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Extrême Metal

Nature Morte : un rituel expressif

Depuis 2015, NATURE MORTE pose avec application chaque pierre de son édifice musical avec force. Après un premier album et un split vinyle, le trio poursuit sa route avec « Messe Basse », un concentré Shoegaze tout en contraste où l’ombre et la lumière se télescopent. Très bien produit et d’une puissance incroyable, ce nouvel opus joue surtout sur les atmosphères et le ressenti.

NATURE MORTE

« Messe Basse »

(Source Atone Records)

Si chez NATURE MORTE, beaucoup de choses se passent après (post-Black, post-Rock), il se pourrait pourtant bien que le trio vienne de livrer un album laissant présager et même envisager de l’avenir d’un registre ici remanié. Le Shoegaze des Parisiens s’étend sur sept titres très aboutis à travers ce « Messe Basse » inspiré, ravageur et musicalement aussi structuré qu’envoûtant.

Chris Richard (basse, chant), Steven Vasiljevic (guitare) et Vincent Berner (batterie) offrent à leur nouveau et flambant neuf label Source Atone Records un deuxième effort qui, souhaitons-le, fasse grandir les deux entités. Avec un titre en contraste parfait avec son contenu, NATURE MORTE lance fermement une invitation à se plonger dans les méandres obscurs et puissants de « Messe Basse ».  

Captivant et immersif, ce nouvel album diffuse des atmosphères aussi étouffantes que libératrices dans un mouvement sonore balayant tout sur son passage (« Only Shallowers » et son clin d’œil à « 1984 » d’Orwell, « Knife », « Beautiful Loss » et le somptueux « Night’s Silence »). Les tessitures épaisses viennent ici renforcer le style affirmé et convaincant de NATURE MORTE. Percutant !

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Metal Progressif

Ben Randall : aérien et expressif

Malgré sa jeunesse, le guitariste BEN RANDALL possède déjà une solide expérience. Ayant joué dans de nombreuses formations, le Britannique revient cette fois en solo avec un album où il parcourt différentes époques de ses expériences musicales. Son jeu et son style se font plus personnels au fil des morceaux à travers lesquels il propose de belles choses.

BEN RANDALL

« Before The Rain »

(Thoroughbred Music)

Le talent n’attend pas le nombre des années et BEN RANDALL vient confirmer l’adage. Loin d’être un clown savant de la six-cordes ou une petite bestiole qui ne jure que par la vitesse et la technique comme on le voit chaque jour, le guitariste base surtout et plutôt son jeu sur le feeling et le toucher que la technicité vient juste servir.

Ayant fait ses armes avec Code of Silence, 25 Yard Screamer et Chasing The Monsoon, BEN RANDALL explore avec « Before The Rain » toutes ces années au sein de ces formations, ainsi qu’en solo. Et entre Heavy Metal, Hard Rock bluesy et Rock Progressif, le registre du prodige anglais est vaste et instrumental pour l’essentiel, ce qui donne lieu à une grand expression musicale.

Avec « Dark Skies Over Babylon », BEN RANDALL propose le seul titre chanté de l’album par Joanna Ruiz et il sort d’ailleurs en single. Très expressif et progressif dans son jeu, le guitariste met en avant ses propres compositions, mélodiques et contrastées. Légèrement shred, mais pas trop, le Britannique brille surtout par son efficacité et son style très direct, cristallin et groovy.

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Metal Progressif Rock

Motorpsycho : errance psychédélique

Capable de douceur extrême comme de déflagrations écrasantes et dévastatrices, MOTORPSYCHO continue de souffler le chaud et le froid à travers un Rock/Metal Progressif qui n’appartient qu’à lui et dont les courants musicaux sont aussi larges que variés. Toujours aussi psychédélique à travers des morceaux protéiformes souvent brillants, le trio régale une fois encore grâce à une créativité généreuse et inépuisable.

MOTORPSYCHO

« Kingdom of Oblivion »

(Stickman Records/Rune Grammofon)

Les très prolifiques Norvégiens sont déjà de retour après le très bon « The All Is One » sorti en septembre dernier. Sur une bonne heure dix (le format habituel du trio), PSYCHOMOTOR présente un « Kingdom Of Oblivion », toujours aussi inspiré et où la virtuosité de ses membres est éclatante. Bent Sæther (basse, chant) et Hans Magnus Ryan (guitare, chant) ont désormais officialisé le Suédois Tomas Järmyr derrière les fûts, et le groupe semble plus soudé que jamais.

Evoluant toujours dans un registre progressif où viennent se greffer des partitions Rock, Metal, Blues et Folk, le groupe semble laisser livre-court à sa fertile imagination, ponctué de claviers aériens et envoûtants. Encore une fois différent de ses précédentes productions, MOTORPSYCHO tire très habillement son épingle du jeu avec des morceaux qui alternent douceur et fureur décibéliques (« The United Debased », « Dreamkiller », « At Empire’s End », « Alet », « Cormorant »).

Expérimental et atmosphérique, les Scandinaves n’en finissent pas de surprendre, grâce à un jeu et des morceaux tous aussi déroutants et imprévisibles les uns que les autres (« The Hunt », « The Transmutation of Cosmoctopus Lurker », un sommet !). Toujours ancré dans un son très 70’s, profond et organique, MOTORPSYCHO s’amuse franchement, là où d’autres ne noient. Psychédélique et moderne à la fois, le trio paraît intarissable et c’est une vraie bénédiction !

