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Americana Blues Soul

Janiva Magness : in search of truth

Pour son 17ème album, celle qui compte sept Blues Music Awards dont le fameux BB King remis par la légende elle-même, nous plonge à la découverte de quelques trésors qu’elle a le don de régénérer en intériorisant les chansons pour les faire siennes. JANIVA MAGNESS est une interprète hors-norme et cette facilité à les personnaliser confère à ses reprises une authenticité toute flamboyante. Et si l’on ajoute le fait que « Back For Me » ait été enregistré en condition live, on constate que la blueswoman s’est à nouveau surpassée.   

JANIVA MAGNESS

« Back For Me »

(Blue Élan Records)

Originaire de Detroit, Michigan, JANIVA MAGNESS est ce que l’on pourrait qualifier de diva (au bon sens du terme !), tant elle parvient à chaque nouvel album à fusionner le Blues, la Soul et l’Americana avec une grâce que l’on n’entend que très rarement. Avec sa voix rauque et puissante, elle reste toujours incroyablement captivante et, en un peu plus de 30 ans de carrière, ne déçoit jamais. Pourtant, l’Américaine est également une grande spécialiste des reprises qui, à chaque fois, sortent brillamment de l’ordinaire par leur choix.

Non que JANIVA MAGNESS ne soit pas une très bonne songwriter, bien au contraire, mais elle excelle dans l’art de magnifier les morceaux des autres en les transformant au point d’en faire de véritables déclarations personnelles. Et c’est encore le cas sur « Back For Me », où elle se montre à même de se les approprier avec un charisme incroyable pour leur offrir une nouvelle vie. Et comme cela ne paraît pas suffire, elle a même convié Joe Bonamassa (encore lui !), Sue Foley et l’électrique Jesse Dayton à la fête.

Une autre des multiples particularités de la chanteuse est aussi de dénicher des pépites méconnues d’artistes aux horizons divers. Et cette fois, c’est chez Bill Withers, Ray LaMontagne, Allen Toussaint, Doyle Bramhall II, Tracy Nelson et Irma Thomas que JANIVA MAGNESS a trouvé l’inspiration. Toujours produit par son ami Dave Darling, « Back For Me » balaie un large éventail de sonorités et de terroirs Blues et Soul, qui vibrent à l’unisson sur une dynamique brûlante entre émotions fortes et rythmes effrénés. Sompteux !

Photo : Kimberly Fongheiser

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Americana Roots Rock

Chris Berardo : wild hope

Enrobée de belles guitares et d’une slide scintillante, la musique de CHRIS BERARDO est d’abord accueillante. Profondément ancré dans une culture musicale du Sud des Etats-Unis, son Americana se télescope très naturellement avec un Rock véloce, laissant parfois quelques teintes Pop et Country s’y déposer. Et c’est cette singularité qui fait de cette réalisation tant attendue un modèle du genre. Un style qui touche tout le monde, brille par son accessibilité et ne renie rien d’une technicité implacable dans le songwriting et dans l’interprétation des musiciens hors-pair, qui l’accompagnent.

CHRIS BERARDO

« Wilder All The Time »

(Blue Élan Records)

Le retour de CHRIS BERARDO se sera fait longuement attendre, précisément depuis « All the Warning Signs » sorti en 2017 et qui avait été couronné de succès. Empêché par des problèmes de santé, le songwriter effectue un come-back magistral avec « Wilder All The Time » et semble même plus inspiré que jamais. Originaire du Connecticut, il signe là son quatrième album sur lequel on retrouve les membres de son groupe, à savoir Douglas Berardo (guitare), Billy Kelly (Guiatre), Lloyd Maines (steel guitare) et Bukka Allen (orgue).

Toujours produit par David Abeyta, ancien du groupe Country Reckless Kelly d’Austin, « Wilder All The Time » contient dix chansons d’un optimisme contagieux et d’une grande fraîcheur. Le genre de disque qui vous grave un grand sourire pour un bon moment. Très personnels, les textes de CHRIS BERARDO sont d’une bienveillance assumée et ils sont subliment portés par sa voix légèrement éraillée. Sincère et authentique, son univers est riche, léger et captivant à la fois… et les autres musiciens présents y sont aussi pour beaucoup.

Avec un optimisme forcené, l’Américain évoque pourtant les coups durs de la vie pour n’en garder que l’espoir et la volonté de les surmonter. Très Southern l’ambiance qui enveloppe son Americana Rock offre une vague de chaleur et de proximité à l’ensemble de « Wilder All The Time ». Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une réalisation contemplative, CHRIS BERARDO présente un Roots Rock plutôt relevé (« Last Great Chance », « Wanda Leigh », « Somebody Like Me », « Underchiever », « The King Of Fun »). Une vraie bouffée d’oxygène !

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Alt-Country Americana Soul

The Delines : story of a day

Très feutrée et avec une légèreté singulière, la musique de THE DELINES est une sorte de nectar reposant dans un écrin brillant de mille feux. Quand la technique se met au service du talent et de l’intelligence du songwriting, ce sont les mélodies qui jaillissent comme un ravissement. Porté par la voix incroyable d’Amy Boone, les Américains sont les artisans d’une Soul très variée, qui se nourrit de nombreux courants. Et dans le domaine, le quintet excelle avec un naturel déconcertant.

THE DELINES

« Mr. Luck & Ms. Doom »

(Decor Records)

Il y a des rencontres qui sont aussi évidentes que nécessaires. Et celle entre la chanteuse Amy Boone et l’auteur-compositeur et guitariste Willy Vlautin fait partie de ces unions musicales qui débouchent sur de très belles choses. Remarquablement complété par Sean Oldman (batterie), Freddy Trujillo (basse) et Cory Gray (claviers, trompette), THE DELINES évolue dans un registre assez unique, où l’Americana rejoint la Soul, la Folk avec un léger voile d’Alt-Country et le tout dans une finesse inouïe.

Deux ans après « The Sea Drift », la formation de Portland dans l’Oregon qui a fait émerger tant d’artistes de renom, livre son quatrième album complet et sa sixième réalisation au total. Littéralement happé par la voix envoûtante de sa frontwoman, THE DELINES dépeint une vision de l’Amérique plutôt douce amère. Tout en émotion et avec beaucoup de délicatesse, « Mr. Luck & Mrs. Doom » dresse autant de tableaux souvent désespérés, mais dans lesquels la douceur des cuivres se fait lumineuse.

Ecrivain reconnu avec sept romans à son actif, dont trois ont été portés à l’écran, et auteur de onze albums avec Richmond Fontaine, Willy Vlautin a trouvé en Amy Boone l’interprète parfaite pour ses chansons qui sont de véritables mini-scénarios. Et c’est vrai que l’aspect narratif à l’œuvre chez THE DELINES est franchement saisissant (« Her Ponyboy », « There’s Nothing Down The Highway », « Don’t Miss Your Bus Lorraine », « Left Hook Like Fraizer », « Maureen’s Gone Missing »). Un disque d’une beauté renversante.

Photo : Jason Quigley

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Americana Blues folk France

Mylène Chamblain : heart & soul [Interview]

C’est dorénavant depuis la Belgique, où elle a pris son envol il y a quelques années, que MYLENE CHAMBLAIN déploie un Americana, teinté de Blues et de Folk, très personnel. Chanteuse, guitariste et compositrice, elle sort « Drive Me Mad », un album complet aux variations multiples et d’une fluidité envoûtante. Dans un univers fait avant tout de partage, elle s’affirme pleinement comme artiste et aussi en tant que femme libre et déterminée. La douceur de sa musique se mesure au caractère entier qu’elle distille sur ce nouvel opus très inspiré. Entretien (fleuve !) avec une artiste talentueuse qui met tout son cœur à l’ouvrage avec beaucoup d’émotion et de sensibilité.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais qu’on dise un mot de ton parcours qui est assez atypique. Tu es originaire de Toulouse et pourtant tu vis depuis 20 ans en Belgique. C’est un choix de vie personnel ou artistique, car on sait le public belge très réceptif à ton style de musique justement ? 

