, notre volonté d’avoir travaillé avec différents réalisateurs aux pattes bien distinctes, les visuels, la pochette de l’album qui ressemble à une affiche de film…

– L’une des particularités d’ORPHEUM BLACK est aussi cette dualité vocale, féminine et masculine. Comment travaillez-vous les parties de chant ? Et comment vous répartissez-vous les rôles et est-ce que chacun écrit ses propres parties ?

Greg : En parallèle de l’instrumental, avec Mélodie, nous nous voyons à part et nous discutons (beaucoup !) des thèmes que nous voudrions aborder. Nous sommes très proches dans la vie également et cela facilite ce processus, c’est une vraie force que nous mettons à contribution de l’écriture. Puis, lorsque nous sommes d’accord, soit nous écrivons à deux, soit l’un de nous apporte les éléments de base, puis nous les modifions à deux. Enfin, nous trouvons une top-line et cherchons des harmonies possibles lorsque c’est nécessaire. Puis nous mettons tout en commun sur les temps de répétition, afin de faire valider par tout le monde.

Mélodie : Au-delà de l’écriture, il y a tout un travail sur l’harmonisation musicale. Nous avons mis du temps à trouver un bon équilibre, nos deux voix sont complémentaires la plupart du temps, mais nous essayons aussi d’utiliser nos différences pour renforcer les nuances, et c’est sur chaque nouveau titre un nouveau challenge !

– Enfin, vous mettez également l’accent sur les vidéos qui semblent même indissociables de l’univers d’ORPHEUM BLACK. Vous le voyez comme un prolongement de l’album, ou plutôt comme un complément ?

Greg : L’écriture des textes a beau être abstraite, l’image force un niveau de lecture bien spécifique. L’aspect graphique, qu’il s’agisse des clips ou des visuels, nous permet de créer une autre porte d’entrée vers notre univers. J’invite volontiers les gens qui veulent se plonger dans ce que nous avons à proposer à visionner les clips, dans l’ordre si possible (« Strangest Dream », « Unsaid Forever », « Together and Alone » et… le petit prochain qui arrive courant novembre !). Ils sont à la fois complémentaires… et indissociables !

« Sequel(s) », l’album d’ORPHEUM BLACK, est disponible depuis le 24 septembre chez Blood Blast.

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Orkhys : Pagan Metal [Interview]

Après un bon premier EP (“Awakening”), ORKHYS n’a pas perdu de temps et sort son premier album, « A Way », qui vient confirmer les belles choses entrevues sur son premier effort. Dans un registre Metal, qui pioche beaucoup de branches allant du Black au Symphonique et du Pagan au Celtique, le groupe s’est construit une identité originale et inspirée. Laurène Telennaria (chant, harpe) et Brice Druhet (guitare) reviennent sur un parcours mené tambours battants.  

Photo : Eloise Le Névanic

– La dernière fois que je vous ai interviewé, c’était à l’occasion de la sortie de « Awakening », votre premier EP trois titres. Quel accueil a-t-il reçu et comment avez-vous vécu les débuts discographiques d’ORKHYS ?

Laurène : Eh bien, notre EP a été plutôt très bien reçu ! Nous sommes vraiment ravis de l’accueil que le public et la presse lui ont réservé, ce qui n’était pas gagné pour un groupe qui vient tout juste de fêter son premier anniversaire et qui est composé de membres pour qui cet EP était la première expérience de studio et de réalisation !

Brice : Je ne m’attendais pas à un tel accueil, toute proportion gardée évidemment. Ca fait bizarre après avoir passé quasiment 10 ans à composer et gratouiller seul dans sa chambre !

– A l’époque, vous m’aviez dit que vous souhaitiez enchainer avec un autre EP de cinq titres cette fois. Or, vous revenez avec « A Way », un album complet. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’idée ?

Laurène : Je pense que ça a été l’accueil de notre cover de « The Clansman » (Iron Maiden – NDR) et les demandes de figuration de ce morceau sur l’album. On avait aussi envie d’intégrer un bonus instrumental, car on s’est rendu compte que les orchestrations de « A Brand New World » et « The Devil & the Impudent » déchiraient ! Brice les a donc liées dans un seul et même morceau. Au début, on appelait notre disque un « EPum », hydride d’EP et d’album, mais notre attaché de presse, Roger de Replica Promotion, nous a conseillé de communiqué sur un album.

Brice : On a mis ce qu’on avait envie de mettre et au final on s’est dit : « Mais il est vachement gros pour un EP, dites donc ! ». Et voilà !

– Vous démarrez l’album avec une intro, ce qui est de plus en plus rare. C’est une manière de présenter l’ambiance générale de « A Way » ? Qu’est-ce qu’elle signifie par rapport aux morceaux de disque ?

Laurène : Personnellement, j’adore les albums avec intro, cela permet de poser justement une envie, une ambiance ; c’est un prélude à ce qui va se passer. Cela prépare et met en condition pour la suite !

Laurène – Photo : Eloise Le Névanic

– Avec « A Way », on a vraiment l’impression que vous avez parfaitement défini les contours de l’univers d’ORKHYS, qui est fait d’un esprit Pagan mêlé à des atmosphères symphoniques et très Metal. L’objectif est atteint ?

Laurène : L’univers d’Orkhys est assez vaste et on ne souhaite pas se coller d’étiquette. L’album « A way » représente nos envies du moment, un savant mélange de Folk Pagan, de Black, de Thrash, de Heavy et une furieuse envie d’être Metal !  Qui sait à quoi ressemblera le ORKHYS de demain ? On en a une petite idée, mais on ne veut pas s’enfermer, on souhaite garder notre liberté d’expression.

Brice : On ne se pose pas trop la question en fait. On fait et on voit si ça le fait. On a des idées pour la suite, et en tout cas on va tout faire pour conserver notre identité sans tomber dans la routine.

– Sur ce premier album, vous avez confirmé la maîtrise d’un équilibre musical entre certains passages dans l’esprit Folk et épique en contraste avec des éléments de Metal extrême. Il n’y a décidemment rien de linéaire chez ORKHYS…

Laurène : Nous jouons les styles de musique que nous aimons, et comme nous apprécions des genres musicaux variés et nombreux, cela fait un bon mélange !

Brice : On ne veut pas se limiter à un seul style, ça irait hyper frustrant pour nous. Il y a déjà des groupes qui excellent dans chacun des sous-genres de notre musique préférée. Du coup, notre défi est de faire un petit cocktail en prenant des ingrédients à droite et à gauche et de faire en sorte que ça fonctionne.

Brice – Photo : Eloise Le Névanic

– Vous reprenez également « The Clansman » d’Iron Maiden, extrait de « Virtual XI » sorti en 1998, qui n’est pourtant pas un standard du groupe et qui est d’ailleurs chanté par Blaze Bayley. Pourquoi ce morceau ? Vous avez l’habitude de le jouer sur scène ou en répétition ?

Laurène : C’est un morceau que nous adorons tous les deux Brice et moi et à la base. Nous voulions juste le reprendre en cover sur YouTube en l’ ‘Orkhysant’, comme nous avions pu le faire pour « Pieces Of You » d’Annihilator. Le morceau a eu un tel accueil et reçu des demandes quant à sa figuration dans l’album à venir, que nous avons décidé de faire une version améliorée de notre premier jet et de le faire figurer sur l’album.

Brice : J’ai tellement fait chier tout le monde pour faire une reprise de Maiden qu’on a réussi à tomber d’accord sur ce titre qui, d’une part, se marie bien à notre univers et d’autre part change des 300 reprises de « Trooper » ou de « Fear Of The Dark ». J’ai personnellement énormément de sympathie et de respect pour Blaze et les albums qu’il a fait avec Maiden. Sa carrière solo est également extrêmement qualitative. Je pense qu’il s’en ait pris plein la tronche assez injustement. Bref, avec Blaze, Bruce ou Paul, Maiden reste Maiden ! On la joue en répèt’ et aussi de temps en temps en live.

