Catégories
Blues Blues Rock International

Eric Johanson : in the cradle of Blues [Interview]

Originaire de la Nouvelle-Orleans, ERIC JOHANSON n’aura pas mis très longtemps à s’imposer sur la scène très prolifique des jeunes bluesmen américains. Ayant fait ses gammes aux côtés de Cyril Neville, Anders Osborne et des Neville Brothers, il tape ensuite dans l’œil de Tab Benoit qui le signe aussitôt sur son label Whiskey Bayou Records, où sort « Burn It Down » en 2017. Depuis, le guitariste et chanteur ne cesse d’arpenter les scènes du monde entier et on le retrouve tout naturellement avec « Live In Mississippi », qui fait suite à son dernier opus studio « The Deep And The Dirty ». Entretien avec un artiste qui s’exprime pleinement en concert, où il transmet sa passion d’un Blues relevé.

– Trois ans après le « Live at DBA: New Orleans Bootleg », tu es déjà de retour avec un autre album live. Cela peut paraître un peu surprenant, surtout après quatre albums studio et deux autres de reprises. C’était le bon moment d’en sortir un nouveau, selon toi ?

Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de pouvoir capturer ces moments et de les partager avec les gens. Le dernier album live n’était disponible physiquement que lors de nos concerts et sur ma boutique en ligne. Faire celui-ci avec Ruf Records signifiait qu’il serait disponible en vinyle ainsi qu’en CD, et dans les magasins partout en Europe et en Amérique du Nord. C’est donc cet autre aspect qui m’a enthousiasmé.

– Avoir sorti deux albums live sur une assez courte carrière laisse à penser que c’est vraiment su scène que tu te sens le mieux. Qu’y a-t-il de si spécial dans le fait d’enregistrer un disque en public ? C’est l’échange ?

Oui, il y a quelque chose de spécial qui se produit quand on ressent la chanson et l’énergie du public. Avec les enregistrements en studio, on joue presque tout en live, mais c’est différent, parce qu’on sait qu’on crée la version album. Lors d’un concert, on prend plus de risques et le public peut aussi nous inciter à jouer avec plus d’intensité. C’est un moment partagé, et les gens jouent un rôle très important dans l’ambiance.

– « Live In Mississippi » fait, bien sûr, la part belle à ton dernier album « The Deep And The Dirty », qui a été couronné de succès. Ton envie première était-elle de donner des versions différentes de tes morceaux avec peut-être les modifications que la scène leur a apportées au fil des concerts ?

Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer les chansons de ce nouvel album, et comme la précédente sortie live est sortie avant celles-ci, il était logique d’en inclure davantage sur « Live in Mississippi ». Lorsque nous les jouons en live, nous pouvons étirer certains passages ou explorer un peu plus les solos. Nous trouvons tout le temps de nouvelles choses à inclure aux morceaux.

– « Live In Mississippi » présente dix chansons au total. J’imagine bien sûr que tes concerts sont bien plus longs. Comment s’est passé le choix de conserver celles-ci pour l’album ? Tu as décidé en fonction de tes interprétations, ou il s’agit plutôt d’un équilibre dans ton répertoire qui te définit finalement le mieux ?

Oui, le concert était bien plus long que ce disque. On ne peut pas mettre autant de musique sur un vinyle, donc on a dû le réduire à ce qui semblait être un bon échantillon de la soirée. Bien sûr, une partie de moi veut sortir un coffret avec deux ou trois vinyles, ou quelque chose comme ça, mais ça devient une sortie vraiment chère à ce stade. Je repense aussi à certains grands disques live qui sont devenus des classiques, même s’ils étaient suffisamment courts pour tenir sur un seul disque. Et puis, parfois, ça vous fait réaliser qu’on peut transmettre l’ambiance sans que ça dure pour autant deux heures.

– Pour ton dernier album, « The Deep And The Dirty », tu as beaucoup tourné, que ce soit aux Etats-Unis comme en Europe. J’imagine que les émotions sont nombreuses et très diverses. Dans quel pays et par quel public as-tu été le plus surpris ou séduit ?

J’adore vraiment voyager partout. C’est l’un des meilleurs aspects des tournées, celui de rencontrer des gens du monde entier et de ressentir cette connexion entre tous les peuples à travers la musique. Nous avons joué dans des festivals incroyables en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas, et ce sont toujours des moments géniaux, parce que les gens vous entendent pour la première fois. Mais j’aime aussi beaucoup conduire à travers l’Europe pour faire la tournée des clubs et voir la campagne. Nous serons d’ailleurs à nouveau en Europe à la fin de l’année et j’ai vraiment hâte !