Mon arrivée en Belgique en 2005 n’émane pas du tout d’un choix de vie artistique, mais il l’est devenu aussi en prenant la décision de faire le grand saut en 2005, alors que je revenais justement d’un concert dans un grand festival Country en France. En cause, une autre histoire atypique et en plusieurs temps. C’est l’histoire d’une jeune fille française de 12 ans qui tombe amoureuse pendant ses vacances d’été 1992 d’un jeune garçon belge de la région liégeoise, venu passer ses vacances avec ses parents du côté de Fréjus, dans le sud de la France. A l’époque, il était âgé de 15 ans. Nous avons correspondu plus de 12 ans au total avant que cela devienne plus qu’un amoureux de vacances, puisqu’il est devenu le père de ma fille des années plus tard. Auparavant, nous nous étions retrouvés une nouvelle fois au moment de la sortie de mon premier album « Hold Fast », et après mon retour d’une date au ‘Festival Country’ de Craponne S/Arzon. A l’époque, j’envisageais de vivre aux pieds des Pyrénées, et je me voyais faire ma musique dans une maison en pierre, au calme, comme une vieille hippie. Puis, il est revenu dans ma vie. Je n’avais rien à perdre, lui tout (il était rangé avec job et maison) s’il venait vivre avec moi dans le Sud de la France. J’ai donc sacrifié ma vie en France, mais en sachant que les rencontres musicales en Belgique étaient tout aussi possibles, voire même pouvaient donner de belles opportunités. J’ai fait le grand saut en mars 2005 aux côtés de mon premier prince charmant et j’ai travaillé non-stop pour remettre mon projet sur pied en recrutant des musiciens belges. J’ai été bookée l’année suivante sur plus de dix dates en Belgique, et même en Lituanie pour l’énorme ‘Festival Visagino’, rassemblant plus de 10.000 personnes à l’époque. Je me souviens aussi de mon premier passage à la RTBF Classic 21 en 2006. Mon album « Hold Fast » avait été diffusé dans les découvertes Country pendant plusieurs semaines, un grand moment de reconnaissance pour moi. Depuis, bien des choses ont changé, ce prince charmant est donc devenu le père de ma fille, mais nous avons chacun refait notre vie. Je suis restée simplement pour être auprès de ma fille et ne pas la couper de son père.

– Tu as sorti ton premier album à 24 ans, fais une longue pause avant d’effectuer ensuite plusieurs collaborations, notamment avec Plain Jane. Et ce n’est qu’en 2021 qu’on te retrouve avec l’EP « Body & Soul ». Tu as ressenti le besoin d’écrire et de composer une musique qui te ressemblait peut-être plus à ce moment-là ?

Mon écriture a évolué en même temps que moi et lorsque j’écoute chaque titre, que ce soit les compositions Country-Blues de mon premier album, les titres Pop-Folk pour Plain Jane, ou les titres plus Americana de « Body & Soul » et « Drive Me Mad », tous les sons de chaque production correspondent parfaitement à une époque, un état d’esprit et des demandes particulières. C’était surtout le cas pour Plain Jane, où le process de création était assez différent, car il fallait que je me détache émotionnellement de mes créations pour qu’elles s’envolent avec le son de Plain Jane. Au gré des épreuves, du temps, de l’expérience, mon son révèle vraiment mon état d’esprit à chaque étape et celui plus ancré, plus roots, plus assumé d’aujourd’hui concorde parfaitement aussi avec la femme épanouie que je suis devenue. Et il révèle aussi la confiance acquise et le fait de savoir mettre des mots et des idées plus claires sur les arrangements de mes titres. Tout est venu en même temps. Mon retour à ma carrière en 2018, Plain Jane qui se créait et l’appel de Julie Compagnon pour collaborer sur ce projet.

Ensuite en 2019, j’avais déjà bien avancé pour moi, en parallèle à ce projet pour lequel je devais travailler sans trop travailler pour ne pas m’accaparer les morceaux. En tant qu’auteure-compositrice, c’était une opportunité pour moi de composer différemment pour un projet qui n’était pas le mien et ce n’était pas non plus inné et naturel pour moi, mais cela m’a tellement apporté aussi. Je vivais une période difficile et le projet Plain Jane m’a sans doute permis de trouver un autre échappatoire, un autre souffle avant de continuer. Il fallait néanmoins que je reprenne les rennes de ma vie et de mon projet de carrière musical personnel. J’ai dû choisir de me distancer du projet de Plain Jane, tout en suivant l’actualité du groupe et en étant présente sur scène avec eux. Ce sont mes amis et nous nous soutenons beaucoup.

Enfin, en 2020, le confinement m’a laissé du temps pour reprendre ce que j’avais entamé en 2018. Cette période m’a aidé à me focaliser sur mon projet et j’ai croisé la route de l’arrangeur, orchestrateur et producteur musical Cyril Orcel, qui a découvert mes compositions après la publication sur Facebook de mes nouvelles compos prévues pour « Body & Soul ». Il a voulu sublimer le style Americana que j’étais en train d’élaborer. Il a compris où je voulais aller et depuis nous n’arrêtons plus de produire ensemble.

– Plain Jane était assez différent de ce que tu fais actuellement et sur « Body & Soul », l’ensemble était déjà plus américain dans le style comme dans le son. Est-ce que ce sont toutes ces étapes, qui ont finalement forgé et affirmé ta direction musicale d’aujourd’hui ?

Les choses se sont déroulées naturellement. Je suis plutôt intuitive et je ne calcule rien. Je savais en collaborant sur le projet Plain Jane que la direction musicale allait être légèrement différente. La méthode de travail et le son n’allaient donc pas être les mêmes qu’en ayant un contrôle total sur ma musique. Les influences étaient suffisamment similaires pour permettre la collaboration. Je devais aussi vivre parallèlement le projet Plain Jane pour comprendre que j’étais déjà en train de prendre un autre envol dans ma vie et dans ma carrière. J’ai décidé aussi de sortir de la Folk et de la Country Music, tout en ne reniant absolument pas ce caractère musical que j’aime toujours énormément, mais qui ne prend plus le dessus sur un besoin de retrouver un son plus roots et organique.

J’ai mis ma sensibilité du moment dans les compositions de Plain Jane tout en prévoyant des titres pour ma propre carrière musicale en parallèle. Si on écoute « Don’t Swear », « Five », « Fire In The Shade » ou « Human Scale » composés en intégralité pour Plain Jane et arrangés par ses musiciens, on entend les influences Pop, Alt-Country et Americana, parce que les musiciens de Plain Jane sont aussi portés vers ces sonorités vintage et qu’ils ont à peine touché aux titres. Les mélodies sont restées intactes, mais elles ont été remaniées comme Julie Compagnon l’entendaient. Avec ce projet, j’ai compris que je devais juste effleurer du doigt la musique pour Plain Jane en dosant suffisamment pour ne pas trop y mettre la patte ‘Chamblain’.

Dans « Body & Soul », il y a toute ma vérité, ma façon de jouer, d’entendre mes morceaux, mon esprit et les mots qui illustrent mon vécu, une production personnelle et la liberté de créer mon son. Que ce soit « Last Long Road », « Losing Game » ou « Something Instead », je retrouve l’âme Americana et l’esprit de la Road Music, qui me collent à la peau depuis longtemps mais que je n’avais pas encore tout à fait exploré. Après ces 10 ans de pause, j’avais tracé ma route et forgé ma musique vers quelque chose de plus roots, plus ancré et plus abouti aussi. Tout est devenu plus précis, assumé et affirmé avec le nouvel album « Drive Me Mad ». J’aime proposer ma signature artistique, mais aussi une diversité portée par le Rock des années 70, le Blues, la Country, ainsi que le Pop-Rock. Et tout ça avec une bonne dose de guitares slide, dont le son m’emmène absolument là où je veux être. Je me sens à ma place et libre de m’envoler vers ce que je veux au gré de mes inspirations et de mes émotions sans chercher à plaire ou viser un public en particulier et tout en produisant quelque chose d’accessible et sans doute moins complexe musicalement.