– Sur « A Way », il semble également que la harpe ait pris une place plus importante, qui contribue vraiment à l’identité musicale d’ORKHYS. Est-ce que c’est difficile à intégrer dans un environnement très Metal comme le vôtre ?

Laurène : C’est vrai que j’avais demandé à Brice, qui compose les morceaux, s’il lui était possible de rajouter un peu plus de harpe, sans toutefois l’imposer. Le groupe n’a pas été créé autour de la harpe, donc son apparition n’est pas obligatoire. Il a su répondre à ma demande tout en faisant passer au premier plan la cohérence musicale.

Brice : Encore une fois, ça s’est fait comme ça, sans trop y réfléchir à part ce souhait exprimé par Laurène. J’ai essayé de le prendre en compte, sans non plus trop me forcer à mettre de la harpe pour mettre de la harpe. Peut-être qu’il y en aura encore davantage par la suite, ou beaucoup moins, on a une idée grossière de ce que l’on veut, mais on calcule très peu de choses à l’avance. On écrit et compose d’abord et on réfléchit après.

– Avec un EP et un album, vous disposez maintenant d’un set conséquent. Une tournée est-elle prévue dans les mois à venir, maintenant que la situation sanitaire s’est vraiment améliorée ?

Laurène : De nombreux concerts sont prévus, nous avons quatre dates sur cette fin d’année, dont deux sur Paris (le 03/10 et 20/10), une à Vitré en Bretagne (le 20/11) et une au ‘Festival de l’Avesnement’ dans le Nord (le 27/11).

Brice : On est aussi en discussion pour faire une mini-tournée avec les copains de Hopes of Freedom, qui sont de Caen avec qui on avait déjà joué avec notre ancien groupe à Laurène et moi, et Adaryn qui sont de Rouen et que certains ont déjà pu découvrir au ‘Cernunnos Pagan Fest’ !

L’album d’ORKHYS, « A Way », est disponible depuis le 17 septembre chez M&O Music.

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France Metal Progressif Rock

Pat O’May : une créativité très narrative [Interview]

Réaliser un album-concept était la seule corde qui manquait à l’arc très tendu du compositeur, guitariste et chanteur PAT O’MAY. C’est chose faite avec ce très bon « Welcome To A New World » toujours très Rock, où sur une heure, il nous fait voyager dans l’univers de No Face, personnage qui guide l’histoire musicale contée par le musicien. Progressif et lorgnant parfois sur le Hard Rock et le Heavy Metal, ce nouvel album révèle une fois encore la créativité débordante du Celte, qui a mené ce projet de main de maître.

Photo : Mat Minat

– Il y a eu « One Night In Breizh Land » en 2018, ton dernier album solo date de 2016 (« Keltia Symphonia ») et plus récemment tu as participé à United Guitars. Concernant cette dernière collaboration, comment as-tu appréhendé le projet, et est-ce que cela t’a donné l’opportunité de sortir un peu de tes habitudes ?

Oui vraiment, car c’était la première fois que je co-écrivais un morceau. Je n’avais jamais fait ça. Je l’avais déjà fait pour des textes avec James Wood, mais jamais au niveau musical. Du coup, c’était intéressant de travailler avec Ludo Egraz. On a fait ce morceau et on s’est bien marré ! Mais pour que ça reste exceptionnel, je ne participerai qu’une seule fois à United Guitars, sans exclure de venir jouer en live avec eux, bien sûr.

– Après de multiples collaborations, tu reviens en solo avec « Welcome To A New World ». C’est ton premier album-concept et on sait que c’est une démarche particulière au niveau de l’écriture. Comment as-tu construit cet album ? De manière globale ou, malgré tout, titre par titre ?

De manière complètement globale ! D’habitude quand j’écris des morceaux pour un album, je me demande ensuite dans quel ordre je vais les mettre pour que ce soit cohérent. Cette fois-ci, et comme j’aime bien raconter des histoires, c’est ce que je voulais encore faire mais sur une heure. Je suis parti sur cette idée-là et je suis aperçu que cela s’appelait tout simplement  un concept-album! (Rires) Comme je suis très spectateur de mon inspiration, quand ça me plait, je la fixe. Et c’est comme ça que je suis parti sur le premier titre. Ensuite, je voulais que tous les morceaux soient reliés par un sound design. Pour le second titre, j’ai juste pris ma guitare sur la nappe de fin, ce qui a donné naissance au morceau suivant. Et tout l’album s’est construit comme ça. C’est une sorte de fil d’Ariane que tu tires et l’ordre dans lequel tu écoutes l’album est le même que celui de l’écriture. Tout a été assez fluide en fait.  

Photo : Mat Minat

– Tu décris « Welcome To A New World » comme un album construit sur un design sonore. C’est d’abord la musique et son esthétisme, ou les textes, qui t’ont guidé ?

C’est d’abord la musique. Et c’est au quatrième morceau que ce personnage de No Face est arrivé. Je voulais écrire ce voyage-là, mais je me suis demandé au bout d’un moment qu’elle était la thématique. Je bricolais pour faire une pochette et je suis tombé sur ce fond vert, puis sur ce businessman sans visage, sans rien. Alors, je suis allé dans mon Photoshop. (Rires) Et puis, j’ai commencé à faire cette pochette-là et tout le texte est venu comme ça. J’ai compris que c’était ça qu’il fallait que j’exploite.

– Comme toujours, on retrouve dans ton jeu différentes sonorités musicales et même plusieurs langues. C’est important pour toi de conserver cette universalité ?

Ah oui, bien sûr ! Pour moi, tous les styles sont des outils, au même titre que la guitare. J’essaie de ne jamais faire de la guitare pour faire de la guitare. Ca ne m’intéresse pas. Si j’ai besoin de deux notes, j’en mets deux. Si j’en ai besoin de 40, je travaille pour avoir la technique pour pouvoir en utiliser 40. Pour la musique, c’est la même chose. Si j’ai besoin d’un truc plus Metal pour raconter quelque chose, c’est ce que je vais prendre. Parfois, je suis seul avec une guitare nylon, parce que c’est ce qu’il faut à ce moment-là.

– Tu signes l’intégralité de l’album, tu l’as co-mixé avec Bryan Roudeau et il a été masterisé à Abbey Road, un gage de qualité supplémentaire. C’est important pour toi d’être présent à toutes les étapes de la réalisation et aussi de produire l’album ?

Ca commence à devenir une longue histoire avec Abbey Road, car c’est déjà le quatrième album que je masterise là-bas avec Alex Wharton. C’est aussi devenu une histoire d’amitié. C’est un magicien du mastering. Pour moi, il fait partie du top Ten mondial, c’est véritablement un artiste. Il n’est pas là pour faire en sorte que tout rentre dans la boîte, il y apporte vraiment son sens artistique. Il pousse ce que tu lui as amené. Pour la production, quand je suis parti en solo, je me suis acheté ma liberté. Je peux faire ce que je veux. Je n’ai pas de compte à rendre à une esthétique de groupe, par exemple. Et c’est vrai que maintenant, j’aime maîtriser la production, l’enregistrement et le mix. En revanche, pour le mastering, c’est au-delà de mes compétences. J’ai aussi fait le artwork. Ce n’est peut-être pas le meilleur du monde, mais c’est celui qui correspond le mieux à l’album et c’est ce que je voulais raconter.

Photo : Mat Minat

– L’album sonne très Progressif avec des touches Hard Rock et Classic Rock. Est-ce qu’un album-concept offre une plus grande liberté et nécessite aussi d’une certaine façon de se recentrer sur son jeu en se livrant un peu plus ?

Pas forcément, parce que je suis très spectateur de tout ça. Je suis juste là pour mettre en forme les idées qui me viennent. Il faut d’abord que ça me fasse vibrer, sinon ça n’a aucun sens.

– Une tournée va suivre. Est-ce que tu penses déjà à une mise en scène particulière, étant donné qu’il s’agit d’un album-concept ?