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Heavy metal Metal Progressif

Belle Morte : autopsie d’un duo prometteur

Avec une émotion et une intensité bien présentes tout au long de « Crime Of Passion », BELLE MORTE réussit à attirer l’attention dès son premier album. Le duo biélorusse évolue dans un style Metal à la fois symphonique, gothique et progressif, et est parvenu à créer un univers personnel et sophistiqué.

BELLE MORTE

« Crime Of Passion »

(Wormholedeath Records)

Originaire de Minsk en Biélorussie, BELLE MORTE sort son premier album après un EP (« Game On ») sorti en 2018. Entre Metal Symphonique et Progressif où viennent se greffer des atmosphères gothiques, le duo propose un « Crime Of Passion » très abouti et surtout très bien produit par Sergey Butovsky, que je suppose être le second membre du groupe aux côtés de la chanteuse.

Inspiré du roman de John Fowles, « The Collector », ce premier album raconte une histoire forcément sombre autour d’une obsession malsaine conduisant à un meurtre. L’ambiance est donc très dark, très Metal aussi, ainsi qu’intense et mélancolique. BELLE MORTE évite cependant les clichés pour proposer un style épuré tout en restant dans un registre symphonique sobre.

Sur des arrangements très soignés, des riffs efficaces et une voix puissante et limpide, BELLE MORTE nous ouvre les portes d’un monde où on se fait happer par le climat de « Crime Of Passion ». Le duo fait des merveilles et malgré des orchestrations faites par diverses machines, l’album est plutôt séduisant et plein de nuances, se rapprochant légèrement du Metal Progressif. Belle découverte.

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France Metal Progressif Rock

LizZard : pertinent et protéiforme [Interview]

A la fois Metal et Rock, Psyché et Progressif, les Français de  LIZZARD ont trouvé leur formule : un subtil mélange très personnel, très construit et organique. C’est en Allemagne que le groupe est allé enregistrer son quatrième album, sorti en février dernier, et il en ressort un « Eroded » solide, massif mais également aérien et atmosphérique. Retour avec William Knox, bassiste du combo, sur ce nouvel opus et sur la démarche artistique de ce trio atypique.

– « Eroded », votre quatrième album, est sorti en février dernier et il montre encore une belle évolution dans votre musique. Tout d’abord, j’aimerais qu’on revienne sur votre passage de Klonosphere à Pelagic Records. Qu’est-ce qui vous a motivé et comment cela s’est-il passé ?

En Europe, il n’y en a pas tant que ça de labels qui évoluent dans le style qu’on fait, alors on a vite fait le tour en termes de choix. A partir de là, c’est l’envie de toucher un public plus large, tout simplement, qui nous a fait signer chez Pelagic Records. Ils ont une bonne réputation et collent à ce qu’on fait que ce soit musicalement ou esthétiquement. On avait déjà été en contact avec eux sur une tournée fin 2019, et le courant est bien passé, alors c’était assez logique pour nous de vouloir faire un bout de chemin avec eux !

– A la sortie de l’album, vous avez déclaré que ce nouvel opus était un message d’espoir pour avancer vers des destinations plus lumineuses. Pourtant, vous vous êtes imposés un confinement d’un mois en studio à Berlin avant même la pandémie. En plus d’être paradoxal,  c’est assez prémonitoire, non ?

Oui ! Après bien sûr, il y a une différence entre se confiner par choix pour des raisons de tranquillité, qui nous ont permis de se concentrer et de se mettre dans l’ambiance de l’album, et le vrai confinement qu’on a tous connu par la suite. Mais le thème de l’album était prémonitoire, c’est assez clair maintenant avec le recul. Le message qu’on a voulu faire passer que ce soit dans les textes, ou également par la musique et ses ambiances, sur « Eroded » on savait (comme beaucoup le savent) qu’on va droit dans le mur pour ce qui est de l’espèce humaine et du bien-être de la planète toute entière, ce n’est pas nouveau. Mais il s’avère que les conséquences arrivent de plus en plus vite, en boule de neige, alors à nous tous de réagir avant que ce ne soit trop tard. Mais on reste quand même sur l’idée qu’il n’est jamais vraiment trop tard, et de là né l’idée de lumière au bout du tunnel, c’est quand tout va très mal que les gens finissent par réagir seulement. On y est.

– Il y a toujours cette incroyable unité et complicité au sein de LIZZARD et cela s’entend  vraiment. En 15 ans, le line-up n’a pas bougé, ce qui est d’ailleurs toujours étonnant pour un groupe. C’est de là que vous puisez cette force créatrice ?

On se connait forcément très bien maintenant, humainement puis de manière créative, on sait ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins, et ça nous permet d’aller droit au but. L’alchimie entre les membres est toujours beaucoup plus important qu’on le croit dans n’importe quel groupe, et quand on a la chance d’en arriver à faire quelque chose d’harmonieux et abouti il faut le saisir, ne pas le gâcher. Pour l’instant on a toujours tous les trois la même motivation qu’au départ du groupe, alors tant que c’est là : on ne lâche rien ! Certainement qu’un jour ça changera, ou ça évoluera, mais aujourd’hui on n’y pense même pas.

