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Gypsy’s Kiss : beyond time

Formé une première fois il y a 50 ans et donc juste avant la déferlante de la NWOBHM, les Britanniques auraient pu suivre cette voie royale. Mais après une longue absence, ils ont jeté leur dévolu sur un Classic Rock musclé faisant la part belle aux guitares et aux refrains bien ciselés. Avec « Piece By Piece », GYPSY’S KISS poursuit finalement son début de carrière avec une fougue de jeunes premiers, qui semblent galvaniser le sextet londonien.

GYPSY’S KISS

« Piece by Piece »

(Independant)

Chez la plupart des groupes fondés dans les 70’s, et notamment en Angleterre, on retrouve toujours cette petite part de légende, de celle qui vient s’ajouter à la grande Histoire. GYPSY’S KISS ne déroge pas à la règle. Créé dans l’Est de Londres en 1974, l’aventure s’arrête pourtant l’année suivante après quelques concerts et vierge de tout enregistrement. Seulement, le chanteur et guitariste David Smith a fondé le combo avec un certain Steve Harris à la basse. Le mythe se joue souvent sur un détail.

Réactivité en 2018 avec plusieurs membres originels, mais sans celui parti bâtir Iron Maiden, GYPSY’S KISS a sorti un  premier single (« Influence » en 2019), deux EPs (« Heart Crazed Vole And Other Talls » en 2019 avec une ressortie dans le foulée), puis l’album « 74 » paru en 2021. Après deux titres l’an dernier (« We’ve Come To Play », et « Jack For All Times ») qui figurent d’ailleurs sur « Piece By Piece », les Anglais se présentent donc avec un deuxième long format bien produit et qui garde intactes les saveurs de leurs débuts.

Fidèle à un Classic Rock intemporel tirant sur le Hard Rock et plus légèrement sur le Heavy, GYPSY’S KISS avance avec une armada de trois guitaristes, un claviériste inspiré et une rythmique groovy. Cela dit, l’ensemble ne sonne pas vraiment vintage et affiche plutôt une fraîcheur actuelle. Mélodique et accrocheur, « Piece By Piece » est abouti et soigné et ses morceaux ne manquent de diversité (« War Of The World », « Spirit Of Lost Years », « A Soldiers Tale », « Electrify Me »). A noter la belle prestation de son vigoureux frontman.

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Emerald Moon : céleste [Interview]

Arrivé il y a quelques jours dans les bacs, le premier album d’EMERALD MOON est LA sensation Classic Rock française de l’année. Il faut aussi avouer que le quintet compte dans ses rangs des musiciens chevronnés et bouillonnant d’idées. Guidés par leur chanteuse, les deux guitaristes multiplient les combinaisons sur une rythmique groovy à souhait et ce très bon « The Sky’s The Limit » vous renvoie avec bonheur dans les 70’s sur une production très actuelle et organique. Le fondateur et guitariste, Fabrice Dutour, revient sur la création du groupe, sa façon de travailler et surtout sur cette musique qui lui tient tellement à cœur.

– Au regard de vos parcours respectifs, j’imagine que vos chemins ont dû se croiser assez souvent au gré de vos projets. Quel a été le déclic pour monter EMERALD MOON et surtout pour en définir le style ?

Pour ma part, je joue déjà avec Laurent (Falso, batterie – NDR) et Vanessa (Di Mauro, chant – NDR) dans deux projets différents. J’ai eu le bonheur de partager l’aventure ‘United Guitars’ avec François (C. Delacoudre, basse – NDR), dans laquelle figurait également Michaal (Benjelloun, guitare – NDR). Tous les deux ont d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion de partager la scène, lorsque les chemins de Gaëlle Buswel, avec qui joue Michaal et de Laura Cox, avec qui jouait François, étaient amenés à se croiser. Vanessa et Laurent ne connaissaient donc pas Michaal et François. J’ai été l’entremetteur… Pour revenir à la genèse du projet EMERALD MOON, cela s’est passé en 2021, après l’enregistrement du « Volume 2 » d’’United Guitars’. Nous venions d’enregistrer un titre avec Fred Chapellier, le courant est vite passé et l’envie était commune. C’était aussi une évidence pour nous que François était le bassiste idéal. Yann Coste serait donc le batteur. Chacun de notre côté, Fred et moi avons composé plusieurs titres pour ce nouveau groupe, qui s’appellait alors Silverheads et que nous envisagions, logiquement au vu de nos influences, de faire sonner dans un style Classic Rock. Après plusieurs mois à la recherche d’un chanteur, j’ai proposé Vanessa, qui a fait l’unanimité. Nous devions enregistrer en mai 2022. Mais à quelques semaines du début des sessions, l’emploi du temps de Fred est bousculé en raison de sa collaboration à la tournée des Dutronc. L’album ne se s’est donc jamais ensemble. Mais début 2024, Vanessa, François et moi avons eu envie de faire aboutir ces titres que j’avais composés et sur lesquels Vanessa avait écrit des textes. J’avais quelques idées en tête pour cette place de guitariste et Michaal était mon choix numéro un, il a tout de suite accepté de rejoindre l’aventure. Et Laurent s’est imposé à moi comme une évidence également et il s’est joint à nous.

– Vous avez tous un CV conséquent et une connaissance affûtée du métier. Comment est-ce que cela s’organise pour la composition des morceaux et l’écriture des textes ? Chacun apporte-t-il ses propres idées, ou faites-vous confiance à certains d’entre-vous en particulier ? Je pense au noyau dur ayant évolué ensemble sur ‘United Guitars’ notamment…  

L’organisation, pour cet album, a été en partie dictée par nos emplois du temps respectifs et la distance qui nous sépare. Je dis en partie, car j’ai depuis longtemps l’habitude de composer ainsi, c’est-à-dire que je maquette l’ensemble du titre avec la batterie, la basse et les deux guitares. Les structures sont figées, les parties de  guitares harmonisées également mais, évidemment, la réinterprétation des lignes de chaque instrument est libre pour chacun. J’avais déjà six titres pour le projet initial, j’en ai composé cinq autres avant l’enregistrement de l’album et Michaal a également amené une composition. Après, toutes les idées et les contributions ont été les bienvenues.

– On vous avait découvert en octobre dernier avec « Phase One », un premier EP, presque de présentation finalement. Pourquoi le choix du format court ? C’était faute de temps en raison d’emplois du temps chargés, ou plutôt une manière de prendre la température et de voir quel en serait l’accueil, d’autant que l’on retrouve les quatre morceaux sur l’album ? 

