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Blues Rock Southern Rock

[Going Faster] : Dan Patlansky / The Kenneth Brian Band

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

DAN PATLANSKY – « Shelter of Bones » – Virgin Music Label/Artist Services

Dixième album pour le Sud-Africain DAN PATLANSKY, dont le talent de guitariste et de chanteur, mais aussi de compositeur, a largement dépassé les frontières de son pays depuis son premier album, « Standing At The Station », sorti en 1999. Depuis, le bluesman n’a eu de cesse de peaufiner son Blues Rock et il faut reconnaître que « Shelter Of Bones » est irrésistible. Le musicien, qui produit également son album, a mis trois ans à élaborer ces nouveaux morceaux avec, dans un coin de la tête, un style à la fois percutant et mélodique. Et l’objectif est atteint avec classe. Frais et dynamique, le Blues Rock de DAN PATLANSKY est moderne, tout en restant intemporel. En sortant des sentiers classiques du genre grâce à une touche assez musclée, il parvient à sortir brillamment du rang.

THE KENNETH BRIAN BAND – « Keys To The Kingdom » – Southern Shift Records

En l’espace de 20 ans, KENNETH BRIAN s’est taillé une solide réputation, mais a surtout élaboré un style bien à lui. Chanteur, guitariste et songwriter, l’Américain présente un Southern Rock très particulier auquel il a insufflé des touches de Blues, d’Alternative Country et d’Americana. Un cocktail explosif que le musicien mène à son sommet sur ce très bon « Keys To The Kingdom », qu’il a été enregistrer avec le producteur du Allman Brothers Band, Johnny Sandlin, au fameux studio Rancho de la Luna à Joshua Tree en Californie. Et il n’a fallu que cinq jours à KENNETH BRIAN et son groupe pour élaborer son nouvel album et le rendre littéralement magique. « Keys To The Kingdom » est un petit bijou teinté du mojo du désert de Mojave. Soul et incendiaire.  

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Hard 70's Rock

Beth Hart : aux commandes du dirigeable

Même pour la grande BETH HART, reprendre Led Zeppelin est un beau challenge. Et l’Américaine, malgré un accent souvent trop marqué, fait plus que de s’en sortir : sa performance est impressionnante et la tracklist franchement à la hauteur. Portée par un casting de rêve, la chanteuse est remarquable et d’une justesse incroyable. Presqu’une promenade de santé pour la Californienne.

BETH HART

« A Tribute To Led Zeppelin »

(Provogue/Mascot Label Group)

Après le très bon « War In My Mind », qui demeure l’un des meilleurs albums de la Californienne, BETH HART s’est retrouvée privée de tournée. Et à force de tourner en rond, elle a succombé à la proposition de longue date du producteur Bob Cavallo (Green Day, Linkin Park, …) de consacrer un disque en hommage à Led Zeppelin, dont elle reprend d’ailleurs des morceaux sur scène depuis des années.

Certes, choisir neuf titres parmi l’imposante discographie du dirigeable n’a pas du être aisé pour la chanteuse, même si sa voix reste un atout majeur pour ce nouvel exercice. Et il faut bien avouer que la prestation de BETH HART est plus que convaincante, tant elle semble très à son aise, elle qui fut même adoubée par Robert Plant, Jimmy Page et John Paul Jones themselves lors d’un live en 2012.

Excellemment entourée de musiciens de renom, la musicienne brille sur « Whole Lotta Love », « Kashmir », « The Crunge » et « Black Dog », puis propose deux medleys très réussis (« Dancing Day/When The Levee Breaks » et « No Quarter/Babe I’m gonna Leave You »). Le seul bémol vient de sa version de « Stairway To Heaven », où l’accent américain de BETH HART dénote complètement. Une très belle prouesse tout de même !

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France Metal Punk Rock

Darcy : instantané d’une époque [Interview]

Il y a un peu plus de cinq ans, DARCY sortait « Tigre », sorte de plébiscite pour un esprit Punk Rock bien vivant. Quelques années ont passé et le son comme l’attitude ont aussi gagné en maturité. « Machine de Guerre », sous ses allures Metal et brutales, vient sonner la charge. Remontés comme jamais, les Rennais livrent un album solide, forcément politisé et surtout musicalement très abouti. Entretien avec Irvin, chanteur et guitariste, du furieux quatuor.  

