Catégories
International Psych Prog Rock 70's

The Vintage Caravan : a taste of freedom [Interview]

Rétro, mais pas trop ! Les Islandais poursuivent leur irrésistible ascension avec « Portals », et ce sixième album vient confirmer une créativité toujours aussi présente. Audacieux, THE VINTAGE CARAVAN combine avec beaucoup de savoir-faire des élans classiques et une aspiration très moderne dans un Rock, qui s’aventure dans des contrées progressives, Folk et psychédéliques au parfum 70’s. Depuis quelques années maintenant, le power trio n’a de cesse d’écumer les scènes et cela s’en ressent dans ce nouvel opus très mature. Óskar Logi Ágústsson, chanteur et guitariste du groupe, revient sur sa conception et son enregistrement sous le soleil de Porto.

– Si l’on prend vos albums un par un, à savoir « Voyage », « Arrival », « Gateways » et « Monuments », sans compter votre premier opus éponyme, ils ont tous en commun un titre assez conceptuel. Est-ce que c’est quelque chose que vous faites consciemment, et est-ce qu’un titre peut vous inspirer la direction d’un disque ?

Oui, c’est vrai que nous avons principalement abordé le concept de mouvement en ce qui concerne les titres de nos albums, ce qui semble tout à fait approprié au nom du groupe. Nous avons parfois plaisanté en disant que le prochain album s’appellerait « Bagages encombrants » ou « Porte A23 » (« Bulky Luggage » ou « Gate A23 » – NDR). Les titres étaient généralement choisis après l’enregistrement des albums et ce n’est que cette fois-ci que le titre a influencé l’album lui-même. Stefán (Ari Stefánsson, batterie – NDR) a trouvé le titre en référence à Porto, où nous avons enregistré l’album. Et nous avons toujours voulu inclure des interludes sur l’un de nos albums, alors j’ai eu l’idée de créer « Portail I, II », etc… Alex (Örn Númason, basse – NDR) les a réalisé en utilisant de vieilles cassettes, en les étirant et en créant de véritables boucles, puis en y ajoutant des synthétiseurs, des enregistrements d’oiseaux, des conversations de personnes dans des restaurants et toutes sortes d’autres sons.

– D’ailleurs, en restant sur la notion de concept, quel est celui de « Portals », ou du moins sa ligne directrice ? En ponctuant l’album d’interludes du même nom et au nombre de cinq, quelle a été votre intention ? Marquer des chapitres ?

Il n’y a pas vraiment de concept précis. On voulait simplement faire le meilleur album possible et le plus expérimental qu’on ait jamais réalisé. On a souhaité essayer de nouvelles choses, ne pas avoir peur d’expérimenter, minimiser les superpositions de guitares, installer les baffles et les amplis dans la même pièce que nous et enregistrer comme si c’était un concert en direct. L’idée était de prendre des risques. Par exemple, tous les solos sont enregistrés en direct. Si je me ratais, on devait insérer une autre prise complète avec la basse, la batterie et tout le reste. Et si ça ne marchait pas, on devait carrément refaire une autre prise.

– « Monuments » est sorti il y a déjà quatre ans et il avait marqué un tournant dans votre style, qui était devenu plus volumineux et massif notamment. Avec « Portals », vous enfoncez le clou avec une démarche peut-être plus moderne dans le son surtout. C’était votre objectif ?

Curieusement, c’était la première fois que nous enregistrions sur bande et ce fut une expérience incroyable. Nous avons utilisé beaucoup d’amplis vintage. Alex a ajouté pas mal de synthétiseurs et un vieux Farfisa (marque de claviers italienne – NDR) pour créer de belles textures sonores. Notre approche était de faire en sorte que l’on ressente les synthétiseurs plutôt que de les entendre distinctement.

– Justement, est-ce qu’en modernisant votre approche musicale, THE VINTAGE CARAVAN est-il toujours aussi vintage ?

Je pense que nous sommes simplement en train de mûrir et de trouver notre propre style et notre propre voie. Il y a toujours un aspect vintage dans notre approche, mais nous avons toujours fait figure d’exception au sein des genres auxquels on nous a associés. Nous jouons du Rock’n’Roll un peu comme un groupe de Metal. D’ailleurs, les deux autres membres faisaient partie de groupes de Metal avant de rejoindre le groupe. Tandis que moi, j’ai toujours été dans THE VINTAGE CARAVAN ! (Rires) Mais au final, nous jouons ce que nous ressentons sans trop nous poser de questions, nous laissons la musique s’exprimer librement et nous la jouons avec sincérité.