Photo : Audrey Saint-Marc

– Musicalement et même si vous restez toujours aussi pêchus et incisifs, « Eroded » montre un visage plus atmosphérique et protéiforme, tout en étant éthéré et chaleureux dans le son. Là encore, LIZZARD a évolué et reste assez insaisissable. Malgré tout, vous semblez ne faire aucun compromis. Comment se passe le processus d’écriture au sein du trio ?

Au tout début du groupe, à l’époque de notre démo « La Criée » et du premier EP « Vénus », on avait déjà ce côté atmosphérique, mais qui était plutôt mis en avant. On construisait autour de thèmes aérés avant d’arriver sur bosser des structures plus bétons et en faire des morceaux. Donc à partir de jams ambiants, on travaillait et on arrivait au final avec quelque chose de moins structuré qu’aujourd’hui. Sur « Out Of Reach » et « Majestic », c’était plutôt le contraire, béton d’abord sans trop de passages psyché. Au fur et à mesure des années, on a un peu inversé ou plutôt équilibré notre méthode sans trop y faire gaffe, et maintenant sur « Shift » et « Eroded » je dirais que les morceaux sont construits autour de riffs de guitare, avec des déclinaisons de passage ambiants, qui servent à la fois aux morceaux et à l’album dans son ensemble. Et ça donne ce que tu décris dans ta question. La plupart des riffs sont composés par Mat à la guitare acoustique, et on se rejoint tous les trois en répète à l’ancienne pour en faire des morceaux.

– « Eroded » se distingue aussi par cette séparation entre une première partie musclée et une seconde plus épurée et même délicate. Pourtant, l’unité entre les morceaux est évidente. Pourquoi avez-vous scindé l’album de cette manière et d’où est venue l’idée ?

Tout simplement parce qu’on pense à la fois au format vinyle qu’au format numérique, et qu’on a envie que l’auditeur puisse écouter la face A et la face B comme deux ‘minis albums’ qui sont autosuffisants. Deux visions du même thème. C’est important pour nous d’emmener l’auditeur quelque part, sans qu’il s’ennuie ou s’endorme sur la route, que ce soit en concert ou sur album. C’est donc toujours un challenge pour trouver l’ordre des morceaux qui va bien, qui marche à la fois pour une écoute intégrale, et en même temps si on écoute une seule face du vinyle. On peut aussi écouter la face B avant s’enchainer sur le face A, ça fonctionne aussi ! Mais c’est différent.

– Au-delà d’un jeu chirurgical et très organique, la production signée Peter Junge rend vos morceaux très généreux et très énergiques. Avez-vous étroitement collaboré ou au contraire lui avez-vous laissé carte blanche ?   

Je pense qu’on est assez difficile en termes de peaufinage, mais en même temps un producteur trouve ça plus facile quand il bosse avec des artistes qui savent exactement ce qu’ils veulent et ce qu’ils cherchent. Après trois albums, je pense qu’on en est là, on sait ce qu’on veut, et surtout ce qu’on ne veut pas. Donc il n’a pas carte blanche, mais on est toujours ouvert à des idées de prod’ : on est surtout à la recherche d’énergie, et une ressentie de performance, plutôt qu’une répétition. Et ce n’est pas si facile à faire pour rendre un mix à la fois dynamique et vivant, mais moderne et léché en même temps. Je pense que c’est la force de Peter sur cet album, il a su garder le côté live sans faire de compromis sur la pertinence de la production. Mais après on n’est jamais satisfait à 100% de notre travail, et on sait déjà ce qu’on a envie de changer pour le prochain !

– Pour conclure, comment définissez-vous le style de LIZZARD qui, là encore, est très contrasté ? Power Rock, Metal Progressif, avant-gardiste, psychédélique ?

Pour définir un style on est plus ou moins obligé d’utiliser beaucoup de mots, et en même temps plus on définit, plus on s’éloigne quelque part de ce qu’est la musique, c’est-à-dire l’unicité d’un groupe de zique. On se considère comme un power trio, quelque part à mi-chemin entre le Rock et le Metal, avec un côté Prog et un côté Psyché. Voilà, j’espère que tout le monde sera d’accord ! Mais certainement que tout le monde aura un avis différent !

« Eroded », l’album de LIZZARD, est disponible depuis le 19 février chez Pelagic Records

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Extrême France Metal

C R O W N : repousser encore et toujours les limites [Interview]

Stéphane Azam et David Husser, alias C R O W N, viennent de livrer un troisième album où ils se sont tout autorisés, quitte à déboussoler un peu leur public de base. Mais avec le duo de Colmar, garder des œillères : c’est déjà faire fausse route. « The End Of All Thing » va encore plus loin dans l’imaginaire sombre et expérimental du combo. Musicalement, la grande expérience des protagonistes leur permet à peu près tout, et ce nouvel opus est d’une richesse incroyable. Rencontre avec ces deux sorciers du son, qui font de C R O W N ce groupe si atypique de la scène hexagonale.   

Photo : Jenn Brachet

– « The End Of All Thing » sort 6 ans après « Natron », dont il est étonnamment différent. Toutes ces années ont été nécessaires pour parvenir à une certaine maturité des nouveaux morceaux, ou est-ce que ce sont d’autres projets qui vous ont occupé ?

