La voix est toujours savoureusement rauque, les guitares affûtées, les claviers ravageurs et le propos emprunt d’une terreur toute amicale. LORDI est un combo de grands enfants, qui n’essaie même plus d’effrayer, mais plutôt de rallier à sa cause, celle d’un Hard’n Heavy mélodique, un brin moqueur, nostalgique et terriblement efficace. « Limited Deadition » fait une fois encore une place de choix à des refrains entêtants et fédérateurs, le tout sur une belle et solide dynamique. Toujours aussi espiègles dans le propos, les Scandinaves n’ont pas leur pareil pour asséner avec vigueur un registre hyper-maîtrisé.
LORDI
« Limited Deadition »
(Reigning Phoenix Music)
Il faut remonter à 1992 pour entendre LORDI faire parler de lui pour la première fois. Trois décennies donc au service du Hard Rock, du Heavy Metal et du Metal en général, et rien ne lui résiste. Pour preuve, « Lordiversity », un coffret de sept albums sorti en 2021 et qui souligne à quel point sa tête pensante, Mr Lordi, aka Tomi Petteri Putaansuu, est une encyclopédie débordante de références forcément, mais aussi et surtout d’une créativité assez unique. Alors pour ce 19ème album, la première attente était de savoir dans quel style il allait cette fois évoluer sur ce « Limited Deadition », son univers étant si vaste et sans limite.
Et comme il y a toujours un thème sur chaque production de LORDI, un sorte de concept à lui tout seul, c’est dans le monde des jouets des 80’s qu’on le retrouve cette fois. Dans une espèce de magasin, dont on aurait sciemment fermé les portes pour laisser place au jeu… façon horrifique, bien entendu ! Et la bande-son de ce nouveau divertissement nous propulse il y a quarante ans, entre Hard Rock, Heavy Metal et Hard FM avec des refrains addictifs. Finalement, ne serait-ce pas là le véritable terrain de jeu des Finlandais ? D’une manière ou d’une autre, ils y reviennent toujours et s’y sentent tellement à leur aise.
Toujours très cinématographique, LORDI ne déroge pas à sa propre règle en parsemant ce nouvel opus de quelques interludes, qui viennent narrer ponctuellement ce nouveau scénario. Musicalement, on le retrouve dans un registre qu’il affectionne tellement et qui est même devenu sa marque de fabrique. L’ombre d’Alice Cooper plane toujours, même si petit à petit elle s’estompe un peu. De « Legends Are Made Of Clichés » à « Skelephant In The Room » en passant par « Killharmonic Orchestra », « Fangoria », « Retropolis » et le morceau-titre, les mélodies dominent entre riffs tranchants et solos voltigeurs.
Retrouvez l’interview de LORDI à l’occasion de la sortie du coffret « Lordiversity » :
Après avoir quitté la Californie pour Seattle, SERPENT RIDER a vu son line-up presque totalement remanié. Mais ce premier effort vient confirmer que sa volonté n’a pas changé et que c’est toujours dans un Heavy Metal vintage et épique chevillé au corps qu’il évolue avec de plus en plus d’assurance. Grâce à une chanteuse qui sort des habituelles prestations féminines du genre, le quintet ne vient pas révolutionner le style, mais y apporte tout de même une touche d’originalité tout en perpétuant un héritage bien assimilé.
SERPENT RIDER
« The Ichor Of Chimaera »
(No Remorse Records)
Tout d’abord sous la bannière de Skyway Corsair en 2015, la formation américaine a du se réinventer au fil des années et surtout suite à un déménagement de son fondateur de Los Angeles pour Seattle il y a quatre ans. Dès lors, le leader et guitariste rythmique Brandon Corsair s’est mis en quête de nouveaux musiciens qu’il n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à trouver. Cette nouvelle mouture de SERPENT RIDER (petit hommage à Manilla Road) sort aujourd’hui dans un registre entre un Heavy Metal assez épique et un Doom langoureux.
Désormais complété par R. Villar au chant, Brian Verderber à la basse, Drake Graves derrière les fûts et le dernier arrivé Paul Gelbach à la lead guitare, le groupe est au complet et « The Ichor Of Chimaera » est un premier album solide, gorgé de références multiples, bien mené et délivrant une saveur Old School directement inspirée des années 80. Cela dit, ce bond dans le temps n’empêche nullement SERPENT RIDER de se montrer original et d’avoir le mérite d’avoir son propre univers, bien aidé en cela par sa frontwoman.
