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Blues Rock France

No Money Kids : fresh bluesy view [Interview]

Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…  

– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…

En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».

– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?

C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.

– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?

Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.

– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?

Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.

– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?

On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.

– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?

Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.

– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?

(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.

– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?

Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.

– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?

Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.

– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ? 

Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.

– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?

C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !

– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois,  et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…

Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.

– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?

On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.

– Et donc, vous devenez un power trio…

Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.

L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.

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Hard'n Heavy Metal Progressif

Bumblefoot : double fun

Révolutionnaire et exalté, BUMBLEFOOT fait partie d’une short-list de six-cordistes aussi novateurs qu’imprévisibles. Techniquement hyper-créatif, l’homme à la fretless double-manche ne cesse de se réinventer et d’aller vers l’inconnu pour libérer une musique qui n’appartient qu’à lui et qui semble si évidente à l’écoute. Sur « Bumblefoot… Returns! », il multiplie les surprises avec une incroyable fluidité dans des atmosphères changeantes et toujours très maîtrisées. Ces 14 nouveaux morceaux sont d’une audace totalement débridée et jubilatoire.

BUMBLEFOOT

« Bumblefoot… Returns! »

(Bumblefoot Music LLC)

Iconoclaste, fantasque et surtout virtuose, Ron Thal est un musicien étonnant, qui mène depuis plus de trois décennies une carrière qui lui ressemble finalement beaucoup. Après des débuts sous son propre nom, il adopte BUMBLEFOOT à la fin des 90’s et il se distingue aussitôt par son jeu hors-norme. En 2006, il intègre G N’R comme troisième guitariste, forme ensuite Act Of Anarchy, Sons Of Apollo et plus récemment le super-groupe Whom Gods Destroy. Et pourtant, son champ d’action est bien plus large et varié qu’il n’y paraît.

Du Breton Pat O’May en passant par Asia, il multiplie les collaborations en tant que producteur, compositeur et même enseignant, tout en prenant soin de ne jamais rester dans sa zone de confort. D’ailleurs, en a-t-il vraiment une ? BUMBLEFOOT est un technicien brillant doté d’une culture musicale complète et érudite. Sans virer à la démonstration, « Bumblefoot… Returns! » est un modèle du genre rassemblant à peu près tout ce qu’il peut faire avec son étonnant instrument, conçu sur mesure pour dépasser ses propres limites.

Cette nouvelle réalisation donne suite à « The Adventures Of Bumblefoot » sorti il y a tout juste 30 ans et qui présente l’Américain dans un registre entièrement instrumental, où il passe en revue tous les styles qui le font vibrer. BUMBLEFOOT transcende les genres (Metal, Rock, Blues, Acid Honky-Tonk, …), soigne les mélodies et présente ici quelques invités de choix comme Steve Vai, Brian May, Guthrie Govan et Ben Karas. Et surtout, complexe et pointu, l’album ne s’adresse pas qu’aux puristes. Une prouesse et une vraie gourmandise!

Photo : Andre Tedim

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Country-Rock Folk/Americana France

Margot Viotti : French Americana [Interview]

Ils sont très peu en France à s’aventurer dans un registre comme l’Americana, tant il peut paraître éloigné de notre culture. Pourtant, chez MARGOT VIOTTI, c’est presqu’une évidence et son premier EP, « One And The Same » qu’elle autoproduit, vient confirmer un talent évident, une voix sûre et forte tout comme ses textes, dont on connait l’importance dans ce style. Accompagnée par un groupe incroyable, les trois premières chansons dévoilées laissent entrevoir un avenir rayonnant. Entretient avec une jeune songwriter, musicienne et chanteuse, dont les premiers pas sont plus que prometteurs.  

– Commençons par les présentations, puisque tu sors tout juste ton premier EP, « One And The Same », qui est d’ailleurs très abouti et particulièrement mature. Quel a été ton parcours artistique jusqu’à aujourd’hui, car tu es chanteuse et aussi compositrice ?

Je fais de la musique depuis toujours. Plus particulièrement, je chante depuis toujours. Mais j’ai commencé de manière intensive à partir de mes 11/12 ans, je dirais. Quand je dis intensive, ce sont des heures par jour. Tout mon temps libre en fait. La guitare est venue plus tard, vers l’âge de 14 ans à peu près. J’ai appris en grande partie sur YouTube, avec des tutos.

J’ai chanté sur scène pour la première fois à 15 ans. J’ai fait partie de différents groupes et projets souvent autour du Blues. Puis, j’ai commencé à chanter en solo, guitare/voix, et fais pas mal de premières parties. J’ai eu la chance d’être invitée sur scène de nombreuses fois par des artistes que j’adore. Et pour ce qui est de la composition, j’ai toujours aimé écrire et composer mes morceaux.