Question très intéressante. Pour tout te dire, cet EP est la restitution de notre première session de répétition. Il n’y avait pas, initialement, l’idée de sortir quelque chose, nous enregistrions juste pour pouvoir prendre du recul. Il faut dire aussi que nous répétions chez Laurent qui, en plus d’être batteur, est plutôt très bon dans le domaine du son. Son local est équipé et il a coutume d’enregistrer toutes les répétions qui se font chez lui. Nous nous étions donc fixés quatre titres, trois compos et une reprise, « Ramble On » de Led Zeppelin, et nous nous sommes retrouvés pendant deux jours. L’objectif était juste d’aboutir un titre, « What You’re Told » et de le clipper, histoire d’avoir la possibilité de démarrer l’aventure. A ce moment-là, le groupe n’avait même pas de nom. Et puis, à la réécoute de cette session, on se dit que ça sonnait plutôt bien et cela confirmait la sensation de cohésion que nous avons tous ressentie dès les premières notes. Et de là a germé l’idée de sortir ces quatre titres. Vu l’esthétique, le format vinyle s’imposait aussi. Et tout cela a permis, effectivement, d’accélérer la naissance d’EMERALD MOON. 

– D’ailleurs, avez-vous apporté des modifications sur ces morceaux entre l’EP et l’album ?

Déjà, il était évident pour moi que ces trois titres faisaient partie d’un tout. Ils devaient figurer sur l’album. Sur la version EP, ils sont joués live, les amplis sont dans la même pièce que la batterie, il n’y a pas d’overdub ou de guitares additionnelles. Pour l’album, ils ont été totalement réenregistrés, au propre, avec plus d’arrangements, notamment sur les parties de guitares. Le fait de garder ces trois titres a également eu une incidence sur l’écriture. Il fallait que les personnes qui avaient déjà découvert ces trois premières compositions aient de la matière avec la sortie de l’album. Avant l’EP, l’idée était plutôt un album de neuf ou dix morceaux, « Phase One » a changé la donne et nous voilà avec 12 titres.

– Lorsque l’on voit par où vous êtes tous passés, le côté Rock et bluesy semble une évidence. EMERALD MOON présente donc un Classic Rock très 70’s dans l’esprit, mais pas forcément dans le son. On sent aussi beaucoup de plaisir entre vous en vous écoutant. C’est ce qui vous guide depuis le départ ?

Le plaisir est ce qui nous guide dans notre métier de musicien. C’est une chance infinie de vivre de notre passion. C’est déjà vrai lorsque l’on joue la musique des autres, c’est encore plus intense lorsque l’on défend ses propres chansons. Pour ce qui est de nos influences et nos parcours, nous avons beaucoup de choses en commun comme des racines Blues et le Rock/Hard Rock Seventies. On a voulu restituer ça avec un son plus contemporain, sans aller trop loin, de sorte à garder la dynamique, le grain et les nuances propres à ce style. 

– D’ailleurs, même si votre registre retrouve des couleurs depuis quelques temps maintenant, est-ce qu’EMERALD MOON est là aussi pour palier un certain manque, car il y a vraiment un public en demande concernant le Classic Rock notamment ?

Il n’y a pas de calcul sur le bon endroit ou le bon moment. Il y a juste l’envie de faire ce que l’on aime faire et que l’on fait chacun depuis longtemps : Michaal avec Gaëlle Buswel, François avec Laura Cox, Laurent avec Jack Bon et moi avec Back Roads. Et surtout, de le faire ensemble. C’est une magnifique équipe et il nous tarde d’être sur scène tous les cinq.

– Vous êtes en autoproduction, ce qui n’est pas franchement une surprise étant donné que vous êtes tous rompus à l’exercice du studio et que trouver votre son n’a dû pas être très compliqué. Est-ce un avantage aussi de pouvoir mener votre projet vous-mêmes, et avez-vous tout de même fait appel à des personnes extérieures pour l’enregistrement, le mix ou le mastering ?

Il est certain, comme je te le disais tout à l’heure, que le fait que Laurent ait les compétences et le matériel pour enregistrer et mixer un album est un atout essentiel. On a pu avancer à notre rythme. De la même manière, Michaal et François peuvent gérer leurs prises chez eux. On peut travailler ensemble ou à distance, c’est très confortable. Et pour ce qui est de la production et des choix artistiques, on avait déjà des idées, puis le temps et les propositions ont affiné tout cela. On a passé, Laurent et moi, le temps nécessaire pour aboutir les titres comme nous le souhaitions. 

– Avec Michaal Benjelloun, vous formez un beau duo de guitaristes. L’esprit est très zeppelinien avec des teintes Blues et Southern. Comment est-ce que deux musiciens aussi aguerris se partagent-ils les rôles, même s’il y a aussi de beaux passages de twin-guitares ?

De manière très naturelle. Déjà, dans l’écriture, il y avait beaucoup de place laissée aux guitares. Et c’est logique, puisqu’initialement, c’est un projet de guitaristes… On aborde un titre avec comme question : ‘tu préfères faire le premier ou le deuxième solo ?’. Après, tout est libre, les idées d’arrangements sur les parties rythmiques, le choix des guitares et des sons. On s’écoute, l’idée de l’un fait rebondir l’autre, on cherche toujours à se compléter et à mettre en valeur nos qualités respectives.

– Est-ce que, lorsque l’on joue et compose du Classic Rock comme EMERALD MOON, l’idée est de toujours faire évoluer le style en y apportant quelques touches modernes, ou plus simplement juste de se faire plaisir ? Car cela impliquerait de fait une certaine finitude du registre… 

Je me souviens d’une chronique d’album qui se concluait par cette phrase : « Ils n’ont pas inventé la poudre, mais ils savent la faire parler ». C’est une très belle formule. Quand je compose, il m’arrive de faire des citations volontairement appuyées comme pour « What You’re Told », qui sonne très Thin Lizzy. Il arrive également que l’on me dise que telle composition est inspirée de tel titre, alors que ce n’était pas une piste de départ consciente… Il est évident que nous sommes imbibés de toutes nos écoutes et que ces influences transpirent fatalement dans notre écriture. Je n’ai absolument pas l’idée de révolutionner le style, mais j’essaie de m’appliquer, lorsque je compose un titre à lui donner une première lecture fluide. J’essaie également de le remplir de petites surprises à travers les arrangements, la réexposition des thèmes, la structure et un ensemble de choses qui fait que la première impression d’évidence évolue au fur à mesure des écoutes. Parce que l’idée est là : façonner et penser notre musique dans l’esprit de celle que nous écoutions il y a trente ans, lorsque les moyens technologiques ne nous permettaient pas d’accéder à tous les albums de tous les groupes en un clic. On avait, en gros, un album par mois, on prenait le temps de l’écouter et d’en extraire la totalité des subtilités. Si les gens qui s’intéressent à notre album nous font l’honneur de prendre le temps de se l’approprier, je veux qu’ils puissent découvrir des choses au fil des écoutes. 