Photo : Laurent Franzi

– Tout d’abord, je vous ai senti presque métamorphosés sur ce nouvel album, très matures et musicalement beaucoup plus techniques et carrés. C’est cette très bonne prod’, qui vous donne ce volume conséquent ?

Merci, c’est gentil ! Non, ce n’est pas spécialement la prod’. On a vraiment évolué !  Premièrement, on a investi dans du matériel et ensuite, on a changé nos manières de travailler notamment sur les structures des morceaux et le son. On savait exactement où on voulait aller, alors que sur « Tigre », on avait plus tendance à se laisser porter, c’était un instinct presque animal. Là, nos choix étaient clairs dès le départ et on s’est donné les moyens de les réaliser.

– Musicalement toujours, on sent un virage, ou une évolution, beaucoup plus Metal qu’avant. Là encore, c’est pour le côté massif et impactant ?

Ce n’est plus le même duo qui a composé cet album. « Tigre » est une composition de Clément et moi. Pour « Machines de Guerre » c’est Vincent et moi qui nous y sommes collés. Vincent est un grand mélomane, qui écoute de tout. Alors tout naturellement, il a proposé des styles différents : du Metal, du Rock, du Punk, du Grunge… C’était un beau challenge parce que, de mon coté, ça m’a sorti de ma zone de confort au chant et j’ai dû donner le meilleur de moi-même pour être au niveau des riffs qu’il m’avait proposés.

– Justement un petit mot sur cette très belle prod’ à la fois puissante et qui offre un bel équilibre entre l’instrumental et vos textes, qui sont toujours très clairs dans leur compréhension. Même si DARCY a bien sûr un message fort, c’est quelque chose à laquelle vous teniez et sur laquelle vous avez insisté à l’enregistrement ?

Oui, tout à fait ! C’est notre exigence première avec DARCY. Quand tu fais du Rock en français, tu as cette obligation de ne surtout pas mixer à l’anglaise, où la voix sera toujours un peu derrière dans le mix. Tandis que dans le Rock français, on a tendance à mettre la voix en avant pour pouvoir écouter les paroles, qu’elles soient le plus intelligible possible, malgré des guitares qui sonnent de partout. C’est sûrement dû à ce grand héritage que les producteurs aiment pousser les voix qui chantent en français. C’était notre envie et Maz (l’ingé son de l’album qui a également enregistré Tagada / No One / Lofo) et Bernard (qui a masterisé l’album) l’ont super bien réalisée !

– Le titre de l’album, « Machines de Guerre », est très fort. C’est plus le reflet de votre état d’esprit ou celui d’une attente dans cette société amorphe ?

C’est les deux. On a écrit cet album avec la rage et l’envie de tout casser sur notre passage, comme une machine de guerre. Mais c’est aussi une référence à l’état du monde dans lequel nous vivons, qui semble pris d’assaut par des guerres de plusieurs formes : économiques, écologiques, idéologiques, financières, climatiques, sanitaires, civiles, militaires… La guerre est partout aujourd’hui !

Photo : Laurent Franzi

– Bien sûr, DARCY se distingue par ses textes et leur message. Ce qui est remarquable sur « Machines de Guerre », c’est cette fluidité mêlée à des punchlines (mot que je déteste !) bien placées et surtout tellement évidentes dans leur sens. Comment procédez-vous ? Vous accumulez les carnets de notes au quotidien, ou pas du tout ?

C’est un peu comme ça que je procède désormais, oui. Sur « Tigre », j’avais tendance à me poser devant un fichier Word, après avoir lu un article ou regardé un reportage qui m’indignait. J’écrivais pendant 15/20 min et je sortais un texte entier. Maintenant, je fonctionne par punchlines, qui me tombent dessus sans prévenir, je les tape dans mon téléphone pour ne pas les perdre, et généralement un texte prend forme autour. C’est une manière très différente de travailler pour moi, qui est moins contraignante et stressante que la première qui m’obligeait à écrire très vite pour ne pas perdre l’émotion première.