– L’une des choses étonnantes de cet EP est le style dans lequel tu évolues, qui navigue entre Rock, Blues, Americana et Folk avec une touche de Country Pop. C’est assez surprenant pour une jeune artiste française, car on est très loin de notre culture musicale. Comment devient-on aussi familière avec un registre aussi peu diffusé chez nous ?

Je pense que c’est la question que l’on me pose le plus souvent ! (Désolé ! – NDR) J’ai un souvenir particulièrement marquant, c’est celui de mon père qui me fait écouter pour la première fois l’album « The Wall » de Pink Floyd, lors d’un trajet en voiture. Je devais avoir entre 8 et 10 ans. Et là, c’est la claque ! Et je me dis : « Waouh, mais il faut que je creuse tout ça ! »

Comme si j’avais découvert à ce moment-là une nouvelle facette de ce qui était possible par la musique. Depuis, j’ai cherché, passé des milliers d’heures à écouter tout plein de choses. J’ai écouté énormément d’albums, d’artistes et de fil en aiguille, j’ai découvert The Doors. Et alors là, tout a basculé. Je suis devenue fan absolue et je me suis dit : « Ça, c’est la musique que j’aime ! »

Après ça, j’ai continué mon chemin et mes goûts ont évolué vers des choses plus Folk, comme Joni Mitchell et Crosby, Stills & Nash, par exemple, qui sont deux de mes plus grandes influences. En tout cas, mes goûts sont toujours restés très américains et très ‘Old School’ ! Je ne peux rien y faire, c’est comme si c’était dans mes gênes ! (Rires)

– Si tu nous fais découvrir seulement trois chansons de ton répertoire, on peut facilement l’identifier à la nouvelle génération de chanteuses Country issues de Nashville notamment, avec un petit côté Pop Rock très féminin façon Kelsea Ballerini, Alyssa Bonagura, Lainey Wilson ou Kacey Musgraves pour ne citer qu’elles. C’est une scène qui t’inspire ?

Bizarrement, non, ce n’est pas du tout une scène qui m’inspire. A part Kacey Musgraves que j’adore pour ses textes absolument merveilleux, ses chansons magnifiquement produites et chantées. Mais j’ai du mal avec l’aspect marketing de cette nouvelle mode de la cowgirl, très sexualisée. Ce n’est absolument pas mon truc. Et comme je le disais musicalement parlant, à part pour les chansons de Kacey Musgraves, ce côté ‘Pop/Country commercial’ ne me parle pas du tout.

– A l’écoute des trois morceaux, on est également bluffé par la qualité de la production, dont tu t’es occupée avec Patrick Tayol. Outre un savoir-faire évident, tu avais déjà en tête le son que tu souhaitais obtenir et qui sonne d’ailleurs très américain ?

En partie, oui. J’avais des idées assez précises en tête, qui ont été discutées et retravaillées, avec l’aide précieuse et la connaissance de Patrick Tayol et Quentin Durual.

– J’aimerais que l’on dise justement un mot des musiciens qui t’accompagnent, car il y a vraiment du niveau et on sent une réelle alchimie entre-vous. Quand et comment as-tu réuni une si belle équipe ?

Ah ça oui ! Ils sont incroyables. Je connais Patrick (guitariste) depuis quelques années. L’enregistrement et le mixage, comme le tournage des clips, ont été réalisés dans son studio, le Grange Neuve Studio. Je suis chanteuse dans son groupe et nous avons développé une belle amitié, puis décidé par la suite de travailler ensemble. Lionel Bertani (claviériste) fait également partie du groupe, c’est comme cela que je l’ai rencontré. J’ai ensuite rencontré Quentin, à l’occasion d’un enregistrement au studio. Une belle amitié s’est aussi créée, et Quentin étant guitariste et aussi l’ingénieur du son pour le studio, il était évident qu’il ferait partie du projet et que c’était lui qui s’occuperait de l’enregistrement et du mixage des titres. Lovine et Rej Burlet (les choristes), sont deux amies, avec lesquelles j’avais déjà eu l’occasion de chanter et que j’aime beaucoup. Elles ont des voix extraordinaires. Cyril Gelly (batteur) et Laureen Burton (vidéaste/photographe) sont des connaissances de Quentin. C’est donc grâce à lui qu’ils ont rejoint le projet. Et enfin, je connaissais depuis un moment Anthony Prudent (bassiste) avec qui j’ai eu l’occasion de partager la scène plusieurs fois. Tous sont des artistes exceptionnels, des personnes en or, et je suis vraiment heureuse d’avoir collaboré avec eux.