– « Monuments » vous avait permis de beaucoup tourner et c’est toujours profitable pour la cohésion d’un groupe, ainsi que pour l’aspect expérimental que cela représente en public. Qu’avez-vous appris de tous ces concerts sur votre son, car « Portals » a également une production très live ?

Nous sommes en tournée intensive depuis 2014 et nous apprenons constamment de nouvelles choses. L’une des choses que nous voulions faire différemment était de minimiser les ajouts en post-production et d’aborder l’enregistrement comme un album live. Nous avons travaillé dur pour trouver le bon son dès le départ, puis nous avons commencé l’enregistrement. L’utilisation de la bande magnétique nous a incités à jouer différemment, à prendre plus de risques et il y a beaucoup d’imprévus et d’erreurs sur l’album, mais c’est précisément ce qui le rend authentique.

– Cela nous amène au morceau « The Philosopher », qui ouvre l’album, avec la présence de Mikael Åkerfeldt d’Opeth avec qui vous avez tourné. Cette collaboration est-elle née sur la route, ou l’avez-vous contacté une fois la chanson composée ?

Je lui ai envoyé un message après l’enregistrement. Il nous avait proposé d’enregistrer du mellotron sur l’album plus tôt dans l’année, lors de notre rencontre au festival ‘Bloodstock’. Alors, quand on a parlé de trouver quelqu’un pour faire des voix additionnelles, son nom est revenu. Je lui ai envoyé la chanson et il l’a aimée. On a encore du mal à croire que ça ait marché, c’est un musicien exceptionnel et un type formidable. Nous lui sommes très reconnaissants d’avoir accepté et de nous avoir donné l’opportunité de faire leurs premières parties sur trois tournées.

– Vous avez parlé d’un pont entre générations portées par le Prog pour ce morceau. Qu’est-ce que vous entendez par là ? Vous pensez à une succession, comme l’avenir d’un héritage ou à un rapprochement ?

Je ne sais pas qui a dit ça ​​! (Rires) Mais oui, il n’y a pas de réflexion profonde derrière cette collaboration, juste nous qui jouons la musique en laquelle nous croyons et que nous aimons, et heureusement, Mikael était partant.

– Pour l’enregistrement de « Portals », vous avez quitté votre Islande natale pour le Portugal. C’est un contraste géographique saisissant. Aviez-vous besoin de nouvelles sources d’inspiration ? Pourtant, vous êtes toujours accompagnés par votre ami Axel ‘Flexi’ Árnason. Est-il le garant de votre son d’une certaine manière, d’autant que l’enregistrement s’est fait cette fois sur bande comme tu l’as rappelé ?

Nous nous sommes simplement délectés de leur café et de leur Super Bock, après les sessions évidemment, et c’était une source d’inspiration suffisante ! (Sourires) Tu sais, Flexi joue un rôle important dans notre histoire. Il a été un mentor, mais cette fois-ci, nous avions plus d’expérience que lorsque nous avons travaillé ensemble sur « Arrival » en 2015, et nous savions ce que nous voulions. Flexi est vraiment incroyable et il parvient à faire ressortir quelque chose de spécial en nous.

– « Portals » présente les éléments caractéristiques de THE VINTAGE CARAVAN, c’est-à-dire un Heavy Rock 70’s teinté de Blues et de Stoner. Il est cependant plus nerveux et véloce que ses prédécesseurs. Est-ce vos participations au Wacken Open Air, au HellFest et votre tournée avec Opeth, donc des univers Metal, qui vous ont conduit à durcir le ton ?

Non, pas vraiment. Nous jouons dans des festivals de Metal depuis 2012 et nous participons régulièrement au Wacken et à d’autres festivals du même genre depuis 2014. Donc, cela ne nous a pas vraiment influencés. Je pense qu’il y avait pas mal de morceaux à tempo moyen sur le dernier album et j’avais juste envie de composer des morceaux plus rapides.

– Enfin, est-ce que le Psychédélisme originel des 70’s dans lequel vous avez commencé a, selon toi, évolué ces dernières années et aujourd’hui surtout à l’ère du tout numérique ?