Car elle est justement l’une des forces du quintet, grâce à une prestation vocale surprenante. Pas franchement Metal, mais plutôt Rock et très aérienne, elle parvient à nous guider dans les méandres de cet opus, où sa voix se fait même fantomatique sur certains titres. Une belle polyvalence qui permet à SERPENT RIDER de se mouvoir dans des ambiances variées. Outre un morceau-titre audacieux, on retiendra « Steel Is The Answer », « Matri Deorum », « Tyrant’s March » et le très sinueux « In Spring ». Une belle première !
C’est la passe de trois pour le combo le plus en vue de notre beau pays en termes de Hard FM et d’AOR avec une nouvelle et époustouflante réalisation, qui prend enfin la pleine mesure des grandes prédispositions de ses membres. Sur des lignes de chant entêtantes avec des refrains dévastateurs, des parties de guitares de haut vol et une vélocité globale intense, HEART LINE pousse le plaisir à son paroxysme avec une déconcertante facilité. « Falling Heaven » vient réveiller une scène qui renaît grâce à des formations de son calibre.
HEART LINE
« Falling Heaven »
(Pride & Joy Music)
Avec déjà deux albums à son actif et un EP de reprises en guise de gourmandise, HEART LINE surfe sur une belle dynamique et ce n’est certainement pas la sortie de ce troisième et vivifiant opus qui risque d’y mettre un frein. Bien au contraire, « Falling Heaven » vient solidifier l’assiste prise par les Bretons depuis leurs débuts. En quatre années seulement, ils ont laissé exploser leur talent, leur complémentarité, leur expérience et leur créativité dans un style auquel ils sont totalement dévoués, un Hard FM très fédérateur.
Ce qu’il y a de plus frappant sur « Falling Heaven », c’est cette touche et ce son qui sont aujourd’hui immédiatement identifiables. HEART LINE s’était jusqu’ici contenté de laisser quelques indices sur ses morceaux, et voilà que son identité musicale jaillit comme une évidence. La guitare, bien sûr, en parfait équilibre avec les claviers, le groove d’une paire basse/batterie au diapason et une voix qui porte avec autant de puissance que de mélodie, la recette paraît simple et le résultat est éclatant de vérité.
Et cette fois, l’ensemble est aussi plus musclé et plus compact. HEART LINE joue sur une spontanéité avec un côté rentre-dedans qui lui va si bien. Les riffs accrocheurs s’enchaînent avec un enthousiasme palpable, tout comme les solos qui rivalisent d’ingéniosité sans être trop démonstratifs. Caractérisé par une belle audace, « Falling Heaven » exalte et exulte. Alors, même si le genre reste toujours confidentiel dans l’hexagone, une chose est sûre : si nul n’est prophète en son pays, HEART LINE pourrait bien être notre nouveau messie.
Très feutrée et avec une légèreté singulière, la musique de THE DELINES est une sorte de nectar reposant dans un écrin brillant de mille feux. Quand la technique se met au service du talent et de l’intelligence du songwriting, ce sont les mélodies qui jaillissent comme un ravissement. Porté par la voix incroyable d’Amy Boone, les Américains sont les artisans d’une Soul très variée, qui se nourrit de nombreux courants. Et dans le domaine, le quintet excelle avec un naturel déconcertant.
THE DELINES
« Mr. Luck & Ms. Doom »
(Decor Records)
Il y a des rencontres qui sont aussi évidentes que nécessaires. Et celle entre la chanteuse Amy Boone et l’auteur-compositeur et guitariste Willy Vlautin fait partie de ces unions musicales qui débouchent sur de très belles choses. Remarquablement complété par Sean Oldman (batterie), Freddy Trujillo (basse) et Cory Gray (claviers, trompette), THE DELINES évolue dans un registre assez unique, où l’Americana rejoint la Soul, la Folk avec un léger voile d’Alt-Country et le tout dans une finesse inouïe.
Deux ans après « The Sea Drift », la formation de Portland dans l’Oregon qui a fait émerger tant d’artistes de renom, livre son quatrième album complet et sa sixième réalisation au total. Littéralement happé par la voix envoûtante de sa frontwoman, THE DELINES dépeint une vision de l’Amérique plutôt douce amère. Tout en émotion et avec beaucoup de délicatesse, « Mr. Luck & Mrs. Doom » dresse autant de tableaux souvent désespérés, mais dans lesquels la douceur des cuivres se fait lumineuse.
