Si depuis le début de ce nouveau millénaire, la scène Blues mondiale a vu quelques cartes rebattues avec l’émergence, dans la durée, de grandes blueswomen et bluesmen, il en est un qui surclasse tout le monde et c’est bel et bien JOE BONAMASSA. Sa créativité, en studio comme sur scène, est littéralement le souffle qui manquait à ce style si emblématique. Avec ce « Live At The Hollywood Bowl With Orchestra », il monte encore les curseurs et livre de manière sublime son lot de frissons.
JOE BONAMASSA
« Live At The Hollywood Bowl With Orchestra »
(J&R Adventures)
Alors qu’il vient tout juste de sortir le cinquième album de son supergroupe Black Country Communion, JOE BONAMASSA s’attaque déjà à nos platines et dans son style de prédilection. Et cette fois, c’est dans une configuration époustouflante qu’il interprète une partie de son répertoire. Rarement aussi bon qu’en live, il a investi le magnifique écrin qu’est le Hollywood Bowl de Los Angeles, cultissime amphithéâtre où se produisent depuis 1992 les plus grands noms de l’Histoire de la musique.
Alors que l’homme au costume a sorti presqu’autant de témoignages live que de réalisations studio, c’est de nouveau sur les planches qu’on le retrouve et entouré d’un line-up exceptionnel. Accompagné d’un orchestre de 40 musiciens dirigé par de grands chefs tels que David Campbell et Trevor Rabin, les morceaux de JOE BONAMASSA prennent une ampleur incroyable grâce à des arrangements millimétrés, inédits et audacieux. Et le résultat célèbre littéralement le talent de l’Américain.
Sublimées par l’orchestre symphonique, les compositions du guitariste et chanteur s’élèvent encore un peu plus et la qualité du songwriting original prend une nouvelle dimension. Sur une tracklist parfaitement équilibrée, alternant les titres dynamiques et d’autres purement Blues, JOE BONAMASSA dévoile l’étendu de son répertoire en se faisant virtuose, mais en laissant surtout parler les notes. Enveloppé de cordes, de cuivres, de choristes au diapason, d’une flûte et de son groupe, ce nouveau live est une petite merveille.
Retrouvez les chroniques de ses précédents albums :
Ancré dans un esprit 70’s, THE WIZARDS se meut dans un concept et des sonorités occultes dilués dans un son organique soigneusement élaboré. Originaires de Bilbao, les Basques combinent Hard Rock, Heavy Metal et Rock et avec « The Exit Garden », le quatrième album du quintet, on plonge dans un univers à l’imagerie sombre et ténébreuse où les longues plages instrumentales souvent épiques font corps avec un chant captivant. Entretien avec Jorge, aka George Dee, lead-guitariste du combo, dont le registre rappelle les belles heures des fondations du genre.
– Vous avez formé THE WIZARDS il y a un peu plus de dix ans et votre parcours est exemplaire avec ce quatrième album qui vient juste de sortir. Est-ce que c’est ce que vous avez déjà en tête au printemps 2013 quand vous avez publié votre première démo ?
Notre première démo est sortie en janvier ou février 2014 et à l’époque, le groupe s’est formé sans objectif clair en tête. Nous avions tous joué dans d’autres groupes et nous avons commencé ce projet juste pour nous amuser et jouer quelque chose de différent. Nous ne pouvions pas imaginer que THE WIZARDS allait être le tournant Rock’n’Roll de nos vies.
– Avant de parler de « The Exit Garden », j’aimerais qu’on évoque de cette sorte de concept autour de THE WIZARDS. Il règne chez vous une ambiance occulte et une imagerie pleine de mystères. Est-ce que l’objectif est de développer un univers bien spécifique autour de chaque album, ou c’est plus global et cela inclue la démarche complète groupe ?
Le concept derrière le groupe a été clair, dès que nous avons choisi le nom en fait. Il reflète la magie liée à la musique. Nous nous inspirons des connaissances ésotériques, ainsi que des livres, des bandes dessinées, de nos expériences personnelles et bien d’autres choses. Chaque album montre une approche différente et rien n’est vraiment planifié, car les choses se produisent finalement lorsque nous écrivons et composons les chansons.
– Après votre premier album éponyme en 2015, vous avez enchainé avec « Full Moon In Scorpion » et « Rise Of The Serpent », presque coup sur coup en 2017 et 2018. Que s’est-il passé ? Vous aviez un double-album en tête dès le départ, ou il s’agit juste d’un surplus de créativité ?