– Que ce soit dans le mix, au niveau des instruments comme des chœurs, tu as apporté beaucoup de soin aux arrangements. Le travail est remarquable et j’imagine que tu as passé des heures à peaufiner ces trois titres. Est-ce que c’est un aspect de la production que tu apprécies également ?

Oui, ce sont des heures de ‘peaufinage’ effectivement ! Avec l’aide précieuse de Patrick et Quentin, ça a été un régal. Se soucier du moindre détail, aller chercher le moindre son qui vous mettra le frisson, c’est quelque chose que j’aime particulièrement, oui. Ce travail avec Patrick et Quentin a été très enrichissant.

– Tu es également compositrice et auteure comme on l’a dit, et tu évolues dans un registre où être songwriter est un gage d’authenticité et de créativité aussi. Quand as-tu commencé à écrire tes propres chansons et de quelle manière procèdes-tu ?

J’ai commencé à écrire mes chansons très tôt. Dès le départ en fait. Je ne savais jouer d’aucun instrument, mais j’avais un mini-synthé et je m’amusais à écrire et mettre en musique mes mots. Je le faisais aussi faire à mon petit frère, je m’en souviens bien !

Aujourd’hui, le processus est assez aléatoire. Des fois, j’ai un thème en tête, je gratte des accords, puis une mélodie m’apparait. Je fredonne quelques mots et parfois des phrases me viennent. Je construis ensuite autour de cela. Parfois au contraire, ce sont les mots qui me viennent en premier. Ça m’arrive de me réveiller la nuit et de me dépêcher de prendre de quoi noter, parce que j’ai la sensation que quelqu’un me souffle quelque chose. Ou alors, j’ai parfois l’impression de canaliser quelque chose qui me dépasse. Comme si je ne contrôlais rien. Les mots me viennent, et moi, je ne fais que retranscrire. C’est assez magique.

– Ce qui peut surprendre, une fois encore, c’est que tu sortes cet EP uniquement en numérique et dans un format trois titres. Même si c’est une façon de faire courante aujourd’hui et que tu fais aussi partie de cette génération. N’est-ce tout de même pas un peu frustrant de ne pas avoir l’objet physique entre les mains ? A moins que ce ne soit déjà prévu pour bientôt…

Frustrant, c’est le mot, oui ! La vérité est que je rêve de pouvoir le sortir en version physique. Mais l’EP étant autoproduit, j’ai préféré attendre de voir comment les gens réagiraient avant de me lancer là-dedans. Car tout ça a un coût, qu’on se le dise ! Mais c’est dans un coin de ma tête, j’y réfléchis…

– Vocalement aussi, tu réussis à montrer un large panel de tes capacités. Sur « One And The Same », tu mets tout le monde d’accord en affichant beaucoup de puissance. Avec « And So It Goes », tu te montres plus sensible dans une ambiance très Gospel qui va crescendo et « On The Road To Be A Woman » présente un aspect plus Folk et Americana/Country. En choisissant ces chansons, l’objectif était aussi de présenter l’éventail le plus large possible?

En quelques sortes, oui. Je souhaitais que cet EP me serve de ‘carte de visite’. Le style Americana étant assez large, je voulais pouvoir faire découvrir ces trois facettes de ma personnalité musicale.

– L’Americana est un style assez peu représenté en France, le chemin peut donc paraître très ouvert. Même s’il reste beaucoup à faire auprès du public, cela reste plus simple que de se faire une place aux Etats-Unis. Cependant, est-ce que c’est un rêve d’aller jouer là-bas rapidement, car ton EP n’a rien à envier aux productions américaines ?

Effectivement, il reste beaucoup à faire auprès du public, même si la voie a été ouverte par de grandes stars comme Taylor Swift ou Beyonce avec son album « Cowboy Carter ». Je crois qu’en fait, l’Americana devient même une tendance. Ça tombe bien, c’est pile le bon moment pour nous, artistes de ce milieu ! La difficulté en France, je trouve, reste la barrière de la langue. Les textes occupent une grande place dans cette musique, et ici beaucoup ne comprennent pas l’anglais…C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait le choix de mettre les sous-titres sur mes deux clips. Et c’est évidemment un rêve de pouvoir jouer mes titres aux Etats-Unis. Quel musicien ne rêve pas de ça ?