– Evidemment, il y a toujours cette opposition frontale et légitime au FN. Seulement dans les faits, il y a maintenant Zemmour, Macron qui n’est pas très loin et Pécresse pour le côté 80’s rétrograde. DARCY est un groupe spontané, qui suit aussi l’actualité sociétale et politique. J’ai envie de vous demander si vous n’avez pas déjà un nouvel album en tête avec ce qu’il se passe ? A moins que vous ayez prévu d’actualiser vos morceaux sur scène ?

Pour être honnête, on est déjà sur l’écriture du troisième album, qui est même plutôt bien entamé ! On sait déjà la couleur qu’il va avoir et il risque d’être plus violent encore que « Machines de Guerre », plus brut, avec moins de concession, et effectivement, c’est le contexte qui veut ça ! La société est de plus en plus violente, alors nous aussi…

– Une petite question en interlude : la démarche de DARCY est-elle finalement plus politique que musicale ? Vous n’avez pas 4h… 😉

Toute démarche qu’on entreprend musicalement est politique. Et hop, une copie parfaite avec une seule punchline : 20/20 !

– On l’a dit, vos textes font très souvent allusion au FN et aux Le Pen, car ils représentent beaucoup de choses même si le danger n’est pas imminent et peu probable. Mais au-delà, il y a la dénonciation de tout un système et surtout un appel à l’éveil des consciences. J’y crois comme vous, mais n’est-ce finalement pas utopique ?

D’un point de vue personnel, j’ai toujours fonctionné comme un homme de mots. Durant toute ma vie quand j’ai eu des problèmes, il n’y a que les mots qui ont su me soigner. Et je fonctionne comme ça avec tout. Dès que quelqu’un arrive à trouver les mots justes sur quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui m’indigne, qui me révolte ou même qui me fait du bien, ça me fait un déclic. Tout le monde n’est pas forcément comme ça, mais si jamais on arrive à toucher une seule personne, qui ne comprend pas le danger que représente le FN avec une punchline, je considère qu’on aura gagné et que cela n’aura pas été une utopie.

Photo : Laurent Franzi

– On a beaucoup parlé politique, parce que c’est tout de même l’objet principal de l’album, mais une dernière question s’impose : est-ce que ça vous arrive d’être inspirés par le programme d’un politique ou d’un parti à l’occasion ?

Je ne peux pas parler au nom du groupe, mais pour ma part, pas vraiment. Les discours ne sont même plus écrits par celles et ceux qui les scandent dans les médias ou dans les meetings. Plus rien n’est incarné, tout est pensé pour te toucher en fonction du dernier fait d’actualité. C’est devenu du marketing. Seuls des chroniqueurs ou des journalistes arrivent à me faire vriller la tête maintenant, et encore c’est assez rare.

– Il y a aussi chez DARCY ce côté très fraternel et de camaraderie au sens noble du terme, qui va clairement au-delà de l’esprit de clan. Finalement, vous êtes hyper-amicaux, tout en étant révoltés ?

C’est exactement ça. Quand je chante « Ensemble la lutte peut être une fête » dans « Solution », ça résume ce que tu décris. Chanter la colère, mais dans la bonhomie. Quand j’étais étudiant et que je bloquais ma Fac, ou quand ma mère m’emmenait en manif quand j’étais gamin, il y avait toujours ce bon esprit qui prouve qu’on peut lutter avec le sourire. Et DARCY, c’est ça. Déjà entre nous, il y a une très bonne entente, l’ambiance en répétition ou dans le camion est toujours un plaisir et une raison de se lever le matin. Aller à la rencontre du public, des bénévoles, des programmateurs, des journalistes, c’est aussi une des raisons qui nous poussent à continuer la musique et la jouer partout en France.

– D’ailleurs, vous parlez plutôt d’indignité que de révolte ou de révolution. Ce n’est pas un peu fataliste finalement ?

« Indignez-vous qu’il disait » que je scande dans « Police Partout ». L’indignité est le premier pas de la révolte et de la révolution.

– Pour revenir à l’album, vous accueillez Kemar de No One Is Innocent sur « Viens chercher pogo », Niko de Tagada Jones sur « L’Etincelle Au Brasier » et Pierre de Merzhin sur « Notre Hymne ». Il reste une belle unité au sein de cette scène française qui revendique et qui appelle au changement, non ?