Oui, je pense que cette scène perd en popularité et en créativité. Il y a de moins en moins de grands groupes et c’est aussi de plus en plus difficile à bien des égards. Mais nous sommes comme l’herpès : nous revenons toujours… et plus forts que jamais ! (Rires)

Le nouvel album de THE VINTAGE CARAVAN, « Portals », est disponible chez Napalm Records.

Photos : Stefen Ari Stefensson (1, 4, 5)

Retrouvez le groupe en interview à l’occasion de la sortie de « Monuments », ainsi que la chronique de l’album et celle du Live :

Catégories
Post-Metal

Absence Of Colors : abondance de nuances

Atmosphérique et jouant sur une vélocité explosive, ABSENCE OF COLORS évolue cette fois sur la longueur et les cinq titres interprétés ici confirment la signature du groupe, qui acte aussi l’arrivée d’un troisième membre. Malgré une apparente rugosité, « Poison On Your Lips » devient très vite immersif et nous embarque sur des mélodies tout en finesse, qui ne manque pourtant pas d’épaisseur dans le ton. En multipliant les ambiances, l’homogénéité se créé d’elle-même et passe d’une dimension à l’autre avec beaucoup de fluidité.

ABSENCE OF COLORS

« Poison On Your Lips »

(Weird Noise)

Après « Cycles » en 2022, un premier EP très réussi qui a révélé l’univers et l’approche singulière du groupe français, ABSENCE OF COLORS livre « Poison On Your Lips » avec quelques changements. A commencer par le line-up, puisque Damien Bernard (batterie) et Olivier Valcarcel (guitare) accueillent en renfort le bassiste et claviériste Brice Berrerd. Et comme les trois musiciens sont également adeptes d’arrangements soignés et d’effets variés, de nouvelles possibilités s’offrent à eux et elles donnent à cet album volume et profondeur.

Cela dit, le trio ne bouche pas le spectre sonore, mais laisse respirer son post-Metal pour obtenir un son élaboré et organique. Toujours en mode instrumental, ABSENCE OF COLORS ponctue cependant « Poison On Your Lips » de quelques samples vocaux, qui viennent accentuer la sensation déjà très narrative des cinq morceaux. Polymorphe, le jeu de la formation de Chambéry montre beaucoup de relief, s’aventure aussi dans des voies où le Stoner côtoie le Doom, l’Indus et le post-Rock. Autant de courants qui ne finissent par ne faire qu’un.

Moins sombre que son prédécesseur, « Poison On Your Lips » s’étend pourtant sur un espace ténébreux, mais plus lumineux. Et il doit sans doute cet éclat à une vision distincte et plus personnelle de son style. ABSENCE OF COLORS fait habillement le lien entre l’aspect poétique de sa musique et des éléments plus brutaux et sauvages. Dès « Ignorance Is Strength », on plonge dans un précipice sonore, où l’expérimentation est aussi intense que maîtrisée (« Fury Room », « Death From Alone » et ses chœurs, « Perfect Storm »). Complet et captivant.

Photo : Bruno Belleudy

Retrouvez la chronique de « Cycles » :

Catégories
Blues Rock

Texas Headhunters : Blues Pistoleros

Brûlant et authentique, cet album qui rassemble une belle fraternité de six-cordistes audacieux et créatifs donne un bon coup de fouet à la scène Blues Rock actuelle en allant puiser dans les fondations-mêmes du style texan, de ce Blues atypique qui ne ressemble à aucun autre. Virevoltant et explosif, TEXAS HEADHUNTERS remue la poussière d’une tradition respectée et de ses atmosphères chaudes et attachantes. Réglé au millimètre, le jeu comme le chant de Jesse Dayton, Johnny Moeller et Ian Moore éclaboussent de talent ce « Texas Headhunters », qui se veut déjà intemporel et classique.

TEXAS HEADHUNTERS

« Texas Headhunters »

(Hardcharger Records/Blue Élan Records)

Lorsque trois fines gâchettes brillent déjà individuellement, les réunir provoque inévitablement un choc musical plus que réjouissant. Biberonnés au Blues texan et l’incarnant littéralement, Ian Moore, Johnny Moeller et Jesse Dayton ont eu le privilège d’être parmi les derniers à avoir été guidés par le grand Clifford Antone à Austin. Avec un tel mentor, inutile de préciser que TEXAS HEADHUNTERS porte un héritage conséquent, qui a fait de ses membres des guitaristes et des chanteurs plus que chevronnés et particulièrement aguerris et affûtés.