– Enfin, il est peut-être trop tôt pour en parler, mais un album complet est-il déjà dans un coin de ta tête ? Et surtout, vas-tu défendre « One And The Same » sur scène dans les mois qui viennent ?

L’album est bien sûr dans un coin de ma tête. Et ça viendra, évidemment. Je l’imagine depuis bien des années. Mais chaque chose en son temps et je vais d’abord m’occuper de chouchouter un peu cet EP. Pour ce qui est de le défendre sur scène, c’est en bonne voie. Tout ça est en construction. J’annoncerai les premières dates du projet quand tout sera prêt. En attendant, au boulot !

Le premier EP de MARGOT VIOTTI, « One And The Same », est disponible sur toutes les plateformes.

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Blues Rythm'n' Blues Soul

Kat Riggins & Her Blues Revival : l’éveil des sens

KAT RIGGINS chante le Blues comme elle respire et les notes de Gospel et de Rythm’n Blues, dans lesquelles elle se meut, le rendent encore plus joyeux et pétillant. Sur « Revival », elle confirme la classe dont elle a toujours fait preuve depuis ses débuts. Avec un naturel et une vivacité de chaque instant, le voyage devient vite addictif et on se laisse guider par cette voix chaleureuse et envoûtante. Une magie qui devient très vite évidente et irrésistible.

KAT RIGGINS & HER BLUES REVIVAL

« Revival »

(House Of Berry Productions)

Et de six pour KAT RIGGINS qui, deux ans après l’excellent « Progeny », surgit avec « Revival » qui n’est pas sans rappeler dans son titre son premier effort, « Blues Revival » sorti en 2016. Un réveil qui semble se faire par étape pour la chanteuse et compositrice floridienne, qui en a aussi profité pour quitter le label de Mike Zito, Gulf Coast Records. Après ces deux dernières belles réalisations qui l’auront particulièrement mis en lumière et lui valurent deux nominations aux Blues Music Awards, celle-ci devrait suivre leurs pas…

Paru il y a quelques semaines parmi beaucoup d’autres, « Revival » dénote quelque peu de son prédécesseur. Vocalement, KAT RIGGINS est toujours exceptionnelle de puissance, de polyvalence et de feeling. C’est essentiellement le contenu qui peut peut-être surprendre par son côté plus classique, plus roots aussi et donc moins moderne, mais solidement intemporel. L’Américaine et son groupe montrent une fois encore qu’ils sont à leur aise dans tous les registres et qu’il n’y a pas grand-chose qui leur résiste.

Conçu avec Tim Mulberry qui l’a produit, mixé et masterisé, la frontwoman a co-écrit l’ensemble de « Revival » et les morceaux respirent toujours cet aspect optimiste et positif, dont elle a fait sa marque de fabrique. Malgré un son un peu en dessous et étouffé (à moins que ce ne soit le numérique), KAT RIGGINS est rayonnante et porte aussi ce nouvel opus grâce à des textes enthousiasmants et pertinents (« Lucky », « Revived », « Southern Soul », « Mojo Thief », « Mighty », « Healer »). Brûlant et enjoué, « Revival » réveille les sens.

Retrouvez la chronique de « Progeny » :

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Blues Extrême International Metal Rock Stoner/Desert

Top 24 : Reste du monde (2024)

Si l’hexagone n’a pas été timoré en termes de productions cette année, le reste de la planète n’est pas en reste… très loin de là ! C’est même un peu la saturation pour tout dire. Car, si la plupart des gens ne voit que la partie émergée, l’iceberg musical mondial est assez colossal !

En 2024, certaines valeurs sûres ont sorti de très bons albums et confirmé leur statut, tandis que d’autres s’installent doucement ou créent la surprise, voire la sensation. Ce Top 24 du reste du monde revient sur quelques beaux moments qui ont émaillé ces derniers mois.

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Blues

Nico Wayne Toussaint : une immersion heureuse

Aller se réinventer dans le lieu d’origine d’un style qu’il chérit avec ardeur est le pari, peut-être audacieux, mais surtout réussi du bluesman français. Une immersion totale qui lui a permis de vivre au rythme des pionniers du genre en revisitant leur répertoire pour mieux renouveler le sien. « With Love From Clarksdale » est un disque à la fois festif et très ‘feel good’ sur lequel NICO WAYNE TOUSSAINT s’est habilement contraint de garder un pied au Mississippi et l’autre en Louisiane. Et de sa quinzaine de réalisations, celle-ci a une saveur très particulière et envoûtante. Le croisement entre feeling et confiance.