– Enfin, avec un tel premier album, on attend forcément une suite à cette belle aventure. Est-ce que vous vous projetez déjà dans l’avenir avec des concerts à venir, par exemple, et/ou déjà le projet d’un deuxième album en tête ? Comme vous êtes tous les cinq engagés avec dans d’autres formations, j’espère qu’EMERALD MOON n’est pas un one-shot…  

L’album est sorti le 13 juin, via Inouïe Distribution, et nous étions sur scène ce jour-là, ainsi que les trois jours qui ont suivi. Mais nos emplois du temps respectifs ont effectivement limité les possibilités de concerts pour 2025. On travaille sur 2026 pour pouvoir mieux s’organiser et avoir plus de visibilité. Et effectivement, l’idée du deuxième album est déjà là.

Le premier album d’EMERALD MOON, « The Sky’s The Limit », est disponible chez Inouïe Distribution.

Photos : Christian Viala (3) et Richard Guilhermet (4).

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Classic Hard Rock Rock Hard

Star Circus : intrépide

Avec « From The Wreckage », STAR CIRCUS vient assoir une position déjà séduisante entrevue sur « Separate Sides ». Avec un titre qui vient habillement faire mentir son contenu, le duo, qui a doublé de volume entretemps, se montre à la hauteur d’un héritage musical qu’il ne cherche même pas à cacher. Classique sans être poussiéreux, les Britanniques s’inscrivent dans une lignée déjà bien tracée et s’y engouffrent avec plaisir en apportant une touche de fraîcheur à un Rock rassembleur et percutant, sans être nostalgique. Deuxième essai transformé !

STAR CIRCUS

« From The Wreckage »

(Renaissance Records)

Trois ans après un premier effort, « Separate Sides », qui avait valu aux Londoniens une belle reconnaissance nationale, STAR CIRCUS fait un retour en force avec « From The Wreckage ». Et le duo initialement composé de Tony Winkler (chant, guitare) qui avait d’ailleurs produit le premier opus et Sophie Aurelia Young (basse, chant) accueille Reuben O’Donoghue (batterie/chœurs) et les guitaristes Tom Draper (ex-Carcass, Spirit Adrift) et Ritchie Mohicano (Dobermann), venus renforcer les rangs. La nouvelle configuration a fière allure et l’entente est claire. Autour d’un Hard Rock qui évolue entre Classic Rock et un Glam Metal estampillé 80’s, l’ensemble est enthousiasmant.

Signé sur le label Renaissance Records basé en Arizona, les Anglais sous-entendent que leur projet vise l’international et « From The Wreckage » devrait leur permettre, en effet, de quitter leur île sans trop de mal. L’album est plus que cohérent, malgré quelques grands écarts stylistiques bien maîtrisés et franchement bien sentis. STAR CIRCUS est absolument ancré dans son temps et la variété des compositions vient confirmer le savoir-faire du quatuor, qui est assez bluffant en termes de mélodies avec des refrains qui restent en tête. La machine est parfaitement huilée et les membres plus qu’aguerris.

Et ce qui frappe aussitôt également sur « From The Wreckage », c’est la combinaison des deux six-cordistes, qui jouent à armes égales et se partagent très bien les riffs et les solos, se relayant avec beaucoup de finesse et sans se marcher dessus. STAR CIRCUS se montre volontiers ambitieux, alternant des élans musclés et des passages plus sombres avec une efficacité redoutable. Le frontman tient la baraque, mais quand la bassiste prend le chant sur « Masquerade », on regrette qu’elle ne le fasse pas un peu plus. Le combo se montre donc très convaincant et assène un Rock solide, enthousiasmant et personnel.

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Blues Rock International

When Rivers Meet : successful confluence [Interview]

En moins de dix ans, WHEN RIVERS MEET a connu une ascension assez incroyable avec une reconnaissance de ses pairs dès son premier album, « We Fly Free ». Depuis, Grace et Aaron Bond enchaînent albums et tournées avec une idée de plus en plus précise de leur musique. Produit sur son propre label, le duo affiche une liberté artistique étonnante et parvient à surprendre à chaque réalisation, preuve d’une créativité constante. Avec « Addicted To You », les Britanniques franchissent encore un palier avec ce style inimitable fait de Rock, de Blues et de notes d’Americana. Le moment idéal pour faire le point avec ce couple si complémentaire, qui livre un nouvel album d’une folle diversité et d’une maîtrise totale.   

– Je me souviens de notre première interview, lors de la sortie de « We Fly Free », votre premier album. Et vous étiez nerveux tous les deux à l’idée de la réception qu’il recevrait. Et nous voici quatre ans plus tard et avec un quatrième album, ainsi que plusieurs Live. Le rythme est très soutenu et pourtant vos disques sont assez différents. Le plus important est que votre personnalité artistique est devenue très claire. Est-ce aussi votre sentiment ?

Absolument, elle est désormais très claire, tout comme la direction que nous prenons. Chaque album nous a semblé très différent, reflétant toujours notre état d’esprit du moment, tant sur le plan personnel que créatif. Cela inclut notre façon d’enregistrer, les instruments utilisés et ceux que nous utilisons aussi pour la composition. Sur « Addicted To You », par exemple, nous souhaitions intégrer des touches très changeantes, ce qui est devenu un fil conducteur tout au long de l’album. Nous souhaitions également privilégier les guitares, en y ajoutant une deuxième, ce qui donne à de nombreux morceaux une sonorité plus ample. Et comme nous savions que nous jouerions cet album en live à six, nous avons intégré des harmonies à six voix pour refléter cette énergie qu’on retrouvera sur scène. Cet album est également plus acoustique qu’auparavant, ce qui lui confère une toute nouvelle dimension. Donc oui, même si chaque album est différent, nous avons une idée précise de qui nous sommes et de ce que nous voulons transmettre, et cela façonne vraiment tout ce que nous faisons.

