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Proto-Metal Stoner Doom Stoner Rock

Godwatt : électrisant

Grand artisan de la scène Stoner italienne, GODWATT n’en finit pas de surprendre en se renouvelant au fil des albums. Bien qu’ancré dans un registre qui a fait ses preuves, le trio parvient avec une facilité déconcertante à modeler son Doom dans un Metal mélodique et accrocheur. « Vol. III » a clôt 2022 avec brio !

GODWATT

« Vol. III »

(Time To Kill Records)

Jusqu’en 2012, soit six ans après sa création, il fallait encore ajouter ‘Redemption’ au patronyme de GODWATT. « Vol. III » n’est donc pas la troisième production des Italiens, mais leur septième… et elle est de taille. Dynamique et puissant, le groupe offre un mix généreux et savamment dosé entre un Stoner Metal vivifiant et un Doom qui va puiser dans les origines-mêmes du style.

Composé de Moris Fosco (guitare, chant), Mauro Passeri (basse) et Jacopo Granieri (batterie), GODWATT montre sa faculté, sur ce nouvel opus, à pouvoir réunir les fans de Hard et de Heavy 70’s, de Doom et de Stoner Rock exalté. Grâce à un travail remarquable sur la variété des riffs, la folie des solos, une voix et des chœurs fédérateurs et une rythmique implacable, le groupe régale. 

Cela dit, les Transalpins ne donnent pas dans le revival et s’inscrivent au contraire dans une modernité bien réelle, musclée et servie par une production impeccable. Chantés dans sa langue maternelle, les morceaux de GODWATT prennent un relief original et une couleur mélodique très spéciale (« Signora Morte », « Croce », « Delirio », « Oscura », « Lamenti »). Fin et bien charpenté.

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Doom Post-Metal Sludge

Gavran : des nuances de noir

En jouant sur la force des émotions déployées dans son Sludge/Doom, GAVRAN sort un deuxième album très rugueux, qui laisse également de la place à des ambiances post-Metal très précises. La production à l’œuvre sur les titres des Hollandais libère des parties instrumentales qui gravitent sur des crescendos survitaminés et rendent « Indistinct Beacon » totalement évanescents.

GAVRAN

« Indistinct Beacon »

(Dunk! Records)

A eux trois, Jamie Kobic (batterie, chant), Freek Van Roogen (guitare) et Ritsaart Vetter forment GAVRAN, un combo Sludge/Doom aux climats post-Metal singuliers. Le trio hollandais évolue tout en contraste dans un style sombre et absorbant où les sentiments d’anxiété, de doute et de détresse dominent pour finalement donner un instantané troublant de notre époque.

Fondé en 2018, ce n’est que deux ans plus tard que le groupe sort le single « Uska », suivi de près par un premier album, « Still Unavailing », qui annonce déjà un goût prononcé pour un registre fait de lourdeur et de riffs écrasants, mais que des breaks éthérés allègent avec finesse. Les thèmes des textes de GAVRAN traitent de l’existence, de la vie et de la mort et d’une société très sombre sous un prisme assez pessimiste.

Construit sur cinq titres dépassant tous les neufs minutes, « Indistinct Beacon » alterne entre moments calmes et très progressifs et des souffles Sludge assourdissants. Le trio de Rotterdam avance sans fioritures sur des répétitions hypnotiques. L’épaisseur des guitares et les variations vocales entre chant clair et growl offrent à GAVRAN une robustesse très atmosphérique aussi. Subtil et herculéen !

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post-Rock Psych Stoner/Desert

Aktopasa : embarquement immédiat

C’est à un périple paisible et serein, mais non sans péripéties et soubresauts, que nous invitent les Italiens d’AKTOPASA avec leur deuxième album. En tout point réussi, il nous porte d’un Psych Rock planant à un Stoner/Desert relevé en passant par des ambiances post-Rock saisissantes. « Journey To The Pink Planet » propulse un souffle d’air frais réconfortant et salvateur….

AKTOPASA

« Journey to the Pink Planet »

(Argonauta Records)

Fondé en 2017 autour des canaux de Venise, AKTOPASA a le don de faire de son Psych Rock un beau voyage musical. Après un album en 2018 (« Mulachara »), puis un EP l’année suivante (« Sun »), le trio italien livre un deuxième opus tout en progression et mêlant plusieurs registres. Et sur « Journey To The Pink Planet », la montée en puissance est rondement menée et avec un incroyable feeling.

Très progressifs et éthérés, les trois premiers morceaux évoluent dans des sphères plutôt post-Rock et aériennes, comme si AKTOPASA préparait le terrain pour mieux élaborer une évasion sonore inéluctable. C’est sur « It’s Not The Reason » que les premières (et les seules) paroles se font entendre, le reste de l’album étant entièrement instrumental. Et c’est précisément à partir de ce titre que les Transalpins haussent le ton.