NICO WAYNE TOUSSAINT

« With Love From Clarksdale »

(Independent/Inouïe Distribution)

Si on s’adonne au Blues comme on entre en religion, certains pèlerinages s’imposent donc. C’est précisément ce qu’a entrepris NICO WAYNE TOUSSAINT en allant poser harmonicas et guitares dans la ville de Clarksdale. Sorte de petite ville cachée du Mississippi, elle est pour beaucoup le berceau du Blues et, s’ils pouvaient le faire, les nombreux champs de cotons qui enveloppent la petite cité en auraient sûrement des histoires à raconter. C’est sans doute pour cette raison et pour se rapprocher des légendes passées que le Toulonnais s’y est installé quelques semaines. Et puis, la Nouvelle Orléans est sur la même route…

Car si ce savoureux et chaleureux « With Love From Clarksdale » s’inscrit dans les pas des grands bluesmen qui ont écrit les plus belles pages du style, NICO WAYNE TOUSSAINT ne s’est pas privé d’aller jouer quelques notes du côté de la Louisiane. Le musicien s’est d’abord attelé à s’imprégner du répertoire de ses maîtres avant de se livrer à la composition. Et il en résulte des morceaux teintés évidemment de l’esprit du Mississippi, mais aussi très cuivré à mi-chemin entre le son de Memphis et celui de la Nouvelle Orléans, ce fameux ‘juke point’, qui va vite devenir la ligne directrice de ce nouvel album qu’il sort en groupe.

C’est avec « Memphis » qu’il ouvre les festivités avec une simplicité très touchante, seul à l’harmonica et a capela. Façon peut-être que signifier que l’authenticité sera le maître-mot de « With love From Clarksdale ». La suite est une sorte de road-trip tranquille et paisible, qui ne s’interdit pas les chansons dynamiques et entraînantes. Le Blues très roots de NICO WAYNE TOUSSAINT est tout sauf austère. Au contraire, il émane une joie permanente et palpable de ses 12 compositions originales, à l’exception de deux titres co-signés avec son ami Neal Black. En plus de s’écouter, ce nouvel opus se vit pleinement et réchauffe le cœur.   

Retrouvez la chronique de « Burning Light » :

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Grace Bowers & The Hodge Podge : so spicy !

Déjà nominée aux fameux Americana Music Association Honors & Awards cette année, la nouvelle sensation féminine guitaristique a aussi partagé la scène avec Slash, The Red Clay Strays et The Osbourne Brothers en livrant à chaque fois des prestations époustouflantes. C’est dire si son arrivée sous le feu des projecteurs est tout sauf un hasard. Solidement épaulée par un redoutable combo, THE HODGE PODGE, GRACE BOWERS dégage une énergie incroyable et passe du Blues à la Funk, comme du R’n B à la Soul et au Rock avec une facilité déconcertante. Dire qu’elle a de l’or au bout des doigts est un doux euphémisme. 

GRACE BOWERS & THE HODGE PODGE

« Wine On Venus »

(Independant)

Ne vous fiez surtout pas à son âge car, à 18 ans tout juste, la jeune musicienne originaire de Nashville et de la Bay Area a déjà tout d’une grande. Sorti dans la torpeur de l’été, début août, son album est tout simplement exceptionnel et il aurait été dommage de ne pas en dire quelques mots. Gorgé de Soul et dans un esprit revival Funk 70’s, ce premier effort de GRACE BOWERS avec son groupe THE HODGE PODGE est tellement abouti, tant au niveau de la composition que de la production, qu’il laisse présager, sans trop prendre de risque, d’un bel avenir. Car, sur « Wine On Venus », tout y est… rien ne manque !

Très collégial dans l’approche, l’unité musicale affichée par l’Américaine semble se fondre dans une jam sans fin, où l’équilibre entre le chant, les parties instrumentales guidées par l’hyper-groovy section de cuivres et la sautillante rythmique, laisse à GRACE BOWERS tout le loisir de faire parler sa guitare. De ce côté-là aussi, elle fait preuve d’une audace et d’une virtuosité très mature. Pourtant d’une autre génération, elle maîtrise déjà tous les codes à la perfection, et sans trop en faire non plus, elle s’inscrit dans un style qui semble véritablement fait pour elle, grâce à un jeu flamboyant et sauvage.