– Comme son nom l’indique, l’album a été enregistré dans le Mississippi au ‘Ground Zero Club’ de Biloxi. Pourquoi as-tu fait le choix de ce concert en particulier ? Correspond-il à un moment spécial de ta tournée, à un endroit que tu connaissais déjà, ou plus simplement c’est le public a été le plus réceptif ?

J’aime l’idée de capturer la musique dans l’environnement d’où elle provient. Notre dernière sortie live a été réalisée ici à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et le Mississippi est un autre lieu de naissance important du Blues et de la musique roots. Nous voulions également trouver un concert où nous savions que la salle serait prête à nous aider à le réaliser, et les gars de ‘Ground Zero’ sont tout simplement super sympas et serviables.

– L’enregistrement d’un album live n’est jamais quelque chose que l’on fait au hasard, il demande aussi de la préparation et pas uniquement du côté des musiciens. Est-ce que, justement, c’est un rendez-vous spécial avec le public avant même de commencer le concert, car on sait qu’il va être immortalisé sur disque ?

Non, car je ne veux pas que les gens se comportent différemment parce que c’est enregistré. Je veux juste capturer un instantané authentique de l’expérience. Je crois avoir mentionné une fois au micro que nous étions en train d’enregistrer, mais pour l’essentiel, nous nous sommes juste concentrés sur le fait de nous amuser avec le public, comme on le fait toujours.

– Partir en tournée dure quelques semaines, voire quelques mois, et les concerts sont forcément nombreux. Est-ce que tu as fait évoluer ta setlist au fil des dates, ou peut-être même suivant le public ou le pays, voire plus simplement au fil de tes envies ?   

Je n’écris plus de setlist, sauf s’il s’agit d’un concert très court, comme une première partie ou une brève apparition dans un festival. Je me base simplement sur mon ressenti et sur la chanson qui me semble la plus appropriée à jouer ensuite. Certaines ont tendance à être placées au début ou la fin, mais j’essaie toujours d’éviter de faire le même set.

– L’album passe par des émotions et des atmosphères très différentes. Tu avais aussi le désir de livrer le panel le plus large de ton répertoire avec des instants parfois opposés et qui font aussi bien sûr ton jeu et ton style plus largement ?

Oui, je pense que le défi de choisir une sélection de morceaux pour un concert est de montrer différentes facettes de ce que tu fais. Je pense que ce disque est une bonne représentation du mélange de styles qui composent mon son.

– Tu as la particularité d’évoluer en trio, ce qui offre beaucoup de proximité entre les musiciens, mais aussi une grande immédiateté avec le public. On te sent justement très proche des gens. C’était vraiment ce que tu souhaitais capter de ces moments en concerts ?

Bien sûr, j’ai toujours été attiré par le son du trio, parce qu’on peut entendre tellement de détails de chaque musicien. Nous occupons chacun un espace sonore différent, donc rien ne masque vraiment quoi que ce soit de l’autre. Cela met tout le monde en avant, donc il faut vraiment tout donner dans sa performance. Je pense que cela se traduit également par une intimité avec le public, ce que j’aime beaucoup.

« Live In Mississippi » d’ERIC JOHANSON sera disponible le 21 mars chez Ruf Records.

Retrouvez la chronique de « The Deep And The Dirty »…

… Et celle du Blues Caravan 2024 avec Katarina Pejak et Alastair Green :

Photos : Kaylie McCarthy (1,2, 4), Doug Hardesty (3) et Gypsy Bone Photography (5).

Catégories
Blues Rock

Sean Chambers : electric tradition

En très, très grande forme, le six-cordiste et chanteur américain SEAN CHAMBERSa bâti un pont plus que solide entre les Etats-Unis et l’Angleterre avec comme ciment un Blues Rock vivifiant, communicatif, brut, parfois marécageux et sans concession. Accompagné par la sémillante et irrésistible Savoy Brown Rythm Section, le power trio est exaltant, tant chacun semble au sommet de son art. Cet instantané live est d’une force et d’une énergie qui ne peuvent laisser les amoureux de Blues Rock, comme les autres, de marbre. Monumental !  

SEAN CHAMBERS

« Live From Daryl’s House Club »

(Quarto Valley Records)

Il a du feu dans les mains et une vision globale du Blues Rock, qui fait de lui l’un des meilleurs représentants actuels du genre. Adoubé par l’iconique Hubert Sumlin qui en fait son guitariste principal et son chef d’orchestre pendant cinq ans, SEAN CHAMBERS a ensuite commencé à tracer son chemin en solo et a sorti huit albums. D’ailleurs remarqué et couvert de louanges par le grand Paul Rodgers, il fait connaissance en 2019 avec la fameuse Savoy Brown Rythm Section lors d’un festival. Le lien musical est naturel et immédiat et la suite est tout aussi éclectique et tellement virtuose.