Un très belle unité ! Quand il y a des dates en commun, ou des festivals sur lesquels on se retrouve, je propose toujours de partager un morceau sur scène ensemble et c’est toujours fait avec un grand plaisir. Ca a été pareil pour ces duos, ils ont accepté avant même d’entendre les titres, parce qu’ils savent qu’on partage les mêmes valeurs, qu’on a un message à chanter et que ce message est toujours plus fort quand il est gueulé à plusieurs voix !

– Une petite chose en passant, êtes-vous conscients que pour que votre voix porte, il faut nécessairement entrer et presqu’infiltrer le système ? Etes-vous armés et prêts pour ça, ou seule la musique vous importe ?

Tout nous importe, mais notre seul outil, en tant que groupe, ça reste la musique. Après forcément, ça dépasse un peu. On nous a envoyé plusieurs fois des photos de pancarte « Nique son père la Marine » dans des manifs, on a nous a invités à des concerts de soutien pour le MRAP, Utopia 56 ou des scènes Antifa. Tout ça fait sens.

– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises un mot sur le dernier morceau de l’album, « Eva », entièrement acoustique et très touchant. C’est un titre très en contraste avec le reste de l’album. Quelle est l’intention de ces paroles émouvantes, qui présente une belle tranche de vie ?

L’intention première c’est de dire que même si DARCY est avant tout un groupe qui chante la colère, il ne faut jamais oublier le reste. C’est déjà un message qu’on avait voulu faire passer avec deux titres acoustiques, qui étaient cachés en bonus tracks sur « Tigre », et là on a voulu l’assumer un peu plus en l’intégrant à la tracklist de l’album. Et c’est dingue le nombre de retours que nous avons sur ce titre. Bizarrement, c’est même la frange la plus Punk de notre public, qu’on imaginait les plus durs, qui a le plus partagé ce titre pour le moment. Comme quoi, y’a des cœurs d’artichaut qui battent sous les perfectos et les tatouages de keupons !

« Machine de Guerre » de DARCY est disponible chez AT(h)OME depuis 11 février.

Retrouvez le groupe : https://www.facebook.com/darcymusic

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Post-Metal Punk Rock

The Neptune Power Foundation : love is all

S’il n’est pas question d’amour vache sur ce nouvel album des Australiens de THE NEPTUNE POWER FOUNDATION, on en est pas très loin. En effet, « Les Démons de l’Amour » est une ode et une belle déclaration de la part du tonitruant quintet de Sydney à travers un Rock psychédélique, Metal et progressif réellement addictif et aux mélodies contagieuses, le tout dans une atmosphère 70’s sauvage et solaire.

THE NEPTUNE POWER FEDERATION

« Le Demon De L’Amour »

(Cruz Del Sur Music)

A l’aube de ses 10 ans d’existence, le quintet australien surgit avec un cinquième album constitué de chansons d’amour et très justement intitulé « Les Démons de l’Amour » (en français dans le texte). Jugeant le style un peu désuet, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION a composé de huit morceaux d’amour, certes, mais d’un point de vue féminin, sans doute celui de sa prêtresse de chanteuse Screamin’ Loz Sutch, et il est pour le moins débridé.

Sur ce nouvel opus, les cultes obscurs, les meurtres et des histoires d’hypnotisme sont au menu de la vision très Rock et Metal qu’ont les Australiens. A grand renfort de riffs musclés, de lourdes rythmiques et d’une indomptable frontwoman, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION offre un album à la fois démoniaque et ensorceleur dans un univers musical très 70’s, proche d’un proto-Metal façon Led Zep et Black Sabbath.

L’aspect Psych, Prog et vintage rend ces nouvelles compos entêtantes, bourrées de tension et dégageant une énergie folle. Il faut dire que les deux guitaristes rayonnent tout autant que leur diablesse de chanteuse, qui livre une prestation exceptionnelle en illuminant littéralement « Les Démons de l’Amour » (« My Precious One », « Loving You Is Killing Me », « Stay With Three »). THE NEPTUNE POWER FOUNDATION donne des preuves d’amour exaltées.