Captés lors d’un séjour de cinq petites journées aux fameux studios Pedernales à Spicewood au Texas ayant appartenu au légendaire Willie Nelson, les douze morceaux sont le fruit d’une belle alchimie où chacun se relaie au chant et où les joutes guitaristiques ressemblent plus à un dialogue et un échange qu’à une confrontation technique. Chez TEXAS HEADHUNTERS, tout le monde tire dans le même sens pour atteindre la même cible. A la fois très roots et énergique, le trio sait aussi se montrer funky, Soul et plein d’émotion. Un modèle de complémentarité.

Sur ce premier opus éponyme, on sent déjà une machine bien huilée, tant au niveau du songwriting que de l’interprétation, bien sûr. Les Américains sont flamboyants, instinctifs, captivants et surgissent là où on ne les attend pas, même si leur Blues Rock est loin d’être approximatif. Au contraire, TEXAS HEADHUNTERS possède déjà une identité bien maîtrisée et s’impose habillement en surfant sur des références avec lesquelles il fait corps. Fun et rugueux, « Texas Headhunters », forme un tout que l’on se repasse à l’envie et avec délectation.

Photo : Daniel Sanda

Catégories
Death Metal Doom

God’s Funeral : blackened procession

Avec « El Despertar Dels Morts », c’est l’extrême douleur et la souffrance déclenchées par la Grand Guerre qu’a voulu dépeindre GOD’S FUNERAL. A travers un Doom Death constitué de riffs tranchants, d’une rythmique en suspension, mais massive, et des parties vocales dévastatrices, les Espagnols s’affirment avec force sur ce premier opus complet, en s’engouffrant à l’occasion dans un Funeral Doom, qui va puiser dans les abysses du Metal pour en extraire ce qu’il y a de plus noir et désespéré.

GODS’ FUNERAL

« El Despertar Dels Morts »

(Meuse Music Records)

Valeur sûre du Doom Death catalan, le trio formé en 2016 a pourtant du faire ses preuves avant de s’imposer d’abord dans l’underground local. Et pour cela, GOD’S FUNERAL a quelque peu modifié son approche, passant d’un mix explosif teinté d’un Black Metal agressif au Death Doom qu’il propose aujourd’hui sur « El Despertar Dels Morts » à travers lequel il se meut dans une approche beaucoup plus lente du Metal. S’il n’était si lourd et pesant, on pourrait presque l’imaginer dans une sorte de ténébreuse apesanteur.         

Après une première démo en 2017 (« El Cristo De La Trincheras »), suivi de cinq splits et d’un EP, GOD’S FUNERAL sort enfin son premier album, reflet d’une expérience patiemment acquise au fil des années. Et pour ce long format, Abel Lara (vocaux, basse), Iban Morales (guitare) et Sergi Laboria (batterie) ont ouvert les portes de leur sombre univers pour laisser y pénétrer un peu de lumière. Rien d’aveuglant pour autant, car les claviers d’Eva Molina et le violon de Núria Luis à l’œuvre ici restent très mélancoliques.

Sur le thème de la première guerre mondiale, les Hispaniques se présentent avec cinq morceaux d’une longueur de sept à treize minutes, de quoi installer une ambiance et gagner en intensité. Le growl profond et menaçant du frontman vient accentuer une atmosphère de souffrance, d’où émanent quelques variations bien senties comme l’orgue d’église sur « Itaca ». Le très martial « La Processó De La Ombres » apporte un peu plus de percussion et « Fossa Comuna » et ses chœurs ferment ce prmier chapitre très prometteur de GOD’S FUNERAL.

Catégories
Alternative Metal Alternative Rock

Volbeat : le coup de la panne

Grosse flemme ou signe des temps ? Ou les deux, tant ils sont inhérents ? Une chose est sûre, certaines formations s’usent plus vite que d’autres et atteignent leur plafond de verre une fois la reconnaissance et le succès obtenus. Cela semble être le cas de VOLBEAT qui, faute de se renouveler, régresse au fil des disques. Les Scandinaves ont perdu leur guitariste solo Rob Caggiano et, comme on s’y attendait, le coup est rude. A l’écoute de « God Of Angels Trust », on cherche vainement un peu d’imagination… avant de se rendre à l’évidence.