Avant la disparition de Kim Simmonds, guitariste-fondateur de Savoy Brown il y a deux ans, celui-ci a même donné sa bénédiction au trio dans lequel SEAN CHAMBERS croise le fer pour notre plus grand bonheur avec le bassiste Pat De Salvo et le batteur Garnet Grimm, épine dorsale du groupe londonien. Un trio magique anglo-américain qui fait aujourd’hui des étincelles et qui est venu renverser le public du Daryl’s House Club dans l’Etat de New-York, pourtant habitué aux joutes Blues et Rock. Le set enregistré en mai 2024 est tout simplement époustouflant.

Il y a du Hendrix et du SRV chez le Floridien, ce qui rend son jeu particulièrement complet et enveloppant. Porté par un public totalement subjugué, le groupe électrise la salle et distille un Blues Rock endiablé constitué de morceaux de SEAN CHAMBERS bien sûr, mais aussi de titres composés, et savamment choisis, du grand Simmonds. Une sorte d’hommage qui ne dit pas son nom, mais qui est réellement palpable et qui ne manque pas d’audace dans l’interprétation (« Cobra », « Red Hot Mama », « Bullfrog Blues », « You’re Gonna Miss Me », « Louisiana Blues »). Juste exceptionnel !

Catégories
Classic Rock Glam Rock International

Gyasi : glittin’ Rock [Interview]

En quelques années seulement et avec un nouvel album qui vient tout juste de sortir, GYASI s’est imposé comme un artiste à la fraîcheur outrancière. Bousculant les codes d’une scène Rock actuelle qui ne cesse de se cloner, l’Américain nous renvoie à une époque créative et insouciante, où la liberté d’explorer de nouveaux univers était presque la norme. Entre Classic Rock et Glam, le chanteur et guitariste se présente avec « Here Comes The Good Part », où il va encore plus loin dans la découverte de son propre monde. Forcément hors-norme, il a pourtant la tête sur les épaules et chaque nouveau disques se veut plus imaginatif que le précédent. L’occasion d’en parler et de revenir sur ce personnage insaisissable qu’il incarne avec beaucoup de classe et sans retenue.

– En mai dernier, tu avais sorti « Rock n’Roll Swordfight », ton premier album live. Lors de notre première interview, on avait justement parlé de cet esprit très ‘live’ qui t’animait. J’ai presque l’impression que cela s’est fait de manière très naturelle pour toi, même s’il arrive vite dans ta discographie. C’est aussi ton sentiment ?

Oui, ça s’est fait très naturellement. Sur scène, la musique devient vraiment quelque chose de vivant, qui respire et où chaque musicien contribue et interagit avec les autres et avec le public. Souvent, les concerts ne sont pas suffisamment bien enregistrés pour être publiés, donc le point de départ pour cet album était que nous ayons trois concerts enregistrés en multipiste, afin de pouvoir leur offrir un bon mix. C’était la condition sine qua none, juste avoir les enregistrements bien réalisés entre les mains. Ce que je voulais montrer, c’était comment beaucoup de chansons avaient changé et s’étaient développées au fur et à mesure que nous les jouions et que nous improvisions chaque soir en tournée. J’ai donc pensé que cela leur offrait une nouvelle perspective et qu’elles méritaient d’être publiées, même si c’était un peu tôt dans la discographie. Nous nous sommes juste dit, pourquoi pas ? Et on l’a fait !

– D’ailleurs, dans cet album live, tu nous avais dévoilé les morceaux « Cheap High », « Baby Blue » et « 23 ». Tout d’abord, aimes-tu tester tes chansons sur scène ? Et ensuite, est-ce que cela veut aussi dire que ce nouvel album était déjà prêt, du moins en partie ?

Oui, je pense que tester les chansons en live peut être utile. Parfois, cela les aide à devenir ce qu’elle doive être. D’ailleurs, nous avions joué une première version de « Sweet Thing » (qui ouvre le nouvel album – NDR) en live et il était évident qu’elle n’était pas encore terminée. Alors je suis allé la réécrire pour qu’elle soit telle qu’elle est sur le disque. Je pense souvent à la façon dont une chanson s’intégrera dans notre set live lorsque j’écris. Donc si elle semble vraiment ajouter au flux du set, alors je la joue parfois en live avant même que nous l’ayons enregistrée. Ces trois chansons ont certainement été les premières écrites pour cet album. Je les avais en tête depuis un moment, et je les ai terminées l’année dernière quand j’ai eu un peu de temps.

– On te retrouve donc avec « Here Comes The Good Part », digne successeur de « Pronounced Jah-See ». Un petit mot sur le titre : est-ce que cela veut dire que le premier était une sorte d’essai ? Un premier jet pas forcément abouti, car ce n’est pas l’impression qu’il donnait ?