– Restons un peu 2021, où vous recevez pas moins de quatre Blues UK Awards, une pluie de distinctions incroyable dès votre premier album. Cela a aussi dû apporter beaucoup de confiance pour la suite ? Car « Saving Grace » avait quelque chose de resplendissant…

Absolument et le fait que « Saving Grace » soit notre deuxième album impliquait forcément cette pression, cette notion de ‘deuxième album difficile’. On s’inquiétait de savoir s’il serait à la hauteur de « We Fly Free », surtout après l’accueil favorable de ce premier album. Mais avec « Saving Grace », on a volontairement opté pour un son plus Heavy et Rock. « We Fly Free » était un mélange de Blues, de Rock, d’Americana, de Folk et même de touches de Country, tandis que « Saving Grace » avait un côté plus direct et plus percutant. On ne savait donc pas comment le public réagirait à ce changement. Au final, on a été bluffés par l’accueil. Remporter quatre UK Blues Awards était surréaliste et un immense honneur. L’adhésion de la communauté Blues nous a vraiment beaucoup apporté, et ça nous a donné un énorme regain de confiance pour l’album suivant. Et maintenant, après « Addicted To You », on est plus enthousiastes que jamais pour ce qui nous attend : on a de grands projets, et cela ne fait que commencer.

– Dans la foulée, vous sortiez « We Fly Free Tour Live », un album enregistré en public, ce qui ne manque pas d’audace après seulement deux albums studio. Cela vous a-t-il paru comme une évidence à l’époque ?

Oui, on a sorti « We Fly Free Tour Live » dès notre toute première tournée, mais ce n’était pas du tout prévu comme un album live. Au départ, on l’avait filmé et enregistré juste pour nous, pour pouvoir le revoir, voir ce qui marchait, ce qui ne marchait pas et en tirer des leçons. Mais on n’arrêtait pas de nous demander si on allait le sortir, et après l’avoir regardé attentivement, on s’est dit : « Ouais, pourquoi pas ? » C’était honnête et brut, avec tous ses défauts, et c’est ce qui le rendait si spécial. Il reflétait exactement où on en était à ce moment-là. Depuis, c’est devenu une partie intégrante de notre travail. On aime immortaliser chaque tournée avec un album live, comme pour les albums studio, c’est un instantané. Et pour nous, l’aspect visuel et la performance sont tout aussi importants que la musique elle-même. Offrir un concert puissant fait partie intégrante de l’expérience, donc tout est cohérent.

– Ensuite, c’est « Aces Are High », encore accompagné d’autres récompenses, qui vient poser un nouveau statut pour WHEN RIVERS MEET. Est-ce que vous l’avez pris comme ça, à savoir être un groupe dont la réputation est établie et qui compte dorénavant beaucoup sur la scène Blues britannique ?

Quand on a enregistré « Aces Are High », on était vraiment à fond sur la guitare fuzz, ce qui a marqué le tournant entre « Saving Grace » et « Aces Are High ». C’est clairement un album plus Heavy et Rock. Même s’il y avait encore beaucoup d’influence Blues, notamment avec la guitare slide et le phrasé bluesy, on ne s’est pas demandé si c’était assez Blues, ou pas. On a toujours eu du succès sur la scène Blues avec « We Fly Free » et « Saving Grace », mais quand on écrit et qu’on enregistre, on n’essaie pas de rentrer dans une case particulière. C’est juste une question de savoir où on en est créativement à ce moment-là. On fait la musique qu’on aime et on espère que d’autres s’y intéresseront aussi, mais si certains préfèrent un album plutôt qu’un autre, c’est très bien aussi. C’est la beauté de la musique : chacun s’y retrouve différemment selon ses goûts, que ce soit pour les sons de guitare, le chant ou l’ambiance générale. On se considère toujours comme étant en pleine évolution, pas comme ’établis’ sur une scène en particulier. Nous suivons simplement notre instinct, et si les gens apprécient, tant mieux, car nous aimons vraiment ce que nous créons. Sinon, nous espérons qu’il y aura quelque chose d’autre dans notre catalogue qui leur plaira.

– Avant de parler de ce très bon « Addicted To You », j’aimerais qu’on évoque ce groupe qui vous suit depuis le départ, avec notamment Adam Bowers, qui est votre claviériste, bassiste, batteur, choriste et surtout producteur. Et tout est réalisé sur votre label One Road Records. C’est important aussi pour vous d’évoluer dans un environnement stable comme celui-ci ?

Ce qui compte vraiment pour nous, c’est que tous les membres de l’équipe travaillent dans la même direction, partagent notre vision et Adam y parvient avec brio. C’est non seulement un producteur incroyable, mais aussi un gars vraiment formidable. Dès notre rencontre en 2019, le courant est tout de suite passé. Il a immédiatement compris ce que nous voulions faire et où nous voulions aller, et il a su le faire pour chaque projet depuis. Aujourd’hui, on a presque plus besoin de s’expliquer, on partage une idée et il s’y met aussitôt, lui donnant vie d’une manière qui nous époustoufle toujours. Son talent est incroyable et il sublime tout ce que nous faisons. Ce genre de relation créative est rare, et nous avons vraiment de la chance de l’avoir. Pour nous, c’est ce qu’un producteur devrait faire : voir la vision, y croire et l’améliorer encore. Et Adam y parvient à chaque fois.

– La première chose qui surprend sur « Addicted To You », c’est cet équilibre parfait entre les voix, que ce soit les vôtres comme celles des choristes qui vous accompagnent. De quelle manière vous répartissez-vous les rôles tous les deux ? Chacun chante ses compositions ?

Avec « Addicted To You », l’un de nos objectifs était de mettre davantage en avant la voix d’Aaron. Nous n’avons pas opté pour un plan strict du genre ‘tu chantes celle-ci, je chante celle-là’. Il s’agit toujours de savoir ce qui correspond à l’émotion de la chanson et quelle voix la raconte le mieux. Nous voulions aussi explorer davantage de duos sur cet album. Nous avons toujours été inspirés par The Civil Wars (un duo américain composé des chanteurs-compositeurs Joy Williams et John Paul White – NDR). C’était l’un des meilleurs duos du moment, et leur influence est profondément ancrée dans notre musique. Ce mélange de voix, cette connexion émotionnelle, c’est ce que nous avons toujours recherché. Pour ce qui est des chœurs, nous sommes tous les deux passionnés. Sur cet album, nous voulions qu’ils créent un mur sonore plus imposant, quelque chose qui puisse se suffire à lui-même tout en soutenant le chant principal sans le surcharger. Nous avons beaucoup réfléchi et travaillé pour trouver cet équilibre, et nous sommes ravis qu’il soit à la hauteur de nos espérances.