Oui, on a une scénographie qui est en place et sur laquelle on a travaillé tous les aspects avec un éclairagiste, etc… On vient de finir une résidence de plusieurs jours à Nancy avant la date parisienne (ce soir au Café de la Danse – NDR). Il y aura aussi des vidéos… sur lesquelles j’ai aussi travaillé évidemment ! (Rires) J’adore ça, ça me passionne ! Ce qui m’excite le plus, c’est la création. Je ne vois pas l’intérêt de faire deux fois le même album. J’essaie de toujours faire quelque chose de différent. Il n’y a aucun jugement de valeur sur les autres groupes, c’est juste ma façon de faire, toujours avec des choses neuves. Par exemple, sur « Welcome To A New World », c’est la première fois qu’on enregistre tout le monde en live. On l’a fait à l’ancienne, car je voulais vraiment retrouver un son très organique. Et puis, j’ai deux musiciens fabuleux et nous sommes vraiment connectés. Au-delà de la musique, il y a du poids dans les notes.

– Justement étant donné le format de l’album, vas-tu le jouer dans son intégralité et chronologiquement ?

Complètement ! Et puis, on n’a pas le choix, sinon ça n’aurait pas de sens, l’histoire serait biaisée. On va le jouer dans son intégralité et après on fera un petit rappel d’une quarantaine de minutes ! (Rires) On va jouer d’anciens morceaux que les gens ont envie de retrouver, d’entendre et nous aussi de jouer. 

– Pour conclure, sur « Welcome In A New World », comme dans l’ensemble de ta carrière, il y a toujours un lien avec la Bretagne ou le monde celtique. Comment est-ce que tu définirais cet attachement et la nécessité de sa présence dans ta musique ?

Je crois que c’est devenu atavique. Je pense que je ne le contrôle pas, en fait. On me le fait souvent remarquer, alors que je ne m’en rends même plus compte. Et c’est vrai que ce soit dans les chorus ou les progressions d’accords, on retrouve la musique celtique. C’est très intéressant d’ailleurs. C’est un style de jeu construit année après année… dans un dur labeur. L’effort, quoi ! (Rires)

L’album « Welcome To A New World » de PAT O’MAY est disponible depuis le 17 septembre chez ArtDisto/L’Autre Distribution.

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France Metal

Festival 666 : la bête fait son retour [Interview]

Après une édition 2020 annulée en raison de la pandémie, le Festival 666 remet le couvert les 20, 21 et 22 août prochain à Cercoux en Charente. Cette année, ce sont trois jours de concerts qui attendent les spectateurs avec une affiche toujours essentiellement française dans laquelle l’ex-Motörhead Phil Campbell s’est glissé. Tous les styles de Metal sont représentés, de quoi ravir celles et ceux privés de décibels depuis de trop longs mois. Revue d’effectif avec Victor, organisateur du festival, qui revient aussi sur les conditions un peu particulières de cette nouvelle édition.

– Pour commencer, j’imagine qu’en ces temps de pandémie, cela doit être une joie et une grosse satisfaction que cette troisième édition ait lieu après le report de l’an dernier ?

Oui, on est vraiment super content de pouvoir enfin organiser notre troisième édition. Ca fait un an et demi qu’on attend ça. J’ai franchement hâte de retourner dans les pogos et d’accueillir vos festivaliers à Cercoux.  

– Justement, est-ce que vous avez conservé l’essentiel de l’affiche de 2020, et dans quelles conditions cela a-t-il pu se faire ?

En fait, on a pu conserver tous les groupes. En 2020, nous devions faire ça sur deux jours et au moment du report, ils ont tous répondu présents pour 2021. Mais je n’avais pas simplement envie de dire qu’on reportait, de dire à chacun garder ses billets pour l’année prochaine, donc on a ajouté une troisième journée avec une programmation supplémentaire. Et les détenteurs du pass 2 jours rentreront gratuitement la troisième journée.

– Comment se sont passés ces derniers mois ? Vous avez continué à travailler presque normalement en espérant que le festival puisse quand même se maintenir ?

On était dans l’idée de faire le festival cet été quoiqu’il arrive. On ne voulait pas être encore dans le doute par rapport au lancement de la billetterie et à la programmation. On a continué à aller de l’avant. En ce qui concerne les contraintes sanitaires, nous nous sommes mis dans les pires conditions possibles. Dans le doute, on a limité la jauge à 1.000 personnes/jour et on demande le pass sanitaire. On a aussi agrandi la surface du festival en se mettant en open-air.

No One Is innocent sera l’une des têtes d’affiche du festival… quelques semaines avant la sortie de son nouvel album !

– Petite nouveauté, l’ancien Motörhead Phil Campbell sera de la partie. Pourquoi est-il le seul étranger et comment cela s’est-il passé pour le programmer ? Vous avez du mettre certaines choses en place spécialement pour l’accueillir ?

Son management s’occupe de tout ce qui est sanitaire. Au départ, il s’était abonné sur notre compte Instagram et comme j’avais été assez honoré, je lui avais envoyé un petit mot pour le remercier. Il nous a répondu en nous disant : « pourquoi ne pas venir jouer dans votre festival ? ». J’ai tout de suite contacté son agent et on a mis tout ça en place.

– Vous avez une affiche très variée en termes de styles avec Mass Hysteria, No One Is Innocent, Loudblast, Trepalium, Sidilarsen et d’autres. Etant donné la situation, vous n’avez pas été assailli de demandes, sachant en plus que les groupes français seraient prioritaires ? Il a fallu faire des choix difficiles, ou pas ?

Tous les ans, on reçoit beaucoup de demandes, mais c’est vrai que cette année, nous en avons reçu plus de d’habitude surtout quand les groupes ont appris qu’on programmait une journée supplémentaire. Dans ces cas-là, on privilégie toujours les groupes locaux, parce que c’est sympa aussi de faire jouer des formations de la région. D’ailleurs, Carbone sera là sur la troisième journée.  

– Etant donné les difficultés rencontrées par les festivals, est-ce que les groupes ont fait un effort particulier financièrement, ou pas du tout ?

En fait, je n’ai pas été témoin d’une inflation, ou de l’inverse, concernant le cachet des artistes ou de leurs conditions. Lorsque j’ai reporté les groupes de 2020 à 2021, cela a été fait à l’identique. Du coup, par rapport à d’habitude, il n’y a pas de différence pour nous.

– Vous êtes l’un des rares festivals de Metal de cette envergure à avoir lieu cette année. J’imagine qu’il doit y avoir une certaine fierté et peut-être aussi un peu de pression, non ? Les projecteurs seront braqués sur le Festival 666…

C’est vrai qu’on va nous porté une attention plus importante que d’habitude. On est très content et fier d’être là, parce que cette année est aussi pour les petits festivals une belle occasion de montrer que nous valons. Tout le monde a l’opportunité de faire quelque chose de bien. On est sérieux et très motivés, et ça permet de montrer aussi qu’on  est vivant !

Fer de lance de la scène Death/Thrash française depuis 30 ans, Loudblast sera également de la partie !

– Actuellement, vous en êtes où des réservations ? Reste-t-il encore des pass 3 jours ou des billets à la journée ? Et comment peut-on encore se les procurer ? (Interview réalisée le 12/07 – NDR)

Nous avons lancé la billetterie il y a un mois et demi. 20% des billets sont partis en deux heures, ce qui nous a vraiment ravi. On n’imaginait pas qu’il y aurait autant de demandes. Actuellement, nous en sommes à 70%. Nous allons aussi lancer des pass à la journée, ce qui est une première pour le festival.

– Pour conclure, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour cette troisième édition et quelle serait votre plus grande satisfaction à l’issue de ces trois jours ?

Déjà qu’il fasse beau ! Jusqu’à présent, on a été très chanceux de ce côté-là. Les préventes sont aussi très bonnes. Les gens ont aussi hâte de revoir des concerts et on espère que ce sera une belle fête !

