Même si c’est son premier album et qu’il s’aventure dans un registre jusqu’ici inédit pour lui, MATRASS réalise le tour de force de se mouvoir très habillement dans un Post-Metal Progressif créatif et composé de multiples éléments, tous parfaitement assimilés. Avec « Cathedrals », les Français frappent forts et s’installent avec détermination aux côtés des meilleurs combos du genre, grâce une belle technique et une prestation éclatante de leur chanteuse.
MATRASS
« Cathedrals »
(La Tangente)
Après deux EPs, le quintet fait (déjà) table rase du passé en changeant radicalement de style et de batteur par la même occasion. Malgré la belle fusion Metal affichée sur « Inner Wars » il y a deux ans, MATRASS opte cette fois pour un post-Metal Progressif lorgnant sur le post-HardCore et le post-Rock. Il semblerait que le style fasse de plus en plus d’émules dans l’hexagone, tant le nombre de formations évoluant dans la même veine voit son nombre grandir depuis quelques années. « Cathedrals » apparait donc comme une sorte de renaissance, de nouveau départ.
Et ce virage vers un Metal résolument moderne est vraiment bien négocié par les Bordelais, qui s’offrent là l’occasion de pousser l’expérimentation musicale beaucoup plus loin. Que ce soit au niveau des structures des morceaux comme dans leurs tessitures, « Cathedrals » est un premier opus très abouti, riche et à travers lequel les deux guitaristes peuvent exprimer leur plein potentiel, tout comme la technicité de la rythmique et la polyvalence vocale de Clémentine Browne, la frontwoman de MATRASS, dont le chant alterne le clair et le growl avec la même aisance.
Et pour mieux affirmer sa nouvelle identité sonore, les Girondins s’appuient sur une production massive et aérée. Car s’ils n’hésitent pas à se montrer explosifs sur les moments forts, les longues plages instrumentales ne sont pas en reste. MATRASS y livre quelques instants suspendus de toute beauté. Malgré sa courte expérience dans ce registre post-Metal Progressif, avec « Cathedrals » il libère des titres dont la construction et l’interprétation sont irréprochables (« Shreds », « Glimpses », « Appetite For Comfort », « Adrift » et le morceau-titre.). Une entrée en matière saisissante !
Avec un chant féminin aussi incantatoire que virulent, le Doom de CASTLE RAT oscille entre un Heavy Metal porté par la NWOBHM et un Stoner chargé et obscur. Vintage dans le fond comme dans la forme, « Into The Realm » se fait l’écho d’un groupe déterminé et plein d’audace. La sincérité des New-Yorkais transpire sur les morceaux de ce premier disque aux délectatives couleurs revival.
CASTLE RAT
« Into The Realm »
(King Volume Records)
Tout juste cinq ans et quelques singles après sa création, CASTLE RAT sort son premier album et nous propose un bon dans le temps. Dans un univers très médiéval aux saveurs fantasy, la formation de Brooklyn propose un Heavy Stoner Doom très vintage, bien maîtrisé et où chaque code du genre est respecté. Entre influences issues de la NWOBHM et un proto-Metal rappelant Manilla Road et Candlemass, le quatuor soutenu en live par Maddy Wright, alias ‘The Rat Reapress’, se montre épique.
Avec « Into The Realm », CASTLE RAT n’entend pas révolutionner le genre, mais s’attèle surtout à entretenir un bien bel héritage. Sur des riffs tendus et épais, des solos bien distillés et une rythmique basse/batterie lourde et efficace, le combo arpente des chemins mystiques, guidé par la voix envoûtante bardée de réverb’ de sa frontwoman Riley Pinkerton, qui se montre fascinante en donnant un relief particulier à cet opus. Bien qu’un peu court, on se laisse vite emporter par cette atmosphère très sombre et Heavy à souhait.
Conçu sur un modèle narratif, « Into The Realm » s’articule autour de trois interludes instrumentaux (« Resurrector », « The Mirror », « Realm »), qui font corps avec l’ambiance globale. La chevauchée de CASTLE RAT ne manque ni de sel, ni de variété et les Américains multiplient ainsi les configurations en se distinguant habillement (« Dagger, Dagger », « Feed The Dream », « Fresh Fur », « Red Sand » et le plus léger et mystérieux « Cry For Me »). Direct et parfois même hallucinatoire, ce premier effort ne lâche rien.