Aérienne et percutante, une voix plane aussi au-dessus de « Wine On Venus » avec grâce et dans une réelle alchimie portée par des HODGE PODGE survitaminés et chevronnés, affichant le double de l’âge de la jeune artiste. Car, contrairement à ce que l’on pourrait penser en voyant la pochette, ce n’est pas GRACE BOWERS qui s’illustre derrière le micro, mais la chanteuse Soul Esther Okai-Tetteh. Et sa puissance vocale renvoie à une interprétation délicate et savoureuse poussant vers des tessitures profondes (« Lucy », « Tell Me Why You Do That », « Wom No Teg », « Get On Now »). Un disque déjà incontournable !     

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Blues Rock Rythm'n' Blues Soul Southern Blues

DeWolff : capturing timelessness

Lorsqu’on se rend dans un studio mythique, il faut absolument qu’il se passe quelque chose de peu ordinaire, d’exceptionnel et de nouveau. Respecter l’institution, bien sûr, mais en ressortir grandi aussi que ce soit dans ceux d’Abbey Road, par exemple, ou dans le ‘Fame’ de Muscle Shoals. Pari réussi pour DEWOLFF qui livre aujourd’hui un disque, qui a presque des allures d’OVNI dans sa déjà belle discographie. Avec « Muscle Shoals », son énergie et son sens de la mélodie franchissent un cap, bien aidé par un son incomparable et unique. Une dynamique sur laquelle il va dorénavant falloir apprendre à surfer.

DEWOLFF

« Muscle Shoals »

(Mascot Label Group)

Et si DEWOLFF avait enfin sorti l’album dont il rêve depuis ses débuts en 2007 ? Personne ne remettra en cause le potentiel évident des Hollandais, mais il semblait pourtant toujours manqué ce petit quelque chose qui leur ferait prendre une autre dimension. Après quatre Live et un EP, voici leur neuvième album studio et, une fois n’est pas  coutume, tout est dans le titre. Les amateurs de Soul, de Southern Rock et de Rythm’n Blues connaissent bien cette petite ville d’Alabama, où tant de merveilles discographiques ont été produites dans ses légendaires studios ‘Fame’ et les ‘M.S.S.S.’. Nous voici donc à Muscle Shoals sur les rives du Tennessee pour une sorte de pèlerinage, qui ne dit pas son nom.

Le groupe marche donc dans les pas d’Aretha Franklin, Etta James, Wilson Pickett, The Rolling Stones, Lynyrd Skynyrd ou Texas, qui y enregistré un monumental dernier album, et tant d’autres. Et c’est probablement ce supplément d’âme qui se fait sentir sur « Muscle Shoals ». Certes, un virage plus Soul était bien visible sur les deux derniers albums, mais cette fois DEWOLFF est littéralement imprégné, comme absorbé par de douces vibrations. Pourtant habitués des enregistrements analogiques, les frères van de Poel et Robin Piso découvrent un autre monde et se montrent particulièrement à la hauteur. Si l’endroit ne fait pas tout, il a ce pouvoir d’inspirer ceux qui y séjournent.

Car si, jusqu’à présent, le son de DEWOLFF était résolument européen, il prend ici un cachet très américain pour s’inscrire donc parfaitement dans l’esprit et l’ambiance du lieu. D’ailleurs, l’approche musicale du trio s’en ressent avec un côté langoureux, presqu’insouciant et surtout très chaleureux et aérien (« In Live », « Natural Woman », « Let’s Stay Together », « Truce », « Ships In The Night »). L’orgue et la guitare se répondent instinctivement et le trio prend de la hauteur sur des airs de jam (« Hard To Make A Buck », « Book Of Life », « Fools And Horses » et « Snowbird »). Très polyvalent, il élargit son spectre en rendant son Rock bluesy, jazzy ou funky avec des touches Gospel. Une (re)naissance.

Photo : Satellite June

Retrouvez les chroniques des deux albums précédents :

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International Soul Southern Blues Rock

Warren Haynes : l’alchimiste [Interview]

Ancien membre du Dickey Betts Band, puis guitariste au sein du mythique Allman Brothers Band, WARREN HAYNES guide depuis une trentaine d’années maintenant Gov’t Mule. Réputé pour son jeu identifiable entre tous et une générosité musicale incroyable (la durée de ses concerts en témoigne !), le natif d’Asheville en Caroline du Nord mène en parallèle une carrière solo, qui lui offre la liberté de se détacher un temps de son groupe. Avec « Million Voices Whisper », le Southern Blues Rock de l’Américain prend des couleurs Soul, également jazzy et funky, et le line-up affiché a de quoi laissé rêveur… Entretien avec un musicien attachant, généreux et d’une rare authenticité.