Non, je pense que le premier disque était déjà abouti. C’était certainement plus une introduction. Le titre de celui-ci est plus ludique et je voulais qu’il soit ouvert à l’interprétation. Quelle est la bonne partie ? Est-ce qu’on le sait quand on l’a trouvée ? C’est tellement subjectif. Chacun se fera sa propre idée…

– Ce nouvel album est co-produit avec Bobby Holland et ton empreinte musicale semble nettement mieux définie, comme si vous étiez allés dans vos derniers retranchements en explorant beaucoup plus de sonorités. C’est dû à une plus grande maîtrise, ou y avait-il des choses que tu t’étais peut-être interdites ou que tu n’avais pas osées sur le précédent ?

Un peu des deux. Pour moi, c’est la clef pour progresser. C’est le processus que j’aime le plus. Faire mon premier disque tout seul a été le déclic pour pouvoir faire celui-ci. Et faire celui-ci m’a également fait avancer en étant capable de faire ce que j’écris maintenant. J’explore et je me pousse toujours de manière créative. J’ai clairement exploré plus de sons sur celui-ci et Bobby Holland y a joué un rôle énorme. C’est un producteur et un ingénieur incroyablement talentueux qui m’a beaucoup aidé à traduire sur le disque ce que j’entendais dans ma tête. Avec lui, je me suis senti plus en confiance pour explorer des choses que je n’avais pas la capacité de réaliser dans ma chambre sur mon magnétophone huit pistes, comme arranger des cordes ou écrire au piano.

– Bien sûr, jouer du Glam Rock en 2025 renvoie forcément à l’âge d’or du style avec toujours les mêmes noms qui reviennent. Est-ce que ce n’est pas usant parfois d’entendre toujours les mêmes critiques, alors justement que ton jeu apporte vraiment du neuf ?

Oui, c’est fatiguant, mais je pense qu’au fil des albums, ma propre voix se solidifie. Sur chaque disque, je me demande toujours quelle est la partie qui me correspond le plus ou qui est la plus unique et comment je peux amplifier et explorer ça. Comme je suis capable de combiner mes différentes influences et de créer la musique que je veux, je pense que certaines de ces comparaisons vont se dissiper. D’un autre côté, la plupart des artistes qui sont mentionnés sont ceux que je considère comme le summum de la musique et de l’art. Donc, je suis souvent honoré d’être comparé favorablement.

– Pour rester sur le Glam Rock, vous êtes assez peu nombreux à en jouer aujourd’hui dans sa forme ‘classique’ en tout cas et en reprenant les codes du genre. Est-ce que tu te sens parfois étranger à la scène Rock actuelle, ou au contraire, cela t’ouvre beaucoup plus de portes que tu ne l’aurais pensé ?

Je me sens un peu étranger à la scène Rock actuelle, c’est vrai. Il y a beaucoup de nostalgie et peu de nouveautés qui semblent vitales et intéressantes au niveau de la création. Honnêtement, je me sens généralement plus connecté à ce que je vois se passer dans d’autres cercles que la scène Rock. Mon espoir est cependant de ramener un peu de cette vitalité créative au Rock et de le rendre passionnant et vital.

– L’impression immédiate que m’a donnée « Here Comes The Good Part » est que ta musique évolue en même temps que toi, ou que ton personnage au sens large à travers ton look notamment, et c’est précisément ce qui donne toute cette fraîcheur au disque. Est-ce que tu travailles, ou explores, ces deux facettes de manière simultanée et est-ce que l’une prend parfois le dessus sur l’autre ? Le look sur la musique, par exemple ?

Je pense qu’ils sont tous les deux en constante évolution. A mon avis, la musique vient en premier et que l’aspect visuel, c’est-à-dire le personnage, s’adapte ensuite à elle. J’élargis simplement mon univers à chaque album et donc il est amené à assumer de nouveaux rôles.

– Revenons à l’album et j’aimerais que l’on parle des arrangements, qui sont aussi nombreux que soignés. On y retrouve du piano et des cuivres, et ta guitare qui donne le ton. Est-ce que c’est un moyen de s’évader d’un Rock souvent brut et direct pour pouvoir exprimer plus d’émotions, notamment à travers des textes qui peuvent peut-être mieux respirer ?

Oui, je pense que la lumière et l’ombre sont nécessaires pour qu’une œuvre paraisse complète. J’aime aussi les surprises et, au fil d’un album, on a la possibilité d’emmener l’auditeur dans des lieux différents et de vivre d’autres émotions. C’est ce que j’aime dans l’expérience de l’album, le voyage que l’on peut faire au fil du disque. Je voulais avoir des couleurs différentes dans les arrangements pour que cela reste intéressant et surprenant et aussi pour lui donner une certaine ampleur émotionnelle.