Alors que Living Coloür a repris la route, son chanteur s’offre une petite escapade avec SONIC UNIVERSE, nouveau groupe ultra-dynamique, qui évolue dans un style pas si éloigné. Entre Metal et Funk, « It Is What It Is » se montre d’une créativité gourmande guidée par quatre cadors, qui font parler leur expérience avec talent et spontanéité. Très vivant et tout aussi sensible, l’ensemble assène une bonne claque revigorante !
SONIC UNIVERSE
« It Is What It Is »
(earMUSIC)
Eternel frontman de Living Coloür depuis 1994, Corey Glover réapparait avec un nouveau projet très ambitieux et qui aurait même presque pu être une nouvelle réalisation de sa formation d’origine. Mais la touche et le son de son emblématique fondateur et guitariste Vernon Reid ne sont pas de la partie. Cependant, SONIC UNIVERSE ne manque pas de piquant et vient réoxygéner un registre à bout de souffle. Car, il est ici encore question d’un Crossover Metal Funk de haut vol.
Cette fois encore, le frontman est très bien entouré, puisqu’il a fondé le groupe avec le six-cordiste Mike Orlando d’Adrenaline Mob et les très, très bons Booker King à la basse et Tyakwuan Jackson à la batterie. SONIC UNIVERSE, c’est du lourd et la technicité du quatuor en est presqu’étourdissante. Le groove de la rythmique percute autant qu’il envoûte et, même si le jeu hyper-shred d’Orlando se perd parfois un peu, l’intense fraîcheur dégagée prend toujours le dessus.
Et face à cette déferlante décibélique et cette avalanche de riffs, la voix gorgée de Soul de Glover surnage et son authentique émotion fait le reste. Comme toujours, ses textes prônent la tolérance et appellent à l’unité dans une Amérique plus fascisante que jamais. De rebondissements en rebondissements, SONIC UNIVERSE évolue avec une folle énergie, tout en se forgeant une identité forte (« I Am », « My Desire », « Life », « Higher », « I Want It All » et le morceau-titre). Une première qui atteint des sommets !
Avant de lire cette chronique de GUENNA, mettez-vous dans les oreilles les morceaux « Bongsai », « Dimension X », « Dark Descent » chanté par Elin Pålsson, « Ordric Major » et « Weedwacker ». L’intelligence à l’œuvre ici est assez unique et si on y ajoute une production excellente, on obtient un album plus que singulier. Les Suédois offrent un travail sur les voix incroyable, tout comme celui sur les guitares. Leur Stoner Rock, teinté de Prog, reflète tout ce que l’on peut attendre du registre. « Peak Of Jin’Arrah » frôle la perfection !
GUENNA
« Peak Of Jin’Arrah »
(The Sign Records)
Il y a de longues années maintenant, un premier album servait souvent de référence dans la carrière d’un groupe et il devenait même par la suite souvent le préféré des fans. De nos jours, la donne a changé et ceux-ci ont plutôt tendance à s’améliorer au fil du temps. C’est très bonne chose en soi, mais les coups d’éclats se font dorénavant très rares. Cela dit, GUENNA renverse la table dès son arrivée en signant son éclosion avec panache et aussi beaucoup de la maturité dans le jeu et la composition. Le feeling et la réflexion font ici cause commune.
Formé en 2019, le jeune quatuor avait déjà sorti un EP éponyme l’année suivante, avant de se faire remarquer part le label suédois The Sign Records, jamais avare de belles découvertes. Et GUENNA en est une très belle ! Il faut reconnaître que « Peak Of Jin’Arrah » démontre de manière éclatante tout le talent et l’inventivité de ces quatre anciens étudiants en musique. Et lorsque Nick Oliveri (Kyuss, QOTSA) va jusqu’à s’enflammer après un concert en première partie de Stöner, il y a de quoi se sentir pousser des ailes. Et c’est le sentiment qui domine ici.