– Dix ans après « Ashes And Dust », on te retrouve enfin avec un nouvel album solo. Cela dit, tu as aussi été très actif avec Gov’t Mule autant sur disque que sur scène. Lorsque tu t’es mis à la composition de « Million Voices Whisper », quel était l’intention de départ, car il est assez différent de ce que tu as déjà fait en solo et même en groupe ?

En fait, je ne ressens le besoin d’enregistrer un album solo que si j’ai écrit suffisamment de chansons différentes de Gov’t Mule, et qui me semblent fonctionner ensemble. La plupart de ces morceaux ont été écrits au cours des deux ou trois dernières années. Mais certaines remontent à la période du confinement dû au Covid, lorsque j’ai écrit la plupart des chansons de « Heavy Load Blues »et de« Peace…Like A River ». Bien que je reconnaisse que cet album est très différent de mon dernier album solo « Ashes And Dust », je pense qu’il est un peu dans la lignée de « Man In Motion », dans le sens où ils sont tous deux inspirés et influencés par la musique Soul.

– Le premier sentiment qui émane très clairement de l’album est une notion de partage qu’on retrouve justement dans cette approche plus Soul et une atmosphère générale peut-être plus douce aussi. C’est pour obtenir ce son et cette sensation que tu as souhaité produire toi-même « Million Voices Whisper » ?

L’album a commencé sur une sorte d’ambiance façon ‘Muscle Shoals’, basée sur les premières chansons que j’avais écrites pour le projet. Mais au fur et à mesure que j’écrivais de plus en plus de morceaux, il semblait évoluer dans plusieurs directions différentes, ce que j’adore. Il y a donc des influences Jazz et Funk et, évidemment, une partie de mon côté songwriter et chanteur de Southern Rock et de Blues est également représentée ici.

– Pour obtenir cette touche Southern Blues Rock très ‘soulful’, tu t’es aussi entouré d’amis à savoir John Medeski aux claviers, le batteur Terence Higgins et Kevin Scott à la basse. A vous entendre, on a l’impression qu’un autre line-up n’aurait pas pu atteindre une telle complicité et une harmonie aussi limpide. La clef était-elle aussi dans la proximité entre vous ? 

C’est le groupe que j’avais imaginé pour cette musique et il s’est avéré que tout le monde était disponible à ce moment-là. J’avais joué avec chacun d’entre eux individuellement, mais nous n’avions jamais joué ensemble avant de faire ce disque. Nous avons tout de suite senti que l’alchimie était excellente. Et puis, je préfère toujours enregistrer avec tout le monde dans la même pièce jouant en live. Pour ce genre de musique, c’est la meilleure solution et la meilleure façon de faire.

– L’album contient également plusieurs clins d’œil à quelques unes de tes références que les connaisseurs retrouveront sans mal. Il y en a une qui s’étend presque sur tout le disque, c’est celle de Dickey Betts, à qui « Million Voices Whisper » est d’ailleurs dédié. Que représente-t-il en quelques mots pour toi ? Un modèle de musicalité ? Un mentor ? Un son unique aussi peut-être ?

Dickey a eu une énorme influence sur moi avant même que je le rencontre. Nous nous connaissions depuis mes 20 ou 21 ans. Il m’a soutenu dès le début et m’a finalement donné la plus grande chance de ma carrière en m’intégrant dans le Allman Brothers Band. Dickey a créé son propre style de jeu de guitare, ce qui est probablement la plus grande réussite qu’un musicien puisse atteindre. Et, en effet, je rends hommage à son style sur plusieurs chansons de l’album.

– Et puis, il y a « Real Real Love », une chanson initialement coécrite avec Gregg Allman que tu as terminée en respectant l’esprit de départ. Comment as-tu abordé cette nouvelle écriture, et que tenais-tu absolument à restituer ?

Gregg avait commencé « Real Real Love » il y a longtemps et me l’avait montré à un moment donné, mais ce n’était qu’un brouillon. Après son décès, j’ai retrouvé une copie des paroles qui n’étaient pas achevées et j’ai été suffisamment inspiré pour les terminer et ajouter la musique. Cela s’est fait très rapidement finalement. Et j’ai pu honorer son esprit et son style d’écriture et de chant d’une manière que je n’avais jamais fait auparavant à ce point. Et la présence de Derek (Trucks – NDR) dans le studio pour l’enregistrement a contribué à donner vie à la chanson. C’était magnifique.

– Justement, celui qui occupe une place de choix, c’est bien sûr Derek Trucks avec qui tu as une complicité de longue date. Au-delà de l’aspect strictement musical, les chansons où il est à tes côté donnent l’impression qu’elles n’auraient pas eu la même saveur dans lui. En quoi son rôle est-il ici si important, au-delà des morceaux joués ensemble et de la co-production de ceux-ci ?