Stéphane : Professionnellement en tant qu’ingénieur du son, je fais des tournées aussi à l’international notamment avec Alcest. Et depuis 2015, j’ai été très occupé, mais j’avais déjà commencé à bosser sur les démos fin 2017. Et puis, ça n’a pas été toujours simple de se voir avec David. C’est venu s’ajouter à la durée du processus de composition.

David : Il faut aussi savoir que l’album est prêt depuis un an et demi déjà. On a du le reporter pour des raisons évidentes. Au final, ça n’a pas pris autant de temps que ça.

– Avant de parler de l’album en lui-même, j’aimerais qu’on parle de la production qui est exceptionnelle. Comment avez-vous travaillé et comment vous êtes-vous réparti les taches étant donné votre expérience d’ingénieur du son ?

David : C’est mon job et j’ai fait une quantité d’albums en tant que producteur. J’avais déjà mixé « Natron » que j’avais récupéré sur la fin, car Stéphane sentait qu’il y avait besoin d’un petit coup de boost. J’y ai ajouté quelques programmations, de la basse ce qui était inédit chez nous et surtout j’avais remarqué que c’était mortel lorsqu’il chantait. Du coup, je l’ai poussé dans ce sens. Il a aussi composé l’intégralité de l’album et je suis assez peu intervenu en dehors de quelques riffs et arrangements. Je me suis vraiment concentré sur la prod’ en poussant aussi le truc un peu plus loin.

– Au-delà de ça, j’imagine que ce doit être un plaisir pour vous de produire vos propres compos et de pouvoir y apporter une touche très personnelle sans contraintes extérieures ?

David : Evidemment ! Je fais de la prod’ depuis une trentaine d’années maintenant, et depuis que j’ai un studio chez moi : ça change la vie ! Je ne calcule plus les jours de studio dont j’ai besoin. C’est fantastique de pouvoir travailler comme tu l’entends, et pour qui que ce soit d’ailleurs. C’est aussi lié à l’évolution de la technologie. Aujourd’hui, tu n’es plus obligé d’investir deux millions d’Euro dans un studio pour avoir un truc qui tienne la route.

– Justement, et après on parle musique, est-ce que vous avez pu expérimenter ou mettre des choses en place au niveau de la production que vous n’aviez pas eu l’occasion jusqu’à présent ?

David : J’ai repris pas mal de choses que je faisais à la fin des années 90/début 2000, où j’expérimentais beaucoup. J’avais eu l’impression d’être arrivé au bout de ce que je pouvais faire à la guitare dans ce contexte-là. Là, j’ai repris en quelque sorte les choses des années plus tard, et là où je les avais laissé. Il y avait encore des choses à dire au niveau guitare/synthé, par exemple, et aussi dans l’utilisation et même l’abus de certains effets et certaines techniques de guitare qui sont assez loin de ce qui se fait conventionnellement. Après, beaucoup de choses sont parties à la poubelle, mais c’était le bon terreau pour planter ce genre de graines. (Rires)

Photo : Jenn Brachet

– « The End Of All Thing » sonne vraiment différemment de vos deux derniers albums notamment. Je sais bien que tous les groupes disent qu’ils n’aiment pas refaire le même album (et pourtant !), mais là vous faites le grand écart. Ca s’est fait sur un coup de tête, ou c’est une chose à laquelle vous réfléchissez depuis longtemps ?

Stéphane : C’est venu très naturellement en fait. Au départ, je voulais faire quelque chose de beaucoup plus extrême et surtout ne pas faire la même chose. Je me suis laissé aller en essayant  de dégager quelque chose d’émotionnel, qui pourrait aussi toucher les gens.

– Est-ce qu’avec un virage aussi radical, vous n’avez pas peur de perdre du monde en route ? A moins que le but soit justement d’élargir votre audience ?

David : On n’a pas du tout réfléchi comme ça. Tu sais, les coups de tête, ça n’existe pas vraiment dans le monde musical. Ou alors, un coup de tête qui dure un après-midi et deux jours après, tu te reprends. C’est toujours un petit peu réfléchi. Jusqu’ici, les retours sont très positifs, alors que je m’attendais à beaucoup d’insatisfactions. Quand je vois ce que certains prennent dans la gueule, juste parce qu’ils ont baissé un peu les guitares, alors que c’est le même groupe ! Je me demandais un peu à quoi on aurait le droit avec C R O W N !

Stéphane : Et puis, sur la dernière tournée par exemple, le public était composé de gens de 20 ans à la cinquantaine et plus, et donc assez ouverts. Avec une bonne ouverture d’esprit, ça ne pose pas de problème. Ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète plus que ça. Et on a toujours ce côté sombre dans notre musique.

David : De toute façon, on a fait ce qu’on avait envie de faire et surtout du mieux qu’on a pu. C’est vraiment ça qui nous a drivé. Et puis, si à la fin de la journée, tu n’es pas un peu meilleur que la veille, c’est que tu ne l’as pas réussi ! Aujourd’hui, les choses ont quand même beaucoup évolué et c’est nettement plus ouvert malgré tout.

– En plus de vous présenter avec un son plus synthétique et donc moins organique ou analogique, c’est selon, il y a aussi un changement important sur la voix. C’est définitivement celle de C R O W N qu’on entend sur ce nouvel album ?