Infos et réservations sur le site du festival : https://www.festival666.com/

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Doom France Metal Progressif

Welcome-X : un groove sismique [Interview]

Conçu sur les bases d’un Metal Progressif à multiples facettes, WELCOME-X ne se refuse aucune incartades, qu’elles soient Jazz, Doom ou plus extrêmes et c’est ce qui fait sa force. Le quintet vient tout juste de livrer un « Vol.2 » à travers lequel il continue d’explorer de bien belle manière des horizons musicaux inattendus et particulièrement saisissants. Entretien avec Phil Bussonnet, bassiste et compositeur du groupe.

– Tout d’abord, un petit mot sur votre concert de vendredi dernier (interview réalisée le 05/07) au Triton aux Lilas, près de Paris. Comment ça s’est passé ? J’imagine que ça doit être un grand plaisir de retrouver la scène après tout ce temps ?

C’est vrai qu’en dehors d’un festival au mois d’août de l’année dernière en Bretagne, on n’avait pas rejoué du tout depuis et ça fait quand même très long. Ca ne m’est jamais arrivé de toute ma vie de rester aussi longtemps sans faire de scène. C’était vraiment un bonheur ! Même si la jauge est limitée et les gens masqués, tout le monde était content et on sentait une énergie vraiment étonnante.

– Restons un peu au Triton, puisque vous y avez enregistré ce deuxième album, et il y est même produit. C’est votre base ? Quels sont vos liens avec l’endroit ?

Ce sont des gens avec lesquels je travaille depuis très longtemps avec qui on a réalisé beaucoup de choses et différents projets. En ce qui nous concerne, ils sont plus ou moins producteurs. Pour l’album, on a transformé le club en studio, on y a fait toutes les prises et ils prennent toutes les charges de production à leur compte, c’est-à-dire le mix, le pressage et la distribution. C’est un partenariat très précieux pour moi. Et surtout, ils nous laissent toute latitude sur le disque au niveau artistique. Nous sommes complètement libres. C’est essentiel, car on garde un regard sur toute la réalisation de l’album.

– Parlons de votre deuxième album sobrement intitulé « Vol. 2 ». C’est le prolongement et la suite du premier, ou est-ce que justement vous avez souhaité partir dans d’autres directions ?

C’est vraiment la suite immédiate du premier. Ce sont des morceaux qui ont été écrits directement dans la foulée et dans la même veine. L’album n’est pas vraiment détaché du premier, au contraire même. C’est comme si on avait fait un double-album, sauf qu’on a mis deux ans à le faire.

– Musicalement, et pour faire court, WELCOME-X évolue dans un registre Metal Progressif, dans lequel vous vous démarquez franchement. C’est peut-être aussi dû au fait qu’il n’y ait pas vraiment de références purement Heavy Metal dans votre musique. C’est aussi votre sentiment ?

On a des références, mais elles sont vraiment très variées. Cela va de Black Sabbath à Meshuggah et bien d’autres. En fait, on n’a pas la volonté d’écrire dans un style très ciblé. Je suis vraiment mon propre groove et l’inspiration vient sur le moment. Il n’y a aucun cahier des charges sur le plan styliste, donc c’est un mélange de plein de choses qui nous ont nourris au fil du temps.

– Justement, vous affichez un style très Metal à grands renforts de gros riffs, de solides rythmiques et d’un chant qui côtoie souvent les extrêmes. C’est cet aspect qui vous permet de libérer toute cette énergie ? Ces fondations très musclées ?

Exactement. De toutes manières, j’avais envie de faire une musique très pêchue. C’est un projet que j’ai depuis bien longtemps et je voulais faire quelque chose de résolument Rock, c’est-à-dire une écriture à base de riffs de guitare et c’est ce qu’on a réussi à faire. Au niveau des voix, j’aime beaucoup l’approche de Sam (Kün, chanteur – NDR) dans le sens où il possède différents registres. C’est une vraie richesse d’avoir toute cette palette.

– Dans le même temps, WELCOME-X développe aussi beaucoup d’éléments Jazz, dans lesquels vous êtes d’ailleurs très à votre aise. C’est votre passé musical individuel qui veut ça ?

Sans doute, oui. J’en ai pratiqué beaucoup dans toutes sortes de contextes, même si mes premières amours musicales sont vraiment Rock. J’ai été amené à jouer avec beaucoup de musiciens de Jazz de différents horizons et je pense que cela m’a aussi nourri avec ces ouvertures harmoniques et cette possibilité d’improviser, même si on ne l’utilise pas au sein du groupe. Toute la musique que l’on fait est très écrite.

– Est-ce qu’en faisant cohabiter des ambiances Doom avec des atmosphères très aériennes, et notamment jazzy, vous n’avez pas peur de déstabiliser des auditeurs pas forcément adeptes de ces deux styles, mais plutôt de l’un ou de l’autre ?

C’est justement la liberté que je me réserve. Après, j’espère que ce ne sera pas trop déstabilisant et que les gens seront sensibles à ça. C’est vraiment ce que j’avais envie de proposer et c’est peut-être aussi la marque de fabrique de WELCOME-X, avec de multiples facettes et un mélange des genres.

– En parcourant le livret du disque, on observe un environnement assez sombre et même assez énigmatique, qui traduit aussi le contenu des textes. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur l’aspect conceptuel de ce nouvel album ?

Les deux ont été construit de la même manière et illustrer par notre ami Paul d’Emgalaï Grafik, qui a réalisé tous les graphiques et les dessins. Au niveau des ambiances musicales et des textes, c’est un peu une chronique du monde dans le lequel on vit à travers notre ressenti, ainsi que de la vie qu’on mène au milieu de tout ça. Le constat n’est pas forcément très gai, mais sans être forcément pessimiste non plus. On observe ce qui nous entoure et on a envie d’en parler et aussi peut-être de donner notre avis sur le sujet.

– Pour conclure, vous venez tout juste de reprendre les concerts. Est-ce qu’une tournée est prévue dans les mois ou semaines à venir, afin de faire vivre ce « Vol. 2 » sur scène ?

Pour le moment, il n’y a rien de concret, juste quelques pistes. C’est encore un peu compliqué au niveau de l’organisation. Ca commence à bouger un peu pour cet automne, mais très timidement. Pour l’instant, c’est encore un peu flou.

L’album « Vol.2 » de WELCOME-X est disponible depuis le 25 juin (Production Le Triton).

https://www.letriton.com/shop/fr/cd/214-welcome-x-vol2.html?search_query=welcome&results=4

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France Thrash Metal

Dead Tree Seeds : le respect des traditions [Interview]

A force de préciser systématiquement quand il s’agit de Thrash Metal qu’il est Old School, pourquoi ne pas se résoudre au fait que c’est l’essence-même du style et qu’il est inamovible et intemporel ? C’est en tout cas, le parti pris de DEAD TREE SEEDS qui revient sous les projecteurs avec un très bon deuxième album. Old School certes, mais résolument moderne dans le son, l’approche et la production, le quintet francilien monte en gamme comme l’atteste la puissance de « Push The Button ». Entretien avec Alex, batteur indéboulonnable du combo depuis ses débuts. 

– La première chose qui interpelle à la lecture de votre biographie, ce sont les innombrables changements de line-up. Depuis Triakanthos, on les compte plus. Pourtant malgré tout, vous n’avez cessé de tourner. Vous êtes sacrément tenaces, dis-moi ?

Oui, c’est clair et ce qui est important de rappeler, c’est qu’à fois il n’y a eu aucune animosité. Ce sont des changements simplement liés à la vie avec des départs dans d’autres pays, des changements d’activités professionnelles ou juste le fait d’arrêter la musique pour faire autre chose. Il n’y a jamais rien eu de dramatique ! On continue d’y croire, on aime ce qu’on fait et je pense que ce nouveau line-up, musicalement et humainement, est vraiment stable. C’est plus costaud déjà, et puis on a aussi vieilli et ça nous permet de voir l’avenir plus sereinement.

– D’entrée de jeu, vous avez annoncé la couleur avec un Thrash Metal orienté Old School. C’est le style qui vous parle le plus, même si vous avez fait évoluer votre registre vers une orientation plus technique ?