– J’aimerais qu’on dise encore un mot sur ton look qui te donne beaucoup de relief à travers une personnalité finalement difficile à cerner. Est-ce une manière pour toi de te protéger, ou peut-être de te cacher derrière un personnage presqu’intouchable et qui ose tout ?

Oui, il y a vraiment beaucoup de ça. J’ai toujours aimé les ‘Rock Stars’ plus grandes que nature comme Little Richard, Mick Jagger ou David Bowie. C’est ce que je recherche chez un artiste, c’est pourquoi j’ai créé ce personnage pour cette musique, un personnage qui transmute la musique en un monde unique sur scène. Cela me donne la permission d’aller au-delà de ce que je pourrais être moi-même. Et cela me permet également de me libérer de tous les fardeaux de la réalité et d’entrer dans un nouveau monde avec des règles et des possibilités différentes. Et j’espère que ce monde touchera d’autres personnes et les transportera également ailleurs.

– Enfin, un petit clin d’œil au sujet de Nashville où tu résides depuis un moment déjà. Comment est-ce que cela se passe au milieu des cowboys et des cowgirls ? L’envie d’écrire un album de Country Music ne te titille pas encore ? 

(Rires) Non, pas encore ! Et c’est une voie que je ne pense pas emprunter de sitôt. La Folk ou le Blues des origines peut-être, mais la Country n’est pas vraiment dans mes cordes. Et il y en a beaucoup qui le font bien mieux que moi. Mais Nashville est un endroit formidable pour moi. J’ai trouvé tous mes groupes ici et il y a une scène musicale vraiment florissante, qui a un sens de la camaraderie que je n’ai trouvé nulle part ailleurs.

Le nouvel album de Gyasi, « Here Comes The Good Part » est disponible chez Alive Natural Sound.

Retrouvez la première interview de l’Américain…

… Et la chronique du précédent album live :

Catégories
Classic Hard Rock Hard Rock Progressive Heavy Metal

Magnum : final flight

L’an dernier, le monde du Hard Rock a perdu un grand musicien et avec lui l’Angleterre l’un de ses meilleurs représentants. Après cinq décennies de bons et loyaux services, MAGNUM a donc tiré sa révérence et mis un terme à ses activités suite à la disparition de Tony Clarkin, mais il laisse une magnifique discographie en héritage. Avec « Live At KK’s Steel Mill », le quintet livre un ultime témoignage de sa créativité et de la classe de ses prestations scéniques. Une très belle manière de faire ses adieux à son charismatique guitariste et ami.

MAGNUM

« Live At KK’s Steel Mill »

(Steamhammer/SPV)

Il y a un an, presque jour pour jour, MAGNUM sortait son 23ème et ultime album, « Here Comes The Rain », juste après le tout récent décès de Tony Clarkin. Une terrible semaine pour les Britanniques qui venaient de signer l’une de leurs meilleures réalisations de ces dernières années. Dans la foulée, son emblématique frontman Bob Catley annonçait la fin du groupe. Difficile en effet de continuer l’aventure sans son guitariste, compositeur et fondateur avec la même fougue et surtout la même envie.

Affichant déjà une bonne dizaine d’albums live au compteur, celui-ci est probablement le dernier (sauf bootlegs imprévus) et il est très bon ! Enregistré le 10 décembre 2022 à Wolverhampton en Angleterre au ‘KK’s Steel Mill’, MAGNUM célébrait ce soir-là auprès de ses fans les plus dévoués la fin d’une tournée couronnée de succès. L’occasion était donc idéale pour filmer et enregistrer ce concert, sachant que juste après Tony Clarkin allait s’atteler à la composition de l’excellent « Here Comes The Rain ».    

Alors, même si double-album est posthume, il dégage une énergie folle, celle d’une formation déterminée à offrir à son public une soirée mémorable. Et les 16 morceaux triés sur le volet dans leur répertoire sont le parfait reflet d’une carrière exemplaire et qui aurait d’ailleurs mérité un peu plus de lumière hors de son île, car à l’international la reconnaissance a toujours été longue à venir. Quoiqu’il en soit, MAGNUM nous fait plaisir une dernière fois et le moins que l’on puisse dire est qu’il va cruellement manquer à la scène Hard Rock.

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

Catégories
Musique celtique

Alan Stivell : céleste

Enregistré le 7 avril 2022 à la salle ‘Le Liberté’ de Rennes, ce double-album était aussi attendu par son interprète que par son fidèle public. Accompagné par l’ONB, le célèbre harpiste breton revient en quelque sorte à sa formation première, la musique classique, et c’est lui-même qui a orchestré ce rapprochement. Preuve en est que la musique celtique est universelle, originale et profonde et sait s’adapter à tous les environnements. Le défi que s’était lancé ALAN STIVELL est très largement relevé et le relief que prennent ses compositions est saisissant.