– Depuis ton EP, tu travailles avec le directeur artistique Cyril Orcel. Comment est-ce que vous fonctionnez à deux et en quoi cela a-t-il pu changer ou faire évoluer ta vision artistique ?

Lorsqu’on écoute l’EP et le nouvel album, il y a une belle continuité musicale et de la maturité artistique. Lui, autant que moi, avons mutuellement appris de l’autre depuis cinq ans en nous écoutant notamment. On apporte nos compétences, mais aussi nos visions et notre ‘touche’ pour faire évoluer les morceaux. Ce travail a démarré à distance pendant le confinement et ce mode de fonctionnement a tellement bien fonctionné que nous avons continué à travailler ainsi, lui étant à Bruxelles, moi au sud de Liège. Il n’y a pas de pression, de contrainte de temps, mais un suivi et une façon de travailler très proactive. Nous nous adaptons bien aux journées de l’un et de l’autre.

Notre duo sur la composition, l’orchestration et les arrangements est la première étape et a prouvé son efficacité. Nous arrangeons ensemble le squelette de chaque titre, lui respectant la musicalité des compositions, de ce que je veux entendre mais en me proposant les arrangements qui vont pouvoir les faire s’envoler et prendre du relief. Ensuite, j’envoie les titres aboutis aux musiciens et on organise les enregistrements. Ils viennent chez Cyril pour les plus proches de Bruxelles, ou chez moi. On se partage les enregistrements de session et Cyril gère la plus grosse partie, ainsi que la phase finale du choix des pistes, du mixage et du mastering également. D’un point de vue stratégique et pratique, nous gagnons aussi beaucoup à créer ainsi. Et puis, le studio est prévu, mais ce sera pour travailler en live et retrouver ce côté humain et direct et accéder aussi à des sons qui libèrent encore plus les chansons.

– D’ailleurs, lorsqu’on écoute l’EP et le nouvel album, il y a une réelle continuité musicale avec aussi un côté plus roots et plus direct sur le nouvel opus. Tu as souhaité aller à l’essentiel en privilégiant les détails dans le songwriting à travers quelque chose de plus sobre et efficace ?

Oui tout à fait, je crois que « Drive Me Mad » révèle une certaine maturité et le fait que j’arrive à aller à l’essentiel, sans devoir réfléchir au moyen d’y aller. C’est certainement dû à l’âge, car ça a du bon d’avoir 45 ans et de ne plus avoir envie de perdre du temps et de l’énergie inutilement. « Body & Soul » était surtout la trace d’une vie qu’il fallait que je grave à jamais pour m’en libérer. L’écriture de ce cinq-titres a été influencée par un coeur, un corps et une âme meurtrie, c’est la trace d’une relation toxique et de violences qui m’ont marquée à vie et c’était nécessaire pour pardonner et passer à la suite. Tout est lié à mes émotions, la vie plus simple que je mène aussi et un état d’esprit apaisé. Disons que cela caractérise la vie qui a repris. Sûrement parce que je grandis encore et que la vie est une infinie suite de mouvements et ma musique évolue en même temps que moi. Aujourd’hui, je sens mon mental plus apaisé, moins complexe, je vais en effet plus à l’essentiel au quotidien et ce chemin psychologique se révèle dans mes écrits et ma façon de composer. Et je sais aussi que cette évolution artistique a été aidée par Cyril qui m’a dirigé artistiquement, doucement mais sûrement, en me conseillant de puiser en moi pour trouver une manière plus simple de composer pour marquer les esprits. Il m’a appris à écrire avec autant d’âme et de force et il a essayé de me pousser dans mes retranchements. Je croyais devoir calculer mes émotions, puis au fil des mois et des années, ma façon de penser a évolué et tout est devenu plus simple. Je pense avoir réussi à aller à l’essentiel pour moi et pour ma musique, sans pour autant perdre mon identité… et c’est un beau cadeau.

– Ce qui peut surprendre sur « Drive Me Mad », c’est la variété des styles qui vont de l’Americana à la Soul avec une légère touche Pop/Rock, et l’ensemble est relié autour du Blues, qui apparaît comme le point d’ancrage. Tu le considères comme ton influence première, celle qui guide l’ensemble ?

Oui, je pense que tu as vu juste. Si je devais choisir un style qui me résume, il y aurait toujours le mot ‘Blues’, bien que cela me gêne un peu étant donné que je ne fais pas du pur Blues, comme on peut l’entendre dans la musique des pionniers du Blues noir américain. Disons que les sons utilisés dans le Blues, les lignes et les blue notes doivent toujours être présentes dans ma musique, parce que je me sens profondément reliée à cette musique qui me parle depuis l’enfance, mais aussi aux sons et à l’âme du Blues. Il a été le point de départ de mon éveil musical. Et lors de mon passage à Clarksdale aux Etats-Unis en 2002, j’ai été complètement remuée, lorsque je suis entrée dans le bar qui a accueilli pour la première fois le grand B.B King à ses débuts. Quand j’écris, je me sens comme une âme solitaire, évoquant les injustices de ce monde, les besoins de liberté, d’égalité, mes chansons sont toutes des vieux Blues mis en musique avec les sons que je veux y mettre. C’est une recette avec des ingrédients de base essentiels. Cependant, je ne choisis jamais des instruments simplement pour que cela sonne Blues ou Folk. Ils vont surtout faire vibrer mes mots.

– L’album est aussi très organique, très bien arrangé et produit et avec une sensation d’immédiateté qui rappelle la scène. Est-ce que, justement, tu as en tête le rendu live de tes chansons au moment de la composition dans l’éventualité d’un échange avec le public ?

C’est ce que je voulais retrouver. Je suis très satisfaite et heureuse des choix réalisés avec Cyril mais il est vrai, et nous en discutons déjà, que je veux absolument retrouver ce son live et pourquoi pas, oui, en réalisant un album directement depuis la scène d’un concert. Tout est envisageable. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai enregistré l’album « Hold Fast » en 2004, pas en public mais en live avec tous les musiciens en studio. J’ai eu la chance à 24 ans d’être épaulée par deux membres du groupe de Blues Awek, qui ont très vite cru au potentiel de ma musique. Nous avons répété une seule journée avant de rentrer en studio et 11 titres ont été enregistrés en deux jours et en live. Certaines sessions ont été réalisées séparément, mais la méthode a été entièrement analogique et artisanale. Un enregistrement sur bande et un mixage en temps réels est une incroyable expérience à laquelle j’ai participé aussi. C’est l’ingénieur-son Roger Shepherd que l’on m’avait conseillé qui fait ses armes chez E.M.I Music à Glasgow, qui est venu installer son studio à Toulouse. Depuis cette expérience, j’aspire à la renouveler, mais les conditions financières sont problématiques et demande d’agir en conséquence. Une captation live vidéo est envisagée cette année et pourquoi pas un enregistrement sur vinyle ? Le top pour moi ! (Sourires)

– Une chose m’a intrigué sur « Drive Me Mad », c’est justement le titre « It Drives Me Mad » que tu as composé il y a 20 ans. Qu’est-ce qui a changé pour cette chanson au fil du temps ? Pourquoi ne pas l’avoir sorti plus tôt et a-t-elle beaucoup changé par rapport à la version originale ?