– Toujours à propos du chant, certes il y a encore et toujours des duos, mais j’ai l’impression que vous chantez également plus ensemble, sans systématiquement vous répondre. L’idée était-elle de communier le plus possible vocalement en étant très présents tous les deux en même temps ?

Oui, l’une des choses que nous aimons le plus, c’est raconter des histoires ensemble. Que nous chantions à l’unisson, que nous échangions nos répliques ou que nous nous répondions, tout se résume à ce qui sert le mieux la chanson et l’histoire. Pour « Addicted To You », il s’agissait en grande partie de capturer les points de vue masculin et féminin, deux voix partageant la même expérience, mais l’exprimant différemment. Parfois, c’est plutôt : ’voici ce que pense Grace, voici ce que pense Aaron’, et d’autres fois, nous chantons ensemble pour refléter cette unité émotionnelle. Il y a même une section où les chœurs tourbillonnent pour refléter des pensées changeantes, comme un dialogue intérieur qui prend vie. Nous ne voulons jamais jouer la sécurité vocalement. Nous cherchons toujours à créer quelque chose de mémorable, quelque chose qui reste gravé dans la mémoire. « Addicted To You » nous a donné l’occasion de nous plonger pleinement dans ces couches, musicalement et vocalement, et nous sommes fiers de la façon dont tout cela s’est déroulé. Il s’agit toujours de servir la chanson et de donner vie à l’histoire de la manière la plus puissante possible.

– A l’écoute d’« Addicted To You », l’impression qui domine est qu’il est probablement le plus complet de votre discographie. Que ce soit au niveau des compositions, qui sont très variées, il y a beaucoup de soins apportés aux arrangements, et pas seulement vocaux. Est-ce un aspect du disque sur lequel vous teniez vraiment à être le plus pointilleux possible ?

Oui, avec cet album, nous voulions vraiment créer quelque chose de frais et de différent, mais qui reste indéniablement nous-mêmes. Nous avons apporté de nouveaux éléments, des touches virevoltantes, des couches de guitare supplémentaires, davantage de textures acoustiques, des harmonies à six voix, et même joué avec les signatures rythmiques, tout cela pour repousser nos limites créatives et créer quelque chose qui se démarque vraiment des autres albums. Mais comme toujours, il reflétait notre état d’esprit du moment. C’est ainsi que nous abordons chaque album, capturant un instantané de notre créativité à un moment précis. Le prochain nous emmènera probablement vers de nouveaux horizons, mais c’est ce que nous aimons : avoir la liberté d’évoluer et de continuer à faire ce qui nous passionne.

– D’ailleurs, si la production reste toujours très organique, elle semble aussi plus aérée et légèrement épurée. L’idée était-elle de diffuser cette sensation de liberté qui semble ne jamais vous quitter jamais sur les onze chansons ?  

Oui, absolument, ce sentiment de liberté est quelque chose que nous voulions vraiment capturer sur cet album. Même si la production reste très organique et ancrée dans de vrais instruments, nous avons voulu donner aux chansons plus d’espace pour respirer. Nous ne voulions pas surcharger les arrangements, mais plutôt laisser chaque élément briller et laisser l’émotion des chansons transparaître sans trop de superflu. Cette ‘légèreté’ que tu évoques est exactement ce que nous recherchions. Cela rejoint l’atmosphère générale d’« Addicted To You » : il y a de l’intensité, mais aussi de la légèreté, de l’espace et du mouvement. Nous voulions que l’album tout entier soit fluide, comme s’il vous transportait sans jamais être forcé ou alourdi.

– Enfin, vous interprétez une incroyable chanson en fin d’album, dont le titre est tout simplement « When Rivers Meet ». Comment est venue l’idée, car ce n’est jamais anodin de composer un morceau qui porte le nom de son groupe ? Il y a beaucoup de symbolique… 

Oui, celle-là est vraiment spéciale pour nous. Ecrire une chanson intitulée « When Rivers Meet » a été un moment important, on ne voulait pas forcer les choses, alors on a attendu que ça vienne naturellement. Et quand c’est arrivé, ça nous a semblé juste. L’idée est venue de tout ce qu’on a vécu avec nos fans, surtout ces dernières années. Il ne s’agit pas seulement de nous en tant que groupe, mais de la communauté qui s’est formée autour de la musique. Il y a un vrai sentiment de connexion, de rassemblement et « When Rivers Meet » capture cet esprit. Il y a vraiment beaucoup de symbolisme dans le titre : des rivières qui se rencontrent, des chemins qui se croisent, des histoires qui s’entremêlent. C’était la façon idéale de conclure l’album : un hommage à notre parcours, à ceux qui nous ont soutenus et à l’idée que la musique rassemble vraiment les gens.

Le nouvel album de WHEN RIVERS MEET est disponible sur son label One Road Records et sur le site du groupe : https://whenriversmeet.co.uk/

Photos : Rob Blackham

Retrouvez les interviews accordées au site, ainsi que les chroniques dédiées :

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Vanja Sky : access all Blues

Si à l’Est de l’Europe, la Serbe Ana Popovic brille de mille feux, il faudra dorénavant aussi compter aussi sur la Croate VANJA SKY, qui n’a rien à lui envier. Elle se dévoile comme une musicienne accomplie, une chanteuse polyvalente et une songwriter très inspirée. Avec « Access All Areas – Live », elle démontre sur la totalité d’un concert qu’elle est une incroyable et captivante frontwoman. Sans filet et avec audace, elle séduit sans mal un auditoire attentif et conquis.

VANJA SKY

« Access All Areas – Live »

(Flick The Flame)

Depuis la sortie de « Bad Penny » en 2018, VANJA SKY multiplie les concerts et semble même passer sa vie à en donner. Quittant parfois la route, elle a tout de même enregistré « Woman Named Trouble « (2020), puis « Reborn » (2023) et figure même aux côtés de Mike Zito et de Bernard Allison sur le « Blues Caravan Live 2018 », chapitre de la belle série en trio de Ruf Records. Autant dire que la chanteuse et guitariste ne manque pas d’expérience, bien au contraire, et que la scène, comme cela s’entend ici, est véritablement son jardin.