En fait, on n’y prête pas vraiment attention, ce n’est pas intentionnel. C’est vraiment instinctif, c’est notre style de prédilection. Il n’y a aucun calcul. Il se trouve juste que lorsque chacun apporte quelque chose, c’est ce qui en ressort naturellement.

– Justement, on assiste depuis quelques temps à l’émergence de multiples courants avec des aspects plus progressifs, d’autres tirants sur le Death et bien sûr un groove que vous vous êtes d’ailleurs appropriés. On a le sentiment que votre désir est vraiment d’aller à l’essentiel. C’est le cas ?

Le désir est simplement de faire ce qu’on aime, tout simplement. Certains titres sont peut-être plus techniques, mais on garde cette puissance que dégage le Thrash Metal. C’est vraiment notre subconscient qui parle.

– Depuis 2013, vous évoluez sous le nom de DEAD TREE SEEDS. C’était important pour vous de changer de nom, pour peut-être aussi donner une nouvelle impulsion au groupe ?

C’était même obligatoire ! En fait, après pas mal de péripéties, nous nous sommes retrouvés à trois dans Triakanthos avec une pleine liberté sur le répertoire du groupe et la suite à donner. Le nom du groupe est celui d’un arbre d’Amérique, et nous nous sommes fait la réflexion qu’il était finalement mort. Mais il restait les graines, d’où le nom « les graines de l’arbre mort » : DEAD TREE SEEDS. Et musicalement aussi, on était vraiment parti sur autre chose.

– Est-ce que, malgré tous ces changements de line-up, il reste une ligne directrice à DEAD TREE SEEDS, moi qui n’ai malheureusement pas pu écouter votre premier album ?

Oui bien sûr, notre ligne directrice reste la puissance telle qu’on la perçoit. Ce qui est marrant, c’est notre premier album était composé d’anciens et de nouveaux morceaux. Cette fois, l’approche est très différente : c’est plus travaillé et plus approfondi. Et le fil rouge reste le Thrash Metal Old School, tel qu’on le ressent. 

– Depuis une dizaine d’années que vous évoluez sur la scène Thrash hexagonale, quels sont les changements ou les évolutions que vous avez pu noter. Est-ce que, selon vous, le style a gagné en visibilité et s’est développé sur la scène française ?

Avec les réseaux sociaux, on voit apparaitre beaucoup de groupes qui font parler d’eux et peut-être même parfois un peu trop. Avant, il y avait assez peu de groupes et on en parlait. Maintenant avec le Web, on est un groupe parmi des milliers d’autres. C’est plus compliqué d’émerger aujourd’hui qu’auparavant. Après, sur la scène française actuelle, il y a vraiment de très bons groupes, qui sont malheureusement pour beaucoup noyés dans la masse.     

– Parlons de « Push The Button », qui est remarquablement bien produit et qui regorge d’excellents morceaux, le tout dans une belle homogénéité. De quelle manière l’avez-vous composé et est-ce que vous êtes partis d’anciens morceaux ou, au contraire, sur de nouvelles bases ?

De l’ancienne époque, il ne reste qu’un seul morceau, qui n’avait pas figuré sur le premier album. Entre les deux line-up, il ne reste que moi qui suis membre du groupe depuis le départ. Tout est neuf et a été composé au feeling, comme on le fait habituellement.

– Ce deuxième album sort sur le label Music Records avec une première parution en digitale cet été, puis en physique en octobre. Pourquoi un tel choix ? C’est dû aux contraintes commerciales et marketing ou, plus simplement, parce que vous êtes impatients de le faire découvrir à votre public ?

C’est un peu ça ! (Rires) On a eu des opportunités auxquelles on en s’attendait pas vraiment. Au départ, on n’avait pas de label et on devait le sortir en mars 2020 et le hasard a fait que nous sommes entrés en contact avec Music Records. On a signé chez eux, mais il y avait des sorties, etc… Donc, on s’est calé avec eux. Il y avait aussi beaucoup d’impatience, car sept ans entre deux albums, c’est très long ! On voulait vraiment sortir de toutes ces galères de line-up et véritablement se lancer ! C’est un peu pour ça que l’album sort d’abord en digital, et ensuite en physique.

– Enfin justement, les concerts reprennent peu à peu et les tournées se mettent en place surtout à partir de cet automne. Où en êtes-vous de ce côté-là, vous y travaillez aussi ? La scène reste tout de même un instant de vérité incontournable ?

Bien sûr et surtout pour le Thrash, qui est véritablement une musique de concert et de scène. Quand j’écoute du Thrash, j’ai plutôt tendance à écouter des albums live, parce que c’est là où le style prend toute sa mesure. Il y a un côté rouleau-compresseur imparable. En ce qui concerne les concerts, nous avions quelques dates en 2020, qui seront sûrement reportées à 2021 ou 2022. En fait, on attend un peu plus de perspectives et surtout de savoir qui aura survécu à la pandémie, car c’est un gros problème pour le monde de l’organisation et de nombreux lieux. A partir de ce moment-là, nous allons remonter des choses forcément !

L’album de DEAD TREE SEEDS, « Push The Button », sera disponible le 3 juillet en digital et le 2 octobre en physique chez Music Records.

Facebook : https://www.facebook.com/DeadTreeSeedsThrash/

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Extrême France Hard-Core Metal

Primal Age : l’essence du Metal HxC [Interview]

Dernier représentant de la scène Metal HxC française, PRIMAL AGE est toujours debout, et semble même plus virulent et motivé que jamais. Avec « Masked Enemy », le quintet s’inscrit dans son temps avec des compos très rentre-dedans aux textes acidifiés. Dimitri, bassiste et fondateur du groupe, revient sur le parcours du combo, ses convictions et ce très bon nouvel album.

– Pour vous suivre depuis le début des 90’s, la première chose que j’ai notée en écoutant « Masked Enemy », c’est que votre jeu semble beaucoup plus complexe, tout en restant très direct. C’était votre intention première ?

La seule intention a été de faire un album brutal, genre uppercut au foie. La complexité vient si elle doit venir, mais sans calcul. Ce qui ressort quand on lit les chroniques, c’est ce côté rouleau compresseur. 

– PRIMAL AGE a toujours évolué dans un registre Punk HardCore teinté de Metal, et vous n’avez pas changé. Pourtant votre son et vos compos ont une résonnance et une production très actuelles. Finalement, votre évolution a été permanente toutes ces années ?

En 28 ans, bien sûr et heureusement que le dernier disque ne sonne pas comme le premier. (Rires) La prod’ est forcément plus grosse, car ça a beaucoup évolué dans ce domaine. Quand tu écoutes certaines productions de HardCore il y a 25 ans, il y avait franchement peu de moyen et la qualité pouvait être très limite. En revanche, on a trouvé dès les débuts notre identité musicale et on s’y tient, car c’est exactement le son qu’on veut faire. On a réussi à évoluer dans la continuité et faire notre meilleur album au bout de 28 ans, comme quoi…

– « Masked Enemy » est un album très varié et il aborde plusieurs styles musicaux, mais sans porter dans la Fusion pour autant. Il est aussi très homogène et montre un registre assez peu répandu et toujours underground. PRIMAL AGE semble se jouer des modes et des courants. C’est le cas ?

Clairement, les modes on s’en cogne. Quand tu t’inscris dans la durée et que tu veux suivre le dernier truc qui marche, ça fait du n’importe quoi, t’imagines la discographie qu’on aurait ? Cela dit, Flo et moi, qui avons composé les morceaux sur cet album, écoutons des styles variés et ça ressort. En même temps il est impératif que le tout reste cohérant et je pense qu’on a bien réussi à se compléter et à apporter un max de relief et de richesse.

– Vous faites partie des vétérans, ou précurseurs, de la scène Metal HardCore française, et pourtant vous êtes sûrement les plus discrets et les moins exposés. C’est un choix de votre part ou un concours de circonstance ?