L’intensité monte et sans perdre de sa fluidité, AKTOPASA s’engouffre dans un Stoner/Desert Rock où les riffs se font plus lourds et le rythme plus soutenu (« Agarthi », « Sirdarja », « Foreign Lane »). Palpitant et sauvage, « Journey To The Pink Planet » regorge de surprises et d’arrangements subtils d’où s’échappent quelque touches orientales. Très bien produit, l’ensemble est addictif.

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Stoner Doom

Stones Of Babylon : au coeur des ruines antiques

Imposant et psychédélique, STONES OF BABYLON ne quitte pas la voie qu’il emprunte depuis cinq ans maintenant. Le trio de Lisbonne voyage à travers les mythes et les légendes en arborant un Stoner Doom instrumental massif. Très organique, la production de « Ishar Gate » confère à la musique des Portugais un relief qui la rend pour le moins intrigante.

STONES OF BABYLON

« Ishtar Gate »

(Raging Planet Records)

C’est dans une ancienne Babylone totalement décimée que nous plonge cette fois le trio portugais trois ans après « Hanging Gardens », qui peignait une cité florissante. Forcément, l’ambiance est devenue sombre et pesante et le Stoner Doom de STONES OF BABYLON, même s’il conserve toujours quelques touches orientales lumineuses, traverse l’antiquité avec une lourdeur incroyable.

Toujours instrumental, ce deuxième album studio explore de nouvelles dimensions musicales dans un registre hypnotique et presque rituel. Les riffs monolithiques chargés de Fuzz s’agrémentent de psychédélisme aux allures parfois inquiétantes. STONES OF BABYLON se montre aussi puissant que subtil avec des atmosphères souvent menaçantes. Et cette impression monte en puissance au fil de cette nouvelle réalisation.

Avec six morceaux s’étendant sur près d’une heure, les Lisboètes ont réalisé un gigantesque travail sur les ambiances, qui naviguent dans des sonorités à la fois progressives et capables aussi de brutales déflagrations. Crépusculaire et oppressant, STONES OF BABYLON n’a pas son pareil pour livrer un Stoner Doom captivant (« Giganesh », « Pazurn », « The Gate Of Ishar », « Tigris & Euphrates »). Un baffe !

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Stoner Metal Stoner Rock

Turned To Stone Chapter 6 : épopée nordique

Grâce à ses split-albums, le label américain Ripple Music propose toujours de belles découvertes, tout en parcourant le monde et en réunissant des groupes qui se complètent bien et qui parviennent à chaque fois à se surpasser. Avec CAPTAIN CARAVAN et KAISER, la scène scandinave montre de beaux atouts et une maîtrise du Stoner Rock et Metal.

Turned To Stone – Chapter 6

CAPTAIN CARAVAN / KAISER

(Ripple Music)

C’est déjà le sixième volet des désormais fameux « Turned To Stone » de Ripple Music, qui a eu la bonne idée, il y a un bon moment maintenant, de remettre au goût du jour les split-albums. Et cette fois, le périple Stoner proposé nous emmène dans les contrées nordiques de Norvège et de Finlande, où là aussi les riffs grondent et fuzzent avec une belle ardeur. CAPTAIN CARAVAN et KAISER sont très affûtés et prêts à en découdre. 

CAPTAIN CARAVAN

La première salve vient du quatuor CAPTAIN CARAVAN qui livre cinq morceaux d’un Stoner Rock musclé et sans détour. Depuis 2015, les Norvégiens peaufinent leur style et ont sorti un album (« Shun The Sun » – 2018), un EP et deux singles avant de se faire remarquer par le label californien. Mené par la puissante voix de son frontman, le groupe distille une bonne dose de Doom dans un registre massif.

KAISER

Un peu plus dark dans les atmosphères, KAISER fait d’avantage de place au Fuzz dans ses compos, qui s’étendent aussi un peu plus en longueur. Avec sensiblement le même parcours que leurs compagnons de route, le trio a une approche plus Metal, très compacte et intense. Les Finlandais rentrent dans le lard avec une volonté et une ferveur incroyables. D’une force et d’une créativité égale, les deux groupes régalent.

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Occult Rock Psych Sludge Stoner Doom

Witchfinder : dark fuzz

Très instrumental et développant des atmosphères quasi-séismiques, « Forgotten Mansion » a des allures d’ogre mastodonte. Si elle se pare aussi de mélodies captivantes et psychédéliques, celle nouvelle production de WITCHFINDER vient surtout confirmer la puissance du Stoner Doom du quatuor français avec une force tellurique.