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Rock Southern Rock

Naked Gypsy Queens : high voltage

A la première écoute, le jeune quatuor NAKED GYPSY QUEENS fait penser à une rencontre entre Led Zep, MC5 et le Allman Brothers Band, tant son premier EP, « Georgiana », rassemble cette énergie Rock’n’Roll avec des sonorités Southern omniprésentes. Le quatuor du Tennessee combine les riffs et les solos de ses deux guitaristes avec une voix très Soul et une fougueuse rythmique. Un peu court, mais tellement bon !

NAKED GYPSY QUEENS

« Georgiana »

(Mascot Records)

J’ai l’impression qu’avec NAKED GYPSY QUEENS, Mascot Records est en train de nous refaire le même coup qu’avec The Georgia Thunderbolts, à savoir dénicher un très bon et prometteur groupe, puis nous laisser nous contenter d’un bien trop court premier EP. Car il s’agit bien de cela. « Georgiana » met en appétit et régale… pour nous laisser sur notre faim. Cinq titres pour 20 minutes de Southern Rock, il faudra donc s’en satisfaire.

Originaire de Franklin, Tennessee, le quatuor se connaît depuis le lycée et cela s’en ressent dans l’intensité et leur complicité artistique. Ces quatre-là se connaissent sur le bout des doigts et avancent les yeux fermés dans un Rock très 70’s et Southern. Et c’est pourtant à Detroit que NAKED GYPSY QUEENS a été enregistrer « Georgiana », comme pour mieux capter le son et l’essence-même du Rock.

Affichant un jeu incandescent où de grosses guitares côtoient une belle et solide rythmique, ce premier EP bénéficie d’une production brute, chaleureuse et très spontanée (« Georgiana », « Strawberry Blonde #24 »,  « Wolfes »). NAKED GYPSY QUEENS sait aussi se montrer plus délicat avec « If Your Name Is New-York (Then Mine’s Amsterdam) », où les Américains avancent crescendo. Une découverte à ne surtout pas manquer !

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Metal Progressif Rock

Dead Venus : renaissance progressive

Loin du Heavy Metal classique de Burning Witches avec qui elle a enregistré deux albums (« Burning Witches » et « Hexenhammer »), Seraina Telli se révèle pleinement et de manière très personnelle avec son trio DEAD VENUS. Très progressif, le style de la Suissesse est façonné de Rock, de Metal et d’un grain de folie permanent et souvent déroutant.

DEAD VENUS

« Flowers & Pain »

(Team H Entertainment)

Ancienne frontwoman de Burning Witches jusqu’en 2019, Seraina Telli avait pourtant déjà fondé DEAD VENUS dès 2015, afin d’explorer des aspects musicaux plus personnels. La chanteuse, claviériste et guitariste mène dorénavant son trio composé de Mike Malloth à la batterie et d’André Gaertner à la basse dans un registre progressif entre Rock et Metal, où le côté expérimental n’est jamais bien loin.

Après « Bird Of Paradise » en 2019, la Suissesse confirme ses intentions artistiques sur « Flowers & Pain », qui contient bien des surprises à travers des morceaux assez atypiques dans leurs structures surtout. Très bien arrangé, ce nouvel album de DEAD VENUS dispose cependant d’une production très brute et froide, qui offre à ce deuxième opus une saveur assez particulière.

Passé l’intro, on découvre un univers où la musicienne se laisse aller à de multiples expérimentations sur des titres se développant très souvent sur la longueur (« Flowers & Pain », « Plaything Doll », « Revelation Of Hate », « The Release »). Seraina Telli se dévoile comme une chanteuse, musicienne et compositrice étonnante et sans limite. DEAD VENUS a désormais pris son envol.

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Alternative Rock

Eddie Vedder : les pieds sur terre

Que ce soit avec son groupe Pearl Jam ou en solo, EDDIE VEDDER parvient toujours à créer l’événement. Moins de deux ans le onzième album du groupe de Seattle, « Gigaton », le chanteur s’autorise une évasion en solo avec ce réjouissant « Earthling » dominé par une poésie urbaine et une douceur où la nature reprend le dessus comme souvent chez lui. Le songwriter livre un troisième album qui lui ressemble : simple et touchant.