L’originalité des Scandinaves, basés à Malmö, réside aussi dans le processus de leur approche de la musique. En effet, plusieurs morceaux sont directement nés sous forme de concept avant même la moindre note. Dès lors, on comprend mieux pourquoi les structures sont si élaborées et évidentes à la fois. Rien de superflu, tout est en place. Les riffs, les breaks, les solos, les incroyables harmonies vocales et quelques touches de folklores local : GUENNA a de quoi faire pâlir les vieux de la vieille. Sauf incident majeur, le quatuor est l’avenir du Stoner !
Tirant son nom de l’expression zulu, qui signifie ‘C’est cool’, QAMELTO nous arrive pourtant de Clermont-Ferrand et commence véritablement à faire résonner son Rock/Metal bien au-delà de ses montagnes. Avec son premier album, « Scotoma », le quatuor affirme son style costaud avec toujours cette touche de fun, histoire de faire les choses sérieusement, sans trop se prendre au sérieux. Et en apportant aussi beaucoup d’importance au design et au graphique qui accompagnent sa musique, le quatuor se montre original, très moderne dans l’approche et joue la carte du chant en français avec réussite. Entretien avec un combo bourré d’énergie.
Photo : Jessica Calvo
– En cinq ans d’existence, vous avez sorti un EP, enchaîné les concerts et vous voici avec « Scotoma », votre premier album. La belle aventure suit son cours. Alors, c’est cool ? (Oui, je sais…J)
(Rires) C’est très cool, oui ! On essaie de se donner les moyens et on cravache comme des malades pour obtenir des résultats. On est très content de notre parcours ces dernières années, mais ce n’est que le début… On a encore beaucoup de travail pour arriver à notre but.
– Alors que votre EP « Sors » était autoproduit, vous sortez « Scotoma » chez M&O Music. Signer sur un label était une étape nécessaire pour ce premier album ? Vous ne vous sentiez pas de rester indépendants ?
En fait, « Scotoma » est aussi autoproduit. On a signé avec M&O Music pour la distribution, car on avait besoin d’un partenaire solide pour distribuer notre album, tant physiquement que digitalement. Maintenant pour la production, c’est très difficile de trouver des labels qui prennent des risques financiers pour des groupes comme nous… Et ce n’est pas un problème pour l’instant. Ca nous permet aussi d’avoir un total contrôle sur notre musique.
Photo : Jessica Calvo
– Avant de parler du contenu de l’album, j’aimerais que vous nous parliez de son titre, « Scotoma », que l’on peut définir comme une tache aveugle dans notre champ visuel. Comment expliquez-vous sa représentation sur la pochette ? D’ailleurs, le visuel se rapproche beaucoup de l’univers progressif surtout, qui est assez éloigné du vôtre…
Oui, « Scotoma » est la racine de ‘scotome’, une tâche dans le champ visuel et de ‘scotomisation’, qui est le déni de réalité. Plusieurs chansons sont en rapport avec ce thème, c’est pourquoi on a décidé de l’appeler comme ça. Et surtout, on voulait que l’album physique soit original et inédit. Du coup, on a eu l’idée d’un tableau qui ferait office de pochette sur lequel on pourrait accrocher le CD pour compléter le visuel. On a dû donc réfléchir à un contenu qui soit réalisable en peinture, qu’on puisse accrocher dans son salon et qui ait aussi du sens avec le titre de l’album.
– Musicalement, vous présentez un style costaud et puissant, entre Rock et Metal. Vos textes sont en français, alors que votre son et vos références sont clairement anglo-saxons. QAMELTO donne le sentiment de cultiver les contrastes. C’est aussi une manière de tout englober, par rapport à vos influences et vos goûts personnels ?
Effectivement, nos références musicales sont américaines ou anglaises, mais on aime par-dessus tout notre langue et c’est avec elle qu’on exprime le mieux ce qu’il y a dans nos têtes. Et puis le contraste, ce serait surtout d’arriver en concert et parler au public en français entre les titres, puis de s’adresser à lui en anglais quand on les joue. Et il faut bien avouer qu’on a un choix de mots incroyable en français.