En fait, c’est juste quelque chose de normal, car nous avions enregistré « Full Moon in Scorpio » en avril 2016 et il n’est paru qu’en mai 2017. Au début, personne ne voulait le sortir et après quelques mois, nous avons finalement conclu un accord avec Fighter Records. Et puis, il y a eu des critiques et des ventes incroyables, donc nous avons beaucoup joué. Ensuite, en avril 2018, nous avons commencé à enregistrer « Rise of the Serpent ». Finalement, il y a eu une pause de deux ans entre la conception et l’enregistrement des deux disques.
– Puis, il s’est passé six ans entre vos deux derniers albums. C’est long et même s’il y a eu la pandémie, est-ce une période où vous avez aussi plus tourné ?
Malheureusement non, nous n’avons pas pu faire de concert pendant deux ans et demi et ce fut un désastre total pour nous. Mais nous nous en sommes remis en selle et nous sommes revenus il y a deux ans et nous sommes là aujourd’hui : prêts pour l’action et plus forts que jamais.
– A propos de concerts, on entend assez peu parler de la scène Metal espagnole. Est-il facile d’y organiser des tournées et est-ce que votre situation au pays Basque vous offre aussi des opportunités en raison de la proximité avec la France, notamment ?
Il y a une scène intéressante dans notre pays et nous avons joué presque partout. Ce n’est pas difficile pour nous de tourner ici. Et comme nous sommes aussi proches de la France, notre premier concert a eu lieu à Rennes en Bretagne. Nous adorons jouer dans d’autres pays. J’espère que nous pourrons bientôt retourner à Rennes et dans d’autres villes également.
– D’ailleurs, la culture basque est aussi riche en légendes. Est-ce qu’elle vous inspire ?
Pas énormément au niveau des paroles. Je pense que nous sommes peut-être plus davantage liés à cette présence par la seule puissance de son essence-même.
– Il y a trois ans, vous aviez aussi sorti un single, « Sign Of The Wolf (Pentagram) ». C’était une façon de garder le contact avec vos fans, alors que les concerts étaient à l’arrêt ?
Oui, exactement. Nous nous sommes souvenus qu’il y avait cette chanson que nous avions gardée pour une sortie spéciale. Et nous avons pensé que c’était le bon moment. On la jouait d’ailleurs en live depuis longtemps.
– « TheExit Garden » paraît plus sombre que vos albums précédents avec des aspects Doom qui rappellent Skyclad et Trouble. Et puis, vous avez également produit votre album. C’est une manière de gérer entièrement votre musique ou, plus simplement, c’est parce que vous aviez une vision précise et claire du son que vous voulez obtenir ?
Nos deux précédents disques avaient été produits par Dean Rispler et il nous a montré de nombreuses astuces importantes concernant la production. C’était donc le moment idéal pour le faire nous-mêmes. Nous n’avons pas beaucoup réfléchi au son global, mais nous avons beaucoup travaillé sur les arrangements, les structures et le jeu. Je pense que nous avons réalisé ce que nous avions en tête, donc nous sommes vraiment heureux de l’avoir produit nous-mêmes.
– L’une des premières choses qui attire l’attention chez THE WIZARDS est l’énorme travail effectué sur les guitares, entre les riffs, les twin-guitares et les solos. Les morceaux ont structures solides. Vous composez plutôt autour d’un thème de départ, du chant ou des parties de guitares justement ?
Merci, c’est peut-être parce que les principaux auteurs sont Felipe (Phil The Pain – NDR) et moi, les deux guitaristes du groupe. Nous aimons écrire les chansons ensemble, et c’est génial, car nous nous complétons vraiment. Habituellement, nous travaillons sur quelques riffs qui deviennent la structure principale, puis nous ajoutons les paroles et d’autres arrangements. Mais la majeure partie du travail est accomplie lorsque nous répétons tous les cinq ensembles. Cela a d’ailleurs toujours été notre façon de faire depuis le début.
– D’ailleurs, comment se partagent les parties de guitares entre le lead et la rythmique ? Et est-ce que le fait d’avoir le même line-up depuis vos débuts est important pour l’harmonie du groupe et l’équilibre de vos morceaux ?
C’est assez simple, je joue le lead et Felipe joue la rythmique en concert. En studio, nous enregistrons tous les deux les parties rythmiques, et ensuite je fais les solos. C’est vrai que nous sommes ensemble depuis 2013 et c’est véritablement la clé du son serré que nous aimons offrir. Ecrire, répéter et jouer en live avec les mêmes personnes pendant dix ans est quelque chose qui crée une réelle connexion et une belle synchronicité au niveau des guitares dans les morceaux.