Je l’ai composé en 2003 et je la jouais seule à Toulouse avant d’enregistrer l’album. Je ne l’avais pas vraiment terminée et c’était plus un défouloir pour moi. Je ne me sentais pas encore assez proche de ce morceau qui parlait d’une histoire d’amour. Je n’aimais pas cette relation et cette époque. J’ai voulu écrire cette chanson sans qu’elle m’accompagne vraiment. Et puis, trois ans plus tard, je l’ai rejoué avec un détachement émotionnel total, en concert avec les musiciens belges que j’avais recruté à mon arrivée. En récupérant mon projet, je n’ai pas tout de suite pensé reprendre ce titre qui ne me correspondait pas vraiment au temps de « Hold Fast », ni de « Body & Soul », mais avec le temps, j’ai remis sur pied de nouveaux arrangements. Je l’ai ensuite joué plus de deux ans à la fin de mes concerts et j’ai réalisé que le public adorait ce morceau. Comme je voulais inclure un titre plus Rock à ma musique, « It Drives Me Mad » était une évidence. Sans toucher à mes arrangements, ma mélodie et mes riffs, Cyril a rendu ce morceau plus abouti et nous avons compris qu’il serait parfait pour débuter l’année 2025 et lancer l’album en tant que single.

– D’ailleurs, « It Drives Me Mad » est un moment fort de l’album et on imagine facilement l’impact en concert avec ce côté Classic Rock. Pourquoi l’avoir placé en toute fin du disque ? C’est un choix qui peut surprendre…

Je n’ai rien calculé, ni planifié. Je crois que tout coulait de source, « It Drives Me Mad » ayant été finalement choisi pour lancer l’album. Je le trouve néanmoins toujours très bien à sa place, en dernière position, comme en concert où il emporte le public et clôture sur une note dynamique, positive et un mouvement Rock qui permet à tout le monde de danser, de chanter et de se défouler. Retenir ce morceau en fin d’album était aussi évident que de présenter l’album avec lui.

– L’album dégage aussi beaucoup de féminité et de sensualité et cela correspond d’ailleurs parfaitement à notre époque où les femmes sont enfin mieux représentées dans le monde du Blues, de l’Americana et même de la Country. Est-ce que cela veut aussi dire que c’est plus facile de s’exprimer aujourd’hui dans le milieu de la musique ? Et est-ce que c’est quelque chose que tu ressens aussi en tournée ?

Naturellement, je n’ai jamais cessé de produire ma musique avec foi et conviction, tout en sachant que déjà que c’était difficile de s’imposer d’abord en tant qu’artiste dans cette société. Ce n’est qu’après que j’y ai vu encore d’autres difficultés, c’est vrai. M’exprimer n’a jamais été difficile, mais être acceptée dans ce milieu n’a pas toujours été chose aisée. Ma difficulté était plus portée vers le fait que nous sommes toujours entourées d’hommes, que ce soit le public, les organisateurs ou les musiciens. Les hommes sont là et, en tant que femme, il est très difficile de passer à travers cette masse, sans se faire toucher les fesses. C’est une image un peu facile, mais c’est toujours bel et bien une réalité. La musique d’une femme passera un peu après l’intérêt physique qu’elle suscitera. Avec les années, ce qui est bien, c’est que j’ai non seulement gagné en confiance en moi, mais aussi en féminité, en sensualité, je m’assume beaucoup plus à 45 ans en tant que femme et ma sensualité se dégage davantage dans ma musique. Maintenant, j’ai aussi forgé un caractère, des moyens de défendre mes intérêts et surtout les mots pour me faire respecter. Ainsi, mon corps ou ma sensualité m’appartiennent, rendent service à mes compositions, mais je tiens à surtout rester certaine que ce soit bien par ma musique qui suscite d’abord de l’intérêt.

Je ne crois pas que ce soit plus facile en tant que femme de faire de la musique aujourd’hui en comparaison au temps de Ma Rainey ou d’Elizabeth Cotten. Mais ce que je réalise, c’est que les choses ne changent pas réellement à ce niveau. Nous devons toujours faire des efforts. Je sais, vu mon expérience, que nous devons encore et toujours faire nos preuves, présenter et proposer plus que les hommes ne le font. Il faut être séduisante en plus de proposer quelque chose de technique et artistique. La difficulté est toujours présente et le côté naturel et le produit abouti ne suffissent parfois pas. Il faut être charismatique, jolie et envoyer du lourd. Une femme doit avoir ce petit truc qui excite l’intérêt des organisateurs et s’il faut être honnête avec ça, il est évident que pour percer, une femme devra être tellement originale que son physique n’aura alors plus d’importance.

Nous sommes encore dans cette ère où la femme doit dégager sa sensualité en plus de réaliser une belle musique. Nous devons naturellement plus nous battre pour nous immiscer dans le milieu et nous imposer. Regardons les affiches de festivals et on comprend aisément que l’homme est bien plus représenté. En Belgique, nous devons d’ailleurs nous sentir fières de participer à des festivals 100% Women ! Etre fière de recevoir des subventions, parce que nous veillons à la parité homme-femme en tant qu’organisateur et organisatrice.

Nous avons juste une épreuve de plus à franchir, je pense, avant d’arriver sur scène. A nous de voir si nous considérons plus facile de jouer le jeu, de miser sur un jeu de séduction malsain, ou juste aimer sa sensualité et être soi. S’il faut accepter certaines conditions ou plutôt nous battre et résister à ce principe tout en nous imposant. Du caractère, il en faut indiscutablement plus que les hommes en plus d’avoir des choses à dire.

– Il y a des moments très intimes sur l’album et une vraie réflexion sur notre société notamment, et un morceau comme le très touchant « Lion Son » peut résonner aussi de bien des manières. Tu abordes tout ça de façon très personnelle, ou c’est l’aspect assez universel de ces thématiques qui t’importe le plus ? 

Pour te répondre sincèrement, je ne sais pas écrire ou composer sans y mettre toute mon âme. Si ce n’est pas personnel ou n’émane pas d’une histoire vécue, d’une émotion ressentie, d’une rencontre qui a du sens ou d’une réflexion personnelle sur le monde, il est difficile pour moi d’y mettre la force, la profondeur et la sincérité nécessaire à rendre mon titre en vraie résonance. C’est aussi parce que je ressens ma musique comme un tableau à peindre librement, un paysage à visualiser, une émotion à partager et aussi parce que j’aime que la musique permette une certaine liberté de projection. Je fais en sorte que chacun puisse se retrouver dans un texte, une musique et que la mienne appartienne à tout le monde, que chacun puisse trouver un peu de soi dedans et l’emporte avec lui, malgré les histoires très personnelles qui se trament autour. Je veille aussi à préserver une certaine intimité en n’utilisant que des images, car les choses dites trop directement, sans amplitude, ferment naturellement cette porte que je veux ouvrir au monde, à mon public. Si je parle de ma souffrance, on me laissera ma souffrance, on ne voudra sans doute pas écouter et partir avec moi en voyage. Ce sera bien trop personnel si, comme pour « Lion Son », j’explique clairement ce qui a inspiré cette chanson, la source réelle de l’émotion. Par discrétion aussi, je prends souvent le parti de ne résumer qu’une partie de l’histoire en me focalisant sur un détail et parfois, les choses dures peuvent éclairer le chemin et donner la possibilité de mettre en lumière la beauté plutôt que la douleur.

Pour « Lion Son » ou « Losing Game », je m’aperçois que la musique a clairement bien fait son travail car les émotions, dont on me fait part à leur écoute, révèlent que nous comprenons que la dureté du fond est captée émotionnellement et que la forme musicale choisie a permis d’alléger et faire que ces morceaux sont ressentis de manière intime, belle et sans être dérangeant. J’ai alors réussi ce que je voulais. Quant à « Lion Son », j’aurais l’occasion de la mettre davantage en lumière cette année, si le single sort en radio officiellement. Cette chanson compte beaucoup pour moi, mais aussi pour quelqu’un pour qui je l’aie écrite, suite à une bouteille à la mer lancée il y a deux ans sur la toile. Une vraie histoire, un vrai hommage.