Ecrivain reconnu avec sept romans à son actif, dont trois ont été portés à l’écran, et auteur de onze albums avec Richmond Fontaine, Willy Vlautin a trouvé en Amy Boone l’interprète parfaite pour ses chansons qui sont de véritables mini-scénarios. Et c’est vrai que l’aspect narratif à l’œuvre chez THE DELINES est franchement saisissant (« Her Ponyboy », « There’s Nothing Down The Highway », « Don’t Miss Your Bus Lorraine », « Left Hook Like Fraizer », « Maureen’s Gone Missing »). Un disque d’une beauté renversante.
Tirant son nom d’un morceau de 1975 de Grand Funk Railroad, MEAN MISTREATERannonce à sa manière la couleur concernant, si ce n’est l’époque, du moins ses inspirations concernant le Heavy Metal dans lequel il évolue. Pas complètement proto-Metal non plus, la formation du Sud des Etats-Unis livre un brûlant mix entre des dynamiques très 80’s venant d’Europe et d’autres directement de son pays, et avec la volonté d’afficher le respect d’une tradition toujours aussi passionné. Intense et électrisant, « Do Or Die » avance sur un train d’enfer.
MEAN MISTREATER
« Do Or Die »
(Dying Victims Productions)
Aussi bouillonnante soit-elle, la scène Heavy Metal mondiale ne produit pas forcément des groupes à même de renouveler, ou tout au moins d’apporter une touche originale à un genre né dans les années 80 et qui doit beaucoup à cette légendaire NWOBHM. Mais ils sont quelques uns et c’est de l’autre côté de l’Atlantique, du Texas, que vous vient MEAN MISTREATER. S’il remplit toutes les cases des incontournables atouts à posséder et des codes à respecter, le quintet va au-delà, grâce surtout à une rage et une vraie folie musicale baignant dans un ambiance vintage saillante.
Il y a moins de deux ans, le groupe était apparu avec « Razor Wire », sorte de prémisse à ce qui allait suivre aujourd’hui, « Do Or Die » se veut beaucoup plus abouti, tant dans les compositions à l’écriture chiadée qu’au niveau de la production. Certes, ce deuxième opus n’a rien à voir avec ce qui se fait à l’heure actuelle en termes de sonorités, mais cela ne l’empêche pas d’être parfaitement ancré dans son époque. Brut et incisif, c’est sur la puissance de son jeu que MEAN MISTREATER a misé et il est loin de manquer de ressources et de (très bonnes) idées.
Resserré sur moins d’une demi-heure, le voyage que propose le combo d’Austin n’est pas de tout repos. Très américain dans son approche du Metal, il peut compter sur sa frontwoman, Janiece Gonzalez, qui n’est pas sans rappeler une certaine Leather Leone ou la Doro de Warlock avec cette hargne et ce côté hyper-Rock. La doublette guitaristique se fait aussi plaisir, redoublant d’efforts sur les échanges de solos et de riffs racés. La paire basse/batterie montre les muscles et MEAN MISTREATER laisse clairement apparaître une belle idée d’un collectif percutant.
Vintage ou Old School, le Heavy Metal des années 80 est, qu’on le veuille ou non, éternel et malgré les décennies qui passent, le style est tout sauf ridé. Au contraire, il retrouve un nouveau souffle depuis quelques temps déjà, près de 50 ans après son éclosion. Les Basques de SINNER RAGE s’inscrivent dans cette énergie-là et, surtout, ne présentent pas la moindre trace de nostalgie. C’est plutôt d’allant et fougue dont il est question sur « Powerstrike », qui vient ouvrir une discographie qu’on espère longue, tant elle est ardente.
SINNER RAGE
« Powerstrike »
(Dying Victims Productions)
Au coeur du Pays Basque espagnol, SINNER RAGE fait résonner son Heavy Metal depuis à peine deux ans et se présente aujourd’hui avec un premier album, « Powerstrike ». Affichant beaucoup de personnalité et un style qui va puiser autant dans le Metal européen qu’américain, il avait déjà offert un single deux titres début 2024, histoire probablement de signaler sa venue. Une arrivée cette fois avec les formes et un opus qui va réjouir les fans de la NWOBHM comme les nostalgiques de Dokken et de Stryper, voire de Queensrÿche, Accept et Crimson Glory. Un mix savamment dosé et surtout très bien équilibré et solide.