EDDIE VEDDER

« Earthling »

(Seattle Surf/Republic Records)

Et de trois albums en solo pour EDDIE VEDDER, qui a probablement dû profiter de l’absence de tournée après le très bon « Gigaton » (2020) avec Pearl Jam, pour s’atteler à « Earthling », dans lequel si le chanteur ne fait pas de prouesses, il a au moins le mérite de nous faire passer un très agréable moment. 13 morceaux où l’Américain parcourt les domaines musicaux où il se sent le mieux. D’une Pop-Rock entêtante à un Punk Rock costaud en passant par des ballades aux saveurs Americana, le songwriter n’élude rien.

Superbement produit par Andrew Watt, qui pose aussi quelques accords de guitares, « Earthling » s’est fait attendre, car les dernières escapes en solo du compositeur datent de « Ukulele Songs » (2011) et du génial « Into The Wild », BO du film de Sean Penn en 2007. EDDIE VEDDER a également su très bien s’entourer, puisqu’on retrouve derrière les fûts Chad Smith (RHCP), Chris Chaney à la basse (ex-Jane’s Addiction) et Josh Klinghoffer (ex-RHCP) à la guitare. Et avec ce casting resplendissant, les morceaux prennent du coffre et un volume conséquent.

Plus électrique aussi, « Earthling » manque peut-être de ce côté écorché vif plein d’émotion qui a très longtemps caractérisé le chanteur. Il est aujourd’hui plus posé, ce qui n’empêche nullement sa voix unique de prendre le dessus (« Rose Of Jericho », « Brother The Cloud », « Good And Evil », « Try »). EDDIE VEDDER n’a rien perdu de sa superbe et on peut même s’interroger sur les apparitions plus qu’anecdotiques de Stevie Wonder, Ringo Starr et Elton John. « Earthling » est l’album d’un homme mature et positif (« Long Way », « Fallout Today »).

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Blues Rock International Soul / Funk Southern Rock

Harlem Lake : au service du feeling [Interview Part.2]

Suite et fin de l’entretien accordé par Janne Timmer, chanteuse et parolière de HARLEM LAKE avec qui on évoque cette fois des aspects plus personnels de ses textes, mais aussi la scène et les projets du groupe. Aussi sensible et pleine d’entrain que les morceaux de « A Fool’s Paradise Vol.1 », la frontwoman se dévoile et nous en apprend un peu plus sur les intentions du quintet, et pas seulement, dans les mois à venir.

Photo : Melle de Groot

– Si la cohérence de HARLEM LAKE réside dans l’osmose et l’harmonie entre chacun d’entre-vous, il faut admettre que ta voix est d’une force phénoménale, capable d’autant de feeling et d’émotion pure que de puissance. On te sent habitée sur chaque mot, Janne. Et ce naturel visible cache une grande technique. Il y a beaucoup de poésie et de délicatesse dans le chant. Pourtant, l’ensemble reste très abordable. C’est peut-être le difficile finalement, non ?

Tout d’abord, merci beaucoup. Trouver l’équilibre entre la poésie et le côté accessible est une quête permanente, mais franchement amusante ! Je parie qu’il y a un tas de gens qui ne seront pas d’accord sur ce côté très abordable de notre musique, mais ça ne me dérange pas. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais je suis sûr que nous séduirons un public qui pourra s’identifier à notre musique et à nos histoires. Je cache souvent des situations personnelles dans les paroles, même si je pense qu’elles sont assez difficiles à déceler. Le meilleur exemple, je pense, sont les premières lignes de « I Won’t Complain » :

‘’The drawings on the wall are screaming my pain.

I’m so done with driving people sane.’’

À l’époque, j’étais assez perdue et j’essayais de combler un vide en idéalisant constamment les personnes. Lorsque je faisais l’amour, par exemple, j’avais tendance à défier l’autre, à le grandir et à l’aider à guérir dans l’espoir qu’elle resterait dans les parages. Le sexe est un espace sûr pour moi. J’ai laissé beaucoup de gens utiliser cet espace, alors qu’ils n’en réservaient pas pour moi. Cela s’est souvent avéré être une guérison pour eux, mais une expérience fatiguante et même dommageable pour moi. Montrer un côté très vulnérable et être spirituelle m’a souvent fait mal.