– Enfin, THE WIZARDS aurait très bien pu exister et évoluer dans les années 70/80. Comment vous êtes-vous plongé dans ce courant du Heavy Metal, qui rappelle ses belles heures ?
Nous aimons les groupes classiques tels que Judas Priest et Blue Öyster Cult, c’est vrai. Les albums que ces groupes ont réalisés dans les années 70/80 sont de grande classe. Mais nous essayons surtout simplement de créer quelque chose de personnel en s’inspirant de tous ces grands maîtres. Et puis, rien ne nous intéresse plus qu’un ampli Marshall et une guitare Gibson : c’est du Rock’n’Roll et c’est donc toujours très organique.
Le nouvel album de THE WIZARDS, « TheExit Garden », est disponible chez High Roller Records.
Chaque nouvelle réalisation de MARIA DAINES est toujours un enchantement. Dans un Blues délicat, moderne et envoûtant, la chanteuse et compositrice présente des chansons surtout mid-tempo dans un registre British Blues d’une clarté rayonnante. Avec son complice Paul Killington, musicien et producteur, elle pose sa voix sur une musique pleine de sensibilité et d’émotion. « Blue » est un modèle du genre qu’on ne se lasse pas d’écouter.
MARIA DAINES
« Blue »
(Independant)
Il aura donc fallu attendre trois ans pour réentendre la voix exceptionnelle de MARIA DAINES. En effet, c’est en 2020 que la Britannique avait sorti le très, très bon « The River », toujours en indépendant. Même si elle s’est essayée à d’autres styles, c’est bel et bien au Blues qu’elle revient toujours, et toujours accompagnée par le multi-instrumentiste, producteur et exceptionnel guitariste Paul Killington. Le duo est en symbiose totale et cela s’entend une fois encore sur « Blue ».
On pourrait s’étendre longuement sur la voix cristalline de MARIA DAINES, tant il est rare de voir une chanteuse dotée d’un spectre vocal capable de jouer sur une finesse incroyable et l’instant suivant de se déployer dans une énergie dont la puissance est tout aussi spectaculaire. Le chant de l’Anglaise est un instrument à part entière et, comme tous les virtuoses, elle n’a pas besoin d’en abuser pour marquer ses morceaux d’une empreinte indélébile. Et les dix titres sont d’une classe et d’une justesse absolue.
Le Blues du duo de Cambridge peut paraître d’une grande simplicité, tant il est d’une évidence et d’une fluidité absolues. Pourtant, tous deux guidés par un feeling constant, ils ont bâti un nouvel opus aux multiples détails et aux arrangements très soignés. Ouvrir « Blue » avec « Beyond Me », long de 7mn30, montre toute l’audace et le savoir-faire de MARIA DAINES et de Paul Killington, et d’autres perles suivent ensuite (« Sundown Blues », « Ain’t Your Man », « The River », « Blue », …) Brillant !
Avant de reprendre le chemin des concerts (d’ailleurs a-t-il seulement arrêté ?) pour des prestations qui s’annoncent hors normes, sur mer comme sur terre et y compris avec le fameux Black Country Communion, le guitariste et chanteur se fait plaisir avec un deuxième volume de son « Blues Deluxe », paru en 2003. JOE BONAMASSA nous gratifie de huit magnifiques reprises et de deux originaux inédits, le tout avec la virtuosité et le feeling devenus sa signature.
JOE BONAMASSA
« Blues Deluxe Vol.2 »
(J&R Adventures/Mascot)
Afin de se rappeler au bon souvenir de son album « Blues Deluxe » sorti il y a 20 ans et qui l’a célébré dans le monde entier, JOE BONAMASSA nous offre un second volet tout aussi brillant et inspiré par les artistes qui ont façonné son style. C’est aussi une façon pour l’Américain de jeter un regard sur une carrière exceptionnelle, où il s’est hissé parmi les bluesmen aussi incontournables que prolifiques. Il faut reconnaître que le chemin parcouru en deux décennies est défiant, tant il incarne aujourd’hui le renouveau du Blues.
Composé donc pour l’essentiel de reprises, « Blues Deluxe Vol.2 » donne toute la mesure de la progression (et oui !) de JOE BONAMASSA en tant que guitariste bien sûr, mais surtout comme chanteur, un rôle qu’il avoue avoir toujours du mal à pleinement assumer. Pourtant, la maturité de son chant est incontestable, tout comme la finesse et la précision de son approche des standards qu’il interprète ici. Et au-delà bien sûr de la qualité de la production, les arrangements sont comme toujours très soignés.