VOLBEAT

« God Of Angels Trust »

(Universal)

Alors qu’il n’avait fallu que trois mois aux Danois pour mettre en boîte « Servant Of The Mind » il y a quatre ans, six petites semaines, dont treize jours de studio, ont suffi à l’élaboration de « God Of Angels Trust ». Et cela s’entend ! Depuis deux albums maintenant, VOLBEAT se montre expéditif et ça ne joue pas forcément en sa faveur. La routine s’installe et avec elle une créativité qui s’étiole. Michael Poulsen peine très franchement à retrouver l’explosivité d’un « Rewind, Replay, Rebound », par exemple. Les idées manquent et l’ennui pointe très rapidement le bout de son nez.

Certes, le groupe livre toujours de bonnes mélodies et le fantomatique (car il n’est toujours pas un membre officiel) Flemming C. Lund d’Asinhell fait même de petites merveilles sur les solos, tandis que la rythmique fait le taff, tout comme Jacob Hansen à la production, mais VOLBEAT semble avoir perdu la flamme. Capable de belles étincelles ponctuellement, il ne va plus au fond des choses en présentant des morceaux qui tiennent en haleine jusqu’au bout. Sans surprise donc, le combo ne met plus le feu… ou alors, très brièvement. On a le sentiment qu’il expédie le truc sans conviction.

Se reposer ainsi sur ses lauriers n’est pas donné à tout le monde. L’ombre de Metallica pèse lourdement sur « God Of Angels Trust », tant au niveau des riffs que des nombreux gimmicks vocaux. Cependant, la bonne nouvelle vient du single au titre interminable « In The Barn Of The Goat Giving Birth To Satan’s Spawn In A Dying World Of Doom » (on ne rit pas !), où plane cette fois l’esprit de Johnny Cash. Ensuite, VOLBEAT sombre totalement sur « Time Will Heal » et « Lonely Fields », entre autres. Le désormais power trio n’a plus de power que son appellation. Circulez !

Photo : Brittany Bowman

Catégories
Heavy Stoner Psych post-Rock Stoner Prog

Ikitan : the breath of the earth

Après deux formats courts, les Transalpins passent enfin à la vitesse supérieure et après des années de travail durant lesquelles ils ont investi les Marsala Studios de leur ville de Gênes, voici « Shaping The Chaos ». Mêlant Heavy Stoner Psych et post-Rock progressif, IKITAN se fait très original et paraît avoir minutieusement assemblé ses nouvelles compos en prenant soin de chaque détail. Sur une production parfois rugueuse, mais lumineuse et organique, l’ensemble est fluide et très dynamique.

IKITAN

« Shaping The Chaos »

(Taxi Driver Records)

Découvert il y a cinq ans à l’occasion d’un EP audacieux, « Twenty-Twenty », constitué d’un seul titre de 20 minutes et 20 secondes, IKITAN avait ensuite récidivé l’année suivante avec « Darvaza y Brinicle », sorti en cassette à une poignée d’exemplaires. On retrouve d’ailleurs ces deux titres sur ce premier album que les Italiens travaillent depuis 2021. Ils y ont peaufiné leur Heavy Stoner Psych aux teintes post-Rock et progressives, et comme « Shaping The Chaos » est entièrement instrumental, il est franchement hypnotique.

Cette fois, le power trio propose près d’une heure de voyage sonore, où il nous offre sa vision d’évènements naturels ayant secoués la planète à des endroits bien spécifiques, neuf au total. Ainsi, ce concept commence avec « Chicxulud », qui fait office d’intro et livre le ressenti puissant et massif d’IKITAN sur le cratère de l’impact qui a tué les dinosaures. Deux minutes qui imposent « Shaping The Chaos » de belle manière. Et la suite nous mène dans la Vallée de la Mort, au Kenya, en Antarctique et même aux côté d’une baleine…

Toujours aussi progressif, variant les tempos et avec à un beau travail sur les tessitures, le groupe se montre particulièrement accrocheur. IKITAN monte en puissance au fil des morceaux, multipliant les riffs solides, les lignes de basse hyper-groovy et avec un batteur très aérien et parfois aussi assez Metal. D’atmosphères planantes en grondements sauvages, le combo fait preuve de beaucoup de créativité comme sur « Natron », pièce maîtresse du disque où s’invitent percussions et violon, ou encore le génial « 52Hz Whale ». Exaltant !

Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de sa première production :

Catégories
Doom Doom Rock Stoner Doom

Maison Dieu : divine nature

Les Transalpins ont jeté leur dévolu sur les plantes, en l’occurrence le lierre, l’arum, la mandragore et la sauge. Et de cette union végétale est né un Doom mystique à la fois Rock et Metal, mâtiné de Stoner et de Noise. MAISON DIEU a fait de ce concept un terrain de jeu assez unique, un brin psychédélique et surtout doté de beaucoup de caractère. « Herbacea » ouvre une voie étonnante, parfois complexe, mais bien menée à cette nouvelle formation très créative.

MAISON DIEU

« Herbacea »

(Sliptrick Records)

Il est assez rare que je chronique un EP, mais lorsque celui-ci est suffisamment original et complet malgré sa durée, un rapide éclairage est toujours le bienvenu. Tout d’abord intrigué par le nom, puis par le concept musical, force est de constater que cette première réalisation des Italiens sort franchement de l’ordinaire. En effet, MAISON DIEU célèbre ici la nature et précisément quatre plantes autour desquelles se dessine un style qu’ils qualifient eux-mêmes de Mystic Doom. Une sorte d’ode un peu spéciale à l’environnement.

C’est la voix de Carlotta Di Stefano, également guitariste, qui sert de guide sur les cinq titres, si l’on compte l’intro chantée très chamanique qui nous plonge dans « Herbacea ». MAISON DIEU a parfaitement su établir les frontières de son monde, et malgré le format court, le Doom sombre et surprenant qu’il propose est tout sauf linéaire. Aux côtés de la frontwoman, Mauro Mariotti tient la basse et apparaît aussi sur le duo « Calla », et c’est Ivan Natalucci qui donne le rythme sur des atmosphères très changeantes.

A travers quatre morceaux bien ciselés, le trio a pris soin d’élargir son Doom vers des horizons Rock et Metal, tout en proposant quelques embardées Stoner et même Noise. MAISON DIEU joue sur les contrastes avec un son très organique et une sensation live très présente (« Edera », « Mandragola », « Terra E Salvia »). « Herbacea » est un premier effort réussi et intense, qui se développe dans un univers singulier et que le combo devrait pouvoir investir de manière encore plus approfondie sur album. Déjà captivant.

Photo : Paolo Sciamanna

Catégories
Blues Blues Rock International

Eric Johanson : in the cradle of Blues [Interview]

Originaire de la Nouvelle-Orleans, ERIC JOHANSON n’aura pas mis très longtemps à s’imposer sur la scène très prolifique des jeunes bluesmen américains. Ayant fait ses gammes aux côtés de Cyril Neville, Anders Osborne et des Neville Brothers, il tape ensuite dans l’œil de Tab Benoit qui le signe aussitôt sur son label Whiskey Bayou Records, où sort « Burn It Down » en 2017. Depuis, le guitariste et chanteur ne cesse d’arpenter les scènes du monde entier et on le retrouve tout naturellement avec « Live In Mississippi », qui fait suite à son dernier opus studio « The Deep And The Dirty ». Entretien avec un artiste qui s’exprime pleinement en concert, où il transmet sa passion d’un Blues relevé.

– Trois ans après le « Live at DBA: New Orleans Bootleg », tu es déjà de retour avec un autre album live. Cela peut paraître un peu surprenant, surtout après quatre albums studio et deux autres de reprises. C’était le bon moment d’en sortir un nouveau, selon toi ?

Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de pouvoir capturer ces moments et de les partager avec les gens. Le dernier album live n’était disponible physiquement que lors de nos concerts et sur ma boutique en ligne. Faire celui-ci avec Ruf Records signifiait qu’il serait disponible en vinyle ainsi qu’en CD, et dans les magasins partout en Europe et en Amérique du Nord. C’est donc cet autre aspect qui m’a enthousiasmé.

– Avoir sorti deux albums live sur une assez courte carrière laisse à penser que c’est vraiment su scène que tu te sens le mieux. Qu’y a-t-il de si spécial dans le fait d’enregistrer un disque en public ? C’est l’échange ?

Oui, il y a quelque chose de spécial qui se produit quand on ressent la chanson et l’énergie du public. Avec les enregistrements en studio, on joue presque tout en live, mais c’est différent, parce qu’on sait qu’on crée la version album. Lors d’un concert, on prend plus de risques et le public peut aussi nous inciter à jouer avec plus d’intensité. C’est un moment partagé, et les gens jouent un rôle très important dans l’ambiance.