ALAN STIVELL

« RoazhonLiberté  »

(Verycords)

La Musique bretonne telle qu’on la connait aujourd’hui lui doit presque tout. Et pourtant, si le chanteur et multi-instrumentiste donne l’impression d’avoir fait le tour de la question, il n’en est rien. A l’occasion Rock, Folk, World, électrique ou acoustique, ALAN STIVELL a fait vibrer la Bretagne de toutes les façons. Et cette fois, c’est avec l’Orchestre National justement, l’ONB, qu’il offre une partition symphonique d’emblématiques morceaux de son répertoire, ainsi que d’autres moins connus. Et la magie opère encore et toujours.

Malgré une carrière qui s’étend sur des décennies et qui a bercé plusieurs générations, ALAN STIVELL ne manque ni d’envie, ni de fraîcheur. « Roazhon – Liberté », titre où l’on peut d’ailleurs imaginer un double-sens qui rappelle son combat originel, parcourt en l’espace de 20 temps forts savamment choisis ce qui résonne comme un héritage plus vivant que jamais. La fusion entre la musique traditionnelle et classique est assez naturelle et l’ensemble offre presqu’un aspect ‘moderne’ à un registre intemporel.

On peut voir ici certaines similitudes avec le « Fest-Noz Symphonique », initialisé en 2017 par l’Orchestre Symphonique de Bretagne avec le duo Hamon-Martin et Annie Ebrel, qui donnait déjà ce type de lecture à notre musique traditionnelle. Sauf qu’ici, ALAN STIVELL revisite sa célèbre « Symphonie Celtique » parue en 1979 en la pâmant de nouvelles couleurs, tout comme sur « Ys », « Brian Boru », « Pop-Plinn », « Tri Martolod » bien sûr et le « Bro Gozh », doté d’un esthétisme nouveau et même d’un couplet supplémentaire. Sublime !

Catégories
Blues Rock Classic Rock Soul

Brave Rival : l’envol

La scène Blues Rock anglaise ne s’est rarement aussi bien portée que ces dernières années avec l’émergence d’artistes rafraîchissants et créatifs. Et BRAVE RIVAL en fait bien sûr partie, grâce à des compositions pleines d’émotion où le British Blues côtoie le Rock et la Soul pour s’élever dans des sphères puissantes et accrocheuses. Les deux chanteuses sont évidemment l’une des forces de la formation, mais c’est surtout la complicité artistique et le feeling très palpable de l’ensemble qui dominent cet ensemble soudé et harmonieux sur « Fight Or Flight ».   

BRAVE RIVAL

« Fight Or Flight »

(Independant)

Mis en lumière il y a seulement deux ans avec un somptueux premier album, « Life’s Machine », suivi de près par un « Live At The Half Moon » époustouflant en live, BRAVE RIVAL n’avait pas mis très longtemps à se faire remarquer. Nominés aux UK Blues Awards dans la foulée, les Britanniques ont donc un rang à tenir et « Fight Of Flight » est attendu avec une certaine impatience. Et même s’ils ont déjà dévoilé pas moins de cinq singles, il reste des surprises… sept exactement ! Et sur les 50 minutes proposées, on passe littéralement par toutes les sensations.

Toujours aussi chevillé à son indépendance, BRAVE RIVAL est à nouveau passé par une campagne de crowdfunding pour financer son deuxième opus. Encore très bien produit, on retrouve les mêmes intentions, si ce n’est que le groupe montre peut-être un côté plus Rock cette fois. Du moins, c’est ce que laisse transparaître de l’entame pied au plancher du disque avec « Bad Choices », « Seventeen » et « Stand Up » avec en invités l’explosif et tonitruant Will Wilde et son harmonica.

Bien sûr, les deux frontwomen de BRAVE RIVAL, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, offrent des parties vocales aussi volcaniques que sensuelles et parviennent encore à éblouir par l’élégance de leur duo (« Insane », « Heavy », « All I Can Think About », « Five Years On », « Stars Upon My Scars »). Pour le groove, Donna Peters (batterie) et Billy Dedman (basse) font ronronner la machine, alors qu’Ed Clarke a du feu dans les doigts au point de livrer une prestation de haut vol avec notamment des solos renversants. Indispensable !

Retrouvez la chronique du précédent Live et l’interview accordée lors de la sortie du premier album :

Catégories
Heavy Stoner Doom Southern Stoner

Thunder Horse : passage en force

L’authenticité très rugueuse à laquelle les Texans nous ont habitués depuis leur formation se retrouve cette fois encore sur ce premier album live. Mieux, la puissance du combo se trouve ici exacerbée et cette tornade Stoner et Metal ne faiblit un seul instant sur ce « Dead Live In Texas », qui annonce la couleur dès la cover, où la photo de son frontman résume à elle seul l’intensité de cette performance, qui s’achève d’ailleurs sur un « Aces Of Spades » assez savoureux. Une bien belle célébration.