– Un petit mot aussi du duo ‘Two Women Blues’ que tu as monté avec Geneviève Dartevelle. Vous tournez d’ailleurs ensemble en marge de vos projets. Peux-tu nous en dire un peu plus ? S’agit-il de compositions personnelles et est-ce qu’un projet discographique est dans un coin de vos têtes ?

Ce projet vient d’une idée naturelle de faire tourner mes chansons en version duo pour plus de facilité de programmation en Belgique pour les petits lieux, mais cela nous permettait aussi de nous rejoindre sur un fantasme de jouer du Blues simplement en duo. Elle comme moi, voulions depuis longtemps essayer cette formule, sans même nous connaître et alors qu’elle est à temps plein dans mon projet avec le band, cela coulait de source de devoir s’y pencher plus concrètement en parallèle. Je sais que je n’ai déjà plus beaucoup de temps à consacrer à un autre projet, puisque je donne déjà 200% de mon âme, de mon temps, de mon argent, de mon corps et de mon énergie à ma carrière et que Geneviève multiplie les répétitions et les concerts avec les nombreux groupes de Blues qui l’appellent.

Ce duo marche bien et reçoit des éloges en plus de remplir à bloc les salles de 100 à 150 personnes sans difficulté. Mais il faut parfois prendre du recul, avoir le temps de le travailler correctement et c’est là que les choses deviennent plus dures à installer en ce moment. Nous avons décidé de travailler sur un répertoire purement Blues arrangé à notre sauce, avec du Blues féminin aussi, mais pas uniquement, et tout en complétant les sets avec mes chansons, car il a fallu faire vite entre l’annonce du projet et la première proposition de concert. Tout est allé très vite et l’intérêt pour le duo a été fulgurant. C’est certainement le seul duo Blues féminin Harmonica/guitare-voix d’Europe et il suscite donc de l’intérêt, vu sa singularité.

Nous avons été bookées sur pas mal de concerts et de festivals Blues en 2024, tout en étant en tournée sur mon projet. Mais depuis la production et la sortie de mon album, je suis non-stop sur la promotion auprès des médias et en recherche de booking en France et à l’étranger et j’avoue ne pas savoir pour l’instant comment gérer les deux projets de front. Nous devions organiser des captions vidéos, un enregistrement aussi et puis, prises par nos projets parallèles, tout est assez compliqué à organiser mais tout viendra à point au moment opportun. Nous aimerions aussi participer au ‘Blues Challenge Festival’ et nous gardons bien nos projets en tête pour cette raison-là aussi.

– Enfin, depuis tes débuts, tu t’es toujours autoproduite. C’est une question de liberté artistique, devenue d’ailleurs plus compliquée aujourd’hui, qui te permet aussi de naviguer dans cette industrie musicale mangée par le numérique ? Ou, au contraire, il est devenu difficile de trouver un bon label ?

J’ai toujours été très indépendante et autonome dans l’âme et dans ma liberté de mouvement, ma capacité à avoir le contrôle sur ma vie ou mes projets depuis toujours. Et surtout, il m’a fallu une bonne dose de confiance dans ce système pour lâcher mes ‘bébés’ ou mettre mon projet entre les mains de labels ou de managers. J’ai fait quelques expériences, mais je ne sentais aucune vie, aucun mouvement et je fais confiance à mon rythme avant tout, à ma cadence. Même si c’est le rêve de tout artiste de déléguer les nombreux rôles que nous devons jouer en tant qu’indépendants, il n’est pas simple de tomber sur des gens honnêtes et bienveillants. Et surtout, si tu n’es pas un artiste bankable, je sais que l’intérêt premier d’aider à développer notre carrière sera ce que cela pourra récolter. Comme les choses changent tout le temps et que l’industrie musicale et les réseaux engendrent un marché concurrentiel presque impossible à défier, il faut soit accepter de se faire transformer pour devenir la poupée de l’industrie, soit resté libre, se battre, se surpasser et risquer alors de prendre plus de temps pour s’imposer.

Je pense que la musique que je fais actuellement est plus aboutie, mais le monde est plus exigeant encore et la musique Americana en Europe est une prise de risque, dont il faut assumer les conséquences. Mais comme je le dis, je ne compose pas pour plaire ou être dans le rang de ce qui se fait, je compose cette musique, parce que je l’ai en moi. Je ne suis peut-être pas née sur le bon continent ou à la bonne époque tout simplement. Alors quitte à ce que ce soit compliqué, je préfère mener ma barque et la contrôler.

J’essaie de voir comment faire en sorte d’amener le public à moi plutôt que de courir après lui outre-Atlantique. Une évasion nouvelle sur le continent américain n’est pas à exclure néanmoins. J’ai ma petite voix intérieure qui me dit que comme j’ai trouvé mon identité musicale, je vais pouvoir en parler bien mieux qu’avant et donc trouver les bonnes cibles. La musique doit voyager et pour moi le voyage a commencé.

Par ailleurs, il se trouve qu’un booking en France est en pourparler. J’ai des contacts qui s’intéressent à moi avec la sortie de l’album, ainsi que des labels et quelques festivals qui commencent aussi à me connaître. Ma patience, ma persévérance et le discours que je tiens maintenant semblent ouvrir de belles opportunités que je suis en train d’étudier. C’est un nouvel album, et surtout une nouvelle énergie. « Drive Me Mad » est une commande passée à l’univers. Si l’on me voit guitare brandie vers le ciel, ce n’est pas pour jouer au guitar-hero, mais bien pour illustrer ce vœu, cette volonté, cette fougue et cette passion qui me guide. Peut-être que la magie est en train d’opérer ? En tout cas, j’y aurais travaillé peu accompagnée, mais avec de belles rencontres-clefs, des manifestations en cours et je commence à récolter le fruit d’un long travail. J’observe, j’écoute, je prends, je garde ou je recommence… Rien ne doit être vu comme un obstacle ou une limite.

« Drive Me Mad », le nouvel de MYLENE CHAMBLAIN, est disponible sur le site de l’artiste :

www.mylenechamblain.com

Photos : Loreta Mander (1 et 6)

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Americana Country-Rock Dark Folk

Olivia Wolf : vaincre les démons

Elle a cherché la guérison et le renouveau et c’est à travers sa musique qu’elle y est parvenue… et de très belle manière. Forcément très intime, la chanteuse américaine se fait conteuse sur un premier opus qui en dit long sur son talent. S’il s’en dégage une certaine froideur malgré le registre, OLIVIA WOLF montre beaucoup de force dans sa musique comme à travers ses mots. « Silver Rounds » possède un aspect conceptuel dû au sujet global, et pourtant chaque chanson garde un côté unique et surtout attachant.  

OLIVIA WOLF

« Silver Rounds »

(Independant)

Cataloguée parmi les artistes de Country Music, OLIVIA WOLF s’en détache pourtant grâce à un style assez singulier, qui se distingue de la scène actuelle américaine. Et ce premier album qu’elle sort en indépendant est d’une étonnante profondeur. Dans son propos tout d’abord, car la chanteuse a vécu une tragédie qui la guide tout au long de « Silver Rounds ». Elle a, en effet, lutté en son for intérieur pour faire face à la perte de son fiancé deux semaines seulement avant leur mariage. Un deuil qu’elle fait ici en musique avec beaucoup d’élégance et une grande pudeur face à cette épreuve de la vie.

Elle qui a grandi dans le nord de la Californie au son du Bluegrass , également nourrie de la richesse musicale des Appalaches, s’est créée un monde très personnel et ce sont les circonstances de ce destin qui se traduisent dans cette Americana sombre, langoureuse et à fleur de peau. Dépeinte comme une version féminine de Sturgill Simpson, OLIVIA WOLF mélange les styles et les ambiances avec une délicatesse de chaque instant. Très spirituels, ses textes traversent de sombres pensées, s’ouvrent à l’univers tout entier, questionnent sur l’inquiétude, l’acceptation et l’abandon avec un esprit rebelle chevillé au corps.  