Nous avons tous les deux une alchimie musicale unique, qui existe depuis longtemps et qui ne fait que s’améliorer avec le temps. C’est presque comme si nous étions capables de finir les pensées de l’autre, musicalement parlant. La plupart de nos échanges sur scène et en studio sont tacites et c’est très spécial. Je suis vraiment très enthousiaste par la tournure prise par les chansons sur l’album.

– Il y a une autre émotion globale qui émane de l’album, c’est son aspect très positif avec une sérénité presqu’apaisante. « Million Voices Whisper » est à la fois posé, mais alerte, et aussi tonique que terriblement vivant. C’est ce que tu as voulu dire avec ce titre ? S’éloigner de toute résignation ?

Le titre vient de la chanson « Day of Reckoning ». La première ligne du refrain est « Des millions de voix murmurent, de plus en plus fort quand elles chantent. Des millions d’esprits attendent le jour du jugement ». Je pense que cela résume en quelque sorte le sentiment général de l’album. Il s’agit avant tout de parler de changement positif.

– Les plus chanceux peuvent aussi profiter de quatre morceaux supplémentaires sur l’Edition Deluxe où l’on retrouve aussi tes compagnons Lukas Nelson et Jamey Johnson sur le phénoménal « Find The Cost Of Freedom », où s’enchaine « Day Of Reckoning » très naturellement. C’est la même configuration que l’on retrouve sur l’un des moments forts de l’album « Lies, Lies, Lies > Monkey Dance > Lies, Lies, Lies ». Tu vois ces chansons comme une continuité l’une de l’autre, ou es-tu guidé à ce moment-là par cet esprit jam que tu adores ?

C’est vrai que j’aime toujours aborder les chansons avec une configuration et une approche live, ce qui signifie parfois passer d’une chanson à une autre, puis revenir à la chanson initiale. C’est quelque chose qui arrive plus souvent sur scène, mais je pense que c’est intéressant même dans un environnement de studio. Cela renforce le concept de liens entre les chansons.

Le nouvel album solo de WARREN HAYNES, « Million Voices Whisper », est disponible chez Fantasy Records.

Retrouvez aussi la chronique de ce nouvel l’album…

… et celles de ceux de Gov’t Mule :

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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Phil Vermont : une ponctualité exemplaire

En bénéficiant de la distribution de Dixiefrog et du savoir-faire d’un co-producteur de renom, le bluesman originaire de Rouen s’offre une entrée en matière confortable et audacieuse. Sur un Blues Rock alerte et cuivré, il décline une vision artistique où la modernité fait corps avec la tradition en se faisant très Rock, Funky et plus intime aussi. « Time Has Come » vient confirmer le talent de PHIL VERMONT, qui réalise une première discographique très réussie, et très personnelle.

PHIL VERMONT

« Time Has Come »

(Rock & Hall Distribution)

Après avoir passé de longues années à arpenter la scène afin d’acquérir une solide expérience, le temps semble donc venu pour PHIL VERMONT de voler de ses propres ailes et de délivrer son propre répertoire. Cela dit, « Time Has Come » ne ressemble en aucun cas à une sorte de bilan de ce qu’il serait devenu en tant que musicien, mais présente plutôt un album abouti, très varié et homogène et qui nous fait traverser plusieurs courants et époques du Blues avec beaucoup de liberté et de fluidité dans le jeu.

Guitariste accompli et chanteur convaincant, PHIL VERMONT se dévoile sur onze compositions assez éclectiques, auxquelles il faut ajouter une reprise pleine de fougue de « Tribal Dance » de Peter Green. Et en changeant quelque peu de l’ambiance très British Blues de l’original, le Normand lui a réservé un traitement aussi intense que spontané. C’est justement ce qui fait sa force de pouvoir passer d’un claquement de doigt d’approches très classiques du siècle dernier à des sonorités contemporaines très vives.

Certes, si PHIL VERMONT reste le principal acteur et moteur de « Time Has Come », il a pu profiter de l’expérience du plus français des Américains, Neil Black, qui produit l’ensemble avec lui et intervient même sur deux titres (« Me And The Devil » et « The Waders »). Et les musiciens qui l’accompagnent forment aussi un groupe soudé et complice. Expérimenté et inspiré, il offre beaucoup de couleur et de relief. Et le fait que la rythmique soit enregistrée en live libère un groove authentique et savoureux. Un album de grande classe !