Stéphane : Pour celui-là en tout cas, oui ! (Rires) Pour les prochains, il y aura de toute façon de la voix claire, parce que cela me plait beaucoup et des voix hurlées aussi. Il n’y a pas vraiment de plans, c’est une question de ressenti. Mais pour le côté organique, avant il n’y avait que des machines alors que là, il y a une vraie batterie, par exemple. On a essayé de mélanger ce côté batterie naturelle avec des machines. Après, elles ont été retraitées, mais il en ressort un aspect plus dynamique et plus vivant aussi.

David : On a enregistré un vrai batteur et on l’a fait sonner comme une boîte à rythme, tu as tout à fait raison. Je pense d’ailleurs que si nous avions eu un peu plus de temps, j’aurais probablement refait la batterie pour l’avoir encore plus naturelle. Entre le moment où on a commencé et celui où on a fini, on a tellement dénaturé les choses, on s’est tellement éloigné de ce qui avait été fait à la base. Ca va pouvoir paraître un peu grossier, mais j’avais presqu’envie d’un côté Hip-Hop au sens noble du terme, c’est-à-dire un son très sec et au premier plan, un peu médium et dur. C’est comme ça que je l’entendais. C’est vrai que quelque part, c’est très synthétique, mais paradoxalement, c’est peut-être l’album le plus organique de C R O W N.

Photo : Jenn Brachet

– Et contrairement aux autres albums, on ne retrouve que la chanteuse Karin Parks d’Årabrot. Comment s’est porté votre choix, alors que d’habitude, on compte beaucoup plus de guests sur vos albums ? 

David : Lorsque j’ai mixé l’album d’avant, c’est vraiment ce que j’avais préféré. La voix de Stéphane en clair est très réussie mélodiquement. Et c’est donc la première chose que je lui ai proposé : de s’occuper de la partie vocale tout seul, ou presque. C’est aussi une histoire de cohésion et surtout, c’est parce que je savais qu’il y avait quelque chose à creuser de ce côté-là. C’était peut-être du à une certaine timidité ou un manque de confiance de sa part, mais je pensais qu’il fallait le pousser dans ce sens. Il méritait d’être soutenu dans cette voie. J’étais persuadé que Stéphane pouvait tenir la voix sur tout l’album sans forcément gueuler, et ça a même profité aux morceaux.  

– Enfin, l’album est très prenant et laisse place à l’imaginaire où se bousculent beaucoup d’images. C’est quelque chose à laquelle vous pensez déjà pour la scène ?

Stéphane : On utilise déjà des vidéos sur scène. Mais c’est vrai que les nouveaux morceaux en eux-mêmes sont assez cinématiques. Nous avons récemment réalisé un Live Stream avec un fond Led, et c’est effectivement quelque chose à renouveler et qui apporterait une dimension supplémentaire à la musique aussi.

David : Il y a un côté onirique évident, c’est sûr. Mais, par exemple, lorsque Pink Floyd a fait « The Wall » et qu’il y a eu le film après, plusieurs membres du groupe, y compris le producteur, ont dit qu’ils n’aimaient pas du tout le film. Il imposait des images au public, alors que l’album laissait libre-court à une tonne d’interprétations différentes. Dans notre musique, on ne réfléchit pas à la façon dont les gens vont pouvoir interpréter les choses. En revanche, ce que je peux te dire, c’est que très souvent le public a une vision bien plus radicale, et plus intéressante même, que l’artiste quand ils interprètent eux-mêmes les choses. J’adore vraiment discuter avec eux des morceaux qu’ils ont aimé, car je me dis souvent que j’aurais du l’écrire comme ça. C’est toute la beauté de l’esprit humain. On y pense bien sûr et en espérant que ça puisse apporter telle vision ou telle réflexion par la suite.

« The End Of All Things » est disponible depuis le 16 avril chez Pelagic Records

Retrouvez également CROWN sur Facebook et notamment le Stream Live bientôt en ligne !

https://www.facebook.com/CROWNBAND

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Metal Progressif Rock

Poverty’s No Crime : le vertige des sommets

Réellement investi et impliqué dans sa musique, POVERTY’S NO CRIME est de ces groupes qui prend son temps pour livrer de bons et beaux albums. Et « A Secret To Hide » ne faillit pas à la règle que suit assidûment le quintet allemand. Une fois encore, le groupe s’amuse avec le Progressif, qu’il soit Rock ou Metal, avec une brillante fluidité.

POVERTY’S NO CRIME

« A Secret To Hide »

(Metalville Records)

En 30 ans de carrière, POVERTY’S NO CRIME s’est forgé une solide réputation et ce huitième album vient confirmer l’assise du groupe dans un registre parfaitement maîtrisé. Si seulement cinq ans séparent «  A Secret To Hide » de « Spiral Of Fear » (ce qui est assez court pour le groupe), les Allemands livrent un très bon opus où se mêlent Rock et Metal Progressif. Suite à une tournée couronnée de succès avec Psychotic Waltz, le quintet est toujours aussi explosif.

Depuis ses débuts, POVERTY’S NO CRIME passe du Rock au Metal Progressif avec un savoir-faire et une créativité qui ont forgé son style si personnel et identifiable. D’une liberté sans faille, les Allemands font la jonction entre les époques avec des passages instrumentaux accrocheurs et aussi rentre-dedans qu’aériens. Avec Volker Walsemann (guitare, chant) en pleine forme, « A Secret To Hide » recèle de détails et d’arrangements tout en finesse et très soignés.     