THUNDER HORSE

« Dead Alive in Texas »

(Ripple Music)

Si jouer à domicile a pour effet de décupler la motivation, du moins pour le sport, avec THUNDER HORSE, c’est carrément un doux euphémisme. C’est la foudre qui s’est abattue sur Cibolo, petite ville de la périphérie de San Antonio. En l’espace de six ans, le quatuor a sorti trois albums et a participé à « Burn On The Bayou », une compilation Heavy Stoner en hommage à Creedence Clearwater Revival, initiée par son label Ripple Music. Et il faut admettre que depuis leur premier effort éponyme, c’est un sans-faute.

Même si l’on pouvait légitimement imaginer que les prestations live du groupe seraient largement à la hauteur de ses réalisations studio, « Dead Live In Texas », vient en apporter la confirmation. Mené par un Stephen Bishop (chant, guitare) aussi exalté que sur la pochette, Todd Connaly (lead guitare), Dave Crow (basse) et Johnny Lightning (batterie) s’en donnent à cœur-joie sur neuf morceaux, qui ont dû faire trembler plus d’une fois les murs. Façon rouleau-compresseur, THUNDER HORSE entraîne tout sur son passage, public compris.

Avec une setlist resserrée et assez courte, les Américains ont décidé de se concentrer sur leurs titres les plus explosifs, en faisant honneur à leur trois opus. Avec cette faculté à englober son Stoner de Doom, de Heavy Metal et d’un Rock massif et Southern, ils nous plongent dans un chaudron bouillonnant dans les pas des légendes du genre. Une folle énergie a toujours submergé THUNDER HORSE et « Dead Alive In Texas » vient couronner un élan ravageur (« New Normal », « Song For The Ferryman », « Monolith », « Chosen One »).

Retrouvez les chroniques consacrées au groupe :

Catégories
Glam Rock Rock 70's

Gyasi : une sauvage intensité

Il est exubérant, flamboyant et il respire l’âge d’or du Rock’n’Roll à pleins poumons malgré sa jeunesse. Totalement débridé, le songwriter aura attendu seulement un EP et deux albums avant de réaliser son premier live. C’est dire la témérité et l’exaltation de GYASI, homme de spectacle et musicien accompli. Avec « Rock n’Roll Sword Fight », il expose une identité musicale hors-norme et explose les codes établis.

GYASI

« Rock n’Roll Sword Fight »

(Alive Naturalsound Records)

Il y a deux ans, j’avais eu le plaisir de poser quelques questions au très électrique GYASI à l’occasion de la sortie de son deuxième album, « Pronounced Jay-See ». Dorénavant basé à Nashville, le natif de Virginie Occidentale poursuit son périple et ce n’est pas très surprenant de le voir surgir avec « Rock n’Roll Sword Fight », un live qui se trouve être le parfait reflet de l’intense énergie qu’il déploie et surtout du son qui émane de son travail en studio. Une sorte de prolongement, en somme. 

C’est donc dans son élément de prédilection, la scène, que l’Américain a capté les émotions et l’intensité de son jeu. GYASI nous fait le plaisir de se livrer sur près d’une heure d’un Rock’n’Roll fougueux, où il ne prend d’ailleurs guère le temps de lever le pied. Dans une atmosphère très 70’s et porté par un public restreint mais tout acquis, le guitariste et chanteur fait le show… et il le fait même très bien ! La tempête décibélique fait son œuvre et devient même addictive.

Théâtral et incandescent, GYASI incarne littéralement le renouveau du Glam Rock perçu sur « Pronounced Jay-See », et apporte beaucoup de fraîcheur à un registre où l’on se délecte des références à Led Zeppelin, T-Rex et aux Stooges avec un soupçon de Bowie et de Slade. Il se les est accaparé et, très bien soutenu part un groupe efficace, il laisse parler un univers très personnel. A noter en fin d’album les versions survoltées du medley « All Messed Up » et le génial « Sugar Mama ». Un vent de liberté !

Retrouvez l’interview de l’artiste :

Catégories
Blues Rock Contemporary Blues

Ellis Mano Band : un moment de grâce

Les albums live sont souvent des instants hors du temps et en matière de Blues, cela se vérifie quasi-systématiquement tant ils se vivent intensément… et ils n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, sinon c’est la chute. ELLIS MANO BAND est un groupe de scène et il ne faut pas bien longtemps pour s’en rendre compte. Sur un groove constant, une délicatesse et une finesse qui font dans la dentelle et un chanteur totalement investi, la formation helvète fait plus que jouer du Blues, elle le respire à travers chaque note. « Live : All Access Areas » n’est pas une démonstration, mais une parfaite partition.