– Cela dit, au niveau des textes, vous vous inscrivez dans une certaine tradition du Rock français avec des paroles, sinon engagées, du moins assez revendicatives. C’est une sorte de nécessité, lorsqu’on évolue dans ce style, selon vous ?
Oui, on a quelques textes ‘engagés’, mais on n’a pas vraiment l’impression de faire de la politique, ou de défendre des idéaux, si ce n’est la liberté et l’union. Ce qu’on aime surtout c’est raconter des histoires, dépeindre des personnages et balancer quelques punchlines pour se marrer.
Photo : Jessica Calvo
– Il y a aussi beaucoup de légèreté et de fantaisie chez QAMELTO. Le parfait exemple est cette reprise de Bon Jovi, « Living On A Prayer » devenue « Vis Au Son Des Prières ». Il fallait oser ! D’où et comment vous est venue cette idée… étonnante ?
Oui, on n’aime pas se prendre trop au sérieux et on essaie au mieux de se démarquer. Raf, le chanteur, est un fan de Bon Jovi et on avait envie de faire des covers de temps en temps pour le fun. Mais on cherchait une manière originale de le faire, et puisqu’on avait fait le choix du français pour nos textes, on s’est dit pourquoi ne pas faire des versions françaises de gros standards américains ? On a aussi fait une version de « Rise » d’Extreme devenue « Vole », qui est dispo sur notre chaîne YouTube.
– En tant que Breton, j’avoue avoir été surpris par le morceau « Légion », sur lequel on retrouve de la cornemuse. On est assez loin du Puy-de-Dôme ! Il y a une connexion celto-zulu chez QAMELTO ?
Pour le côté celtique, c’est Tom, le guitariste, qui a pas mal joué dans ce milieu et qui maîtrise le sujet. Pour le côté zoulou, c’est Raf qui est prof de capoeira et qui a de grosses connexions avec la culture afro-brésilienne. Le Puy-de-Dôme est riche en métissage ! (Sourires)
Photo : Jessica Calvo
– Un petit mot aussi des guest, notamment le guitariste NeoGeoFanatic sur « Le M.A.L.E. » et Superflame sur « La Plus Grosse ». Ce sont des morceaux que vous avez écrits ensemble ? Et quelle est la part d’investissement de chacun d’eux dans l’écriture ?
En effet, on a voulu s’entourer d’artistes de talent et ce fut le cas ! Pour Superflame, nous avions déjà tout écrit et il s’est occupé de la voix avec le talent qu’on lui connait. Pour NeoGeoFanatic, on lui a envoyé le titre en lui disant : « on ne se connait pas, mais on aimerait bien que tu poses un solo ici, stp » et le lendemain il nous l’a envoyé. C’était évidemment propre, carré et stylé : merci Nono.
– Enfin, il y a une belle évolution sonore et musicale entre « Sors » et « Scotoma », ce qui est normal et attendu aussi, et l’esprit live est toujours très présent. Dans quelles conditions avez-vous enregistré l’album, car il en émane beaucoup d’énergie ?
On est entré en studio en se disant qu’on avait deux semaines pour tout défoncer et donner tout ce qu’on avait ! On voulait mettre sur l’album la même énergie qu’en live. On se mettait en condition physique tous les matins avant d’enregistrer, comme si on partait au combat. On a transpiré, on s’est bien marré et on est très content du résultat.
L’album de QAMELTO, « Scotoma », est disponible chez M&O Music.
Groupe de Black Metal moderne, ECR.LINF sort un premier album fracassant : « Belluaires ». Quatuor parisien actif sur la scène extrême depuis plusieurs années, ce nouveau projet promet d’en surprendre plus grâce à un son dense et une dynamique plutôt rare dans le genre. Issu de longues discussions et de réflexions sur la nature humaine, cet opus très voltairien ne va pas laisser pas grand-monde indifférent et risque même d’en bousculer plus d’un… et pourquoi pas de conquérir de nouveaux adeptes !