C’est finalement assez normal de retrouver un témoignage discographique en public aussi rapidement dans son parcours. Et l’enregistrement est même très récent, puisque « Access All Areas – Live » a été capté en une soirée au Theaterstübchen de Kassel en Allemagne le 28 janvier 2024. Le temps d’un double-album, VANJA SKY présente 16 chansons marquantes de son répertoire, dont quelques reprises comme « Shadow Play » de Rory Gallagher (l’une de ses références), ou les plus connues « Louie, Louie » et « Wild Thing ».

Ce qui est toujours étonnant dans le jeu de la Croate, c’est qu’elle a parfaitement assimilé de très nombreux courants du Blues pour atteindre une personnalité musicale forte. Si l’on perçoit du Chrissie Hynde dans la voix, c’est plutôt du côté du Texas et chez SRV que son jeu de guitare prend racine. Grâce à une setlist savamment étudiée, VANJA SKY nous embarque pour plus d’une heure et demi entre Blues Rock, moments Folk et Southern, ou d’autres plus Old School et Classic Rock. Attachante et virtuose, elle subjugue et on en redemande !

Photo : Adam Kennedy

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Cirkus Prütz : southern breath from the north

A entendre CIRKUS PRÜTZ, on se croirait dans le Sud des Etats-Unis, tant la sincérité dégagée et surtout le savoir-faire et le son de « Manifesto » ont des résonances américaines. Pourtant, direction le grand Nord et la Suède d’où est originaire le groupe. Ici aussi, on sait faire du Southern Blues Rock, d’un calibre très largement comparable. Dynamique et intense, on doit aussi cette superbe production à Peter Tägtgren (Pain, Hypocrisy) et il faut admettre que l’ensemble prend une dimension explosive. Ca chauffe, ça claque et ça fait un bien fou !

CIRKUS PRÜTZ

« Manifesto »

(Metalville)

Il a œuvré chez les Hard Rockers de W.E.T le temps de quelques albums dans les 90’s, puis avec Jeff Scott Soto où il a tenu la basse dans les années 2000 dans un registre similaire. Mais ce qui a toujours titillé le bassiste Jerry Prütz, c’est le Blues Rock, sous toutes ses coutures. Pourtant, c’est assez tardivement, en 2017, qu’il sort « All For the Boogie And The Blues » et qu’il annonce la couleur. Si certains le voient comme le pendant suédois de ZZ Top, CIRKUS PRÜTZ se présente dans un registre un peu plus musclé et les raisons sont aussi multiples qu’évidentes. Et ces quatre-là se sont franchement bien trouvés.

Tout d’abord, avec Cristian Carisson à la guitare, et dont le chant rauque n’est pas sans rappeler le regretté Danny Joe Brown de Molly Hatchet, et qui œuvre dans le groupe Stoner Rock The Quill, le quatuor s’assure une certaine rugosité. Ensuite, on y retrouve, l’ex-Electric Boys Franco Santunione à la seconde six-corde et enfin (et non des moindres !) Per Kholus à derrière les fûts, lequel a cogné chez W.E.T. également, mais aussi Spectrum, Skin And Bone et Lipstick. Ca vous pose un line-up et il ne faut pas attendre bien longtemps pour comprendre les (très bonnes) intentions de CIRKUS PRÜTZ, car l’ensemble est savoureux.

« Manifesto » est donc le quatrième album de nos ardents bluesmen, et il y a de l’électricité dans l’air. Sur un Blues Rock véloce, aux saveurs Southern, Hard Boogie et Classic Rock, la potion magique prend dès les premiers accords de « White Knuckle Blues ». Il y a une belle âme chez CIRKUS PRÜTZ, de bonnes ondes et du cœur. Intense et sans faux pas, on se délecte des twin-guitares, des solos endiablés et torrides et de ces compos au songwriting millimétré (« Handyman Boogie », « Walking In The Rain », « Pack Your Bags » et l’hypnotique « Water Into Wine », entre autres). Tellement authentique !

Photo : Kent Renker

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Smith/Kotzen : un harmonieux raffinement

Spontanée et ambitieuse, la nouvelle réalisation de SMITH/KOTZEN dévoile surtout un réel et palpable désir de jouer et de composer ensemble. S’ils peuvent évidemment s’appuyer sur une technique exceptionnelle et très complémentaire, les deux artistes, qui se partagent aussi le chant, sont guidés par une culture musicale commune ponctuée d’étonnants contrastes dans le jeu. Et c’est justement toute la force de « Black Light / White Noise », qui est un modèle du genre, entre élégance sonore et puissance Rock.

SMITH/KOTZEN

« Black Light / White Noise »

(BMG)

Il y a quatre ans ADRIAN SMITH et RICHIE KOTZEN avaient surpris tout le monde avec un premier album éponyme d’une grande classe. Au-delà de cette union artistique assez improbable de prime abord, les deux guitaristes s’étaient trouvés naturellement autour d’un Classic Rock moderne et forcément affûté, s’ouvrant même de belles perspectives. D’ailleurs, quelques mois plus tard sortait l’EP « Better days », puis une version augmentée l’année suivante de cinq titres live. Rien d’un one-shot donc, et c’est tant mieux !

L’impatience commençait à grandir depuis quelques temps accompagnée de nombreuses questions. Et dès la première écoute, on ne peut que se réjouir de voir nos deux virtuoses toujours aussi inspirés et créatifs. « Black Light / White Noise » apporte beaucoup de certitudes, à commencer par la plus éclatante : il existe une touche et un son SMITH/KOTZEN. Assez loin de leur chapelle respective (quoique l’Américain en ait plusieurs), le duo côtoie les sommets, s’appuie sur ses héritages et les fructifie avec talent.

Enregistré à Los Angeles, mixé par Jay Ruston et produit par les deux musiciens et chanteurs, ce deuxième opus fait briller cette alchimie anglo-américaine, qui transcende les courants sur de solides racines Hard Rock et Blues. Accompagné par l’excellente Julia Lage (femme de Kotzen) à la basse et Bruno Valverde d’Angra derrière les fûts, SMITH/KOTZEN a plus que belle allure et cette nouvelle odyssée musicale devient immédiatement familière (« Muddy Water », « White Noise », « Blindsided », « Black Light », « Life Unchained »). Eblouissant !