ELLIS MANO BAND

« Live : Access All Areas »

(SPV Recordings/SPV)

Pour celles et ceux qui l’ignorent, ELLIS MANO BAND est la rencontre explosive et placée sous le signe du feeling et de la complicité entre le chanteur Chris Ellis et le guitariste Edis Mano. Musiciens chevronnés, c’est assez naturellement qu’ils sont rejoints par le bassiste Séverin Graf, le batteur Nico Looser et Luc Bosshardt aux claviers. Basé en Suisse, comme l’équipe de France de tennis (pardon…!), le quintet s’est vite retrouvé autour d’un Contemporary Blues, comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire un style très actuel, mais qui fait aussi beaucoup de place à des teintes Soul, R&B et à quelques jams bien senties sur scène. 

Et c’est précisément en concert que le ELLIS MANO BAND nous embarque cette fois et la balade sur les 15 morceaux est majestueuse, n’ayons pas peur des superlatifs, car ils sont plus que justifiés. Le groupe, qui présente d’ailleurs un line-up multinational, passe en revue ses trois albums studio, histoire de nous faire patienter jusqu’à la sortie du quatrième, qui devrait intervenir à la fin de l’année ou au tout début de 2025. Et ce « Live : Access All Areas » se perçoit comme une visite guidée d’un parcours sans faute et ouvre les portes de son répertoire avec classe et une fluidité dans le jeu exemplaire de leur part à tous.

Et quoi de plus normal que d’entamer l’album avec « Whiskey », leur tout premier single, suivi quelques mois plus tard par un premier opus, « Here & Now », déjà prometteur ? Le ton est donné et le public chaleureux n’en perd pas une miette. Enregistré en Allemagne et en Suisse, « Live : Access All Areas » livre quelques pépites et autres moments suspendus particulièrement immersifs. ELLIS MANO BAND se faufile dans toutes les ambiances avec une facilité déconcertante, qui donnent lieu à des versions de haut vol (« Bad News Blues », « Forsaken », l’enivrant « Bad Water », « Only With You », « Johnny & Suzy »). Magique !   

Photo : Isaak LiveArt
Catégories
folk Musique celtique

Loreena McKennitt : une élégante simplicité

Harpiste, accordéoniste, pianiste et bien sûr chanteuse, LOREENA McKENNITT renoue avec ses premières amours, celles de la communauté Folk dans laquelle elle a commencé à se produire avant de diffuser sa musique aux quatre coins du monde. Entouré d’un groupe de chez elle, ainsi que de son amie de longue date, la violoncelliste Caroline Lavelle, la musicienne apparaît dans un registre très personnel, toujours celtique évidemment, et joue avec une proximité très acoustique et captivante.

LOREENA McKENNITT

« The Road Back Home »

(Quinlan Road/Outhere Music)

La plus irlandaise (et écossaise !) des Canadiennes fait son retour avec un album enregistré en public. Une chose pas complètement anodine pour la grande LOREENA McKENNITT, dont la discographie compte presqu’autant d’albums live que de studio. Il faut aussi reconnaître que sa musique prend réellement toute sa dimension en concert et chacun est d’ailleurs un voyage inoubliable, une expérience à vivre. Et du haut de 14 millions de disques vendus, c’est bel et bien sur scène qu’elle rayonne. Les dix morceaux de « The Road Back Home » ont été captés lors de quatre festivals Folk en Ontario, autour de Stratford où elle est installée.

LOREENA McKENNITT est ici accompagnée d’un groupe de musiciens celtiques, ‘The Bookends’, rencontré dans sa ville et qui la suivit l’été dernier dans ces quelques rassemblements. L’occasion aussi pour la chanteuse de jouer quelques titres encore jamais gravés sur aucune de ses nombreuses réalisations. Tout en simplicité, « The Road Back Home » se veut comme un hommage à ses premiers pas dans la musique, et on la retrouve dans une forme d’intimité où elle interprète d’anciennes chansons de ses débuts. Epurées et très Folk, elles sont d’autant plus touchantes qu’elles sont peu arrangées.

Avec ce huitième album live, l’auteure, compositrice et interprète remonte aux sources de sa brillante carrière dans une ambiance pleine d’énergie et de chaleur, ce qui peut d’ailleurs trancher avec les atmosphères pleines de mystère, dont elle s’entoure souvent. LOREENA McKENNITT a souhaité donner et partager sa version musicale du ‘chez-soi’, un lieu chaleureux et familier. Toujours aussi spontanée, on se laisse porter par sa voix étincelante, qui semble figée dans le temps, tant elle est cristalline. Alors qu’elle célèbre les 30 ans de son mythique « The Visit », toujours sur les planches, sa douceur reste toujours palpable.