ECR.LINF
« Belluaires »
(My Kingdom Music/Source Atone Records)
Concevoir un disque n’a jamais été aussi simple, parvenir à se démarquer et à sortir du lot n’a jamais été aussi difficile. Si « Belluaires » est la première réalisation d’ECR.LINF (‘Ecrasons l’Infâme’ – NDR), ce n’est pas une première pour la sauvage équipe à l’œuvre. En effet, Krys (chant), Dorian (guitare), Rémi (batterie) et Jiu (basse) jouent, ou ont joué, dans différents groupes qui ont marqué les esprits ces dernières années : Demande A La Poussière, Hyrgal, Igorrr, Svart Crown, Jarell… Il s’agit donc d’une nouvelle étape dans leur histoire musicale. Les musiciens ont une belle maîtrise des codes du genre, ici le Black Metal, et savent jouer avec pour proposer une production moderne, à laquelle on ne s’attendait pas. Et la surprise n’en est que plus belle !
Dans un format classique de huit titres d’une durée presque égale (sauf les deux derniers), il ne s’agit pas là d’un blast-beat sans âme et de tremolo picking baveux sur un cri mal maîtrisé. Les morceaux d’ECR.LINF sont bien équilibrés, avec des passages plus posés et apaisés, mettant en lumière la violence et l’acharnement des moments extrêmes. De même, l’accordéon, les chœurs, les moments parlés ou chuchotés, les guitares sèches s’invitent intelligemment et apportent une belle nuance à un ensemble célébrant la crasse humaine. Saluons aussi la qualité du chant qui reste compréhensible. La progression est cohérente et ce n’est pas une surprise si le dernier titre, « Valetaille », résonne longuement entre les tympans, grâce à un refrain particulièrement efficace. « Feu Pâle » est l’outro, et la porte de sortie qui permet de relancer le CD.
C’est vraiment rafraîchissant de voir ECR.LINF marcher dans les pas de références qui ont réussi à casser les codes et moderniser cette musique. Regarde les Hommes Tomber, Blut Aus Nord, Great Old Ones viennent à l’esprit assez rapidement, et pour un premier effort, ça en jette ! Il n’est pas nécessaire d’être un inconditionnel du genre pour l’apprécier. Passé le mur du son, c’est vraiment un ensemble solide et subtil qui se laisse facilement écouter. Bref, il sera difficile de se lasser. Quant à savoir si on pourra les voir bientôt sur scène, la réponse de Dorian est sans appel : « nous préparons doucement le live, nous ne voulons pas nous précipiter afin de rendre hommage à cet album et proposer des performances mémorables ».
Fondé autour de musiciens ayant fait leurs preuves chez Plantens, Violent Sun, Perfect View, Steel Tyrant, Verdemela et Evil Eyes, NIGHTBLAZE fait son entrée en piste avec un premier opus bien ficelé, efficace et renouant avec la fibre 80’s du Hard FM et de l’AOR. Entre titres bien pêchus et belles ballades, les Italiens font parler l’expérience autant qu’ils semblent véritablement se faire plaisir. « Nightblaze » s’inscrit cependant dans les meilleures productions actuelles, grâce à une approche vivifiante et moderne.
NIGHTBLAZE
« Nighblaze »
(Art Of Melody/Burning Minds Music Group)
C’est sous l’impulsion de Dario Grillo que NIGHTBLAZE a vu le jour en 2021. Compositeur, producteur et multi-instrumentiste, il n’a pas mis bien longtemps à réunir un line-up à la hauteur de ses attentes. Expérimenté et inspiré, le quatuor a fière allure et présente un solide Melodic Hard Rock, sur une base AOR, finement interprété et ancré dans une tradition forcément très 80’s. Sans y retrouver d’influences particulières, c’est surtout le style qui est mis à l’honneur ici, et de bien belle manière grâce à des musiciens très convaincants.
Et si le genre recommence à faire parler de lui, y compris dans l’hexagone avec les excellents Heart Line, il faut bien avouer que NIGHTBLAZE a placé la barre très haut. Très bien produit par son guitariste, ce premier album éponyme brille par la qualité du son et aussi de ses arrangements, particulièrement soignés. Les Transalpins n’ont pas fait les choses à moitié et, pour une entrée en piste, elle est plus que réussie, d’autant que le combo fait corps et laisse parler sa déjà longue expérience dans une dynamique originale.