Retrouvez la chronique du premier album et de « Better Days… And Nights » :

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Classic Hard Rock Rock

Simon McBride : so british

Pas totalement personnel, « Recordings : 2020-2025 » offre un beau panel des goûts et surtout du talent de SIMON McBRIDE et permettra à qui ne le connaîtrait pas vraiment de mieux comprendre pourquoi il a été le choix de Deep Purple pour remplacer Steve Morse. Entre Rock, Classic Rock et Hard Rock, le guitariste a enregistré quelques inédits, en une seule prise et au studio Chameleon à Hambourg en Allemagne, en complément de reprises réinventées, qui ne laissent pas de doute sur ses influences et encore moins sur sa virtuosité.  

SIMON McBRIDE

« Recordings : 2020-2025 »

(earMUSIC)

En 2023, la carrière du musicien originaire de Belfast a pris un sacré tournant avec son intronisation au sein de Deep Purple et une implication conséquente sur « =1 », dernier et très bon opus en date de la légendaire formation. Cela dit, le parcours de SIMON McBRIDE est aussi assez éloquent. Compositeur, musicien et producteur, il signe ici son sixième album studio après avoir évolué au sein de Sweet Savage, Snakecharmer et aux côtés de Don Airey. Une carte de visite plus que conséquente et de haut vol.

Cette fois, l’Irlandais revient avec un disque un peu spécial, qui regroupe des enregistrements datant des cinq dernières années et même finalisés juste avant son arrivée chez Deep Purple. Composé de titres originaux et de reprises, « Recordings : 2020-2025 » résume plutôt bien la vision du Rock de SIMON McBRIDE et permet aussi de constater sa facilité à s’approprier à peu près tous les genres avec beaucoup de facilité. Pour autant, pas complètement caméléon, c’est essentiellement sa touche qu’on retrouve ici.

Après « The Fighter » en 2022, c’est donc un panorama plus Rock qu’il propose sur 15 titres, qui montrent une belle homogénéité. La production est assez sobre, mais le toucher est toujours aussi singulier. Nette et avec des accroches souvent Hard Rock, la fluidité de SIMON McBRIDE est un modèle du genre que ce soit sur les riffs ou les solos. Par ailleurs, c’est assez bluffant aussi de constater qu’il s’inscrive à ce point dans des sonorités ‘so british’, dans ses compositions comme dans le choix des reprises. Un bon moment !

Photo : Jim Rakete

Retrouvez la chronique de « The Fighter », celle du dernier album de Deep Purple et du coffret de Snakecharmer :

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Blues Rock Classic Rock

Ellis Mano Band : polymorphe

Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.

ELLIS MANO BAND

« Morph »

(SPV Recordings)

Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.  

Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.

Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément.  Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.

Photo : Tabea Hüberli

Retrouvez la chronique de leur précédent album live :

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Classic Rock Glam Rock International

Gyasi : glittin’ Rock [Interview]

En quelques années seulement et avec un nouvel album qui vient tout juste de sortir, GYASI s’est imposé comme un artiste à la fraîcheur outrancière. Bousculant les codes d’une scène Rock actuelle qui ne cesse de se cloner, l’Américain nous renvoie à une époque créative et insouciante, où la liberté d’explorer de nouveaux univers était presque la norme. Entre Classic Rock et Glam, le chanteur et guitariste se présente avec « Here Comes The Good Part », où il va encore plus loin dans la découverte de son propre monde. Forcément hors-norme, il a pourtant la tête sur les épaules et chaque nouveau disques se veut plus imaginatif que le précédent. L’occasion d’en parler et de revenir sur ce personnage insaisissable qu’il incarne avec beaucoup de classe et sans retenue.

– En mai dernier, tu avais sorti « Rock n’Roll Swordfight », ton premier album live. Lors de notre première interview, on avait justement parlé de cet esprit très ‘live’ qui t’animait. J’ai presque l’impression que cela s’est fait de manière très naturelle pour toi, même s’il arrive vite dans ta discographie. C’est aussi ton sentiment ?

Oui, ça s’est fait très naturellement. Sur scène, la musique devient vraiment quelque chose de vivant, qui respire et où chaque musicien contribue et interagit avec les autres et avec le public. Souvent, les concerts ne sont pas suffisamment bien enregistrés pour être publiés, donc le point de départ pour cet album était que nous ayons trois concerts enregistrés en multipiste, afin de pouvoir leur offrir un bon mix. C’était la condition sine qua none, juste avoir les enregistrements bien réalisés entre les mains. Ce que je voulais montrer, c’était comment beaucoup de chansons avaient changé et s’étaient développées au fur et à mesure que nous les jouions et que nous improvisions chaque soir en tournée. J’ai donc pensé que cela leur offrait une nouvelle perspective et qu’elles méritaient d’être publiées, même si c’était un peu tôt dans la discographie. Nous nous sommes juste dit, pourquoi pas ? Et on l’a fait !

– D’ailleurs, dans cet album live, tu nous avais dévoilé les morceaux « Cheap High », « Baby Blue » et « 23 ». Tout d’abord, aimes-tu tester tes chansons sur scène ? Et ensuite, est-ce que cela veut aussi dire que ce nouvel album était déjà prêt, du moins en partie ?

Oui, je pense que tester les chansons en live peut être utile. Parfois, cela les aide à devenir ce qu’elle doive être. D’ailleurs, nous avions joué une première version de « Sweet Thing » (qui ouvre le nouvel album – NDR) en live et il était évident qu’elle n’était pas encore terminée. Alors je suis allé la réécrire pour qu’elle soit telle qu’elle est sur le disque. Je pense souvent à la façon dont une chanson s’intégrera dans notre set live lorsque j’écris. Donc si elle semble vraiment ajouter au flux du set, alors je la joue parfois en live avant même que nous l’ayons enregistrée. Ces trois chansons ont certainement été les premières écrites pour cet album. Je les avais en tête depuis un moment, et je les ai terminées l’année dernière quand j’ai eu un peu de temps.

– On te retrouve donc avec « Here Comes The Good Part », digne successeur de « Pronounced Jah-See ». Un petit mot sur le titre : est-ce que cela veut dire que le premier était une sorte d’essai ? Un premier jet pas forcément abouti, car ce n’est pas l’impression qu’il donnait ?