C’est un choix dans le sens où on a toujours voulu rester amateurs et que, par conséquent, nous ne sommes pas appuyés par de grosses structures. La différence se fait là et il faut l’assumer, même si on sent bien qu’on aurait pu faire de plus belles choses encore si on était plus soutenus et donc mis en évidence. On souffre clairement d’un déficit d’image, mais ça ce n’est pas de notre ressort. C’est comme ça que fonctionne le milieu de la musique. Cela dit, dans ce style et de cette époque, il n’y a plus que nous en France.

– Pionniers, vous l’êtes aussi en ayant adopté une philosophie straight edge dès vos débuts, alors que personne n’en parlait. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce mouvement, dont on ne parle qu’épisodiquement, et êtes vous toujours dans cette démarche ?

Il n’y a plus que Didier au chant et moi comme membres d’origine. Nous sommes toujours straight edge. Par la suite, si on voulait continuer à jouer, on a dû s’ouvrir, car on n’aurait pas pu faire une formation complète. Ce n’est pas très répandu dans la scène Metal, mais tant pis, ça nous permet de rester en forme à nos âges, ce choix est le nôtre et chacun fait comme il le sent. 

– Au niveau des textes de ce nouvel album, on vous sent toujours engagés et revendicatifs. Contrairement à beaucoup d’autres, vous ne faites pas que dresser des constats, votre propos est plus incisif et protestataire. Votre démarche est toujours très politique finalement ?

Beaucoup de sujets sont politiques finalement, mais on n’a jamais eu de carte pour autant. Ca ne veut pas dire qu’on est indifférent. Il n’est pas question de laisser la politique à ceux dont c’est le métier et l’écologie être représentée par des guignols avec lesquels on n’a rien à voir. Ces sujets m’inspirent et reviennent dans chaque album quand je me mets à écrire. Mais comme pour la musique, l’idée est d’avoir de la variété dans les sujets traités.

– Vous qui êtes issus de la mouvance Metal HardCore, quel est votre sentiment sur le phénomène MetalCore, très Pop, que l’on subit depuis quelques années ? Vous êtes plutôt amusés, intéressés, tentés par l’expérience ou carrément indifférents ?

Je crois qu’on s’en fout un peu. Encore fois, quand on compose, on sort la musique qu’on a envie de faire sans se préoccuper de ce qui marche. On fait ça par passion et avec authenticité, le reste importe peu. 

– Pour conclure, le line-up de PRIMAL AGE semble stabilisé avec l’arrivée de Miguel derrière les fûts. Les batteurs et vous, c’est une longue histoire. Cette fois, c’est le bon ?

Oui, on espère et il nous donne de bonnes garanties pour le peu qu’on a eu d’occasions de jouer ensemble. C’est un vrai musicien. La batterie est un élément très important pour la musique qu’on fait. Hormis le tout premier « MCD » sorti en 1999 avec Stéphane, et ce dernier pour lequel on a eu l’aide providentielle de Rudy d’Explicit Silence, il a toujours fallu expliquer aux batteurs comment jouer de leur instrument. Les phases de compo ont toujours été compliquées à ce niveau. Quand on écoute le résultat final, on est sûr d’avoir fait les bons choix. Avec Rudy, nous n’avons rien eu à lui dire, il comprend notre musique et est un excellent musicien. Miguel semble avoir cette fibre. 

« Masked Enemy » de PRIMAL AGE est disponible depuis le 11 juin chez WTF Records.

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France Progressif Rock

Nine Skies : des paradoxes qui prennent sens [Interview]

Parce qu’on n’est jamais assez prudent et qu’il vaut mieux être sûr d’être entendu, NINE SKIES ne sort pas un, mais deux albums simultanément : « Live @Prog En Beauce » et son troisième album studio « 5.20 » (Anesthetize Productions). Prolifique, mais pointilleux, le groupe de Rock Progressif français revient sur ces deux sorties et ce nouvel opus plein de surprises. Entretien avec Alexandre Lamia (guitare, piano) et Anne-Claire Rallo (claviers).

– Deux ans après « Sweetheart Grips », vous revenez avec une double-actualité : « 5.20 », votre troisième album studio, et aussi « Live @ Prog En Beauce ». Commençons par ce dernier. Dans quelles conditions a t-il été enregistré et surtout pourquoi le sortir simultanément ?

Alexandre : Le « Live @ Prog En Beauce » a été enregistré directement depuis la table de mixage du concert, donc rien n’a été ré-enregistré après, et tout est spontané !

Anne-Claire : La campagne Kickstarter pour financer l’enregistrement et la production du nouvel album « 5.20 » a rencontré un franc succès. Nous avons donc décidé d’ajouter de nouvelles récompenses en guise de remerciement. Il s’avère qu’Alexandre venait de remasteriser le son de la vidéo du live au ‘Festival Prog en Beauce’ et que nous recevions parallèlement des demandes pour avoir l’objet en CD (en plus de la vidéo YouTube déjà en ligne). C’est ainsi que le live a vu le jour en digipack, et c’est pourquoi les deux albums sortent en même temps.

– Vous qui êtes toujours très pointilleux sur le son et notamment le mix, ça n’a pas été trop déroutant de ne pas avoir pu le travailler un peu plus en profondeur, notamment piste par piste ?

Alexandre : Oui, quelque peu, même si nous n’avions pas le choix. J’ai simplement fait un mastering du mieux que j’ai pu pour pouvoir ouvrir un peu plus les fréquences et les rendre plus précises et que le son global soit également plus punchy et puissant. Mais le son d’arrivée n’est pas mauvais de base non plus !

– Malgré les distances qui vous séparent tous au sein du groupe et les changements de line-up après « Return Home », on vous sent très unis et très complices sur ce Live. C’est aussi cette sensation qui vous a motivé à sortir cette prestation sur disque ?

Alexandre : Exactement, nous avions tous très envie de pouvoir immortaliser ce concert qui est en même temps la consécration des albums, mais aussi le plaisir de jouer nos albums en live pour la première fois, en se faisant plaisir avant tout. Nous y avons mis énormément de sérieux pendant toute une résidence, et malgré la distance, nous avons pu répéter la setlist pour qu’elle soit la plus fun à jouer et la plus agréable à écouter !

Anne-Claire : Malgré les divers changements de line-up depuis le premier album, les membres du groupe ont toujours été très unis et la complicité tient un rôle très important pour nous, au-delà de la simple complicité musicale, et cela se ressent certainement de l’extérieur !

– Parlons maintenant de « 5.20 », votre troisième et nouvel album. Depuis quand travaillez-vous sur ces nouvelles compos et est-ce que la situation due au Covid vous a retardé dans l’écriture, car il y a encore un gros travail de composition ?

Alexandre : La composition de « 5.20 » a commencé environ quand l’album précédent (« Sweetheart Grips ») est sorti, comme tous les albums que nous produisons. Certaines idées viennent directement à la fin de chaque album, mais l’arrivée d’Achraf a également beaucoup boosté le processus de composition, car nous sommes désormais trois et plus seulement deux à composer les idées principales de l’album. Le Covid ne nous a pas affecté sur ce processus, car nous avons l’habitude de travailler à distance.

Anne-Claire : Cette pandémie nous a tous bien sûr affecté, mais elle a plus touché les groupes, qui avaient prévu de tourner. Nous venions de réaliser le Prog en Beauce, mais n’avions pas encore de tournée programmée. Nous avons eu deux dates annulées, mais nous avons certainement été moins touchés sur ce point-là que d’autres groupes. Nous nous sommes vraiment concentrés sur la réalisation de « 5.20 ».

– Autour du noyau dur présent sur « Sweetheart Grips », vous accueillez aussi Achraf El Asraoui au chant et à la guitare. Alors que le line-up de NINE SKIES est déjà étoffé, qu’est-ce qui vous a poussé à l’inviter à vous rejoindre, et quel est son parcours ?

Alexandre : Achraf possède un univers qui lui est propre, et quelque part, c’est ce que nous recherchions. Nous voulons avant tout que NINE SKIES soit une surprise, autant pour les auditeurs que pour nous-mêmes. Nous cherchons à surprendre et à nous surprendre, et nous renouveler constamment. Achraf a une voix et un timbre très personnels, un formidable feeling et une superbe ouverture d’esprit. Ce qui nous permet d’étendre nos horizons de composition toujours plus loin.