Aux côtés de Dario Grillo à la guitare et aux claviers, on retrouve son frère Alex derrière les fûts, la bassiste Federica Raschellà et le très en vue dans le Rock italien, Damiano Libianchi, au chant. Accrocheur, NIGHTBLAZE joue sur des mélodies entêtantes et des morceaux racés. Entre solos virtuoses et une performance vocale puissante, la musicalité des compositions est parfaitement mise en avant sur des refrains fédérateurs (« Sudden Blast », « Take On Me », « Tell Me », « Hold On To Me », « Carry On »). Très réussi !
Sorte de mariage forcé entre souffrance et colère et entre mélodies et brutalité, « Dragging Bodies To The Fall » se lit comme une plaie que la formation de Béthune ne cherche d’ailleurs pas forcément à refermer ou à panser, mais plutôt à extraire. Les morceaux sont combatifs, jamais résignés, ils prennent aussi de la hauteur dans des sphères plus élevées laissant passer un halo de lumière dans cette noirceur, parfois abyssale. Tout en contrôle, JUNON met la pression, impose son style et son jeu avec autant de force que de précision. Un véritable modèle du genre !
JUNON
« Dragging Bodies To The Fall»
(Source Atone Records)
La tension est loin d’être retombée chez JUNON. Il y a deux ans, les Nordistes nous avaient livré avec l’EP « The Shadow Lenghten » (2021) un avant-goût de son Post-HardCore à travers quatre morceaux, qui avaient déjà fait l’effet d’une bombe à fragmentation. Aussi changeants qu’insaisissables, ils se présentent cette fois sur la longueur avec « Dragging Bodies To The Fall », un premier album où ils se déploient dans une certaine fureur. Avec Francis Castre du Studio Sainte-Marthe aux commandes, les ex-General Lee ont mis toutes les chances de leur côté et l’ensemble bénéficie d’une production massive et équilibrée.
Parce que sans un son irréprochable, impossible de saisir toutes les subtilités à l’œuvre ici. JUNON dispose toujours de ce mur de guitare, formé par ses trois six-cordistes, qui trouvent vraiment l’harmonie dans ce dédale de riffs. Mais on est loin du chaos. Personne ne joue sa partition dans son coin, et chacun œuvre à une même dynamique. Là aussi, toute la pertinence du jeu du sextet se trouve dans les détails… et ils sont nombreux. Le sextet articule ses compos sur des rythmes à géométrie variables, tantôt fulgurants ou plus aériens. La rythmique basse/batterie s’avère redoutable et donne le cap de manière magistrale.
L’univers de JUNON est obscur, parfois terrifiant et oppressant à l’instar du chant d’Arnaud Palmowski, rugueux et tenace. En ouvrant avec « Segue 1 – The Final Voyage », sorte de capsule, dont on retrouve une seconde partie un peu plus tard (« Segue 2 –Dragbody »), le groupe fait dans la nuance et scinde ce nouvel opus en deux parties distinctes. Les émotions se bousculent, s’entrechoquent et se percutent sans jamais perdre le fil. Les déchirures sont nombreuses, mais la solidité et le refus d’abdiquer aussi. Il y a dans ce « Dragging Bodies To The Fall » beaucoup plus de résistance que de résilience, et ça : c’est bien ! Bravo !
Photo : Emmanuel Poteau
Retrouvez la chronique du premier EP, « The Shadows Lenghten » :
Dans un registre très cuivré, mâtiné de piano, de délicates guitares et d’une rythmique au groove imparable, BRITTI s’avance avec « Hello, Im Britti », dont on peut d’ores et déjà présager qu’il s’agit du premier opus d’une très longue série. Sur 11 chansons, les présentations sont faites et on survole la Nouvelle-Orleans dans un souffle Soul tout aussi feutré que doté d’une grande ferveur. Chanteuse et compositrice, Brittany Guerin, à l’état civil, joue sur une certaine fragilité, tout en évoluant avec un bel aplomb.