La particularité de ce nouvel album réside aussi dans le fait qu’aucun membre du groupe ne s’est rencontré durant la phase d’écriture. POVERTY’S NO CRIME s’en amuse aujourd’hui expliquant que cela les a même poussé dans ses retranchements. Résultat, un mur du son infranchissable, une rythmique impressionnante et un frontman qui régale de facilité (« Hollow Phrases », « In The Shade », « Schizophrenic », « Grey To Green », « Within The Veil »). Un grand album ! 

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Hard Rock Metal

Motorjesus : Heavy Rock prophétique

Solidement ancré dans un Heavy Rock nerveux, MOTORJESUS reste toujours aussi virevoltant et déploie une belle énergie communicative à travers ce nouvel album, qui laisse apparaître des influences très américaines au niveau des mélodies et des riffs très acérés sur ce « Hellbreaker », qui s’écoute avec plaisir et qui donne une pêche d’enfer.

MOTORJESUS

« Hellbreaker »

(AFM Records)

Près de trois décennies au service d’un Heavy Rock très punchy et un septième album qui va peut-être enfin faire parler plus largement des Allemands de MOTORJESUS au-delà de leurs frontières, c’est ce qu’on peut souhaiter à l’écoute de « Hellbreaker ». Toujours aussi rentre-dedans, le quintet ne s’est pas embarrassé de ballades, ni même de morceaux mid-tempos et va à l’essentiel.

L’arrivée à la lead-guitare de Patrick Wassenberg donne même un sérieux coup de frais aux nouvelles compos du combo teuton. MOTORJESUS va droit au but et on ne s’en plaindra pas. Toujours aussi bien produit par Dan Swanö (Opeth, Insomnium), « Hellbreaker » reste très Hard Rock dans son ensemble et on notera des sonorités franchement américaines, propres à l’Alternative Metal et ses mélodies imparables.

Si le style des Allemands peut paraître simple à la première écoute, MOTORJESUS joue vite et juste et toute la puissance dégagée n’efface pas la multitude de détails qui vient solidifier l’album. Costaud et massif, le groupe enchaine les morceaux avec rage et fougue (« Drive Through Fire », « Battlezone », « Dead Rising », « Car Wars », « Back To The Bullet »). Ce nouvel album fait du bien, et vient confirmer la force du quintet et son inspiration.

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Extrême Metal

Dark The Suns : au cœur de la pénombre

Après un long silence brisé par la sortie d’une compilation il y a six ans déjà, DARK THE SUNS refait surface avec un tout nouvel album dans lequel le duo finlandais semble renaître dans un Death mélodique teinté de Gothic, profond et plus orchestré que les précédentes réalisations des Scandinaves. Avec « Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä », le couple prend des risques et s’en sort très bien.

DARK THE SUNS

« Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä »

(Inverse Records)

Derrière cette très belle pochette se cache le troisième album du duo Gothic/Death mélodique DARK THE SUNS qui, après une grande quantité de singles, sort enfin un nouveau long format. Il faut préciser que « Sleepwalking In A Nightmare » était sorti il y a déjà 11 ans. L’attente en valait la peine, car « Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä » révèle de très bonnes surprises et une belle variété.

Composé depuis ses débuits en 2005 d’Inka Ojala à la basse et aux claviers et de Mikko Ojala au chant, à la guitare et à la batterie, le groupe revient très inspiré avec des aspects symphoniques et Folk, qui apportent une belle lumière à ce nouvel opus, qui se montre pourtant toujours assez brutale et très Death. DARK THE SUNS marche parfois dans les pas de Dark Tranquillity, tout en gardant une touche très personnelle.

Les dix morceaux de l’album présentent un bel équilibre, une production compacte et une interprétation irréprochable de la part des Finlandais. Les compositions très abouties du duo oscillent entre textes en anglais et en finnois, livrant ainsi une belle originalité à l’ensemble (« The Secrets Of Time », « Taivas Itki Tulta », « Seeker », « Enkelsiipi » et le très bon morceau-titre). DARK THE SUNS montre un beau visage et un registre très maîtrisé.

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Extrême France Metal Progressif

Dirge : entre testament et héritage [Interview]

Créé en 1994, DIRGE a écumé pendant 25 ans les scènes françaises et internationales jusqu’à sa dissolution il y a deux ans. Tout d’abord dans un registre Metal Indus puis en évoluant vers un post-Metal atmosphérique et progressif, le groupe aura marqué de son empreinte la scène hexagonale et laisse un bel héritage en ayant ouvert de très nombreuses portes à la scène actuelle. Alain B. (batterie) et Stéphane L. (guitare, chant, samples) reviennent sur ce parcours et présentent « Vanishing Point », compilation testamentaire et inédite sortie le 26 mars dernier.

Photo : Stéphane Burlot

– J’aimerais tout d’abord qu’on revienne en 1994 à la création du groupe, une époque où le Metal Indus, notamment en France, était assez marginale malgré des groupes comme Treponem Pal et vous. Aviez-vous le sentiment d’être au début de quelque chose sur la scène hexagonale ?