De Bobby ‘Blue’ Bland à Fleetwood Mac en passant par Guitar Slim et Albert King, JOE BONAMASSA revient à ses premières amours, celles qui ont forgé son identité de bluesman. Repris avec toute l’élégance qu’on lui connait et avec beaucoup d’humilité, ces huit morceaux cohabitent avec deux originaux. « Hope You Redize It (Goodbye Again) » a été composé avec Tom Hambridge, tandis que son complice et guitariste Josh Smith signe « Is It Safe To Go Home ». Une fois encore, c’est du grand luxe !
Les riffs sont épais, la voix chaleureuse et l’atmosphère souvent épurée, mais toujours captivante. De la Franche-Comté au far-west, il n’y a finalement d’un tout petit pas que FAT JEFF fait très naturellement avec une décontraction et un feeling de chaque instant. Le Blues très copieux du guitariste et chanteur joue sur la puissance de saturations bien senties, entrecoupées d’instant suspendus, tout en délicatesse.
FAT JEFF
« Get Back To Boogie »
(Independant)
Quoi de mieux que le vaste univers du Blues pour s’exprimer pleinement dans une formule en one-man-band ? C’est en tout cas le chemin emprunté par FAT JEFF et cela fait déjà trois albums que son histoire s’écrit. Faisant suite à « Feelin’ Wood » et « Tales From The Road », « Get Back To Boogie » vient renforcer l’identité artistique de l’artiste et son titre parle d’ailleurs de lui-même. Ici, on ne reste pas longtemps les deux pieds dans le même sabot.
Passé l’intro très Southern de bienvenue, on entre dans le vif du sujet, dans l’univers très personnel, brut et rugueux de FAT JEFF. S’aidant de minimalistes éléments de batterie, le musicien offre du rythme et de la dynamique à ses morceaux tout en conservant un aspect éthéré, souvent lancinant. Le chanteur s’appuie surtout sur les guitares pour forger ce son qu’il va puiser au plus profond des racines Blues avec également beaucoup de modernité.
Délicieusement gras et poussiéreux, il est question avec FAT JEFF d’un Dirty Old Heavy Blues écorché, qui penche autant sur le Blues du Delta que dans des sonorités plus sudistes, où le bottleneck croise la cigarbox avec une énergie très entraînante. Remuant sur « Clock Mornin’ », « I Am A Gypsy », « Lost Shoes » ou plus posé sur « Ducks », « Smokey Bars » ou « Bay Horse », on suit le songwriter avec plaisir dans un road-trip savoureux et dépaysant.
Guitariste de Whitesnake et du Trans-Siberian Orchestra, le musicien américain profite de ce début d’année pour livrer le deuxième album de son projet solo, JOEL HOEKSTRA’S 13. Et les fans de Hard US au parfum des 70-80’s livré dans une production très actuelle vont être ravis par « Running Games » qui, sans être nostalgique, met en lumière un style intemporel.
JOEL HOEKSTRA’S 13
« Running Games »
(Frontiers Music)
Ancien guitariste de Night Ranger, Joel Hoekstra n’a pas attendu de rejoindre les rangs de Whitesnake, suite au départ de Doug Aldrich, pour se faire un nom dans le monde de la six-cordes et bien au-delà. L’Américain originaire de l’Illinois a notamment déjà sorti trois albums solos, fait de multiples participations et « Running Games » est son deuxième opus sous la bannière JOEL HOEKSTRA’S 13. Et pour ce nouvel effort, il a fait appel au même line-up que pour « Dying To Live », et il faut avouer que ça fait rêver !
Quand vous avez ce genre d’amis, autant leur proposer de venir poser quelques notes, non ? On retrouve donc au casting Vinny Appice (ex-Black Sabbath, DIO) à la batterie, Tony Franklin (ex-The Firm, Blue Murder) à la basse, Derek Sherinian (Sons Of Apollo, Dream Theater) aux claviers, ainsi que Russell Allen (Symphony X) et Jeff Scott Soto (Sons Of Apollo, Trans-Siberian Orchestra) aux chœurs… Oui, juste aux chœurs ! Ce JOEL HOEKSTRA’S 13 a plutôt fier allure et cela s’entend sur ce très bon « Running Games ».
Et comme ce projet est avant tout solo, le guitariste et compositeur a géré lui-même toutes les compositions (paroles et musique), ainsi que les arrangements et la production. Seul Chris Collier a été autorisé à s’occuper du mix. Il en résulte un très bon album de Hard US mélodique et accrocheur, où le riff est à l’honneur, tout comme des solos terriblement efficaces et peu démonstratifs (« Fantasy », « How Do You », « Lonely Days », « Finish Line » ou « Reach The Sky »). JOEL HOEKSTRA’S 13 met la banane sans donner la leçon.