Rangés derrière leur leader et chanteur Aritz Martinez, les musiciens de SINNER RAGE surfent sur une vague 80’s, très en vogue depuis quelques temps et lorsque l’inspiration et le savoir-faire font cause commune, l’ensemble est savoureux et d’une belle fraîcheur. Car il n’est pas question pour la formation ibérique de donner dans le réchauffé et, même si elle s’inscrit dans les pas de leurs glorieux aînés, elle se montre originale, fougueuse et détentrice d’un répertoire personnel où l’on retrouve sa patte au fil des morceaux. « Powerstrike » est très homogène, sauvage et aussi entraînant que mélodique. Et ça cogne comme il faut !
Bien produit, ce premier effort montre de belles combinaisons dans les rythmiques comme sur les solos où le duo mixte composé de Jara Solis et Aritz Yarza prend le soin de ne pas se disperser. Vocalement aussi, si son frontman s’inspire d’un Rob Halford ou d’un Geoff Tate des belles années, l’accent est aussi mis sur les chœurs, rendant les refrains très fédérateurs. SINNER RAGE prête donc allégeance à un style intemporel, qu’il régénère habillement, avec des chorus bien sentis et une belle dynamique (« Highway Nights », « Chained By Night », « Angel Of Combustion », « Dangerous Attraction » et le morceau-titre). Raffiné et costaud !
Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.
– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?
Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.
– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?
Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.
– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?
Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.
– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?
L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.
– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ?
Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.
– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?
C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.
– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?
Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.
– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ?
Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.
– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?
J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.
– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?
Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.
Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.
Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).
Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :
C’est en montrant beaucoup de caractère que les Scandinaves font un retour fracassant six ans après « Panoptical », qui leur avait valu une belle reconnaissance. Un changement de label et une direction musicale qui sonne plus européenne plus tard, et revoici DAYS OF JUPITER renforcé dans ses certitudes et affichant avec « The World Was Nerver Enough » une belle force de frappe. Sans négliger une identité artistique basée sur les émotions, le combo nordique se montre vif et solide sur un disque dense et très soigné.
DAYS OF JUPITER
« The World Was Never Enough »
(Reigning Phoenix Music)
En 15 ans d’existence, DAYS OF JUPITER peut se targuer de mener un parcours sans faute et qui mériterait même une reconnaissance à l’international plus conséquente. Depuis « Secrets Brought To Life », son premier opus sorti en 2012, le groupe a fait évoluer son Hard Rock moderne vers un Alternative Metal très actuel et pêchu. Pour son cinquième album, il a confié la production à Peo Hedin, lequel a réalisé un travail précis pour mettre en valeur des compositions abouties qui naviguent dans des ambiances variées.
Comme souvent, les Suédois soufflent le chaud et le froid entre titres puissants et massifs et ballades plus mélancoliques. DAYS OF JUPITER parvient à maintenir l’équilibre et donne surtout une forte impression de vélocité. Très en verve, les deux guitaristes donnent le ton sur des riffs racés et tranchants et apportent beaucoup d’explosivité aux morceaux (« Original Sin », « Machine »). L’énergie brute qui se dégage de « The World Was Never Enough » doit énormément à leur complicité et leur talent.
Egalement irréprochable, la rythmique prend littéralement d’assaut des nouveaux morceaux et donne encore un peu plus d’envergure à l’ensemble. De son côté, Jan Hilli offre une prestation vocale implacable. Accrocheur et fédérateur, DAYS OF JUPITER ne fait pas dans la demi-mesure, ce qui devrait se sentir prochainement sur scène. Intense, ce cinquième effort est aussi technique qu’entêtant et aussi Metal que Rock (« The Fix », « Parazite », « My Heaven My Hell », « Ignite » et le morceau-titre). Enthousiasmant !
Volontaire et ténébreux, PLAGUE OF STARS s’est sans doute nourri de la période pandémique pour créer son nouvel opus. A la fois très rentre-dedans et jouant sur des instants plus délicats, le groupe livre un disque complet et célèbre du même coup l’arrivée derrière le micro de Liz Ziegler, qui n’a pas mis très longtemps à trouver ses marques. Vocalement captivante, elle mène ces nouveaux morceaux avec aplomb et beaucoup de force. « Extinction » sort déjà du lot grâce un Metal sombre et super-efficace.