Stéphane L. : Pour être honnête, Treponem Pal était là depuis bien longtemps quand le groupe s’est formé et ils avaient déjà une certaine notoriété (C’est vrai ! – NDR). Les premières démos de DIRGE, sorties au milieu des 90’s s’inscrivaient certes dans une tendance à la fusion machines/guitare, très inspirées par des groupes anglais comme Scorn ou Godflesh, sauf que ce Metal Industriel, qui comme tu le rappelles restait peu développé ici, me semblait alors, avec le recul, déjà sur le déclin. Donc, je n’ai pas le sentiment que DIRGE ait été au début de quoi que ce soit par rapport à ce style en France. C’est plutôt en développant une facette plus viscérale et atmosphérique à la fin de la décennie que le groupe s’est retrouvé, sans le savoir, à l’avant-garde de quelque chose de nouveau. Et pour le coup, pas seulement en France. Sauf qu’on était évidemment loin de parler de post-Metal ou je-ne-sais-trop-quoi à l’époque. Il me semble qu’il n’y avait alors guère qu’Isis, Breach et nous pour trouver un intérêt dans l’héritage sonique de Neurosis.

– Après plusieurs changements de line-up avant 2001, DIRGE a ensuite pris un virage plus atmosphérique avec des morceaux plus longs et beaucoup plus d’expérimentations sonores. Quel était votre leitmotiv à ce moment-là ?

SL. : Je ne sais pas si on peut parler de leitmotiv… Disons qu’on ne voulait se fixer aucune limite en termes d’expérimentations. C’était une tendance tacite entre nous tous, une envie commune et logique.

Alain B. : Le truc c’est qu’à partir de 1999 et mon arrivée à la batterie et celle de Zomber aux samples, le groupe est parti dans quelque chose de beaucoup plus organique et naturel. Le côté machine a ainsi commencé à s’estomper au profit d’une approche plus humaine. L’arrivée de Stéphane en 2001 n’a fait qu’amplifier cette mutation.

SL. : Avoir un véritable batteur en lieu et place d’une boîte à rythme et un mec qui joue les samples en direct a logiquement influé sur la forme de la musique, notamment en explosant le carcan imposé par les programmations et les BPM (qui constituaient paradoxalement l’ADN du DIRGE d’origine). L’abandon de cette rigidité électronique nous a d’un coup laissé beaucoup plus de liberté pour expérimenter, tester, en particulier en étirant les rythmes et les riffs et en jouant sur les répétitions et les durées. Il y a aussi eu tout un travail de recherche sur le volume sonore, le grain et les textures des amplis, un ré-accordage pour renforcer les basses et générer les vibrations les plus telluriques qui soient. Et en contrepoint de ces partis-pris de lourdeur et de puissance, on a aussi voulu introduire une véritable approche progressive et atmosphérique, pour mettre un peu d’air dans tout ce magma. Bref, on s’est retrouvé en 2001/2002 à l’orée d’un champ d’expérimentation incroyablement étendu. Tout cela a débouché sur de longues sessions d’impros pendant les répétitions, qui ont fini par devenir le corps de notre troisième album « And Shall The Sky Descend ».

– « Wings Of Lead Over Dormant Seas », votre quatrième album, a aussi marqué un tournant et une évolution dans le style de DIRGE. L’idée, là encore, était de toujours expérimenter et d’explorer de nouveaux espaces musicaux ?

AB. : On avait une idée bien précise avec « Wings Of Lead… », on voulait enregistrer tout l’album en live, avec le moins de prises possibles, afin de retranscrire au mieux les émotions. On voulait faire les choses naturellement. On a du coup énormément travaillé en amont pour traduire au mieux cette envie.

SL. : Pouvoir jouer et enregistrer d’une traite de si longs morceaux, aux structures labyrinthiques, passait évidemment par une longue préparation d’avant-studio. Apprivoiser et retranscrire au mieux les sessions d’improvisation a peut-être été le plus gros challenge. On savait que les nouveaux titres seraient encore une fois très longs et progressifs, mais il n’était pas questions pour autant d’étirer les choses gratuitement, juste pour le plaisir d’être monolithique. On voulait que tous les éléments, même les plus extrêmes (les tempos, les durées, les sons parasites, les larsens, etc) soient pertinents et servent notre vision de l’époque. Les morceaux ont dans leur majorité été profilés pour être enregistrés live et donc retranscriptibles comme tel une fois sur scène. C’est un disque qui a été fait avec très peu d’artifices studio.

AB. : Quant à l’évolution du style, je crois qu’on ne l’a absolument pas calculé, le processus de création a toujours été un peu le même entre nous.

Le visuel original (146×170 cm), « Ouverture» , par Axël Kriloffv et l’album…

– DIRGE a réellement pris son envol avec « Elysian Magnetic Fields » et « Hyperion », qui vous ont valu une belle reconnaissance et un statut de leader de la scène Indus française. Les années 2010 étaient-elles, selon toi, les meilleures du groupe ?

AB. : Disons surtout que 2011 a été le début de nombreux concerts dans toute l’Europe, avec deux tournées par an. Alors les conditions n’étaient pas simples, mais au final cela a été le début d’une super aventure. On y a noué de nombreux contacts.