Ces quelques lignes parlent d’un gars en particulier avec qui je sortais à l’époque et qui m’envoyait des dessins sur des cartes postales que j’affichais dans ma chambre. Quand j’ai été rejetée pour la énième fois, j’en ai eu assez. Je cherchais un partenaire fiable, mais je me suis retrouvée avec des gens qui ont abusé de ma vulnérabilité. Dans la chanson, je voulais vraiment dire que j’en ai fini avec la guérison des gens en partageant mon intimité. Mais je n’ai pas de rancune, car cela m’a appris à prendre soin de moi en premier.

– « A Fool’s Paradise Vol 1 » dispose également d’une superbe production, très organique et au relief incroyable. Pour un premier album, vous êtes conscients d’avoir placé la barre très haute ?

Oui, nous en sommes conscients, et c’est à la fois une bénédiction et une malédiction que nous nous sommes imposées. Mais nous avions décidé avant de sortir l’album qu’il fallait qu’il soit à un niveau auquel on n’attendait pas un jeune groupe. Fixer la barre aussi haute est audacieux, mais nous pensons aussi que c’est nécessaire pour être pris au sérieux.

Photo : Cem Altınöz

– Votre son combine aussi à merveille un côté très intemporel avec un savant mélange de tradition et une approche très actuelle. Beaucoup de groupes restent dans l’un des deux registres sans forcément les associer. C’est votre jeunesse qui apporte cette fougue et ce brassage ?

Nous faisons la musique que nous aimons. Si nous avions trouvé un groupe qui faisait déjà exactement ça, on n’aurait pas eu besoin de le faire nous-mêmes. C’est une recherche permanente et, évidemment, toutes les musiques que nous avons entendues nous inspirent et parfois, nous aurions même aimé les avoir écrites. Cependant, je ne pense pas que cela aurait le même son. Découvrir de nouveaux artistes et surtout d’autres plus anciens est quelque chose que nous apprécions vraiment. Je pense que ce n’est pas notre jeunesse qui apporte ce brassage, mais le fait que tant de musique ait déjà été faite. Nous pourrions copier ce qui existe déjà, mais nous n’aurions aucune joie à le faire.

– Il y a aussi un détail qui a son importance sur « A Fool’s Paradise », c’est la précision du « Volume 1 ». Est-ce à dire que le suivant est déjà en route ou peut-être même déjà composé ?

(Rires) Bonne question ! Comme je l’ai écrit dans le livret de l’album : « Notre bébé s’appelle « A Fool’s Paradise vol.1 » et il aura certainement un petit frère ! ». C’est donc une partie de réponse à ta question. Pendant le confinement, il y a deux ans, nous avons écrit de nombreuses chansons avec Dave. Au départ, on voulait en mettre plus sur l’album, mais nous n’avions pas le budget pour ça. Nous avons donc pensé qu’il serait amusant de le diviser en plusieurs parties. Il y a donc encore quelques chansons qui traînent, attendant juste d’être enregistrées. Et depuis l’enregistrement du volume 1, nous avons encore écrit de nouvelles chansons. Cela dit, on veut prendre notre temps pour développer notre répertoire et écrire avec la nouvelle section rythmique avant de retourner en studio. En attendant, nous envisageons de sortir un single ou un EP live.

Photo : Melle De Groot

– Sur scène, vous passez d’une formule en quintet à une formation à douze musiciens avec l’apport de cuivres et de chœurs notamment. Là encore, on revient aux grandes formations Southern, qui permettent des possibilités instrumentales et harmoniques incroyables. C’est dans cette configuration que HARLEM LAKE prend réellement toute son ampleur, selon vous ?

Oui, cela apporte vraiment beaucoup à notre musique. Cela donne beaucoup de profondeur et ça donne à nos concerts quelque chose d’assez inoubliable. Evidemment, une bonne chanson reste une bonne chanson, et mettre beaucoup de monde sur scène ne l’affine pas pour autant. Mais nous avons soigneusement arrangé ces chansons pour l’album, et nous voulons que l’expérience live soit aussi proche que possible de la version enregistrée, et même la surpasse. Et puis, les musiciens qui partagent la scène avec nous sont tous d’un niveau incroyable, même s’ils sont aussi jeunes que nous. Seul petit bémol, il faut trouver l’équilibre entre les parties existantes et les jams spontanées, car nous n’avons pas encore eu l’occasion de jouer très souvent tous ensembles. Mais une fois que les concerts vont vraiment reprendre normalement, et que nous aurons le budget pour les répétitions, nous nous concentrerons définitivement pour devenir cette énorme machine !