Anne-Claire : Son projet solo se nomme « Achelas ». On y retrouve toutes ses influences et je vous invite fortement à découvrir ce fabuleux mélange musical.

– La principale particularité de « 5.20 » est qu’il se présente comme un album acoustique. Là encore, pourquoi ce choix ? C’était un moyen pour vous d’explorer d’autres sphères musicales, peut-être moins artificielles ?

Alexandre : Exactement. Nous avons toujours été touchés par les instruments, les vrais. Et nous voulions le concrétiser dans cet album purement acoustique, et expérimenter ce qui est possible de faire avec les instruments que l’on utilise tous les jours, sans artifice, et sans alternative. NINE SKIES se veut en constant mouvement, et dans différentes phases d’exploration musicale à chaque album.

– L’autre nouveauté est la présence d’un quatuor à cordes, qui apporte des sonorités très orchestrales et organiques. L’objectif était de franchir les frontières du Rock et de donner une couleur plus intemporelle à l’album ?

Alexandre : Oui et également de pouvoir appuyer le côté acoustique, cinématique et introspectif de l’atmosphère. Il y a un côté magique à intégrer un quatuor de cordes, comme si l’on ajoutait de la magie, de l’étincelle harmonique à une composition.

Anne-Claire : De par sa formation initiale de violoniste, Eric a pu penser des parties de cordes sur les démos et les enregistrer. Nous avons ensuite fait appel au talent de Cath (Lubatti) pour enregistrer les violons et l’alto et Lillian (Jaumotte) le violoncelle en studio.

Photo : Marc Auger

– « 5.20 » est aussi plus intimiste que ses prédécesseurs, alors que NINE SKIES n’a jamais compté autant de musiciens dans ses rangs. C’est assez paradoxal, non ? C’était une sorte de challenge ?

Alexandre : Cela s’est fait naturellement, et effectivement nous ne comptons jamais le nombre de membres dans nos albums, et nous privilégions plutôt ce qu’un membre, même ponctuel, peut apporter à une atmosphère. Nous avions pensé, par exemple, ajouter un joueur de Oud à un moment pour cet opus, ou une harpiste. Peut-être pour les prochains !

– Comme d’habitude, l’album compte des guests prestigieux. Comment s’est porté votre choix cette fois-ci, et quelle a été leur liberté de création à chacun sur ces nouveaux morceaux ?

Alexandre : Nous sommes encore sous le choc d’avoir à nos côtés Steve et John Hackett, ou encore Damian Wilson. Ca a semblé comme une évidence de les appeler car, bien évidemment, nous admirons leur talent et les musiciens qu’ils sont, et leur sensibilité se rapproche énormément de la direction que l’on voulait prendre sur cet album. Quel bonheur qu’ils aient accepté !

Anne-Claire : Ils ont bien évidemment été totalement libres d’apporter leurs idées et leur talent créatif sur les chansons. Ce sont des musiciens hors du commun et ils ont une extraordinaire capacité à cerner l’ambiance musicale et l’atmosphère d’un morceau. Damian (Wilson) m’a d’ailleurs aidé à apporter quelques améliorations ‘bien anglaises’ au texte de « Porcelain Hill ». C’était une expérience extraordinaire.

– Un dernier mot au sujet du titre de l’album, « 5.20 », qui a une connotation très moderne contrairement à la pochette et son visuel très classique. Décidemment, NINE SKIES est fait de contrastes et de paradoxes une fois encore…

Alexandre : Je pense que c’est la définition même de NINE SKIES, composer des paradoxes, à l’image de la vie. Quand nous sommes libres et que nous ne mettons aucune barrière à notre art, les paradoxes viennent d’eux-mêmes, mais nous les laissons envahir notre univers car c’est aussi grâce à ça que les gens peuvent être touchés par les choses de la vie, ou l’art en général. C’est un concept qui peut se vouloir absurde, mais il prend tout son sens si l’on peut interpréter ces paradoxes pour nous-mêmes.

Anne-Claire : c’est aussi la magie d’une atmosphère onirique comme celle-ci. La poésie et les métaphores qui rentrent en jeu au-delà de la musique permettent une lecture à plusieurs niveaux et chacun peut y trouver son compte, parfois même redécouvrir sa propre interprétation au fil des écoutes.

Les albums de NINE SKIES sont disponibles sur leurs sites :

http://www.nineskiesmusic.com/

https://nineskies.bandcamp.com/music

Chez Anesthetize Productions : https://anesthetize.fr/

Retrouvez également les chroniques et une interview du groupe sur Rock’n Force :

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Blues France

Louis Mezzasoma : une inspiration très actuelle [Interview]

Elevé dans le chaudron, LOUIS MEZZASOMA fait partie de cette nouvelle génération, qui a parfaitement digéré la culture et l’Histoire du Blues pour être à même d’en proposer sa propre version. Créatif et audacieux, le Stéphanois a livré il y a quelques mois un troisième album, « Mercenary », aussi surprenant qu’envoûtant. Rencontre avec ce musicien pluri-cordistes très inspiré et à l’approche très personnelle du Blues.

Photo : Nanou

– Tout d’abord, comment en arrive-t-on à incarner et ressentir autant le Blues lorsqu’on a à peine 30 ans et que l’on vient de Saint-Etienne, qui n’est pas vraiment le berceau du genre ?

A vrai dire, je ne me pose pas la question, je le fais ! Cette musique, c’est moi, c’est qui je suis. Il se trouve que cette musique s’appelle le Blues. Pour moi, c’est très important d’être soi-même, certains se sont trouvés en adéquation avec eux-mêmes en faisant de la poterie, du fromage de chèvre ou je-ne-sais-quoi. Pour moi, c’est sortir ce que j’ai au fond de mes tripes, au fond de moi-même. C’est ça, le blues. Je crois que je suis une espèce d’énergumène qui a tendance à foncer, à ne rien lâcher. C’est comme ça que j’ai fait ma place et que je continue de le faire.

Pour parler un petit peu de ma ville, oui, Saint-Etienne n’est pas vraiment le berceau du Blues, mais j’ai eu la chance de voir passer pas mal de monde dans le coin. Aussi bien des locaux que des artistes internationaux. Il faut reconnaître qu’on a quelques lieux encore bien friands de bon Blues.

– Ce troisième album marque un cap dans le son et aussi dans tes compositions. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic, une sorte de maturité atteinte. C’est aussi ton sentiment ?

Pour moi, ce nouvel album est vraiment un beau sommet atteint. J’écris mes chansons quand l’inspiration vient et non sur commande. Au fur et à mesure, on a arrangé et structuré le “guitare/voix” initial. Cet album n’est pas issu d’un déclic, mais bien d’une progression, d’une évolution et d’une affirmation de ma part, qui s’est faite au fil des années, à jouer, à écouter de la musique, à faire des concerts et à voir d’autres artistes en live… et petit à petit trouver ma place. Il s’agit vraiment d’un album produit pour lequel on a eu une vraie préparation, qui nous a permis d’être prêts pour le studio et d’aller chercher le son dans les détails. Je suis vraiment très fier de cet album « Mercenary ».

– Les textes de « Mercenary » sont très personnels et plein d’émotion. Très souvent, les bluesmen s’inspirent de leur vie pour chanter le Blues. C’est ce que l’on ressent chez toi : une authenticité et une sincérité évidente. Qu’est-ce qui t’inspire ? Ton vécu ou est-ce que tout est fictif ?

Toutes les chansons sont inspirées d’histoires vécues. Je me permets, pour l’écriture, de narrer et de romancer, mais sans donner tous les détails de ce qui m’est arrivé. Ainsi, l’auditeur peut se faire sa propre interprétation de la chanson et éventuellement s’y projeter et voyager.