SL. : C’est effectivement la période pendant laquelle le groupe a le plus existé en live, en particulier à l’étranger. Avec donc tout ce qui va avec : rencontres, découvertes de nouveaux pays, bons souvenirs et expérience douloureuses, bref, tout ce qui fait la vie d’un groupe en tournée. On est aussi devenu logiquement bien meilleurs sur scène. Et surtout, ce sont des années qui nous ont enfin permis de mieux diffuser notre musique et de toucher plus de gens. Donc pour moi, c’était de loin la meilleure période pour DIRGE. Et les trois albums sortis entre 2011 et 2018 restent mes préférés.

– Pourtant en mars 2019, il n’y a pas si longtemps, vous annoncez la fin du groupe. Qu’est-ce qui a mené à une telle décision ? Vous aviez chacun envie de vous investir dans d’autres projets ?

AB. : Tu sais, le groupe a été créé en 1994 et au bout d’un moment, tu as aussi envie d’avoir une autre reconnaissance, de monter des tournées plus facilement et de jouer dans de meilleures conditions.

SL. : Et comme rien de changeait, qu’on continuait de galérer pour monter les tournées, de s’épuiser sur la route, de dormir par terre et de perdre de la thune, on a compris que rien ne changerait, même avec un nouvel album (« Lost Empyrean »), dont on était pourtant super fier.

AB. : Du coup au bout plus de 20 ans, tu te dis effectivement que tu as fait le tour, et qu’il faut passer à autre chose. Après, au vu des très bons retours qui ont suivi « Lost Empyrean », on aurait bien un peu plus défendu l’album sur scène, mais bon c’est comme ça !

SL. : Le manque de reconnaissance et les galères on en outre fatalement abîmé l’équilibre au sein du groupe où tout commençait à devenir vraiment compliqué. On a donc décidé de terminer l’écriture et l’enregistrement de « Lost Empyrean », de tourner une dernière fois avant sa sortie, d’assurer la promo puis de saborder le groupe juste après. On a préféré arrêter tant que nous étions encore créatifs et pertinents, plutôt que de sortir le disque de trop. Histoire d’arrêter en étant honnête et au clair avec nous-mêmes. Mais il y a beaucoup de regrets et d’incompréhension, c’est sûr.

Photo : Stéphane Burlot

– Aujourd’hui, vous sortez le conséquent et très dense « Vanishing Point » qui regroupe surtout des versions inédites et live. Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a motivé à sortir cette compilation testamentaire ? C’est pour mettre un point final à l’aventure ?

SL. : En fait, on voulait juste regrouper sur un même disque (trois au final), les inédits et les raretés qui nous semblaient importants dans l’histoire et la chronologie du groupe. Sachant que 90% de ce qui constitue « Vanishing Point » est soit inédit, soit totalement devenu introuvable, il y a derrière ce projet une dimension exhaustive et définitive qui nous semblait nécessaire pour effectivement mettre un point final à l’aventure.

AB. : Cela faisait un bout de temps qu’avec Stéphane, nous avions envie de faire enfin paraître certains inédits, de ressortir quelques raretés, de remasteriser certains titres et de les rassembler dans une compilation. Donc, cela nous a pris une bonne année pour faire le tri, retrouver les morceaux, s’arrêter sur une set-list et entreprendre toute la partie restauration et mix.

– Ces trois CD passent en revue tous les lines-up et les albums de DIRGE et vous avez confié ce travail de « restauration » au talentueux Raphaël Bovey. Comment cela s’est-il passé et comment avez-vous défini le choix des titres et des versions ?

AB. : Après le super travail de Raphaël sur « Lost Empyrean », il nous semblait évident que cet énorme boulot de mix, de nettoyage, d’harmonisation et de mastering lui revienne ! C’est d’ailleurs grâce à lui qu’il y a ce troisième CD ; son travail de restauration et de mix sur le live de 2005 nous a tellement bluffé qu’on a décidé de compléter « Vanishing Point » avec ces titres, ce qui permettait ainsi d’ajouter la dimension scénique qui manquait à la compil.

SL. : On avait besoin de quelqu’un de très compétent bien sûr, mais aussi qui connaisse bien notre musique, en qui on avait toute confiance et avec qui il serait très facile de bosser et de communiquer. Le choix était donc évident. Raph a vraiment eu un rôle décisif dans ce projet, tant il a su homogénéiser ces 25 ans de musiques, de sources et de productions parfois très différentes pour en faire un tout très cohérent.

– Après 25 ans d’une carrière très créative menée tambours battants, quelle image et quelle empreinte pensez-vous et aimeriez-vous laisser au public ? Et qu’avez-vous à dire à celles et ceux qui vont vous découvrir avec « Vanishing Point » ?

AB. : On aimerait laisser une image de sincérité. On a toujours fait les choses le mieux possible, joué avec la même intensité dans une salle vide ou dans une salle pleine ! On aime partager ce que l’on ressent, ce que l’on crée avec les gens qui nous suivent depuis longtemps, comme avec ceux qui nous découvrent.

– Enfin, il faut bien que je vous pose la question qui brûle toutes les lèvres : a-t-on une chance de revoir un jour DIRGE sur scène ou avec un nouvel album ?

AB. : Franchement, non je ne pense pas.

SL. : En tous cas, pas avec un nouvel album, ça c’est certain.

« Vanishing Point » est disponible depuis le 26 mars chez Blight Records et Division Records.

Bandcamp : http://dirgeparis.bandcamp.com

Facebook : https://www.facebook.com/DIRGE.fr