– Enfin, les deux mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier ce très bon premier album sont énergie et sincérité. Rassurez-moi, vous en avez encore sous le pied ?

Oh oui ! Nous en avons ! La pandémie commence à freiner et même si certains jours, nous sommes fatigués et découragés, il nous reste vraiment beaucoup d’énergie et chaque petite victoire, comme faire cette interview, vient l’alimenter. On ne peut jamais en être vraiment sûr, mais nous pensons que nous sommes sur la bonne voie pour réaliser nos rêves et nous espérons que vous resterez longtemps avec nous !

Site : https://harlemlake.com

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Blues Southern Rock

Tinsley Ellis : le diable tout sourire

Sur la route depuis quatre décennies, le guitariste, chanteur et songwriter TINSLEY ELLIS fait rayonner le Southern Blues Rock avec maestria. Créatif et respectueux des traditions musicales sudistes, il livre une fois encore dix titres originaux de grande qualité et particulièrement bienfaisants sur ce superbe « Devil May Care ». Une classe intacte !

TINSLEY ELLIS

« Devil May Care »

(Alligator Records)

Tout dans le jeu de TINSLEY ELLIS transpire sa Georgie natale. Après le très bon « Ice Cream In Hell », le songwriter a profité de l’interruption de sa tournée et du confinement pour poser de nouveau les doigts sur sa belle collection de guitares, d’amplis et de claviers vintage. Et c’est depuis son home-studio que le bluesman a commencé à s’amuser et à composer ce superbe « Devil May Care ».

Dans le pas de ses héros d’adolescent que sont BB King, Allman Brothers Band et Freddy King notamment, TINSLEY ELLIS nous offre un vingtième album plein d’entrain et de chaleur dans lequel on sent véritablement le plaisir que prend l’Américain sur ses nouveaux morceaux (« One Less Reason », « Right Down The Drain », « Beat The Devil »). Son Southern Blues Rock résonne comme rarement à travers des guitares et des harmonies majestueuses.

Co-produit avec son complice de toujours, le claviériste Kevin Mc Kendree, et enregistré dans son studio à Franklin, Tennessee, « Devil May Care » atteint des sommets de finesse (« Stand Back », « Don’t Bury Our Love »). De chorus de guitares renversants à des solos incandescents, TINSLEY ELLIS joue sur sa fibre Southern comme une respiration naturelle. Accompagné par Steve Mackey (basse) et Lynn Williams (batterie), il rayonne autant que cet album.

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Hard 70's Progressif Psych

Obsidian Sea : une évasion vers l’authenticité

Riche et audacieux, ce nouvel et quatrième album d’OBSIDIAN SEA se présente avec sept morceaux très structurés qui dégagent un sentiment de liberté incroyable, dans un esprit un peu bluesy. « Pathos » joue sur les émotions et le trio bulgare, s’il peut paraître naïf de prime abord, sait se montrer particulièrement massif et même exubérant.

OBSIDIAN SEA

« Pathos »

(Ripple Music)

Petit à petit, OBSIDIAN SEA se fait une belle place dans un registre à la saveur Heavy vintage et sa place au sein de l’écurie Ripple Music y est bien sûr pour beaucoup. Le trio bulgare évolue et s’améliore au fil des albums, et « Pathos » vient confirmer toute cette expérience acquise depuis ses débuts en 2009 à Sofia.

Si la nationalité du groupe peut surprendre vu son registre, la surprise s’estompe très vite et dès les premières notes de ce quatrième album aussi créatif qu’inspiré. OBSIDIAN SEA sait pertinemment où il va, et le voyage musical exaltant proposé sur ce nouvel opus commence dès « Lament The Death Of Wonder ». Clair et efficace, le trio séduit.

Le Heavy Rock très 70’s du groupe offre des facettes qui surprennent et les Bulgares sont capables et font preuve de beaucoup de puissance, en contraste avec des envolées progressives et Psych (« Sisters », « Mythos », « The Revenants », « I Love The Woods »). Atypique, OBSIDIAN SEA se démarque avec élégance dans un registre très maîtrisé.