Pourtant, « Silver Rounds » évite la tristesse et la lamentation avec finesse. Entre la lumière et l’obscurité, OLIVIA WOLF a trouvé la faille et s’y engouffre avec beaucoup d’émotion. Produit par Sean McConnell avec qui elle a co-écrit plusieurs morceaux, l’ensemble offre un relief saisissant, où elle passe d’une Americana très Bluegrass à des moments de Rock appuyés ou une Country-Rock captivante (« Cosmic Appalachian radio », « Lucky One », « Weed King », « Good Smoke Too », « Meet You At The Cross », « The Wild » ou « High Life » en duo avec Taylor McCall). L’imagerie est ici puissante et radieuse aussi.

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Americana Blues Rock Country-Rock

Jax Hollow : une voix dans l’Amérique

Si JAX HOLLOW a basé sa réputation grâce à des concerts enflammés et un Blues Rock pied au plancher, la songwriter originaire du Massachussetts a de très nombreuses cordes à son arc. Avec « Come Up Kid », celle qui vit désormais dans la ‘Music City’ du Tennessee, n’a pas mis longtemps à en saisir des codes artistiques aussi riches que nombreux, et nourrit désormais son registre de saveurs Americana, Country et Folk. Porté par une production somptueuse et très organique, elle détonne dans un paysage où elle vient apporter de la fraîcheur et une véritable bouffée d’air frais sur des sonorités Indie et très libres.

JAX HOLLOW

« Come Up Kid »

(Independent)

Elle l’avait révélé il y a quelques semaines ici même, ce nouvel opus serait plus intime, plus personnel et sa direction ne serait peut-être pas non plus celle que l’on attend de la flamboyante guitariste-chanteuse. Il faut reconnaître que de ce côté-là, la surprise est belle et elle est de taille. Car si « Come Up Kid » s’ouvre sur « Changing Suits », suivi de « Easy Or Harder ? », deux morceaux plein d’allant, c’est un aspect plus délicat et aux teintes acoustiques plus présentes que nous présente JAX HOLLOW. Et la jeune Américaine semble aussi plus imprégnée de ce que peut apporter Nashville en termes de couleurs musicales.

Dès « Keeping My hands Busy », c’est cette fibre qui ressort, tout comme sur le single « Don’t Call Me Baby » et ensuite « Fallout » et son violon. La musicienne avait présenté son nouvel effort comme étant une sorte de biographie de ses deux dernières années, faites de hauts et de bas. Et c’est vrai qu’en cela, son Americana se prête beaucoup plus à la narration, ce qui ne l’empêche pas d’assurer de belles envolées guitaristiques, passant de l’acoustique à l’électrique avec la même dextérité. Sorte de catharsis, « Come Up Kid » apparaît presque comme une libération pour JAX HOLLOW qui resplendit littéralement au chant.

Accompagnée par un groupe irréprochable et d’un feeling irrésistible, c’est sans doute la première fois aussi que la voix de la chanteuse prend une telle dimension. Capable d’une extrême sensibilité comme d’une puissance claire (« Corner Store Jay’s », « Blazing Glory », « Stone Cold Sober »), elle se balade d’un style à l’autre, d’une ambiance à une autre en jouant sur les émotions avec beaucoup de sincérité, comme sur la poignante chanson-titre ou la très country « Birds On A Wire ». Enfin, JAX HOLLOW clôt ce très bon disque avec le touchant « Sycamore St » pour un final de toute beauté en guitare et piano. Rayonnante !

Retrouvez son interview accordée au site il y a quelques semaines :

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Americana Blues Soul

Eddie 9V : sunny vibes

Suite au succès retentissant de sa précédente production, « Capricorn », auquel il ne s’attendait probablement pas et qui l’a propulsé au tout premier rang des bluesmen à suivre de très près, tout en arborant cette étiquette d’’étoile montante’, EDDIE 9V semble avoir cette fois-ci eu le désir de reposer un peu les pieds sur terre et de se reconnecter à ses racines sudistes, un domaine auquel il apporte un regard vif et tout en fraîcheur. Très Americana et Soul, son Blues se fait ici plus souple, certes, mais toujours aussi addictif. « Saratoga » invite au sourire dans un flux original et délicieusement vintage.

EDDIE 9V

« Saratoga »

(Ruf Records)

Du haut de ses 28 ans, EDDIE 9V est lui aussi une sorte de phénomène. Né à Atlanta en Georgie, il a fait très tôt ses armes avec son groupe de Blues Rock, mais c’est seul aux commandes que le chanteur et multi-instrumentiste s’exprime pleinement. D’ailleurs, il suffit d’écouter « Way Down The Alley (Live at Blind Willie’s) » sorti en 2020, où Brooks Mason Kelly, à l’état civil, s’est offert une première réalisation live, preuve d’une maîtrise totale et surtout d’une envie viscérale de partager sa musique avec son public. Il y est éblouissant, tant sa connaissance du vaste répertoire Southern est subjuguante. Rien en paraît lui résister.

Car le jeu d’EDDIE 9V s’inscrit dans l’esprit de son Sud natal  que ce soit celui du Blues, de la Soul, de l’Americana, de la Funk comme des choses plus Rock. Il est littéralement imprégné de cette culture qu’il a bien sûr personnalisée. Et après « Left My Soul In Memphis » (2019), puis « Little Black Flies » (2021) et surtout « Capricorn » en 2022 (du nom du mythique studio de Macon) qui l’a vraiment révélé bien au-delà des Etats-Unis, le voici qui vient surprendre tout son monde avec un quatrième album studio, sur lequel il explore un registre plus Americana, donc plus narratif, un univers qui colle à merveille à cette vraie-fausse nonchalance qu’il affiche.

Terriblement groovy, EDDIE 9V s’est concentré sur l’aspect textuel des chansons, oubliant les envolées guitaristiques parfois démesurées qui le caractérise souvent. Il va à l’essentiel dans une chaleur musicale langoureuse et incroyablement ‘feel good’. Co-écrit avec son frère Lane Kelly et Spencer Pope, « Saratoga » est résolument Soul, grâce à des chœurs très présents, des cuivres pétillants, des slides sauvages et surtout cette voix aussi douce qu’insaisissable. Ce nouvel opus est un beau voyage sous le soleil de ce grand artiste (« Saratoga », « Love Moves Slow », « Cry Like A River », « Delta », « Truckee », « The Road To Nowhere…).  

Photo : Cameron Flaisch

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Americana Blues Soul

Marcus Trummer : la révélation

Entamer une carrière avec un tel album et surtout dans un style qui demande beaucoup d’expérience est une chose assez inhabituelle. Pourtant, MARCUS TRUMMER, la petite vingtaine, s’ouvre la voie de la plus belle manière. Grâce à une musicalité sans faille, un songwriting étincelant et des arrangements plus que soignés, « From The Start » possède tous les atouts pour faire de lui l’un des futurs grands de la scène Soul Blues. Il faudra désormais aussi compter sur TRUMMER dans la lignée des MARCUS !

MARCUS TRUMMER

« From The Start »

(Gypsy Soul Records)

C’est vrai que les artistes, dont la précocité a surpris, sont quelques uns dans le monde du Blues. Si certains sont techniquement imparables, il en va autrement du feeling et du propos d’un musicien, en deux mots : son âme. Celle de MARCUS TRUMMER semble avoir déjà plusieurs vies, tant il présente avec ce premier album, « From The Start », une grande maturité à laquelle il convient d’ajouter une classe incroyable. Se mouvoir avec autant d’aisance artistique entre le Blues, la Soul et y injecter une dose d’Americana aussi brillamment n’est pas donné à tout le monde. Et le jeune homme semble déjà tout avoir.   