Non, je pense que le premier disque était déjà abouti. C’était certainement plus une introduction. Le titre de celui-ci est plus ludique et je voulais qu’il soit ouvert à l’interprétation. Quelle est la bonne partie ? Est-ce qu’on le sait quand on l’a trouvée ? C’est tellement subjectif. Chacun se fera sa propre idée…

– Ce nouvel album est co-produit avec Bobby Holland et ton empreinte musicale semble nettement mieux définie, comme si vous étiez allés dans vos derniers retranchements en explorant beaucoup plus de sonorités. C’est dû à une plus grande maîtrise, ou y avait-il des choses que tu t’étais peut-être interdites ou que tu n’avais pas osées sur le précédent ?

Un peu des deux. Pour moi, c’est la clef pour progresser. C’est le processus que j’aime le plus. Faire mon premier disque tout seul a été le déclic pour pouvoir faire celui-ci. Et faire celui-ci m’a également fait avancer en étant capable de faire ce que j’écris maintenant. J’explore et je me pousse toujours de manière créative. J’ai clairement exploré plus de sons sur celui-ci et Bobby Holland y a joué un rôle énorme. C’est un producteur et un ingénieur incroyablement talentueux qui m’a beaucoup aidé à traduire sur le disque ce que j’entendais dans ma tête. Avec lui, je me suis senti plus en confiance pour explorer des choses que je n’avais pas la capacité de réaliser dans ma chambre sur mon magnétophone huit pistes, comme arranger des cordes ou écrire au piano.

– Bien sûr, jouer du Glam Rock en 2025 renvoie forcément à l’âge d’or du style avec toujours les mêmes noms qui reviennent. Est-ce que ce n’est pas usant parfois d’entendre toujours les mêmes critiques, alors justement que ton jeu apporte vraiment du neuf ?

Oui, c’est fatiguant, mais je pense qu’au fil des albums, ma propre voix se solidifie. Sur chaque disque, je me demande toujours quelle est la partie qui me correspond le plus ou qui est la plus unique et comment je peux amplifier et explorer ça. Comme je suis capable de combiner mes différentes influences et de créer la musique que je veux, je pense que certaines de ces comparaisons vont se dissiper. D’un autre côté, la plupart des artistes qui sont mentionnés sont ceux que je considère comme le summum de la musique et de l’art. Donc, je suis souvent honoré d’être comparé favorablement.

– Pour rester sur le Glam Rock, vous êtes assez peu nombreux à en jouer aujourd’hui dans sa forme ‘classique’ en tout cas et en reprenant les codes du genre. Est-ce que tu te sens parfois étranger à la scène Rock actuelle, ou au contraire, cela t’ouvre beaucoup plus de portes que tu ne l’aurais pensé ?

Je me sens un peu étranger à la scène Rock actuelle, c’est vrai. Il y a beaucoup de nostalgie et peu de nouveautés qui semblent vitales et intéressantes au niveau de la création. Honnêtement, je me sens généralement plus connecté à ce que je vois se passer dans d’autres cercles que la scène Rock. Mon espoir est cependant de ramener un peu de cette vitalité créative au Rock et de le rendre passionnant et vital.

– L’impression immédiate que m’a donnée « Here Comes The Good Part » est que ta musique évolue en même temps que toi, ou que ton personnage au sens large à travers ton look notamment, et c’est précisément ce qui donne toute cette fraîcheur au disque. Est-ce que tu travailles, ou explores, ces deux facettes de manière simultanée et est-ce que l’une prend parfois le dessus sur l’autre ? Le look sur la musique, par exemple ?

Je pense qu’ils sont tous les deux en constante évolution. A mon avis, la musique vient en premier et que l’aspect visuel, c’est-à-dire le personnage, s’adapte ensuite à elle. J’élargis simplement mon univers à chaque album et donc il est amené à assumer de nouveaux rôles.

– Revenons à l’album et j’aimerais que l’on parle des arrangements, qui sont aussi nombreux que soignés. On y retrouve du piano et des cuivres, et ta guitare qui donne le ton. Est-ce que c’est un moyen de s’évader d’un Rock souvent brut et direct pour pouvoir exprimer plus d’émotions, notamment à travers des textes qui peuvent peut-être mieux respirer ?

Oui, je pense que la lumière et l’ombre sont nécessaires pour qu’une œuvre paraisse complète. J’aime aussi les surprises et, au fil d’un album, on a la possibilité d’emmener l’auditeur dans des lieux différents et de vivre d’autres émotions. C’est ce que j’aime dans l’expérience de l’album, le voyage que l’on peut faire au fil du disque. Je voulais avoir des couleurs différentes dans les arrangements pour que cela reste intéressant et surprenant et aussi pour lui donner une certaine ampleur émotionnelle.

– J’aimerais qu’on dise encore un mot sur ton look qui te donne beaucoup de relief à travers une personnalité finalement difficile à cerner. Est-ce une manière pour toi de te protéger, ou peut-être de te cacher derrière un personnage presqu’intouchable et qui ose tout ?

Oui, il y a vraiment beaucoup de ça. J’ai toujours aimé les ‘Rock Stars’ plus grandes que nature comme Little Richard, Mick Jagger ou David Bowie. C’est ce que je recherche chez un artiste, c’est pourquoi j’ai créé ce personnage pour cette musique, un personnage qui transmute la musique en un monde unique sur scène. Cela me donne la permission d’aller au-delà de ce que je pourrais être moi-même. Et cela me permet également de me libérer de tous les fardeaux de la réalité et d’entrer dans un nouveau monde avec des règles et des possibilités différentes. Et j’espère que ce monde touchera d’autres personnes et les transportera également ailleurs.

– Enfin, un petit clin d’œil au sujet de Nashville où tu résides depuis un moment déjà. Comment est-ce que cela se passe au milieu des cowboys et des cowgirls ? L’envie d’écrire un album de Country Music ne te titille pas encore ? 

(Rires) Non, pas encore ! Et c’est une voie que je ne pense pas emprunter de sitôt. La Folk ou le Blues des origines peut-être, mais la Country n’est pas vraiment dans mes cordes. Et il y en a beaucoup qui le font bien mieux que moi. Mais Nashville est un endroit formidable pour moi. J’ai trouvé tous mes groupes ici et il y a une scène musicale vraiment florissante, qui a un sens de la camaraderie que je n’ai trouvé nulle part ailleurs.

Le nouvel album de Gyasi, « Here Comes The Good Part » est disponible chez Alive Natural Sound.

Retrouvez la première interview de l’Américain…

… Et la chronique du précédent album live :