PLAGUE OF STARS
« Extinction »
(Wormholedeath Records)
C’est du côté de Minneapolis, Minnesota, que PLAGUE OF STARS a éclot en 2012 et surtout en 2014 avec la sortie de « When Morning Came », un premier opus qui allait lancer une sorte de quête d’un Metal presqu’absolu entre Doom, Gothic et aux saveurs Black et Heavy. Composé de musiciens expérimentés, le quintet sort aujourd’hui son troisième album studio, auquel il faut ajouter un live (« Virtual Live » en 2021) et un single il y a trois ans. Ce dernier marque d’ailleurs l’ultime prestation de son ancienne chanteuse, Melissa Ferlaak.
Car, c’est dorénavant Liz Ziegler qui a pris les rênes du chant chez PLAGUE OF STARS, et qui parvient dès son arrivée à imposer sa patte et un registre clair et puissant. Pas de hurlements, ni de grognements, ce qui rend ce nouvel album sans doute plus percutant, notamment au niveau des textes, qui restent dans une veine très sombre. « Extinction » révèle donc sa nouvelle frontwoman, laquelle offre d’ailleurs un très bon duo avec celle qu’elle remplace désormais sur le morceau-titre, un geste de grande classe pour un titre détonnant.
Après la courte intro (« Akerra »), « Vain » nous propulse dans un Metal musclé, vif et massif. Tout en restant mélodique, PLAGUE OF STARS frappe fort en distillant une ambiance apocalyptique savamment constituée d’influences diverses qui se retrouvent sans mal. De « False Reality » et son petit côté symphonique au percutant « Sentinels », en passant par le plus éthéré « Shift » et jusqu’à « Akelarre », qui clot ce nouvel effort en réponse à l’intro, les Américains frappent fort, évitent toute répétition et jouent sur une originalité exemplaire.
La pandémie a eu l’effet de mettre WOLVESPIRIT sur les nerfs. Et la formation germanique en a profité pour se défouler, lâcher son ressenti et mettre les choses au clair sur sa nouvelle production. En effet, « Bullshit » traite de désinformation, de réalités parallèles et de son désir de s’en extraire. Musclé et fracassant, ces nouveaux titres sentent la poudre et, même s’ils sont toujours mélodiques, ils font l’effet d’une belle bagarre en règle. Une vraie tornade Hard, Metal et Stoner Rock pour le moins ravageur.
WOLVESPIRIT
« Bullshit »
(Spirit Stone Records)
Avec un tel titre, on pouvait difficilement faire plus explicite et c’est justement tout ce qui fait le charme du quintet allemand, qui ne manque jamais une occasion de se faire remarquer. Pour la petite histoire, WOLVESPIRIT a vu le jour en 2009 du côté de la Bavière sous l’impulsion des frères Eberlein, Richard et Oliver, rejoints par la chanteuse américaine Deborah ‘Debbie’ Craft. Basé sur un Hard Rock robuste mâtiné de Classic Rock et surtout de Stoner cette fois-ci, l’ensemble est explosif.
Il faut aussi rappeler que le groupe a fondé son propre label après avoir claqué la porte de Sleaszy Rider Records un an tout juste après la sortie de son premier effort. Il était simplement mécontent du travail fourni. Il y a donc du caractère chez WOLVESPIRIT et également dans sa musique. Et « Bullshit » va dans ce sens et suit le chemin tracé depuis le début, c’est-à-dire axé sur des riffs costauds, une rythmique en béton et surtout une frontwoman à la voix puissante et hyper-Rock’n’Roll.
Musicalement, le combo sort l’artillerie lourde dès « Titanium », qui ouvre les hostilités, suivi de « Robots » et du morceau-titre. L’entrée en matière est massive et la chanteuse donne de la voix de manière presque frénétique. Ce nouvel opus est probablement le plus ambitieux de WOLVESPIRIT qui part chasser sur des terres Stoner Rock, sans négliger ses racines Hard Rock et assez classiques (« Fire », « Starborn », « Screaming », « 666 »). Un brûlot sauvage et flamboyant mené de main de maître.