Si les thèmes abordés par le Canadien sont universels et familiers du registre, la manière avec laquelle il s’y engouffre libère autant de douceur que de bien-être. Un véritable remède à la mélancolie ! Et du haut de ses 23 ans, le chanteur, guitariste et compositeur n’a pas attendu bien longtemps pour récolter ses premières récompenses, preuve s’il en est que son talent est indiscutable. Entouré de son frère Silus à la batterie et Stacy Shopsovitz à la basse, MARCUS TRUMMER a aussi pu compter sur Ross Hayes Citrullo de The Commoners et sur le patron de son label, Renan Yildizdogan, pour produire « From The Start ».

Egalement soutenu par des musiciens exceptionnels aux cuivres, tout comme par des chœurs fantastiques, on se laisse porter par la légèreté apparente de ces chansons. Vocalement, MARCUS TRUMMER est irréprochable et touchant, sans faire dans la démonstration. Une certaine sobriété que l’on retrouve dans son jeu de guitare d’une grande justesse. Cependant, il ne joue pas le pied sur le frein, bien au contraire et  sait se montrer flamboyant (« Holding Out Of You », « Hard Time », « The Only Thing », « Let The Devil Win »). Subjuguant et un avenir qui s’annonce déjà faste !

Photo : Heather Saitz

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Americana Blues folk Soul

Eric Bibb : un écrin pour du nectar

La productivité d’ERIC BIBB n’a d’égal que son inspiration… et elle est grande ! Alors qu’en avril, il sortait « Live At The Scala Theatre » quelques mois tout juste après le génial « Ridin’ », il récidive déjà avec un « In The Real World », majestueux dans sa simplicité et dans ce flow Soul dont il a le secret. Très dynamique dans les arrangements, il a donné sa confiance à Glen Scott, le patron de Repute Records, qui a produit, arrangé et mixé les chansons. Magnifiquement équilibré et savamment travaillé, les harmonies vocales sont incroyablement riches et s’élèvent à un niveau auquel on est finalement habitué de sa part.

ERIC BIBB

« In The Real World »

(Stony Plain Records/Repute Records)

L’Américain a le Blues voyageur. Après s’être installé à Paris à 19 ans, puis en Suède pour finalement s’établir en Angleterre, ERIC BIBB n’est peut-être pas prophète en son pays, mais il l’est assurément sur le vieux continent. Ce qui, pour un pasteur, est une bonne première étape. On ne compte plus ses innombrables albums, autour de la quarantaine, mais on peut souligner que chacun d’entre eux est d’une beauté renversante. Le précédent, « Ridin’ » lui a valu d’être nominé aux fameux Grammy Awards et « In The Real World » a de grande chance, lui aussi, de prendre le même chemin, en espérant une récompense au bout.

Après cinquante ans de carrière, un record de récompenses et une intronisation au ‘Blues Hall Of Fame’ en 2015, ERIC BIBB s’offre une magnifique ode à l’introspection et à la quête de soi. Et c’est dans les studios d’un autre grand artiste, Peter Gabriel, qu’il est allé immortaliser les 15 chansons de « In The Real World ». Comme toujours avec lui, le son est limpide, cristallin et la qualité des réalisations effectuées dans au ‘Real World Studios’ donne une couleur pleine de douceur, et aussi de profondeur, à des mélodies passionnées et des textes apaisants, tout en restant engagé dans un humanisme de chaque instant.

Dès les premières notes de « Take The Stage », on se retrouve enveloppé de la voix chaude et rassurante d’ERIC BIBB. Toujours très sociétal dans son  propos, il plonge surtout dans ses souvenirs d’enfance dans des ambiances d’ailleurs très différentes passant du Delta au Gospel et à la Folk, et parfois légèrement Country. Il avoue même présenter avec « In The Real World » une sorte d’autoportrait de ses influences (« Everybody’s Got A Right », « This River (Chains & Free) », « Neshoba County », « Dear Mavis », et bien sûr la chanson-titre). Le bluesman a l’écriture forte et sensible et sa musique est aussi immaculée qu’électrique.

Retrouvez la chronique de « Ridin’ » :

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Americana International Soul Southern Blues

Abby Bryant : sweet southern sounds [Interview]

Dans un univers très personnel où se mêlent harmonieusement toutes les sonorités propres au Sud américain, ABBY BRYANT s’impose comme une artiste étonnante, autant par la maturité qu’elle dégage que cette force qu’elle va puiser dans une liberté affichée. Souvent autobiographiques, ses textes prennent vie dans une Soul très Rock, un brin vintage et aux saveurs Americana. Révélée sur « Not Your Little Girl », elle affirme son style sur « Glowing », un deuxième album chaleureux, attachant et enthousiaste. Alors que sa Caroline du Nord natale vient de subir les foudres de l’ouragan Hélène, c’était l’occasion de faire le point sur la situation dans la région et de parler, évidemment, de cette superbe et nouvelle réalisation.

– Avant de parler de ton nouvel album, j’aimerais que tu nous donnes des nouvelles suite à l’ouragan Hélène qui a frappé notamment la Caroline Du Nord où tu résides. Comment est la situation à Asheville ?

Merci de prendre de nos nouvelles ! Asheville fait face à une dévastation sans précédent depuis l’ouragan Hélène, et nous nous en sortons un jour après l’autre. Avec le groupe, nous allons bien, nos maisons et nos biens sont presqu’intacts, mais tant de gens ont tout perdu. Ces dernières semaines ont été difficiles, mais c’était aussi magnifique de voir les gens s’unir pour s’entraider avec autant d’amour. Notre communauté est incroyable et plus forte que jamais.

– Outre l’impact tragique sur la population, certaines structures comme les studios et les lieux musicaux ont-ils été beaucoup touchés et la vie artistique va-t-elle pouvoir reprendre normalement assez vite ?

C’est une période très incertaine pour tous les artistes de notre région en ce moment. L’un de nos principaux pôles artistiques, le ‘River Arts District’, a été presque complètement balayé, tout comme l’une de nos salles de concert préférées. Tout est différent maintenant et nous avons du mal à comprendre que certains lieux qui faisaient partie intégrante de nos vies et de notre communauté ont tout simplement disparu. Mais l’art survit en dehors de tout lieu et de nombreux artistes sont plus inspirés que jamais pour créer en ce moment.

– Pour conclure sur le sujet, on a vu Dolly Parton et Taylor Swift notamment faire des dons importants à des associations pour les deux Etats de Caroline. Il y a toujours une entraide incroyable aux Etats-Unis après ce genre de catastrophe, et c’est important que les artistes se mobilisent aussi. Va-t-il y avoir des concerts de soutien dans la mesure du possible prochainement ? Et est-ce que tu y penses de ton côté ?

Nous avons vu une générosité incroyable de la part de tous et nous apprécions énormément les importantes contributions apportées à la région par de grands artistes. Nous voyons également nos amis musiciens ici organiser de nombreux concerts de charité en ce moment. Nous avons notamment collecté des dons lors de nos concerts pour soutenir les personnes de l’Ouest de la Caroline du Nord, qui n’ont pas d’électricité et qui ont besoin de chaleur, d’abri et de fournitures à l’approche du froid. Les gens nous surprennent constamment par leur générosité.

– Revenons à toi. Tu es chanteuse, musicienne, auteure et compositrice et tu as sorti deux albums en trois ans. Est-ce tu avais aussi eu des expériences de groupes avant ces deux disques ?

J’ai d’une certaine manière fait de la musique en groupe depuis le tout début, depuis les ensembles à l’église quand j’étais enfant jusqu’aux chorales et aux groupes vocaux de mon université. Puis, j’ai continué à jouer dans les groupes d’amis pendant mes études avant de former le mien. Ainsi, même si ces albums sont mes premiers vraiment complets, jouer de la musique en groupe a toujours occupé une grande place dans ma vie.