L’inspiration vient de mes rencontres, de voyages, des concerts que j’ai pu faire, mais aussi de ce que je peux ressentir à un moment donné. Certaines chansons viennent d’une expression, d’une phrase que j’ai entendue et qui m’a parlé, inspiré.

Pour faire le lien avec l’actualité, car l’album a été enregistré en Juillet 2020 en pleine pandémie. L’enfermement n’est, dans mon cas, vraiment pas propice à l’inspiration. C’est bien l’ouverture vers le monde, les autres et les différentes cultures qui sont sources de création.

D’autre part, je me rends compte (pour le côté stylistique), petit à petit, que j’aime beaucoup la musique de film (et notamment de western), et en effet mes chansons ont toujours eu tendance à nous plonger dans une atmosphère et un climat, que l’on peut retrouver dans le cinéma.

Photo : Cédric Masle

– Même s’il y a du monde sur ce nouvel album, tu as longtemps joué seul dans une configuration d’homme-orchestre. Qu’est-ce qui est le plus plaisant et le plus satisfaisant au final : être seul à la manœuvre ou jouer en groupe, ce qui grossit également le son ?

Ce qui est génial, c’est d’être seul à la manœuvre et de jouer en groupe. En effet, quand j’ai démarré en one-man-band, j’avais l’avantage de pouvoir amener mes chansons dans la direction que je souhaitais, et de me laisser porter par les émotions, le feeling du moment, notamment en fonction de la réaction avec le public. Nous avons fait quelques dizaines de concerts sous la nouvelle formule guitare/batterie, qui reste une formule réduite et dans laquelle je reste maître des changements harmoniques. La batterie me suit dans mes idées et surtout donne de l’épaisseur et de l’impact au son. Pour moi, cette idée de manœuvre est surtout valable pour la partie live, pour suivre les différentes improvisations et changement de structure s’il y en a. Pour un album, on se doit de fixer les choses et de les planifier, que ce soit seul ou en groupe.

– Justement sur « Mercenary », tu es accompagné du batteur et percussionniste Gaël Bernaud qui apporte de la puissance aux morceaux, ainsi que de l’harmoniciste Jean-Marc Henaux et des cuivres de Sylvère Décot et d’Anthony Tournier qui offrent tous beaucoup de chaleur et de diversité. C’est un large panorama dans lequel on voyage énormément. De quelle école ou famille du Blues te sens-tu le plus proche ou l’héritier ?

L’arrivée de Gaël Bernaud au sein du groupe devient vraiment officielle avec ce nouvel album. Faire un album, c’est pour moi l’occasion de présenter des nouveaux titres, mais aussi de proposer quelque chose que l’on ne trouvera pas dans le live, ou du moins pas de la même manière. C’est le moment de faire une recherche approfondie dans le son, et aussi de faire appel à d’autres musiciens. C’est pourquoi nous avons invité aux trompettes, Sylvère Décot et Anthony Tournier sur le titre « RustyMan », et Jean-Marc Henaux sur quatre autres chansons. Diversifier les instruments permet de la variété et surtout d’éviter la monotonie. J’ai toujours présenté des titres assez différents entre ballades et chansons bien énervées. Pour répondre enfin à la question, je pense venir de plusieurs familles de Blues assez différentes, mais avec une grosse influence par le Country-Blues notamment par mon jeux de fingerpicking. On va dire que mes techniques de jeu sont issues d’un Blues rural, plutôt originaire du sud des Etats-Unis. Cependant, mes manières d’amplifier les guitares font aussi le lien avec le Rock.

– On retrouve aussi cette diversité dans tes instruments que ce soit la guitare, le banjo, le dobro ou la cigar-box. Est-ce que tu les vois comme des vecteurs d’ambiances très distincts et avec lequel es-tu le plus familier et le plus inspiré ?

Les changements d’instruments à cordes et leurs différents accordages sont vraiment une source d’inspiration pour la composition de mes chansons. Et en effet ils apportent des ambiances très différentes, même si il y a un univers bien ciblé. Ma cigar-box est vraiment jouée sur des morceaux Rock, alors que ma guitare folk va plus être utilisée sur des ballades Country-Blues. Je réalise que mon dobro, joué en open D et au bottleneck, est peut être le plus polyvalent et me permet une amplitude de style entre ballade lancinante, Blues primitif ou Rock. C’est aussi l’instrument que j’ai le plus utilisé sur tous mes albums. Pour tout te dire, sur « Mercenary », j’ai utilisé sept guitares (ou instrument à cordes) différentes : folk, dobro, demi-caisse, électrique, 12 cordes, cigar-box et banjo

Photo : Nanou

– Ton Blues s’inspire beaucoup des pionniers du genre, or il n’est jamais nostalgique ou passéiste, notamment dans le son. Comment alimentes-tu ton jeu à travers des influences si anciennes, même si elles sont intemporelles ?

Malgré le genre qui ne date pas de la veille, j’écoute beaucoup d’artistes de Blues et de styles proches (Folk, Country, Rock…) d’aujourd’hui, dont certains que j’ai vu en live. Le Blues, c’est notre histoire personnelle. Peut être que si je chantais le Blues des autres, ou un Blues à l’honneur des pères du genre, je serais nostalgique ou passéiste. Mais je joue mon Blues, donc les histoires sont d’actualité, du moins de mon actualité.

Je vais me faire engueuler en disant ça mais perso, les vieux albums comme Robert Johnson, c’est génial pour le collectage, pour l’Histoire, pour les chansons, pour le jeu de guitare, mais c’est très dur à écouter, le son n’est vraiment pas fou. Le parti-pris pour notre album était de garder l’authenticité de la musique et des instruments, mais de traiter le son de façon moderne. On a utilisé des bons vieux micros vintage à l’ancienne avec les bons préamplis. On a fait des vraies prises de sons de batterie en s’acharnant sur le choix et les réglages de la caisse claire en fonction de chaque morceau. J’ai chanté dans un micro fait dans un obus de la seconde guerre mondial, les guitares étaient branchées dans des amplis à lampes bien crades que l’on a poussé à fond. Jusque-là, ça aurait pu marcher pour un groupe de Blues traditionnel, mais le traitement du son, lui par contre, a fait la différence. On a joué sur les effets, tordu les sons. Je pense aussi que certains arrangements comme des guitares additionnelles, des banjos et les chœurs ont eu eux aussi leur importance pour donner ce côté moderne.

– Enfin, le Blues est une musique de communion et de partage. Comment vis-tu la situation actuelle et comment envisages-tu ton retour sur scène ?

Mal… Jouer, faire des concerts c’est ma raison de vivre, c’est ma passion, mais aussi mon gagne-pain et on est en train de nous enlever tout ça. Le statut est assez précaire, mais c’est un choix pour faire ce que l’on aime. On doit faire de nombreux sacrifices pour y arriver… C’est assez dur de devoir rester en stand-by en attendant mois après mois de pouvoir reprendre. Pour vivre de la musique live, ça implique de faire des dizaines de concerts par an et chaque concert est dur à programmer, c’est un travail de longue haleine qui se fait entre six mois et un an et demi à l’avance. Depuis plus d’un an, on reporte, annule et reporte des événements déjà reportés, et c’est sans parler des lieux, des salles de spectacle et des festivals qui ferment. Je ne parle pas des Zénith ou des artistes qui passent à la TV régulièrement. Je parle des scènes alternatives trop souvent oubliées par les médias, des petits et moyens festivals, qui survivent grâce aux organisateurs et aux nombreux bénévoles qui se battaient, et se battent toujours, pour offrir de la culture, de la joie, de la convivialité et du bonheur.

Et oui, le Blues est une musique de partage, une échappatoire à la dureté de la vie pour faire place à de l’expression et de la joie. J’espère que nous sommes dans la dernière ligne droite et que nous allons pouvoir présenter ce nouvel album, « Mercenary », sur les planches très rapidement…

« Mercenary » est disponible depuis le 5 mars chez Le Cri Du Charbon.

Retrouvez la chronique de l’album :

https://rocknforce.com/louis-mezzasoma-des-emotions-essentielles/