– « Live In Mississippi » fait, bien sûr, la part belle à ton dernier album « The Deep And The Dirty », qui a été couronné de succès. Ton envie première était-elle de donner des versions différentes de tes morceaux avec peut-être les modifications que la scène leur a apportées au fil des concerts ?

Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer les chansons de ce nouvel album, et comme la précédente sortie live est sortie avant celles-ci, il était logique d’en inclure davantage sur « Live in Mississippi ». Lorsque nous les jouons en live, nous pouvons étirer certains passages ou explorer un peu plus les solos. Nous trouvons tout le temps de nouvelles choses à inclure aux morceaux.

– « Live In Mississippi » présente dix chansons au total. J’imagine bien sûr que tes concerts sont bien plus longs. Comment s’est passé le choix de conserver celles-ci pour l’album ? Tu as décidé en fonction de tes interprétations, ou il s’agit plutôt d’un équilibre dans ton répertoire qui te définit finalement le mieux ?

Oui, le concert était bien plus long que ce disque. On ne peut pas mettre autant de musique sur un vinyle, donc on a dû le réduire à ce qui semblait être un bon échantillon de la soirée. Bien sûr, une partie de moi veut sortir un coffret avec deux ou trois vinyles, ou quelque chose comme ça, mais ça devient une sortie vraiment chère à ce stade. Je repense aussi à certains grands disques live qui sont devenus des classiques, même s’ils étaient suffisamment courts pour tenir sur un seul disque. Et puis, parfois, ça vous fait réaliser qu’on peut transmettre l’ambiance sans que ça dure pour autant deux heures.

– Pour ton dernier album, « The Deep And The Dirty », tu as beaucoup tourné, que ce soit aux Etats-Unis comme en Europe. J’imagine que les émotions sont nombreuses et très diverses. Dans quel pays et par quel public as-tu été le plus surpris ou séduit ?

J’adore vraiment voyager partout. C’est l’un des meilleurs aspects des tournées, celui de rencontrer des gens du monde entier et de ressentir cette connexion entre tous les peuples à travers la musique. Nous avons joué dans des festivals incroyables en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas, et ce sont toujours des moments géniaux, parce que les gens vous entendent pour la première fois. Mais j’aime aussi beaucoup conduire à travers l’Europe pour faire la tournée des clubs et voir la campagne. Nous serons d’ailleurs à nouveau en Europe à la fin de l’année et j’ai vraiment hâte !

– Comme son nom l’indique, l’album a été enregistré dans le Mississippi au ‘Ground Zero Club’ de Biloxi. Pourquoi as-tu fait le choix de ce concert en particulier ? Correspond-il à un moment spécial de ta tournée, à un endroit que tu connaissais déjà, ou plus simplement c’est le public a été le plus réceptif ?

J’aime l’idée de capturer la musique dans l’environnement d’où elle provient. Notre dernière sortie live a été réalisée ici à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et le Mississippi est un autre lieu de naissance important du Blues et de la musique roots. Nous voulions également trouver un concert où nous savions que la salle serait prête à nous aider à le réaliser, et les gars de ‘Ground Zero’ sont tout simplement super sympas et serviables.

– L’enregistrement d’un album live n’est jamais quelque chose que l’on fait au hasard, il demande aussi de la préparation et pas uniquement du côté des musiciens. Est-ce que, justement, c’est un rendez-vous spécial avec le public avant même de commencer le concert, car on sait qu’il va être immortalisé sur disque ?

Non, car je ne veux pas que les gens se comportent différemment parce que c’est enregistré. Je veux juste capturer un instantané authentique de l’expérience. Je crois avoir mentionné une fois au micro que nous étions en train d’enregistrer, mais pour l’essentiel, nous nous sommes juste concentrés sur le fait de nous amuser avec le public, comme on le fait toujours.

– Partir en tournée dure quelques semaines, voire quelques mois, et les concerts sont forcément nombreux. Est-ce que tu as fait évoluer ta setlist au fil des dates, ou peut-être même suivant le public ou le pays, voire plus simplement au fil de tes envies ?   

Je n’écris plus de setlist, sauf s’il s’agit d’un concert très court, comme une première partie ou une brève apparition dans un festival. Je me base simplement sur mon ressenti et sur la chanson qui me semble la plus appropriée à jouer ensuite. Certaines ont tendance à être placées au début ou la fin, mais j’essaie toujours d’éviter de faire le même set.