WITCHFINDER

« Forgotten Mansion »

(Mrs Red Sound)

Long EP ou mini-album, c’est selon, « Forgotten Mansion » vient donner suite à « Endless Garden », un EP de deux titres fracassant sorti en juin dernier, et qui marquait un léger tournant avec l’arrivée aux claviers de Kevyn Raecke. Il n’en fallait pas davantage pour que le côté fantasmagorique du quatuor surgisse encore un peu plus. WITCHFINDER s’apprête à réveiller les volcans de son Auvergne natale.

Doté d’une production massive et écrasante, ce nouvel effort vient définitivement poser le statut de groupe incontournable d’une scène Stoner Doom française, qui devrait vite devenir trop petite. La trajectoire de WITCHFINDER est assez claire : conjuguer le Fuzz, le Metal et le Sludge avec un Psych Rock occulte et ténébreux. La rythmique est lourde, les riffs épais et le chant se devine au lointain.

Si l’ambiance est posée dès le pachydermique « Approaching » suivi de près par « Marijuana », les surprises sont nombreuses au sein-même de ces morceaux, qui s’étendent en longueur. Très groove, la variété des mid-tempos ensorcelle en communion avec des synthés psychédéliques aussi fins que les guitares sont sourdes et menaçantes (« Lucid Forest », « The Old Days »). WITCHFINDER en impose grâce à une créativité débordante.

Photo : Aurore Staiger
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Heavy Psych Rock Stoner Rock

Void Cruiser : transcender l’infini

Entraîné par des guitaristes rivalisant de fuzz, un chanteur pleinement libéré et ténébreux et une rythmique assommante, VOID CRUISER parvient à faire jaillir un groove surpuissant sur des mélodies ténébreuses, parfois lugubres, dans une quête effrénée d’espoir et d’une luminosité qui se fait pourtant rare dans ce Stoner Heavy Psych, où la mesure et la tempérance n’ont pas leur place. « Call Of The Void » appelle à un lâcher-prise sans retenue.

VOID CRUISER

« Call Of The Void »

(Argonauta Records)

Depuis un peu plus d’une décennie maintenant, les Finlandais de VOID CRUISER assènent leur Stoner Heavy Psych avec une progression qui se lit au fil des albums. S’il reste quelques réminiscences du Grunge très 90’s qui a été la base de son jeu sur « Overstaying My Welcome » sorti en 2015, le quintet lorgne aujourd’hui sur un style plus efficace, direct et massif qu’auparavant. Une manière d’affirmer une puissance qui déborde sans relâche sur ce nouvel opus à l’esthétique sonore très travaillée.

Car, ce qui impressionne dès les premières notes de « Dragon’s Tail » qui ouvre les hostilités, c’est cette incroyable férocité portée par un chant à la fois agressif et mélodique qui surprend. VOID CRUISER sait comment emporter l’auditeur dans un registre très maîtrisé. L’imposante rythmique basse/batterie donne le ton à des morceaux qui cognent en emportant tout sur leur passage. Pourtant le quintet joue avec les atmosphères, comme pour mieux nous guider dans son monde tortueux.

Les titres de « Call Of The Void » dépassent tous (ou presque) les six minutes et il est parfois même difficile de reprendre son souffle. Mais VOID CRUISER sait aussi imposer des ambiances plus mélancoliques et envoûtantes (« Wiser Man », « When Gravity Pulls »). L’autre marque de fabrique du groupe est ce mur de guitare implacable, épais et qui frôle parfois même la saturation (« Happiness », « Woe », « Pariah »). A noter aussi le groove massif de ce troisième album qui libère des compos souvent sombres, mais captivantes.

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Post-Black Metal Sludge

Deliverance : l’impossible sevrage musical

Même les registres les plus extrêmes obéissent à des codes, sortes de frontières imposées ou souvent même résultantes d’une autocensure rassurante. Mais chez DELIVERANCE et depuis trois albums maintenant, on fait fi de ce type de recommandations analgésiques pour s’affranchir de toutes formes de dictats musicaux. Guidé par cette liberté sans limite, les Français expérimentent, repoussent et s’engouffrent dans un post-Black Metal teinté de Sludge et d’un Psych Prog unique, mais peu lénifiant, c’est vrai. Unique donc et incontrôlable surtout.

DELIVERANCE

« Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn »

(Les Acteurs de l’Ombre)

Comme il y a deux ans, DELIVERANCE revient jeter un énorme pavé d’une heure dans nos fragiles oreilles. Après l’excellent « Holocaust 26 :1-46 » qui n’aura malheureusement que trop peu goûté aux joies de la scène, le quatuor est parvenu à composer un album d’égale puissance et surtout à recréer des atmosphères aussi titanesques. Plus ambitieux encore, le groupe dépasse les limites de son post-Black Metal qu’il agrémente toujours de Sludge et cette fois d’un Psych Prog cathartique.