BRITTI
« Hello, I’m Britti »
(Easy Eye Sound)
Du haut de sa petite vingtaine d’années, BRITTI se présente sur son premier album avec une assurance, un feeling et surtout un talent incroyable. Cela n’aura d’ailleurs pas échappé à Dan Auerbach, la moitié des Black Keys et le patron du label Easy Eyes Sound, qui ne s’est pas contenté de la signer aussitôt, mais il l’a également accompagné, et de belle manière, dans ses premiers pas vinyliques. Et le résultat est là : une voix envoûtante et cristalline, une Soul très Southern, où se projettent d’étincelants reflets de Blues, de R&B, de Country et de Rock. Un mix à la fois hors du temps et pourtant si actuel.
Née à Baton Rouge, elle qui chantait déjà, parait-il, au saut du berceau, embrasse avec un naturel déconcertant tout l’héritage musical de sa Louisiane natale. Il y a aussi autant de Muscle Shoals que de l’esprit de la Motown dans ce premier album, si bien ciselé. C’est très probablement cette facilité à s’approprier autant de styles pour n’en faire qu’un qui a séduit Auerbach, qui produit « Hello, I’m Britti », mais qui l’a aussi co-écrit. BRITTI chante comme elle respire et on ne lui en voudra sûrement pas si on pense parfois à Sade, bien sûr, mais aussi à Dolly Parton, Tracy Chapman ou Diana Ross.
Sur une production très organique et chaleureuse, les morceaux de l’Américaine nous embarquent dans un univers où la douceur et la légèreté règnent. La jeune songwriter offre évidemment une vision très contemporaine à ce « Hello, I’m Britti », qui prend soin de ne surtout tomber dans le panneau de la célébration et de l’hommage. Elle mène ses chansons avec une touche très personnelle et s’impose grâce à une présence vocale irrésistible (« So Tired », « Still Gone », « Nothing Compares To You », «Silly Boy », « There Ain’t Nothing », « Reach Out », « Save Me »). BRITTI éblouit d’entrée de jeu avec classe.
Pour son premier album, c’est presqu’une leçon que donne TIGERS ON OPIUM, tant les sonorités à l’œuvre sur les titres de « Psychodrama » paraissent à la fois tellement évidentes et d’une grande créativité. C’est une espèce de revue des effectifs Rock et Metal qu’est parvenu à réaliser la formation, tant les ambiances et les mélodies impressionnent par leur maîtrise et leur originalité. On assiste très rarement à de telles entrées en matière aussi Heavy et planantes que groovy et percutantes.
TIGERS ON OPIUM
« Psychodrama »
(Heavy Psych Sounds)
Après avoir écumé les scènes de l’Ouest des Etats-Unis et sorti deux EP, le fougueux groupe de Portland, Oregon, passe enfin aux choses sérieuses et présente « Psychodrama », un premier effort exceptionnel. On y découvre sur la longueur tout le talent des Américains à travers un style personnel très particulier, qui se trouve au croisement de nombreux registres qui se fondent dans une belle et fluide harmonie. TIGERS ON OPIUM développe un Classic Rock mâtiné de proto-Metal avec des éclats de Stoner Rock bien sentis et quelques solides coups de Fuzz.
« Psychodrama » est une sorte de concept-album, basé sur le modèle d’une thérapie de groupe dont le frontman Juan Carlos Careres s’est inspiré pour l’écriture des morceaux. Abordant des sujets graves, TIGERS ON OPIUM ne livre pourtant pas un album trop sombre, malgré quelques passages tempétueux, où il flirte même avec le Psych et le Doom. La richesse musicale du quatuor sort vraiment des sentiers battus et la production très organique de l’ensemble a un côté épique et solaire, avec ce grain 70’s parfaitement distillé.
Autour des deux six-cordistes, on se perd dans les twin-guitares, les riffs soutenus et les solos aériens. TIGERS ON OPIUM parvient toujours à capter l’attention grâce à la voix directe de son chanteur, soutenu par ses camarades aux chœurs. Les quelques parties de piano viennent apporter ce qu’il faut d’accalmie dans ce dédale d’émotion (« Black Mass », « Diabolique », « Sky Below My Feet »). Avec une grande liberté, le combo s’offre de magnifiques envolées, qui culminent sur les géniaux « Radioactive » et « Separation Of Mind ». Du grand art !