– L’album passe par des émotions et des atmosphères très différentes. Tu avais aussi le désir de livrer le panel le plus large de ton répertoire avec des instants parfois opposés et qui font aussi bien sûr ton jeu et ton style plus largement ?

Oui, je pense que le défi de choisir une sélection de morceaux pour un concert est de montrer différentes facettes de ce que tu fais. Je pense que ce disque est une bonne représentation du mélange de styles qui composent mon son.

– Tu as la particularité d’évoluer en trio, ce qui offre beaucoup de proximité entre les musiciens, mais aussi une grande immédiateté avec le public. On te sent justement très proche des gens. C’était vraiment ce que tu souhaitais capter de ces moments en concerts ?

Bien sûr, j’ai toujours été attiré par le son du trio, parce qu’on peut entendre tellement de détails de chaque musicien. Nous occupons chacun un espace sonore différent, donc rien ne masque vraiment quoi que ce soit de l’autre. Cela met tout le monde en avant, donc il faut vraiment tout donner dans sa performance. Je pense que cela se traduit également par une intimité avec le public, ce que j’aime beaucoup.

« Live In Mississippi » d’ERIC JOHANSON sera disponible le 21 mars chez Ruf Records.

Retrouvez la chronique de « The Deep And The Dirty »…

… Et celle du Blues Caravan 2024 avec Katarina Pejak et Alastair Green :

Photos : Kaylie McCarthy (1,2, 4), Doug Hardesty (3) et Gypsy Bone Photography (5).

Catégories
Blues

Le Barda : across the lands

A mi-chemin entre le cow-boy et le desperado, LE BARDA poursuit son chemin, fait des bornes et surtout soigne son style. Un an après « Dead Man’s Shadow », il se présente avec la seconde partie de sa trilogie « Punch And Badass », « Clash », et elle est aussi enthousiasmante que la première. Le multi-instrumentiste alterne les atmosphères sans jamais perdre le fil de son Blues. Evoluant aussi désormais en trio, il surprend encore et s’impose avec classe.  

LE BARDA

« Punch And Badass Volume 2 – Clash »

(Inouïe Distribution)

Habituellement,  il conçoit seul et chez lui ses albums. Sauf que cette fois, le baroudeur s’est enfermé en studio une petite semaine, jour et nuit, pour y concocter son septième opus et accessoirement le deuxième volume de « Punch And Badass », baptisé « Clash ». Et LE BARDA n’a pas fait les choses à moitié, s’occupant du moindre détail et offrant surtout à cette nouvelle réalisation un large éventail de couleurs. Il parcourt le Blues sous toutes ses coutures avec dextérité, une envie débordante et une joie communicative.

Sur ce nouveau volet, Olivier Barda, alias LE BARDA, a fait appel au batteur Sacha Cantie, au bassiste Eric Belot et à Remy Tranzeat pour quelques notes de trompette, ce qui apporte beaucoup de relief à l’ensemble. Son ‘Western Badass’ prend donc du volume et les possibilités musicales se multiplient aussi. A l’instar d’un Jeff Healey ou de Meghan Lovell de Larkin Poe et sa lap-steel dans un autre registre, le Français joue aussi de la guitare à plat et les sonorités de son jeu s’offrent une dynamique toute particulière.

Et si notre globe-trotter s’est sédentarisé, ses morceaux ne sont pas beaucoup plus calmes pour autant, car l’énergie insufflée dans « Clash » les rend exaltants. L’harmonica toujours à portée de main, LE BARDA s’autorise de beaux écarts, passant d’un claquement de doigt du Delta Blues à la Folk, du Blues Rock à l’Alt-Country débridée tout en faisant escale du côté du Mexique (ou de l’Espagne, c’est selon). Le dépaysement est donc total, mais malgré les changements d’ambiances, il impose sa patte avec élégance.

Photo : Colorblind31

Catégories
Blues Rock France

No Money Kids : fresh bluesy view [Interview]

Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…  

– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…

En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».

– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?

C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.

– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?

Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.

– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?

Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.

– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?

On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.

– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?

Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.

– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?

(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.

– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?

Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.

– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?

Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.

– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ? 

Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.

– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?

C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !

– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois,  et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…

Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.

– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?

On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.

– Et donc, vous devenez un power trio…

Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.

L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.