Pour ce troisième opus, le line-up reste inchangé. Tandis que Sacha Février (basse) et Fred Quota (batterie) martèlent une rythmique surpuissante, Etienne Sarthou (guitare) enchaine les riffs tranchants et épais. Quant à Pierre Duneau, on le sent littéralement habité par un chant imprévisible et sauvage. DELIVERANCE se déploie dans un univers sonore singulier, qui gagne en profondeur grâce à quelques effets savamment dosés et pertinents. Et que dire que cette production qui le rend incroyablement immersif ?

Afin de passer un cap dans la compréhension de « Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn », un passage par le livret de l’album et une lecture des textes s’imposent. Ecrits dans des conditions très particulières et presqu’extrêmes, ils posent le concept et rendent les morceaux encore plus saisissants. Tout en percussion sur « Salvation Needs A Gun » et « Neon Chaos », DELIVERANCE est impérial sur les mastodontes « Odyssey » et « Fragments Of A Diary From Hell » longs de 18 minutes chacun. Gigantesque !

Photo : Patrick Baleydier
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Stoner Doom Stoner Metal Stoner Rock

Sea Of Snakes : sang froid

Redoutable dès son premier album, SEA OF SNAKES devrait, en continuant dans cette voie, se faire une belle place sous le soleil de Los Angeles, grâce à un Stoner Metal riche et costaud. Mariant Rock et Metal d’un côté, Doom et Southern de l’autre, le quatuor californien n’a pas froid aux yeux et « The Serpent And The Lamb » devrait convaincre sans peine…. tout en secouant comme il faut !

SEA OF SNAKES

« The Serpent And The Lamb »

(Wet Records)

Pas si loin du désert de Mojave d’où SEA OF SNAKES puise sûrement son inspiration, Los Angeles n’est pas en reste en ce qui concerne les bouillonnantes révélations en termes de Stoner. Ayant signé chez Metal Assault Records en 2021 pour y sortir son premier EP, « World On Fire », le quatuor livre déjà « The Serpent And Lamb », véritable brûlot aux résonnances Metal, Doom et même Southern.

Montrant de solides arguments dès « Start A War » qui ouvre l’album, SEA OF SNAKES montre les crocs avec des riffs surpuissants et épais sur lesquels Jason Busiek pose une ligne de chant imparable et saisissante. Féroce et mélodique, le groupe plonge ensuite dans un Doom massif (« End Of The Sun »). Les Californiens jouent autant sur les codes du Rock que du Metal dans une incroyable variété.

Très bien produits, les dix morceaux sont percutants et agressifs (« Demon Seed », « Get The Gun »), tout en s’engouffrant dans un Doom presque bluesy avec un côté accrocheur très original (« Dead Man’s Song »). SEA OF SNAKES se faufile avec habileté dans des atmosphères captivantes et des contrastes sombres et tenaces (« Third Kind », « In Hell », « The Ritual »). Les Américains font leur entrée par la grande porte.

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Doom Post-Metal Sludge

Nuit d’Encre : crépusculaire

En intégrant un batteur à son projet solo, le créateur de NUIT D’ENCRE ajoute une belle dynamique à son deuxième album, qui bénéficie d’un aspect organique plus marqué. Musicalement, « De L’Autre Côté » s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur avec une maturité musicale décuplée et une production exemplaire.

NUIT D’ENCRE

« De L’autre Côté »

(Bitume)

Deux ans après le très bon « Sans Maux Dire… », Franswa Felt poursuit son aventure instrumentale avec le deuxième album de NUIT D’ENCRE, un projet solo mené de main de maître. Sur ce nouvel effort, le compositeur a mis tous les atouts de son côté en confiant le mix de ses nouvelles compos à Etienne Sarthou (Karras, Aqme) et le mastering au grand Magnus Lindberg (Cult Of Luna).

Si, sur le papier, la qualité de la production laisse peu de doute, elle ne fait que mettre un peu plus en avant le talent d’écriture du multi-instrumentiste. Car sur « De L’Autre Côté », on le retrouve à l’œuvre à la guitare, à la basse et aux claviers. Cependant, cette fois-ci, NUIT D’ENCRE accueille le batteur Eric Dunnet, qui apporte beaucoup de relief et d’épaisseur à l’ensemble.

Quant au style, le Sludge Doom déployé reste dans cette veine très immersive aux lueurs post-Metal. Le registre instrumental permet a lui aussi de développer des atmosphères très prenantes, capables de se faire aussi submergeantes qu’aériennes (« Mille Lieux Hostiles », « L’Enfant Ephémère », « Faim D’un Rêve »). Avec « De L’Autre Côté », NUIT D’ENCRE franchit un palier, tant dans la création que dans l’affirmation d’un son et d’un style très personnel.