– Ton style musical est dominé par une forte empreinte Soul, où l’on trouve aussi des sonorités Blues, Americana, Rock, Country aussi et avec une touche Funky. Au-delà de sa forte identité Southern, comment définirais-tu ta musique ? On a parfois l’impression que tu cherches à échapper aux cases…

Les nombreux styles qui ont influencé ma musique et mes racines sudistes sont profondément ancrés dans ma mémoire. J’ai tendance à puiser dans une grande variété de genres, il est donc difficile de décrire ma musique. J’évite souvent les limites de genre et je vais là où l’inspiration me mène. Mais je pense que beaucoup résumeraient ce style à quelque chose comme du Southern Rock Soul américain. Personnellement, il y a tellement de saveurs uniques dans ma musique qu’aucun terme de genre de base ne me satisfait. Je dis simplement aux gens qui me posent des questions de venir au concert et d’en faire l’expérience par eux-mêmes.

– Trois ans après « Not Your Little Girl », tu viens de sortir « Glowing ». Il y a une réelle continuité musicale entre les deux albums. Quelle était ta priorité en composant ce deuxième album ? Apporter une sorte de prolongement au premier ?

Le deuxième album me donne l’impression d’une exploration plus profonde, à la fois sonore et lyrique. Mon premier album abordait des thèmes de la jeunesse, comme quitter la maison, trouver ma propre identité en dehors de mon éducation traditionnelle, trouver et perdre l’amour, etc… Bien qu’il y ait certainement un certain chevauchement dans les expériences qui ont conduit à l’écriture de ce deuxième album, je pense que « Glowing » capture une sorte de croissance qui est née de beaucoup de difficultés et de la redécouverte d’une appréciation de l’expérience humaine. Après avoir survécu à des hauts et des bas majeurs et réalisé que je peux affronter n’importe quelle tempête, la vie devient plus facile. Je pense que nous sommes tous tellement chanceux d’être ici pour avoir le cœur brisé et ramasser les morceaux, de nous aimer profondément et de trouver la joie et l’espoir dans toutes les difficultés. J’apprends à accepter le voyage.

– Sur ton premier album, tu affichais déjà beaucoup de caractère, ne serait-ce que dans son titre déjà. C’est une manière aussi en tant que chanteuse, songwriter et de femme de s’imposer dans un milieu parfois difficile ou hostile ?

Mon premier album était clairement axé sur l’affirmation de mon indépendance et la recherche de ma propre voie, comme le suggère le titre. Le message est toujours aussi pertinent pour moi. Mais le deuxième album s’appuie sur une version encore plus douce et plus forte de moi-même, qui partage toujours les mêmes valeurs et la même volonté d’encourager les femmes à se lever et à s’exprimer. J’apprends au fur et à mesure à faire preuve d’amour dans tout ce que je fais et à m’entourer de personnes qui font de même, et le monde qui m’entoure me semble un peu moins dur.

– D’ailleurs, tu guides fermement « Glowing » et pas seulement vocalement. Il a aussi une saveur assez rétro et vintage, ce qui peut paraître surprenant de la part d’une jeune femme comme toi. C’est un son et une époque dans lesquels tu te retrouves plus que dans la scène actuelle et donc plus moderne ?

Je suis définitivement attiré par des sons plus rétro lorsque je crée, et je m’inspire souvent d’époques bien plus anciennes. J’aime faire partie de ceux qui font découvrir les trésors de notre passé aux nouvelles générations. J’ai remarqué que d’autres nouveaux artistes comme Sierra Ferrell et Billy Strings nous ramènent à nos racines. Et je pense que c’est une belle chose de remettre au premier plan des sons depuis longtemps oubliés par une grande partie de notre culture actuelle.

– J’aimerais qu’on revienne sur ta performance vocale. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte de déclic entre les deux albums. On te sent épanouie et tu dégages beaucoup de force et d’assurance. Cette liberté perceptible, la dois-tu aux retours positifs de « Not Your Little Girl » et/ou aux concerts donnés depuis trois ans ?

Je suis tellement reconnaissante de la façon dont « Not Your Little Girl » a voyagé si loin et s’est frayé un chemin jusqu’aux mains de tant d’auditeurs. Pour ce dernier album, je me suis sentie encore plus inspirée à me fier davantage à ma propre intuition, à la fois dans ma performance vocale et dans l’écriture des chansons elles-mêmes. Je pense que le tournant que tu as ressenti avec plus de force et de confiance est que je suis devenue autonome et que j’ai appris à me faire de plus en plus confiance. J’ai hâte de voir où cette évolution me mènera ensuite !

– Au niveau de la production, celle-ci a aussi gagné en dynamique et s’est considérablement éclaircie. C’est Dave Schools qui a réalisé celle de « Glowing ». De quelle manière avez-vous travaillé ensemble ? Tu avais certains impératifs ?

Travailler avec Dave Schools a été une expérience incroyable. Il a apporté un élément plus organique et brut à ce disque en l’enregistrant en live autant que possible et en laissant la synergie que nous avons ressentie en créant ensemble en studio nous guider. Tout s’est mis en place rapidement d’une manière qui ressemblait à de la magie, même si nous avions une équipe incroyable avec un talent fantastique dès le départ ! Dave nous a aidés à accepter la beauté de l’imperfection humaine et a permis au processus de se dérouler d’une manière qui semblait plus naturelle que n’importe quel enregistrement que j’avais fait auparavant.

– Par rapport à la composition elle-même, tu travailles toujours avec Bailey Faulkner. Comment fonctionnez-vous ? Tu apportes les idées et vous les mettez en musique ensemble, ou  y a-t-il un effort collectif de tous les musiciens, car tu as gardé la même équipe, je crois ?

Oui, je travaille toujours avec Bailey et mon groupe. Nous écrivons toujours des chansons ensemble, parfois aux côtés d’autres excellents co-auteurs quand nous le pouvons. Nous avons chacun des approches différentes de l’écriture des chansons, mais qui semblent très complémentaires. Bailey commence souvent par une progression d’accords ou un groove et se laisse guider par le feeling sur les paroles et la mélodie. Pour ma part, je commence souvent par un sujet ou un message comme élément de base pour la mélodie. Une fois que nous avons une idée plus développée que nous avons construite ensemble, nous apportons la chanson au reste du groupe. Et ils ont souvent de bonnes idées à ajouter pour l’instrumentation, la performance, les arrangements, etc… On forme vraiment tout un village.

– Tu as donc sorti deux albums en indépendant et en te produisant. Vu la qualité des deux disques, tu aurais pu être approchée par un label, non ? Est-ce un choix de ta part, ou est-ce difficile aux USA aussi de se faire signer sur un label ?

Nous avons autoproduit notre premier album et avons fait appel à Dave pour produire le deuxième, mais nous avons sorti les deux albums de manière indépendante. C’est difficile de trouver le bon label avec lequel s’associer et nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’explorer cette option. Pour l’instant, rester indépendant a été notre meilleure option, même si nous continuerons à chercher un partenaire idéal.

– Enfin, un petit mot sur tes projets à venir. Bien sûr, la situation actuelle a figé et stoppé beaucoup de choses. Penses-tu reprendre les concerts rapidement et peut-être même partir en tournée ?

Nous avons continué à donner autant de concerts que possible. Et bien que de nombreuses opportunités locales ne soient actuellement pas disponibles, nous jouons hors de la ville la plupart des week-ends et nous demandons à notre public de soutenir la Caroline du Nord occidentale en apportant des dons que nous pourrons ramener chez nous à Asheville. Nous espérons reprendre un rythme de tournée régulier d’ici le printemps et continuer à faire des tournées pour le nouvel album.

Les albums sont disponibles sur le site de l’artiste : www.abbybryantmusic.com

Retrouvez la chronique du dernier album d’ABBY BRYANT…

… Et une plus courte du premier :